ÉLIMINATION DES CADAVRES D'ANIMAUX
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 109, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la
collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs
et modifiant le code rural. [Rapport n° 131 (1996-1997).].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis la déclaration du ministre
de la santé britannique, au mois de mars dernier, sur la possible transmission
de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, à l'homme, le Gouvernement a
été amené à prendre une série de mesures pour apporter aux consommateurs toutes
les garanties nécessaires en matière de santé publique et de sécurité
alimentaire.
Nous avons appliqué avec la plus grande rigueur le principe de précaution.
Nous fondant, notamment, sur les recommandations et les préconisations du
comité d'experts présidé par le professeur Dominique Dormont, nous avons pris,
le 28 juin 1996, un arrêté interdisant l'introduction de certains produits, à
savoir les cadavres d'animaux et les saisies sanitaires d'abattoirs, dans la
chaîne alimentaire et rendant obligatoire leur incinération.
Ce projet de loi, relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres
d'animaux et des déchets d'abattoirs, tire les conséquences sur le plan
économique de cette décision.
Cette décision a en effet une double conséquence : sur le plan financier,
d'abord, les coûts liés à l'activité d'équarrissage se trouvent augmentés du
fait de la nécessité de procéder à la destruction des produits concernés ; sur
le plan économique, ensuite, la suppression de la valorisation des déchets et
la nécessité de les détruire rendent caduques les dispositions de la loi du 31
décembre 1975 sur l'équarrissage.
Cette loi, vous le savez, prévoyait que l'équarrisseur détenait sur un
périmètre donné le monopole de la collecte et du traitement des cadavres et des
déchets d'abattoirs. En contrepartie de ce monopole, il assurait la gratuité du
service. Le système s'équilibrait financièrement par la valorisation des
produits issus de ces déchets.
Le projet de loi qui vous est présenté a donc pour objet, sans modifier les
dispositions sanitaires existantes, de poser les principes nécessaires à une
organisation durable du secteur de l'équarrissage.
Le projet initial du Gouvernement a donné lieu à un débat très riche et très
constructif à l'Assemblée nationale, qui l'a substantiellement modifié. Le
champ du service d'équarrissage a été étendu et les modalités de son
financement ont été intégrées dans le texte.
L'équilibre du projet qui vous est aujourd'hui soumis me paraît satisfaisant,
mais c'est un équilibre - je le souligne en préambule - extrêmement fragile.
Le projet prévoit, tout d'abord, la création d'un service public. La collecte
et l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs reconnus
impropres à la consommation humaine et animale constituent en effet une mission
de service public du fait de leur importance pour la protection de la santé
humaine et animale ainsi que pour la protection de l'environnement.
La répartition uniforme sur le territoire national des cadavres d'animaux, de
toutes origines et de toutes espèces, ainsi que la nécessité de les éliminer
pour des raisons sanitaires évidentes imposent la mise en place d'un service
public gratuit.
L'extension de ce service aux déchets d'abattoirs reconnus impropres à la
consommation humaine et animale permet de garantir la cohérence et la fiabilité
du circuit d'élimination des produits dont la seule destination possible est
l'incinération.
Par ailleurs, l'existence d'un seul et même circuit d'élimination facilitera
les contrôles.
Le projet de loi apporte, ensuite, une clarification des conditions
d'élimination des déchets des entreprises.
L'élimination, dans le respect de la réglementation sanitaire, des autres
déchets, qui sont potentiellement valorisables, provenant des abattoirs et des
établissements de transformation relève de la responsabilité des opérateurs
économiques. Ces opérateurs pourront s'adresser à des établissements agréés ou
traiter eux-mêmes ces sous-produits si leurs installations disposent des
agréments requis.
L'ouverture à la concurrence pour le traitement des sous-produits et la
délimitation précise du champ du service public ont, bien entendu, pour
conséquence la suppression du monopole confié à l'équarrisseur à l'intérieur de
chaque périmètre.
Cette loi, compte tenu des problèmes que nous connaissons, devra entrer en
vigueur dès le début de l'année prochaine, ce qui implique que les textes
d'application soient adoptés dès la validation de ce projet de loi par les
assemblées parlementaires. Le Conseil d'Etat sera donc saisi pour les textes
réglementaires dès l'adoption définitive du texte.
L'organisation pratique de la mission de service public sera confiée par voie
d'appel d'offres. Pour tenir compte des délais extrêmement courts dont nous
disposons, des appels d'offres ont d'ores et déjà été lancés. Dès l'entrée en
vigueur de la loi, le 1er janvier 1997, le nouveau système pourra donc être
opérationnel.
Il faut aller vite, car la mise en oeuvre d'un tel système au niveau national
représente une tâche considérable : sur la base de 400 000 tonnes de produits à
éliminer, nous devons mobiliser environ 700 millions de francs...
M. Emmanuel Hamel.
Sur quelle période ?
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
... par an
pour couvrir les besoins nationaux.
Il faudra mobiliser dès 1997 le financement nécessaire. Il convient de noter
que la mise en concurrence des opérateurs et l'adoption de nouvelles
technologies ont pour objectif de réduire les coûts de la mission
d'équarrissage.
La situation actuelle ne peut, de toute façon, plus durer. Depuis le début du
mois de juillet, la gestion de la phase transitoire est pour le moins
difficile.
M. René Régnault.
C'est vrai !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Aussi, comme
j'ai déjà eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises, je tiens à remercier
tous les élus qui ont contribué à mettre en place des solutions de financement
locales.
M. Bernard Piras.
Ce n'est pas facile !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Je le sais,
et c'est bien pourquoi je tiens à les remercier.
M. René Régnault.
Merci, monsieur le ministre !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Cela
m'amène, tout naturellement, à aborder le financement de ce futur service
public.
Dans une proposition initiale, le Gouvernement avait décidé de ne pas inclure
les modalités de financement dans ce projet de loi, préférant inclure dans la
loi de finances rectificative de fin d'année une taxe additionnelle à la
redevance sanitaire d'abattage, prélevée sur l'ensemble des viandes au niveau
des abattoirs.
Cette première proposition a suscité de vives réactions, mais a donné lieu
aussi à des suggestions de la part des opérateurs économiques concernés.
En effet, le niveau du prélèvement et son importance risquaient d'avoir des
incidences sur la compétitivité des entreprises du secteur. Il n'est pas
nécessaire que je développe davantage ce point à cette tribune ; vous avez, je
pense, compris ce que je voulais dire.
De plus, la répercussion risquait d'être forte sur le commerce de détail, qui
n'a peut-être pas les mêmes moyens de négociation que d'autres formes de
distribution.
L'article 1er A, voté par l'Assemblée nationale, prévoit la création d'une
taxe au niveau de la vente au détail des gros et moyens opérateurs. Celle-ci
porte sur le volume hors taxe sur la valeur ajoutée des achats de viande et
produits de viande.
Sont donc concernés tous les détaillants qui, pour tout ou partie de leur
activité, commercialisent de la viande, des abats, de la charcuterie, des
conserves de viande et des aliments pour animaux à base de viandes et
d'abats.
Afin de ne pas pénaliser le petit commerce, deux dispositions sont prévues.
D'abord, les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 2 millions
de francs hors taxe sur la valeur ajoutée sont exonérées. La plupart des
commerçants ne sont donc pas concernés, notamment les plus spécialisés d'entre
eux que sont les bouchers et les charcutiers artisanaux. La crise globale que
nous traversons est loin d'être sans conséquences sur leurs activités, que le
Gouvernement s'attache à soutenir.
M. Emmanuel Hamel.
Vous avez raison !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Ainsi, du
fait du plancher de 2 millions de francs, 88 % des boucheries et 78 % des
charcuteries artisanales seront exonérées.
Plus généralement, sur 81 000 entreprises normalement visées, 61 000 ne seront
pas concernées.
Pour les entreprises assujetties - celles dont le chiffre d'affaires dépasse
donc 2 millions de francs hors taxe - la taxe sera plafonnée à 0,6 % jusqu'à
1,5 million de francs d'achats et à 1 % au-dessus de 1,5 million de francs
d'achats.
Cette taxe, dont je viens de décrire les modalités, devrait permettre de
mobiliser 700 millions de francs - soit le chiffre que j'ai évoqué tout à
l'heure - qui seront gérés par le centre national pour l'aménagement des
structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Ce dispositif a fait l'objet d'une longue discussion à l'Assemblée nationale.
Il doit nous permettre tout à la fois de disposer des ressources pour assurer
le service public de l'équarrissage, de préserver la compétitivité des
entreprises du secteur de la viande à l'intérieur de l'Union européenne et
d'exonérer les petits commerçants.
Tel est l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut aller vite,...
M. René Régnault.
Absolument !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
... car il
est indispensable que nous sortions de la situation transitoire dans laquelle
nous nous trouvons et que, de façon définitive, le nouveau service public de
l'équarrissage puisse oeuvrer à compter du 1er janvier 1997.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Roger Rigaudière,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la production
nationale de viande est passée, de 1970 à 1995, de 3,4 millions de tonnes à
plus de 5,3 millions de tonnes et la consommation courante par habitant de 74,3
kilogrammes à 100 kilogrammes.
Naturellement, cette hausse de la consommation a entraîné une augmentation de
la production d'animaux destinés à l'alimentation, ce qui ne va pas sans causer
quelques problèmes, notamment au regard de l'environnement.
C'est dans ce cadre qu'agissent les industriels de l'équarrissage ; ils
assurent, par leurs actions, un service de salubrité et de santé publiques.
Cette activité se subdivise en deux missions distinctes.
La première mission consiste en la collecte des cadavres d'animaux et en leur
destruction. C'est l'un des moyens de lutter contre le développement des
épizooties. Peu confiant dans la capacité de chaque propriétaire à faire
disparaître dans des conditions satisfaisantes le corps des bêtes mortes sur
l'exploitation, le législateur a, en 1975, choisi d'instituer un monopole de
ramassage des cadavres d'animaux et d'en réserver l'exploitation aux
établissements d'équarrissage.
La seconde mission consiste dans le traitement des déchets d'abattoirs et de
viandes avariées. L'ensemble de ces produits fait d'ailleurs l'objet d'une
transformation et d'une valorisation en fonction des débouchés existant sur les
marchés des cosmétiques et de l'alimentation animale.
Ces activités constituent les deux branches d'une même mission d'utilité
publique définie par la loi n° 75-1336 du 31 décembre 1975 codifiée aux
articles 264 et suivants du code rural.
Depuis lors, cette activité d'équarrissage, peu connue du public, a connu une
évolution économique souvent très défavorable en raison du faible rendement des
produits finis obtenus et des difficultés de son financement en période de
crise. Ce secteur de l'équarrissage exerce d'ailleurs ses activités dans un
cadre juridique très rigoureux et son économie se caractérise à la fois par une
grande intensité capitalistique et des situations de quasi-monople ainsi que
par des techniques industrielles très spécifiques.
Des événements survenus au début des années quatre-vingt-dix ont contribué à
accentuer les difficultés qui pèsent sur l'organisation de l'équarrissage telle
qu'elle résulte de la loi du 31 décembre 1975.
Il s'agit, en premier lieu, de l'adoption de plusieurs textes d'origine
communautaire qui étendent le champ de l'activité d'équarrissage aux petits
animaux et imposent le traitement de produits qui étaient jusqu'à présent
laissés en dehors du domaine couvert par la loi.
En deuxième lieu, l'arrêt de la vaccination contre la fièvre aphteuse suppose
que l'on se dote d'une capacité de réaction en cas de survenance d'un foyer qui
pourrait nécessiter la destruction, en grand nombre, de cadavres d'animaux
atteints d'une affection, très contagieuse, dont il faut éviter la
dissémination. Le développement récent de foyers de fièvre aphteuse en Europe
centrale incite, par ailleurs, à une grande vigilance pour ce qui est de ces
phénomènes.
Enfin, la sensibilité croissante des consommateurs à l'égard de la protection
de l'environnement crée, au même titre que les impératifs techniques des
industriels de l'abattage et de la transformation des viandes, de nouvelles
contraintes.
C'est cependant la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, qui
a été le véritable déclencheur du séisme qu'a connu l'équarrissage en 1996.
A la suite des événements survenus depuis le mois de mars 1996, qui sont
analysés de manière détaillée dans le rapport pour avis de notre collègue M.
Pluchet sur les crédits du ministère de l'agriculture pour 1997, le
Gouvernement français a été amené à prendre un certain nombre de mesures. Entre
autres, un arrêté en date du 28 juin 1996, pris conformément aux
recommandations du comité scientifique présidé par le professeur Dormont, a
interdit aux équarrisseurs de transformer en farines de viandes les cadavres et
les saisies d'abattoirs.
Dès lors, la loi de 1975 qui régit cette activité est devenue inapplicable.
