SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 1997.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Travail et affaires sociales
I. - TRAVAIL
(suite)
(p.
3
)
Crédits du titre III (p.
4
)
MM. Guy Fischer, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement ;
Gérard Delfau.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 5 )
M. Gérard Delfau.
Amendement n° II-9 rectifié
bis
de M. Carle. - MM. Jean Boyer, Emmanuel
Hamel, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. -
Retrait.
Amendement n° II-12 de Mme Demessine. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial,
le ministre, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires
sociales. - Rejet.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
6
)
Article 94 (p.
7
)
Amendements identiques n°s II-6 de M. Huguet et II-13 de Mme Demessine ;
amendements n°s II-24 rectifié de la commission des finances, II-10 de M. Joly
; amendements identiques n°s II-25 de la commission des finances et II-11 de M.
Joly ; amendement n° II-26 de la commission des finances. - MM. Delfau,
Fischer, le rapporteur spécial, Joly, le ministre, le président de la
commission des affaires sociales. - Rejet des amendements n°s II-6 et II-13 ;
adoption des amendements n°s II-24 rectifié, II-25, II-11 et II-26,
l'amendement n° II-10 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles 95 et 96. - Adoption (p.
8
)
Article 97 (p.
9
)
Amendements identiques n°s II-7 de M. Mazars et II-14 de Mme Demessine. - MM. Delfau, Fischer, le rapporteur spécial, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Anciens combattants et victimes de guerre (p. 10 )
MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Guy
Cabanel, Jacques Habert, Bernard Barbier, Mme Nelly Olin, MM. René Rouquet,
Robert Pagès, Raymond Courrière.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de
guerre.
Crédits des titres III à V. - Adoption (p.
11
)
Articles 85 et 86. - Adoption (p.
12
)
Articles additionnels après l'article 86
Amendements n°s II-22 et II-23 de M. Pagès. - MM. Pagès, le rapporteur spécial, le ministre délégué, Moreigne. - Rejet des deux amendements.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
4.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
14
).
5.
Loi de finances pour 1997.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Services du Premier ministre
I. - SERVICES GÉNÉRAUX (p.
16
)
MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques
Habert, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Vote des crédits réservé.
II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE (p. 17 )
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Loridant, Lucien Lanier, Michel Rocard, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Crédits des titres III et V. - Adoption (p.
18
)
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (p.
19
)
MM. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Luc Bécart, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Crédits des titres III et V. - Adoption (p.
20
)
IV. - PLAN (p.
21
)
MM. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification ; Jean-Luc Bécart, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Crédits des titres III, IV et VI. - Adoption (p.
22
)
Budget annexe des Journaux officiels
(p.
23
)
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Adoption des crédits figurant aux articles 40 et 41.
Environnement (p. 24 )
MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard
Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise
Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ;
Christian Bonnet, Philippe Richert, Alain Vasselle, Claude Haut, Robert Pagès,
Fernand Demilly, Pierre Hérisson, René Rouquet, Paul Raoult.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p.
25
)
Intérieur et décentralisation
(suite)
(p.
26
)
SÉCURITÉ (p.
27
)
MM. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police et la sécurité ; René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.
Suspension et reprise de la séance (p. 28 )
MM. Jean-Jacques Hyest, Jean Chérioux, René Rouquet, Robert Pagès, Bernard
Plasait, Christian Demuynck, André Rouvière, Christian Bonnet, Jean-Jacques
Robert.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur.
Crédits du titre III (p. 29 )
MM. Robert Pagès, le ministre.
Amendement n° II-35 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial.
- Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 30 )
6.
Transmission d'un projet de loi
(p.
31
).
7.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
32
).
8.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
33
).
9.
Ordre du jour
(p.
34
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante
:
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi tendant dans l'attente du vote de la loi
instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes à
mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une
prestation spécifique dépendance.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux même fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : alain juppé »
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la
commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]
Travail et affaires sociales
I. - TRAVAIL
(suite)
M. le président.
Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
travail et les affaires sociales : I. - Travail.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant le travail et les affaires sociales.
Je vous rappelle que le Sénat a examiné hier les crédits affectés à la santé
publique, aux services communs, à l'action sociale et à la solidarité.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 89 265 222 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
A l'occasion de la reprise de l'examen des crédits consacrés au travail, à
l'emploi et à la formation, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger
sur l'attitude du Gouvernement et du patronat à l'égard des justes
revendications des chauffeurs routiers.
Dans l'intérêt du pays, de la population, des salariés en lutte et de leurs
familles, ce conflit ne doit pas durer. Le Gouvernement ne doit pas jouer la
carte du pourrissement. Il a les moyens d'inciter le patronat à conclure un
accord. L'obtention de la retraite à cinquante-cinq ans constitue une avancée
importante.
Mais ceux que l'on appelle, à juste titre, les « galériens de la route »
doivent maintenant avoir satisfaction sur les salaires - le salaire mensuel
moyen est, en général, inférieur à 7 000 francs - et sur les conditions de
travail. Il faut notamment parvenir très rapidement à un accord sur les heures
travaillées, sur les heures de chargement et sur la réduction du temps de
travail. Dans l'intérêt général, ce dernier point est particulièrement
important en matière de sécurité routière.
Monsieur le ministre, je vous prie de m'excuser de vous interpeller de la
sorte, mais à la fin de la deuxième semaine de ce conflit, sur lequel toute la
France a les yeux braqués, il conviendrait peut-être de nous faire le point de
la situation à la veille de la signature des six conventions.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je suis un peu surpris par les
termes que vous avez employés, monsieur Fischer. Vous ne pouvez pas affirmer,
je vous le dis très calmement, que le Gouvernement joue la carte du «
pourrissement » dans ce conflit qui a débuté voilà plusieurs jours.
Le Gouvernement s'est évertué à aider les partenaires sociaux à trouver un
terrain d'entente et il a même formulé des propositions qui ont été appréciées
par tous.
Dès lors, je suis persuadé que vous allez, vous aussi, monsieur le sénateur,
comme vous semblez le souhaiter, participer à l'apaisement de ce conflit, qui
porte préjudice non seulement à tous nos compatriotes dans l'exercice de leur
profession, mais aussi aux entreprises et à l'économie française. Je suis
persuadé que votre souhait est aussi fort que la volonté du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le ministre, en abordant le titre III, je souhaite, moi aussi, faire
référence à l'actualité.
J'ai déclaré hier, à l'ouverture de ce débat, que « certes, le Gouvernement
n'a pas ménagé ses efforts depuis une semaine pour sortir le conflit des
chauffeurs routiers de l'impasse » ; mais j'ai aussitôt ajouté que « nous
cherchions vainement les interlocuteurs patronaux ».
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
M. Gérard Delfau.
J'ai poursuivi en demandant aux pouvoirs publics, puisque l'un des deux
partenaires sociaux n'endosse pas ses responsabilités, à un moment où ce
conflit plonge notre pays dans une situation très dommageable, de faire un
nouvel effort, car on ne peut pas laisser la situation s'enliser ainsi, et je
réitère ce matin ma demande, au nom du groupe socialiste, monsieur le
ministre.
S'agissant du titre III, les dotations des services attirent particulièrement
notre attention, cette année, puisque toutes les lignes budgétaires sont en
diminution, à l'exception d'un crédit de 250 millions de francs accordé à
l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le
commerce l'UNEDIC, d'un crédit exceptionnel de 173,60 millions de francs
destiné à financer l'organisation des élections prud'homales et d'une hausse de
7 % des crédits déconcentrés.
Cinquante postes budgétaires sont supprimés, à savoir vingt postes dans
l'administration centrale et trente postes dans les services déconcentrés, à
quoi s'ajoute la suppression de vingt postes de coordonnateurs
emploi-formation.
Cette situation fait suite, il faut bien le reconnaître, à la suppression
progressive de 1 100 postes de 1985 à 1990 et à une stagnation, puis à une
croissance du nombre des emplois précaires depuis trois ans. Un plan de
résorption de la précarité serait en cours, mais il reste aujourd'hui encore,
selon nos renseignements, plus de huit cents personnes en situation précaire
dans vos services.
Il est pour le moins paradoxal, et en fait injustifiable, que le ministère
chargé du travail et de l'emploi, et donc aussi de faire respecter le droit du
travail, emploie dans ses propres services des personnels en situation
précaire. Tel est pourtant le cas, et cette situation est préoccupante.
Nous avons ainsi appris que 323 personnes sont employées sous contrat
emploi-solidarité dans les directions départementales du travail, au sein
desquelles elles assurent des fonctions permanentes, ainsi que 1 700 personnes
dans les antennes de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE. Cette situation
a même donné lieu récemment à des décisions de justice rappelant fort à propos
au ministère du travail que, lorsque des emplois permanents sont occupés, ils
ont vocation à l'être par des agents publics.
Il semblerait, toutefois, que ces décisions n'aient, en pratique pas été
suivies de beaucoup d'effet puisque l'on voit maintenant couramment quatre
vacataires se succéder sur un même poste dans l'année. Je vous laisse deviner,
mes chers collègues, quelle peut être alors l'efficacité d'un tel service
public !
Par ailleurs, que devons-nous penser du fait que les secrétaires des
commissaires pour l'emploi nommés à grand bruit dans les préfectures sont pour
la plupart recrutés sous contrats précaires ? N'est-ce pas pousser un peu loin
l'« impermanence » des choses en ce monde, monsieur le ministre ?
Nous souhaiterions également obtenir des précisions sur la situation des
personnels qui seraient employés sur des fonds conventionnés provenant du fonds
social européen attribués à des organismes privés de formation, lesquels
enverraient ensuite ces personnels dans vos services. Cent vingt personnes
seraient, dit-on, concernées. Comment cela serait-il possible ?
S'agissant des emplois supprimés, nous notons des pertes d'emploi concernant
les inspecteurs du travail, pertes qui s'expliquent, certes, par le retour des
inspections des transports et de l'agriculture à leurs ministères
respectifs.
Toutefois, n'aurait-il pas été plus cohérent, dans la mesure où un projet de
loi contre le travail clandestin nous sera présenté dans les prochaines
semaines, de renforcer les corps des inspecteurs et des contrôleurs ?
Sur ce point, nous souhaiterions connaître les intentions du ministère au
sujet de l'application du protocole « Durafour » aux contrôleurs du travail et
de la formation professionnelle, qui n'ont pas obtenu les points d'indice qui
auraient dû leur être attribués depuis 1994.
Ce problème sera-t-il bientôt résolu ? Les contrôleurs percevront-ils leurs
points, accompagnés des rappels depuis l'origine de la mesure ?
Enfin, je dois évoquer, monsieur le ministre, les primes qui sont
exclusivement destinées à vos administrateurs civils et qui sont très mal
ressenties par les personnels. Certains s'interrogent à ce sujet, et nous
partageons tout à fait leur préoccupation.
Les sommes destinées à ces primes pour 1997 et, rétroactivement, pour 1996
n'auraient-elles pas été employées plus utilement à la réduction de la fracture
sociale au sein du ministère, et ce au profit de tous ceux qui sont employés
sous des contrats précaires renouvelés tous les trois mois, de tous ceux qui
travaillent 120 heures par mois et qui ne gagnent que 3 700 francs ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que nous souhaitions
vous poser sur les moyens de vos services, et surtout de vos personnels pour
1997.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Afin de ne pas allonger les débats, je vous précise, monsieur le président,
que je ne prendrai pas la parole sur les crédits figurant au titre IV.
M. le président.
Je vous en remercie, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Je souhaite également poser le problème des rémunérations accessoires que j'ai
déjà longuement développé hier, et attirer l'attention de M. le ministre sur un
problème important qui préoccupe les agents de son ministère.
Alors que l'austérité est imposée à l'ensemble des fonctionnaires, je devrais
même dire à l'ensemble des salariés, une rallonge de 8 354 492 francs - j'ai
l'extrait du
Journal officiel
sous les yeux - est inscrite au projet de
budget pour 1997 afin de revaloriser les primes du ministère du travail et des
affaires sociales et de procéder à un rappel au titre de l'année 1996.
Cette disposition pourrait réjouir les agents si le cabinet du ministre ne
leur avait confirmé son intention de réserver cette revalorisation aux seuls
administrateurs civils.
Dans mon esprit, comme dans celui des syndicats d'ailleurs, il ne s'agit pas
de s'en prendre aux administrateurs civils, qui effectuent le plus souvent un
travail remarquable et remarqué.
Mais, alors que des centaines d'agents, embauchés sur la base de 120 heures
par mois, touchent, parfois depuis plusieurs années, 3 800 francs par mois,
alors que les agents de catégorie C voient leur carrière bloquée au nom de la
rigueur budgétaire, alors que les pertes de salaires sont chiffrées par les
syndicats à 20 % depuis 1982, n'y a-t-il pas une sorte de provocation dans le
fait que seuls cent cinquante administrateurs se partagent l'essentiel de
l'augmentation ?
Je ne veux pas dire que de telles pratiques sont indécentes ou traduisent un
mépris envers les autres agents, mais c'est pourtant ainsi que cette situation
est vécue.
Ces 8,3 millions de francs ne seraient-ils pas mieux utilisés s'ils servaient
à financer, comme le proposent les syndicats, une quarantaine d'emplois à 6 500
francs ou encore à verser un complément de salaire de 2 800 francs à une
centaine d'agents précaires employés dans les services à temps partiel ?
Ces préoccupations des agents du ministère du travail, dont je me fais ici,
comme M. Delfau, le porte-voix, ne peuvent rester sans réponse. On ne peut
annoncer la volonté de réduire la fracture sociale et contribuer à
l'élargir.
Il s'agit, en l'espèce, non pas de se faire le relais de revendications
catégorielles, mais de soulever une question éminemment politique.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Il est malheureusement exact,
monsieur Delfau, qu'il y a des emplois précaires au ministère du travail.
C'est, vous en conviendrez, le fait d'un héritage...
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Attendez la suite ! Vous reconnaissez vous-même, monsieur Delfau, que
cette situation dure depuis quatre ans ! C'est un legs auquel, nous le
regrettons aussi, nous ne pouvons mettre fin immédiatement. Vous devriez donc
faire preuve d'un peu plus de compréhension !
M. Jean Chérioux.
Il n'aime pas entendre parler d'héritage et on comprend pourquoi !
M. René Rouquet
C'est l'héritage de Balladur !
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
En ce qui concerne la nouvelle
bonification indiciaire, la NBI, il est vrai que le ministère l'a mise en
oeuvre.
MM. Delfau et Fischer ont également évoqué les primes des administrateurs,
dont le versement a été décidé par le Premier ministre en 1995. Leur paiement a
subi quelque retard, c'est exact ; celui-ci interviendra à la fin de l'année
1996.
Quant aux augmentations de rémunération, il y en a eu dans le passé et il y en
aura d'autres, mais il n'est pas possible de demander à un gouvernement de tout
faire en même temps.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés par l'amendement
n° II-17 de M. Neuwirth et par l'amendement n° II-20 du Gouvernement,
précédemment adopté.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, 6 072 125 390 francs. »
Sur les crédits figurant au titre IV, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le ministre, je n'ai pas obtenu de réponses aux questions que j'ai
posées.
A propos de la querelle de l'héritage, vous m'obligez à dire que ce legs
provient essentiellement du gouvernement Balladur.
(Protestation sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Votre legs était nettement plus lourd !
M. Gérard Delfau.
J'ai eu quelque élégance, mais, puisque vous souhaitez que je mette les choses
au clair, je le fais ! De toute façon, la question n'est pas là.
M. Jean Chérioux.
L'impudence a ses limites !
M. Gérard Delfau.
N'abusez pas des mots, mon cher collègue !
Le problème reste entier ! Nous réitérons notre demande ferme, monsieur le
ministre, pour qu'il soit mis fin à cette situation préjudiciable au code du
travail et à l'image du ministère.
Si j'ai demandé à intervenir sur ce titre IV, c'est parce que, hier soir, à la
suite de l'organisation de ce débat décidée par la conférence des présidents,
je n'ai pas eu le temps d'exposer le second point de mon intervention,
notamment l'élément le plus prospectif, le plus positif. Pour résumer, le débat
d'hier soir a mis en évidence une grande insatisfaction sur l'ensemble des
travées, même si quelques approbations de principe ont pu être relevées. Il
s'agit donc d'une mise en cause assez largement partagée de ce que j'appelle le
« tout entreprise », c'est-à-dire d'une concentration de plus en plus grande
des crédits sur des subventions, des primes et des exonérations de charges aux
entreprises.
Les conclusions de la commission Péricard-Novelli de l'Assemblée nationale ont
montré à quel point l'efficacité de ces dispositions était sans commune mesure
avec les sommes engagées.
Partant de ce constat qui, je le rappelle, n'est pas seulement le mien, je
souhaiterais demander à M. le ministre et, au-delà lui, à M. Barrot, quelques
précisions sur l'annonce qui a été faite par M. Juppé, Premier ministre, devant
le congrès des maires : il a indiqué qu'une déconcentration des crédits
d'intervention du ministère du travail pourrait intervenir de façon
expérimentale auprès des préfets.
Quel serait le calendrier d'application de cette mesure ? Quels seraient le
montant des crédits déconcentrés les modalités d'attribution et l'échelon
territorial retenu ?
Pour être clair, s'agit-il de subsituer les services de la préfecture aux
services départementaux du travail - dans ce cas, l'intérêt serait mince - ou
bien s'agit-il de revenir à une politique massive de soutien du développement
local, comme cela fut fait dans les années 1988-1992 ? Voyez que j'ai, moi
aussi, quelques repères historiques ! Dans ce cas, allez-vous associer les
acteurs de terrain et déconcentrer les crédits jusqu'au niveau du sous-préfet,
c'est-à-dire du bassin d'emploi ?
Au passage, vous pourrez réinventer les sous-préfets développeurs, qui ont
laissé plutôt un bon souvenir. Je sais qu'un certain nombre des membres de
cette assemblée, qui ne partagent pas par ailleurs nos convictions politiques,
ont la même opinion.
Les maires et les conseillers généraux sont las de se trouver en première
ligne face au drame du chômage, sans avoir les moyens financiers pour
intervenir efficacement.
Les chefs d'entreprise responsables - il en est, bien sûr ! - et les
représentants des salariés accepteraient plus volontiers de se mobiliser s'ils
avaient prise sur les aides publiques à l'emploi.
Cette évolution est, d'une certaine façon, inéluctable. Elle a d'ailleurs été
réclamée, sous des formes diverses - mais l'esprit est le même - à la fois par
notre collègue M. Jourdain et par M. Fourcade, président de la commission des
affaires sociales.
Au fond, ce que je demande au ministère du travail, c'est s'il a l'intention,
sous des formes adaptées, de soutenir beaucoup plus fortement qu'il ne le fait
aujourd'hui - je lui donne acte de l'action qu'il mène actuellement - la
démarche des comités de bassin d'emploi, qui, localement, font travailler
ensemble, en obtenant des résultats non négligeables, des élus, des chefs
d'entreprise, des syndicalistes et, évidemment, des militants associatifs.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° II-9 rectifié
bis,
MM. Carle, Bordas et les membres
du groupe des Républicains et Indépendants proposent de réduire les crédits du
titre IV de 200 000 000 francs.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Comme l'a indiqué hier un collègue dans la discussion générale, cet amendement
n'altère en rien l'effort de solidarité qui caractérise votre budget, monsieur
le ministre. Au contraire, il tend à rendre plus préventive, plus durable votre
action.
S'il diminue le nombre des CES, dont chacun reconnaît les effets positifs,
mais dont on mesure aussi les effets pervers, il transfère les crédits y
afférents vers des actions à destination des jeunes, en leur permettant
d'accéder à une formation professionnelle et, pour nombre d'entre eux, de
trouver un emploi.
En effet, vous connaissez, monsieur le ministre, les excellents résultats
obtenus dans ce domaine par l'enseignement agricole. Cet enseignement est
aujourd'hui victime de ses bons résultats : les contraintes budgétaires ont
obligé le ministre de l'agriculture à limiter la croissance des effectifs à 2 %
et M. Vasseur, par différentes notes, nous le rappelle depuis un certain nombre
de semaines.
Certes, l'enseignement agricole est et doit demeurer un enseignement de
filière. Mais, en plus de cette fonction, qu'il assume parfaitement, il joue
aussi un rôle de rattrapage important : il constitue - le rapport Rémond en
atteste - une seconde chance pour de nombreux jeunes qui sont en situation
d'échec dans la voie classique. Combien de jeunes filles et de jeunes garçons
lui doivent aujourd'hui, une qualification, un métier !
Or, la maîtrise brutale des effectifs ne laisse aujourd'hui à ces jeunes
qu'une alternative : l'ANPE ou la rue !
Le coût social pour la collectivité sera infiniment supérieur aux quelque 200
millions de francs nécessaires pour faire face à l'accroissement des effectifs
et donner ainsi une chance à de nombreux jeunes.
J'ajoute que nous ne comprendrions pas l'attitude du Gouvernement, qui, d'un
côté, augmenterait de 6,5 milliards de francs le budget de l'éducation
nationale et de la recherche - je m'en réjouis, tout en tenant à rappeler mes
propos précédents : jamais la durée des études n'a été aussi longue et, par
ailleurs, la part des surdiplômés atteint 23 % - et qui, de l'autre côté,
refuserait 200 millions de francs à un enseignement dont le rôle dans
l'insertion professionnelle est supérieur - je dis bien « supérieur » ! - à
tout autre et dont la durée des études est sans commune mesure avec celle du
cycle classique.
Tels sont l'objectif et la logique de cet amendement.
Je vous prie de m'excuser d'intervenir sur une ligne de votre budget, monsieur
le ministre, dont je reconnais la nécessité et qui est gérée avec
responsabilité et courage.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Mon cher collègue, je comprends la
force avec laquelle vous soutenez l'amendement de notre collègue M. Carle, qui
était parmi nous cette nuit. Nous connaissons tous, en effet, le rôle éminent
que joue l'enseignement agricole, notamment pour l'insertion des jeunes en
situation d'échec.
Cependant, faut-il financer le développement de l'enseignement agricole et
répondre à son attente - on comprend qu'elle s'exprime par votre voix - par une
réduction aussi importante des crédits du budget du ministère du travail ?
La commission des finances, si grands que soient son estime et son intérêt
pour l'enseignement agricole, facteur d'insertion des jeunes qui sont en
situation d'échec dans la voie « classique », pour reprendre votre expression,
est opposée, et elle le regrette, à cet amendement qui tend à réduire de 200
millions de francs les crédits d'intervention du budget du ministère du
travail.
En effet, ces crédits ne sont pas surdimensionnés, loin de là, notamment en ce
qui concerne les contrats emploi-solidarité.
Je souhaite qu'à l'occasion, par exemple, de l'examen du projet de budget du
ministère de l'agriculture, nous apprenions de M. Vasseur que, reconnaissant
l'importance de l'enseignement agricole, il a pu répondre à son attente et
développer ses moyens au service des jeunes en difficulté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur Jean Boyer, le
ministre du travail et des affaires sociales, qui est en charge de la formation
professionnelle, comprend très bien vos préoccupations, ainsi que celles de M.
Carle.
A l'évidence, l'enseignement agricole est irremplaçable, aux yeux du
Gouvernement. La formation vaut toujours mieux qu'un CES.
Malheureusement, les crédits affectés aux contrats emploi-solidarité ont été
calculés au plus juste. L'estimation intègre, en effet, une diminution de 70
000 CES. Elle intègre aussi l'institution d'un ticket modérateur.
N'oubliez pas, monsieur le sénateur, que, voilà encore un an, 700 000 CES
étaient conclus.
Nous avons accepté que leur nombre soit limité à 500 000 en 1997, mais, très
sincèrement, nous ne pouvons aller plus loin.
Il ne faudrait pas - je suis persuadé que vous approuverez le Gouvernement -
que les hôpitaux, mais aussi les établissements d'enseignement, auxquels vous
êtes attaché, connaissent des difficultés de fonctionnement parce que nous
aurions voulu aller trop vite dans la réduction du nombre de CES.
Je tiens par ailleurs à vous rappeler, monsieur le sénateur, que les crédits
consacrés au seul enseignement agricole ont augmenté de 2,6 % en 1996.
Cette évolution confirme donc la priorité que le Gouvernement accorde à
l'enseignement agricole puisque, dans le même temps, le budget de
l'agriculture, hors subvention d'équilibre au BAPSA, baisse malheureusement de
3,9 % en 1997 par rapport à 1996.
Je tiens à rappeler devant la Haute Assemblée que l'enseignement public
agricole bénéficie, dans le projet de budget pour 1997, de la création de 87
emplois budgétaires - 70 dans l'enseignement technique, 10 dans l'enseignement
supérieur, 5 conseillers principaux d'éducation et 2 infirmières - alors que le
total des effectifs du ministère de l'agriculture baisse de 60 emplois.
Cela signifie que M. Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de
l'alimentation, veille à supprimer des emplois dans ses services centraux pour
gager des ouvertures dans l'enseignement public auquel vous tenez beaucoup.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, et sachant que M. Vasseur vous
donnera des apaisements lors de la discussion du projet de budget de
l'agriculture, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° II-9
rectifié
bis.
M. le président.
Monsieur Boyer, l'amendement n° II-9 rectifié
bis
est-il maintenu ?
M. Jean Boyer.
Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous avez bien
voulu me donner.
J'ai noté que tout serait mis en oeuvre pour qu'il soit procédé à un nouveau
rattrapage pour l'agriculture.
Je dis « nouveau » parce que nous ne ferons jamais assez pour les enfants de
nos agriculteurs si nous voulons que la France continue d'avoir des racines et
d'être nourrie dans tous les sens du terme.
Tenant compte de vos observations, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-9 rectifié
bis
est retiré.
Par l'amendement n° II-12, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de réduire
les crédits du titre IV de 815 400 000 francs.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement vise à supprimer les crédits affectés à la mise en place de loi
de réduction du temps de travail dite « loi Robien ».
J'ai déjà évoqué les dangers de cette loi lors de mon intervention sur le
budget du ministère du travail.
Cette loi offre aux employeurs des dispositions particulièrement généreuses
puisque les entreprises qui réduisent de 10 % leur temps de travail en échange
de l'embauche de 10 % d'effectif supplémentaires voient leurs charges réduites
de 40 % la première année, puis de 30 % les six années suivantes.
Toutefois, si les exonérations courent bien sur sept ans, l'obligation de
création nette d'emplois, elle, ne court que sur deux ans ! Si bien qu'au bout
de deux ans l'employeur pourra licencier à nouveau tout en continuant à
bénéficier de ces exonérations !
En outre, cette loi permet de nombreuses dérives puisqu'elle peut être
utilisée non pas pour créer des emplois, mais pour éviter leur suppression.
C'est le cas très douloureux de l'entreprise Moulinex, qui annonce vouloir
sauver sept cent cinquante emplois en ramenant le temps de travail à
trente-trois heures.
Cette extension de la loi encourage les entreprises à gonfler leurs plans de
réduction d'effectifs afin de bénéficier d'exonérations massives au titre de
licenciements dits « évités ». Ainsi, l'employeur pourra bénéficier d'une
exonération et licencier quand même au bout de deux ans.
Il faut mettre un terme à ces dérives et avancer vers un réel contrôle des
fonds publics destinés à l'emploi.
Si nous ne sommes pas opposés à l'octroi de certaines aides aux entreprises -
nous ne sommes pas pour la politique du tout ou rien - nous considérons
cependant que ces aides doivent être contrôlées, en particulier par les
salariés, et qu'elles doivent aboutir à de véritables créations d'emplois.
En outre, nous proposons d'aller rapidement vers une réduction du temps de
travail hebdomadaire à trente-cinq heures sans diminution de salaire, ce qui
permettrait de créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
C'est le sens de cet amendement que je vous demande d'approuver, mes chers
collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, si la commission des finances
comprend certes le souhait des membres du groupe communiste républicain et
citoyen de voir augmenter les crédits des chapitres évoqués du ministère des
affaires sociales, elle est cependant hostile à la réduction des crédits
d'intervention du ministère du travail qui financent les aides à l'emploi, et
donc défavorable à l'amendement n° II-12.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
L'amendement n° II-12 tend
précisément à supprimer les crédits ouverts pour financer la loi Robien, qui
résulte d'une initiative parlementaire et dont le Gouvernement et le Parlement
ont estimé qu'elle permettrait de sauver ou de créer des emplois.
On ne peut juger ce texte avant son entrée en application. Par conséquent, le
Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-12, qui lui paraît
inacceptable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-12.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je voudrais, par mon
intervention, renforcer la position du Gouvernement.
Nous avons eu beaucoup de mal - souvenez-vous-en, mes chers collègues - lors
de l'adoption de l'article 39 de la loi Giraud relative au travail, à l'emploi
et à la formation professionnelle, à permettre l'expérimentation d'un certain
nombre de mesures tendant à favoriser, en contrepartie de la réduction de la
durée du travail, l'embauche de salariés supplémentaires.
Après quelques années d'application, nos collègues de l'Assemblée nationale
ont déposé une proposition de loi dont nous avons longuement débattu et sur
laquelle le Sénat est parvenu à un accord.
Il serait à mon avis tout à fait absurde et inconvenant, alors que le système
se met en place, de supprimer les crédits prévus cette année.
Je rappellerai à M. Fischer que cette loi, dite « loi Robien », comporte deux
parties : d'une part, une incitation positive pour des entreprises dynamiques
qui, en contrepartie de la réduction et de l'annualisation de la durée du
travail, créent des emplois supplémentaires et, d'autre part, une partie
défensive pour des entreprises en difficulté qui, pour éviter des
licenciements, entrent dans ce mécanisme et réduisent la durée du travail,
d'une façon un peu comparable à ce qui s'est passé en Allemagne dans le cadre
de l'accord Volkswagen.
Par conséquent, nous mènerions à mon avis une « politique de gribouille » si,
quelques mois après avoir mis en place un dispositif, nous supprimions le
financement de ce dernier.
C'est une affaire dont tout le monde parle. Chacun sait que, au sein des
organisations syndicales et des organismes professionnels, ce dispositif a des
adeptes et des adversaires. Je suis, pour ma part, beaucoup plus pragmatique
que tous ces intellectuels au rabais...
M. Guy Fischer.
Ne soyez pas méprisant, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... ou que tous ces
dirigeants syndicaux qui, en matière de travail, se réfèrent au mythe et non
pas à la réalité.
(Protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen. - Applaudissements sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. Guy Fischer.
Cela ne vous ressemble pas !
M. Robert Pagès.
Ne soyez pas un président au rabais !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Laissons l'expérience
se dérouler et, d'ici à un ou deux ans, nous en tirerons les conclusions !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-12, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifié par l'amendement n°
II-21 du Gouvernement, précédemment adopté.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 135 920 000 francs ;
« Crédits de paiement, 70 590 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurants au titre V.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 880 839 000 francs ;
« Crédits de paiement, 324 871 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 94 à 97, qui sont rattachés pour leur
examen aux crédits du travail.
Article 94
M. le président.
« Art. 94. - I. - L'article L. 351-24 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-24.
- Peuvent bénéficier des droits ouverts aux articles L. 161-1 et L. 161-1-1 du
code de la sécurité sociale les demandeurs d'emploi indemnisés, les demandeurs
d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit
derniers mois et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum
d'insertion qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale,
artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous forme d'une société,
à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent
l'exercice d'une autre profession non salariée.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'accès au bénéfice des
droits mentionnés au premier alinéa du présent article, en fonction des
caractéristiques du projet de création ou de reprise d'entreprise, notamment sa
réalité, sa consistance et sa viabilité, compte tenu de l'environnement
économique local.
« Dans le cas où l'intéressé est à nouveau inscrit à l'Agence nationale pour
l'emploi, il retrouve le bénéfice des droits qu'il avait acquis en sa qualité
de demandeur d'emploi, à la date de l'attribution des droits visés au premier
alinéa du présent article.
« L'Etat peut participer par convention au financement des actions de conseil
ou de formation à la gestion d'entreprise qui sont organisées avant la création
ou la reprise d'entreprise et pendant une année après.
« Un décret fixe annuellement le nombre de bénéficiaires des droits visés au
premier alinéa du présent article.
« Le présent article est applicable aux demandes déposées à compter du 1er
janvier 1997. »
« II. - Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L.
351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique
prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un
montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein.
« Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter
de la date de création ou de la reprise d'entreprise.
« III. - Le deuxième alinéa de l'article premier de la loi n° 82-939 du 4
novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur
des travailleurs privés d'emploi est complété par les mots : " ainsi que
ceux de l'aide visée au II de l'article 94 de la loi de finances pour 1997 (n°
du ) ". »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-6, présenté par MM. Huguet, Delfau, Mazars et les membres
du groupe socialiste et apparentés, et l'amendement n° II-13, déposé par Mmes
Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-24 rectifié, M. Hamel, au nom de la commission des
finances, propose de rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par
l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail :
« L'Etat peut accorder les droits visés à l'article L.161-1 et L.161-1-1 du
code de la sécurité sociale aux demandeurs d'emploi indemnisés, aux demandeurs
d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit
derniers mois et aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum
d'insertion, qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale,
artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une
société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui
entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée. »
Par amendement n° II-10, M. Joly propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par le I de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail,
après les mots : « les demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits », de
supprimer les mots : « plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois
».
L'amendement n° II-25, présenté par M. Hamel, au nom de la commission des
finances, et l'amendement n° II-11, déposé par M. Joly, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par le I
de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail.
Par amendement n° II-26, M. Hamel, au nom de la commission des finances,
propose de compléter l'article 94 par deux paragraphes nouveaux ainsi rédigés
:
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1 du code de la sécurité
sociale, les mots : "au 1°" sont remplacés par les mots : "au
premier alinéa".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité
sociale, les mots : "au 2°" sont remplacés par les mots : "au
premier alinéa". »
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-6.
M. Gérard Delfau.
Le groupe socialiste propose de supprimer l'article 94, car il est résolument
hostile à la disparition de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise, je
parle évidemment de la prime et non de l'exonération - qui subsistait
encore.
Cette suppression de l'aide nous paraît un contresens économique et une faute
politique. Nous savons de surcroît, monsieur le ministre, qu'elle a été non pas
« demandée » - c'est un euphémisme ! - par le ministère du travail, mais
imposée par Bercy, contrairement à l'avis de tous ceux qui ont une quelconque
connaissance de ce dossier.
Cette aide - faut-il le rappeler ? - date de 1979. Elle a été mise en place
par le gouvernement Barre. Elle a suscité alors bien des sarcasmes, et je dois
à l'honnêteté intellectuelle de dire que je ne fus pas particulièrement
convaincu de son bien-fondé à ce moment-là.
Or, depuis, elle a fait ses preuves ! Elle a passé les septennats, les
gouvernements, et les résultats sont là : pour une aide modique de 32 000
francs, nous avons eu, en 1995 - je cite les chiffres de mémoire - quelque 80
000 chômeurs créateurs d'entreprise sur un total d'environ 220 000 créations
d'entreprise. La somme est minime par rapport, par exemple, aux 39,18 milliards
de francs que coûte, en 1996, la baisse des charges sur les bas salaires. Le
quotidien
Les Echos
s'étonne d'ailleurs que l'on s'achemine vers ce type
d'« économies ».
Comment peut-on argumenter cette suppression ? On dit parfois qu'il s'agit
d'un traitement social du chômage. Tout d'abord, ce ne serait pas une tare et
ce ne serait pas la seule procédure de ce type. Mais surtout, c'est faux. Quoi
de commun, en effet, entre un contrat emploi-solidarité, financé exclusivement
sur fonds publics, et une aide à un chômeur créateur d'entreprise ? Celui-ci,
de surcroît, mobilisera à chaque fois ou presque un petit capital personnel ou
familial.
J'indique au passage que j'ai vérifié moi-même, en tant que fondateur et
président d'une pépinière d'entreprises, la pertinence de tous les chiffres ou
faits que je cite, et que j'appuie ma démonstration sur des séries statistiques
de l'INSEE et sur les études de l'Agence nationale de la création
d'entreprise.
C'était du moins vrai jusqu'au mois de septembre 1996 qui a vu la funeste
dispersion, en raison de restrictions budgétaires des chercheurs et
statisticiens réunis sur ce sujet dans cette agence. J'ai alors tiré la
sonnette d'alarme, mais nul n'a voulu m'entendre.
Je reviens au débat. Peut-on dire qu'il s'agit d'une économie pour les
pouvoirs publics ? Même pas, puisque ce qui sera économisé sur le budget du
ministère du travail sera évidemment payé sur les fonds de l'UNEDIC et, au
total, le contribuable français aura exactement la même somme à débourser.
Est-on sûr que, dans l'avalanche d'exonérations, de primes et de subventions
qui viennent d'être votées, une petite partie n'ira pas compenser d'une
certaine façon les crédits aujourd'hui amputés ?
Mais, finalement, la vraie question n'est pas là : il faut surtout bien
rappeler...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je conclus, monsieur le président.
Il faut surtout rappeler, dis-je, que les chômeurs qui ont créé leur
entreprise l'ont fait avec à peu près autant de chances de succès que les
autres créateurs d'entreprise.
Les 80 000 bénéficiaires de l'ACCRE en 1995 auraient créé - je donne, là
aussi, des chiffres fondés sur des statistiques - quelque 40 000 emplois nets,
qui eux-mêmes auraient entraîné le paiement de charges sociales. Par
conséquent, cela viendra aussi en déduction des économies que vous nous
proposez.
M. le président.
Votre temps de parole est écoulé, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau.
J'en termine d'une phrase, monsieur le président.
Je répète que cette suppression ne se justifie pas économiquement et que,
politiquement, elle est difficile à faire admettre à des gens qui ont perdu
leur emploi et qui veulent à nouveau, avec courage, se lancer dans la création
d'entreprise.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-13.
M. Guy Fischer.
Cet amendement déposé par notre groupe porte sur la question de l'aide aux
chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, dont le régime d'attribution est
profondément modifié par l'article 94 du projet de loi de finances.
C'est d'ailleurs un euphémisme que de parler d'une modification du régime
d'attribution de l'aide puisque, dans les faits, c'est à une véritable
liquidation du chapitre budgétaire que l'on assiste.
Lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 1996, la question de
l'ACCRE était déjà venue sur le tapis, le Gouvernement souhaitant, en
particulier, recalibrer cette aide à l'emploi auprès d'un public plus
strictement défini.
Dans les faits, il s'agissait de faire en sorte que les projets de reprise et
de création d'entreprise éligibles à l'aide aient une viabilité plus
importante.
A l'examen, la réalité est un peu plus contrastée.
On a ainsi observé dans le passé que l'ACCRE avait été largement utilisée pour
accompagner des plans de restructuration et qu'elle avait été, en particulier,
assez largement servie pour mettre en place des modes de sous-traitance
d'activités de production, de recherche ou de conception dans un certain nombre
d'entreprises.
C'est ainsi que de nombreuses entreprises ont proposé à leurs cadres, à leurs
ingénieurs, à leurs techniciens de reprendre sous la forme d'une petite
entreprise une partie des fonctions qu'ils occupaient dans celles-ci et ce
jusqu'à la mise en oeuvre du plan de restructuration.
On connaît les conséquences de cette orientation.
Ce procédé a servi notamment à réduire la masse salariale de l'entreprise, à
transformer les salaires en TVA déductible, à organiser éventuellement un
partage des gains de productivité plus favorable encore au capital et un peu au
travail.
La viabilité de ces entreprises résidait donc dans leur capacité à répondre
aux missions de recherche-développement, de production et de sous-traitance
fixées par l'accord entre l'entreprise ancienne et la nouvelle entreprise.
Voilà qui montre bien le détournement de l'ACCRE, alors perçue comme un moyen
de gestion d'une stratégie de restructuration, susceptible de régler le
problème de la hantise du chômage tout en favorisant la rentabilité à court
terme du capital.
Mais il est aussi une aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise
qui peut et qui doit être maintenue pour un ensemble de raisons diverses.
Le premier cas, c'est celui du salarié disposant d'une formation technologique
réelle, ayant des idées, susceptible de déposer le brevet d'invention de tel ou
tel logiciel, de tel ou tel procédé de production, ou encore de répondre à tel
ou tel besoin particulier des entreprises et qui, faute de capitaux et de la
confiance d'un banquier, n'est pas en situation de mettre ses capacités en
oeuvre.
Le second cas, c'est celui du chômeur qui, dans une zone urbaine ou rurale en
difficulté, souhaite mettre en place un service qui n'existe pas ou qui
n'existe plus dans des domaines divers, qu'il s'agisse de la gestion
d'entreprise ou encore de services à caractère social.
On peut trouver des cas de figure divers et multiples de la faculté
d'utilisation de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise.
Au-delà, en effet, de la querelle sur la nécessité de savoir s'il faut
privilégier le conseil à la création ou l'aide directe, il convient de se poser
la question suivante : faut-il réduire l'aide, comme semblerait nous y inviter
la commission parlementaire
ad hoc
qui a réfléchi sur ce sujet ou
faut-il la requalifier, examiner en particulier les aspects « déclencheurs »
qu'elle peut recouvrer ?
Il s'agit d'un problème essentiel, et nous ne pouvons que nous opposer à la
liquidation de l'ACCRE, car, à notre sens, elle est contraire à notre souci de
valoriser l'initiative des futurs chômeurs, cadres ou non.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-24
rectifié.
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Dans son rapport écrit, la commission des finances a
analysé la réforme de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise. Cette réforme
porte sur la nature de l'aide, mais l'exonération des charges et l'affiliation
automatique de douze mois au régime de sécurité sociale sont maintenues.
La commission est contre la suppression de l'article 94, car elle est pour la
réforme proposée, sous réserve des amendements qu'elle propose.
Elle est donc, je l'indique d'ores et déjà, contre les amendements n°s II-6 et
II-13.
Quant à l'amendement n° II-24 rectifié, son objet est de préciser que l'aide
n'a pas un caractère automatique, mais qu'elle est subordonnée à l'examen
qualitatif d'un projet de création d'entreprise.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-10.
M. Bernard Joly.
L'inscription au chômage depuis plus de six mois s'est révélée une condition
pénalisante pour des candidats dont le dossier était recevable sur le fond mais
dont la durée d'inscription était inférieure de peu de jours parfois.
Le montage d'un dossier de création ou de reprise d'entreprise requiert un
parcours long et difficile qui décourage les chasseurs d'aides.
La confiance doit remplacer la suspicion face à l'action potentielle ; certes,
le risque est que la confiance soit parfois mal placée, mais il faut le
prendre.
Il s'agit de permettre à des demandeurs d'emploi qui en ont le désir de
retrouver une activité, afin de réaliser des économies et de rendre leur
dignité aux intéressés. Dans un combat pour l'emploi, le seul choix est de
savoir si l'entreprise est viable ou non.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n°
II-25.
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Nous voulons éviter qu'un décret puisse fixer un
plafond de dépenses différent de celui qui aura été voté par le Parlement.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-11.
M. Bernard Joly.
J'estime, comme M. le rapporteur, qu'il est inopportun de casser une synergie
pour un créateur ou un repreneur d'entreprise qui, au terme d'un parcours
difficile et long, attend de concrétiser son projet.
Le dépassement de quota n'est pas, à mon sens, un argument recevable. Sur le
plan financier, le coût de l'aide se trouve équilibré par la sortie de la
couverture du chômage ou du bénéfice du RMI.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n°
II-26.
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Il s'agit d'un amendement de coordination entre le
code de la sécurité sociale et le code du travail.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-6, II-13, II-24
rectifié, II-10, II-25, II-11 et II-26 ?
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Les deux amendements n°s II-6
et II-13 ont pour objet de rétablir l'aide forfaitaire pour les bénéficiaires
de l'ACCRE. Cette aide, cela a été rappelé, peut atteindre 32 000 francs au
maximum ; elle est plafonnée à la moitié du besoin de financement et, dans
certains cas, elle est limitée à 5 000 francs.
L'expérience prouve qu'elle génère des effets d'aubaine importants et il
semble que l'incitation à la création provienne des exonérations et non de la
prime.
M. Gérard Delfau.
Mais non !
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Si nous avons conservé une
aide pour les bénéficiaires des minimaux sociaux, c'est parce que, sans
protection, ils n'oseraient pas tenter l'aventure d'une création d'emploi et
non parce que nous estimons qu'une aide généralisée était nécessaire.
Je demande donc à la Haute Assemblée de rejeter ces deux amendements.
Le Gouvernement ne s'oppose pas à l'amendement n° II-24 rectifié et s'en remet
à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Nous nous en félicitons !
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
En présentant l'amendement n°
II-10, M. Joly demande que les chômeurs non indemnisés puissent bénéficier de
l'ACCRE dès le premier jour du chômage.
Le Gouvernement propose, pour sa part, de supprimer l'opposabilité du délai
aux chômeurs indemnisés, mais nous ne pouvons pas faire de même pour les
chômeurs non indemnisés. En effet, il suffirait de s'inscrire vingt-quatre
heures à l'ANPE pour bénéficier de l'aide. Autant dire que toutes les créations
d'entreprise dans notre pays se feraient dans le cadre de l'ACCRE !
J'ajoute que, si nous vous suivions, monsieur Joly, le coût de la mesure pour
la sécurité sociale serait énorme puisque, je le signale à la Haute Assemblée,
il est déjà de 1 milliard de francs par an.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est hostile à cet
amendement.
S'agissant de l'amendement n° II-25, le Gouvernement sait qu'il va être
l'objet de pressions de la part et de la commission des finances et de la
commission des affaires sociales. Je vois d'ailleurs qu'elles affutent déjà
leurs armes !
(Sourires.)
Cependant, malgré ces pressions, le Gouvernement est sûr de
son bon droit, si j'ose ainsi m'exprimer, et il demande donc à la Haute
Assemblée de repousser un amendement - à moins que la commission des finances
veuille bien le retirer après mes explications - dont l'objet est d'interdire
au Gouvernement de contingenter par décret le nombre d'aides aux chômeurs
créateurs d'entreprise.
La logique du contingentement du nombre d'aides accordées n'est pas nouvelle
puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ACCRE était
accordée jusqu'à présent dans le cadre d'enveloppes budgétaires et de primes
limitatives et impératives, l'exonération des charges n'étant qu'accessoire,
j'insiste sur ce point, à l'aide financière attribuée.
Aujourd'hui, la suppression de l'enveloppe budgétaire ne modifie pas l'esprit
qui préside à l'attribution de l'aide de l'Etat. Le principe des enveloppes
limitatives doit donc - j'insiste également sur ce point - être maintenu. Il
s'applique à un nombre d'exonérations de charges sociales qui sera fixé
annuellement pas décret puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les
sénateurs, il ne peut l'être par la loi de finances.
Le coût de l'exonération des charges, déjà estimé à plus de 1 milliard de
francs, n'étant pas compensé, il ne saurait être envisagé de fonctionner,
pardonnez-moi l'expression, « à guichets ouverts », sans limiter le nombre
d'aides attribuées, le dispositif - je le redis et je suis persuadé que M. le
président de la commission des affaires sociales va être très attentif à cet
argument - pesant directement sur le budget de la sécurité sociale.
De plus, la fixation annuelle du nombre des exonérations accordées traduit,
j'y insiste également, le respect de la volonté du Parlement d'inscrire ce
dispositif dans le contexte de la maîtrise des dépenses publiques. Et
permettez-moi de vous rappeler simplement avec quelles compétences et quel
talent la Haute Assemblée a contribué hier à réduire les déficits publics !
L'amendement n° II-26 tend à opérer une coordination entre le code de la
sécurité sociale et le code du travail ; le Gouvernement y est, bien entendu,
favorable.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre,
je voudrais faire entendre la voix de la commission des affaires sociales, M.
le rapporteur pour avis ayant, malheureusement, dû nous quitter.
La commission des affaires sociales est très attachée au fonctionnement de
l'ACCRE et elle a considéré, après avoir examiné le dispositif de manière très
approfondie, qu'il était utile non seulement pour favoriser la création
d'entreprises, mais aussi, et surtout, pour redonner à des chômeurs, notamment
à des chômeurs d'un certain âge, une perspective tout à fait nécessaire quand
on sait les difficultés que connaissent ceux de nos concitoyens qui sont
licenciés ou qui doivent interrompre une activité.
Il est vrai, et c'est à la décharge du Gouvernement, que, dans certains
départements, le mécanisme de l'ACCRE a été utilisé, non pas pour favoriser la
création d'entreprises viables, mais pour permettre à un certain nombre de
personnes de sortir de la situation de demandeur d'emploi.
D'ailleurs, le taux de disparition des entreprises créées à partir de cette
aide publique est le même que le taux de disparition des entreprises qui se
créent spontanément, ce qui montre bien, monsieur le ministre, qu'en dépit d'un
examen des dossiers par des commissions composées d'experts et de représentants
du ministère du travail,...
M. Gérard Delfau.
Ils n'y connaissent rien !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... personne n'est
capable de savoir
a priori
si l'entreprise va marcher ou non.
Toutefois, compte tenu des problèmes globaux de déficit des comptes sociaux et
de déficit budgétaire, la commission a finalement admis le système que nous
proposait le Gouvernement : on supprime la prime, mais on garde l'exonération
automatique des charges sociales.
La commission des finances, dans sa sagesse, nous propose de supprimer aussi
l'exonération automatique des charges sociales et de la remplacer par une
exonération facultative décidée par la fameuse commission détachée auprès du
préfet - on vient de voir les résulats merveilleux qu'elle a obtenus - qui est
tout à fait capable, dit-on, de discerner ce qui est viable de ce qui ne l'est
pas.
La commission des finances est bien consciente du fait que cet amendement n°
II-24 rectifié constitue un retrait par rapport au système proposé : le
Gouvernement supprime la prime et garde l'exonération automatique ; la
commission des finances supprime la prime et rend l'exonération facultative.
Nous avons donc l'impression d'un recul. Cependant, je dois lui rendre cet
hommage, la commission des finances compense le caractère facultatif de
l'exonération des droits par la suppression du contingentement.
En effet, on ne peut pas avoir un système facultatif d'exonération et, en
plus, un contingentement budgétaire, car, à ce moment-là - je connais bien nos
amis de Bercy - il n'y aura plus rien du tout !
A mon avis, nous avons, mes chers collègues, le choix entre deux attitudes.
Première solution, nous acceptons les deux amendements de la commission des
finances, les amendements n°s II-24 rectifié et II-25, parce qu'ils sont
cohérents et parce qu'ils visent tout à la fois à mettre en place un système
d'exonération facultative et à supprimer le contingentement. Il reviendra,
alors, au ministère de fixer les normes en matière de création d'emplois. Le
système est, dans cette hypothèse, plus ouvert et s'adapte mieux aux réalités
du terrain.
Seconde solution, nous nous en tenons à la situation actuelle de
l'automaticité de l'exonération des charges sociales et, à ce moment-là, si le
Gouvernement ne veut absolument pas accepter l'amendement n° II-25, il nous
faut alors, mes chers collègues, et j'en suis navré pour mon ami Emmanuel
Hamel, n'accepter ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n°
II-25.
Nous n'avons, à mon sens, que ces deux solutions. La solution qui consisterait
à reculer encore par rapport au texte du Gouvernement, et à conserver le
contingentement en faisant disparaître l'automaticité de l'exonération des
charges sociales me paraîtrait la plus mauvaise compte tenu de l'objectif qui
est le nôtre, qui est d'inciter un certain nombre de demandeurs d'emploi à
créer leur entreprise dans le cadre d'un système départemental.
Donc, mes chers collègues, la commission des affaires sociales souhaite la
solution la meilleure : le vote des deux amendements de la commission des
finances, n°s II-24 rectifié et II-25.
Si vraiment le Gouvernement s'oppose de manière absolue à l'amendement n°
II-25, alors je vous demanderai de ne pas accepter l'amendement n° II-24
rectifié pour en rester au texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale
et qui me paraît, pour les intérêts dont nous avons la charge, meilleur que le
seul amendement n° II-24 rectifié, non complété par l'amendement n° II-25.
Je crois être ici l'interprète de la pensée de M. Joly, qui a eu la même idée
que la commission des finances, puisqu'il souhaite, lui aussi, supprimer le
contingentement.
Franchement, garder le contingentement et instituer, de surcroît, un système
d'exonération facultative, c'est vider l'ACCRE de toute sa substance et c'est
nous engager à revenir l'an prochain sur ce même dispositif pour trouver un
autre !
En d'autres termes, monsieur le président, je préfère que la Haute Assemblée
adopte les amendements n°s II-24 rectifié et II-25. Cependant, si vraiment le
Gouvernement s'oppose à l'amendement n° II-25, je demande au Sénat de n'adopter
ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n° II-25.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, je
savais que Machiavel était originaire de la péninsule italienne. Je découvre
aujourd'hui qu'il a fait des adeptes à Boulogne-Billancourt !
(Sourires. - M. le président de la commission des affaires sociales
s'exclame.)
C'est une plaisanterie, vous l'avez bien compris, monsieur Fourcade. Cela
étant, le Gouvernement a été sensible à votre proposition.
Monsieur Delfau, il ne faut pas trop mettre en cause les experts. Vous avez
défendu, tout à l'heure, les fonctionnaires du ministère des affaires sociales,
respectez maintenant les experts !
Compte tenu du public concerné, qui, le plus souvent, il faut le reconnaître,
n'est pas qualifié, le pourcentage de réussite montre que les commissions
d'examen sont tout de même utiles.
Or, et vous en convenez vous-même, monsieur Fourcade, dès lors qu'il y a
examen, l'aide a, me semble-t-il, un caractère facultatif. C'est pour cette
raison que le Gouvernement n'était pas hostile à l'amendement n° II-24
rectifié.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, tout au long des
débats consacrés à la loi de financement de la sécurité sociale, vous avez
montré votre attachement à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
C'est précisément parce que les amendements n°s II-24 rectifié et II-25
menacent cet équilibre que le Gouvernement va s'y opposer. Dès lors, en effet,
que les commissions ne sont plus tenues par des enveloppes de primes, elles
n'ont aucun intérêt à bien étudier les dossiers. Je le répète, dans ce cas-là,
la sécurité sociale est menacée.
Dans ces conditions, le Gouvernement, retenant la seconde des deux solutions
proposées par M. le président de la commission des affaires sociales, s'oppose
aux amendements n°s II-24 rectifié et II-25.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Nous sommes ici devant une disposition que je qualifierai de symbolique,
puisqu'elle porte sur un milliard de francs.
Sur des sommes qui ne mettent pas en péril les finances de la France, Bercy
peut-il imposer sa décision, alors qu'elle est fondée sur une méconnaissance
totale des équilibres économiques et de la réalité sociale que nous vivons dans
nos départements ?
Monsieur le ministre, cette procédure de l'ACCRE n'est défendue par aucun
groupe politique particulier. La preuve en est que je pouvais totalement me
retrouver dans bien des propos qui viennent d'être tenus par M. le président de
la commission des affaires sociales.
Je rappelle que cette question a été à maintes reprises évoquée devant la
commission Péricard-Novelli et que, à l'exception d'un sous-directeur à la
direction du budget, M. Morin, la totalité des intervenants, représentant de la
CGT compris,...
M. Guy Fischer.
Eh oui !
M. Gérard Delfau...
ont conclu que c'était, finalement, dans une situation très détestable, le
moins mauvais des dispositifs. C'était au printemps dernier.
Arrive le projet de loi de finances, et l'on propose sa suppression.
Mais, monsieur le ministre, nous avons une certaine pratique et la parole
d'autorité que vous répercutez ici n'a aucune prise sur ce que nous pensons.
L'exonération, contrairement à ce que l'on vous a demandé de nous expliquer,
monsieur le ministre, n'est pas l'essentiel. Je vais vous expliquer, moi, ce
qui est l'essentiel : c'est la subvention, si faible soit-elle, parce qu'elle
s'ajoute au petit apport personnel - il y a pratiquement toujours un apport
personnel, ce qui montre bien l'engagement des gens - et, surtout, parce
qu'elle débloque un petit financement des banques. C'est ainsi que cela se
passe, désormais, pour les très petits dossiers. Les banques françaises ne
donnent pas un centime si elles ne sont pas assurées d'obtenir un peu d'argent
public et des cautions des collectivités territoriales.
Telle est la réalité, et aucun d'entre nous sur ces travées, quelles que
soient, par ailleurs, ses convictions politiques, ne peut dire le contraire,
parce que c'est ce que nous vivons.
Quant à l'effet d'aubaine, non ! il est inadmissible de dire des choses
pareilles. D'ailleurs, le président de la commission des affaires sociales a
fait justice de cette affirmation. Les chiffres sont là. Les taux de réussite
ou d'échec sont analogues à ceux qui sont enregistrés pour l'ensemble des
créateurs d'entreprise. En réalité - mais, la encore, ce budget ne va pas là où
il devrait aller - il faut multiplier les occasions de conseil et d'appui aux
entreprises. A cet égard, ce sont les services que je qualifie d'immatériels
qui permettent d'éviter les échecs et non pas du tout le type de procédure dont
nous parlons.
Un mot encore. J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires des directions
déconcentrées du travail et des préfectures, mais enfin ! Peuvent-ils - et
doit-on leur demander - de faire ce travail de dossier, qui coûtera trois fois
plus aux contribuables que les économies escomptées par ce biais ?
Si vous me disiez, monsieur le ministre, que tout cela sera étudié à partir
des pépinières d'entreprises, des boutiques de gestion et dans le bassin
d'emploi, là où les gens connaissent non seulement ce qui est écrit, mais ce
que représente, en réalité,...
M. le président.
Monsieur Delfau, vous avez épuisé votre temps de parole ; je ne puis vous
laisser continuer.
M. Gérard Delfau.
C'est inélégant, monsieur le président !
M. le président.
C'est vous qui êtes inélégant, mon cher collègue. Tout à l'heure déjà, je vous
ai laissé dépasser votre temps de parole.
Frustré de n'avoir pu parler autant que vous le souhaitiez, hier, du fait de
la répartition du temps de parole au sein de votre groupe, vous essayez de vous
rattraper aujourd'hui. Je ne peux vous laisser faire.
M. Gérard Delfau.
Voilà deux fois que vous me coupez la parole aujourd'hui, monsieur le
président. C'est la première fois en seize ans que l'on me traite ainsi !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13, repoussés par
la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24 rectifié.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Il me semble très
important que l'article 94 reste en discussion pour la commission mixte
paritaire.
En effet, depuis tout à l'heure, je me suis aperçu que la phrase que vise à
supprimer l'amendement n° II-25, à savoir : « Un décret fixe annuellement le
nombre de bénéficiaires des droits visés au premier alinéa du présent texte »,
est tout à fait contraire à la philosophie des aides à l'emploi.
En fait, nous sommes en présence de deux thèses : celle du Gouvernement, qui
souhaite l'adoption de l'amendement n° II-24 rectifié et le rejet de
l'amendement n° II-25, et la thèse de la commission des finances, qui souhaite
que le Sénat adopte les deux amendements.
Pour ma part, je trouve choquant que figurent dans l'article 94 et la notion
du contrôle effectué sur la création d'entreprise et celle du contingentement
par décret, décret dont personne n'aura connaissance. Je vois bien l'esprit qui
préside à cette affaire, mais je pense que la position de la commission des
finances est plus sage.
Je souhaite, par conséquent, que le Sénat adopte et l'amendement n° II-24
rectifié et l'amendement n° II-25, car le vote du seul amendement n° II-24
rectifié constituerait un recul.
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur spécial.
Nous nous félicitons de l'analyse de M. le président
de la commission des affaires sociales.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je tiens à préciser la
position du Gouvernement, qui s'était rallié à la deuxième solution présentée
par M. le président de la commission des affaires sociales.
Finalement, pour tenir compte de ce qui lui semble positif dans l'amendement
n° II-24 rectifié, il s'en remet, sur cet amendement, à la sagesse de la Haute
Assemblée. En revanche, s'agissant de l'amendement n° II-25, il ne peut
qu'émettre un avis défavorable, pour les raisons que j'ai développées tout à
l'heure.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24 rectifié, pour lequel le Gouvernement
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° II-10 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-26, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 94, modifié.
(L'article 94 est adopté.)
Articles 95 et 96
M. le président.
« Art. 95. - Le 2° de l'article L. 322-4-1 du code du travail est ainsi
rédigé:
« 2° En application de conventions conclues entre l'Etat et des organismes de
formation pour l'organisation des stages individuels et collectifs d'insertion
et de formation à l'emploi, les frais de formation ainsi que les dépenses
afférentes à la rémunération et à la protection sociale de stagiaires. Les
stages collectifs sont organisés pour les demandeurs d'emploi de longue durée,
les handicapés et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum
d'insertion ou de l'allocation spécifique de solidarité. Ils prennent en compte
les besoins du marché du travail ainsi que les caractéristiques spécifiques des
demandeurs d'emploi et sont effectués, chaque fois que possible, pour tout ou
partie en milieu de travail ; ». -
(Adopté.)
« Art. 96. - I. - Le 1° de l'article L. 322-4-2 du code du travail est ainsi
rédigé :
« 1° A une aide de l'Etat pour les catégories de bénéficiaires rencontrant les
difficultés d'accès à l'emploi les plus graves. Ces catégories ainsi que les
conditions d'octroi et le montant de l'aide, qui peut être modulée en fonction
de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi, sont fixés par décret ; ».
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux conventions prenant effet à
compter du 1er septembre 1996. ». -
(Adopté.)
Article 97
M. le président.
« Art. 97. - L'article 34 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en
faveur des personnes handicapées est ainsi rédigé :
«
Art. 34.
- L'Etat assure aux organismes gestionnaires des ateliers
protégés, des centres de distribution de travail à domicile et des centres
d'aide par le travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation
des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à
l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés
visé à l'article L. 323-8-2 du code du travail assure aux employeurs du milieu
ordinaire de travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation
des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à
l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Ces dispositions prennent effet à compter du 1er janvier 1997. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-7 est présenté par MM. Mazars, Huguet, Delfau, Courteau et
les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-14 est déposé par Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M.
Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-7.
M. Gérard Delfau.
L'article 97 prévoit de modifier la loi d'orientation en faveur des personnes
handicapées du 30 juin 1975. Il ne s'agit, en fait, que de transférer la charge
de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire à
l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion
professionnelle des handicapés, ce qui représente, pour 1997 seulement, une
somme de 245 millions de francs.
Cette affaire, dont il a déjà été beaucoup question, pose plusieurs problèmes
graves. Tout d'abord, une telle ponction remet en cause le principe fondamental
de solidarité qui avait présidé à l'élaboration de cette loi. Elle traduit en
effet le désengagement de l'Etat à l'égard de personnes qui sont déjà victimes
d'un handicap, ce qui ne laisse pas d'être choquant.
Au demeurant, ce désengagement survient après la modification, en 1994, dans
un sens bien sûr restrictif, des conditions d'attribution de l'allocation aux
adultes handicapés après la cessation, en 1995, du versement de la
participation patronale de formation sur les compléments de rémunération pour
les travailleurs en atelier protégé et après le transfert à l'AGEFIPH, en 1996,
d'une partie du financement des équipes de préparation et de suite du
reclassement, les EPSR. Voilà qui fait décidément beaucoup au détriment des
handicapés !
Comme dans d'autres cas, le Gouvernement prend prétexte de la trésorerie
positive de l'AGEFIPH pour s'emparer d'une partie de celle-ci afin de boucler
son budget. C'est une politique d'expédients que l'on nous présente, qui
pénalise une association dont le montant total des fonds, engagements compris,
n'est pas aussi élevé que le prétend le Gouvernement.
Sutout, cet argent n'existe que parce que les entreprises, en majorité,
préfèrent payer des pénalités plutôt que d'embaucher des personnes handicapées,
ce qui pose un problème de fond. En effet, nous sommes là assez loin du concept
de l'« entreprise citoyenne » et de l'accomplissement du devoir de
solidarité.
Ce qui est particulièrement regrettable, c'est que le désengagement financier
de l'Etat se double d'un abandon de ses devoirs. En effet, le rôle de l'Etat,
face à une telle situation, est de mobiliser les ressources pour faire
appliquer la loi, pour inscrire dans les faits le principe de solidarité. Son
rôle n'est pas de ponctionner des ressources inemployées parce que certains ne
veulent pas appliquer la loi.
Or, c'est précisément ce à quoi nous assistons : l'Etat s'engage dans cette
démarche, quitte à investir pour cela une association de prérogatives de
puissance publique qui ne figurent en aucune façon dans ses statuts. Vous nous
demandez de modifier les activités de l'AGEFIPH, donc son objet et
in fine
sa nature. Vous nous demandez de donner notre aval à l'affectation de ses
fonds à une autre destination que celle qui est légalement prévue.
Il nous faudrait donc modifier la loi. A notre avis, cette modification va à
l'encontre de ce qu'il aurait fallu faire dans l'intérêt, primordial à nos
yeux, des personnes handicapées. La seule modification acceptable serait celle
qui démontrerait la volonté du Gouvernement d'assumer ses responsabilités et de
donner à l'AGEFIPH les moyens de remplir pleinement sa mission.
Nous ne cautionnons en aucun cas l'opération que vous nous proposez, car il
s'agit d'une mauvaise action perpétrée à l'encontre des handicapés.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-14.
M. Guy Fischer.
Cet amendement soulève un certain nombre de questions qui ne sont pas de
simple économie budgétaire.
Il s'agit, tout d'abord, de bien préciser quel est le cadre de la mesure qui
nous est proposée par l'article 97 et de s'interroger sur la cohérence de la
politique gouvernementale en faveur de nos compatriotes qui souffrent d'un
handicap.
La question du handicap est imparfaitement résolue, c'est le moins que l'on
puisse dire.
Une partie des solutions réside aujourd'hui dans l'attribution de l'allocation
aux adultes handicapés, qui est imputée sur le budget des affaires sociales et
qui constitue d'ailleurs un élément significatif de ce dernier.
Rappelons-nous qu'un article rattaché de la loi de finances pour 1994 avait,
de manière particulièrement discutable, modifié les conditions de versement de
cette allocation à certaines catégories de personnes en longue maladie, ce qui
avait été alors justifié par la volonté de réaliser des économies.
On constate donc que le discours actuel sur la maîtrise des dépenses publiques
n'a rien de bien nouveau ni original puisqu'il se situe dans cette
filiation.
Fiscalement parlant, le problème du handicap est également pris en compte en
termes de majoration du quotient familial, d'abattements spécifiques ou encore
d'exonérations de certains revenus de transfert, dont l'AAH, encore que, dans
ce domaine, le présent projet de loi de finances contienne une incroyable
mesure de remise en cause de l'exonération des rentes viagères d'incapacité de
travail.
Quant au fonds pour le développement de l'insertion professionnelle des
handicapés, il est organisé de manière relativement similaire au fonds d'action
sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Il repose, en effet, sur un prélèvement effectué à partir de l'entreprise sur
la base d'un principe simple.
Les entreprises qui, dans leurs secteurs respectifs, ne respectent pas les
obligations d'embauche de travailleurs handicapés sont soumises à une
cotisation mutualisée, destinée à financer des actions de formation, de
reclassement ou de réinsertion des travailleurs handicapés.
L'argent de l'AGEFIPH est donc celui des salariés. En ce sens, il est
assimilable, toutes proportions gardées, à l'argent collecté au titre de la
formation continue, de la participation des employeurs à l'effort de
construction ou encore de la contribution au versement des allocations
ASSEDIC.
Une entreprise qui ne développe pas de politique de formation est ainsi
invitée à solder ses obligations auprès d'un collecteur tandis qu'une
entreprise qui n'engage pas de dépense particulière pour le logement de son
personnel est invitée à solder sa contribution forfaitaire auprès d'un
collecteur ou du Trésor public.
L'alimentation des ressources de l'AGEFIPH est donc fondée sur le principe de
la pénalisation du refus d'une entreprise à répondre aux besoins de formation
et d'emploi des handicapés.
Dans les faits, on est bien obligé de revenir sur les termes du partage entre
les missions qui sont confiées à l'AGEFIPH dans le cadre de la loi de 1975 et
celles qui incombent à l'Etat.
Il importe de rappeler que cette loi prévoyait que les missions de l'Etat
étaient de prendre en charge « l'extension des dépenses qui sont les siennes :
l'éducation, la formation et le reclassement professionnels, la garantie de
ressources aux handicapés qui travaillent ».
Pour autant, ces principes ont été, depuis, largement travestis et ils le
seront encore si l'on en reste à la lettre de l'article 97 du présent projet de
loi.
En effet, l'AGEFIHP s'est déjà vu imputer ces dernières années des dépenses
liées au financement des équipes de préparation et de suite du reclassement
privées, à l'aménagement des postes de travail et à l'encadrement des
travailleurs handicapés.
Elle se voit donc dans l'obligation de faire des choix draconiens entre la
suppression des dépenses d'investissement en nouveaux outils de travail pour
les ateliers de formation ou la limitation des inscriptions dans les stages.
Peut-on, dans les faits, se permettre d'imposer de tels choix qui risquent, au
nom du strict équilibre comptable, de créer de nouvelles souffrances et de
nouvelles et intolérables discriminations ?
Les missions que l'on peut assigner à la dépense publique ne doivent pas être
l'occasion d'affirmer la primauté d'une rigueur qui, sous prétexte d'économie,
met en cause la satisfaction d'immenses besoins collectifs.
De plus, on est bien obligé de s'interroger sur le sens réellement donné à la
doctrine budgétaire en vigueur lorsque le Gouvernement réduit ses dépenses en
se contentant soit de les transférer sans compensation sur d'autres, soit comme
l'a montré la discussion sur le 1 % logement, en se servant dans la caisse et
en détournant l'argent qui devrait rester géré par les acteurs sociaux
eux-mêmes.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet amendement de suppression de l'article 97.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-7 et
II-14 ?
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur général.
Il est vrai que l'article 97 tend à augmenter les
responsabilités de l'association gérant les fonds de développement pour
l'insertion professionnelle des handicapés, mais il ne diminue pas les moyens
attribués à ces derniers.
La commission des finances estime donc que la réforme proposée dans cet
article n'est pas inéquitable, la garantie de ressources des travailleurs
handicapés étant maintenue.
Voilà pourquoi, sans hésitation, elle s'oppose aux amendements de suppression
de l'article 97.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Même avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-7 et II-14, repoussés par
la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 97.
M. Gérard Delfau.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'article 97 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
ministère du travail et des affaires sociales : I. - Travail.
Anciens combattants et victimes de guerre
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, si chacun fait preuve de célérité, nous devrions pouvoir
achever l'examen de ces dispositions avant le déjeuner.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les crédits proposés, en 1997, pour ce budget
s'élèvent à 26,842 milliards de francs. Ils sont en diminution de 5,4 % par
rapport à 1996.
Ce budget contribue ainsi pleinement à l'effort de maîtrise des dépenses
publiques. Les économies portent sur les moyens des services, décrits dans le
titre III, avec une diminution légère de 0,65 % des dépenses en personnel, et,
il est vrai, une baisse de près de 11 % des dépenses en matériel et en
fonctionnement des services.
Cette baisse marque une rupture par rapport aux fortes progressions
enregistrées au cours des années précédentes ; elle concerne les dépenses liées
à l'informatique, à la télématique et au plan de modernisation, que l'on ne
recommence pas tous les ans.
Les interventions publiques retracées dans le titre IV sont aussi touchées par
la rigueur budgétaire et les crédits mis à leur disposition sont réduits de 5,5
%. Pourtant, cette baisse doit être relativisée, car elle est en grande partie
liée à la diminution du nombre des parties prenantes. Près de un milliard de
francs seront, hélas ! économisés de la sorte, en 1997, sur les chapitres
relatifs à la dette viagère, aux soins médicaux et aux prestations assurées aux
invalides de guerre.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez su, malgré la rigueur imposée à
votre budget, sauvegarder les missions essentielles de votre ministère, et même
améliorer le dispositif de solidarité en faveur des anciens combattants
d'Afrique du Nord.
Ainsi, vous avez préservé les services déconcentrés, qui voient leurs
effectifs diminuer seulement de 1 %, contre près de 9 % pour l'administration
centrale, et dont les crédits de fonctionnement augmentent même de 2,9 %. Le
maintien du réseau d'accueil de proximité et de traitement des dossiers des
pensionnés et des anciens combattants pourra donc être assuré, ce dont il faut
se féliciter.
En outre, vous avez reconduit les crédits affectés à l'Institution nationale
des invalides, l'INI, et augmenté légèrement ceux de l'Office national des
anciens combattants, l'ONAC, montrant ainsi l'importance que revêt, aux yeux de
l'Etat, le maintien de l'action sociale en faveur des anciens combattants.
Le projet de budget pour 1997 est aussi marqué par une amélioration
considérable du dispositif de solidarité en faveur des anciens combattants
d'Afrique du Nord les plus démunis.
D'une part, le champ des bénéficiaires du fonds de solidarité est élargi.
Désormais, les anciens combattants d'Indochine pourront en bénéficier, tandis
que la condition d'âge est purement et simplement supprimée.
De plus, l'allocation différentielle voit son régime d'attribution assoupli
puisque son bénéfice est non plus réservé aux seuls chômeurs de longue durée,
mais étendu aux combattants en situation de travail précaire ou plutôt, comme
l'a décidé l'Assemblée nationale, en activité professionnelle involontairement
réduite.
D'autre part, les prestations du fonds de solidarité sont améliorées,
notamment l'allocation de préparation à la retraite, l'APR. Il faut rappeler
que la création de cette allocation avait constitué un échec relatif en raison
des paramètres retenus pour son calcul, qui la rendaient beaucoup moins
attractive que l'allocation différentielle. Pour remédier à cette situation, le
Gouvernement a décidé de déterminer le plancher et le plafond de l'APR non plus
en montant brut mais en montant net. Désormais, le montant maximal de
l'allocation différentielle et le plancher de l'APR sont identiques, soit 4 500
francs nets.