En effet, il devient impossible de demander à des industriels, d'une part,
d'assurer gratuitement une mission d'utilité publique, relativement coûteuse,
qui ne permet plus de dégager par la valorisation des produits un minimum de
bénéfices et, d'autre part, de stocker, transporter et insérer des farines de
viandes dites « à risque ».
A ce propos, je me permettrai, si vous m'y autorisez, monsieur le président,
de faire circuler parmi vous un sachet contenant des farines de viandes que je
me suis procuré la semaine dernière lors d'une visite effectuée dans une
société d'équarrissage de l'Aisne.
(Un huissier fait circuler le sachet parmi les sénateurs présents dans
l'hémicycle.)
M. Félix Leyzour.
On peut les consommer ?
(Sourires.)
M. le président.
Vous semez le trouble dans cette assemblée, monsieur le rapporteur.
M. Roger Rigaudière,
rapporteur.
Ces farines sont traitées dans le plus strict respect des
normes communautaires, c'est-à-dire à 133 degrés Celsius, avec une pression de
trois bars pendant vingt minutes. Alors que vous avez eu le courage, monsieur
le ministre, en raison des incertitudes pesant sur les caractéristiques du
prion, de prendre la précaution de les destiner à l'incinération, les farines
produites en Europe sont, elles, encore destinées à la consommation animale.
Encore une fois, la France apparaît en tête dans la protection de la santé et
de la salubrité publiques. Il y a là, monsieur le ministre, une distorsion
inadmissible dans l'application des règles de santé publique au sein de l'Union
européenne. La très récente proposition de la Commission européenne relative à
l'interdiction des tissus d'origine bovine et ovine dans toutes les chaînes
alimentaires tant humaines qu'animales est, en ce moment, soumise, d'après les
informations dont je dispose, à l'examen du conseil des ministres de
l'agriculture. J'en profite, monsieur le ministre, pour vous féliciter à
nouveau de la façon dont vous avez su gérer au quotidien cette crise de l'ESB,
vous assurant du plus strict respect des règles relatives à la santé sans
ignorer pour autant les contraintes qui pèsent sur nos agriculteurs.
Ainsi, après la mise en place de mesures conjoncturelles prises par le
Gouvernement, et ce jusqu'au 31 décembre 1996, il était nécessaire de réformer
l'organisation de l'activité de l'équarrissage.
Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, qui a été
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, a pour premier
objectif d'affirmer la spécificité de service public de cette activité
d'équarrissage, en raison de son importance en termes de santé et de salubrité
publiques.
Le projet de loi prévoit ainsi une scission entre, d'une part, le nouveau
service public de l'équarrissage, dont ne relèveraient que les catégories des
cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs et, d'autre part, les activités
purement privées d'élimination des déchets d'abattoirs et des établissements de
transformation.
Le second objectif de ce texte est de maintenir un service gratuit, notamment
pour les collectivités amenées à ramasser les animaux sur la voirie, pour les
éleveurs qui, avec la perte d'un animal, subissent un réel préjudice, et pour
les abattoirs, qui ne sauraient supporter la totalité des coûts des saisies et
des déchets.
Ce projet de loi redéfinit les principes nécessaires à une organisation
pérenne du secteur de l'équarrissage. Il comprend, pour ce faire, quatre
articles.
Le premier a trait au financement du service public de l'équarrissage ; il
substitue au mécanisme de la taxe additionnelle à la taxe à l'abattage, prévu
initialement dans le projet de loi de finances rectificative, celui d'une taxe
portant sur le volume des achats mensuels de viandes et de produits
assimilés.
Le deuxième article, regroupant l'essentiel des dispositions du projet de loi,
tend à modifier les conditions d'exercice de l'activité d'équarrissage, dans le
cadre d'une refonte du chapitre II du titre IV du livre II du code rural, en
instituant un service public de l'équarrissage défini à l'article 264 nouveau
du code rural, alors que la loi de 1975 faisait état d'un « service d'utilité
publique ». Il exclut par ailleurs du domaine d'application de ce service
public le traitement des déchets dits « à bas risque ».
Le troisième article, introduit sur l'initiative de l'Assemblée nationale,
prévoit un suivi chiffré de ce service public de l'équarrissage.
Enfin, le quatrième article tend à modifier la rédaction du code rural sur les
peines applicables aux infractions à la législation sur l'équarrissage.
La commission des affaires économiques, consciente de l'urgence qu'il y a à
traiter ce problème de l'équarrissage, vous propose d'accueillir favorablement
ce projet de loi, notamment après les modifications adoptées par l'Assemblée
nationale, et ce pour trois raisons essentielles.
Tout d'abord, la crise de l'ESB et les mesures prescrites ayant rendu depuis
quelques mois le dispositif législatif de 1975 inapplicable, il est urgent de
donner de nouvelles règles à ce secteur d'activité afin de mettre un terme à
cette situation de crise.
En outre, l'affirmation d'un service public de l'équarrissage permet de donner
à cette activité sa véritable dimension en termes de santé et de salubrité
publiques. L'exclusion du traitement des déchets à bas risque paraît conforme
au souci de ne pas renforcer la situation de monopole existant actuellement.
Enfin, le volet financier adopté par l'Assemblée nationale, s'il n'est pas
idéal, est sans doute le moins mauvais que l'on puisse aujourd'hui envisager.
En effet, il était prévu, à l'origine, de créer une taxe additionnelle à la
redevance sanitaire d'abattage. Ce mécanisme risquait d'entraîner une mise à
contribution trop importante des abattoirs et une pression à la baisse des prix
payés aux éleveurs, déjà lourdement pénalisés par la mévente. En outre, sauf
disposition contraire, elle aurait frappé aussi les produits exportés.
Le choix d'une taxe assise sur le volume d'achats mensuels, hors taxe sur la
valeur ajoutée, de viandes et de produits assimilés permettra de répartir sur
la quasi-totalité de la consommation de viandes le coût du service public de
l'équarrisssage.
La commission des affaires économiques vous proposera, en premier lieu, de
relever le seuil d'exonération de cette taxe à 2,5 millions de francs hors taxe
sur la valeur ajoutée, ce qui permettra ainsi aux boucheries, aux charcuteries
artisanales et aux épiceries, notamment à celles qui sont situées en zones
rurales, d'être exonérées. Ainsi, plus de 92 % des boucheries-charcuteries, 87
% des charcuteries artisanales et 87 % des épiceries pourront bénéficier de
l'exonération. Je précise que ces chiffres sont issus des répertoires des
métiers et sont globalement confirmés par l'OFIVAL, l'office national
interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que ce point a fait l'objet d'importants
débats au sein de la commission. Néanmoins, cette dernière n'a pas jugé
opportun de relever davantage ce seuil d'exonération. Une telle mesure
conduirait, en effet, à réduire la masse imposable et donc à augmenter de
manière plus importante le taux de la taxe à l'achat. Lors des seize auditions
auxquelles j'ai procédé, certaines personnes ont cependant souligné les
difficultés que pourrait poser cette nouvelle taxe, notamment en ce qui
concerne la définition de son assiette et ses modalités de recouvrement. Des
amendements tendant à relever le seuil d'exonération ont d'ailleurs été
déposés, sur lesquels votre avis, monsieur le ministre, nous sera
particulièrement précieux.
En deuxième lieu, la commission des affaires économiques vous proposera
d'adopter un amendement permettant aux entreprises relevant de cette imposition
en raison de leur chiffre d'affaires de ne pas être soumises à cette taxe si
elles achètent, mensuellement, moins de 10 000 francs, hors taxe, à la valeur
ajoutée, de viandes ou produits assimilés.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques souhaite obtenir,
monsieur le ministre, un certain nombre de précisions, et ce sur plusieurs
points.
Premièrement, en raison du délai nécessaire à la mise en place du nouveau
dispositif, quelles sont les mesures que vous comptez prendre dans les tout
premiers mois de 1997 pour financer ce service public afin d'éliminer les
stocks de farines existants ? Il est bien entendu hors de question que le
système mis en place durant le dernier semestre de 1996 perdure.
Deuxièmement, la liste des viandes et produits visés dans le projet de loi
risque de susciter de nombreuses interprétations. Il serait ainsi nécessaire
que les textes d'application soient des plus clairs. Pouvez-vous, monsieur le
ministre, nous donner quelques indications sur les produits qui sont
effectivement concernés par cette taxe ? Permettez-moi de prendre un exemple :
l'article 1er A du projet de loi inclut dans l'assiette de la taxe les
conserves de viandes ; mais à partir de quel pourcentage de viande cette taxe
sera-t-elle perçue ?
Troisièmement, la commission des affaires économiques souhaite avoir
l'assurance que le bilan chiffré et détaillé du coût du service public de
l'équarrissage prévu à l'article 1er
bis
sera effectivement présenté au
Parlement.
Quatrièmement, la commission a pu constater avec satisfaction que le délai de
remise des appels d'offres a été repoussé au 18 décembre afin de permettre à
tous les partenaires de cette industrie de pouvoir répondre dans des conditions
satisfaisantes. En outre, la durée du contrat liant l'Etat et ses
cocontractants est fixée, pour commencer, à une année. Ainsi, la mise en
concurrence pourra s'exercer à nouveau, et ce dès la fin de 1997.
Cependant, plusieurs éléments méritent un éclaircissement.
Quelle est en effet, monsieur le ministre, la capacité d'intervention de
l'Etat en cas d'appel d'offres déclaré infructueux en raison de l'absence de
réponse ?
De même, quelle est votre marge de manoeuvre dans le cas où une seule société
répondrait en fixant des prix prohibitifs ? Ce pourrait être, par exemple, le
cas dans des zones d'élevage extensif.
Il ne faudrait pas que les bonnes intentions du Gouvernement conduisent à
renforcer une industrie déjà caractérisée par une situation de monopole. Les
collecteurs et équarrisseurs indépendants jouent un rôle fondamental en matière
d'aménagement du territoire, aussi bien en termes de santé et salubrité
publiques que de maintien des emplois situés en zones rurales.
En conséquence, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous
soumettra, la commission vous proposera d'adopter ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vous méritez des applaudissements car vous avez innové
: si, à la tribune de l'Assemblée nationale, un rapporteur avait présenté des
sous-vêtements féminins, il ne les avait pas fait circuler dans l'hémicycle !
(Sourires.)
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a
fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats
qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en
cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
- Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
- Groupe socialiste, 25 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui
nous occupe et qui fait l'objet de ce projet de loi traite d'un problème
ancien. Mal connu du public pendant longtemps, il est devenu d'une grande
actualité et il se pose aujourd'hui en termes nouveaux.
Dans un premier temps, avec l'ESB, maladie dite de la vache folle s'est
trouvée posée, pour le grand public, la question de l'introduction de tous les
cadavres d'animaux dans les farines d'origine animale utilisées pour nourrir
les animaux, y compris les bovins.
Par ailleurs, des doutes sont apparus concernant la transmissibilité à l'homme
de la maladie par le prion de l'ESB. Doutes, puis inquiétudes ont été à
l'origine de la perte de confiance des consommateurs quant à la qualité des
produits qu'ils consommaient, notamment de la viande bovine, et de la
diminution de la consommation, qui est d'ailleurs intervenue dans une
conjoncture déjà marquée par la baisse des cours.
De baisses en chutes, cela a été une catastrophe pour les éleveurs. Les
problèmes demeurent. Nous ne sommes pas encore totalement sortis de la
crise.
Dans un deuxième temps, ce qui a fait la une de l'actualité dans les régions
d'élevage, se sont ajoutés des tensions à propos du stockage des farines
existantes ne pouvant plus être utilisées pour l'alimentation animale, et le
refus de certaines sociétés d'équarrissage de collecter les cadavres d'animaux
dans les fermes, avec tous les risques sanitaires encourus et les difficultés
que l'on imagine pour les éleveurs et les maires.
Comme je le disais à l'instant, le problème n'est certes pas nouveau. La loi
du 31 décembre 1975 - il semble bien que ce soit toujours en décembre que l'on
s'attaque au problème ! - en créant pour l'équarrissage un service d'utilité
publique avait permis de faire un pas en avant en matière de protection
sanitaire. Cependant, les entreprises d'équarrissage ont très souvent tenté de
faire valoir que les conditions économiques leur interdisaient une exploitation
normale de leur activité. Combien de fois, dans nos départements, les conseils
généraux ont été sollicités pour apporter des compléments de financement ?
Les commissions départementales de l'équarrissage, les conseils généraux, les
groupements de défense sanitaire ont dû résister, exiger des bilans.
Evidemment, toute subvention des collectivités territoriales auraient encore
amélioré le quotidien de grandes entreprises disposant d'un monopole et qui,
déjà, permettez-moi l'expression, « taillaient dans le gras » !
Il convenait, bien évidemment, d'appréhender de manière globale la gestion et
le traitement de toutes les phases de l'activité d'équarrissage, depuis
l'enlèvement des animaux morts et le ramassage des déchets, qui représentent
l'amont de l'activité, jusqu'à la commercialisation des sous-produits
transformés par l'entreprise, qui en constitue l'aval.