C'est un progrès notable, mais cette réforme doit être complétée par la
suppression de l'abattement de 22 % imposé par l'Association générale des
institutions de retraite des cadres, l'AGIRC, et l'Association des régimes de
retraites complémentaires, l'ARRCO, sur les retraites complémentaires
lorsqu'elles sont prises à l'âge de soixante ans.
J'aimerais d'ailleurs connaître, monsieur le ministre, sur ce point précis,
l'état des négociations entre les caisses de retraite et le Gouvernement. Cela
relève des fonctions de M. Barrot, mais sans doute me donnerez-vous quelques
explications.
Même si le projet de budget me paraît globalement positif, je dois vous faire
part de certaines inquiétudes que, je l'espère, monsieur le ministre, vous
lèverez.
J'approuve votre décision de prolonger, pour l'année 1997, la levée de la
forclusion opposable aux demandes d'attribution ou de révision d'une pension
militaire d'invalidité ou d'une retraite de combattant formulées par les
anciens combattants originaires des Etats de l'ex-Indochine française.
Toutefois, cette mesure ne revalorise pas le point d'indice. Je comprends que,
en raison de l'effort engagé par le Gouvernement pour réduire le déficit
public, aucune disposition supplémentaire n'intervienne cette année. Cependant,
j'aimerais que, dès l'année prochaine, vous nous proposiez un programme
quinquennal visant à réduire les écarts considérables existant entre les
différentes valeurs du point de pension.
Concernant la retraite anticipée en faveur des anciens combattants d'Afrique
du Nord, la commission tripartite mise en place pour en évaluer le coût a rendu
son rapport : 151 milliards de francs seront nécessaires.
Il est évident qu'un tel effort financier ne peut être demandé aux
contribuables. Toutefois, je regrette que le Gouvernement ait argué de ces
conclusions pour mettre fin à toute négociation avec les associations d'anciens
combattants. Je souhaite rappeler que ces discussions avaient été ouvertes, à
l'origine, pour améliorer la situation difficile qui affecte certains d'entre
eux. Une reprise de la réflexion tripartite me paraît donc nécessaire afin de
dégager une solution en faveur des plus démunis.
(Murmures sur les travées socialistes.)
J'aimerais aussi connaître l'état des négociations sur l'assouplissement
des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant en Afrique du Nord
et du titre de reconnaissance de la nation. En effet, votre ministère s'était
engagé devant les associations d'anciens combattants à ce que les mesures
décidées entrent en vigueur dès le 1er janvier 1997.
Quant à la retraite mutualiste, est-il opportun, comme le demandent certaines
associations, d'en indexer le plafond sur la valeur du point de pension
d'invalidité plutôt que sur l'indice des prix hors tabac ? La rente mutualiste
est un placement individuel volontairement souscrit, alors que les pensions
sont une réparation.
Je considère que les améliorations non négligeables votées dans la loi de
finances de 1996 sont réelles et que l'on doit en tenir compte.
Je tiens également à faire part de mes craintes concernant les menaces qui
pèsent sur l'entretien des nécropoles nationales en raison de l'insuffisance de
crédits, d'autant que certaines dépenses sont indispensables.
Par ailleurs, les actions en faveur de la mémoire et de l'information
historique me paraissent fortement compromises par la réduction considérable
des sommes mises à leur disposition.
Certes, cette baisse doit être relativisée, car elle est en partie liée à la
non-reconduction de crédits exceptionnels. Il reste que l'effort de maîtrise
des dépenses publiques ampute ces crédits de 15 % pour la politique de la
mémoire et de 32,4 % pour les interventions en faveur de l'information
historique.
Certes, j'approuve le vote par l'Assemblée nationale de crédits exceptionnels
en faveur des interventions dans le domaine des monuments et des musées
commémoratifs, mais cela me paraît insuffisant. C'est pourquoi je demande une
rapide remise à niveau des crédits, qui ne peut pas passer par un appel
systématique à la « réserve parlementaire ».
Je conclurai, toutefois, sur deux remarques très positives, monsieur le
ministre.
D'une part, je me réjouis que le Gouvernement ait retiré l'article 87, relatif
au plafonnement à 50 % de la majoration des pensions militaires d'invalidité
afférente au taux de grade. En effet, le vote de cet article aurait provoqué
une réduction importante et brutale de certaines pensions, ce qui n'était pas
acceptable. Je tiens d'ailleurs à souligner que j'avais fait voter un
amendement de suppression par la commission des finances.
D'autre part, je me félicite du démenti apporté par M. le Premier ministre
concernant un éventuel regroupement des services territoriaux de l'ONAC et du
ministère des anciens combattants dans un pôle de compétence « affaires
sociales », qui aurait laissé craindre, à terme, une remise en cause de
l'existence même du ministère.
Il me paraît en effet essentiel que le ministère des anciens combattants
conserve la place qu'il mérite au sein des institutions françaises, car il est
le gardien de la mémoire collective et le défenseur de ceux qui se sont
sacrifiés pour leur patrie.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de suivre l'avis de la commission
des finances et de voter ce projet du budget, considérant que, dans un contexte
difficile, il ne remet en question ni l'exercice du droit à réparation ni la
mise en oeuvre de la solidarité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
L'année 1996
restera marquée, monsieur le ministre, par la décision prise par le
Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord, au vu de l'exercice très complet de chiffrage
qui a été réalisé par une commission tripartite et dont les résultats ont été
publiés au mois de mars dernier.
Le travail de la commission tripartite a été très sérieux et très objectif.
Elle a abouti à un coût de 151 milliards de francs sur six ans. Même si des
différences peuvent légitimement s'exprimer sur les hypothèses de calcul qui
seraient choisies avant de mettre en oeuvre la retraite anticipée, ce chiffre
paraît refléter globalement le coût de la mesure, entendue dans sa conception
la plus large et la plus généreuse, si elle avait été mise en place au 1er
janvier 1996.
M. Robert Pagès.
Ce n'est pas le cas !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas du tout le cas, mais c'est une
constatation.
M. Robert Pagès.
De plus, le chiffrage est contestable !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales comprend les
motifs qui ont malheureusement conduit le Gouvernement à renoncer à la retraite
anticipée, dont le coût considérable est apparu incompatible avec les
contraintes budgétaires et économiques auxquelles doit faire face le pays.
En contrepartie, ce projet de budget prévoit plusieurs mesures de solidarité
en faveur des anciens combattants de la troisième génération du feu, dans un
juste esprit de réparation.
La commission des affaires sociales s'est tout d'abord félicitée que le fonds
de solidarité, qui avait été mis en place en 1992, à la suite du débat qu'elle
avait ouvert, soit rendu encore plus consistant pour les anciens d'Afrique du
Nord, qu'ils soient chômeurs de longue durée ou en situation d'activité
professionnelle involontairement réduite.
La commission, toutefois, a fait une constatation et émis un voeu.
Tout d'abord, elle a constaté que la condition qui impose à l'ancien
combattant de plus de cinquante-cinq ans d'avoir perçu pendant six mois
l'allocation différentielle avant de pouvoir prétendre à l'allocation de
préretraite est pénalisante. L'option pour la préretraite est une sorte «
d'option en trompe-l'oeil ». En effet, elle ne procède pas vraiment d'un libre
choix de l'ancien combattant, qui doit subir le point de passage obligé de
l'allocation différentielle avant d'accéder à sa préretraite, et ce point ne
nous paraît pas totalement satisfaisant.
Ensuite, nous avons souhaité que les négociations engagées avec les
gestionnaires des régimes de retraite complémentaire aboutissent rapidement
afin que soit levée l'irritante question des coefficients d'anticipation, qui
réduisent parfois d'un cinquième la retraite complémentaire de l'ancien
combattant qui demande à bénéficier de la préretraite.
C'est pourquoi nous demandons, monsieur le ministre, que vous soyez
spécialement mandaté par M. le Premier ministre pour négocier seul et en
priorité de cette question particulière avec les gestionnaires de l'ARRCO ou, à
défaut, que le ministre des affaires sociales soit habilité à régler en
priorité absolue ce dossier dans un délai de trois mois. Cela nous paraît à
tous particulièrement important.
Parmi les mesures de contrepartie, nous avons relevé, avec satisfaction, que
vous étiez en train de travailler en concertation avec le Front uni pour
simplifier les règles d'attribution de la carte du combattant.
Cette mesure est d'autant plus souhaitée que le Gouvernement avait dû
renoncer, ces dernières années, à l'introduction d'un véritable critère de
territorialité.
Nous souhaitons que la réforme qui sera adoptée permette de rétablir une
certaine équité entre les générations du feu quant au taux d'attribution de la
carte par rapport aux demandes transmises.
Par ailleurs, nous vous soutenons totalement dans votre démarche tendant à
décerner une distinction honorifique particulière à tous les titulaires du
titre de reconnaissance de la nation.
Comme l'a rappelé M. le Président de la République, le 11 novembre dernier, «
dix longues années d'épreuves ont montré le courage des forces régulières et
des formations supplétives unies fraternellement dans les plis du drapeau
français. De cette expérience-là, nul n'est revenu vraiment indemne : près de
trois millions d'hommes l'ont vécue, 25 000 ont disparu ». La commission attend
les actes qui doivent suivre de tels propos.
Monsieur le ministre, sensible qu'elle est aux efforts que vous avez entrepris
en faveur de la troisième génération du feu,...
M. Raymond Courrière.
Elle n'est pas difficile !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
... la commission des affaires sociales est
favorable à l'adoption de votre budget, ainsi que des articles 85 et 86 qui y
sont rattachés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 19 minutes ;
Groupe socialiste : 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
5 minutes.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
des anciens combattants et victimes de guerre est l'occasion de témoigner de
notre fidélité au souvenir des services rendus à la patrie et à la mémoire de
ceux qui sont morts pour elle. C'est pourquoi il doit, chaque année, comporter
des témoignages concrets de la reconnaissance de la nation.
Le projet de loi de finances pour 1997 a été élaboré dans un contexte de
limitation du déficit, fondée sur la réduction des dépenses publiques.
Naturellement, à ce choix stratégique, indispensable au redressement de notre
pays, le budget des anciens combattants ne pouvait échapper. C'est la raison
pour laquelle il enregistre une diminution de 5,37 %, pour s'établir à 26,8
milliards de francs.
Je constate, monsieur le ministre, qu'il est tout de même porteur de quelques
espérances. Chacun sait que, pour l'ancien combattant que vous êtes,
l'essentiel des actions que vous entreprenez repose sur le principe de la
reconnaissance du monde combattant.
D'emblée, je dois tout de même évoquer le dossier du douloureux contentieux né
de la revendication par les anciens combattants d'Afrique du Nord d'une
retraite anticipée en réparation des sacrifices consentis et des souffrances
endurées entre 1952 et 1962.
A cet égard, je tiens à souligner que vous avez toujours été à l'écoute de
leurs associations, regroupées au sein du Front uni. Faut-il rappeler que vous
vous êtes personnellement engagé en les recevant, le 23 juillet, à votre
ministère, puis en les accompagnant, d'abord, chez M. le Premier ministre, le
1er août, et, ensuite, chez M. le Président de la République, le 18 septembre
?
Je souligne également la neutralité que vous avez observée à l'égard de la
commission tripartite chargée du problème des retraites anticipées puisque vous
lui avez laissé toute liberté pour procéder à un examen au fond.
La commission tripartite, dans son rapport, a évalué le coût de cette mesure à
151 milliards de francs sur neuf ans. A l'issue des travaux de cette
commission, les associations regroupées au sein du Front uni ont présenté une
nouvelle mesure plus restrictive dont le coût s'éleverait, selon elles, à 36,5
milliards de francs, mais, selon le rapporteur de la commission, à 80 milliards
de francs, malheureusement, sur sept ans et demi.
A l'évidence, mes chers collègues, face à l'importance de tels chiffres et
quelles que soient les marges d'incertitude, il faut tenir compte en priorité
de l'effort de redressement des finances publiques entrepris par le
Gouvernement.
Le coût de la retraite anticipée paraît, dans la conjoncture actuelle,
incompatible avec la situation économique et financière de notre pays. C'est
pourquoi nous serons conduits à approuver, pour l'heure, les mesures partielles
arrêtées par le Gouvernement.
Afin d'atténuer les divergences qui sont apparues entre le Gouvernement et le
Front uni, je tiens à souligner tout le mérite de M. le Président de la
République, qui a su marquer ce 11 novembre 1996 d'un événement assez
exceptionnel. Il a en effet rendu, au nom de la nation, un hommage particulier
aux victimes civiles et militaires des événements douloureux d'Afrique du Nord
en inaugurant un monument à leur mémoire.
Il l'a fait dans des conditions telles - je tiens à le souligner devant notre
assemblée - qu'il a pu rassembler tous ceux qui restent fidèles à l'armée
d'Afrique, tous ceux qui tenaient à rendre hommage au rôle joué par les appelés
et les rappelés venus de métropole, mais aussi tous ceux qui étaient intéressés
par le passé des Français d'Algérie, des harkis et de leurs descendants qui
résident sur notre sol.
Nous sommes particulièrement reconnaissants à M. le Président de la République
d'avoir su prendre l'initiative de ce grand rassemblement national, auquel nous
avons, les uns et les autres, participé. Nous vous chargeons, monsieur le
ministre, de le lui faire savoir.
Revenons-en à la réalité des chiffres.
Il nous faut donc nous contenter, cette année, des mesures arrêtées par le
Gouvernement et tendant à privilégier les actions de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord les plus modestes, qui connaissent le
plus de difficultés ou qui ont été blessés.
Quant au problème de l'abattement de 22 % sur les retraites complémentaires
qui est appliqué aux anciens combattants d'Afrique du Nord partant à la
retraite à soixante ans sans totaliser le nombre de points nécessaires, il
n'est malheureusement pas encore résolu. La décision dépend du ministère des
affaires sociales, en charge des négociations avec l'ARRCO, organisme de
tutelle des régimes de retraites complémentaires. Monsieur le ministre, ce
problème est capital.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre.
Absolument !
M. Guy Cabanel.
Il faut le faire aboutir d'une façon ou d'une autre. C'est notre souhait le
plus cher, car cette injustice ne peut perdurer plus longtemps.
Certaines mesures décidées par le Premier ministre et par le Président de la
République, en liaison avec vous, monsieur le ministre, devraient donner
satisfaction au monde combattant d'Afrique du Nord.
L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant
constitue un exercice difficile, mais il faut en venir à bout une bonne fois
pour toutes. Comme l'a très bien souligné M. le rapporteur pour avis, notre
collègue et ami Marcel Lesbros, il faut respecter un certain équilibre entre
les différentes générations du feu. Nous vous confions donc cet exercice
difficile, avec l'espoir que, grâce à votre diplomatie, vous pourrez trouver
une solution acceptable pour tous.
J'ai accueilli favorablement l'annonce d'un contingent spécial de nominations
et de promotions dans l'Ordre de la Légion d'honneur et dans l'Ordre national
du Mérite pour les anciens combattants d'Afrique du Nord en 1997, à l'occasion
du trente-cinquième anniversaire de la fin des hostilités. Il est également
question, ce qui me paraît une bonne mesure, de transformer en décoration le
titre de Reconnaissance de la nation.
L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte d'ancien
combattant, les promotions spéciales à l'Ordre de la Légion d'honneur et à
l'Ordre national du Mérite, la transformation en décoration du titre de
Reconnaissance de la nation et les mesures concernant le fonds de solidarité
devraient témoigner aux anciens combattants l'intérêt que leur porte le
Gouvernement.
Je me réjouis, enfin, de la clarification que le Premier ministre a apportée à
propos de la pérennité des structures administratives de votre ministère,
clarification à laquelle, je n'en doute pas, vous avez pris une grande part.
M. Robert Pagès.
Quatre-vingts postes sont supprimés !
M. le président.
Je vous en prie, monsieur Pagès, vous n'avez pas la parole.
M. Guy Cabanel.
J'en viens à un tournant dangereux de mon intervention, ne m'interrompez pas,
monsieur Pagès.
Je vous sais attaché, monsieur le ministre, aux structures actuelles des
services déconcentrés de votre ministère et de l'Office national des anciens
combattants. La polémique doit cesser sur ce point, d'autant que le Président
de la République lui-même s'est solennellement engagé à maintenir dans leur
intégrité ces structures. Nous sommes donc satisfaits sur ce point.
J'aurais voulu, mes chers collègues, évoquer la politique de la mémoire. En
dépit des amputations de crédits, je crois que votre action sera bénéfique.
Cette défense de la mémoire doit prendre sa source dans les écoles, et je pense
- ce n'est plus une question de crédits - qu'il faut largement y faire
participer les associations d'anciens combattants.
Monsieur le ministre, en dépit des contraintes financières qui pèsent sur le
projet de budget pour 1997, et tout en regrettant l'impossibilité qu'il y a à
résoudre dès maintenant le difficile problème de la retraite anticipée pour les
anciens combattants d'Algérie, la majorité des membres du groupe du
Rassemblement démocratique et social européen émettront un vote favorable sur
le projet de budget de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, d'exprimer tout le plaisir
que j'ai eu à être à vos côtés voilà quelques semaines, en Virginie, pour
célébrer le 215e anniversaire de la victoire de Yorktown, par laquelle l'armée
de Washington, avec l'appui de la flotte de l'amiral de Grasse et des troupes
de Rochambeau et de La Fayette, assura l'indépendance des Etats-Unis
d'Amérique.
Vous vous êtes également rendu à Arlington, à Washington et à New York, à bord
du porte-avions l'
Intrépide.
Les anciens combattants français et
américains ont particulièrement apprécié les discours que vous avez prononcés,
parfois même en anglais.
Nous étions fiers de vous là-bas, comme nous l'avons été ici en France, lors
des célébrations du 80e anniversaire des batailles de la Somme et de Verdun.
M. Hubert Durand-Chastel.
Très bien !
M. Jacques Habert.
Ce préambule m'amène à évoquer d'emblée les crédits inscrits dans le projet de
loi de finances pour 1997 au titre de la délégation à la mémoire et à
l'information historique.
Dans le climat de rigueur générale que nous connaissons, ces crédits passeront
de 35 millions de francs à 25 millions de francs, mais nous ne nous inquiétons
pas particulièrement de cette réduction.
En effet, pour ce qui concerne 1917, excepté l'entrée en guerre des
Etats-Unis, le 4 avril, et l'arrivée en France du général Pershing, il n'y a
pas grand-chose dont on puisse se souvenir avec plaisir, qu'il s'agisse de la
révolution bolchévique
(Sourires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen),
de l'abandon en pleine guerre des alliés par les Soviets, de la défaite de
Caporetto, de l'échec des sanglantes attaques du Chemin-des-Dames ou des
mutineries dans nos propres rangs.
En revanche, nous pourrions songer au bicentenaire de la fulgurante campagne
menée par Bonaparte en Italie en 1796, qui a été complètement occultée. Il
reste cependant encore la victoire de Rivoli, le 14 janvier 1797, et le traité
de Campoformio. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous y ferez référence
dans l'excellente publication intitulée
Les chemins de la mémoire
.
Naturellement, il existe, dans le budget de votre ministère, des masses
budgétaires beaucoup plus importantes. Mais, dans les cinq minutes qui me sont
imparties, je ne pourrai en dire que quelques mots.
La grande question de cette année a été la revendication présentée par le
Front uni des anciens combattants d'Afrique du Nord, à savoir la retraite
anticipée à cinquante-cinq ans. Vous avez demandé que soit chiffré le coût de
cette mesure. La commission tripartite, présidée par M. Chadelat, a accompli un
travail que notre collègue Marcel Lesbros a estimé, à juste titre, dans son
excellent rapport, « très complet et très objectif ».
Le coût de cette mesure a été estimé à 151 milliards de francs sur neuf ans.
Il est évident que l'Etat ne peut se permettre d'inscrire, dans ce budget, une
telle dépense, même si d'autres modalités de calcul et quelques incidences
compensatrices, comme l'embauche de chômeurs ou de jeunes pour remplacer les
préretraités, abaissent sensiblement ce chiffre. De toute façon, il faut
convenir qu'il est au-dessus de nos moyens.
Le Gouvernement a recherché d'autres façons d'aider les anciens d'AFN. Des
mesures de solidarité nouvelles ont été annoncées. Nous sommes heureux de les
voir figurer dans le projet de budget que nous examinons.
Le fonds de solidarité des anciens combattants a été autorisé à verser deux
allocations supplémentaires aux anciens ayant servi en Afrique du Nord entre
1952 et 1962 : une allocation différentielle, qui complète à hauteur de 4 500
francs par mois le montant total des ressources des intéressés, et, après six
mois, une allocation de préparation à la retraite, l'APR, assurant une
compensation mensuelle de 4 500 francs à 7 000 francs.
Le Front uni demande que le plafond de l'APR soit élevé à 7 500 francs. Il
demande aussi que la période d'allocation différentielle soit réduite de six à
trois mois. Vous avez fait remarquer à l'Assemblée nationale, monsieur le
ministre, que cette mesure entraînerait un surcoût de dépenses « qui n'est pas
loin de 10 milliards de francs ». De nouveau, nous sommes bloqués par les
douloureuses obligations des équilibres budgétaires !
Le représentant des Français de l'étranger que je suis observe en passant que,
pour percevoir ces allocations, il faut « résider habituellement en France »,
ce qui provoque, à bon droit, les protestations de nos camarades de Belgique ou
de Suisse, notamment, où les anciens d'AFN sont nombreux.
En revanche, le bénéfice du fonds a été ouvert aux anciens d'Indochine, ce que
nous approuvons tous. Il serait injuste d'octroyer aux seuls anciens d'AFN des
avantages dont n'ont jamais bénéficié des combattants des guerres précédentes -
celles de 1939-1945, d'Indochine, de Corée -, ou d'autres théâtres de conflits,
comme Suez.
Il faut noter, par exemple, qu'il n'avait jamais été question précédemment
d'accorder des compensations pour « troubles psychiques de guerre ».
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Habert !
M. Jacques Habert.
On peut relever aussi que les taux de délivrance des cartes de combattant à
ceux qui ont pensé fort naturellement y avoir droit n'a été que de 51 % pour la
guerre de 1939-1945 et de 55 % pour 1914-1918. Il atteint déjà 63 % pour les
anciens d'Algérie, ce qui montre que ceux-ci ne sont nullement défavorisés.
Aujourd'hui, le fonds enregistre près de 40 000 titulaires de l'allocation
différentielle et l'APR compte déjà plus de 3 500 bénéficiaires. Pour tenir
compte de ces nouvelles mesures de solidarité, le montant du fonds, d'abord
prévu à 1,4 milliard de francs pour 1997, a été porté à 1,5 milliard de francs
dans l'article 86 du projet de loi de finances.
Je ne parle pas de l'article 87 ; nous sommes heureux, monsieur le ministre,
qu'il ait été retiré.
M. le président.
Je vous prie, encore une fois, de conclure, monsieur Habert !
M. Jacques Habert.
Monsieur le ministre, vous avez été reçu au mois de septembre dernier par le
Conseil supérieur des Français de l'étranger et, à cette occasion, les voeux
exprimés par les anciens combattants français résidant hors de France vous ont
été remis ; nous savons que vous saurez leur donner suite.
Pour toutes ces raisons, et surtout pour les nouvelles mesures de solidarité
que contient le projet de budget de votre ministère, les sénateurs non
inscrits, comme la majorité de notre assemblée, voteront les crédits prévus
pour les anciens combattants dans le projet de loi de finances pour 1997.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Barbier.
M. Bernard Barbier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque
année, l'examen du budget des anciens combattants et victimes de guerre nous
donne l'occasion de témoigner de notre fidélité à leur mémoire et d'essayer de
mettre en oeuvre le droit à réparation envers ceux qui ont beaucoup donné pour
la nation.
Je ne reviens pas sur le montant du budget, mes prédécesseurs l'ont rappelé,
toutefois ce n'est pas un mauvais budget, bien au contraire. Il ne signifie pas
que vous ayez renoncé à une politique volontariste pour votre
administration.
Si les effectifs de l'administration centrale diminuent - mais ni plus ni
moins que ne l'imposaient les normes fixées par le Premier ministre pour la
préparation de ce budget - il est frappant de constater que vous avez réussi à
obtenir une augmentation de la subvention de l'ONAC. Cela permettra à cet
organisme de faire face à ses engagements et de stabiliser la situation de
personnels employés à titre temporaire dans les maisons de retraite de
l'office.
Les services de l'ONAC connaissent souvent un accroissement de leurs tâches du
fait de l'instruction des demandes d'allocation de préparation à la retraite.
Il est important que les services départementaux situés dans des régions où les
anciens d'Afrique de Nord sont nombreux obtiennent les ouvertures de poste qui
leur permettent d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, un service de
qualité auprès des anciens combattants en difficulté.
Les dépenses nouvelles permettront également de financer des transformations
d'emploi pour stopper la réduction d'effectifs des ouvriers d'entretien des
nécropoles nationales. Il est important d'améliorer l'accueil et l'entretien du
paysage dans les hauts lieux de la mémoire nationale. La mémoire s'entretient
aussi de la reconnaissance que l'on doit à ceux qui sont morts pour la
France.
C'est pourquoi, chaque année, une délégation du groupe d'études des sénateurs
anciens combattants, que j'ai l'honneur de présider, succédant ainsi à notre
ancien collègue M. Miroudot, se rend sous l'Arc de Triomphe pour raviver la
flamme du Soldat inconnu sous la présidence d'honneur du président du Sénat.
Cette année, comme toujours, notre émotion était grande, et le président
Fourcade, qui a conduit notre délégation, pourrait en témoigner. J'en profite
pour vous remercier à nouveau, monsieur le ministre, car vous y étiez
représenté par l'un de vos conseillers.
Ce sont par ces gestes simples et humbles que l'on maintient une certaine idée
de la reconnaissance de la nation envers ceux qui se sont battus pour elle.
Cette réflexion me conduit à dire que nous ne partageons pas les critiques que
nous avons parfois entendues sur la baisse des crédits de la mémoire
historique.
Beaucoup a été fait ces dernières années ; l'éclat des cérémonies organisées
pour la commémoration du cinquantenaire de la Libération est là pour rappeler
aux jeunes générations que l'histoire est aussi faite de combats.
La mémoire historique ne se défend pas uniquement par des crédits
supplémentaires ; vous nous en avez vous-même fourni la preuve, monsieur le
ministre. Car votre décision de décorer de la Légion d'honneur tous les anciens
poilus de 1914 a eu un grand retentissement. Nous savons que nous pouvons
compter sur votre imagination et votre détermination pour faire bouger les
mentalités.
Avant d'aborder les mesures de solidarité prises en faveur des anciens
d'Afrique du Nord, je veux évoquer la question de la décristallisation des
pensions des anciens combattants des anciens pays de la France d'outre-mer, qui
ont été gelées au niveau qu'elles avaient atteint au moment où ces pays ont
accédé à l'indépendance.
Le droit à pension des victimes de guerre est un droit à réparation propre à
la nation et il convient de rappeler que les pensions n'ont pas été
cristallisées pour les ressortissants de ces Etats qui ont opté pour la
nationalité française ou qui résidaient en France.
Pour autant, la France ne doit pas faillir à son image de générosité. Dans la
mesure où cette générosité s'exprime aussi à travers les crédits de coopération
versés aux pays africains d'où sont originaires les anciens combattants en
question, il serait sans doute utile de voir si une partie de ces sommes ne
pourrait pas être préaffectée aux anciens combattants dans ces pays en tenant
compte de l'avis des responsables de ces Etats sur des niveaux de rattrapage
qui ne doivent pas être excessifs eu égard au faible niveau des salaires dans
ces pays.
Le débat sur la cristallisation est le fruit du cours des relations
internationales dans les années soixante. Sa solution dépasse sans doute
aujourd'hui le seul cadre du ministère des anciens combattants. Mais celui-ci
peut jouer un rôle d'impulsion sous votre autorité, monsieur le ministre.
La question de la retraite anticipée aura connu un développement nouveau et
important avec la conclusion des travaux de la commission d'évaluation
tripartite présidée par M. Jean-François Chadelat, autorité avisée et
compétente.
Dès que ces chiffres ont été connus, nous avons été saisis de divergences non
pas sur la méthode de travail de la commission, dont chacun a reconnu le
sérieux, l'objectivité et la diligence, mais sur les hypothèses de travail sur
lesquelles était fondé le chiffrage.
Nous vous avions demandé, monsieur le ministre, au nom des sénateurs anciens
combattants, de tout faire pour que soient levés les doutes qui surgissaient et
éclairer les anciens combattants sur les mesures que vous comptiez prendre.
Nous avons été entendus puisque, comme l'ont rappelé mes prédécesseurs, les
anciens combattants, représentés par le Front uni, ont été reçus successivement
par vous-même, par le Premier ministre et par le Président de la République.
Nous avons bien noté que le chef de l'Etat, lors de l'audience qu'il a
accordée aux représentants de la troisième génération du feu, dont il fait
lui-même partie, a précisé que « le débat ne devait pas être clos en raison
notamment des avantages qui pourraient découler en matière d'emploi ».
Il nous semble, monsieur le ministre, que cette phrase importante devrait vous
habiliter à conduire une mission interministérielle pour préparer un dispositif
qui permettrait aux anciens d'Afrique du Nord de prendre une retraite anticipée
à taux plein à chaque fois que leur employeur garantit que leur départ est
compensé par l'embauche d'un demandeur d'emploi ou d'un jeune n'ayant jamais
travaillé.
Une convention passée entre l'entreprise et l'Etat concrétiserait l'engagement
pris et autoriserait le versement d'une prime aux régimes d'assurance
vieillesse, une fois le remplacement de l'ancien d'Afrique du Nord intervenu.
Quelle que soit la solution retenue, elle devra être mise en place rapidement,
car le temps presse pour les ancien d'Afrique du Nord.
Vous avez tenu, monsieur le ministre, à améliorer les solutions offertes en
priorité aux anciens d'Afrique du Nord qui rencontrent le plus de difficulté,
et nous vous en félicitons.
M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, rapportant, en
1991, une proposition de loi sur la retraite anticipée pour les anciens
combattants chômeurs, avait soulevé un débat qui avait conduit le Gouvernement
de l'époque à mettre en place le fonds de solidarité pour les anciens d'Afrique
du Nord. Depuis, l'idée a fait son chemin puisque vous avez choisi de renforcer
encore ce fonds.
Qu'il me soit permis, cependant, de formuler une remarque.
Il faut que le fonds soit encore plus simple qu'aujourd'hui dans son
fonctionnement : tout ancien d'Afrique du Nord dans le dénuement et dont les
ressources ne dépassent pas 4 500 francs par mois doit pouvoir se rendre à
l'ONAC et obtenir une allocation, après une vérification personnalisée de la
réalité de ses revenus, sans être astreint à des formalités excessives ou à la
production de preuves multiples.
Nous nous félicitons que les projets de réorganisation des services de l'Etat
qui portaient atteinte aux structures du monde combattant aient finalement été
écartés.
Maintenir le ministère des anciens combattants est, en effet, le minimum que
doit l'Etat à ceux qui ont servi la France sans compter et avec courage aux
moments difficiles de son histoire.
Je dois également vous saisir d'une question qui me paraît grave par ses
implications, monsieur le ministre. Dans le texte adopté par nos collègues de
l'Assemblée nationale, hier soir, sur la prestation spécifique dépendance, il
est prévu de tenir compte, pour le calcul des ressources des personnes âgées,
du montant de la retraite du combattant de l'intéressé ou de son conjoint.
La retraite du combattant constitue non pas une prestation sociale ou une
réparation, mais une récompense personnelle pour tous les titulaires de la
carte du combattant, et pour eux exclusivement, en vertu des services rendus à
la nation.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Absolument !
M. Bernard Barbier.
Elle n'est pas réversible, même si cela est parfois critiqué. Il s'agit, au
demeurant, d'une somme minime qui n'excède pas 2 700 francs par an, me
semble-t-il.
Cette décision est quelque peu choquante, car elle procède, au fond, d'une
forme d'oubli de l'histoire et de l'origine réelle de la retraite du
combattant.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Tout à fait !
M. Bernard Barbier.
Je vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir solennellement auprès des
ministères concernés mais ma demande, j'en suis convaincu, est superfétatoire
!
(M. le ministre fait un signe d'approbation.)
Parce qu'ils sont sensibles à votre souci d'apporter rapidement des
réponses concrètes aux préoccupations du monde combattant, les membres du
groupe des Républicains et Indépendants voteront votre projet du budget pour
1997.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Le budget qui nous est soumis aujourd'hui marque votre volonté, monsieur le
ministre, de concilier les exigences budgétaires et les intérêts des anciens
combattants.
En effet, ce budget qui avoisine 26,84 milliards de francs, se trouve en
diminution de 5,37 % par rapport à l'année précédente.
Si cet effort se répartit sur différents chapitres, les missions essentielles
de votre ministère sont cependant préservées.
En effet, en raison de la décroissance démographique des ayants droit, le
budget aurait dû être ramené à 26,725 milliards de francs. Or, pour l'année
1997, il est supérieur de 241 millions de francs à ce montant.
Cette marge de manoeuvre témoigne, en cette période de réduction des déficits
publics, d'une véritable solidarité avec les anciens combattants au travers du
maintien des structures d'accueil du monde combattant, du respect du devoir de
mémoire et de l'application du rapport constant.
Ainsi, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de
l'engagement que vous avez pris de maintenir intactes les institutions du monde
combattant. En effet, les anciens combattants et leurs représentants se sont
émus du projet de réorganisation des services déconcentrés de l'Etat, qui
semblait aboutir au transfert de certains de ces services sous une autre
autorité que celle de votre ministère. Or, ils sont très attachés à ces
institutions qui contribuent, par leurs actions, à assurer la réparation de la
nation à leur égard et le respect que notre pays leur doit.
Je note avec satisfaction que cet engagement s'accompagne d'un effort de
préservation des effectifs des directions interdépartementales et du maintien
du réseau d'accueil de proximité et de traitement des dossiers des pensionnés
et anciens combattants.
Par ailleurs, nous avons pris bonne note de votre volonté de renoncer au
plafonnement à 50 % de la majoration de pensions militaires d'invalidité
afférente au taux du grade. Nous nous réjouissons de cette décision, car cette
mesure ne représente qu'une faible économie et doit s'inscrire dans une
réflexion plus large.
Je me réjouis également de l'application de l'indexation automatique sur
l'indice des prix du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant.
L'année dernière, grâce au vote presque unanime du Parlement, nous avons
institué ce système de revalorisation régulière, bien plus satisfaisant que les
augmentations au coup par coup qui étaient pratiquées auparavant.
Malgré la rigueur budgétaire, le projet de budget que vous nous présentez,
monsieur le ministre, est marqué par votre volonté de concertation avec les
associations du monde combattant, ce qui constitue, pour nous, un autre motif
de satisfaction.
Il en est ainsi, par exemple, pour les différentes mesures que vous proposez
pour résoudre le douloureux contentieux né de la revendication des anciens
combattants d'Afrique du Nord concernant la retraite anticipée.
Le Président de la République lui-même a manifesté l'hommage de la nation, au
travers de l'inauguration, le 11 novembre dernier, d'un monument, à la mémoire
des victimes civiles et militaires en Afrique du Nord.
Les résultats des travaux de la commission tripartite présidée par M.
Chadelat, que vous aviez mise en place, ne sont contestés par personne. Il est
apparu que la mise en oeuvre de la retraite anticipée en faveur des anciens
combattants d'Afrique du Nord représentait un coût extrêmement élevé, même en
prenant les hypothèses de calcul les plus restrictives.
Elle est donc incompatible avec notre situation économique et financière
actuelle. C'est pourquoi nous apprécions le contenu des mesures proposées pour
parvenir à une plus grande solidarité en faveur des anciens combattants
d'Afrique du Nord qui rencontrent des situations difficiles.
Il s'agit, notamment, de la suppression de l'âge minimum d'éligibilité au
fonds de solidarité, de la fixation en net et non plus en brut du plancher et
du plafond de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, de l'exclusion
intégrale des pensions militaires d'invalidité de l'assiette des ressources
prises en compte pour l'accès du fonds, du versement d'un capital-décès au
conjoint survivant, de l'ouverture du fonds non seulement aux chômeurs de
longue durée mais également aux personnes ayant une activité professionnelle
involontairement réduite et de l'ouverture du fonds aux anciens d'Indochine. Ce
sont autant de mesures qui visent à une amélioration significative du régime du
fonds de solidarité.
Le financement de ces mesures est assuré puisqu'un crédit de 135,40 millions
de francs viendra augmenter la dotation du fonds de solidarité.
J'émets néanmoins une réserve ; il s'agit du problème de l'abattement de 22 %
sur la retraite complémentaire appliqué aux anciens combattants d'Afrique du
Nord qui sont titulaires de l'APR, mais qui ne totalisent pas le nombre de
points nécessaires au moment de leur départ à la retraite à soixante ans.