Si l'activité de collecte et de recyclage des cadavres d'animaux engendre un
déficit, les autres activités qui participent à l'activité d'équarrissage
permettent aux entreprises de dégager d'importants bénéfices.
Comme le souligne M. Rigaudière dans son rapport, on est passé de la collecte
et du traitement de 60 000 tonnes en 1950 à la collecte et au traitement de 3
370 000 tonnes par an, dont près de 3 millions de tonnes relèvent du cinquième
quartier, 260 000 tonnes concernant les cadavres et 90 000 tonnes les
saisies.
Inutile de dire qu'avec de tels chiffres les profits ont été juteux et ont
sûrement continué de l'être ces derniers mois.
A la suite du développement de l'ESB, des mesures ont été prises pour
interdire désormais l'introduction des farines provenant de cadavres et de la
viande de saisies dans l'alimentation animale. Aussitôt, les sociétés
d'équarrissage ont engagé la partie de bras de fer que l'on sait sur le
problème du financement.
Des questions demeurent sur ce qui s'est passé ces dernières années.
Premièrement, a-t-on poussé jusqu'au bout, en vue de la plus grande
transparence, les investigations concernant les pratiques d'une filière qui a
joué avec la santé humaine en faisant des affaires ? Certains groupes, qui
portent une responsabilité dans ce qui s'est passé et qui ont gagné beaucoup
d'argent, vont, semble-t-il, passer au travers du filet du financement.
Deuxièmement, a-t-on pris toutes les garanties pour que les farines
aujourd'hui stockées ne soient pas encore, par un biais quelconque, introduites
dans l'alimentation animale dans d'autres pays européens, à défaut de pouvoir
l'être chez nous ?
Troisièmement, quelles dispositions entend-on prendre pour éviter que ne
viennent des autres pays européens des farines impropres, selon nos règles, à
la consommation animale ou des viandes produites à partir de telles farines
?
Ce sont là autant de questions qui sont inséparables de celles que nous
abordons avec le nouveau projet de loi sur l'équarrissage.
Au départ, monsieur le ministre, vous aviez envisagé un projet de loi créant
le service public d'équarrissage, la définition du mode de financement devant
intervenir par la suite. Cette séparation dans le temps entre la création du
service public et le financement ne pouvait qu'enlever de la crédibilité au
projet, étant donné les problèmes de financement qui se sont posés au cours du
deuxième semestre de l'année 1996.
Le nouveau projet de loi définit donc, dans son article 1er, le mode de
financement : une taxe portant sur le volume des achats de viande et produits
assimilés, et non pas, comme cela avait été initialement prévu, une taxe
additionnelle à la taxe sanitaire à l'abattage. Cette solution est
préférable.
Les producteurs et leurs organisations considèrent qu'il est nécessaire de
préciser que les viandes hachées et les préparations de viandes diverses,
telles que les hamburgers et les brochettes, sont bien concernées par la
taxe.
Le deuxième point important du projet de loi est la création du service
public. Ainsi, de la notion de service d'utilité publique, on passe à la notion
de mission de service public. Ces notions mériteraient, me semble-t-il, d'être
précisées. En effet, certains font observer que substituer à la notion de
service d'utilité publique la notion de mission de service public risque de ne
plus soumettre les équarrisseurs à une obligation de résultat. Or nous sommes
dans un domaine où il importe d'avoir une obligation de résultat.
L'article 2 définit aussi les contours du domaine de ce service public,
puisque l'on passe de l'enlèvement et de la destruction des cadavres et déchets
d'origine animale à la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux ainsi
que celles des viandes et abats saisis à l'abattoir et impropres à la
consommation humaine et animale.
On peut considérer que, sur les 3 370 000 tonnes sur lesquelles a porté, en
1996, l'activité de collecte et de destruction, 350 000 tonnes, soit 10 %,
relèvent du service public, 260 000 tonnes pour les cadavres et 90 000 tonnes
pour les saisies, c'est-à-dire pour les produits à risque, 3 millions de tonnes
relevant du cinquième quartier et étant l'affaire des entreprises hors service
public.
Ce qui me paraît positif dans ce projet de loi - je le dis car je tiens à
être objectif - c'est que le mode de financement de la collecte ne prévoit pas
de faire payer les éleveurs et les collectivités locales. Le service public
sera gratuit pour ceux qui y feront appel.
Le fait que ce financement sera assuré en prélevant la taxe sur les grandes
surfaces, est, lui aussi, positif. Sans doute celles-ci tenteront-elles de la
répercuter sur les consommateurs. Il faudra être vigilant sur ce point.
En revanche, des points négatifs demeurent, j'en ai déjà souligné
quelques-uns, mais il en est quelques autres.
Ainsi, on ne voit pas très bien comment les choses vont se mettre en place. Il
faut espérer qu'il n'y aura pas de faille dans le domaine de la sécurité. C'est
tout le problème de l'obligation de résultat.
Il serait également nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez nous
apporter quelques indications sur le bouclage de l'année 1996, pour laquelle
nous avons eu tant de problèmes ces derniers mois.
Nous défendrons quelques amendements tendant à améliorer le texte, et c'est au
terme de la discussion que nous déciderons de notre vote final.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
MM. René Régnault et Bernard Piras.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la crise de
l'encéphalopathie spongiforme bovine a conduit à remettre radicalement en cause
les dispositions de la législation relative à l'équarrissage, c'est-à-dire de
la loi du 31 décembre 1975.
Ce texte confère à un équarrisseur désigné par arrêté préfectoral, pour une
zone donnée, le monopole de la collecte et du traitement des cadavres et des
déchets d'abattage avec, en contrepartie, la gratuité du service de
l'élimination des cadavres animaux, la valorisation des produits tirés de cette
transformation permettant de trouver l'équilibre économique du dispositif.
Le projet de loi qui nous est soumis vise, tout d'abord, à instituer un
service public de l'équarrissage en vue d'éliminer des cadavres animaux, afin
de contribuer à la protection de la santé humaine et de celle des animaux,
ainsi que pour participer à la préservation de l'environnement.
La collecte des animaux dans les fermes porte sur 250 000 à 300 000 tonnes par
an. Ce service sera gratuit et étendu aux saisies totales ou partielles
d'animaux de boucherie.
Je tiens à cet égard à souligner que l'extension du service public de
l'équarrissage aux saisies partielles et aux abats spécifiés procède d'un
amendement qui a été adopté sur votre initiative par l'Assemblée nationale.
L'élimination, dans des conditions conformes à la réglementation sanitaire,
des saisies vétérinaires et des déchets issus des abattoirs et des industries
de transformation relèvera de la responsabilité des agents économiques. Ces
derniers pourront s'adresser à des établissements agréés avec lesquels ils
seront liés par des contrats d'une durée minimale d'un an ou bien traiter
eux-mêmes les sous-produits si leurs installations font l'objet d'un agrément
de l'autorité publique. Pourquoi, monsieur le ministre, avoir fixé une durée «
minimale » d'un an à ces contrats ?
La mise en oeuvre de l'équarrissage sous sa forme de service public serait
confiée à des prestataires de services ; des appels d'offres ont déjà été
lancés à cet effet. Le nouveau dispositif pourrait donc entrer en vigueur dès
le 1er janvier 1997 comme le prévoit la loi. Il y a lieu de souligner que l'on
estime à 350 000 tonnes le volume des produits à éliminer et qu'il y aura lieu,
pour ce faire, de disposer d'une dotation de l'ordre de 500 000 000 de francs
hors taxe.
Il convient de préciser, en outre, que l'arrêté du 28 juin 1996 conduit à
l'incinération des cadavres ou déchets d'abattoir qui sont, en quelque sorte,
des déchets ultimes.
A ce jour, quelque 70 000 à 80 000 tonnes de farine sont en attente de
destruction, le stock s'accroissant d'environ 10 000 tonnes par mois. Les
cimentiers ont accepté d'incinérer ces farines pour un prix de 700 francs la
tonne pour les 30 000 premières tonnes et de 300 francs la tonne pour les
suivantes.
En ce qui concerne les autres sous-produits d'abattage susceptibles de faire
l'objet d'une valorisation, le présent projet de loi supprime le monopole
géographique des équarrisseurs.
Comme M. Angot, rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale,
j'estime qu'il faut préserver un maillage d'usines d'équarrissage de proximité,
cette proximité des sites de transformation devant être un élément du
mieux-disant sanitaire pour le choix des appels d'offres.
Monsieur le ministre, vous avez, dans l'ensemble, résolu le problème du
financement du service public de l'équarrissage qui avait été renvoyé à
l'article 16 du projet de loi de finances rectificative.
En effet, en présentant un amendement adopté par nos collègues députés, vous
avez exonéré de la taxe d'équarrissage les boucheries, les industries de
transformation dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 000 000 de francs
hors TVA ; de ce fait, 35 500 boucheries sur un total de 38 500 seront
exonérées de la taxe sanitaire.
En outre, il est prévu que les plafonds de taux d'imposition soient portés à
0,6 % pour les achats inférieurs à 120 000 francs par mois et à 1 % pour les
achats au-delà de cette somme, étant précisé qu'il s'agit d'un pourcentage sur
un montant d'achat et non sur les chiffres d'affaires et que ces taux sont bien
des taux plafonds.
Sur l'initiative du rapporteur de la commission de la production et des
échanges, il a été spécifié que les personnes qui possèdent ou détiennent le
cadavre d'un animal peuvent le remettre à une personne agréée pour
l'élimination des cadavres d'animaux dans des conditions prévues par décret en
Conseil d'Etat, étant précisé que, dans ce cas, ces prestations ne relèvent pas
du service public de l'équarrissage.
L'élimination des saisies vétérinaires autres que celles qui portent sur des
animaux ou des sous-produits réputés dangereux ainsi que les saisies des
déchets d'origine animale provenant d'abattoirs ou d'industries de
transformation des viandes ne relèvent pas de ce service public.
Cette élimination est assurée sous la seule responsabilité de ces abattoirs ou
établissements. Il s'agit là d'assurer la sécurité du dispositif du traitement
des déchets animaux. L'article 271 du code rural abroge ainsi le monopole de
l'équarrissage sur une zone instituée en application de la loi du 31 décembre
1975, une obligation portant sur le détenteur des déchets d'origine animale
n'entrant pas dans le champ du service public.
Votre texte, rendu indispensable par la crise de l'encéphalopathie spongiforme
bovine, soulève toutefois certaines interrogations.
En premier lieu, selon les collègues de mon groupe les mieux informés de ces
problèmes, il conviendra d'être vigilant afin que la taxe instituée pour le
financement du service public de l'équarrissage ne soit pas reportée au niveau
de la production, c'est-à-dire celui des éleveurs.
En deuxième lieu, il conviendra, monsieur le ministre, de faire connaître à la
Haute Assemblée si vous avez la garantie de la présence effective d'un service
public de l'équarrissage sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les
régions actuellement les moins desservies. Il conviendra en effet d'éviter des
transports sur longue distance de cadavres d'animaux ou de saisies partielles,
ces transports représentant des facteurs potentiels de pollution et de risque
sanitaire.
En troisième lieu, le service public de l'équarrissage risque de mettre en
péril l'ensemble du secteur dès lors que toutes les saisies pour un motif
sanitaire ne pourront donner lieu à aucune valorisation et devront être
désormais détruites par incinération.
Enfin, la taxe destinée à financer le service public de l'équarrissage ne
devrait pas être appliquée à des ventes destinées à l'exportation hors de
l'Union européenne ou auprès de certains de nos partenaires de l'Union
européenne puisque la France est le seul Etat à avoir pris des mesures
spécifiques et particulièrement contraignantes pour détruire les denrées dites
à risques, c'est-à-dire impropres à la consommation humaine ou animale au
regard de la législation française.
Ayant formulé ces précisions et ces interrogations et ayant entendu
l'excellent rapport de notre collègue Roger Rigaudière, le groupe des
Républicains et Indépendants votera le présent projet de loi. Dans la situation
actuelle, il était malheureusement indispensable !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette
intervention dans la discussion générale de ce projet de loi me tenait
particulièrement à coeur. Sans prétendre faire un discours exhaustif, je
voudrais en effet, intervenir sur plusieurs points.
Le premier concerne l'exagération des médias dans ce dossier.
Depuis mars de cette année, les médias n'ont eu de cesse d'affoler les
Français avec ce qui est devenu la crise de la vache folle. Certes, il est
important que nos concitoyens aient accès à l'information quand il s'agit des
problèmes liés à leur santé, c'est évident. Mais je parle ici d'information et
non de désinformation.
Je ne voudrais pas citer les noms de certains journalistes, notamment de la
télévision, car récemment, dans cet hémicycle, j'ai réagi au contenu de
certaines émissions. Heureusement, devant ces exagérations, le Gouvernement,
par votre intermédiaire, monsieur le ministre, a réagi très rapidement, et je
vous en félicite.