Vous me permettrez d'insister, monsieur le ministre, sur la nécessité d'un
aboutissement rapide des négociations que M. Barrot, ministre du travail et des
affaires sociales, chargé en conséquence de la tutelle des caisses de retraites
complémentaires, a engagé sur le sujet ; en effet, les perspectives de
développement de l'APR sont conditionnées par cet accord.
Je souhaite à présent aborder quelques points sensibles sur lesquels je
désirerais que vous m'apportiez des réponses ou des apaisements.
Je voudrais tout d'abord évoquer le douloureux problème de la cristallisation
des pensions figées à la date de l'indépendance des anciens pays de l'Empire.
Il y a là une injustice de plus en plus mal ressentie par ceux qui n'ont pas
hésité à risquer leur vie et qui ont pu être blessés dans leur chair.
Monsieur le ministre, quelles peuvent être les solutions envisageables en
faveur de ces combattants qui ont montré leur attachement et leur fidélité à
notre pays ?
Le groupe de travail sur la révision du rapport constant s'est réuni plusieurs
fois pour réfléchir à une simplification du mode de calcul. Il est nécessaire,
aujourd'hui, de savoir quand cette simplification pourra être applicable.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement
de cette réflexion ?
Je voudrais également insister sur l'importance de la reconnaissance des
souffrances endurées par les « malgré-nous » capturés par l'armée soviétique et
sur la nécessité de leur accorder un statut. Il faut que chaque Français
connaisse le drame qui a été le leur sous l'occupation nazie. Cette question
rejoint celle de la politique de la mémoire.
Je me suis en effet inquiétée de la diminution des crédits consacrés à cette
politique. Certes, elle tient pour l'essentiel à la suppression des crédits
ouverts à titre non reconductible pour les fêtes nationales et cérémonies
publiques exceptionnelles de cette année.
Cependant, cette politique doit conserver son caractère prioritaire. Il est
essentiel que la délégation à la mémoire et à l'information historique ait les
moyens financiers de ses missions, qui sont nombreuses et diversifiées.
Même si je ne considère pas ces missions comme prioritaires, deux d'entre
elles me paraissent cependant absolument essentielles : d'une part, l'entretien
de toutes nos nécropoles nationales en France et à l'étranger, symbole de la
reconnaissance de la nation pour ceux qui se sont battus en son nom et pour
elle ; d'autre part, la préservation de notre avenir en mettant absolument tout
en oeuvre pour que jamais les horreurs des guerres ne se reproduisent, en
informant et en soutenant toutes les initiatives pédagogiques, notamment en
direction de nos enfants.
J'espère, monsieur le ministre, que ce budget se donne les moyens d'accomplir
cette indispensable mission.
Mes collègues du groupe du RPR et moi-même voterons ce projet de budget, qui,
au-delà de l'effort de rigueur budgétaire auquel il contribue, améliore et
renforce les interventions en faveur des anciens combattants et participe au
devoir de solidarité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
Monsieur le ministre, le vote du budget est l'une des occasions données à la
nation et à ses élus de manifester à l'ensemble du monde combattant la
reconnaissance et l'affection qu'ils leur portent.
Ceux qui ont risqué leur vie pour notre pays attendent en effet de retrouver,
au travers des moyens budgétaires qui sont consentis en leur faveur, la
traduction concrète du droit à réparation qu'ils revendiquent.
Or, cette année, vous nous présentez un budget en diminution : alors que le
budget des anciens combattants était déjà en baisse de 1 % en 1996, vous nous
proposez pour 1997 un projet de budget en réduction de plus de 5 %, ce qui
représente un chiffre considérable au regard des attentes des anciens
combattants.
La diminution progressive des ayants droit doit raisonnablement permettre au
Gouvernement de dégager les moyens financiers suffisants pour satisfaire les
revendications les plus urgentes.
On ne peut s'empêcher d'associer cette diminution du budget à la tentative
avortée de transférer les attributions des services départementaux de l'ONAC à
des directions départementales de la santé, de la population et de la
solidarité.
L'émotion considérable soulevée à cette occasion au sein des associations au
niveau tant national que local n'est pas encore apaisée, monsieur le ministre.
Il est clair que nous nous opposons et continuerons à nous opposer avec force à
toute atteinte à l'existence du ministère, de même qu'à la substitution d'une
inadmissible notion d'assistance à celle de droit à réparation proclamée par la
loi du 31 mars 1919.
Ce projet de budget ne répond pas aux revendications essentielles du monde des
anciens combattants. Vous avez en effet définitivement clos le dossier de la
retraite anticipée pour les anciens combattants de la guerre d'Algérie, vous
appuyant sur le coût de cette mesure et sur ses répercussions sur d'autres
budgets à caractère social, monsieur le ministre. C'est faire peu de cas de la
dimension humaine de ce dossier, de la situation non seulement des anciens
combattants concernés, mais aussi des jeunes et des chômeurs qui auraient pu
bénéficier des 150 000 emplois que cette mesure permettait de libérer, sans
oublier les économies réalisées à cette occasion, car le chômage, lui aussi, a
un prix.
En acceptant de reconsidérer ce dossier sur le chiffrage proposé par les
associations d'anciens combattants, soit 36 milliards de francs en sept ans, il
vous était possible de réserver une réponse plus favorable aux anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Les associations d'anciens combattants, dans leur ensemble, mettent l'accent
sur la nécessité de réformes rapides. Elles réagissent en cela à une certaine
lenteur dans la mise en oeuvre des décisions dont elles font l'objet.
Chaque jour qui passe voit le nombre de bénéficiaires diminuer ; c'est autant
d'injustices envers ceux qui ne pourront profiter des mesures prises
tardivement en leur faveur.
Les anciens combattants ont bien trop longtemps attendu la constitution de la
commission tripartite sur la retraite anticipée et l'aboutissement de ses
travaux, avec le résultat décevant que l'on sait.
C'est avec retard, également, qu'ont commencé les travaux de la commission
chargée de la lisibilité du rapport constant ; les espoirs d'aboutir dans les
délais prévus sont d'ailleurs assez minces, vu les divergences existant entre
les représentants du ministère des finances et ceux des anciens combattants.
Il faut également citer la carte du combattant, dont les conditions
d'attribution ont été revues ; mais seules 35 000 cartes ont été décernées sur
les 120 000 à remettre.
Quant à l'allocation de préparation à la retraite, cette mesure reste
pratiquement inopérante, puisqu'elle ne compte que 4000 allocataires sur les 40
000 bénéficiaires potentiels.
Je souhaite également évoquer l'action en faveur de la mémoire et la
nécessité, pour le ministère, de veiller à ce que les efforts, en ce domaine,
ne connaissent aucun relâchement.
En effet, le révisionnisme continue de s'afficher sous les formes les plus
diverses. Le nombre des témoins des conflits de ce siècle va en diminuant, et
le flambeau de la mémoire va devoir passer progressivement dans les mains de
nouvelles générations.
Il est dès lors tout a fait regrettable que les crédits affectés aux
commémorations des fêtes nationales baissent de 54 %, et que les crédits
inscrits pour les interventions en faveur de l'information historique diminuent
de 57 %.
Il y a, pour le moins, une contradiction flagrante entre la volonté que vous
affichez de préserver la mémoire et les moyens consentis pour y parvenir,
monsieur le ministre.
Il est aussi regrettable que ce budget ne prévoie pas de répondre à
l'aspiration légitime des déportés et internés d'origine étrangère à bénéficier
d'un droit de pension. Il ne s'agit pourtant là que d'une mesure de simple
équité.
Il aurait été également souhaitable que ce budget se préoccupe des milliers de
soldats africains ayant participé aux guerres mondiales et à la guerre
d'Indochine, et connaissant actuellement des conditions de vie dramatiques.
Enfin, ce budget ne prévoit rien en faveur des patriotes résistant à
l'occupation et des patriotes réfractaires à l'annexion de fait, dont
l'indemnisation aurait pu légitimement être relevée à 11 000 francs.
Monsieur le ministre, votre projet de budget est manifestement dominé par le
souci d'économie. Alors que les anciens combattants ont de graves inquiétudes
sur les orientations gouvernementales qui les concernent, ils sont impatients
de voir enfin satisfaites les revendications qu'ils estiment légitimes au
regard des services rendus à la nation.
Or, le projet de budget que vous nous proposez pour 1997 ne nous permet pas de
leur répondre favorablement ; c'est pourquoi le groupe socialiste ne le votera
pas.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques
minutes qui me sont imparties ne me permettront pas une analyse exhaustive du
projet du budget ni de l'ensemble des problèmes posés au monde ancien
combattant. Je limiterai donc mon propos à quelques éléments.
Vous n'en serez pas surpris, monsieur le ministre, je reviendrai d'abord - et
une fois de plus - sur la retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique
du Nord entre 1952 à 1962, à concurrence du temps qu'ils ont passé sous les
drapeaux.
Votre refus, réaffirmé malgré les engagements pris par l'ensemble des groupes
politiques - y compris, bien entendu, par ceux de votre majorité - s'appuie sur
un chiffrage vivement contesté par les associations regroupées au sein du Front
uni, dont je partage l'analyse.
Il n'est pas juste, par exemple, de comptabiliser les effets de 1996 - et même
de 1997, compte tenu des délais de mise en place - des mesures proposées.
Il n'est pas juste non plus de mélanger les appelés, les engagés et les harkis
; même si ces derniers doivent, bien entendu, bénéficier de toute notre
attention, ils représentent des catégories différentes de celles dont il est
question dans le document du Front uni.
Outre votre refus d'assumer les engagements pris, vous vous opposez à l'un des
arguments essentiels du Front uni, à savoir l'ouverture à l'embauche de 150 000
à 200 000 emplois. J'avais pourtant cru comprendre que la lutte pour l'emploi
était une priorité du Gouvernement !
Certes, les mesures mises en place ne sont pas totalement négligeables, et
nous prenons acte des quelques améliorations apportées sous la pression des
associations d'anciens combattants, encore que certaines puissent prêter à
sourire. Je pense ici à l'ouverture des droits aux anciens combattants
d'Indochine, qui ne doivent plus être très nombreux à être âgés de moins de
soixante ans.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Pas du tout !
M. Jacques Habert.
Détrompez-vous !
M. Robert Pagès.
Encore faudrait-il que ces mesures soient rapidement mises en oeuvre.
Il faudrait ainsi que soit en urgence levée l'hypothèque des abattements sur
retraites complémentaires - beaucoup d'orateurs sont intervenus sur ce point -
car bon nombre de ceux qui auraient pu prétendre à l'allocation de préparation
à la retraite ne l'ont pas demandée en raison de la pénalité subie en l'absence
de règlement de ce problème.
Nous ne renoncerons pas à soutenir ces demandes justifiées. En effet, il est
grand temps qu'elles soient satisfaites, car déjà six ou sept générations
auront été privées des bénéfices escomptés dans le cas de leur adoption. Nous
n'acceptons pas que l'on joue le pourrissement de la situation !
Je présenterai une deuxième série de remarques concernant le département que
vous avez en charge, monsieur le ministre.
Vous savez l'émotion qu'a suscitée la circulaire du Premier ministre
établissant un schéma de réorganisation des services déconcentrés de l'Etat. Il
était prévu le transfert des attributions du service de l'ONAC à une «
direction départementale de la santé, de la population et de la solidarité » et
le transfert des attributions des directions interdépartementales des anciens
combattants à une direction régionale du même ministère précité.
Les divers courriers ministériels sur ce sujet n'ont pas rassuré, et surtout
pas l'annonce de l'étude de faisabilité ! En effet, les anciens combattants ont
vu ainsi se confirmer une orientation politique qu'ils rejettent, c'est-à-dire
la transformation du concept de droits à réparation en une pratique de
solidarité, voire de bienfaisance.
Cette orientation, ce « fil rouge » expliquerait la perspective d'un
affaiblissement programmé du ministère des anciens combattants, avec la
suppression prévue dans votre budget de quatre-vingts emplois. On peut toujours
affirmer que le ministère sera maintenu et prévoir de n'en garder que la façade
!
Serait-ce pour s'aligner sur une Europe maastrichtienne, où, en effet, la
plupart des pays n'ont pas de ministère des anciens combattants ?
Ce « fil rouge », on le retrouve dans votre refus de réévaluer le plafonds
majorable de la retraite mutualiste du combattant et de l'indexer sur le point
de pension militaire d'invalidité. Nous avons déposé une amendement à ce sujet,
et nous pourrons juger de votre attitude lorsqu'il sera examiné.
On retrouve le même « fil rouge » encore dans la volonté exprimée par les
représentants des différents ministères d'abandonner la référence au traitement
des fonctionnaires au bénéfice de l'indexation sur « le coût de la vie moins le
prix du tabac ». A cet égard, nous défendrons tout à l'heure un deuxième
amendement.
Votre budget, monsieur le ministre, est en baisse de 5,4 %. Certes, la
disparition de certaines parties prenantes peut expliquer en partie cette
importante diminution, mais n'aurait-il pas fallu, depuis plusieurs années,
utiliser une part de ces crédits, hélas rendus disponibles pour satisfaire
quelques-unes des demandes justifiées des associations d'anciens combattants et
victimes de guerre ?
Il aurait fallu, par exemple, mettre en place au taux de 54 % la réversion de
la retraite de combattant à la veuve. N'aurait-il pas fallu aussi
définitivement rectifier les effets de la loi plafonnant les plus hautes
pensions d'invalidité, ou encore poursuivre la décristallisation des pensions
étrangères ?
Les anciens combattants et victimes de guerre n'approuvent pas le projet de
budget de votre ministère. En demandant une autre orientation, leurs
associations veulent rappeler que la France leur a reconnu des droits à
réparation.
Les associations, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
les ont entendues. Ils se prononceront donc contre le projet de budget du
ministère des anciens combattants et victimes de guerre.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière.
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cette année, le projet de
budget du ministère des anciens combattants présente une physionomie
particulière. Il est, en effet, placé sous le signe de la décision prise par le
Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Après de nombreuses tergiversations, voilà une façon de clore le débat et
d'enterrer les espoirs de bon nombre de combattants. Le droit à réparation
existe, mais il est vrai que vous préférez régler le mal-vivre des redevables
de l'impôt sur la fortune plutôt que celui des anciens combattants chômeurs en
fin de droit !
(Murmures sur diverses travées.)
Ainsi, par cette décision, vous donnez le ton, en annonçant une baisse
générale notoire par rapport au budget précédent.
Ce projet de budget ne prévoit aucune disposition positive relative,
notamment, aux droits des internés, des patriotes résistants à l'occupation,
les PRO, et des veuves.
Ce projet de budget ne prend pas en considération les demandes réitérées de la
fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes
concernant l'amélioration des droits à pension des internés ainsi que des
veuves de guerre et des ayants cause des PRO disparus.
Ce projet de budget ne laisse présager aucune mesure d'indemnisation des
étrangers titulaires du titre de déporté arrêtés sur le sol français, ce qui
est contraire aux propos tenus par le Président de la République, le 16 juillet
1995, lors des cérémonies commémoratives des rafles du Vel d'Hiv. Mais il est
vrai qu'il n'est pas à une contradiction près, comme nous le voyons chaque jour
!
Ce projet de budget enregistre une baisse des crédits consacrés à la mémoire
et à l'information historique. Or, nous considérons que l'une des missions
premières du ministre des anciens combattants et victimes de guerre, en dehors
du paiement de la dette viagère, réside dans la poursuite et le développement
de la préservation comme de la transmission de la mémoire.
Il convient d'être extrêmement attentif à toute résurgence des thèses
révisionnistes et négationnistes et, se fondant sur l'expérience du passé,
d'être vigilant pour que les droits de l'homme, la liberté et la démocratie ne
soient pas bafoués et pour que la paix soit préservée.
A ce propos, il serait souhaitable que les archives d'Arolsen puissent être
ouvertes aux chercheurs et que le statut du service international de recherches
de cette ville soit modifié en conséquence.
Enfin, reste encore présent à mon esprit - et dans l'esprit de certains - le
démantèlement de l'ONAC.
Comme vous le savez, l'émotion a été grande dans le milieu des anciens
combattants. Vous démentez cette rumeur, mais les craintes, monsieur le
ministre, sont toujours présentes : la diminution des effectifs du ministère
comme de ceux de l'ONAC se poursuit inexorablement puisque les crédits généraux
alloués au ministère comme à l'ONAC sont encore en baisse. Il ne saurait
échapper à personne que ces changements en douceur sont destinés à frapper ce
département ministériel à la base afin de mieux le supprimer ensuite.
Tout ce qui précède est contraire aux propos qu'avait tenus le Président de la
République actuel, alors candidat, propos réitérés à plusieurs reprises et
indiquant qu'il n'entendait pas voir le ministère des anciens combattants et
l'ONAC disparaître.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe
socialiste ne vote pas les crédits que vous nous proposez aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre.
Monsieur
le président, je vais m'efforcer de respecter les impératifs horaires que vous
nous avez rappelés et de « résumer », en quelque sorte, les grandes lignes d'un
budget qu'approuvent, je l'ai enregistré avec beaucoup d'intérêt et de plaisir,
aussi bien vos deux rapporteurs que les orateurs qui se sont exprimés au nom
des groupes de la majorité.
Même si nous ne sommes pas très nombreux en séance ce matin, je sais,
mesdames, messieurs les sénateurs, que vous partagez tous la même préoccupation
vis-à-vis du monde combattant et j'éprouve le sentiment que le ministre que je
suis n'est pas seul en charge de tous les intérêts en cause : la grande
majorité, sinon la totalité, des sénateurs partagent cette préoccupation.
Le combattant, c'est un patrimoine commun - j'exprime très souvent cette idée
- et c'est la fibre essentielle de la nation ; c'est sur lui que repose la
préservation des concepts moraux, du moins, ce qu'il en reste, c'est-à-dire pas
grand-chose. Mais je sais que la défense de ce patrimoine qui m'est cher est
parfaitement assurée au Sénat. Je remercie donc MM. Baudot, Lesbros, Barbier,
Cabanel et Habert - dont j'ai pu apprécier l'action à l'étranger - ainsi que
Mme Olin.
Oui, monsieur Barbier, vous êtes dans le vrai en exprimant une idée que je
défends depuis seize mois : comme je le disais tout à l'heure à M. Fourcade, si
nous voulions bien considérer de temps en temps que la défense des combattants
ne doit pas être l'apanage de certains groupes politiques contre d'autres, nous
pourrions unir tous ensemble nos efforts pour essayer d'agir. Alors, nous
parviendrions à des résultats.
Vous avez « tapé dans le mille » - veuillez excusez la trivialité de
l'expression - lorsque vous avez évoqué tout à l'heure la cristallisation. Sur
ce point, je répondrai dès à présent à un certain nombre d'entre vous : quelle
injustice, et comme il est désagréable pour un ministre des combattants de se
rendre, comme je l'ai fait, en Tunisie et au Maroc - pour ne parler que de ces
pays - d'y voir des djellabas couvertes de Légions d'honneur ou de croix de
guerre et de se rendre compte qu'il a affaire à des gens qui, considérés comme
des citoyens français au moment où il leur a fallu verser leur sang, ne le sont
plus dès lors qu'il s'agit de rémunérer la perte d'une ou de deux jambes, d'un
ou de deux bras ou d'une cécité...
Il existe cependant une façon de régler le problème. Il y a une piste, et
c'est la vôtre, monsieur Barbier. Je suis d'ailleurs heureux que nous ayons eu
la même idée.
Ainsi, puisque l'Etat français est généreux au point d'aider les pays en voie
de développement à sortir de leur misère, eh bien ! que l'on continue - c'est
la politique de l'Etat, une politique intéressante que nul ne peut désavouer -
mais, chaque fois qu'il nous appartiendra de prêter à un Etat étranger, que
l'on prévoie une réserve sur une partie des crédits prêtés pour que soit
rémunéré aujourd'hui ce que l'on appelle à l'heure actuelle la cristallisation.
De la sorte, nous parviendrons, lentement mais sûrement, à régler cette
affaire.
Pour ma part, je m'y emploie, et je vous appellerai à l'aide, monsieur
Barbier, comme j'appellerai à l'aide le Sénat tout entier pour régler des
affaires de ce genre.
Je vous remercie donc, monsieur Barbier, comme je remercie Mme Olin, MM.
Lesbros, Baudot et Habert, car je sais la connaissance qu'il ont de tous ces
problèmes et des grandes lignes de ce projet de budget.
Bien sûr, vous avez tous remarqué que celui-ci est en diminution. Cela tient à
deux raisons : d'abord, parce qu'il participe de la politique de réduction et
de rationalisation des dépenses ; ensuite, parce qu'un certain nombre de
parties prenantes décèdent. En effet, il y a de moins en moins d'anciens
combattants.
Ce projet de budget est donc affecté d'une diminution de quelque 2 milliards
de francs, qui procède de ces deux considérations.
Le ministère n'est pas démantelé pour autant et, pour l'essentiel, ses tâches
et ses missions sont maintenues. Nous avons engagé un processus de règlement -
il n'est pas forcément terminé - d'un engagement que l'Etat et tous les
parlementaires avaient contracté vis-à-vis des combattants d'Afrique du
Nord.
Si donc le nombre des parties prenantes diminue, par ailleurs la
rationalisation des méthodes de gestion a fait de grands progrès. M. Pagès
disait à l'instant que l'on avait supprimé quatre-vingts emplois. On ne les a
pas supprimés, ils étaient vacants.
(M. Pagès semble dubitatif.)
Ce n'est pas tout à fait la même chose,
monsieur Pagès.
Mon seul rôle, dans cette affaire, a été de ne pas pourvoir les postes devenus
vacants. Il s'agissait donc de départs à la retraite. Je n'ai touché à l'emploi
de personne. En revanche, vous oubliez singulièrement de dire que les
nécropoles ont permis de créer trente emplois supplémentaires.
Ce ministère, nous le défendons bec et ongles, et celui qui se trouve pour
l'heure à sa tête - mais d'autres viendront après lui - s'implique totalement
dans sa tâche.
Le corps des directeurs régionaux a été repyramidé, ainsi d'ailleurs que le
corps des ouvriers professionnels. Trente-deux emplois administratifs ont été
transformés en emplois professionnels. Je passe rapidement ; mais, croyez-moi,
nous faisons le nécessaire !
Sur l'ONAC, je vous en supplie, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a
rien à dire ! Cela marche très bien. N'essayons pas de dire que ceci ou cela
fonctionne mal. J'assistais avant-hier au conseil d'administration de
l'ONAC.
Je peux témoigner du fait que son budget a été voté à l'unanimité, il y avait
alors plus d'une centaine de présents ! J'ajoute que le budget de l'ONAC est
passé de 604 millions de francs à plus de 623 millions de francs. Donc, rien à
dire de ce côté-là non plus.
Sur l'INI, monsieur Barbier puisque vous disiez que vous étiez allé à l'Arc de
Triomphe, je vous invite à venir visiter les bâtiments qui accueillent
l'Institution. Vous serez vous-même surpris de voir à quel point tout cela a
changé. Le bloc chirurgical est nouveau ; les salles, les chambres sont belles
; les cuisines fonctionnent ; le bloc opératoire a fait l'objet de
transformations considérables et l'informatique a été mis en oeuvre. Les
grognards de l'Empire n'en reviendraient pas ! M. le Président de la
République, qui a visité l'institution, le 11 novembre dernier, n'a ménagé ni
son étonnement ni sa satisfaction.
J'en viens aux anciens d'Afrique du Nord et à la retraite anticipée.
Il faut quelqu'un pour dire que l'on s'est trompé et qu'une erreur a été
commise ? Je le fais : oui ! une erreur a été commise. Tous les partis, quels
qu'ils soient, ont milité pour la retraite anticipée des combattants d'Afrique
du Nord. Et tout le monde a signé sans savoir quel serait le coût de la
mesure.
A mon arrivée au ministère, les évaluations les plus contradictoires
circulaient : 100 milliards de francs, 120 milliards de francs, 150 milliards
de francs. Le Front uni déclarait que cela ne coûterait rien.
Vous me disiez, monsieur Pagès, que l'on avait négligé l'arrivée sur le marché
du travail de 150 000 à 160 000 emplois nouveaux. C'est une erreur
considérable. Les emplois induits par les départs à la retraite avaient déjà
été pris en compte par le rapporteur de la commission tripartite.
La retraite anticipée, on en parle depuis trente ans, mais c'est la première
fois que l'on en évalue le coût. Nous arrivons à un chiffre de 151 milliards de
francs.
Les associations du Front uni proposent une autre solution, qui aboutirait à
un coût moindre, moyennant des bases de calcul différentes et en écartant du
bénéfice du dispositif les harkis et les engagés. De toute manière, même cette
solution du Front uni, qui coûterait - cette évaluation fait encore l'objet de
discussions - plus de 36 milliards de francs, n'est pas possible. En l'état,
compte tenu de la situation financière du pays, ce n'est pas possible pour le
budget, ce n'est pas possible pour le chef du Gouvernement.
Il faut donc un bouc émissaire, et il n'a pas été mis à mort, à la différence
des porteurs de mauvaises nouvelles dans l'Antiquité !
(Sourires.)
Cela ne veut d'ailleurs pas dire que, pour l'avenir, dans le cadre des
négociations avec l'UNEDIC, une autre solution ne sera peut-être pas
possible.
Il fallait parer au plus pressé et prendre des mesures pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord dont la situation est la plus difficile.
Une douzaine de mesures ont donc été prises. Je n'y reviens pas, vous les
connaissez. Elles ont reçu l'agrément des représentants du Front uni. Une seule
d'entre elles est encore en cours d'examen ; je veux parler de l'abattement de
22 % imposé par les caisses complémentaires de l'AGIRC et de l'ARRCO.
Effectivement, ces caisses complémentaires tiennent compte de la retraite
anticipée et opèrent un abattement de 22 %. M. Barrot discute avec ces caisses
; je discute aussi, mais plus timidement - je ne suis pas le ministre de
tutelle, monsieur Lesbros. Vous me dites : « Prenez le dossier en charge ! » Je
veux bien : j'annoncerai dès demain au chef du Gouvernement que vous me donnez
blanc-seing pour aller discuter avec les caisses complémentaires !
(Sourires.)
Le dernier état de la question, c'est une lettre du 15 novembre dernier
qui m'a été adressée par le CNPF. Je vous en livre la primeur : « Monsieur le
ministre, vous nous rappelez le souhait du Gouvernement de permettre aux
anciens combattants d'Afrique du Nord qui bénéficient de l'allocation de
préparation à la retraite de percevoir leur retraite complémentaire au taux
plein dès soixante ans. Cette question relève de la compétence des partenaires
sociaux, qui négocient actuellement le renouvellement des accords ASF,
négociation qui doit aboutir, en toute hypothèse, avant le 31 décembre 1996.
S'agissant » - voilà la phrase clé, encore que ce ne soit pas une promesse
formelle, mais enfin, on y veille - « S'agissant, dis-je, de la position du
CNPF, je vous confirme que nous proposerons à nos partenaires syndicaux
d'adopter la disposition permettant d'intégrer les anciens combattants
d'Afrique du Nord, bénéficiaires de l'allocation de préparation à la retraite,
dans les catégories des bénéficiaires non visés par les abattements normalement
pratiqués entre soixante et soixante-cinq ans sur les pensions de retraite
AGIRC et ARRCO. »
Voilà où nous en sommes. Il y a donc une espérance. M. Barrot et moi-même, car
je m'en préoccupe déjà, allons faire le nécessaire pour aboutir dans les
moindres délais, peut-être avant la fin de l'année, et ce à la grande
satisfaction de nos camarades combattants d'Afrique du Nord.
Vous m'avez parlé de la carte du combattant. M. le Président de la République
a envisagé, ainsi que M. le Premier ministre, d'octroyer aux combattants
d'Afrique du Nord un certain nombre d'avantages qui « compenseraient » ceux
qu'ils n'ont pas eus sur un autre plan. C'est ainsi que la carte du combattant
sera octroyée à un plus grand nombre d'anciens combattants d'Afrique du
Nord.
Un groupe de travail est réuni sur ce dossier. On ne lui met pas l'épée dans
les reins pour qu'il aboutisse le plus rapidement possible, mais il travaille.
Je peux vous citer des chiffres : l'effectif mobilisé en Afrique du Nord a été
de 1 747 927 ; 1 483 000 anciens combattants ont sollicité la carte ; 1 115 000
demandeurs l'ont déjà reçue.
Si l'on compare les différents conflits, 55,5 % des mobilisés entre 1914 et
1918 avaient reçu la carte, contre 51,6 % pour le conflit 1939-1945. En ce qui
concerne l'Afrique du Nord, 63 % des demandeurs l'ont reçue, et l'on va en
attribuer davantage. La commission déterminera des critères nouveaux.
Mais, comme le disait M. Cabanel, pour garder à cette carte une certaine
valeur, il ne faudrait tout de même pas l'attribuer à des militaires qui n'ont
jamais entendu un coup de feu ! Nous naviguerons donc entre les récifs, entre
ce que nous devons faire, ce que nous pouvons faire et ce que nous ne devrions
pas faire.
J'ajoute que M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont
décidé l'attribution d'un contingent spécial de décorations à l'occasion du
trente-cinquième anniversaire de la fin du conflit en Afrique du Nord.
De la même façon, mais à ma demande, cette fois, la quasi-totalité des poilus
de 1914-1918 encore en vie ont reçu la Légion d'honneur. Cela a eu, dans la
nation, des échos dont vous savez qu'ils ont été profonds. En outre, les
membres des Forces françaises libres, les FFL, qui ont rallié le général de
Gaulle ont eu droit à une promotion, ainsi d'ailleurs que les déportés et les
internés. Cela a été bien vu.
M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont donné leur
accord pour une promotion spéciale dans les ordres de la Légion d'honneur et du
Mérite, promotion qui devrait intervenir en début d'année et qui récompensera
les plus méritants de la troisième génération du feu. J'ajoute qu'un timbre
sera émis pour commémorer les combats d'Afrique du Nord à l'occasion du
trente-cinquième anniversaire.
Le rapport constant a été évoqué par Mme Olin et par MM. Lesbros et Baudot. Il
convient de le retoucher avec précaution parce qu'il manque de lisibilité.
Personne ne peut comprendre, pas même d'excellents mathématiciens, ce qui a été
voulu à l'époque. Pour autant, le prix du point alloué par le rapport constant
est favorable aux anciens combattants. Il ne faudrait pas que, pour lui ajouter
quelque lisibilité supplémentaire, on prive les anciens combattants d'un
avantage qui est incontestablement le leur.
Il existe une commission du rapport constant. J'ai indiqué à mes services
hier, et ce matin encore, que j'entendais qu'elle termine ses travaux pour la
fin de l'année ou, si elle ne peut y parvenir, qu'elle le dise. La dernière
réunion aura lieu avant la fin de l'année.
La réforme des services déconcentrés a été évoquée par MM. Cabanel, Barbier,
Lesbros et Baudot. Il ne faut pas dramatiser. Y avait-il un danger ? Je me le
demande.
Il est certain que le commissariat à la réforme de l'Etat a envisagé une étude
de faisabilité qui aurait visé non pas à déposséder l'ONAC, comme cela a été
dit, mais à utiliser au mieux les services. Par exemple, il était envisagé de
recourir aux préfectures pour assurer les cérémonies aux monuments aux morts.
De la même façon, on aurait pu rattacher l'action sociale des services
départementaux aux directions départementales des affaires sociales.
Cette étude de faisabilité a été soumise à quelques préfets. Cela n'est pas
allé loin ; nous avons été obligés de démentir, compte tenu de l'émoi qui
s'était emparé de certaines associations d'anciens combattants.
Si certains ont semé la panique involontairement, d'autres, toutefois, l'ont
fait volontairement. C'est si facile, quand on s'oppose à l'Etat, de profiter
de ce qui n'est qu'une maladresse ou une imprudence ! Certains journaux
d'anciens combattants ont titré, à la une, que le ministère était démantelé, et
même qu'il disparaissait. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre m'a fait parvenir la lettre dont j'extrais ces lignes :
« Dans la droite ligne de ce que le Président de la République a toujours
défendu, je vous indique que le Gouvernement n'envisage pas de remettre en
cause l'autonomie des services existants. Je vous demande de bien vouloir
informer les associations d'anciens combattants le plus rapidement possible du
maintien en l'état des structures actuelles. »
Voilà ! Le Président de la République s'est engagé quand il était candidat ;
il s'est engagé aussi plus tard. Le ministre des anciens combattants s'y engage
également, et de la façon la plus totale. Il vaudrait donc mieux qu'on en
parlât moins, voire qu'on n'en parlât plus.
M. René Rouquet.
Il ne fallait pas provoquer !
M. Bernard Barbier.
Il ne fallait pas exploiter !
M. René Rouquet.
Si les associations n'avaient pas réagi, ces mesures auraient peut-être été
prises.
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, laissez parler M. le ministre !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Je vous réponds tout de suite, monsieur Rouquet.
Vous avez essayé de me démontrer, rapidement certes, que ce budget était en
trop grande diminution, qu'il y avait eu une tentative avortée - j'ai relevé
vos propres termes au fil de la plume tellement ils m'ont paru exagérés - de
transférer certaines des attributions de l'ONAC à d'autres organismes.
Ce n'est pas vrai ; cela étant, vous ne pouvez pas empêcher des technocrates
d'être ce qu'ils sont, et je ne pense pas que vous en soyez un. Vous ne pouvez
pas empêcher des spécialistes d'essayer de travailler à l'amélioration des
services de l'Etat.
M. René Rouquet.
Ne nous donnez pas de leçons !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Ne m'interrompez plus, s'il vous plaît ; sinon, vous
irez déjeuner très tard !
(Sourires.)
J'ajoute, monsieur Rouquet, que vous avez énoncé une série de contre-vérités,
notamment quand vous avez parlé des 150 000 emplois et lorsque vous avez
indiqué que trop longue avait été l'attente pour la constitution de la
commission tripartite.
En effet, la commission a été constituée quelque deux ou trois mois après ma
nomination, elle s'est immédiatement mise au travail et elle s'est déjà réunie
neuf fois.
Vous avez encore énoncé une contre-vérité quand vous avez parlé du retard
quant au rapport constant. Dès mon entrée en fonctions, je me suis occupé de
cette question.
D'ailleurs, cette commission tripartite, il y a trente-quatre ans que l'on
aurait pu la réunir, et quatorze ans pour ce qui vous concerne...
M. René Rouquet.
Ne nous agacez pas sur ce sujet, nous pouvons en parler !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
J'en arrive aux crédits affectés à la politique de la
mémoire, sur lesquels vous avez proféré une autre contre-vérité, en prétendant
qu'ils avaient baissé de 57 %. Il s'agit d'une affirmation absolument
erronée.
Des crédits considérables étaient affectés à des actions qui ont disparu. Il
en va ainsi des crédits consacrés aux commémorations du débarquement de
Normandie et de la bataille de Verdun ou du massacre d'Oradour-sur-Glane.
Pour ce qui est du mur de Fréjus, je vais l'inaugurer le 19 décembre...
M. René Rouquet.
Le mur de Fréjus ?
(Rires sur les travées socialistes.)
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Le monument de Fréjus, si vous préférez !
M. René-Georges Laurin.
Ne nous attaquez pas sur ce sujet, vous n'avez pas qualité pour le faire !
M. René Rouquet.
On peut comparer !
M. le président.
Un peu de calme, messieurs ! Je vous en prie.
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Ce mot, je l'ai prononcé en toute bonne foi. Je vais
bien sûr le retirer, mais je veux vous expliquer pourquoi je l'ai employé. Je
l'ai fait parce qu'il s'agit d'un monument somptueux et imposant sur lequel
sont inscrits les noms de 38 000 morts. C'est impressionnant !
J'enverrai d'ailleurs à M. le président du Sénat une invitation pour qu'une
délégation puisse assister à la cérémonie du 19 décembre.
On ne peut donc pas dire que les crédits diminuent.
A ce propos, je tiens à faire une remarque : si l'on ne peut pas mener une
politique de la mémoire sans crédits, on peut cependant organiser beaucoup
d'opérations sans crédits.
Ainsi, si tous les instituteurs de France, sur lesquels, avec vos amis, vous
avez quelque influence, monsieur Rouquet, amenaient leurs élèves devant les
monuments aux morts, le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, ce serait une
bonne chose !
(Très bien ! et applaudissement sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
C'est en s'y refusant qu'on fait s'éteindre la mémoire d'un pays !
Cette observation est le fruit de mon expérience personnelle. Ainsi, en tant
que ministre, je refuse d'aller devant un monument aux morts si je ne tiens pas
des enfants par la main. Cette attitude à un effet considérable sur les
populations.
Si les instituteurs de France, disais-je, voulaient non pas se donner la main,
mais nous la donner et s'ils accompagnaient les enfants dont ils s'occupent
devant nos monuments aux morts, nous pourrions apporter la preuve que la
mémoire, on peut la cultiver sans crédits.