Mais je me pose une question : n'en est-on pas arrivé, à cause de cela, à
légiférer un peu dans la précipitation ? Mise à part cette interrogation, je
crois qu'il faut reconnaître que le Gouvernement a pris une position courageuse
dans cette crise que traverse notre pays, position que d'autres pays n'ont pas
su prendre à temps.
Néanmoins, des doutes subsistent encore dans l'esprit des Français, doutes
qu'il faut à tout prix dissiper. Dans son premier rapport, présenté devant la
presse au mois de juin dernier, le groupe Dormont, qui réunissait vingt-quatre
scientifiques de divers horizons, estimait que deux années ou même plus
seraient
a priori
nécessaires pour apporter la preuve éventuelle de la
transmissibilité de l'ESB à l'homme. En juillet, devant la mission
d'information commune sur l'ensemble des problèmes posés par le développement
de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine, exposant ses doutes et ses
certitudes, le docteur Dormont soulignait les caractéristiques communes à la
maladie humaine de Creutzfeldt-Jakob et à l'ESB : elles sont toutes deux des
maladies neurologiques à incubation longue qui peuvent être mortelles. De même,
sans que l'on puisse en apporter la preuve irréfutable, tout indiquait que les
cas atypiques de maladie de Creutzfeldt-Jakob étaient d'origine animale.
Le deuxième point sur lequel je souhaitais intervenir concerne la situation
des petits équarrisseurs.
Devant la réaction courageuse du Gouvernement, les petits équarrisseurs ont
joué un rôle très important, et on ne peut pas aujourd'hui les oublier quand on
légifère sur leur devenir.
L'équarrissage consiste en deux activités principales : la transformation des
cadavres en farine de viande et la vente de cuirs verts.
A l'heure actuelle, trois sociétés détiennent 90 % du marché français. La
première, Saria SA, implantée dans toute la France, appartient au groupe
allemand Rethman et détient 50 % du marché ; la deuxième, Caillaud SA,
implantée aussi dans toute la France, appartient, malgré son nom bien français,
au groupe belge Tessenderloo Chimie et détient 25 % du marché ; enfin, la
troisième, Ferso, implantée dans le sud, détient 15 % du marché, mais travaille
en très étroite collaboration avec Saria et sera absorbée rapidement par le
groupe allemand. Les 10 % restants du marché français sont partagés par
quelques petites sociétés familiales françaises, qui sont au nombre d'une
dizaine environ.
Que penser de ces quelques chiffres ? Je crois, pour ma part, que nous allons
tout droit vers une situation de monopole. Je m'explique.
En effet, à partir du moment où la nouvelle loi sur l'équarrissage instaure un
appel d'offres par département, les grands groupes risquent de soumissionner à
des prix bas dans le département des petits équarrisseurs. Ils feront ce qu'ils
voudront dans les départements où ils se trouvent tout seuls. Ils se
permettront ainsi d'éliminer les concurrents à moindre coût et les deux groupes
étrangers se partageront le territoire et encaisseront les subventions
nationales et communautaires.
Un exemple de cette situation délirante actuelle : un cadavre ramassé par
Saria à Dunkerque, dans le Nord, est actuellement acheminé à travers des dépôts
dans leur usine d'équarrissage dans la Creuse. Il faudrait revoir la carte de
la France et laisser fonctionner les usines existantes à environ 300 kilomètres
les unes des autres pour mieux couvrir le territoire.
Le petit équarrisseur n'a ni les moyens ni la logistique pour aller
soumissionner hors de ses bases, mais lorsqu'il le peut il doit le faire en
tout état de cause à prix rentables, autrement il se condamne.
Les professionnels sont convaincus qu'il existe une autre voie que celle de la
concentration vers des entreprises gigantesques. D'ailleurs, dans le rapport
Domergue-Quinet de 1992, demandé par le ministère de l'agriculture, il était
constaté que les entreprises indépendantes atteignent plus facilement
l'équilibre financier grâce à leur faible rayon d'action et à leur gestion
quasi-familiale. Cela retrace bien les demandes des équarrisseurs et des dépôts
indépendants, persuadés que des secteurs peu étendus sont plus efficaces, car
plus rapides dans leurs interventions.
J'insiste sur le fait que l'atelier d'équarrissage doit avoir un faible rayon
d'action et une capacité de traitement permettant de faire face à une épidémie
locale. Certes, l'ouverture d'un atelier d'équarrissage représente un coût
important, mais la qualité sanitaire de notre bétail, la salubrité et la santé
publique en dépendent.
Au vu de cette situation, quelle solution adopter pour éviter que ces groupes,
qui bénéficient déjà d'une situation de quasi-monopole, n'éliminent
définitivement ceux qui restent ? Quelles garanties peut-on apporter aux
équarrisseurs indépendants, qui, je le rappelle, ont su réagir avec efficacité
face à cette crise ?
Si la situation est très grave, elle est très difficile pour eux. L'une des
solutions qui permettraient de résister à cette crise serait qu'ils se
regroupent afin d'investir en commun dans un ou plusieurs incinérateurs
conformes à ce genre de transformation mais, pour ce faire, il leur faut un
certain temps.
Cet investissement représente environ 3 millions de francs. Pous les grosses
entreprises, cela n'est pas un problème majeur, mais il faut savoir que, pour
se mettre aux normes européennes, les équarrisseurs qui transforment ont
également un investissement de l'ordre de 2 millions à 3 millions de francs à
effectuer. Ajouté au prix de l'incinérateur, cela fait environ 6 millions de
francs.
Bref, il faut investir. Je crois qu'ils sont prêts à le faire, mais il faut
leur apporter des garanties quant à leur pérennité afin qu'ils puissent amortir
leurs investissements.
Une solution pourrait être un soutien de l'Etat sous forme d'un prêt à taux
avantageux. Cependant, le temps presse, car il serait question que
l'installation précitée soit réalisée au 1er avril prochain. Or, au problème du
financement de cet investissement vient s'ajouter celui de l'insécurité du
secteur. Il faudrait impérativement que le Gouvernement s'engage à faire le
point dans un an et à leur donner des garanties pour l'avenir de leur
entreprise s'ils investissent.
La survie des équarrisseurs indépendants me paraît totalement indispensable
face aux grosses entreprises car ils sont disponibles, ils sont sur le terrain,
ils sont en rapport direct avec leur département, leurs clients et leurs lieux
de ramassage, et, surtout, ils maintiennent la concurrence.
J'en viens au troisième point que je souhaite aborder. Que faire aujourd'hui
des farines indésirables ? Comment les éliminer ?
Alors que les centrales thermiques anglaises et certaines cimenteries suisses
brûlent les farines désormais interdites en alimentation animale, les
pourparlers entre nos différents ministères - santé, agriculture et
environnement - viennent d'aboutir à un timide accord pour que des essais
soient effectués sur quatre sites industriels français. Avec des températures
au coeur du four qui frisent les 1 500 degrés, les cimenteries peuvent assurer
une destruction complète des déchets organiques. Depuis près de vingt ans,
elles brûlent pneus usés, huiles, déchets de l'industrie de la peinture.
Les centrales thermiques et les fours à chaux pourraient également être une
destination possible pour les farines animales dont la valeur énergétique se
situe entre celle du bois et du charbon. Si les essais sont probants,
l'incinération pourrait débuter vers la fin du premier trimestre 1997 et serait
facturée autour de 700 francs la tonne. A ce moment-là les stocks de farines
pèseront près de 100 000 tonnes ; une bonne partie d'entre eux, stockée à l'air
libre, ne risque-t-elle pas d'être difficilement incinérable en l'état ?
Quatrièmement, j'en viens au financement de la collecte et de l'élimination
des cadavres d'animaux, dont le budget est évalué à 600 millions de francs.
Une taxe prélevée le plus possible en aval de la filière viande a donc été
décidée : la perception de la redevance sera en effet assise sur la valeur des
achats de viande et des produits à base de viande effectués par les
distributeurs à hauteur de 0,6 % pour des achats mensuels de moins de 125 000
francs et de 1 % au-delà.
S'agissant de cette taxe, je voudrais insister sur deux points.
L'Assemblée nationale a accepté le paiement de la taxe par les commerçants
dont le chiffre d'affaires atteint 2 millions de francs. Tout à l'heure, notre
collègue M. Clouet estimait que 35 500 sur 38 500 boucheries seraient
concernées. Selon les sources dont je dispose, lesquelles sont fournies par les
organisations professionnelles, 35 000 commerçants seraient redevables de cette
taxe si le chiffre d'affaires limite était fixé à 3 millions de francs et non à
2 millions de francs.
J'ignore si j'ai raison : au cas où j'aurais tort, M. le ministre me le ferait
savoir. En tout cas, je pense qu'un chiffre d'affaires de 3 millions de francs
est nécessaire pour permettre à un ménage de vivre décemment en dégageant un
revenu mensuel de 20 000 à 25 000 francs. Aussi, si nous voulons maintenir des
commerces en milieu rural comme en centre-ville, il serait bon de revoir à la
hausse cette barre de 2 millions de francs. Tout à l'heure, je proposerai un
amendement en ce sens.
Je ne suis pas certain d'ailleurs que les grandes surfaces ne vont pas
chercher à jouer sur les deux tableaux. Elles pourraient essayer de peser à la
hausse sur les prix de vente de la viande et à la baisse sur le prix
d'achat.
Nous sommes habitués à ces méthodes déplorables. Les grandes surfaces ont tué
le petit commerce et vidé les centres-villes. Sous prétexte de défendre le
consommateur, d'un côté, elles ont assassiné les producteurs de matières
premières et de produits de première transformation et, de l'autre côté, elles
« pressent le citron » pour faire travailler de la main-d'oeuvre à faible coût
en utilisant toutes les subtilités de la loi !
Je crois pouvoir comparer le danger que représente le monopole des deux
groupes d'équarrissage à l'égard des indépendants à celui que constituent les
supermarchés pour le petit commerce ; en conséquence, je suis très inquiet.
Sauvons nos commerces de proximité et donnons-leur leur chance : nous pouvons
y contribuer en rehaussant la barre comme je l'ai indiqué tout à l'heure.
Puisque j'en suis à ouvrir mon coeur, monsieur le ministre, permettez-moi de
me demander si cette situation dramatique n'est pas due au départ à
l'inconscience des producteurs de farines qui, pour gagner plus, ont privilégié
le profit au détriment de la qualité ?
M. Félix Leyzour.
Très juste !
M. Michel Souplet.
Il est un principe que nous avons entendu promouvoir depuis plusieurs années :
celui du « pollueur-payeur ». Or qui a pollué en l'occurrence ? Ce sont ceux
qui fabriquent les farines ! Dès lors, ne pourrait-on pas faire supporter une
part importante du coût de l'élimination par ces industriels peu scrupuleux ?
Pourquoi tout faire payer en aval alors que l'amont est, lui, le grand
responsable de la situation ?
Certes, les responsables ne pourront jamais réparer les dégâts qu'ils ont
causés à toute une filière. Ne peut-on, au moins, les faire payer aujourd'hui
largement ? Les stocks existants sont bien leur fait ; ils ont stocké des
produits de mauvaise qualité : qu'ils en supportent le coût d'élimination !
Enfin, monsieur le ministre, il ne serait pas sain que le principe d'une taxe
se pérennise. Il serait bon d'envisager de reconsidérer la situation dans un
délai de deux ans, par exemple, pour faire disparaître tout prélèvement.
J'en viens à ma conclusion.
Je crois avoir traduit l'inquiétude générale des producteurs de bovins très
éprouvés, des consommateurs inquiets et des secteurs spécifiques menacés, en
particulier des équarrisseurs ; leur inquiétude, à tous, est grande. Aussi, je
pense qu'il faudrait aller un peu au-delà de vos propositions, monsieur le
ministre, même si celles-ci sont déjà très courageuses. Il faut condamner les
coupables et, en redonnant confiance aux consommateurs, relancer la filière
viande française.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le
début de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, le Gouvernement,
nous en sommes conscients, a remarquablement traité ce problème complexe, qui a
des répercussions sur de nombreux secteurs, notamment sur celui de
l'équarrissage.
Vous avez été contraint, monsieur le ministre, de porter votre effort sur tous
les fronts, et vous avez défendu avec vigueur la filière bovine ébranlée. Cette
loi, dont la discussion intervient dans les délais arrêtés par votre
calendrier, apporte une solution, qui me paraît tout à fait rationnelle, aux
difficultés rencontrées par le secteur de l'équarrissage.
La France, sur le plan européen, reste pionnière dans la recherche de
solutions et exemplaire par son souci si constant de préserver la santé
publique tout en ménageant les intérêts économiques. Toutefois, monsieur le
ministre, si je rends hommage à votre détermination, mon souhait le plus vif
est que nos partenaires européens fassent preuve de la même rigueur et adoptent
les mêmes priorités sanitaires, faute de quoi nos efforts seront vains.