Par ailleurs, élever au grade de chevalier de la Légion d'honneur les 2 292
poilus de 1914 qui sont encore en vie, cela n'occasionne pas de dépenses non
plus, mais c'est une opération en faveur de la mémoire.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Je peux citer une autre opération, dont je n'ai jamais
parlé.
J'ai eu l'honneur de servir dans l'armée anglaise et dans l'armée américaine,
et je me suis aperçu que l'on n'avait pas encore pensé à délivrer aux GI's ou
aux Tommies qui avaient débarqué sur notre sol une modeste feuille de papier,
un titre de reconnaissance de la nation. C'est chose faite, désormais, puisque,
avec le délégué à la mémoire, nous avons rédigé une sorte de diplôme : « La
population française vous est reconnaissante d'avoir contribué à libérer son
sol ».
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Je me suis donc rendu aux Etats-Unis, où j'ai remis ce
diplôme, par exemple à M. Lomel, qui, avec son grapin, est arrivé le premier à
la pointe du Hoc. Jusqu'à présent, personne n'avait pensé à lui dire merci !
Croyez-moi, de telles opérations ne coûtent pas cher et. pourtant, elles
comptent beaucoup !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Sans vouloir énumérer toutes les actions que j'ai lancées, je tiens cependant
à signaler que je suis aussi allé au Mexique pour la Légion étrangère. Cela ne
coûtait pas tellement d'argent, seulement le prix du voyage, mais à la Légion
ils s'en souviennent tous parce que j'avais emmené des sous-officiers.
Je suis également allé à Cherchell. En outre, au moment de la commémoration de
Verdun, 3 000 garçons et filles ont été rassemblés autour du Président de la
République. Il y a eu aussi l'hommage rendu à l'armée d'Afrique.
Enfin - cette affaire traîne depuis plus d'un an - le Conseil supérieur de la
mémoire combattante va être constitué.
Quels sont les adversaires de la mémoire ? Ce sont sans conteste les médias.
Reconnaissons-le ! Ne nous dissimulons pas derrière notre petit doigt : nous
n'intéressons pas les médias.
Avec le franc-parler qui caractérise mes propos, je dis d'ailleurs très
souvent aux anciens combattants : comment peut-on admettre que, le 8 mai, pour
l'anniversaire de ce qui fut quand même, pour les gens de ma génération, une
victoire arrachée, le Président de la République, se rendant sous le soleil à
l'Arc de Triomphe, devant tous les officiers, les gardes républicains et la
musique, ne se voie accorder par les chaînes publiques de télévision, le soir,
que trente secondes, alors que, le lendemain, lorsqu'il s'agit d'une
manifestation d'homosexuels, de « gays », on en parle pendant un jour ou deux ?
C'est inadmissible !
M. René Rouquet.
Certains ont participé au Débarquement !
M. René-Georges Laurin.
Pas beaucoup ! Ils étaient réformés !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
J'estime qu'il y a beaucoup à faire sur le plan de la
mémoire.
Je vous indique également que « La mémoire combattante du ministère des
anciens combattants » peut être consultée sur Internet. Depuis huit jours, à
New York, à Yokohama ou à Vladivostok, on peut entendre
La Marseillaise
et
La Sonnerie aux morts.
C'est une façon comme une autre de défendre la
mémoire, et tout mon cabinet a participé à cette opération.
Je pense avoir évoqué tous les problèmes. Je m'en tiendrai-là donc, non sans
avoir repris cet adage : « Une nation qui n'a pas de mémoire n'a pas d'avenir
».
Nous allons y travailler et, à cet égard, je vous répète, mesdames, messieurs
les sénateurs, ce que j'ai dit en montant à cette tribune : j'ai l'impression
que vous êtes tous d'accord pour aider le ministre des anciens combattants et
victimes de guerre dans sa tâche.
M. Emmanuel Hamel.
Ça, c'est sûr !
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Il n'y a pas d'adversaires, sur ce plan, je ne veux pas
en avoir, je ne veux pas considérer que j'en ai, et vous ne considérez sûrement
pas, pour votre part, que je suis en face de vous : je suis à vos côtés, pour
travailler à la défense du patrimoine national.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des anciens combattants et victimes de guerre et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 9 151 510 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, moins 566 264 143 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 11 250 000 francs ;
« Crédits de paiement, 4 825 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 85 et 86, qui sont rattachés pour leur
examen aux crédits des anciens combattants et victimes de guerre.
Article 85
M. le président.
« Art. 85. - Les dispositions du V de l'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374
du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, modifié par l'article
100 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), sont
prorogées pour l'année 1997. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 85.
(L'article 85 est adopté.)
Article 86
M. le président.
« Art. 86. - L'article 125 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30
décembre 1991) est ainsi modifié :
« I. - Au premier alinéa, les mots : "d'Indochine et", sont ajoutés
avant les mots : "d'Afrique du Nord", et les mots : "âgés de
plus de cinquante-cinq ans" sont remplacés par les mots : "ou
d'activité professionnelle involontairement réduite".
« II. - Au deuxième alinéa, les mots : "pour 1995" sont
supprimés.
« III. - Au quatrième alinéa, les mots : "de la moyenne des revenus
mensuels d'activité professionnelle des douze derniers mois" sont
remplacés par les mots : "des revenus mensuels d'activité
professionnelle" ; les mots : "plafond mensuel brut" par les
mots : "plafond mensuel net", et les mots : "plancher mensuel
brut", par les mots : "plancher mensuel net".
« IV. - Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de décès de l'allocataire, le conjoint survivant a droit à un capital
décès dont le montant est fixé par arrêté interministériel. »
« V. - Au huitième alinéa, les mots : "à l'allocation de solidarité
spécifique visée à l'article L. 351-10 du code du travail" sont remplacés
par les mots : "aux revenus de remplacement mentionnés à l'article L.
351-2 du code du travail".
« VI. - Au neuvième alinéa, après les mots : "activité
professionnelle", sont insérés les mots : "non précaire".
« VII. - Le dixième alinéa est ainsi rédigé :
« La situation d'activité professionnelle involontairement réduite visée au
premier alinéa, les revenus d'activité visés au quatrième alinéa et, d'une
manière générale, les modalités d'attribution de ces allocations sont fixés par
arrêté interministériel. » -
(Adopté.)
M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion les
amendements n°s II-22 et II-23, tendant à insérer des articles additionnels
après l'article 86.
Articles additionnels après l'article 86
M. le président.
Par amendement n° II-22, M. Pagès, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
86, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Le quatrième alinéa (3°) du B de l'article L. 8
bis
du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est complété par la
phrase suivante : "Cet indice prendra également en compte l'évolution des
mesures catégorielles prises en faveur des agents de la fonction publique,
celles des nouvelles bonifications indiciaires et l'évolution de la prime de
rendement, de productivité ou pour services rendus".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes consécutives à l'application
des dispositions de cet article, celles du sixième alinéa du II de l'article
125 O-A du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque le montant
des primes d'assurance-vie capitalisées excède le seuil d'imposition défini à
l'article 885 U relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps
les amendements n°s II-22 et II-23.
M. le président.
J'appelle donc l'amendement n° II-23, présenté par M. Pagès, Mme Demessine, M.
Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant
à insérer, après l'article 86, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article L. 321-9 du code de la mutualité est complété par deux
alinéas ainsi rédigés :
« Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la rente qui peut
être constituée au profit des bénéficiaires visés par les dispositions du
présent article est revalorisé au 1er janvier de chaque année, en fonction de
l'évolution du point de pension militaire d'invalidité.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 321-9 du code de la
mutualité, le montant maximal de cette rente, y compris la majoration, est fixé
à 10 000 francs à compter du 1er janvier 1997. »
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes consécutives à l'application
des dispositions de cet article, celles du sixième alinéa du II de l'article
125 O-A du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque le montant
des primes d'assurance vie capitalisées excède le seuil d'imposition défini à
l'article 885 U relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
Veuillez poursuivre, monsieur Pagès.
M. Robert Pagès.
L'objet de ces amendements est très simple.
Le groupe communiste républicain et citoyen constate que les débats sur le
rapport constant s'enlisent. Nous avons donc déposé un amendement n° II-22
permettant de dégager rapidement une solution peu coûteuse et visant à
introduire, dans la détermination de l'indice, les bonifications indiciaires,
l'évolution de la prime de rendement de productivité ou pour services rendus.
Il s'agirait d'indexer réellement le point militaire d'invalidité sur les
traitements bruts de la fonction publique.
Nous avons par ailleurs déposé un amendement n° II-23 qui vise à tenir compte
des difficultés qui se font jour, compte tenu du plafonnement de la rente
mutualiste.
Certes, les débats sont très longs, mais nous avons apprécié que le ministère
des anciens combattants et victimes de guerre soit maintenant chargé de gérer
cette question. Cependant, force est de constater que le plafond de droits à
réparation - car la rente mutualiste est un droit à réparation - a été minoré
au fil des années par rapport à ce qu'aurait dû être son évolution. Je ne
rejette pas les responsabilités sur tel ou tel, mais c'est un fait, et ce
depuis de nombreuses années.
Nous proposons donc que ce plafond soit porté à 10 000 francs et qu'il soit
indexé sur la valeur du point de pension d'invalidité.
Ces deux amendements témoignent de notre souci de répondre à la demande du
monde des anciens combattants, qui affirme son attachement à la notion de
droits à réparation et veut la faire respecter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
S'agissant de l'amendement n° II-22, il est clair
qu'une commission est en place, qu'elle travaille et qu'il serait inopportun
d'en perturber le déroulement en adoptant un amendement qui, de plus,
alourdirait de manière considérable les dépenses de l'Etat. Laissons donc la
commission travailler !
Il est vrai que les dispositifs sont quelquefois incompréhensibles. En
commission des finances, nous avons demandé des éclaircissements à M. Charasse,
qui en est l'auteur. Il avait du mal à les expliquer ; lui-même se perdait dans
les formules mathématiques.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° II-22.
En ce qui concerne l'amendement n° II-23, c'est la même chose : le montant du
plafond a été porté à 7 000 francs ; il sera de 7 140 francs, en 1997, grâce au
mécanisme d'indexation. Porter le plafond à 10 000 francs alourdirait de
manière considérable les dépenses de l'Etat.
C'est pourquoi la commission a émis, là encore, un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques n°s II-22
et II-23 ?
M. Pierre Pasquini,
ministre délégué.
Je suis la commission, qui émet deux avis défavorables
sur le rapport constant et sur la retraite mutualiste.
En ce qui concerne le rapport constant, je confirme que la commission
ad
hoc
va se réunir avant la fin du mois. Il convient de la laisser
poursuivre les travaux pour lesquels elle a été constituée.
S'agissant de la retraite mutualiste, je rappelle qu'elle dépendait auparavant
du ministère des affaires sociales. Je l'ai prise en charge et j'en ai indexé
le montant sur le coût de la vie hors tabac. Elle est passée à 7 000 francs
l'année dernière grâce à la réserve parlementaire du Sénat - à qui j'ai déjà
exprimé ma reconnaissance - et elle passera, cette année, à 7 140 francs.
Au demeurant, il est faux de prétendre, monsieur Pagès, que la retraite
mutualiste est un droit à réparation. C'est un produit de l'épargne, ce qui est
différent, et votre amendement pourrait se voir appliquer l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-22.
M. Michel Moreigne.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne.
Le groupe socialiste tient à exprimer son accord tant avec l'esprit qu'avec la
rédaction de l'amendement défendu par M. Pagès.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-23, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures
vingt, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE de M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie
pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des
personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été
affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Fourcade, Alain Vasselle, Henri de Raincourt,
Michel Mercier, Paul Girod, Jean Chérioux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Suppléants : MM. Guy Fischer, Alain Gournac, Roland Huguet, Marcel Lesbros,
René Marquès, Lucien Neuwirth, Bernard Seillier.
5
LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Services du Premier ministre
I. - SERVICES GÉNÉRAUX
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services
du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits
relatifs à la presse, à l'audiovisuel, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et
à la fonction publique).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, ne disposant que de dix minutes pour rapporter
devant vous le projet de budget des services généraux du Premier ministre,
j'évoquerai essentiellement, au cours de cette présentation orale, quelques
thèmes, renvoyant à mon rapport écrit ceux qui souhaiteraient prendre
connaissance d'une analyse plus exhaustive.
Ces thèmes sont au nombre de quatre : l'évolution du projet de Mémorial de la
France d'outre-mer, qui vous tient à coeur, monsieur le ministre des relations
avec le Parlement ; la nécessaire rationalisation des organismes gravitant
autour du Premier ministre ; l'activité du commissariat à la réforme de l'Etat
; enfin, l'évolution du montant des fonds spéciaux.
Les crédits des services généraux du Premier ministre demandés pour 1997
s'élèvent à 4 milliards de francs, en diminution de 8,8 % par rapport aux
crédits votés pour 1996.
Toutefois, comme chaque année, la structure du budget des services généraux
est modifiée, dans le projet de loi de finances pour 1997, ce qui explique en
grande partie les évolutions de crédits constatées.
Ainsi, les transferts opérés, qui concernent principalement les moyens du
secrétariat général de la mer et ceux de la mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie, majorent de 238,6 millions de francs le
plafond initial du projet de budget des services généraux du Premier ministre
pour 1997.
A structure constante, le montant des crédits prévus pour 1997 s'établit donc
à 3,667 milliards de francs.
Globalement, les dépenses ordinaires sont réduites de 10 %, en 1997.
Toutefois, cette évolution recouvre deux mouvements contrastés : d'une part,
les moyens des services augmentent, la principale hausse concernant la réforme
de l'Etat, car le fonds créé à cette fin se voit doté de 100 millions de francs
; d'autre part, les dépenses d'intervention diminuent fortement.
En réalité, cette nette réduction des crédits résulte, pour l'essentiel, de la
chute de la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations
de redevance de télévision, qui passe de 805 millions de francs à 684 millions
de francs.
Par ailleurs, la forte augmentation des dépenses en capital - il est vrai
qu'elle porte sur des chiffres assez modestes - est surtout liée à la création
de deux chapitres, à savoir le fonds pour la réforme de l'Etat et la
préservation et le développement du patrimoine culturel des Français rapatriés
d'outre-mer.
Je me félicite de cette dernière mesure, car elle devrait mettre fin à
l'enlisement du projet de construction du Mémorial de la France d'outre-mer.
Onze ans - c'est bien long, onze ans ! - après le lancement de cette idée, les
travaux n'ont toujours pas commencé. J'espère donc que le tranfert des crédits
de l'Etat du titre VI, à savoir les subventions d'investissement accordées par
l'Etat, au titre V, c'est-à-dire les investissements exécutés par l'Etat,
affirme la volonté de l'Etat de reprendre ce dossier en main et se traduira
rapidement par le démarrage des travaux de construction.
Résumant le problème, je dirai que le financement est maintenant simplifié du
fait que l'on compte moins sur les collectivités territoriales de première
importance, qui ne semblaient pas s'entendre, et que l'on confie la maîtrise
d'ouvrage à l'Etat, dont la rapidité en ce domaine n'est toutefois pas
exemplaire.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter
quelques informations à ce sujet.
J'aimerais maintenant rappeler, pour le déplorer, l'imbroglio qui caractérise
la nébuleuse des organismes extrêmement divers rattachés aux services du
Premier ministre. J'en ai relevé pas moins de cinquante-neuf cette année, dont
trois nouveaux : le secrétariat général de la mer, la mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui constitue
en réalité un simple transfert en provenance du ministère des affaires
sociales, la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie.
Je tiens toutefois à faire remarquer que, après que j'eus insisté l'année
passée sur la nécessité d'une véritable remise en ordre de ces organismes pour
assurer une gestion plus rigoureuse de la dépense publique, le Parlement avait
adopté, sur mon initiative, un article additionnel qui obligeait le
Gouvernement à présenter chaque année la liste de toutes les commissions et
instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier
ministre ou des ministres.
Je me félicite que le Gouvernement ait respecté la volonté du Parlement en
publiant la liste des organismes gravitant autour de chaque ministère et en
précisant leurs missions. Mais, après tout, la loi lui en faisait obligation
!
Il faudrait maintenant, monsieur le ministre, qu'une étape supplémentaire soit
franchie et qu'un examen attentif des activités de ces organismes soit
entrepris pour vérifier leur réelle utilité, déceler les éventuels doubles
emplois et favoriser une certaine rationalisation de toutes ces instances.
Concernant le commissariat à la réforme de l'Etat, je souhaite, un an après sa
création, dresser un premier bilan.
A l'automne de 1995, le commissariat s'est attaché, en liaison avec l'ensemble
des départements ministériels, à identifier les principaux chantiers de réforme
et à préparer les propositions correspondantes.
Quatre axes principaux ont été définis au printemps de 1996 : placer les
citoyens au coeur du service public ; rénover la gestion des ressources
humaines ; déléguer les responsabilités ; enfin, mieux décider et mieux
gérer.
Afin de mettre en pratique ces projets de réforme, un « fonds de réforme de
l'Etat » a été créé en cours d'année et doté de 50 millions de francs, 20
millions de francs étant destinés à financer les opérations à caractère
national et 30 millions de francs, les opérations à caractère local.
Je me félicite de l'utilisation effective et pertinente de ces crédits, qui
avaient été ouverts par décret d'avances. En effet, la liste des opérations
bénéficiant d'un financement du commissariat à la réforme de l'Etat montre que
plus de 85 % des crédits ont été consommés. En outre, les actions privilégiées
sont en rapport avec les quatre axes de réforme que j'ai mentionnés il y a
quelques instants.
Ainsi, les administrations centrales concernées se sont attachées à développer
la qualité de leurs prestations en introduisant le paiement par carte bancaire,
en accélérant le traitement des demandes et en modernisant leurs services.
Quant aux services déconcentrés, ils se sont engagés dans la voie du
regroupement au sein de « maisons de service public » pour faciliter les
démarches des usagers vis-à-vis des administrations dans les quartiers urbains
comme dans les zones rurales.
Le bilan de l'action du commissariat à la réforme de l'Etat s'avère donc
positif.
Toutefois, je me montrerai plus prudent sur la poursuite de la réforme. En
effet, il est prévu qu'entre 1996 et 1998 les effectifs des administrations
centrales soient réduits de 10 %, tandis que le nombre de directions chuterait
de 30 %. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, pour estimer ces
mesures nécessaires. Cependant, leur entrée en vigueur me paraît délicate
compte tenu des résistances que les services concernés ne manqueront pas d'y
opposer.
Je tiens à vous faire part de ma satisfaction de voir diminuer le montant des
fonds spéciaux de 30 millions de francs, bien que je regrette que la part
destinée au Premier ministre baisse relativement moins que celle qui est
affectée à la direction générale de la sécurité extérieure. Il ne faut pas
oublier que, même si l'existence de tels fonds est entrée dans les moeurs, elle
constitue une exception au contrôle parlementaire et à la transparence de
l'utilisation des deniers publics.
S'agissant des fonds affectés à la DGSE, je demande au Gouvernement d'étudier
la possibilité de budgétiser une part significative de ces crédits sans, bien
évidemment, porter atteinte à une nécessaire confidentialité.
Les fonds mis à la disposition du Premier ministre - je le souligne parce que
c'est important - diminuent de près de 2 millions de francs. Il n'est pas
d'usage, j'en conviens parfaitement, de discuter de l'utilisation de ces
crédits. J'indiquerai simplement que l'on s'éloignerait quelque peu d'une
utilisation normale de ces fonds s'il s'avérait qu'ils aient pu financer une
opération héliportée sans rapport avec la sécurité extérieure et l'action
humanitaire.
Ces observations étant faites, je vous propose, mes chers collègues, de suivre
la commission des finances et d'adopter les crédits consacrés aux services
généraux du Premier ministre.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
traditionnellement, les crédits des services généraux du Premier ministre ne
suscitent pas un intérêt dévorant. Pourtant, ils me semblent importants, à un
double titre : d'abord, du point de vue moral, puisque ces services dépendent
directement du chef du Gouvernement et qu'il est bon de les connaître ;
ensuite, du point de vue matériel, financier, puisque plus de 4 milliards de
francs y sont affectés cette année.
Dans le projet de budget que nous examinons, ces crédits baissent de 8,8 %,
contre 13 % l'an passé. Nous nous réjouissons de ces deux diminutions
successives. En effet, plus ces dépenses administratives seront réduites, mieux
cela vaudra.
Pour réussir une politique de rigueur, qui entraîne des contraintes
considérables, et pour que nos compatriotes puissent accepter les sacrifices
qui leur sont demandés, il faut d'abord que cette rigueur et ces sacrifices
soient justes et répartis équitablement entre tous. Mais il faut surtout que
l'exemple soit donné au plus haut niveau de l'Etat. C'est cette démarche
exemplaire que nous souhaiterions voir apparaître clairement dans le projet de
budget qui nous est proposé.
Un souhait exprimé par nous l'année dernière a été exaucé. En effet, M. Henri
Torre, que je remercie de son excellent rapport, avait fait adopter un
amendement tendant à faire communiquer au Parlement la liste des organismes
rattachés aux services du Premier ministre. C'est une chose acquise aujourd'hui
puisque cette liste figure dans le rapport.
Cette liste, fort intéressante, mérite d'être étudiée en détail. Elle ne
comporte pas moins de cinquante-neuf comités, hauts comités, commissions,
conseils, conseils supérieurs, instituts, missions interministérielles,
observatoires, etc., couvrant toutes sortes de domaines.
De prime abord, on peut se demander pour quelles raisons ces organismes n'ont
pas été rattachés aux ministères traitant des questions qui les concernent.
Sans doute a-t-on voulu leur donner plus d'importance en les plaçant sous
l'autorité du Premier ministre !
Leur nombre varie peu d'une année à l'autre. Deux organismes - le collège de
prévention des risques technologiques et l'observatoire juridique des
technologies de l'information - ont disparu de cette liste dans laquelle,
d'ailleurs, ils n'avaient rien à faire.
En revanche, trois organismes ont été créés, dont un secrétariat général de la
mer. Permettez-moi, à ce propos de vous féliciter, monsieur le ministre. Nous
avons suffisamment déploré la disparition du ministère de la mer ou, à tout le
moins, du secrétariat d'Etat chargé de la mer, pour nous réjouir de
l'apparition de ce secrétariat général, en attendant qu'il prenne rang
gouvernemental.
Les deux autres organismes créés sont la mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie, et la mission interministérielle pour la
Nouvelle-Calédonie. Nous ne comprenons d'ailleurs pas très bien pour quelles
raisons cette dernière n'est pas rattachée au ministère délégué à
l'outre-mer.
En tant que représentant des Français établis hors de France, je suis
intéressé par certains de ces organismes, tel le comité interministériel des
moyens de l'Etat à l'étranger. Quelle est exactement sa fonction ? Dans quel
domaine intervient-il ? Qui aide-t-il ? De quels crédits dispose-t-il ? Quels
ministères peuvent être éventuellement abondés par lui ? Nous souhaiterions le
savoir.
Le conseil de l'audiovisuel extérieur de la France nous intéresse aussi
particulièrement. Il faut espérer qu'il sera doté de moyens importants ; il y a
tant à faire dans ce domaine !
En ce qui concerne la langue française et les organismes traitant de la
francophonie, il avait été dit, l'année dernière, qu'il serait mis un peu
d'ordre dans ce que le rapporteur appelait un « imbroglio ». Eh bien, cet
imbroglio ne paraît pas particulièrement éclairci !
La délégation générale de la langue française est rattachée au ministère de la
culture le haut conseil de la francophonie dépend du ministère des affaires
étrangères. Mais voici que réapparaît sur la liste du Premier ministre le
conseil supérieur de la langue française, qui en avait été rayé l'année
dernière et qui avait rejoint le ministère de la culture !
Pourquoi ces va-et-vient et cette dispersion ? Ne serait-il pas plus simple et
plus logique que Mme le secrétaire d'Etat chargé de la francophonie contrôle
ou, au moins, coordonne elle-même les principaux organismes qui en sont chargés
de cette question ?
M. le président.
Je suis obligé de vous demander de conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Habert.
J'en termine, monsieur le président.
M. Raymond Courrière.
Parlez-nous des hélicoptères !
M. le président.
Je vous en prie mes chers collègues, pas d'interpellation dans l'hémicycle
!
M. Jacques Habert.
S'agissant des sident, crédits inscrits dans le projet de loi 400 000 francs
sont prévus pour financer l'accélération du traitement des demandes d'état
civil des Français de l'étranger. Il s'agit d'une excellente mesure.J'espère
que cette somme sera vite transférée au service spécialisé du ministère des
affaires étrangères, à Nantes.
Enfin, puisque M. le ministre des relations avec le Parlement a été également
en charge des rapatriés, je lui poserai deux rapides questions.
M. le président.
Vous devez vraiment conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Habert.
La première concerne la réduction de 33 % des crédits destinés au financement
des actions culturelles en faveur des rapatriés et la seconde, la construction
du Mémorial de la France d'outre-mer, prévu à Marseille depuis longtemps déjà
et auquel s'intéressent tous ceux qui, comme nous, sont attachés au rayonnement
de notre pays dans le monde.
Ces renseignements une fois donnés, je suis sûr, monsieur le ministre, mes
chers collègues, que nous pourrons voter le budget des services généraux du
Premier ministre dans le projet de loi de finances pour 1997.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord, de féliciter M.
le rapporteur spécial, M. Henri Torre, de son excellent rapport, qui nous
permet, une fois de plus, d'apprécier sa grande compétence et sa profonde
connaissance de ce budget un peu disparate, qui regroupe les crédits de
services très divers et dont une partie a fait ou fera l'objet d'une discussion
séparée.
De manière globale, le projet de budget des services généraux du Premier
ministre s'établit à 4,015 milliards de francs, contre 4,403 milliards de
francs dans la loi de finances initiale pour 1996.
La comparaison brute des crédits prévus pour 1997 et des crédits votés pour
1996 fait apparaître une diminution de 388 millions de francs, soit 8,8 %. Il
s'agit déjà, me semble-t-il, monsieur le rapporteur spécial, d'une diminution
considérable.
Mais, si l'on raisonnait à structure constante, c'est-à-dire sans intégrer les
transferts de crédits en provenance ou à destination d'autres ministères ni la
création du fonds pour la réforme de l'Etat, le projet de budget des services
généraux du Premier ministre s'établirait à 3 657 millions de francs, en
diminution de 17,7 % par rapport à la loi de finances de 1996.
Les crédits de ce budget portent sur cinq domaines bien différents.
Les crédits relatifs à l'administration générale des services du Premier
ministre s'élèvent à 1 539 millions de francs, soit une augmentation de 15,5
%.
Les crédits relevant de la fonction publique s'élèvent à 1 178 millions de
francs, soit une progression de 14,2 %.
Les crédits en faveur de la politique de communication s'élèvent à 914
millions de francs, soit une progression de 44,6 %.
Les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel s'élèvent à 208 millions de
francs, soit une hausse de 1,2 %.
Enfin, les crédits relatifs aux actions en faveur des rapatriés s'élèvent
globalement à 175 millions de francs, dont 150 millions de francs pour l'action
sociale en faveur des harkis et 25 millions de francs de crédits de paiement
pour la construction du Mémorial de la France d'outre-mer.
Je voudrais souligner ici que 5,87 milliards de francs sont inscrits dans
différents budgets au titre des rapatriés. Nous en reparlerons
prochainement.
La politique en faveur des Français musulmans rapatriés et de leurs familles
constitue l'une des trois priorités d'action dans ce domaine ; 756 millions de
francs y seront consacrés en 1997.
Les crédits inscrits au chapitre 46-03 des services du Premier ministre
permettront, en 1997, la mise en oeuvre dans de bonnes conditions du plan
d'action sur cinq ans, prévu par la loi du 11 juin 1994, en faveur des harkis
et de leurs familles.
Je puis également assurer à M. le rapporteur spécial et à M. Habert que le
Gouvernement se préoccupe de préserver la mémoire de l'oeuvre accomplie
outre-mer par de nombreuses générations de nos compatriotes.
M. le rapporteur spécial et M. Habert m'ont interrogé à propos de la
construction du Mémorial de la France d'outre-mer sur le site du fort
Saint-Jean, à Marseille. Des difficultés dues à la gestion de ce dossier en
matière de définition du projet et, disons-le, de respect de certaines
procédures nous ont conduits à prendre directement en charge la maîtrise
d'ouvrage de l'opération et à lancer un nouveau concours, en complet accord
d'ailleurs avec l'actuel maire, M. Jean-Claude Gaudin.
Je puis, en outre, vous assurer que M. Guy Forzy, délégué aux rapatriés, suit
très attentivement ce dossier, auquel il attache une importance toute
particulière. Les travaux préliminaires pourront débuter dans les prochains
mois.
Quant aux crédits relatifs à l'administration générale des services du Premier
ministre, ils s'élèvent à 1,539 milliard de francs, contre 1,301 milliard de
francs en 1996. A structure constante, le montant des crédits a été ramené à
1,301 milliard de francs.
Cette diminution est le résultat d'un important effort d'économies, qui est
nettement supérieur au volume des mesures nouvelles.
Cet effort s'est traduit en termes d'emplois et de crédits. Ainsi, vingt-cinq
emplois, représentant 2 % des effectifs budgétaires, sont supprimés dans les
services généraux du Premier ministre.
Les crédits de fonctionnement enregistrent une réduction de 34,5 millions de
francs au titre de l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
En dépit de cette rigueur, les crédits consacrés à l'administration générale
marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre ses efforts en faveur des
personnels, puisqu'ils progressent de 1,8 million de francs.
Par ailleurs, le chapitre 37-10, « action d'information à caractère
interministériel », est abondé de 20 millions de francs en mesures nouvelles.
Il s'agit de poursuivre le mouvement engagé l'année dernière et visant à
renforcer le rôle de coordination dévolu au service d'information du
Gouvernement dans le domaine des campagnes de communication.
L'augmentation apparente du volume des crédits d'administration générale
s'explique principalement par le transfert en provenance du budget du ministère
des affaires sociales d'une dotation de 230 millions de francs destinée, comme
vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, à financer des actions dans le
domaine de la lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Ce transfert résulte du rattachement aux services du Premier ministre de la
mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments d'information que
je souhaitais porter à votre connaissance.
M. le rapporteur spécial a évoqué une liste de cinquante-neuf « organismes
gravitant autour du Premier ministre ».
Cette liste est extraite de l'annexe jaune au projet de loi de finances,
intitulée « liste des commissions et instances consultatives et délibératives
placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ».
En réalité, monsieur le rapporteur spécial, dans cette liste, dix-neuf
organismes seulement sont effectivement rattachés au budget des services
généraux du Premier ministre. Les autres sont, pour la plupart, des instances
consultatives ou délibératives dépourvues de moyens permanents ou de services,
ou bien des instances dont le fonctionnement est assuré par d'autres
ministères.
Aux dix-neuf organismes qui relèvent bien, dans cette liste, des services du
Premier ministre, il faudrait d'ailleurs ajouter huit services administratifs
permanents qui ont été omis.
Vous avez également évoqué les fonds spéciaux. L'article 20 du chapitre 37-91,
intitulé « fonds spéciaux », qui diminue de 7,5 %, concerne non seulement la
DGSE mais aussi les services du Premier ministre.
Enfin, M. le rapporteur spécial et M. Habert ont insisté sur les organismes
rattachés au Premier ministre.
Depuis le début de 1995, huit organismes ont été supprimés. En revanche, un
nouveau service a été créé, que vous avez également évoqué, monsieur le
rapporteur spécial : il s'agit du commissariat à la réforme de l'Etat.
En outre, deux services ont été transférés au Premier ministre en provenance
d'autres ministères : le secrétariat général de la mer et la mission de lutte
contre la drogue et la toxicomanie.
Enfin, un service est transféré vers le ministère des petites et moyennes
entreprises, du commerce et de l'artisanat : la délégation aux professions
libérales.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à M. le rapporteur
spécial, dont je loue encore l'excellent rapport, ainsi qu'à M. Habert.
(Applaudissement sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je vous rappelle que :
- les crédits relatifs à la fonction publique inscrits au budget des services
généraux du Premier ministre ont été examinés hier, jeudi 28 novembre ;
- les crédits d'aides à la presse et à l'audiovisuel et du Conseil supérieur
de l'audiovisuel, qui sont compris dans les crédits des services généraux du
Premier ministre, seront examinés le samedi 7 décembre avec les crédits
relatifs à la communication.
En conséquence, le vote sur les crédits des services généraux du Premier
ministre doit être réservé jusqu'à l'examen, le samedi 7 décembre, des crédits
relatifs à la communication.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 106 709 070 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, moins 524 669 554 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 62 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 54 850 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les
services du Premier ministre : I. - Services généraux du Premier ministre.
II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services
du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, 1997 sera, pour le secrétariat général de la
défense nationale, le SGDN, la première année prenant totalement en compte les
conséquences financières de la réforme entreprise en 1995 et entrée en
application cette année. Ainsi, les crédits demandés pour 1997, qui se
chiffrent à 140,502 millions de francs, subissent une baisse légitime de 30 %
par rapport aux crédits votés pour 1996, qui s'élevaient à 201 millions de
francs.
La réforme ayant entraîné une forte réduction des effectifs ainsi qu'une
diminution sensible des besoins de fonctionnement, l'évolution du budget du
secrétariat général de la défense nationale se traduit par une forte diminution
tant des dépenses ordinaires que des dépenses d'investissement.
Les dépenses ordinaires, qui se limitent aux moyens des services du titre III,
diminuent de 31,4 %. Cette évolution résulte du recentrage des activités du
SGDN et de la réduction de ses effectifs, dont le nombre passe de 503 à 236.
Les crédits de rémunération passent ainsi de 91,3 millions de francs à 49,2
millions de francs ; ils sont en diminution de 46,2 %, mais seulement de 18,5 %
si l'on tient compte du transfert de 180 emplois du centre de transmissions
gouvernemental, le CTG, au ministère de la défense. Les charges sociales
diminuent en conséquence.
La charge budgétaire du fonctionnement du CTG reste cependant affectée au
SGDN. La régression des moyens destinés au matériel et au fonctionnement des
services est donc moins importante : ces moyens s'élèvent à 53,1 millions de
francs, soit une diminution de 5,8 %.
Compte tenu de la diminution des effectifs, le niveau des crédits
informatiques devrait permettre de poursuivre l'amélioration de l'équipement
des services, notamment en direction de l'Institut des hautes études de défense
nationale, l'IHEDN. Quant au CTG, il bénéficie d'un doublement de ses moyens de
fonctionnement.
Les crédits demandés pour les dépenses en capital atteignent 30,6 millions de
francs, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme, ce qui
représente une diminution d'environ 25 %. Cette baisse des crédits concerne
uniquement le programme civil de défense.
Le fascicule budgétaire du secrétariat général de la défense nationale se
compose de deux agrégats.
Le premier, « administration générale », regroupe les crédits du SGDN, de
l'IHEDN et du CTG.
Pour le SGDN, les économies réalisées se traduisent par un montant de crédits
de 95 millions de francs pour 1997, après 114 millions de francs en 1996, soit
une diminution de près de 17 %.
L'évolution des crédits du CTG devrait lui permettre la poursuite du plan
quinquennal de modernisation des moyens informatiques.
Enfin, malgré l'intégration de la mission pour l'enseignement et les études de
défense dans ses attributions et dépenses, l'IHEDN voit ses crédits,
uniquement, destinés à des dépenses ordinaires, diminuer de 7 %.
Certes, l'institut sera transformé en établissement public administratif, en
1997, et disposera ainsi d'une autonomie de gestion. Toutefois, les moyens qui
lui sont attribués pour 1997 lui permettront difficilement d'assurer la
transition et de poursuivre son développement. Cette ouverture a pourtant
permis de toucher 534 auditeurs supplémentaires, pour un total annuel de 12 569
journées-auditeurs.
Il convient cependant de souligner que les moyens de fonctionnement en
provenance du SGDN ne couvrent qu'une part minimale des dépenses de l'institut.
En effet, le ministère de la défense met à la disposition de l'IHEDN
quatre-vingt-deux militaires ou fonctionnaires civils et assure sur ses crédits
un grand nombre de déplacements. Le coût budgétaire réel de l'institut est
ainsi estimé à 35 millions de francs.
Les moyens du second agrégat « actions de coordination interministérielles de
défense », afférents au programme civil de défense, recouvrent, pour les
dépenses ordinaires, les moyens nécessaires à la formation et à l'information
dans les domaines de défense et de protection civile pour 1,41 milliard de
francs, en 1997, soit une diminution de 16,6 %.
Pour les dépenses en capital, la diminution résulte de la concentration des
interventions sur cinq opérations majeures : la rénovation du réseau d'alerte
des populations ; la poursuite de l'installation du réseau téléphonique protégé
Rimbaud ; l'informatisation des données économiques nécessaires à la défense
par le réseau DEMETER ; les moyens d'intervention contre les actes terroristes
; enfin, le financement de postes sanitaires mobiles.