Nous avons choisi le système de l'incinération des cadavres et des saisies
sanitaires d'abattoirs, procédé sûr mais très coûteux, sans qu'aucun autre Etat
membre ne s'aligne sur notre démarche. Les Allemands et les Néerlandais ont,
eux, retenu un système de chauffage qui ne garantit pas l'innocuité de leurs
produits, alors que ceux-ci, tant les viandes que les farines, conservent un
libre accès à notre marché. Rien ne permet d'affirmer que le chauffage à 130
degrés suffise à tuer l'agent ESB transmissible à l'homme, qui a les propriétés
d'une molécule.
Or des sociétés d'alimentation peuvent, en effet, racheter des farines
obéissant aux normes d'autres pays européens et interdites en France. Je me
demande comment nous pourrons interdire la circulation de ces produits sur
notre territoire.
Cette position isolée aurait pu créer une distorsion de concurrence si,
monsieur le ministre, vous n'aviez pas pris la précaution d'adapter le
financement d'une façon qui ne pénalise pas la compétitivité de notre industrie
agro-alimentaire. Il n'en faut pas moins parvenir à convaincre les instances
communautaires d'adopter les mêmes mesures que les nôtres, et ce dans l'intérêt
même des consommateurs français et européens.
Au demeurant, j'approuve tout à fait, comme mes collègues du groupe du RPR, le
principe du projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui. L'équilibre
économique institué par la loi du 31 décembre 1975 devait être réaménagé,
compte tenu de l'arrêté du 28 juin dernier interdisant la fabrication de
farines animales issues des cadavres et des saisies sanitaires d'abattoirs.
Je me réjouis que vous ayez tenu compte des objections de l'Assemblée
nationale concernant le mode de financement du service public de
l'équarrissage, initialement fondé sur une taxe à l'abattage. Ce dispositif
aurait eu des conséquences désastreuses sur la compétitivité de notre filière
en Europe et son coût, difficilement supportable pour l'abattoir, aurait été
répercuté sur le prix payé à l'éleveur. Or le financement, vous l'avez toujours
affirmé, ne devait reposer ni sur les éleveurs ni sur les collectivités.
La taxe à la consommation que vous avez retenue désormais constitue, je le
répète, le bon choix pour préserver la santé des consommateurs sans affaiblir
nos filières.
Permettez-moi à présent, monsieur le ministre, de porter à votre connaissance
quelques précisions que je souhaiterais voir figurer dans les décrets
d'application actuellement en préparation au Conseil d'Etat.
La création du service public de l'équarrissage, traitant à la fois des
cadavres et des déchets à haut risque des abattoirs, tel qu'il est prévu dans
le texte voté à l'Assemblée nationale, me paraît être une excellente
disposition.
Toutefois, je me demande si certains établissements d'abattage disposant des
installations agréées permettant le traitement des déchets à haut risque ne
pourraient pas traiter leurs déchets sur place, à condition bien sûr que ces
installations soient séparées du reste de leur activité. Cette solution paraît
plus économique et rationnelle dans la mesure où le contrôle de l'Etat
s'exercerait de la même manière.
Si cette mesure me paraît souhaitable, il me semble indispensable, en
revanche, de conserver à ces abattoirs la possibilité de traiter sur place,
avec leurs propres installations, les sous-produits valorisables, qu'ils soient
destinés à l'alimentation humaine ou à l'alimentation animale. Ces ateliers qui
disposent aujourd'hui d'agréments déjà délivrés doivent, à mes yeux, faire
l'objet d'un examen attentif et particulier. Il convient en effet d'encourager
leur performance et non de la brider. Je vous fais confiance, monsieur le
ministre, pour tenir compte de mes remarques.
Si j'ai bien compris les propos que vous avez tenus tout à l'heure à la
tribune, c'est pour ainsi dire chose faite.
L'article 1er du projet de loi, tel qu'il nous a été transmis, instaure une
taxe dégagée par la vente au détail, assise sur la valeur hors TVA des achats
de toutes provenances.
Il est précisé que toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est
inférieur à 2 millions de francs seront exonérées de cette taxe.
D'après les chiffres qui nous ont été communiqués, ce seraient 35 500
boucheries sur 38 500 au total qui seraient ainsi exonérées. Par ailleurs, le
taux de la taxe est plafonné à 0,6 p. 100 pour les achats mensuels d'un montant
inférieur à 125 000 francs et à 1 p. 100 au-delà.
A ce propos, monsieur le ministre, certains bouchers redoutent que lors des
ventes de boucher à boucher, qui sont fréquentes, ils ne soient obligés
d'acquitter deux fois la taxe.
A mon sens, ce risque de taxes en cascade n'existe pas car, si je comprends
bien le texte qui nous est proposé, la taxe est due par toute personne qui
réalise la vente au détail et non pas lorsqu'il y a commerce entre bouchers.
Il serait bon d'affirmer l'absence de tout risque d'effet de cascade afin de
rassurer une profession qui s'efforce d'assumer les conséquences de la
crise.
Il s'agit là, à mon avis, d'un simple problème de compréhension, mais il
nécessite des assurances claires. Pour être efficace économiquement, une mesure
doit en effet s'accompagner d'un climat de confiance, de dialogue et
d'explication.
S'agissant du seuil d'exonération de cette taxe, personnellement, je
soutiendrai l'amendement déposé par M. Rigaudière, au nom de la commission, et
qui tend à porter ce seuil de 2 millions à 2,5 millions de francs.
En effet, il faut faire un effort - nombre de nos collègues le souhaitent -
pour exonérer au maximum les petites charcuteries, les petites boucheries
artisanales, situées en zone rurale ou en centre-ville ; cela me paraît tout à
fait important.
Par ailleurs, ce seuil de 2,5 millions de francs, même s'il ne satisfait pas
tout le monde, me semble le plus raisonnable, dans la mesure où il faut éviter
d'avoir à remonter le taux de la taxe. En effet, si l'on relevait ce seuil, il
faudrait en conséquence revenir sur le taux de la taxe. Or, il est important
que ce projet de loi devienne applicable le plus rapidement possible ; il ne
faut donc pas risquer de lui donner un caractère inconstitutionnel.
En effet, il est indispensable de disposer au 1er janvier prochain d'un texte
clair, qui nous permette de sortir du présent imbroglio préjudiciable à tout le
monde, principalement aux éleveurs. Il ne se passe pas une semaine sans que
nous entendions des mises en garde sur le thème : les équarrisseurs ne
procéderont plus au ramassage.
La rapidité du dépôt de ce texte était donc un impératif essentiel. Je vous
remercie, monsieur le ministre, de l'avoir soumis dans des délais aussi brefs à
l'Assemblée nationale et au Sénat.
Le groupe du RPR votera donc ce texte, qui répond aux exigences de
l'actualité. Vous pouvez, par ailleurs, être assuré de mon appui dans le rude
combat que vous menez pour garantir la santé des consommateurs, conserver la
confiance des producteurs, défendre les intérêts des filières concernées et,
surtout, convaincre nos partenaires européens de suivre notre politique. C'est
de cette dernière condition que dépend l'efficacité des mesures que vous mettez
en oeuvre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, voté à l'Assemblée nationale le 29 novembre dernier, vise à réformer le
régime juridique de l'équarrissage, qui reposait sur une loi du 31 décembre
1975, devenue inapplicable depuis l'apparition et les développements de la
maladie dite de la vache folle.
Cette nouvelle loi répondra aussi aux nouvelles normes imposées au niveau
européen pour le traitement des déchets valorisables, qui imposent des
investissements importants aux industriels spécialisés.
Nous sommes donc amenés à débattre, dans l'urgence absolue pour la sécurité et
la santé des consommateurs, d'un texte qui a été profondément enrichi à
l'Assemblée nationale. Celui-ci, effectivement, présentait des lacunes dans sa
première mouture.
En effet, le Gouvernement avait décidé de ne pas inclure les modalités de
financement de ce tout nouveau service public d'équarrissage. Les tentatives de
créer, dans le projet de loi de finances rectificative de 1996, une taxe
additionnelle à la redevance sanitaire d'abattage, taxe prélevée sur l'ensemble
des viandes passant par les abattoirs, ont suscité un tel tollé, notamment chez
les éleveurs déjà touchés très sévèrement par la crise de l'encéphalopathie
spongiforme bovine, qu'elles ont été définitivement abandonnées. Nous ne
pouvons que nous réjouir de cette sage décision prise par le Gouvernement.
La solution retenue permettra d'assurer le financement du service public
d'équarrissage. En outre cette taxe sur la vente de la viande au détail ne
pénalisera pas le petit commerce puisque les entreprises dont le chiffre
d'affaires ne dépasse par 2 millions de francs en seront exonérées.
Ce montant de 2 millions de francs, qui a été fixé par l'Assemblée nationale,
nous paraît mériter d'être corrigé. C'est pourquoi nous soutiendrons
l'amendement de la commission tendant à le porter à 2,5 millions de francs,
afin de préserver les artisans, qui sont déjà dans une situation structurelle
et conjoncturelle très délicate.
Je voudrais, à ce sujet, monsieur le ministre, attirer votre attention sur les
effets de cette taxe pour certains bouchers qui vont devoir la payer
puisqu'elle sera assise sur les achats de viande. Notre collègue Jean-Louis
Carrère ainsi que M. Henri Emmanuelli, député, tous deux élus des Landes, m'ont
signalé que cette taxe pénaliserait les bouchers offrant des services
spécifiques, telle la fourniture de cantines scolaires ou d'autres
collectivités, par rapport aux ateliers de découpe et aux chevillards. N'y
a-t-il pas là, une distorsion de concurrence flagrante au regard de cette taxe
entre deux catégories de professionnels assujettis ?
Si ce texte recueille l'assentiment de notre groupe, il n'en soulève pas moins
un certain nombre d'interrogations. Celles-ci ne font d'ailleurs que refléter
toute l'ampleur des problèmes liés à la crise de la « vache folle ».
Les professionnels sont inquiets et s'interrogent sur les modalités pratiques
de la mise en place de ce nouveau service public d'équarrissage. La nouvelle
règle d'incompatibilité professionnelle pour l'exercice de la mission du
service public d'équarrissage ne permet pratiquement à aucune des entreprises
exerçant actuellement l'équarrissage de soumissionner aux appels d'offres en
cours.
Un problème se pose également quant aux délais d'enlèvement des matières usées
par le service de l'équarrissage, délais visés dans le texte proposé pour
l'article 268 du code rural, qui fait apparaître un oubli : il devrait être
précisé que ces délais ne s'appliquent pas aux dimanches et jours fériés, pour
lesquels une tolérance peut être évidemment admise.
Nous espérons donc, monsieur le ministre, que sur ces différents points seront
trouvées des solutions satisfaisantes soit au cours de la présente discussion,
soit par voie réglementaire. Il nous paraît en effet primordial que, dans ce
processus de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des déchets
d'abattoir, chacun des acteurs soit pleinement et clairement responsable de ses
tâches ; il y va, nous en sommes tous d'accord, de la protection de la santé
tant humaine qu'animale et de celle de l'environnement.
Pour ce qui est du respect de la santé humaine et de l'environnement, il
convient d'insister sur le problème de l'incinération des farines animales
stockées depuis des mois, en attente de règlement définitif. Certains
responsables locaux s'inquiètent des nuisances sanitaires dues au stockage de
farines potentiellement contaminées en attente de destruction. Aucune
précaution n'est prise contre la dissémination dans les cours d'eau qui longent
les tas de farines à l'air libre ; chiens, rongeurs, oiseaux, y ont accès ; des
bovins pâturent à proximité immédiate.
Par une question écrite, mon ami Gérard Miquel vient, à ce sujet, d'appeler
votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés rencontrées par la
société Ferso-Bio, implantée en Lot-et-Garonne, pour l'incinération de 7 000
tonnes de farines d'origine animale. Stockées dans un champ qui jouxte les
installations de cette société, elles attendent d'être dirigées vers des
industries capables de les utiliser comme combustible - des cimenteries, par
exemple - ou bien d'être brûlées dans des centres d'incinération spécialisés.
L'Etat ayant jugé trop élevé le coût de ces procédés de traitement, il n'a pas
donné suite à ces solutions.
Dans sa question écrite, M. Miquel vous demande de lui faire connaître les
dispositions que vous comptez prendre afin de permettre à la société Ferso-Bio
de sortir de cette situation, même si cette entreprise a pris, avec le concours
des services préfectoraux de Lot-et-Garonne, des mesures conservatoires pour
minimiser les conséquences éventuelles du stockage de ces farines carnées.
Enfin, je relève que le comité vétérinaire permanent de l'Union européenne
vient de rejeter les propositions de la Commission tendant à l'interdiction
totale de l'utilisation des tissus à risque, pour la consommation tant humaine
qu'animale, dans le cadre de la prévention de l'ESB. Seuls la France et le
Royaume-Uni ont voté en faveur de ces propositions.
Je souhaite ardemment que, au cours du prochain conseil des ministres de
l'agriculture, M. Franz Fischler, commissaire européen, sache convaincre les
autres partenaires de renoncer à une décision qui pourrait être lourde de
conséquences. Il est en effet inadmissible, étant donné l'inquiétude générale
provoquée par l'ESB, que certains Etats membres refusent de prendre des mesures
drastiques pour protéger la santé humaine et, surtout, restaurer la confiance
des consommateurs envers la viande bovine et la viande ovine ; une telle
attitude peut même être qualifiée de suicidaire.
En votant ce projet de loi, nous souhaitons aussi rappeler au Gouvernement que
nous n'assistons encore qu'aux premiers développements de l'affaire de la «
vache folle » et que, en tout état de cause, la crise de l'élevage, en France,
est grave.
Cette crise remet en cause toute la structure de production de viande bovine,
à laquelle il faudra bien un jour s'attaquer pour mieux l'adapter au volume de
consommation et répondre à l'exigence de qualité du consommateur ; d'où notre
demande, maintes fois réitérée, d'une véritable « traçabilité » des produits
alimentaires, et notamment des viandes.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui est une des
suites du dossier de l'ESB, qui vous aura considérablement occupé cette
année.
Les orateurs qui m'ont précédé ayant fort bien rappelé les données du
problème, je me permettrai de vous soumettre simplement quelques réflexions sur
ce projet de loi.
Je dirai tout d'abord que ce texte était nécessaire, car il s'agit d'une
question d'hygiène, de salubrité, bref de santé publique.
Traditionnellement, l'élimination des cadavres d'animaux s'autofinançait. Il
ne peut plus en être de même du fait de l'interdiction de l'utilisation des
farines de viande.
Ce texte organise la collecte, et il faut évidemment que ce service public
soit convenablement assuré. Laissez-moi craindre que l'organisation du
ramassage, adjugé à des sociétés dont seulement deux sont de dimension au moins
nationale, n'aboutisse à l'élimination des professionnels que leurs équipements
ou leurs ambitions, plus modestes, éloigneraient des appels d'offres. Cela ne
va-t-il pas déboucher sur des ententes, voire sur la mise en place d'un système
de monopole, qui a, par ailleurs, donné lieu à quelques abus et nous a causé
quelques soucis ?
Je n'en dirai pas plus, mais j'insiste auprès de vous, monsieur le ministre,
pour que les petites sociétés de ramassage et de destruction ou plutôt
d'élimination des cadavres d'animaux puissent être en mesure de satisfaire aux
exigences du cahier des charges et continuer à rendre les bons services
qu'elles ont traditionnellement assurés dans nos départements. Mais elles ont à
vaincre de nombreuses difficultés. Je connais ainsi une société qui opère dans
quelques cantons répartis sur trois départements et deux régions, ce qui, pour
les appels d'offres, lui crée des problèmes quasi insolubles.
Je voudrais également attirer votre attention sur le financement : qui va
payer ? Ne nous faisons pas d'illusions : c'est par une nouvelle taxe
proportionnelle au prix que l'argent sera trouvé. J'aurais pourtant cru,
monsieur le ministre, que le mode de participation le plus solidaire et le plus
indolore aurait consisté à prélever une somme forfaitaire de huit à douze
centimes par kilo de viande sortant de l'abattoir.
Or, pour des raisons que vous m'avez d'ailleurs déjà exposées, vous avez
choisi de taxer la grande distribution afin d'éloigner le plus possible le
prélèvement financier du stade de la production. C'est une très louable
intention, mais il faut se garder de toute naïveté, voire de tout angélisme :
pensez-vous que les acheteurs de la grande distribution, dont on connaît la
force de conviction et le cynisme dans les négociations, ne s'arrangeront pas -
ils ont d'ailleurs déjà commencé à le faire - pour que le montant de la taxe
vienne en déduction du prix d'achat, donc du prix payé au producteur ?
Par ailleurs, la taxe est calculée en pourcentage de la valeur et non selon un
forfait appliqué au poids. Ainsi, une fois de plus, c'est le secteur le plus
sinistré de notre élevage qui se trouve pénalisé. En effet, si l'on retient le
taux de 1 %, chaque kilogramme de poulet ou de viande porcine sera frappé d'une
taxe de 10 centimes, tandis que la très bonne viande bovine du Limousin ou
d'Aquitaine sera imposée pour un montant trois fois supérieur. Cela ne fera
qu'ajouter aux malheurs subis par les producteurs de viande bovine, dont on
connaît déjà toutes les difficultés.
On a déjà soulevé la question de la frontière entre la grande surface et la
petite boucherie. Bien des paramètres peuvent servir de seuil. Vous avez retenu
le chiffred'affaires hors taxes. De manière tout à fait anonyme, au cours de
ces derniers week-ends, je me suis livré à quelques investigations sur le
terrain. J'ai ainsi pu constater qu'un chiffre d'affaires de 2 millions de
francs était très insuffisant pour un artisan, son épouse et un salarié,
c'est-à-dire l'équipe minimale d'une boucherie qui marche bien. Il faut
encourager le dynamisme de ces petites entreprises qui offrent des plats
préparés et arrivent très vite à un chiffre d'affaires voisin de 3 millions de
francs. Il faudrait leur donner une marge. Je sais bien, monsieur le ministre,
que vous n'aimez guère qu'on évoque ce chiffre de 3 millions de francs mais, à
mes yeux, c'est un minimum.
La commission a dû examiner ce texte rapidement, mais c'était nécessaire. Je
tiens, en tout cas, à remercier chaleureusement le rapporteur, notre ami Roger
Rigaudière, qui a su, malgré des délais très brefs, étudier cette question de
manière extrêmement fouillée, ce qui nous permet de discuter aujourd'hui ce
projet de loi en étant presque parfaitement éclairés.
Ce texte méritera d'être rodé et son application devra faire l'objet d'une
grande vigilance. Je suis sûr, monsieur le ministre, que, au cours des mois à
venir, vous surveillerez attentivement le fonctionnement du nouveau système,
qui est un peu compliqué. Mais nous vous faisons confiance pour faire en sorte
que tout se passe pour le mieux.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Pluchet.
M. Alain Pluchet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de
vous faire part de mes remarques sur ce projet de loi, je souhaiterais
féliciter notre collègue Roger Rigaudière pour la qualité de son rapport et la
pertinence de ses propositions, des propositions qui ne nous surprennent pas en
raison de sa grande connaissance de ces problèmes.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet de régler les
problèmes posés par l'élimination des produits à risques qu'engendre la
fabrication des farines animales.
Il complète le dispositif que vous avez mis en place, monsieur le ministre,
afin de faire face aux nombreuses conséquences de l'encéphalopathie spongiforme
bovine. Il répond ainsi à une situation d'urgence : effondrement soudain des
cours de la viande, embargo total sur la viande bovine britannique, inquiétude
grandissante des consommateurs, désarroi profond des éleveurs.
Au-delà, vous faites la preuve, une fois encore, de votre souci constant,
déterminé et responsable de protection de la santé publique. La collecte et
l'élimination des cadavres d'animaux relèvent en effet d'une mission de
salubrité publique qu'il convient d'assurer à tout prix.
Dans le prolongement des mesures que vous avez prises en faveur des éleveurs
et de l'aval de la filière à l'échelon national et de celles que vous avez fait
prendre au niveau européen - je tiens ici à saluer votre action volontaire dans
les négociations avec nos partenaires -, parallèlement au renforcement des
mesures sanitaires qui est prévu dans le budget de votre ministère pour l'année
1997, vous nous proposez aujourd'hui la création d'un service public de
l'équarrissage, et je m'en félicite.
Le dispositif que vous nous soumettez redéfinit les principes indispensables à
une organisation pérenne du secteur de l'équarrissage. Il tient compte, en
outre, du fait que les règles applicables devraient être rendues plus sévères
au sein de l'Union européenne, et je pense notamment à l'interdiction de
l'utilisation de cadavres d'animaux et de saisies sanitaires ainsi qu'à la
nécessité de circuits séparés pour le traitement des différents produits.
Se pose ici le problème des importations de farines animales - entre 50 000 et
70 000 tonnes par an sur une production de 550 000 tonnes - qui ne seraient pas
conformes à notre nouvelle réglementation.
Le projet de loi comble les lacunes de la loi de 1975, qui confiait, pour les
activités d'équarrissage, un monopole à certaines sociétés, en contrepartie de
la création d'un service d'utilité publique : en affirmant, tout d'abord, la
notion de service public ; en distinguant, ensuite, deux activités, d'une part,
celle qui concerne les cadavres d'animaux et les saisies d'abattoirs, qui
relève du service public, et, d'autre part, l'élimination des déchets
d'abattoirs, qui relève des opérateurs privés ; en maintenant, enfin, un
service gratuit pour les collectivités locales, les éleveurs et les
abattoirs.
Ce texte va, par conséquent, permettre de réformer un secteur où l'opacité des
rapports économiques entre les différents maillons du secteur de la viande
frise la caricature.
S'agissant du volet financier, le dispositif que vous avez proposé, monsieur
le ministre, et qui a été adopté par l'Assemblée nationale, permettra d'éviter
que ne soient mis à contribution les abattoirs déjà touchés par la crise de
l'ESB. C'est un bon dispositif. Je soutiens en effet la création d'une taxe
assise sur la valeur des achats des distributeurs de viande et de produits de
viande.
Sont donc concernés tous les détaillants qui, pour tout ou partie de leur
activité, commercialisent de la viande, des abats, de la charcuterie, des
conserves de viande et des aliments pour animaux à base de viande et d'abats.
Sont, en outre, exonérés les détaillants dont le chiffre d'affaires hors taxes
ne dépasse pas 2 millions de francs.
Cependant, comme notre rapporteur, je crois que, si le mécanisme proposé
permet effectivement de ne pas alourdir les coûts des petites et moyennes
entreprises en les exonérant du paiement de cette taxe, le dispositif reste
perfectible. Il me semble qu'il serait plus juste de fixer le seuil
d'exonération à 2,5 millions de francs, afin de permettre aux boucheries,
charcuteries et épiceries d'être exonérées.
L'objectif, ici, est de maintenir nos petits commerces, facteurs de
développement et d'aménagement du territoire, dans des zones déjà fragilisées.
Notre rapporteur nous a d'ailleurs démontré que l'on pouvait ainsi épargner
près de 93 % de nos boucheries et charcuteries.
De plus, même si le dispositif repousse la perception de cette taxe le plus
possible vers l'aval, ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que les
éleveurs paieront indirectement puisque ceux sur qui pèse l'essentiel de la
taxe sont les grands distributeurs, qui, il faut le rappeler, disposent des
marges les plus confortables ?
S'agissant, ensuite, de la procédure par appels d'offres afin de choisir les
opérateurs devant effectuer la collecte, la transformation en farine, le
transport et l'incinération des farines, je reste circonspect quant à une
véritable redistribution de la concurrence. Peut-être, en effet, aurait-il été
préférable de globaliser les comptes des équarrisseurs avant de procéder à une
organisation départementale du nouveau service public ?
En outre, le texte conduit à la disparition des périmètres à l'intérieur
desquels les équarrisseurs disposaient d'un monopole pour le ramassage des
cadavres d'animaux, des viandes et des abats saisis par les services
vétérinaires et les sous-produits d'abattage non récupérés.
Je me permets de vous rappeler que cette définition de périmètres visait
essentiellement à s'assurer que tout notre pays était couvert pour le ramassage
des matières dangereuses, cette activité représentant en moyenne 10 % à 15 %
des tonnages collectés, soit 300 000 tonnes par an.
En revanche, pour les trois millions de tonnes que représentent les cinquièmes
quartiers et le 1,4 million de tonnes d'autres produits valorisables, je pense,
monsieur le ministre, que la concurrence a toujours été et restera de mise sans
aucune délimitation géographique.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'option pour les appels d'offres avec des
contrats d'un an, qui, à mon sens, n'est pas compatible avec les
investissements lourds que les équarrisseurs devront réaliser pour s'adapter à
la nouvelle réglementation.
Je pense, notamment, au traitement des déchets animaux de mammifères qui devra
se faire, d'ici au 1er avril 1997, à 133 degrés, 3 bars et durant vingt
minutes.
Enfin, je souhaite avoir des éclaircissements en ce qui concerne les délais
d'enlèvement chez les éleveurs, fixés à vingt-quatre heures. Cela ne
signifie-t-il pas que les équarrisseurs devront assurer un service public les
week-ends et les jours fériés et que ce niveau de qualité aura forcément un
coût ?
M. René Régnault.
Bonne question !
M. Alain Pluchet.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques points sur lesquels je souhaitais
attirer votre attention. Je sais que vous nous donnerez, comme à chacune de vos
interventions devant la Haute Assemblée, toutes les précisions et les garanties
que nous attendons.
Pour terminer, je tiens à saluer votre action courageuse et responsable dans
la gestion de cette crise du secteur bovin.