Par ailleurs, si je me suis abstenu de faire intervenir dans mes commentaires
les annulations de crédits en cours d'exercice, votre rapporteur spécial ne
peut que s'inquiéter de leur application stricte à un budget aussi modeste. Il
serait ainsi regrettable que le SGDN, après avoir innové en matière de réforme
de l'Etat, soit, en fin de compte, victime de la discipline financière qu'il
s'est imposée.
L'effort budgétaire destiné, en 1997, à la défense civile de la nation
comprend non seulement les crédits affectés au SGDN, mais également ceux que
les ministères civils lui consacrent et qui sont récapitulés dans le « jaune
».
Dans ce document, deux types de dépenses sont distinguées : d'une part, celles
qui permettent d'assurer la continuité de l'action gouvernementale et le
maintien de l'ordre public, qui représentent les deux tiers de l'ensemble, et,
d'autre part, celles qui concourent à la protection des populations et à la
défense économique.
Compte tenu de l'importance de ces crédits, qui s'élèveront, en 1997, à 8 212
millions de francs, une redéfinition tant des missions que des responsabilités
en la matière serait peut-être opportune.
Je terminerai mon propos en évoquant la réforme du SGDN, aujourd'hui quasiment
achevée sous l'impulsion de son secrétaire général M. Jean Picq et qui, je vous
le rappelle, avait comme objectif majeur le recentrage de la mission
d'assistance du Premier ministre dans les responsabilités de direction générale
de la défense et de secrétariat interministériel.
Au terme de cette réforme, dont l'exemplarité mérite d'être soulignée, les
effectifs ne seront plus que de cent quarante-six personnes. Le SGDN possède,
d'ores et déjà, une organisation en cinq pôles majeurs plus légère et plus
souple. Il travaille en équipes moins hiérarchisées et très décloisonnées,
composées de personnels de cultures différentes.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
Enfin, son activité est également marquée par la
relance, depuis plus d'un an, des conseils de défense, dont il assure le
secrétariat.
En conclusion, compte tenu du recul nécessaire pour juger des résultats de la
pleine application de cette réforme, qui n'est entrée en vigueur que cette
année, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, l'adoption
des crédits du SGDN.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5
novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de
parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la
fin de la confrontation des blocs et dans un monde largement internationalisé
où la vitesse de circulation des informations constitue un facteur essentiel
pour l'indépendance et la souveraineté des nations, je souhaite vous parler
cette année d'« intelligence économique » telle que les derniers entretiens «
Armement et sécurité », organisés par l'association des auditeurs du Centre des
hautes études de l'armement, ont pu l'évoquer au cours de leurs travaux.
J'évoquerai également l'Institut des hautes études de la défense nationale.
Comprendre le monde qui nous entoure devient peu aisé, aussi bien pour les
Etats que pour les entreprises, confrontées à la concurrence internationale.
C'est pourquoi l'information constitue aujourd'hui un nouvel enjeu stratégique.
Abondamment disponible, son acquisition n'est pas un obstacle. En revanche, son
traitement et son utilisation à des fins stratégiques relèvent d'un art nouveau
avec lequel la France semble encore peu familiarisée.
Selon le rapport du délégué général de l'armement, l'intelligence économique
doit être entendue comme « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de
traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information
utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec
toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine
de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de
coût ».
Mes chers collègues, la guerre existe, mais elle est avant tout de nature
économique. Comme en temps de guerre, la recherche du renseignement, sa
collecte, sa centralisation et sa redistribution coordonnées sont absolument
capitales pour la survie économique d'une nation ou d'un groupe de nations. Il
en va de même pour la protection de notre outil industriel de haute technologie
à caractère stratégique.
Or, monsieur le ministre, mes chers collègues, des transferts de technologie
hautement stratégique se font chaque jour à notre insu parce que l'Europe est
devenue une véritable passoire et que des intérêts contradictoires s'y
développent, au grand bonheur de nos principaux rivaux ou adversaires
commerciaux, non seulement les Américains et les Japonais, mais également les
Chinois et les Coréens.
Je citerai, à titre d'exemple, la vente récemment projetée de Thomson
Multimédia à l'entreprise Daewoo : elle est inquiétante parce que des pans
entiers de la recherche française dans ce domaine seraient ainsi transférés aux
Coréens, qui sont déjà - ils le seront plus encore demain - des rivaux
économiques.
Il est donc « urgentissime », pour les pays qui veulent préserver leur
potentiel économique, de venir en aide à leurs entreprises afin de rétablir
l'égalité des chances entre celles-ci et la concurrence internationale.
Les Américains ne s'y sont pas trompés, qui ont su, sous l'administration
Clinton, mettre en place le
National Economical Council
, le NEC, pour
coordonner l'ensemble des actions de tous les départements ministériels dans le
domaine économique à caractère stratégique.
De ce point de vue, il me semble que le renseignement français n'occupe pas la
place qui conviendrait au contexte actuel. Les entreprises françaises comme les
pouvoirs publics ne sont pas encore assez sensibilisés aux enjeux de
l'intelligence économique, même si certaines initiatives ont récemment vu le
jour.
C'est pourquoi il me paraîtrait extrêmement opportun que le secrétariat
général de la défense nationale devienne le pivot national pour mener à bien
une réflexion globale sur l'intelligence économique, quitte à ce que, par la
suite, il revienne à d'autres organismes la charge d'exercer un suivi de ce qui
pourrait devenir une sorte de conseil national du renseignement, que le
Président de la République pourrait lui-même présider.
Le pays doit prendre conscience que la défense de la compétitivité et de
l'emploi passe nécessairement, aujourd'hui, par une gestion stratégique de
l'information. C'est aussi une question de volonté politique. Puisse ce message
être entendu, monsieur le ministre !
Enfin, je conclurai sur le devenir de l'Institut des hautes études de la
défense nationale, qui, l'année prochaine, sera doté d'un statut
d'établissement public. J'ai pu noter, non sans inquiétude, le ton
particulièrement sévère de la commission des finances de l'Assemblée nationale,
qui a mis en cause les modalités de fonctionnement de cet organisme. Tel n'est
pas le cas - et c'est heureux - dans le rapport de notre collègue M.
Sergent.
Que cache cette offensive, monsieur le ministre ?
Si, selon toute vraisemblance, l'option de suppression du service national de
conscription était confirmée, il faudra se souvenir que l'IHEDN est aujourd'hui
l'une de nos rares institutions à cultiver l'esprit de défense et un lieu de
rencontre entre les armées et la société civile. Je souhaite vivement que cela
demeure et soit même renforcé.
A ce titre, il conviendra non pas de mettre en cause l'IHEDN, mais d'amplifier
ses missions, notamment envers les organismes de jeunesse et nos jeunes
concitoyens, et de lui attribuer les crédits nécessaires, à commencer par le
maintien des dotations parlementaires. Veillons à ne pas casser une institution
hautement utile pour la nation.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que les travées du groupe socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
L'examen du projet de budget pour 1997 du secrétariat général de la défense
nationale s'inscrit dans le cadre de réformes profondes, qui sont en cours pour
l'organisation et les missions du secrétariat général et qui sont actuellement
à l'étude, s'agissant de l'Institut des hautes études de la défense nationale,
organisme qui lui est rattaché.
La défense nationale, telle que la définissait le général de Gaulle, c'est
d'abord un état d'esprit de la nation, mais c'est aussi une organisation.
En la modernisant, on a voulu que cette organisation réponde à son temps, aux
besoins réels que l'on peut en attendre.
La réforme du SGDN est aujourd'hui accomplie. Son objet était de recentrer sa
mission première, à savoir assister le Premier ministre dans la coordination
interministérielle des problèmes de défense, relayer l'information à cet égard
et assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Ainsi que l'indique clairement l'excellent rapport de notre collègue Michel
Sergent, le SGDN est désormais en mesure d'assurer trois fonctions essentielles
auprès du Premier ministre : d'abord, permettre la cohérence de l'action «
défense » du Gouvernement en préparant des synthèses préludant aux arbitrages ;
ensuite, contribuer à la sécurité et à la protection des intérêts essentiels de
la nation ; enfin, apporter, par des études prospectives, une vision
d'avenir.
Doté d'une organisation plus légère et plus souple, le SGDN s'est engagé dans
un loyal programme d'économies en présentant un budget particulièrement
resserré. Les crédits demandés pour 1997 s'élèvent à 140 502 000 francs, soit
une baisse de 30,16 % par rapport à 1996. Cette diminution, nous l'avons vu,
est logique, mais elle est spectaculaire. Cependant, la loyauté ne devrait en
aucun cas être victime d'elle-même et brider les aspects indispensables de la
mission du SGDN, qu'il s'agisse de la sécurité et du renseignement, mais aussi
de la compétitivité économique, où le rôle moteur du secrétariat général mérite
d'être renforcé afin d'améliorer son efficacité dans la coordination de l'«
intelligence économique ».
L'Institut des hautes études de la défense nationale, dont une part des
crédits figurent sur les chapitres budgétaires du SGDN, fait également l'objet
d'une réforme qui doit, en 1997, le transformer en établissement public
administratif, ce que l'excellent rapporteur spécial de la commission des
finances considère comme une transformation plus compatible avec la vocation de
cet institut. Cependant, les crédits qui le concernent pour 1997 s'élèvent à
7,1 millions de francs, soit une diminution de près de 7 % par rapport à l'an
dernier.
On doit sans doute considérer qu'il s'agit là d'un budget de transition en
attendant que soit défini par les textes qui sont actuellement à l'étude le
visage du futur établissement public.
Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur spécial se déclare lui-même perplexe
quant à la capacité laissée à l'Institut de poursuivre la mise en oeuvre du
programme d'ouverture et de développement que lui recommandent les plus hautes
autorités de l'Etat.
Soulignons en effet le rôle essentiel joué par l'Institut dans la
sensibilisation du plus large public, notamment les jeunes, à l'esprit de
défense.
L'IHEDN doit, surtout après sa prochaine transformation, demeurer un
laboratoire de réflexion prospective autant qu'un outil d'information
indispensable à la défense nationale.
Certes, les crédits consacrés au secrétariat général de la défense nationale
sont en forte diminution. Attendons cependant des réformes engagées qu'elles
apparaissent salutaires et bénéfiques. Toute notre confiance va donc à ceux qui
ont la lourde responsabilité de les appliquer et de les mener à bien.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera le projet de budget du secrétariat
général de la défense nationale tel que le présente le Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard.
Monsieur le ministre, l'examen du projet de budget du secrétariat général de
la défense nationale a fait naître en moi une inquiétude lourde sur les
conditions dans lesquelles est actuellement remplie une mission indispensable à
la République, celle de la coordination des services de renseignement.
Je comprends, monsieur le ministre, l'esprit de la réforme de 1995, et j'en
approuve assez largement l'intention, qui était d'éviter la dérive vers une
administration classique ayant vocation à proliférer dans l'exécution de ses
missions propres, loi de Parkinson aidant, pour ramener le SGDN à sa vraie
vocation qui est une vocation de coordination interministérielle.
Au sens strict, c'est sûr, cette mission appelle plutôt, en fonction de leur
importance, le renforcement des divers services qu'il coordonne, plutôt que
celui des siens propres. Il reste que nous consacrons au renseignement quatre
fois moins d'argent que nos voisins britanniques, trois fois moins que les
Allemands et quinze fois moins que les Américains, ce qui ne correspond pas au
rapport de population et souligne une faiblesse permanente de la République.
Toutefois, ce n'est pas l'enjeu du seul budget du SGDN. Je n'en parle, hélas !
pas plus, bien que cela soit décisif.
Je n'ai donc pas d'objection de principe, vous l'avez compris, monsieur le
ministre, au mouvement budgétaire que ce service subit cette année, sauf à
attirer votre attention sur une de ses conséquences.
Le résultat de la réforme est en effet - M. Lanier vient de le dire, citant
même le chiffre - une réduction des crédits de 1997 par rapport à 1996 d'à peu
près 30 %. C'est beaucoup !
Nous savons tous l'importance qui s'attache à une meilleure gestion des
deniers publics et à une réduction des déficits publics. J'ai moi-même serré
les boulons, partout où je pouvais. Vous avez dû être heureux, monsieur le
ministre, d'enregistrer une telle baisse, qui vous donnait quelques maigres
marges de liberté dont vous aviez sûrement l'ample usage par ailleurs.
Cependant, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une baisse de cette
ampleur, si elle est mal ou insuffisamment justifiée, a de quoi convaincre le
service en cause qu'il ne sert à rien et qu'il a perdu le respect conjoint du
Gouvernement, qui évalue ses besoins, et du Parlement qui les vote. Convenez
avec moi que ce risque est grand puisque, à ma connaissance, peu de services de
la puissance publique subissent, dans le projet de budget pour 1997, une
amputation aussi importante, amputation dont, encore une fois, je n' ai pas
contesté le principe.
La réponse est, à l'évidence, dans l'accent que le Gouvernement saura mettre
sur l'importance des missions du service telles qu'elles seront redéfinies au
terme de la réforme.
Les intitulés des cinq pôles autour desquels s'organise dorénavant l'activité
du service peuvent vous y aider. Défense et nation, affaires internationales et
stratégiques, affaires juridiques et européennes, économie et défense,
technologie et transferts sensibles définissent chacun, par leur intitulé même,
des responsabilités de première importance autour desquelles on peut mobiliser
l'enthousiasme d'agents dévoués - et vous n'en manquez pas dans votre entourage
!
Je suis cependant quelque peu surpris, monsieur le ministre, de ne pas
retrouver dans l'intitulé plus détaillé des missions des cinq pôles la tâche de
coordination des services de renseignement, qui incombe au SGDN et demeure fort
importante à mes yeux.
M. Lanier, à l'instant, vient d'y faire allusion dans son intervention à la
tribune, mais cette allusion doit beaucoup à son sens de l'Etat et à sa
connaissance des rouages, et peu au texte, vous en conviendrez sans doute avec
moi.
(M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
Je note un hochement
de tête approbateur.
Tout à l'heure M. Loridant évoquait l'une de ces tâches, avec juste raison :
elle n'est pas non plus mentionnée dans les textes principaux.
S'agissant de celle-là, je comprends fort bien qu'il convient de ne pas trop y
insister et j'accepte que l'on se soit finalement arrêté à ne point la
mentionner explicitement dans les missions du service. Nous sommes dans le
délicat. Je ne vous fais donc pas grief, monsieur le ministre, de cette
omission.
Mais alors de deux choses l'une : ou bien la mission a disparu, ou bien elle
continue d'exister et d'être exécutée. Et si elle continue d'exister et d'être
exécutée, elle n'en relève pas moins du contrôle parlementaire.
Pour des raisons que je n'ai pas le temps de rappeler ici - je le regrette,
car elles sont porteuses d'enseignement en ce qui concerne le sens de l'Etat -,
il m'a été donné, monsieur le ministre, de saisir le Président de la République
de l'époque, d'obtenir son accord et de décider par décret, le 20 avril 1989,
du réveil, en fait : du renouvellement, du comité interministériel du
renseignement. Ce décret charge le secrétariat général de la défense nationale
d'assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Vous avez sûrement, monsieur le ministre, et tout le Gouvernement à vos côtés,
M. le Premier ministre en tête, entendu parler de la guerre des polices. Elle
sévissait, là aussi. Trop longtemps, nos services, faute de volonté
gouvernementale claire et de procédures correctes, avaient été conduits à
protéger, chacun, leur territoire, dans une parfaite méconnaissance de
l'existence et des missions des autres, voire dans une franche hostilité. Nous
étions devenus ridicules devant la communauté internationale du
renseignement.
Une coordination permanente, la responsabilité donnée au secrétariat général
de la défense nationale de faire en sorte que l'autorité gouvernementale soit
saisie non pas de faits bruts non analysés, mais, au contraire, de synthèses
élaborées à la lumière des sources différentes de chacun des services et d'un
traitement adéquat de leurs éventuelles contradictions, tout cela a
radicalement changé les conditions de travail de tous ces services et la
qualité de leur coopération, en même temps, vous le comprenez, que la qualité
de l'information de l'Etat.
Il s'agit ici explicitement de la direction de la sûreté du territoire, de la
direction générale de la sûreté extérieure et de la direction de la protection
du secret défense, l'ancienne sûreté militaire, rassemblées dans un groupe
permanent qui fonctionne auprès du comité interministériel du renseignement
sous l'autorité coordinatrice du secrétariat général de la défense nationale.
Cher collègue Loridant, le conseil du renseignement dont vous rêviez à
l'instant à la tribune a son amorce là.
M. le président.
Monsieur Rocard, je vous prie de conclure.
M. Michel Rocard.
Monsieur le président, j'ai presque terminé.
Qui plus est, après l'élaboration, sous l'impulsion du général de Gaulle, du
plan de renseignement de 1963, la République est restée sans définition claire
de ses priorités en matière de recherche de renseignement jusqu'en 1989. Chaque
service collectait au petit bonheur la chance les informations qui lui
paraissaient dignes d'intérêt.
Monsieur le ministre, le deuxième plan de renseignement lancé en 1989 a
introduit l'intelligence économique dans les responsabilités de la République.
Il a érigé le principe selon lequel chaque ministère compétent, fût-ce ceux qui
n'avaient jamais entendu parlé de ces tâches - l'industrie, la recherche et
même les finances - dirigeait la coordination interservices pour la mission qui
le concernait.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, dans le silence des textes,
silence que nous comprenons, mais dans la responsabilité parlementaire, que
vous nous disiez si le SGDN, appauvri en crédits, continue d'assumer cette
mission, si le troisième plan de renseignement de la République a bien été
élaboré et suivi d'exécution, si le quatrième est en cours d'élaboration et,
enfin, si, devant ces situations, la pérennité de la mission de coordination
des services de renseignement continue d'être assurée, comme cela est
indispensable.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Peut-on répondre publiquement sur le renseignement ?
(Sourires.)
M. le président.
Vous n'êtes pas encore au banc du Gouvernement, monsieur Hamel !
(Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier très
vivement M. Sergent, rapporteur spécial, pour son excellent travail, que nous
avons tous apprécié.
Le SGDN a connu, en 1996, une année exceptionnelle qui a vu l'achèvement de
l'importante réforme engagée à la fin de 1995, comme l'a souligné M. le
rapporteur spécial.
Ainsi que l'avait souhaité M. le Premier ministre, la réforme devait fortement
modifier les structures et le fonctionnement du SGDN pour en faire une instance
d'impulsion et de préparation d'arbitrage gouvernemental.
Les effectifs du secrétariat général de la défense nationale ont donc été
resserrés. Avec un effectif de 150 permanents, le SGDN rénové a réduit ses
effectifs de moitié et il a par ailleurs revu son organisation interne avec la
création de deux nouveaux pôles de compétence concernant l'économie de défense
et les questions juridiques.
Les activités annexes, qui, au fil du temps, s'étaient développées et avaient
érigé le SGDN en un centre autonome de compétence, ont été transférées à
d'autres ministères, notamment aux ministères de la défense et de l'intérieur.
Ainsi, cent quatre-vingts emplois du centre de transmissions gouvernemental ont
été transférés au budget du ministère de la défense. C'est ce qui explique la
baisse des crédits de ce centre.
Près de soixante-dix militaires ont été remis à la disposition du ministère de
la défense ; une vingtaine de contractuels ont poursuivi leur activité dans
cette matière.
Cette réforme, enfin, a été réalisée dans des délais très courts : lancée en
juillet 1995, adoptée en septembre, elle a été effective au 1er janvier
1996.
Au cours de cette période, le SGDN a cependant connu une activité soutenue,
tant dans ses fonctions de secrétariat interministériel, c'est-à-dire comme
médiateur, que dans celles qui sont liées à l'anticipation des événements,
c'est-à-dire comme veilleur.
En tant que médiateur, le SGDN a accompagné les grandes réformes qui ont
concerné la défense en France.
A travers six conseils de défense et, notamment, l'élaboration d'une loi de
programmation, il a permis à la concertation interministérielle de bien
fonctionner malgré de lourdes contraintes de calendrier. La réforme du service
national a été, elle-même, précédée de nombreux travaux de réflexion, puis de
concertation, menés au SGDN.
Le SGDN a aussi innové dans deux domaines fondamentaux. Sur la question des
relations internationales et particulièrement la place de la France au sein de
l'OTAN, il a, sur mandat donné par le Premier ministre, assuré une longue
coopération interministérielle prenant des formes variées, qui a contribué à
éclairer les décisions devant être prises par les plus hautes autorités de
l'Etat. Il a ainsi retrouvé un rôle que le texte de 1978 lui donnait dans cette
matière.
MM. Loridant, Lanier et Rocard ont souligné l'importance de l'« intelligence
économique ». Je puis vous indiquer qu'à la demande de Jean Arthuis le SGDN
anime un groupe de travail d'une quinzaine de directeurs d'administration
centrale sur ce thème. Il participera à la mise en oeuvre, notamment dans leur
aspect interministériel, des actions concrètes qui découlent des orientations
arrêtées par le Premier ministre.
La suppression de la délégation à la sécurité des systèmes d'information et le
rattachement du service central de la sécurité des systèmes d'information, le
SCSSI, au SGDN ont ouvert, en outre, un nouveau domaine de compétence dans un
secteur qui est à la fois très complexe et essentiel pour la sécurité du pays
et la protection des informations sensibles.
Avec un effectif réduit de moitié et une structure profondément remaniée, le
SGDN est ainsi mieux en mesure de jouer le rôle de secrétariat interministériel
qu'on attend de lui.
Le projet de budget pour 1997 enregistre les conséquences de la réforme.
C'est tout d'abord un budget en forte réduction : il sera de 140 millions de
francs, en 1997, alors qu'il s'élevait à 228 millions de francs, voilà deux
ans, et à 201 millions de francs en 1996.
Avec 23,6 millions de francs, le programme civil de défense connaît une très
sensible diminution de plus de 30 %. Il s'agit là de la volonté de recentrage
de ces activités sur des actions significatives.
En revanche, les crédits concernant le renseignement et ceux qui sont liés aux
investissements du centre de transmissions gouvernemental ont été maintenus.
Il faut enfin noter - je réponds là à M. le rapporteur spécial ainsi qu'à MM.
Loridant et Lanier - que la démarche de transformation de l'IHEDN en
établissement public administratif est désormais bien avancée. Cette réforme
doit donner à cet institut une autonomie et une responsabilité à la mesure des
missions essentielles que la réforme de la défense ouvre pour lui. Il ne s'agit
pas, monsieur Loridant, de remettre en cause l'IHEDN, bien au contraire.
M. le rapporteur spécial s'est également inquiété de l'évolution des moyens de
fonctionnement de l'institut. Je voudrais à cet égard lui communiquer quelques
chiffres.
Tout d'abord, abstraction faite des crédits supplémentaires accordés à
l'IHEDN, à la demande du Parlement, lors du vote du projet de loi de finances
pour 1996, les moyens de fonctionnement de l'institut augmenteront, en 1997, de
12,5 %. En intégrant les crédits d'indemnité, le taux de progression passe à 16
%. Si l'on prend comme base de référence l'année 1994, enfin, le total des
moyens de l'institut progresse de 37 %, hors réserve parlementaire.
En prenant en compte la réserve parlementaire, on observe effectivement une
diminution de 6,8 % ; mais par rapport à 1994, l'augmentation est donc de 17
%.
En cette période de rigueur budgétaire, le Gouvernement ne pouvait en aucun
cas faire plus de sa propre initiative.
Je voudrais également indiquer à M. Michel Rocard que les crédits du centre
interministériel du renseignement ne diminuent pas, en 1997. L'action de ce
centre est même confortée par un développement important de la mission «
intelligence économique » qu'il a louée à juste titre.
Je répéterai donc, pour le rassurer, que la baisse des crédits provient en
grande partie non pas d'une réduction éventuelle des actions, mais d'un
transfert des crédits de personnel du centre de transmissions gouvernemental, à
savoir cent quatre-vingts personnes, au budget du ministère de la défense.
Le comité interministériel du renseignement établit le plan national du
renseignement en collaboration avec l'ensemble des services du renseignement.
C'est un document capital pour notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le
secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 48 426 035 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 28 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 8 324 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services
du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Lise,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, aborder la présentation des crédits du Conseil
économique et social constitue pour moi, au-delà de l'analyse budgétaire,
l'occasion d'évoquer le rôle de cette institution et de souligner l'intérêt de
ses travaux.
L'analyse des crédits demandés pour 1997, au titre du Conseil économique et
social, met en évidence deux grandes caractéristiques : d'une part, ce budget
est stable à structure constante ; d'autre part, il se voit enfin enrichi d'une
ligne de crédits d'investissement destinée à permettre au Conseil économique et
social de conduire par lui-même les travaux d'entretien du Palais d'Iéna.
Ce second point constitue pour moi une satisfaction dans la mesure où la
commission des finances m'avait suivi l'an dernier lorsque j'avais souhaité
qu'il soit mis un terme à la dépendance dans laquelle se trouvait le Conseil
économique et social pour l'entretien du bâtiment qu'il occupe.
La suggestion de la commission des finances a donc été suivi d'effet, et il
convient de s'en féliciter !
J'en viens maintenant à l'analyse à structure constante de ce budget afin de
pouvoir faire ressortir ses évolutions réelles. Cette analyse démontre que
cette institution assure sa mission avec des moyens relativement limités.
Les crédits demandés pour 1997 au titre du Conseil économique et social
s'élèvent à un peu plus de 178 millions de francs, soit une majoration de 5,83
% par rapport au budget voté de 1996.
Mais, comme je vous l'ai indiqué, cette progression résulte de l'inscription
au budget du solde des crédits prévus dans le cadre du programme triennal de
travaux d'entretien et de rénovation du Palais d'Iéna.
Je vous rappelle que ces crédits figuraient au budget de la culture pour un
montant de 15,1 millions de francs en autorisations de programme et de 3,5
millions de francs en crédits de paiement pour 1996. Le reliquat de cette
opération a donc été transféré sur le budget du Conseil économique et social
pour un montant de 11,6 millions de francs.
Il s'agit donc ni d'une charge nouvelle pour l'Etat ni d'une augmentation
réelle des moyens financiers du Conseil.
Les dépenses de fonctionnement du Conseil économique et social, qui recouvrent
les indemnités des membres du Conseil et des sections, les dépenses de
personnel et les dépenses de matériel, ne progressent d'ailleurs, à structure
constante, que très faiblement.
Je tiens à souligner que le Conseil économique et social prend ainsi sa part
dans l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Vous trouverez le détail de ces évolutions dans mon rapport écrit, mes chers
collègues, car je tiens à conserver le temps de parole qui me reste pour vous
présenter mes principales observations sur cette assemblée consultative.
Je me félicite, tout d'abord, qu'il soit mis fin à la dépendance dans laquelle
se trouvait cette institution pour l'entretien de son bâtiment. En effet, cette
dépendance était à la fois contestable sur le plan des principes et dommageable
puisqu'elle engendrait de coûteux retards dans la mise en oeuvre de nécessaires
travaux d'entretien.
La deuxième observation que je souhaite formuler concerne le rôle du Conseil
économique et social dans le domaine de l'évaluation des politiques
publiques.
Le rôle de cette institution en ce domaine semble avoir été progressivement
mis en extinction avec la diminution, puis la disparition des crédits provenant
à cet effet du budget du Plan.
La naissance d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques
permettra certainement d'atténuer les conséquences de cette évolution. Je
souhaite cependant que, conformément à la volonté exprimée par M. Christian
Poncelet, président de la commission des finances, au cours de la réunion
constitutive de cet office, « d'identifier et de recenser les futurs
partenaires de cette nouvelle structure », l'expérience acquise par le Conseil
économique et social dans ce domaine soit recueillie.
J'en viens maintenant à ma dernière observation, qui vise à insister sur la
qualité de l'ensemble des travaux du Conseil, qui ont pu être valorisés plus
particulièrement cette année dans le cadre du cinquantenaire de
l'institution.
Un crédit non reconductible de 2,5 millions de francs a en effet permis au
Conseil économique et social de conduire de nombreuses actions de communication
au cours de cette année. Parmi celles-ci, je citerai en particulier l'édition
d'un dossier pédagogique diffusé dans le cadre de l'instruction civique, la
réalisation d'un document audiovisuel sur le Conseil économique et social,
ainsi que l'organisation de multiples manifestations telles que des expositions
ou des forums.
L'ensemble de ces observations me conduit à proposer au Sénat, au nom de la
commission des finances, d'adopter, au sein du budget des services du Premier
ministre, les crédits du Conseil économique et social pour 1997.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5
novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de
parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà
exactement un mois, le Conseil économique et social célébrait son cinquantière
anniversaire.
Comme le commissariat général du plan, il s'agit d'une institution installée
après la Libération et préconisée d'ailleurs par le Conseil national de la
Résistance. Le Conseil économique et social appelait d'ailleurs, dans son
programme d'action, « à la reconstitution dans ses libertés traditionnelles
d'un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l'organisation de
la vie économique et sociale ».
Oui, il s'agit bien d'écouter, de prendre l'avis, d'entendre les forces vives
du pays, celles qui ont permis de résister et celles qui ont conduit la
reconstruction !
Depuis lors, le Conseil économique et social a évolué. Et si son rôle de
chambre consultative n'est pas remis en cause, chacun peut déplorer la relative
confidentialité qui préside à ses travaux. Les avis, les rapports du Conseil
économique et social sont d'une qualité reconnue. Ils vont parfois à
contre-courant, ce qui suffirait à prouver leur utilité ; mais surtout, il se
font l'écho de la diversité des propositions.
La place du Conseil économique et social doit donc être revalorisée. Le
Président de la République, M. Jacques Chirac, a d'ailleurs fait la déclaration
suivante, lors de la célébration du cinquantième anniversaire : « Votre Conseil
peut apporter, comme par le passé, une utile contribution à la quête de cet
équilibre et à l'élaboration d'un modèle de développement qui mette l'économie
au service de l'homme. C'est la raison d'être du Conseil économique et social
».
Malheureusement, de tels propos résistent mal à la réalité des faits et le
budget du Conseil économique et social qu'il nous est proposé d'adopter ne
reflète pas le souci exprimé par le Chef de l'Etat il y a un mois.
Ce projet de budget pour 1997, en baisse de 1 % par rapport à 1996, n'est pas
de nature à permettre au Conseil économique et social de jouer un rôle plus
important au sein de nos institutions.
Le moment est pourtant venu de permettre aux forces syndicales, à toutes les
composantes de la société française de proposer de nouvelles voies pour sortir
le pays du marasme. La pensée économique unique, fondée sur le double mouvement
de désinflation salariale et d'inflation boursière, montre jour après jour son
inefficacité et son injustice. Il est temps de donner une place plus importante
aux avis, réflexions et rapports du Conseil économique et social.
C'est pour toutes ces raison que le groupe communiste républicain et citoyen
ne pourra voter les crédits qui sont alloués à cette institution.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Permettez-moi tout d'abord de
remercier très vivement la commission des finances et son rapporteur spécial,
M. Claude Lise, pour son excellente analyse du projet de budget du Conseil
économique et social.
M. Lise l'a rappelé, le projet de budget pour 1997 du Conseil économique et
social est légèrement supérieur à 178 millions de francs, soit une augmentation
d'environ 6 % par rapport à 1996.
Cette augmentation importante est due essentiellement au transfert du
programme triennal de travaux d'entretien inscrits en 1996 au budget du
ministère de la culture et dont une première tranche a été réalisée cette
année.
Le total des dépenses ordinaires, soit un peu moins de 167 millions de francs,
est, quant à lui, en baisse de 1 % par rapport aux crédits de 1996 et, parmi
ces dépenses, 67 % sont consacrés aux indemnités allouées aux 231 conseillers
et 72 membres de sections qui composent l'assemblée.
Ces crédits couvrent également la subvention à la caisse de retraite des
anciens membres du Conseil économique et social, qui assure le versement de 431
pensions, 184 pensions de réversion et 8 pensions d'orphelins.
La rémunération des 147 fonctionnaires et des 19 agents contractuels employés
par le Conseil économique et social, qui concourent au fonctionnement de
l'assemblée, représente 27 % des dépenses ordinaires.
Enfin, 6 % couvrent les frais de fonctionnement matériel, tant pour la
confection des rapports établis par les neuf sections de l'assemblée - douze
rapports en 1995 - que pour le fonctionnement du Palais d'Iéna, siège du
Conseil économique et social.
Par ailleurs, un crédit de 900 000 francs, prélevé sur le budget des charges
communes, est inscrit, au chapitre du matériel, pour couvrir les frais
d'affranchissement du courrier administratif, précédemment adressé en franchise
postale.
Je voudrais maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, souligner avec M.
le rapporteur la qualité du travail accompli par le Conseil économique et
social, dont le cinquantenaire, comme l'a rappelé M. Bécart, aura permis la
valorisation.
Nous avons tous, que ce soit au Parlement ou au Gouvernement, apprécié les
rapports établis par cette institution dans les domaines économique et social.
Je dirai même qu'ils ont largement inspiré non seulement les travaux des
assemblées, mais aussi un certain nombre de mesures gouvernementales, en
particulier dans le domaine social, au moment où notre pays traverse une crise
de l'emploi. En effet, très souvent, les mesures présentées par le Conseil
économique et social ont été retenues par le Gouvernement et par le Parlement.
Il faut le souligner, et nous devons remercier le Conseil économique et social
de sa participation à l'élaboration de la loi et des règlements.
Tels sont les éléments d'information dont je souhaitais vous faire part,
mesdames, messieurs les sénateurs, avant de vous demander de bien vouloir
adopter les crédits du Conseil économique et social.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil
économique et social et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 1 137 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 11 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 11 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
IV. - PLAN
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services
du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, vous renvoyant aux observations contenues dans
mon rapport écrit pour une présentation plus détaillée de ce projet de budget,
je consacrerai mon intervention à l'évocation de quatre thèmes : les contrats
de plan Etat-région et leur suivi, l'évaluation des politiques publiques, les
difficultés budgétaires du commissariat général du Plan et des organismes qui
gravitent autour de lui et, enfin, l'avenir de la planification.
Les crédits demandés pour 1997, en dépenses ordinaires et crédits de paiement,
s'élèvent à 150,2 millions de francs, soit une diminution de 6,6 % par rapport
aux crédits votés en 1996. Le projet de budget du Plan contribue donc à
l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Cette rationalisation budgétaire concerne, pour 45 %, l'évaluation des
contrats Etat-région et, pour 22 %, le commissariat général du Plan, où trois
emplois sont supprimés.
Le centre supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts voit aussi les
crédit mis à sa disposition diminuer de près de 5 %, tandis que le centre
d'études prospectives et d'informations internationales perd un emploi. Quant
aux crédits accordés aux organismes subventionnés par le commissariat général
du Plan, à savoir l'institut de recherches économiques et sociales, l'IRES,
l'observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, le centre de
recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, et le
centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la
planification, le CEPREMAP, ils sont reconduits par rapport à l'année
précédente.
La rigueur budgétaire frappe de plein fouet les contrats de plan Etat-région,
dont la durée d'exécution est prolongée d'un an. Comme le montant global des
crédits affectés par l'Etat aux contrats Etat-région n'a pas changé, ses
engagements financiers sont mécaniquement réduits de 2,5 milliards de
francs.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si cette mesure ne risque pas de
compromettre les projets d'investissement arrêtés dans les contrats
Etat-région. Je voudrais souligner à ce sujet l'inquiétude des régions et des
professionnels, notamment de ceux du bâtiment et des travaux publics.
L'enjeu est en effet de taille puisque, sur les 280 milliards de francs que
mobilisent ces contrats, 75 milliards concernent les infrastructures
routières.
Je voudrais toutefois souligner les carences du dispositif.
La troisième génération, qui correspond à la période 1994-1998, devait
respecter trois principes : la contractualisation par objectif, afin de mieux
satisfaire les besoins des régions en matière d'infrastructure et d'équipements
publics ; la sélectivité, pour faciliter la concentration des moyens sur des
thèmes prioritaires ; la diminution du recours aux financements croisés, pour
mieux apprécier la rentabilité et l'intérêt des investissements publics.
Or, il apparaît que ces orientations n'ont guère été respectées.
Cette situation permet d'expliquer les difficultés rencontrées par le
commissariat général du Plan pour évaluer les contrats de plan Etat-région. En
effet, le caractère essentiellement bilatéral de ces contrats ne favorise guère
la transparence et l'exécution des procédures.
J'espère, monsieur le ministre, que vous tiendrez compte de ces observations
pour l'élaboration des prochains contrats de plan.
Le dépérissement progressif de l'évaluation des politiques publiques me paraît
par ailleurs très regrettable. En effet, six ans après le lancement de
l'évaluation, celle-ci offre des résultats très décevants. Le comité
interministériel de l'évaluation ne s'est réuni qu'à trois reprises, la
dernière réunion remontant à 1993. Seules onze évaluations sont achevées ou
sont sur le point de l'être.
En outre, les délais entre la proposition d'un projet d'évaluation et la
remise du rapport correspondant sont trop longs à cause d'une procédure lourde
qui entraîne une importante déperdition de temps.