S'agissant de l'équarrissage, vous avez su, au mois de septembre dernier,
prendre des mesures d'urgence de réquisition afin de rétablir immédiatement le
service public là où il n'était plus assuré. Vous venez, en outre, comme
l'année dernière, de renforcer les contrôles des denrées animales et d'origine
animale à l'occasion des fêtes de fin d'année.
Je tiens également à rappeler que, en 1995, plus de 15 000 visites de contrôle
ont été effectuées, 192 procès-verbaux ont été dressés et près de 4 700 rappels
de la réglementation ont été faits.
Votre action, je le répète, monsieur le ministre, s'inscrit dans une logique
répondant à la sécurité et à l'hygiène des produits alimentaires. C'est la
raison pour laquelle vous pouvez compter sur mon soutien et, comme l'a déjà
notifié mon collègue Jacques de Menou, sur celui du groupe du Rassemblement
pour la République.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
La détection de l'encéphalopathie spongiforme bovine dans certains cheptels,
qui a provoqué la crise dite de la vache folle ; la relation entre la présence
de cette maladie chez les animaux atteints et la consommation par ces derniers
de farines animales provenant d'animaux eux-mêmes porteurs de l'ESB, ainsi que
la suspicion de la transmission de cette même maladie à l'homme ont conduit le
gouvernement de la France, et en l'occurrence vous-même, monsieur le ministre,
à prendre l'arrêté du 28 juin 1996, interdisant toute utilisation de farines
animales pour la nourriture des animaux.
Il en est résulté une conséquence immédiate pour les entreprises
d'équarrissage détentrices du monopole de la collecte et de l'élimination des
cadavres. Ne pouvant plus valoriser certains sous-produits dont les farines,
ces entreprises ont fait connaître leur déficit d'exploitation et en ont
demandé la compensation.
La loi du 31 décembre 1975 devenait difficilement applicable. Son adaptation
devenait incontournable et urgente.
Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, répond, dans
son principe au moins, à cette nécessité. Son application rapide était une
préoccupation complémentaire.
Vous proposez que, à partir du 1er janvier 1997, les cadavres d'animaux et les
saisies d'abattoirs constituent une mission de service public, à la charge de
l'Etat. Cela nous satisfait et réjouit les maires, notamment ceux de mon
département des Côtes-d'Armor.
Vous connaissez la situation difficile, aux limites du supportable, que
vivent, pis, que subissent les éleveurs, les maires, les responsables
administratifs, professionnels et publics, mais aussi indirectement la
population tout entière des départements à forte activité d'élevage et
d'abattage.
Une solution pérenne, juridiquement claire et financièrement assurée était
nécessaire pour l'avenir.
La situation particulière de la période du 1er juillet 1996 au 31 décembre
1996 doit aussi être prise en compte et apurée. J'y reviendrai dans un
instant.
Le projet de loi que nous examinons a été amélioré lors de son examen par
l'Assemblée nationale, ce qui a conduit, après une hypothèse d'abstention, nos
collègues du groupe socialiste, par l'intermédiaire de Charles Josselin, député
de mon département, à l'adopter ainsi amendé.
Les modalités de financement et les modalités retenues, qui consistent à
mettre à contribution la grande distribution, à l'exclusion des commerces de
proximité et des petites et moyennes entreprises, nous satisfont. Cette
satisfaction est d'autant plus compréhensive que, d'une part, l'arrêté du 26
juin 1996 a notamment été pris pour répondre à l'attente de l'opinion publique
et que, d'autre part, les viandes d'importation subiront aussi la taxe
spécifique, alors que les viandes exportées en seront exclues.
Une autre disposition extrêmement importante a été apportée ; elle vise à
prendre en compte les saisies partielles d'abattoirs. Cette disposition faisait
considérablement défaut dans le texte initial.
Cela dit, le projet de loi nécessiterait encore quelques améliorations.
Soucieux toutefois de faire aboutir la loi dans les meilleurs délais, nous
avons évité de déposer des amendements dont l'adoption aurait pu en retarder
l'application à la date prévue. Monsieur le ministre, les réponses que vous
nous apporterez seront d'une importance capitale.
Je crois en effet utile de relever le plancher de mise à contribution au moins
comme le propose la commission.
Par ailleurs, le texte avec la référence au poids minimum de 40 kilogrammes
l'unité laisse pendante la question de l'aviculture, laquelle produit
quotidiennement des cadavres et pour un poids quotidien substantiel, supérieur
aux 40 kilogrammes.
Je serai attentif, monsieur le ministre, à la réponse que vous apporterez à
cette préoccupation qui est très importante, je le répète, dans un département
comme le mien.
Alors que la France s'est interdite toute utilisation des farines animales
pour l'alimentation du bétail, ce qui a entraîné la situation à laquelle nous
sommes confrontés et qui a un coût de 500 à 600 millions de francs, voire 700
millions de francs, avez-vous dit, il ne serait pas compréhensible, il serait
même révoltant que nous laissions importer des viandes qui n'obéiraient pas aux
mêmes obligations que celles qui s'imposent désormais à nos éleveurs.
Là encore, monsieur le ministre, nous attendons des précisions et des
confirmations quant à la volonté du Gouvernement.
J'en arrive à la traçabilité. Comme le rappelait voilà un instant notre
excellent collègue Bernard Piras, celle-ci doit être rapidement affinée,
précisée et pratiquée. L'information, notamment des consommateurs, sur les
conditions de fonctionnement des centres de collecte et d'élimination ainsi que
sur les conditions d'utilisation des farines animales est essentielle. Il en va
notamment de la reconquête du marché de consommation de la viande bovine.
Il me semble donc nécessaire de mettre en place une structure spécifique
tendant à assurer le suivi du nouveau service public et à observer son
évolution, afin, d'une part, d'apprécier les besoins d'adaptation et de réforme
et, d'autre part, de répondre à une forte attente en matière de transparence.
Là aussi, nous attendons avec beaucoup d'impatience de connaître vos intentions
en ce domaine.
En attendant le 1er janvier 1997, et depuis le début de l'été, la situation
sur le terrain est difficile, chaotique et insupportable. Les entreprises ayant
le monopole de l'équarrissage menacent, pis, interrompent la collecte des
cadavres d'animaux. L'enfouissement, quelles que soient les précautions prises,
n'est pas concevable. Les menaces sur la santé des cheptels, sur la santé en
général et sur la qualité de l'eau sont trop lourdes pour qu'une telle
éventualité puisse être retenue.
La SARIA, notamment, filiale de la Française maritime, veut obtenir toute
garantie de paiement de son activité non compensée par des recettes, avant de
poursuivre son intervention, et ce malgré les mesures de réquisition.
Les professionnels directement concernés, les contribuables locaux, notamment
dans les communes et les départements de ma région, se refusent à assurer le
financement. Si les maires connaissent leurs responsabilités en matière de
santé publique, ils n'entendent pas pour autant devoir en assumer la charge
financière, qui doit être bien dissociée.
Les uns et les autres en appellent à l'Etat, qui, au nom de ses
responsabilités, a pris l'arrêté du 26 juin 1996, agissant d'ailleurs ainsi
mieux que nos voisins européens. Cette responsabilité est d'ailleurs bien
reconnue dans votre projet de loi.
Ma question est simple. Je vous demande, monsieur le ministre, de prendre
l'engagement d'assumer totalement la charge qui résulte des responsabilités
reconnues de l'Etat afin que la situation soit immédiatement et définitivement
claire. J'en appelle aussi à votre autorité pour que vous n'hésitiez pas à user
de votre pouvoir de réquisition et, si nécessaire, à verbaliser.
Je précise toutefois que, dans mon département, par exemple, la profession, à
l'exclusion des abattoirs privés, et les collectivités territoriales, via le
conseil général, ont pris l'engagement de participer solidairement au solde des
comptes consolidés au 31 décembre 1996.
Reste, enfin, le problème du stockage de farines auquel il a été procédé dans
certaines communes. La population et les élus sont très inquiets. Des incendies
récents à Plouay, dans le département du Morbihan, ne font qu'accroître les
craintes. La colère exprimée par le maire de Trémuson dans les Côtes-d'Armor,
au nom de ses administrés, est également compréhensible. Là encore, que compte
faire l'Etat, et dans quel délai ?
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, mes questions sont, du moins je
l'espère, claires, concrètes et appellent des réponses constructives et
apaisantes.
Je crois en votre volonté de sortir durablement de la situation actuelle au
bénéfice de la santé publique certes, mais aussi d'une part significative de
l'économie de notre pays. Cette part, soit dit en passant, crée de l'emploi, de
la richesse et contribue au solde positif de notre balance commerciale.
Nous avons la volonté de voter pour ce projet de loi. Toutefois, vos réponses,
monsieur le ministre, pourraient encore nous influencer, surtout mon collègue
Bernard Piras.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, les orateurs qui viennent de
s'exprimer ont évoqué un grand nombre de problèmes qui méritent d'être pris en
compte. Je me suis déjà partiellement expliqué à ce sujet mais j'apporterai des
précisions supplémentaires afin que nous nous comprenions bien.
Lorsque nous sommes confrontés à un problème de santé publique ou touchant à
la sécurité des consommateurs - je réponds par là à MM. Leyzour, de Menou,
Piras et Régnault - nous prenons immédiatement une décision. Nous ne nous
demandons pas si une décision identique sera prise en Belgique, en Espagne, aux
Pays-Bas ou en Italie. Notre responsabilité première est de prendre, sur notre
territoire, le maximum de précautions.
J'ai quelque doute sur un certain nombre de statistiques réalisées à l'échelon
européen. Des dispositions avaient déjà été prises, dès le début des années
quatre-vingt-dix, pour équiper notre territoire d'un système
d'épidémio-surveillance rigoureux. Ainsi, nous pouvons avoir des statistiques
sûres et nous agissons dans la transparence depuis de nombreuses années. Si
nous ne disposions pas de ce système d'épidémio-surveillance, si nous
appliquions les règles en vigueur dans d'autres pays de l'Union européenne,
nous n'aurions aucun cas d'ESB déclaré. Il faut dire les choses telles qu'elles
sont. Comparons ce qui est comparable.
Je souhaite bien évidemment que ces dispositions rigoureuses soient appliquées
sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne...
M. René Régnault.
Nous aussi !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
... sinon,
et vous avez tout à fait raison de le souligner, leur application sera
bancale.
Je ne cesse de militer - et je le ferai encore demain à Bruxelles lors du
conseil des ministres européen de l'agriculture - en faveur d'une harmonisation
européenne des mesures de précaution sanitaire.
MM. Daniel Goulet et Bernard Piras.
Très bien !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Vous avez, à
juste titre, relevé que la proposition du commissaire européen Franz Fischler
n'avait pas été acceptée par le comité vétérinaire permanent. Je vous rappelle
qu'il existe deux comités vétérinaires : le comité scientifique vétérinaire,
qui est une institution totalement indépendante, et le comité vétérinaire
permanent, qui représente les Etats. En effet, un certain nombre d'Etats ne
souhaitent pas prendre de précautions sanitaires supplémentaires.
Les consommateurs européens doivent connaître la réalité des choses ! Dans un
marché unique au sein duquel circulent librement les marchandises, seul le
prion ne pourrait pas franchir les frontières ! Il y aurait, en quelque sorte,
une ligne Maginot du prion. Il ne faut pas rêver ! L'harmonisation est
indispensable et nécessaire ; je le dis, même si cela doit quelque peu «
chatouiller » certains de mes collègues européens. Il leur faut, comme nous,
prendre en compte la sécurité des consommateurs européens et assurer une plus
grande surveillance.
M. Félix Leyzour.
Nous sommes d'accord !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Soyons
clairs : pour notre part, nous avons déjà pris un arrêté le 10 septembre
dernier, qui interdit l'importation de farines qui ne sont pas fabriquées dans
les mêmes conditions qu'en France. Mais vous avez tout à fait raison de
souligner que demeurent dans l'alimentation animale un certain nombre de
pratiques qui ne répondent toujours pas à la qualité ou à la sécurité des
produits telle que nous l'envisageons.
En conséquence, je ne peux qu'être d'accord avec vous, monsieur Régnault,
quand vous insistez sur la nécessité d'instaurer une véritable « traçabilité ».
Là encore, deux écoles existent : pour l'une, l'identification, la traçabilité
et l'étiquettage sont facultatifs ; pour l'autre, dont nous faisons partie,
ceux-ci sont obligatoires.
Si nous ne sommes pas suivis, nous prendrons toutes les initiatives
nécessaires, dans le cadre du respect de la réglementation communautaire, pour
assurer une meilleure information du consommateur. Mais personne ne pourra nous
reprocher de ne pas avoir fait preuve de vigilance.
En réponse à M. Pluchet, j'indiquerai que nous devons, bien entendu, nous
appliquer à nous-mêmes cette rigueur. Mais nous devons également démontrer que,
en matière de qualité et de sécurité alimentaire, la France est et doit
demeurer, demain plus encore qu'aujourd'hui, « la » référence mondiale, et non
pas « une » référence.