Votre rapporteur, mes chers collègues, regrette donc qu'en l'absence d'une
volonté publique forte l'évaluation des politiques publiques n'ait pas connu le
succès qu'elle méritait. Il déplore, en outre, que les moyens limités accordés
au commissariat général du Plan l'aient empêché de se constituer en véritable
animateur des pratiques d'évaluation dans l'administration.
Je voudrais aussi insister sur la baisse observée depuis plusieurs années des
crédits accordés à l'OFCE, à l'IRES, au CREDOC et au CEPREMAP, baisse encore
aggravée par des annulations systématiques de crédits en cours d'année. Sur ces
quatre organismes subventionnés par le commissariat général du Plan, trois
affichent un déficit pour 1996, et ce déficit risque de se maintenir en
1997.
Votre rapporteur regrette que des organismes dont la qualité des études et des
recherches est reconnue par tous voient la poursuite de leurs activités
compromise par la réduction de leurs subventions. Cet état de fait me paraît
d'autant plus regrettable que, si la réforme du commissariat général du Plan
annoncée était mise en oeuvre, ces organismes auraient à jouer un rôle majeur
dans le développement de l'analyse prospective et de l'évaluation.
Encore faut-il que cette réforme ai lieu, ce dont je finis par douter.
Lors de la récente célébration du cinquantenaire du commissariat général du
Plan, le chef de l'Etat lui a fixé quatre grande missions : être un outil de
prospective pour anticiper les évolutions ; être un instrument d'évaluation des
dépenses publiques ; être un outil de comparaison internationale pour tirer
profit des expériences entreprises par les voisins de la France ; être un lieu
d'échanges et de dialogue pour susciter la compréhension des réformes et
l'adhésion à leur exigences.
Ce discours en faveur d'une véritable refondation du Plan tranche avec
l'effritement des crédits affectés au commissariat général du Plan et la
disparition de la planification au niveau national.
Constatant ce décalage, on est en droit de s'interroger sur la pérennité de la
planification à la française et sur le rôle du commissariat général du Plan.
C'est pourquoi votre rapporteur souhaite que le Gouvernement s'engage à faire
aboutir dans de brefs délais la réforme du Plan et prenne rapidement les
mesures nécessaires pour pouvoir défendre les intérêts de la France à travers
un programme économique et social cohérent, dégagé à partir de l'appui
technique d'un commissariat général du Plan rénové.
Ces observations étant faites, votre rapporteur vous indique que la commission
des finances s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption de ces
crédits.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an,
je vous présentais les crédits du Plan en vous faisant part de l'attente que
suscitait l'annonce d'une réforme de la planification. Douze mois plus tard, il
semble que rien n'ait avancé.
Certes, cette année encore, le commissariat général a contribué à
l'élaboration de plusieurs projets importants. Je pense notamment au
secrétariat des quatre « groupes transversaux » chargés de contribuer à la
préparation du projet de schéma national d'aménagement et de développement du
territoire, conformément à l'article 2 de la loi d'orientation à laquelle notre
commission est tout particulièrement attachée.
Néanmoins, les progrès de la réforme du Plan suscitent quelques
interrogations.
Comme vous le savez, le commissariat général du Plan a fêté, cette année, son
cinquantième anniversaire. A cette occasion, un colloque s'est déroulé dans le
grand amphithéâtre de la Sorbonne. Le chef de l'Etat, qui y a pris la parole, y
a déclaré que des « lieux de concertation et d'évaluation des choix publics
étaient indispensables », et il a ajouté qu'il convenait, en conséquence, de «
redonner toute sa place au Plan ».
Je souscris pleinement, pour ma part, à l'objectif réaffirmé par le Président
de la République. Cependant, je ne puis m'empêcher de m'interroger sur les
raisons qui expliquent la lenteur avec laquelle la réforme du Plan est mise en
place depuis 1995. En effet, depuis 1994, la réflexion va son train.
Voilà quatre ans paraissait le rapport de notre collègue député Jean de
Gaulle, qui appelait à une réforme du Plan.
En 1995, un avis du Conseil économique et social suggérait de modifier la loi
de 1982 sur la planification et de simplifier le processus d'élaboration du
Plan.
Ces réflexions n'ont, il faut bien le reconnaître, été pour l'instant suivies
d'aucun résultat pratique, ce qui est pour le moins regrettable !
On a pu, à un certain moment, avoir l'espoir, lors de la publication de la
circulaire du Premier ministre du 25 juillet 1996, que la réforme allait voir
le jour dans un délai raisonnable, puisque ce texte prévoyait l'élaboration
d'un « outil efficace de prospective et d'évaluation des politiques publiques
et de la dépense publique ».
Je considère, pour ma part, que l'heure est venue de modifier les dispositions
du décret du 22 janvier 1990 relatif à l'évaluation des politiques publiques.
En effet, ce texte ne permet pas aux évaluations d'aboutir dans un délai
satisfaisant.
Or, comme vous le savez, une multitude d'organismes dépendant, à un titre ou à
un autre, de l'exécutif effectuent des évaluations « tous azimuts » : je ne
mentionnerai pour mémoire que l'agence nationale d'évaluation des pratiques
médicales, ou le comité d'évaluation de la politique des villes, parmi les sept
instances évaluatrices !
Je considère qu'il est indispensable de procéder à une rationalisation de
l'organisation de l'évaluation en France. En effet, le commissariat général du
Plan assure d'ores et déjà le secrétariat du comité interministériel de
l'évaluation et du conseil supérieur de l'évaluation. Il est clair que le
décret du 22 janvier 1990, qui a créé ces deux instances, mérite un toilettage,
c'est le moins que l'on puisse dire !
Je crois également utile d'ajouter que le Parlement doit être particulièrement
attentif en matière d'évaluation.
Comme vous le savez, deux offices parlementaires ont été créés cette année. Il
s'agit de l'office parlementaire d'évaluation de la législation et de l'office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Je tiens à souligner que
ces deux instances ne feront pas double emploi.
Avec ces deux offices, le Parlement s'est doté des moyens de conduire des
évaluations. Il pourra donc, tout en respectant le principe de la séparation
des pouvoirs, disposer d'une capacité autonome d'évaluation. Le champ très
vaste des compétences ouvertes à chacun des deux offices est également un atout
qui permet d'éviter la multiplication d'instances créées ponctuellement.
Je souhaite, pour ma part, que, dans la nouvelle organisation de l'évaluation
des politiques publiques, le Parlement soit pleinement associé et qu'il tire
des deux instruments dont il s'est doté le maximum d'enseignements.
Mes chers collègues, nous le constatons tous, nos concitoyens sont de plus en
plus demandeurs vis-à-vis des pouvoirs publics. L'action de ces derniers doit
donc être marquée par une plus grande rigueur dans la gestion des crédits
publics. C'est pourquoi je suis convaincu qu'il est bel et bien nécessaire de
redonner toute sa place au Plan, tout spécialement en matière de prospective et
d'évaluation.
La commission des affaires économiques et du Plan est favorable à l'adoption
des crédits au Plan.
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour la
planification.
M. Bernard Barbier,
président de la délégation du Sénat pour la planification.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la délégation pour la
planification a été chargée par la loi du 29 juillet 1982 d'informer le Sénat
sur la préparation et l'exécution des plans nationaux.
Depuis l'abandon du XIe Plan, il n'y a plus, comme chacun le sait, de Plan, ce
qu'illustrent de manière symbolique la réduction de cette discussion à sa durée
minimale ainsi que la réduction des crédits budgétaires. Néanmoins, en accord
avec les autorités du Sénat, la délégation pour la planification s'efforce de
poursuivre sa mission d'information sur le moyen terme et vient de présenter un
rapport sur les perspectives macroéconomiques à l'horizon 2001.
Avant d'en présenter les principales conclusions, je ne vous cacherai pas,
monsieur le président, notre impatience dans l'attente de la réforme de la
planification, impatience que le commissaire au Plan, lors de son audition
récente par la délégation, n'a pas été en mesure de diminuer, ce qui est,
certes, tout à fait compréhensible.
Peut-être ce débat vous donnera-t-il l'occasion de nous en dire un peu plus,
monsieur le ministre, sur cette refondation de la planfication que le Président
de la République ainsi que tous ceux qui sont intervenus lors du cinquantenaire
du commissariat général du Plan ont souhaitée.
J'en viens au rapport d'information de la délégation sur les perspectives
macroéconomiques à moyen terme.
Je commencerai par une remarque préalable inspirée par la prudence. Il ne
s'agit pas ici de prétendre donner une prévision. Notre horizon - c'est-à-dire
le prochain siècle - est, certes, à l'échelle humaine, très proche, mais, pour
les économistes, qui ont déjà du mal à avoir une vision claire du présent, il
est bien trop éloigné.
Par ailleurs, des projections à moyen terme sont, par nature, moins des
prévisions qu'une extrapolation des tendances en cours. En ce sens, elles nous
aident surtout à mettre en évidence les questions et les choix de politique
économique devant lesquels nous nous trouvons aujourd'hui.
Ainsi, les travaux d'expertise à moyen terme qui ont été réalisés à la demande
du Sénat posent, à mon sens, trois questions principales.
Premièrement, quelle est la nature de la reprise économique qui, si l'on en
croit la plupart des prévisionnistes, se dessine actuellement ? Il faut
d'emblée indiquer que la réponse à cette question est assez décevante.
L'activité devrait, certes, s'accélérer en 1997 et en 1998, avec un taux de
croissance de 2,3 %, en 1997, et de 2,5 %, en 1998, mais elle s'essoufflerait
par la suite. En effet, pour les années 1999 à 2001, la croissance annuelle
serait inférieure à 2 %. Ce ne serait donc pas un cycle de forte expansion qui
débuterait aujourd'hui et le nombre de chômeurs pourrait, hélas ! continuer à
augmenter.
Un facteur principal expliquerait l'atonie de la croissance à partir de 1998 :
la faible progression des salaires, et donc de la consommation des ménages.
Celle-ci trouve son origine dans le niveau élevé du chômage, qui freine les
revendications salariales.
On comprend que, à la lumière de travaux de cette nature, nombre d'économistes
prônent une politique salariale plus dynamique. Mais on sait aussi que, compte
tenu de l'interdépendance des économies européennes, une politique salariale
dynamique menée isolément par un pays profite avant tout à ses voisins et
pénalise ce pays en raison de la dégradation de sa compétitivité. On voit donc
qu'il n'y a pas de réponse à la question posée par l'évolution des salaires, si
ce n'est à l'échelle européenne.
Deuxièmement, quelles sont les tendances financières à moyen terme de la
sécurité sociale ?
Compte tenu de la réforme des régimes de retraites intervenue en 1993, réforme
qui permettrait d'assurer leur équilibre jusqu'à l'horizon 2005, c'est-à-dire
jusqu'à l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de
l'après-guerre, les principales difficultés de financement à moyen terme
concerneraient l'assurance maladie.
A la lumière des plans de maîtrise engagés dans le passé, nous savons tous
l'extrême difficulté du contrôle de la dépense de santé. Qu'en sera-t-il à
moyen terme ? La réponse dépend du succès de la réforme mise en oeuvre par M.
le Premier ministre.
Il faut savoir que si, après le ralentissement de 1996 et de 1997, les
dépenses de santé retrouvaient leur évolution tendancielle - de l'ordre de 2,5
% par an en francs constants - des mesures financières de redressement seraient
inévitables dès 1998. Celles-ci équivaudraient à une augmentation de 1 point de
la contribution sociale généralisée, ce qui permettrait de stabiliser le
déficit des comptes sociaux autour de 10 milliards de francs chaque année
jusqu'en 2001.
Troisièmement, à quel rythme se réduirait le déficit de l'ensemble des
administrations publiques ? Dans la projection qui vous est présentée,
l'objectif de 3 % en 1997 serait atteint.
Si la croissance est plus élevée, la réduction des déficits sera plus rapide,
mais à la condition qu'un redémarrage de l'activité ne soit pas immédiatement
mis à profit pour baisser les impôts.
La vision la plus pessimiste consiste à considérer que chaque pays européen
mène isolément des politiques rigoureuses en attendant de ses voisins qu'ils
soutiennent sa propre croissance. Or, on voit bien que l'addition de ces
comportements engendrerait un scénario bien pire que celui que je vous ai
décrit.
Une vision beaucoup plus optimiste, et je terminerai sur cette note d'espoir,
serait celle d'une forte reprise cyclique, comme en 1986-1990, coïncidant avec
une forte baisse des taux d'intérêt à long terme, consécutive à l'union
monétaire. Il faut en effet rappeler que la baisse des taux d'intérêt est l'une
des vertus essentielles que l'on reconnaissait à l'union monétaire de l'Europe
lorsque le principe en a été conçu.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5
novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de
parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Le budget du Plan qu'il nous est proposé de discuter est, sans aucun doute, le
plus mauvais du genre jamais présenté depuis la création du commissariat
général du Plan, dans l'immédiat après-guerre.
A l'époque, l'objectif de cette planification n'était nullement d'instaurer
une économie dirigiste. Il s'agissait de permettre une maîtrise nationale et
publique des grands secteurs moteurs de notre économie, une régulation de
l'économie de marché. Force est de constater que cette option à laquelle
adhéraient tous les mouvements politiques et syndicaux partie prenante du
Conseil national de la Résistance fut judicieuse.
La reconstruction du pays et son développement se sont forgés à partir de
l'intervention publique, qui vise à privilégier « le citoyen plutôt que le
consommateur », comme le souligne l'actuel commissaire général au Plan.
L'Etat abandonnant au marché le soin de tout régir, il est clair que la
planification ne joue plus le même rôle. A titre d'exemple, on voit ce que cela
donne dans le domaine du transport routier de marchandises. Le laisser-faire,
en ce domaine, a été à l'origine d'une déréglementation et d'une pratique de
dumping social de la route par rapport au fer et à la voie d'eau. On aboutit
ainsi à des situations inadmissibles où l'on voit des salariés effectuer des
heures de travail non rémunérées et être obligés d'enfreindre les règles, la
sécurité la plus élémentaire n'étant alors plus assurée.
C'est à la lumière d'un tel exemple que l'on comprend que la planification
française avait du bon.
Certes, on nous dit maintenant qu'il ne peut plus en être ainsi. M. le
Président de la République a d'ailleurs expliqué, lors de la célébration du
cinquantième anniversaire du commissariat général du Plan, que l'utilité de la
planification devait désormais résider dans la compréhension de l'avenir et
l'évaluation des politiques publiques.
Qui pourrait ne pas souscrire à cet objectif ? Le problème est que le souhait
entre en contradiction avec les actes. En trois ans, on a pu noter, notamment,
la disparition du centre d'étude des revenus et des coûts, qui devait être
remplacé par un organisme mieux maîtrisé par le pouvoir, les diminutions
successives des aides aux chercheurs et aux organismes de prospective, la
baisse du budget pour 1997, le Plan voyant ses crédits diminuer de 6,6 %, soit
de 8,5 % en francs constants, sans parler de la lenteur de la réforme du Plan,
qui avait été annoncée il y a quelques années déjà.
Autant de signes que la volonté politique n'existe pas, ou peu, au plus haut
niveau de l'Etat, pour rénover la planification et remettre en place une réelle
cohérence de la politique économique et sociale.
S'agissant, enfin, des contrats de plan Etat-région, la décision unilatérale
du Gouvernement de prolonger d'un an, pour la porter à six ans, la durée de ces
contrats pose bien évidemment problème. Un tel étalement, monsieur le ministre,
provoque de grandes difficultés pour les entreprises, notamment les entreprises
du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui sont appelées à répondre aux
marchés d'équipements publics.
En conclusion, ces crédits ne permettent pas au commissariat général du Plan
et aux organismes qui lui sont rattachés de remplir leur mission dans de bonnes
conditions. A l'inverse, une planification rénovée, prenant appui sur le
secteur public, pourrait être l'un des outils pour retrouver la croissance.
Pour l'heure, nous ne pourrons pas voter ce budget tel qu'il nous est
proposé.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je tiens d'abord à remercier
les rapporteurs, M. Moreigne, pour la commission des finances, M. Jean Boyer,
pour la commission des affaires économiques et du Plan, dont le Gouvernement a
apprécié l'excellent travail.
Je voudrais remercier également M. Barbier, président de la délégation du
Sénat pour la planification, des informations précieuses et des conseils qu'il
vient de nous donner.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse qui a été faite de l'évolution
des crédits inscrits au budget du Plan.
Comme l'ont souligné avec pertinence MM. les rapporteurs, l'apparente
diminution des crédits doit être relativisée. En effet, elle est notamment due
à une importante mesure nouvelle non reconductible, d'un montant de 1,5 million
de francs, inscrite en 1996 au titre des cérémonies du cinquantenaire du
commissariat général du Plan. Elle est due aussi à une baisse des dotations du
chapitre supportant tout à la fois les dépenses d'études de cet organisme et
les dépenses liées à l'évaluation des politiques publiques, qui doit être
appréciée au regard des importants reports de crédits sur ce chapitre.
De plus, la dotation de 670 000 francs, inscrite jusqu'en 1996 au budget du
Plan au titre du fonctionnement de la commission française du développement
durable, est transférée, pour 1997, au budget de l'environnement. Par ailleurs,
il convient de noter que les crédits d'intervention du Plan sont reconduits, en
1997, au niveau de ceux de la loi de finances pour 1996 et qu'ils ne subissent
donc aucune mesure d'économie.
En ce qui concerne, plus fondamentalement, l'avenir de la planification
nationale, sur lequel vos rapporteurs s'interrogent, je voudrais, si besoin en
était, les rassurer pleinement.
Le Gouvernement est tout particulièrement attaché à l'existence d'une
institution qui doit être tout à la fois un lieu de concertation sociale, de
réflexion prospective, d'évaluation des politiques publiques et de mise en
cohérence de l'action publique dans une perspective de moyen et de long
terme.
C'est là, comme vous l'avez rappelé, ce que le Président de la République a
affirmé avec force lors de son discours de clôture des cérémonies du
cinquantenaire du Plan, le 24 mai dernier, en parlant d'une véritable «
refondation du Plan ».
Sur la base notamment du rapport de M. Jean de Gaulle, député, et des
propositions du commissaire au Plan, un projet de réforme est actuellement en
discussion depuis que les offices parlementaires d'évaluation sont créés. Il
s'agit de redonner au commissariat général du Plan la place qui doit être la
sienne dans l'Etat.
Le commissariat général du Plan doit contribuer à animer et à coordonner les
dispositifs publics d'évaluation des politiques publiques, ainsi que les
réflexions prospectives nécessaires pour éclairer les choix collectifs.
Pôle public de concertation, de prospective et d'évaluation, le Plan
retrouvera ainsi sa vocation à assurer la cohérence de l'Etat, qui était
inscrite dès sa création, et contribuera à l'amélioration de la productivité de
la dépense publique, qui est, mesdames, messieurs les sénateurs, une nécessité
pour le redressement de nos finances publiques.
Je voudrais maintenant donner quelques éléments de réponse aux deux
rapporteurs, MM. Michel Moreigne et Jean Boyer.
En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région, il est clair, messieurs
les rapporteurs, qu'il faut améliorer la procédure par un cadrage national plus
rigoureux, par une évaluation plus systématique des résultats obtenus et par un
suivi plus efficace.
Pour ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques, je peux vous
affirmer que c'est un des objectifs majeurs de la réforme du Plan.
Enfin, en ce qui concerne la réforme du Plan, vous savez qu'un projet de
décret est en cours d'élaboration. Je peux vous affirmer que le travail
interministériel est déjà bien avancé.
Je dois vous rappeler que le Gouvernement n'est pas responsable de cette
situation, puisque ce sont les assemblées elles-mêmes qui ont élaboré des
propositions de loi en vue de mettre en place les offices d'évaluation, et
qu'il n'a donc été possible de commencer réellement à travailler qu'une fois
votée la création de ces offices parlementaires d'évaluation.
M. Bécart a évoqué les organismes rattachés, tels que l'OFCE ou le CEPII.
C'est bien cela, monsieur Bécart ?
M. Jean-Luc Bécart.
A peu près !
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Il est vrai, vous l'avez dit,
monsieur Bécart, que lesbudgets ont baissé au cours des dernières années. Mais
je vous ferai observer qu'ils n'ont pas été réduits cette année, ce qui est
exceptionnel, vous en conviendrez, dans le climat budgétaire actuel. Cela
démontre que l'utilité de ces organismes et leur sérieux sont bien reconnus.
Voilà les éléments d'information que je souhaitais donner à la Haute
Assemblée. Je suis persuadé que Mmes et MM. les sénateurs, qui sont très
attachés au Plan, voteront ces crédits avec beaucoup de conviction.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et
figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 7 415 166 francs ».
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, moins 500 000 francs. »
Personne de demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 5 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 2 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant aux titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
Budget annexe des Journaux officiels
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget
annexe des Journaux officiels.
Je suis heureux d'accueillir M. le directeur des Journaux officiels, qui
assiste traditionnellement à nos débats sur ce budget.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur les
points essentiels qui permettent à la direction des Journaux officiels
d'établir et présenter un projet de budget pour 1997 amélioré, prometteur,
redevenu source d'exédents.
Les mesures appliquées en 1996 se sont révélées efficaces. Recettes et
dépenses d'exploitation pour 1997 sont en équilibre et progressent de 5,4 %
avec des dépenses qui augmentent de 65 millions de francs au titre de la prise
en charge des frais d'expédition.
La gestion se normalise. Elle présente même un caractère très positif : elle
permet une participation de 10 millions de francs aux dépenses d'amortissement.
Les dépenses en salaires sont limitées à 2,1 % de progression, pour un
personnel qui restera fixe : 603 employés et 10 fonctionnaires.
Le projet de budget pour 1997 s'en trouve amélioré en valeur absolue, passant
de 860 millions de francs à 906 millions de francs, ce qui permettra de
disposer de crédits pour réaliser la rénovation de bâtiments devenus vétustes
et des remises à niveau en matière de sécurité.
Le projet de budget pour 1997 est également prometteur. Une modernisation est
intervenue depuis 1992 ; on en perçoit les effets avec le nouveau système
informatique, le changement de la chaîne d'impression. Il est également
prometteur pour les hommes et les femmes qui travaillent au
Journal
officiel,
puisqu'il ouvre des possibilités d'adaptation des procédures de
travail, d'aménagement du temps de travail et de formation qui sont ambitieuses
et qui visent à répondre aux évolutions professionnelles.
Ce projet de budget est prometteur car, pour les productions, on note une
progression des bulletins annexes et une chute de la sous-traitance de moitié
depuis 1994. En 1996, le nombre de pages imprimées s'élève à 3,6 milliards ; en
l'an 2000, il pourrait atteindre 4,6 milliards.
Ce chiffre, qui vous surprend très certainement, mes chers collègues, démontre
les performances du service public.
Les propositions budgétaires s'affirment, en 1997, sur des objectifs faits
d'efforts de production, de valorisation de l'offre de service, d'élargissement
d'audience et de gestion réaliste et efficace.
Ce budget est amélioré et prometteur. Il redevient source d'excédents, avec
une proposition de reversement au Trésor de 38,5 millions de francs - c'était
le niveau de 1994 - contre 14 millions de francs en 1996.
Dans un projet de loi de finances où, sur vingt-huit budgets civils,
vingt-cinq sont en baisse, où déficit, réduction des dépenses deviennent des
leitmotive, le Sénat ne peut qu'apprécier les progrès réalisés cette année.
Le projet de budget présente, certes, encore des insuffisances et des
imperfections. Votre rapporteur en a noté deux, l'une concernant les
productions, l'autre relative aux personnels.
Tout d'abord, des adaptations nouvelles se révèlent nécessaires pour
restreindre la différence entre les recettes et les dépenses dans la vente des
productions. Une revalorisation du prix de vente s'impose ainsi que des
nouveaux tarifs d'abonnement, avec une refonte des trois éditions du
Bulletin officiel des annonces des marchés publics,
une revalorisation
des prix du
Bulletin officiel des annonces légales obligatoires
et des
annexes des Journaux officiels, car ils n'ont pas été modifiés depuis 1987.
Des propositions de majoration des tarifs sont nécessaires ; elles sont
prévues dans le projet de budget.
En ce qui concerne les personnels, le problème du régime spécifique des
pensions demeure toujours sans solution immédiate. Les personnels se prononcent
en faveur du maintien du système actuel aux Journaux officiels et du respect
des droits acquis, après avoir été contraints de subir des licenciements au
cours de ces dernières années.
Des études sont en cours, des projets sont préparés, dont celui qui consiste à
transférer les régimes spécifiques des Journaux officiels sur d'autres régimes
comme l'AGIRC et l'ARRCO.
Les négociations doivent se poursuivre avec franchise et confiance dans leur
issue.
En conclusion, votre rapporteur vous propose d'adopter ce projet de budget. Il
vous propose également de partager son avis selon lequel l'exercice en régie de
l'impression des publications légales ne saurait être critiqué sur le seul
fondement d'une directive européenne assujettissant les marchés publics aux
règles de la concurrence.
La diffusion des débats parlementaires et de la norme juridique relèvent non
pas de l'industrie privée mais d'une obligation constitutionnelle de l'Etat.
Par ailleurs, le droit français ou européen est satisfait dès lors qu'il s'agit
d'une activité équilibrée.
Nous sommes persuadés, mes chers collègues, que le budget voté en 1997 donnera
à la direction des Journaux officiels et à l'ensemble de la communauté des
Journaux officiels - chefs de service, encadrement, salariés - les moyens de
réaliser les trois grandes orientations du Plan « Horizon 2000 » que je me
permets de rappeler : conforter la direction des Journaux officiels dans son
rôle d'acteur du secteur public, renforcer l'efficacité de la direction des
Journaux officiels, accroître la réactivité de la direction des Journaux
officiels.
En votant ce projet de budget, nous donnerons au
Journal officiel
de la
République française les moyens de son développement, et nous affirmerons une
confiance renouvelée à la direction des Journaux officiels pour qu'elle
poursuive sa tâche de service public.
Le
Journal officiel
peut encore s'améliorer. Cette institution, la plus
ancienne de la République, nous devons la servir comme elle a servi les
républiques qui se sont succédé. Votre vote signifiera aussi la confiance dans
la direction, la maîtrise, les ouvriers des Journaux officiels.
Le monopole des Journaux officiels, avec ses spécificités ne sauraient être
mis en cause, d'autant plus qu'il démontre son efficacité.
Réfléchir sur une évolution des Journaux officiels ne peut que conduire à une
confirmation, un épanouissement de ses structures actuelles.
C'est la conviction de votre rapporteur de la commission des finances et du
Sénat, j'en suis certaine.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord, de remercier
vivement Mme Marie-Claude Beaudeau pour l'excellence et la pertinence de son
rapport.
Le projet de budget pour 1997 de la direction des Journaux officiels table -
vous le savez - sur une augmentation à peu près identique - de l'ordre de 5,2 %
- des recettes et des dépenses du budget annexe par rapport aux montants
figurant dans la loi de finances de 1996.
La poursuite d'une augmentation régulière du volume des annonces et un
réajustement tarifaire de 2 % du prix des annonces et des produits de
diffusion, l'an prochain, permettent d'escompter un montant de recettes de 906
millions de francs en 1997.
Au-delà de l'augmentation de 2,5 % des charges, qui est liée à celle de la
production et des coûts, l'accroissement des dépenses d'exploitation résulte,
pour l'essentiel, de la remise à niveau de deux postes de dépenses ; d'une
part, des dépenses d'expédition, pour tenir compte des hausses de tarifs
postaux ; d'autre part, de la dotation aux amortissements, pour tenir compte de
l'importance de l'investissement réalisé à l'occasion du plan de
modernisation.
Au total, ce projet de budget dégage un excédent d'exploitation de 38,5
millions de francs qui, joint à une dotation aux amortissements de 27 millions
de francs, permet de financer les investissements envisagés et un reversement
au budget général équivalant à cet excédent d'exploitation, soit 38,5 millions
de francs, tout en assurant une augmentation du fonds de roulement de 8,4
millions de francs.
Ce projet de budget atteste ainsi très clairement de la santé financière de la
direction des Journaux officiels. Cela est d'autant plus remarquable que le
budget annexe des Journaux officiels a été et continue d'être fortement affecté
par l'augmentation, en 1995, de 40 % du prix du papier et par la suppression,
en 1996, de la franchise postale, qui lui coûte, en année pleine, plus de 60
millions de francs.
Il atteste aussi de la vitalité des Journaux officiels, dont l'activité
interne de production a augmenté de 25 % en deux ans, tandis que ses effectifs
baissaient d'un peu plus de 5 % dans le même temps. C'est dire l'efficacité
dont la direction des Journaux officiels a su faire preuve pour concrétiser les
potentialités ouvertes par le vaste plan de modernisation qu'elle a su mener à
bien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux m'associer aux félicitations de Mme
le rapporteur spécial et, au nom du Gouvernement, remercier à mon tour la
direction, les cadres, les employés et toutes les personnes qui concourent à
faire des Journaux officiels des journaux de qualité que le Parlement et le
Gouvernement apprécient quotidiennement et qui constituent un exemple non
seulement dans notre République, mais aussi, bien souvent, en Europe. Je
tenais, monsieur le président, à leur présenter, avec Mme Beaudeau, les
félicitations du Gouvernement.
M. le président.
Le Sénat tout entier s'associe à vous deux dans cet hommage.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 40 et 41 du projet de
loi.
Services votés
M. le président.
« Crédits, 801 020 718 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme, 16 877 000 francs ;
« II. - Crédits, 104 979 282 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme inscrites au paragraphe I de
l'article 41 et les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 42.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le budget annexe des Journaux officiels.
Environnement
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de l'environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, au risque de paraître iconoclaste, mais animé
par la volonté de lutter contre une coûteuse idée reçue, je dirai que le seul
vrai reproche que j'adresse à ce budget concerne l'apparente progression de ses
crédits.
Je m'explique.
Je me dois en effet de rappeler, non seulement en tant que rapporteur de la
commission des finances mais aussi en tant qu'élu responsable, qu'on ne peut en
même temps affirmer le caractère indispensable de la réduction des déficits et
réclamer des crédits supplémentaires pour chaque secteur pris
individuellement.
Pour ma part, c'est une discipline que je m'efforce de respecter, sachant
qu'il serait tellement plus aisé de tenir un autre discours !
Chacun d'entre nous a en effet la responsabilité de veiller à la diminution
des charges de structure de la « maison France » et de refuser la facilité qui
consiste à penser que chaque budget n'est qu'une portion peu significative de
l'ensemble.
Le budget de l'environnement pour 1997 n'a pas échappé à l'impératif
médiatique qui impose une annonce de moyens financiers en hausse pour rendre
une politique crédible.
La mise en oeuvre de la loi sur l'air explique, en réalité, largement la
hausse des crédits de ce budget.
A cet égard, je regrette que ce projet n'ait pas été assorti d'une étude
d'impact permettant de mesurer le coût des mesures contraignantes qu'il
comporte. Je pense, en particulier, à celui des pistes cyclables que les
collectivités locales vont désormais devoir inclure dans leurs voies urbaines à
l'occasion de la réalisation ou de la rénovation de celles-ci.
L'absence de chiffrage de ce type de mesures, qui ne font pas toujours l'objet
d'une importante concertation préalable, vient en effet périodiquement
fragiliser les plans financiers des gestionnaires locaux.
Il serait dommage que ces objectifs puissent un jour susciter des attitudes de
rejet en raison de l'insuffisante évaluation financière préalable.
J'en viens à l'analyse des crédits de ce budget.
Les crédits demandés pour 1997 au titre du ministère de l'environnement
s'élèvent à 1,86 milliard de francs, soit une progression de 5,88 % par rapport
aux crédits votés pour 1996.
Parallèlement, les autorisations de programme demandées s'élèvent à près de
800 millions de francs, en hausse de 1,33 % par rapport à l'exercice
précédent.
Cette progression d'ensemble résulte très largement de la forte hausse de
l'agrégat « prévention des pollutions et des risques », qui traduit l'impact
des mesures financières correspondant à la mise en oeuvre de la loi sur
l'air.
Pour synthétiser la présentation des différents aspects de ce budget, je dirai
qu'il finance tout d'abord une administration et, surtout, qu'il comporte
principalement les crédits destinés à la protection de la nature et des
paysages, à la lutte contre les pollutions, ainsi que ceux qui sont consacrés à
la politique de l'eau.
En ce qui concerne l'administration générale, je note une stabilité affichée
au prix d'une forte réduction des dépenses d'équipement.
Regroupant près du tiers des moyens de paiement du ministère, 562,68 millions
de francs, cet agrégat connaît en effet une très légère baisse de ses crédits,
de 0,22 %.
Cette évolution d'ensemble recouvre, d'une part, une progression des moyens
des services liée au transfert de vingt-sept emplois en provenance de la
direction de l'architecture et de l'urbanisme du ministère de l'équipement au
sein de la direction de la nature et des paysages.
Ce transfert est la conséquence de la réorganisation de la politique des sites
et du paysage au profit du ministère de l'environnement. Je salue ce
regroupement qui constitue un bon exemple d'action dans le cadre d'une réforme
de l'Etat qu'on souhaiterait voir plus largement mise en oeuvre par le
Gouvernement.
Ces augmentations sont, d'autre part, plus que compensées par une réduction
des crédits de paiement destinés aux opérations de regroupement sur des sites
uniques des services des directions régionales de l'environnement, les
DIREN.
En ce qui concerne la protection de la nature et des paysages, les crédits
sont préservés.
Principal intervenant public dans ce domaine, le ministère de l'environnement
consacre plus du quart de ses moyens de paiement - près de 500 millions de
francs - et plus de 38 % de ses autorisations de programme - 305 millions de
francs - à ce poste dans le budget de 1997.
Je note cependant que la préservation des moyens de fonctionnement des parcs
nationaux, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres des
parcs naturels régionaux ou des réserves naturelles s'accompagne de réductions
importantes des subventions d'équipement accordées à ces différentes
institutions en raison de l'étalement sur une année supplémentaire des crédits
prévus dans les contrats de plan.
S'agissant de la prévention des pollutions et des risques, il faut relever
l'impact de la loi sur l'air.
Cet agrégat représentera, en 1997, 20,59 % des moyens de paiement du ministère
contre, moins de 14,5 % en 1996, et 24,3 % de ses autorisations de programme,
contre 7,7 % en 1996.
Avec 383 millions de francs en moyens de paiement et 191 millions de francs en
autorisations de programme, cet agrégat connaît une forte croissance de ses
crédits.
La hausse des crédits de cet agrégat résulte, en effet, des financements
budgétaires dégagés pour financer l'extension et l'amélioration du réseau de
surveillance de la qualité de l'air, ainsi que le renforcement des études
conduites dans ce domaine.
En ce qui concerne la protection de l'eau et des milieux aquatiques,
l'institution d'un fonds de concours des agences de l'eau vient fortement
alléger les dépenses de l'Etat consacrées à cette action.
Le financement de la politique de l'eau représente 14 % des crédits du
ministère en moyens de paiement - 262 millions de francs - et 24 % - 191
millions de francs - de ses autorisations de programme, contre 35 % en 1996.
Après une forte progression, en 1995, des crédits consacrés à cet agrégat,
progression liée notamment à la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire
grandeur nature » et « Prévention des risques », et suivie d'une stabilisation
en 1996, l'année 1997 est en effet caractérisée par une décroissance des moyens
engagés par l'Etat dans ce domaine.
Cette forte réduction est la conséquence de la création d'un fonds de
concours alimenté par les agences de l'eau, qui sont ainsi associées à hauteur
de 110 millions de francs au financement du plan de prévention des risques
naturels prévisibles, ce qui correspond à 1 % du budget des agences.
La recherche connaît, quant à elle, un léger resserrement de ses moyens - 79
millions de francs contre 80 millions de francs. Je tiens à souligner, au-delà
des crédits du ministère, l'importance de la contribution de la recherche en
matière d'environnement : 2,73 milliards de francs sur les 10 milliards de
francs consacrés par l'Etat à l'environnement, tous ministères confondus.
Enfin, au sein de l'agrégat « connaissance de l'environnement et coopération
internationale », la commission des finances s'est félicitée de la suppression
du fonds d'intervention pour la qualité de la vie.
Cette suppression constitue un aboutissement conforme aux observations de la
commission des finances sur la gestion des « chapitres réservoirs ». Ce
chapitre, inscrit au titre VI - subventions d'équipement - servait en effet
souvent au financement de dépenses de fonctionnement.
Avant de conclure cette analyse, je m'arrêterai quelques instants sur les
principales sources d'économies que comporte ce budget.
La principale économie résulte de ce qui est, en fait, une débudgétisation
partielle du financement de la politique de l'eau.
Le Gouvernement a, en effet, institué un fonds de concours qui sera abondé à
hauteur de 110 millions de francs par an par les agences de l'eau, dans le
cadre du VIIe programme d'intervention de ces agences, qui couvrira la période
1997-2001.
Il s'agit d'une débudgétisation dans la mesure où les crédits budgétaires
correspondants du ministère de l'environnement diminuent dans des proportions
comparables.