A la lecture des statistiques, on peut aisément établir une comparaison entre
le nombre de morts par toxi-infection alimentaire en France - huit en 1995,
trois en 1994 - et ceux d'un certain nombre d'autres pays : le rapport est de
un pour mille entre la France et les Etats-Unis. Il faut le dire ! J'en ai
assez d'entendre toujours citer en exemple la
Food and drug administration
américaine, alors que, pour une population qui est quatre fois supérieure à
la nôtre, les résultats sont mille fois inférieurs !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Il faut aussi que l'on
sache que, dans ce domaine, la France n'a de leçon à recevoir de personne !
M. Alain Vasselle.
Ne vous laissez pas intimider par les Américains !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Il n'y a pas
de raison ! Mais il importe que les choses soient dites de temps en temps.
Peut-être avons-nous été un peu trop timorés jusqu'à présent en matière de
renforcement du dispositif. Mais nous partons déjà d'une situation où le
système en place est bien supérieur à celui d'un certain nombre de pays. Et je
ne cite pas les statistiques d'autres pays de l'Union européenne, car je ne
veux me fâcher avec personne !
En ce qui concerne le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, j'ai bien
compris que vous vous posiez un certain nombre de questions.
Le problème des appels d'offres a été soulevé notamment par M. le rapporteur,
mais aussi par MM. Clouet et Pluchet.
Je tiens tout d'abord à souligner qu'il fallait lancer les appels d'offres le
plus rapidement possible si l'on voulait mettre en place le nouveau système à
compter du début du mois de janvier 1997. Cependant, à la demande en
particulier des petits équarrisseurs, si on peut les appeler ainsi, nous avons
repoussé la date limite de soumission au 18 décembre, si ma mémoire est bonne,
de manière à leur donner davantage le temps de préparer leur dossier.
Je précise, en espérant ainsi apaiser vos inquiétudes, qu'il s'agit d'appels
d'offres à l'échelon régional, car nous voulons que l'ensemble du territoire
soit couvert. Si l'on avait retenu un cadre géographique plus restreint, nous
aurions effectivement couru le risque de voir certaines zones non couvertes par
le dispositif. Nous tenons absolument à éviter qu'il puisse y avoir, en quelque
sorte, un tri sélectif des zones les plus rentables au détriment des autres, et
la dimension régionale nous paraît de nature à écarter ce risque.
J'ajoute que, dans le cahier des charges, nous réglons bien entendu la
question de la collecte du dimanche. De ce point de vue, des apaisements
peuvent vous être apportés.
Certains d'entre vous ont évoqué l'éventualité selon laquelle aucune réponse
satisfaisante ne pourrait être apportée à l'appel d'offres. Cela me paraît très
peu probable au niveau d'une région. Toutefois, si le pire se produisait, nous
avons toujours la possibilité de recourir à des négociations directes.
En outre, si ce dispositif est instauré pour un an, c'est précisément parce
que nous voulons nous donner la possibilité soit de le reconduire en l'état
soit de le modifier à l'issue de cette période d'expérimentation.
D'ailleurs, le fait de savoir que le dispositif pourrait être revu s'il
n'allait pas dans le sens de l'intérêt général pourrait ramener un certain
nombre d'entreprises à la sagesse.
Monsieur Régnault, vous avez raison de souligner le poids particulier de
l'aviculture. Mais il s'agit d'entreprises qui ont une certaine dimension et
qui pourront donc procéder par lots : elles pourront éventuellement conserver
un certain nombre de déchets, de manière à parvenir à la quantité suffisante
pour ne pas avoir à subir le handicap que vous évoquez.
Il faut absolument - je m'adresse également à MM. Souplet et Huchon - que l'on
prenne le plus grand soin des petits équarrisseurs. Il ne serait de l'intérêt
de personne - en tout cas, ce ne serait pas conforme à notre philosophie - de
ne laisser subsister qu'un tout petit nombre de « grands opérateurs », ainsi
qu'on les appelle. D'ailleurs, dans la situation très difficile que nous venons
de vivre, et qui durait depuis le début du mois de juillet - tout à l'heure,
j'ai remercié tous ceux qui nous avaient aidés à passer ce cap difficile - sans
le concours des petits équarrisseurs, nous nous serions trouvés dans
l'embarras. Je tiens à leur rendre hommage. Il faut maintenant tirer la leçon
de cette expérience et faire en sorte qu'ils puissent poursuivre leur activité
dans l'avenir.
C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous procédons par lot au
sein des appels d'offres : il existe quatre types de lots, ce qui leur donne la
possibilité de se regrouper en fonction des lots qui leur sont présentés.
J'espère que les dispositions que nous avons prises vous rassureront et
permettront aux petits équarrisseurs de garder toute leur place sur cette
activité.
J'en viens au problème des stocks de farines, que j'appellerai les « farines
impropres », c'est-à-dire les farines non consommables ; ce problème a été
évoqué par MM. Rigaudière, Souplet, Clouet et Piras. Il est vrai que les stocks
se sont gonflés. Nous leur apportons aujourd'hui une surveillance toute
particulière. Nous avons adopté des mesures conservatoires, afin d'éviter la
dissémination. Mais cela ne peut qu'être temporaire et chaque jour qui passe
aggrave la difficulté du problème.
Nous avons commencé à effectuer des essais de combustion dans un certain
nombre d'établissements. Ces essais sont en cours, notamment dans les
cimenteries, mais aussi dans les fours à chaux et les centrales thermiques.
Dans les semaines à venir - je reste prudent - nous commencerons à incinérer
des farines en grande quantité et à résorber les stocks.
M. Bernard Piras.
Très bien !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Notre effort
portera en priorité sur les stocks qui sont entreposés dans les endroits les
plus sensibles. C'est l'affaire de quelques semaines au plus. En attendant, des
mesures conservatoires ont été prises, afin d'éviter un certain nombre
d'effets. Je sais que, à certains moments, des dispositions d'urgence ont dû
être adoptées parce que certains stocks n'étaient pas suffisamment protégés.
M. René Régnault.
Merci pour eux !
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Bien
entendu, à partir du 1er janvier 1997 - je m'adresse à MM. Leyzour et Régnault
- lorsque le service public national de l'équarrissage sera opérationnel, il
appartiendra à l'Etat de prendre toutes ses responsabilités. Nous sommes dans
une période transitoire ; je l'ai bien évoquée comme telle. Lorsqu'on se trouve
confronté à une évolution aussi rapide, il faut réagir très vite, ne pas se
poser de questions et essayer de régler le problème sur le plan matériel.
Devant l'absence de mesures définitives, pour assurer le financement de
l'opération, nous avons dû faire appel au concours des divers acteurs locaux.
Dans une vingtaine de départements, l'opération n'est pas tout à fait achevée,
c'est exact. Cependant, les propos que vous avez tenus, monsieur Régnault,
semblent démontrer que, finalement, nous progressons ; nous allons, tant bien
que mal, trouver des solutions un peu partout. De toute façon, je l'ai toujours
dit, l'Etat prendra ses responsabilités.
Nous saurons nous souvenir des soutiens qui nous ont été apportés dans une
période aussi difficile. Finalement, nous parviendrons à boucler l'année. La
perspective d'une nouvelle réglementation à partir du 1er janvier 1997
dissipera un certain nombre de craintes parmi ceux qui se disaient que l'on
était en train de mettre le doigt dans l'engrenage et que l'on risquait de ne
pas s'en sortir. Ce ne sera pas le cas : j'espère que nous en aurons ce soir la
certitude.
S'agissant de la taxe elle-même, monsieur Rigaudière, même si nous serons
conduits à procéder par la voie réglementaire, les produits visés concerneront
les viandes et les préparations de viande, ce qui inclut bien évidemment les
brochettes, les hamburgers et autres boulettes de viande, les charcuteries, les
salaisons, les conserves de viande - il s'agit non pas des plats cuisinés
contenant de la viande, mais des conserves comportant 90 à 95 % de viande -
ainsi que les aliments pour animaux - essentiellement les animaux de compagnie
- qui sont fabriqués à partir de produits carnés.
Cette taxe, monsieur Clouet, n'est évidemment pas applicable à l'exportation.
C'est l'une des craintes que l'on aurait pu avoir si elle s'était appliquée au
niveau de l'abattage. Mais tel n'est pas le cas. Elle sera prélevée sur les
ventes à l'intérieur du pays, quelle que soit l'origine des viandes.
J'ajouterai, à l'intention de MM. de Menou et Piras, qu'il n'y aura pas
d'effets en cascade. D'ailleurs, afin d'éviter une double perception, la taxe
sera perçue en une seule fois au niveau de la dernière commercialisation. Il
n'aurait pas été logique, en effet, qu'elle soit payée une première fois par le
grossiste et une seconde fois par le boucher qui se fournit chez le grossiste.
Par conséquent, soyez rassurés : de ce point de vue, il n'y aura pas, je le
répète, d'effets en cascade.
J'en viens à un dernier point extrêmement délicat : le seuil du chiffre
d'affaires à partir duquel cette taxe s'applique.
Dans un premier temps, nous avions prévu un seuil très sensiblement plus bas
que celui qui a finalement été adopté par l'Assemblée nationale.
Je vous demande de faire attention, mesdames, messieurs les sénateurs : je
devine en effet la tentation du relèvement de la taxe de manière à ne plus
frapper qu'une dizaine de sociétés en France. Mais il faut être très prudent,
car le mieux peut être l'ennemi du bien !
Personne ne peut m'accuser d'avoir, à l'égard de la grande distribution, une
indulgence qui pourrait passer pour de la faiblesse. Mais méfions-nous tout de
même de ne pas prendre la grande distribution comme bouc émissaire.
Autant je me suis révolté lorsque la grande distribution, au vu de la fixation
du seuil à 2 millions de francs de chiffre d'affaires, s'est déclarée, par voie
de communiqué, la seule touchée et a considéré qu'une discrimination était
instaurée à son égard et qu'elle seule payait, autant je ne voudrais pas que
l'on se décharge de toutes les responsabilités sur ce secteur, car nous
risquerions d'engendrer des effets pervers. De plus, cela pourrait nous poser
des problèmes d'application - je n'en dis pas plus - et entraîner pour le moins
des retards d'application, c'est-à-dire que nous risquerions de ne pas pouvoir
mettre en place notre système à partir du 1er janvier 1997.
On me demande souvent d'où viennent mes statistiques. Je les tire des comptes
du commerce de l'INSEE, autorité totalement neutre et indépendante, et je
n'invente donc rien !
Je me suis en effet quelquefois aperçu, à l'occasion de discussions, que
certaines personnes, lorsqu'elles doivent donner de l'argent, comptent en
anciens francs, et lorsqu'on leur en verse, comptent en nouveaux francs.
(Sourires.)
Je ne plaisante pas, mesdames, messieurs les sénateurs ! Il
faut donc que les chiffres soient harmonisés. Comme il peut, de temps en temps,
y avoir une appréciation différente des chiffres, je préfère m'en remettre aux
comptes du commerce de l'INSEE, chiffres qui ne peuvent être contestés.
Selon ces chiffres, que vous pouvez d'ailleurs vous procurer par le 3615 code
INSEE, avec un seuil fixé à 2 millions de francs, 78,4 % des charcuteries
artisanales et 88,3 % des boucheries sont exonérées.
Il nous faut donc faire très attention - nous avons d'ailleurs déjà eu ce
débat - car tout relèvement du seuil remettrait en cause l'équilibre actuel ;
cela m'amènera d'ailleurs nécessairement à ne pas « boucler » ce soir, car il
me faudra examiner de combien les taux de taxe devront être relevés. Je ne peux
en effet pas laisser les taux à 0,6 % et à 1 % si les seuils sont relevés : je
serai obligé de remonter également les taux, et il me faut voir de combien je
peux les relever. Cela finira par peser très lourd sur les derniers qui
resteront. Par conséquent, il se trouvera toujours un, deux, trois, quatre ou
cinq bouchers pour dire : « Moi, je vais payer la taxe, mais la taxe va être de
plus en plus lourde. » C'était d'ailleurs l'une des objections que j'avais
formulées, lors du relèvement du seuil à 2 millions de francs.
Ce texte n'est pas facile. Il nous amène à instaurer un prélèvement. Dans
cette affaire, il nous faut trouver le moins mauvais point d'équilibre
possible. C'est vraiment sur cette dernière question que je souhaite attirer
votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, si nous n'étions
pas capables d'aller dans le sens de cet équilibre, j'aurais alors quelques
craintes sur nos possibilités à appliquer réellement cette loi à compter du 1er
janvier 1997.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel.
Pourquoi se contenter du moins mauvais au lieu d'espérer le meilleur ?
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Le mieux est
l'ennemi du bien ! L'enfer est pavé de bonnes intentions !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er A