Toutefois, je me félicite, à ce sujet, de la décision du Gouvernement de
stabiliser dans ce cadre, pour la période 1997/2001, les redevances des agences
de l'eau au même niveau qu'en 1996.
L'autre grande source d'économie provient des importantes réductions - pour un
montant total de près de 50 millions de francs - des subventions accordées à un
certain nombre d'établissements publics sur lesquels le ministère de
l'environnement exerce sa tutelle. Ces réductions concernent en particulier
l'institut national de l'environnement industriel et des risques - l'INERIS -
pour 18,65 millions de francs, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie - l'ADEME - pour 16 millions de francs, le conservatoire de l'espace
littoral et des rivages lacustres pour 7,72 millions de francs, l'institut
français de l'environnement - l'IFEN - pour 2,99 millions de francs ou encore
les parcs nationaux, pour 1,7 million de francs.
Pour conclure, je rappelle que les collectivités locales consacrent une part
importante de leurs budgets à l'environnement : 111 milliards de francs en
1995. Or, je tiens à préciser qu'étant donné la situation des budgets des
collectivités locales celles-ci ne pourront pas toujours assumer
l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes
environnementales.
MM. Marcel Lesbros et Christian Bonnet.
Bravo !
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Madame le ministre, nous comptons donc sur vous pour
veiller à la maîtrise de la part de la dépense publique dont vous avez la
charge.
Nous comptons en effet sur votre dynamisme pour mener le combat essentiel en
faveur de l'environnement, tout en veillant à la préservation des deniers
publics.
C'est dans cet esprit que la commission des finances m'a chargé de demander au
Sénat d'approuver vos crédits pour 1997.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR).
M. le président.
La parole est à M. Hugo, rapporteur pour avis.
M. Bernard Hugo,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un
contexte affirmé de maîtrise des dépenses publiques, les crédits inscrits au
budget du ministère de l'environnement dans le projet de loi de finances pour
1997 s'élèvent à 1,861 milliard de francs, en progression de 5,9 % par rapport
à la loi de finances pour 1996. M. Adnot, rapporteur spécial, nous en a retracé
le détail avec une grande clarté.
Cette évolution confirme la priorité accordée par le Gouvernement à la
protection de l'environnement, notamment pour la mise en oeuvre des
dispositions du projet de loi sur l'air, qui sera adopté avant la fin de
l'année, ce dont je me réjouis.
A « périmètre constant », en réalité, le budget du ministère de
l'environnement diminue légèrement, mais les effets de cette baisse sont
atténués par la création d'un fonds de concours annuel de 110 millions de
francs provenant des ressources des agences de l'eau et mis à la disposition du
ministère pour financer la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire grandeur
nature » et « Prévention des risques naturels ».
Faut-il saluer le mérite du ministre de l'environnement d'avoir su trouver
ainsi des ressources nouvelles ou s'interroger sur les conséquences de la
débudgétisation partielle du financement de la politique de l'eau ?
D'aucuns se sont inquiétés de ce prélèvement opéré sur les agences, qui est,
il faut le noter, autorisé par la loi du 16 décembre 1964 à condition qu'il
serve à des opérations relevant de la compétence et du périmètre des agences.
Ce prélèvement - cela a été dit et il faut le souligner à nouveau - ne
représente que 1 % des ressources des agences. Le principe du fonds, qui permet
d'identifier l'utilisation des crédits, est donc bon et je souhaite, madame le
ministre, que les agences soient très directement associées à la définition des
politiques mises en oeuvre grâce à ce prélèvement.
Etant tenu de respecter un temps de parole qui, cette année, est extrêmement
bref, je m'en tiendrai, madame le ministre, à quelques observations sur des
priorités en matière d'environnement, qui représentent autant de points
sensibles pour les collectivités locales : la gestion de l'eau, celle des
déchets et la définition des espaces protégés à travers le réseau Natura
2000.
Arrêtons-nous un instant sur le budget des agences de l'eau, qui est
indépendant du budget du ministère, pour signaler que le montant global des
crédits destinés à financer les travaux programmés pour l'ensemble du XIIe
programme est arrêté à 107 milliards de francs.
Le principe d'une stabilisation des prélèvements, et donc du niveau global des
redevances, a été retenu.
Néanmoins, compte tenu des investissements à réaliser, notamment en matière
d'assainissement - secteur qui devrait représenter plus de 50 % des travaux
aidés par les agences de l'eau dans l'optique du XIIe programme - le prix de
l'eau devrait continuer à augmenter sur la base de 5 % par an en francs
courants entre 1996 et 2001.
En effet, en raison des dispositions de la directive européenne du 21 mai
1991, qui impose à l'échéance de 2005 une obligation générale de traitement des
eaux usées pour toutes les collectivités de plus de 2 000
équivalents-habitants, les investissements à venir sont particulièrement lourds
pour les communes situées en zone rurale, et des solutions adaptées telles que
l'assainissement autonome sont à rechercher.
Enfin, sur le plan européen, j'appuie la position du Gouvernement français
qui, dans les négociations entamées sur une refonte générale de la
réglementation sur l'eau, défend une position permettant d'améliorer la
situation sur le plan sanitaire, tout en étant raisonnable sur le plan
économique, notamment en ce qui concerne la réduction de la teneur en plomb
dans l'eau.
En ce qui concerne le traitement des déchets ménagers, force est de constater,
à cinq ans des échéances fixées par la loi du 13 juillet 1992 pour
l'élimination des décharges de déchets ménagers, que les collectivités locales
sont confrontées à un enjeu économique démesuré dans le choix des outils à
mettre en oeuvre.
Les collectivités locales n'auront sans doute pas la capacité financière de
supporter le coût de ces investissements. Selon les estimations de l'agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'application stricte de la loi
de 1992 devrait coûter environ 61 milliards de francs aux communes d'ici à
2002.
Or, si, globalement, le coût de traitement des ordures ménagères est
sensiblement équivalent quel que soit le système choisi, il ne se répercute pas
de la même manière selon qu'est retenue l'incinération ou la décharge «
hypersécuritaire ».
La valorisation énergétique est-elle la seule solution à développer alors que
c'est une solution vraiment coûteuse ? Quelles sont les solutions alternatives,
notamment pour les communes rurales ?
Enfin, madame le ministre, vous comprendrez que les inquiétudes et les
réactions hostiles de la plupart des élus et de l'ensemble des acteurs
économiques en milieu rural, au fur et à mesure du déroulement de la procédure
devant aboutir à la constitution du réseau Natura 2000 prévue par la directive
du 21 mai 1992, sont en grande partie dues à un défaut d'explication et de
concertation dont la responsabilité incombe aux ministres successivement
chargés du dossier.
Le Gouvernement a suspendu l'application de la directive ainsi que les
consultations locales pour engager des discussions avec la Commission afin de
clarifier certains points d'application de la directive et d'obtenir
confirmation que les activités agricoles, forestières et cynégétiques seront
toujours autorisées dans les sites retenus.
Je souhaite, madame le ministre, que vous fassiez le point sur les compléments
d'information attendus de Bruxelles et sur la manière dont vous entendez
poursuivre la mise en oeuvre de la procédure permettant la constitution du
réseau Natura 2000. J'insiste sur la nécessité qu'il y a à réaliser un effort
d'explication sans précédent, accompagné d'une réelle concertation avec
l'ensemble des élus locaux et des acteurs économiques du monde rural.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues,
la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption
des crédits consacrés à l'environnement pour 1997.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les excellents et
très complets rapports de MM. Adnot et Hugo, je me contenterai de faire
quelques brèves observations.
Le budget du ministère de l'environnement pour 1997 comporte des éléments très
positifs : il y a, bien sûr, son taux de progression de 5,8 %, qui ne met pas
en péril le redressement des finances de l'Etat puisque ce budget ne
représentera que 0,14 % du budget général ; il y a surtout la marque d'une
volonté de réaliser sans faiblesse ni retard un certain nombre d'actions phares
auxquelles nous attachons beaucoup d'importance.
J'observe tout d'abord avec satisfaction que l'Etat s'est donné les moyens de
réaliser dans les temps le programme prévu de contrôle de la qualité de
l'air.
J'observe avec la même satisfaction que la relance de la politique de l'air
n'affectera pas, en 1997, le financement de la quatrième année d'exécution du
plan « Loire grandeur nature » et du plan de restauration des rivières.
La commission des affaires culturelles, qui l'année dernière, avait estimé
essentiel pour la crédibilité de la politique de l'environnement l'exécution du
plan « Loire grandeur nature » selon l'échéancier prévu, ne peut que se réjouir
que ce soit une nouvelle fois le cas en 1997. J'appelle d'ailleurs, d'ores et
déjà, votre attention, madame le ministre, sur les six années qui restent à
courir.
Ces politiques sectorielles, lancées pour une durée déterminée en vue
d'objectifs bien définis, souvent en partenariat avec les collectivités
locales, en plus de leur valeur intrinsèque, me semblent avoir l'intérêt de
constituer autant de signaux adressés à l'opinion. Il est donc essentiel
d'éviter qu'elles ne se transforment en démonstration de contre-performance.
Les moyens de les mettre en oeuvre sont divers et votre budget le montre bien
puisqu'il amorce la débudgétisation des engagements contractés par l'Etat dans
le cadre de sa politique de gestion des rivières.
C'est un des points sur lesquels il me faut nuancer l'approbation globale que
la commission des affaires culturelles porte à l'égard de votre action.
Le fonds de concours de 120 millions de francs qui permettra aux agences de
l'eau de participer en 1997 au financement du plan « Loire grandeur nature » et
du plan « rivières » ne représente qu'environ 1 % de leur ressources et ne
mettra certes pas en péril leurs capacités de financement.
Il n'en reste pas moins que le recours à ce type de procédé pour financer une
politique de l'Etat peut inquiéter alors qu'en raison de l'adoption de la loi
sur l'air le poids des programmes pluriannuels va s'accentuer et va donner plus
de rigidité au budget de votre ministère.
Dans le même temps, les ressources disponibles hors du budget général de
l'Etat m'apparaissent de plus en plus limitées. Je rappelle que les
prélèvements obligatoires des établissements publics sous tutelle de votre
ministère ont progressé de 50 % depuis quatre ans. Je rappelle aussi que les
dépenses des collectivités locales, au titre de l'environnement, représentent
près de 90 % de la dépense publique dans ce secteur. Il sera donc difficile, me
semble-t-il, d'augmenter ces interventions.
Il ne me reste guère de temps pour aborder les autres politiques de votre
ministère, en particulier la protection de la nature et des paysages, à
laquelle notre commission s'est particulièrement intéressée cette année.
Je noterai simplement que les seuls véritables problèmes susceptibles de se
manifester, en 1997, concerneront les réserves naturelles. En effet, les moyens
de paiement, en légère réduction, ne permettront pas de financer le lancement
prévu de dix nouvelles réserves. C'est une somme d'environ 3 millions de francs
qu'il faudrait trouver pour assurer le développement de cette politique utile
et efficace.
Pourrez-vous, madame le ministre, nous donner des assurances à cet égard ?
Je vais conclure mon intervention en évoquant les problèmes que pose la mise
en place du réseau Natura 2000. Les collectivités locales et l'opinion publique
se sont cabrées en découvrant cet objet administratif européen non encore
pleinement identifié ! (
Sourires.
)
Le Premier ministre a su répondre à cette inquiétude en gelant l'application
de la directive « habitats », en attendant que la Commission européenne précise
les modalités de gestion des sites Natura 2000. Il importe, en effet, d'établir
avec la plus grande clarté - je rejoins ici notre collègue Bernard-Charles Hugo
- que l'objectif recherché est non pas de sanctuariser ces sites mais d'y
mettre en oeuvre des techniques de développement durable selon des modalités
juridiques et financières préalablement définies.
Il me reste à indiquer au Sénat que la commission des affaires culturelles a
donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'environnement pour
1997.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je m'honore
d'avoir, depuis trente ans et plus, préservé l'environnement, tant dans ma
commune de Carnac que dans mon canton de Belle-Ile-en-Mer.
Votre prédécesseur, M. Barnier, a inauguré, en 1993, une des stations les plus
performantes en matière d'épuration au pays d'Auray, qui a par ailleurs été, en
1971 le premier à construire une usine de traitement des ordures ménagères. Je
vous dis tout cela pour vous faire comprendre à quel point les problèmes dont
vous avez la charge me tiennent à coeur.
Cela étant, les élus de toutes tendances sont de plus en plus exaspérés par
les contraintes de toutes sortes qui viennent, au mieux, alourdir et, trop
souvent, paralyser la gestion des collectivités qu'ils sont chargés
d'administrer.
(Applaudissements.)
Au cours du congrès de l'Association des maires de France, le président
Delevoye a été ovationné lorsqu'il a dénoncé ce qu'il a appelé « le terrorisme
des normes », contre lequel le rapporteur spécial, M. Adnot, vient à l'instant
de vous mettre opportunément en garde.
Mardi soir, le conseil général du Morbihan a adopté à l'unanimité une motion
demandant au Premier ministre « que soient ramenés à la raison les responsables
publics qui, obsédés par la recherche illusoire d'une société à « risque zéro »
ne cessent d'accabler le pays sous le poids de réglementations de plus en plus
insupportables, tant pour les finances publiques que pour le budget des
particuliers, assorties de dates butoirs impossibles à respecter ».
(MM. Marcel Lesbros et André Rouvière applaudissent.)
Hier, dans cet
hémicycle, lors de la discussion du budget de la décentralisation, notre
éminent collègue M. Delevoye est revenu à la charge, et d'autres avec lui,
contre cette lèpre bureaucratique qui, selon, décourage ou enrage les
décideurs. Vous aurez compris que je me situe plutôt du côté des seconds.
(
Sourires
.)
Notre excellent collègue M. Hugo, qui a évoqué un risque économique démesuré
dans son rapport écrit, évalue à 61 milliards de francs d'ici à 2002 le coût de
la mise en place des dispositifs d'élimination des déchets. En réalité, les
prévisions les plus récentes et les plus sérieuses, qui émanent des travaux
actuellement en cours à la commission des finances, permettent de penser qu'il
s'agira plutôt de 100 milliards de francs et que la date de 2002 ne pourra être
respectée dans un domaine où, au demeurant, de nouvelles techniques moins
onéreuses commencent à se faire jour.
M. Marcel Lesbros.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
C'est impossible !
M. Christian Bonnet.
Trop c'est trop ! Alors, madame le ministre, avec beaucoup de gravité, je
conclurai mon propos en vous mettant, à mon tour, en garde contre des excès
dont le premier résultat serait de remettre en cause une politique de
sauvegarde de l'environnement à laquelle, non sans mérite parfois, nous restons
encore très attachés, ce qui fait que le groupe des Républicains et
Indépendants votera
nolens volens
votre budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants du RPR et
de l'Union centriste. - M. André Rouvière applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, parce qu'il
touche nos concitoyens au quotidien, influe sur la qualité de vie, conditionne
l'avenir de l'humanité et de la planète tout entière, l'environnement occupe
une place de plus en plus importante dans les politiques publiques et
privées.
Ainsi, dans toutes les communes, quelle que soit leur taille, se pose la
question de l'épuration des eaux usées, de la collecte et du traitement des
déchets, du contrôle de la qualité de l'eau, etc.
Dans toutes les entreprises dignes de ce nom, les responsables s'interrogent
et agissent pour réduire au minimum les rejets nocifs, pour recycler les
matériaux, pour épargner la nature.
Ce mouvement de fond se traduit bien évidemment en chiffres : d'après le
rapport Tesse, 300 milliards de francs étaient consacrés à l'environnement dans
l'Europe des Douze en 1989. Ce montant de 600 milliards de francs, soit le
double, en 1999 ! Votre budget, madame le ministre, et les efforts faits par le
Gouvernement ne sont pas en reste. C'est pourquoi je voudrais, mes chers
collègues, développer trois raisons qui me permettent de saluer positivement ce
projet de budget.
Première raison : ce budget, d'un montant de 1,861 milliard de francs, est en
hausse de 5,9 % par rapport à l'an passé. Cette progression de 103 millions de
francs porte la part de ce ministère à 0,13 % du budget de la nation.
D'apparence modeste, ce pourcentage traduit cependant un doublement par rapport
aux années quatre-vingt et culmine à un niveau jamais atteint jusqu'à
présent.
Mais, pour avoir une vue plus complète et plus juste de l'effort réel consenti
par la collectivité nationale, il faut ajouter à ce budget les crédits des
établissements publics et ceux qui sont consacrés à l'environnement par les
autres ministères.
Ainsi, sans parler des efforts des communes, des conseils généraux, des
conseils régionaux, des entreprises publiques et privées, si l'on additionne au
budget du ministère 1 milliard de francs de taxes perçues par l'agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, 10 milliards de francs
collectés par les agences de l'eau, 9 milliards de francs consacrés à
l'environnement par les autres ministères et 0,85 milliard de francs par
l'office national de la consommation, l'ONC, et le conseil supérieur de la
pêche, nous arrivons à un montant de près de 22,5 milliards de francs !
Mais cette embellie ne doit pas masquer quelques raisons de
désappointement.
Parmi celles-ci figure en bonne place l'annulation de crédits décidée en
novembre et qui touche votre ministère de façon sensible.
Je ne veux pas non plus passer sous silence le fait que, si nous ôtons les 200
millions de francs destinés à la surveillance de la qualité de l'air, pour les
autres secteurs le budget marque une diminution de 5,5 %.
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Philippe Richert.
Celle-ci est compensée par un reversement de 110 millions de francs des
agences de l'eau permettant ainsi à l'Etat d'honorer ses engagements. Mais ne
nous faisons pas d'illusions : ou bien les agences réduiront leur participation
aux programmes des collectivités, ce qui serait dommage, ou bien elles
reconstitueront leurs budgets en ponctionnant davantage le consommateur d'eau
par des taxes qui seront augmentées d'autant, et ce malgré les promesses. Or,
le prix de l'eau a connu ces dernières années de véritables envolées, et les
tarifs exorbitants sont de plus en plus difficilement acceptés par les
familles.
Fallait-il, dès lors, pour permettre à l'Etat d'honorer ses engagements,
ponctionner les agences ? Je souhaite vivement que cette opération ne soit pas
susceptible de se répéter d'année en année.
Deuxième raison de satisfaction : grâce à ce budget, le ministère de
l'environnement préserve ses capacités d'intervention dans la plupart des
domaines relevant de sa compétence. Il en est ainsi, en particulier, de la
politique de l'eau, de l'air, du plan « grandeur nature » Loire, du
conservatoire du littoral, etc.
Permettez-moi cependant, madame le ministre, d'attirer votre attention sur
quelques points pour lesquels les montants affichés risquent de poser quelques
problèmes.
Je voudrais d'abord parler de la résorption des sites pollués « orphelins »,
c'est-à-dire du retraitement d'anciens dépôts pour lesquels on ne peut pas se
retourner contre le responsable des désordres soit parce qu'on ne le connaît
pas, soit parce qu'il a disparu.
Pour 1997, la taxe sur les déchets industriels spéciaux va rapporter 90
millions de francs. Ces crédits permettront le lancement de plusieurs
opérations de résorption, et je m'en félicite. Mais, à ce rythme, il faudra des
décennies pour arriver à nos fins. Or, ces sites constituent, ne l'oublions
pas, chers collègues, de véritables bombes à retardement qui peuvent polluer
nos nappes et nos rivières à n'importe quel moment. Je crois, madame le
ministre, qu'il faudra suivre ce dossier avec beaucoup d'attention. De toute
façon, les pollutions du sol méritent, de façon générale, une intervention plus
énergique.
Un autre point qui me pose problème est la diminution importante, de 82
millions de francs, des crédits destinés aux emplois « verts ».
En effet, ces emplois correspondent pour la plupart à des acteurs de terrain,
des protecteurs de la nature, convaincus et efficaces, de véritables leviers
agissants des associations. Réduire les crédits qui leur sont destinés dans de
telles proportions, n'est-ce pas donner à l'action du ministère en matière
d'environnement une dimension de plus en plus technique qui ignore le terrain,
la découverte de milieux précieux, l'entretien des écosystèmes sensibles ?
Otez-moi cette crainte, madame le ministre, et voyons comment nous pouvons
faire pour éviter que cette dérive ne décourage ceux qui, sur le terrain, sont
si efficaces et depuis si longtemps !
Toujours sur le chapitre des interrogations concernant l'intervention du
ministère, permettez-moi d'aborder un dernier point : l'avenir de l'ADEME et de
ses délégations régionales.
Je ne conteste pas le fait que les acteurs en matière d'environnement qui
dépendent de l'Etat soient nombreux : ministère, ADEME, DRIRE, DIREN, ONF, ONC,
et j'en passe. Mais je ne voudrais pas qu'une réorganisation soit effectuée en
catimini, sans qu'un débat parlementaire ait lieu. Pourquoi ces propos ? Tout
simplement parce que j'ai constaté, à l'occasion de la discussion de la loi sur
l'air, que l'outil de gestion des taxes sur les déchets et la pollution
atmosphérique n'avait pas le vent en poupe pour gérer les nouveaux crédits
affectés à la surveillance de la qualité de l'air.
A mes interrogations vous aviez répondu, madame le ministre, qu'il n'y avait
pas de volonté du ministère d'aller dans le sens d'une restriction de
l'activité de l'ADEME. Et pourtant, quand j'examine le montant des crédits
prévu pour l'ADEME dans ce projet de budget, je constate une diminution non
négligeable.
Je viens d'apprendre, enfin, qu'en plusieurs régions - là encore, est-ce un
hasard ? -, sur l'initiative du ministère, semble-t-il, est menée une
expérience qui consiste à fusionner la DIREN et la délégation régionale de
l'ADEME, le délégué régional de l'ADEME devenant l'adjoint du DIREN.
Qu'on me comprenne bien : je n'ai rien contre les économies d'échelle, au
contraire, ni contre la recherche du meilleur rapport coût-efficacité de vos
services, mais je n'apprécie que modérément que cela se passe sans qu'il y ait
débat sur l'organisation future optimale.
La troisième raison de mon approbation tient au respect de vos engagements,
madame le ministre, quant à la mise en oeuvre de la loi sur l'air. Vous allez
même au-delà puisque vous précédez par l'action l'adoption définitive de la loi
afin d'éviter que des retards fâcheux n'interviennent.
La surveillance de la qualité de l'air s'en trouvera considérablement
améliorée et les dispositifs de réduction des pollutions permettront
d'enregistrer à moyen et long terme des progrès considérables.
Permettez-moi simplement de rappeler la nécessité non seulement de conforter
les réseaux sur le terrain - cela se fait déjà - mais encore de renforcer, au
niveau national, le laboratoire central de surveillance de la qualité de
l'air.
Pour que les réseaux puissent fournir des données fiables, il est nécessaire
d'avoir un étalon d'air transposable, des appareils certifiés, des technologies
éprouvées : d'où la nécessité de renforcer les moyens du laboratoire national
des essais et de l'institut national de l'environnement industriel et des
risques, l'INERIS.
J'ai bien lu votre réponse à l'Assemblée nationale relative à la réduction des
crédits de l'INERIS, et j'avoue ne pas avoir été totalement convaincu par le
nouveau mode de relations financières qui a été établi avec cet organisme.
Voilà, madame le ministre, les trois raisons, parfois un peu nuancées, qui me
permettent d'approuver le budget que vous nous présentez.
Avant de terminer, je voudrais encore définir deux champs qui me paraissent
aujourd'hui mériter des investigations plus poussées de la part de votre
ministère.
J'évoquerai, tout d'abord, la politique des espaces naturels.
Le débat qui s'est instauré autour de Natura 2000 montre qu'il faut avoir une
vision plus claire des différentes strates d'intervention.
A l'échelon national, nous disposons d'outils particulièrement efficaces : les
réserves naturelles et les parcs nationaux, d'une part, le conservatoire du
littoral, d'autre part. Ils correspondent à la protection de nos milieux et
espaces les plus précieux, de nos « monuments naturels ». Ces politiques
doivent être poursuivies parce qu'elles sont efficaces.
En revanche, pour ce qui concerne les parcs naturels régionaux et les arrêtés
de protection de biotope, force est de reconnaître que, là où les moyens ainsi
que l'implication locale font défaut, malheureusement, l'occasion de donner
tout leur rayonnement à ces outils est facilement perdue. Pourquoi ? Tout
simplement, parce que ces actions sont fondées davantage sur le volontarisme
que sur des mesures de protection institutionnelles.
C'est pourquoi, selon moi, il sera nécessaire de mettre en place un dispositif
léger, en s'appuyant sur un concept qui s'est dégagé ici et qui s'est
concrétisé dans l'institution de la fondation du patrimoine.
J'ose espérer, madame le ministre, que vous ferez en sorte que la fondation du
patrimoine puisse dégager des moyens pour la protection des espaces présentant
un intérêt local ou un intérêt régional. A défaut, je ne vois pas comment nous
continuerons à les protéger.
Je veux également évoquer ici le statut de l'animal.
Il est urgent d'engager une réflexion globale sur ce sujet plutôt que de
répondre au coup par coup, quand les cormorans dérangent les pêcheurs, quand la
« vache folle » fait trembler l'Europe entière, quand les chevaux transportés
dans des conditions inadmissibles meurent dans les camions. Il faut traiter ces
questions avant que les extrémistes de tout poil, des extrémistes souvent
acharnés, ne s'en emparent.
Que ferons-nous lorsque des animaux de boucherie au génome modifié viendront
sur le marché ?
M. Emmanuel Hamel.
Il faudra nommer Brigitte Bardot chargé de mission !
M. Alain Vasselle.
Bonne idée !
(Sourires.)
M. Philippe Richert.
Je pense que tous ces problèmes doivent être traités avant que nous ne soyons,
un jour ou l'autre, confrontés à une situation urgente, face à laquelle nous
devrons réagir à chaud, sans avoir le recul nécessaire.
En conclusion, madame le ministre, je me joindrai à certains des orateurs qui
m'ont précédé pour souhaiter que nos différentes politiques ne soient pas
simplement juxtaposées ou empilées et pour que l'efficacité maximale soit
recherchée, afin d'éviter que, demain, le contribuable, qui est souvent aussi
un citoyen sensible à la protection de l'environnement, ne s'estime par trop «
ponctionné » et ne se détourne de cette préoccupation essentielle.
Bien sûr, madame le ministre, le groupe de l'Union centriste approuvera le
projet de budget que vous nous présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget qui
nous est présenté atteste la priorité accordée par le Gouvernement à l'action
en faveur de l'environnement.
Dans un contexte budgétaire empreint d'une très grande rigueur, cette
évolution positive est d'autant plus appréciable, madame le ministre, que l'on
constate une stabilisation de vos effectifs.
Cette progression est due essentiellement à la mise en oeuvre de la loi sur
l'air et elle montre bien que l'action principale du Gouvernement dans ce
domaine est la lutte contre la pollution atmosphérique.
Ce budget ayant été parfaitement présenté par nos trois éminents rapporteurs,
je limiterai mon intervention à deux points : les difficultés rencontrées par
les collectivités dans la gestion des déchets ménagers, d'une part, la
conservation de la faune et de la flore sauvages, d'autre part.
Affectant la plupart des activités économiques et sociales, l'environnement
doit nécessairement être pris en charge par l'ensemble des autorités publiques.
Devant une demande sociale forte, les collectivités locales, particulièrement
concernées, ont, depuis plusieurs années, lancé des initiatives et développé
des politiques incitatives dans le domaine de la protection de l'environnement,
faisant preuve de volontarisme en la matière.
Toutefois, il convient de souligner que les transferts de compétences qui ont
suivi, en France, le mouvement de décentralisation ont ignoré l'environnement,
alors même que l'article 1er de la loi du 7 janvier 1983 relative à la
répartition des compétences dispose : « Les communes, les départements et les
régions concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à
l'amélioration du cadre de vie ».
Bien que la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement ait eu pour principal objet de clarifier cette répartition des
compétences en matière d'environnement, il existe, à mon sens, un réel manque
de cohérence, à cet égard, entre le droit et la pratique.
C'est en vertu de la nature même des politiques d'environnement que les
collectivités de base se sont vu confier la gestion des services publics de
proximité, tels que l'alimentation en eau potable, l'assainissement ou la
collecte des déchets ménagers.
La prise en charge de ce nouveau secteur d'intervention s'explique par une
demande sociale forte, émanant d'une population de plus en plus sensible à la
qualité du cadre de vie et, par ailleurs, aux dégâts provoqués par un urbanisme
mal maîtrisé.
Ce phénomène se répercute sur les budgets locaux. En effet, même si les
montants consacrés à la protection de l'environnement restent assez faibles,
les charges supportées à ce titre par les collectivités locales représentent
désormais une part importante des dépenses environnementales publiques et
pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages.
Le coût de ces services - M. Bernard Hugo a parlé de 61 milliards de francs et
M. Bonnet a indiqué qu'on pourrait aller jusqu'à 100 milliards de francs -
deviendra, à mon sens, de plus en plus insupportable pour de nombreuses
familles, notamment les plus modestes.
A ce jour, les quelques simulations effectuées - j'en ai réalisé une
concernant mon département - démontrent que les services des ordures ménagères
peuvent représenter une contribution annuelle égale, voire supérieure, à la
taxe d'habitation, notamment en milieu rural.
M. Christian Bonnet.
Eh oui !
M. Alain Vasselle.
Quand on y ajoute la charge que représentera également le service de l'eau, on
constate que nous allons aboutir à un niveau de contribution pour les services
qui contrariera très fortement l'effort que le Gouvernement vient de décider en
matière de baisse des prélèvements obligatoires.
M. Christian Bonnet.
Et voilà !
M. Alain Vasselle.
Le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui traduit l'évolution des
moyens consacrés au traitement des déchets ménagers résultant de la loi du 2
février 1995, par le biais d'une revalorisation, année par année, du montant de
la taxe sur les déchets ménagers mis en décharge.
Ainsi, à partir du 1er janvier 1997, la taxe sera de 35 francs par tonne de
déchets et son produit devrait atteindre, au cours de l'année, 770 millions de
francs. Cette somme devrait contribuer au financement des équipements
d'incinération, de compostage, de collecte sélective et de recyclage des
déchets ménagers, l'objectif étant la disparition de toute mise en décharge
brute des déchets ménagers en 2002. Est-ce vraiment réaliste ?
D'ailleurs, madame le ministre, dans ce projet de budget, il y a en fait un
glissement de la contribution du budget de l'Etat aux concours de l'ADEME,
glissement qui est compensé par la taxe que vont, en définitive, payer nos
collectivités locales, et donc les usagers, à travers le tonnage qui est mis en
décharge. On ne peut que le regretter.
J'aurais souhaité, pour ce qui me concerne, que l'Etat maintienne, au moins
pendant les quelques années qui vont s'écouler jusqu'à ce que l'ensemble du
territoire national soit couvert par les schémas départementaux, son effort au
même niveau, concurremment à l'effort consenti par nos concitoyens et les
collectivités locales à travers la taxe ADEME. Ainsi aurait-on pu espérer voir
les concours financiers de l'Etat atténuer l'effort que les communes vont être
appelées à consentir en matière d'investissement.
Certes, l'Europe n'est pas étrangère aux normes qui s'imposent à nous. Si les
eurocrates avaient un peu plus la connaissance du terrain, nous n'en serions
certainement pas là ! Madame le ministre, je vous en prie, appelez-les à un peu
plus de réalisme !
Les efforts du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires risquent,
comme je l'ai souligné tout à l'heure, d'être anéantis par l'effet cumulatif du
coût des services liés aux déchets, à l'eau et, plus récemment, à l'air.
La suppression des mises en décharge sauvage et la réhabilitation des sites
pollués orphelins sont des objectifs certes nécessaires, mais beaucoup trop
ambitieux, surtout à l'horizon de l'année 2002.
Chacun convient d'ailleurs aujourd'hui, sur tous les bancs des assemblées
parlementaires, mais aussi le Gouvernement et M. le Premier ministre lui-même,
que j'avais interrogé à l'occasion d'une réunion qui s'était tenue ici, que les
échéances auxquelles nous sommes confrontés posent aujourd'hui problème. Il a
pratiquement renvoyé la balle dans votre camp. Aussi, j'attends de vous, madame
le ministre, des éléments de réponse de nature à apaiser nos inquiétudes.
Réussirons-nous à vous convaincre, vous qui avez la responsabilité de ce
domaine d'intervention ? Je l'espère.
Ainsi, l'instauration des plans départementaux de gestion des déchets ménagers
et assimilés pose le problème de leur mise en oeuvre et de leur financement. En
effet, au 31 décembre 1996, tous les départements auront dû approuver leur
schéma départemental. Qu'en est-il aujourd'hui ? Alors que nous sommes
pratiquement au début du mois de décembre, près de 40 % des départements ne
l'ont pas fait.
Comment peut-on raisonnablement penser aujourd'hui que l'échéance de 2002
pourra être respectée ? Il conviendrait donc de se poser la question du report
de cette échéance. Des négociations doivent être engagées, y compris, s'il le
fallait, à l'échelon européen, pour y parvenir.
De plus, la plupart de ces plans prévoient la réalisation d'équipements
lourds, tels que la construction d'usines d'incinération, dont le coût se
situe, le plus souvent, entre 300 millions et 400 millions de francs.
Les collectivités territoriales, qui sont les principales contributrices de la
taxe, devront investir à due proportion pour s'équiper en installations
modernes, sans compter les surcoûts engendrés par les récentes mises aux normes
qui ont été décidées dans la loi sur l'air en ce qui concerne le traitement des
fumées des usines d'incinération.
Ce n'est certainement pas avec le produit de la taxe spéciale de mise en
décharge que percevra l'ADEME, dont le produit est aujourd'hui estimé à quelque
3 milliards de francs, que nous permettrons aux collectivités locales de
maîtriser le coût de cet investissement !
C'est pourquoi je ne vois, pour ma part, d'autre solution, madame le ministre,
que celle qui consiste à mobiliser l'ensemble des partenaires locaux et l'Etat.
Ainsi, devront participer au financement de ces nouvelles installations non
seulement les communes, dès lors qu'il relève de leurs propres compétences,
mais aussi les régions et les départements, dans la mesure où leurs moyens le
leur permettent, de par leur rôle de soutien aux collectivités locales.
J'ai eu l'occasion de visiter l'usine d'incinération implantée à
Saint-Ouen-l'Aumône, dont M. Richard est le maire. J'ai ainsi pu constater que
des politiques différentes étaient menées d'un département à l'autre.
M. Christian Bonnet.
Absolument !
M. Alain Vasselle.
La région d'Ile-de-France a accepté de consacrer 90 millions de francs au
financement de cette usine et le département du Val-d'Oise une somme
équivalente, ce qui réduit d'autant le niveau de contribution des collectivités
territoriales.
Mais toutes les régions françaises n'ont pas le même potentiel fiscal que la
région d'Ile-de-France. De même, tous les départements français ne peuvent être
comparés à celui du Val-d'Oise ou à celui des Hauts-de-Seine, qui peuvent
apporter une contribution financière à ces installations. Des petits
départements, comme la Creuse ou la Lozère, seront bien incapables de
participer au financement de tels équipements. Tous les partenaires devront
donc être mobilisés.
J'en viens aux propositions que je souhaite soumettre à votre réflexion.
Un premier pas a déjà été accompli en ce qui concerne la réduction du taux de
la TVA pour les services d'assainissement et de traitement des déchets et
j'espère que cette mesure pourra rapidement entrer en vigueur.
En effet, s'exprimant sur un amendement déposé par nos collègues MM. Marini,
Eckenspieller et Delevoye et tendant à obtenir une diminution du taux de la TVA
sur ces services, M. Lamassoure nous a répondu qu'il créerait un groupe de
travail chargé de réfléchir sur les conditions dans lesquelles cette
disposition pourrait être envisagée. Mais ce ne sera certainement pas
suffisant.
J'avais déjà demandé à votre prédécesseur, M. Barnier, que les collectivités
locales puissent bénéficier de prêts à taux réduits sur une durée de trente à
quarante ans pour financer ce type d'investissement. M. Barnier avait
simplement pu me répondre qu'il avait réussi à débloquer auprès des caisses
prêteuses, telles que le Crédit local de France ou la Caisse des dépôts et
consignations, une enveloppe de 2 milliards de francs pour ces prêts. Or, cette
somme n'est pas suffisante. Compte tenu du coût des investissements, il
faudrait débloquer plusieurs milliards de francs, avec le concours de la Caisse
des dépôts et consignations, du Crédit local de France, mais aussi d'autres
banques, pour permettre aux collectivités de les financer.
Il faudra également augmenter le concours de l'ADEME et mobiliser davantage
les concours de l'Etat, même s'ils sont modestes, par le biais de la DDR et de
la DGE.
M. Christian Bonnet.
Il existe aussi des techniques moins coûteuses !
M. Alain Vasselle.
Comme vient de le dire M. Bonnet, il faudrait essayer de trouver des solutions
techniques qui soient moins coûteuses que celles de l'usine d'incinération.
M. Bernard Hugo suggérait la construction de décharges contrôlées aux
nouvelles normes. Mais il faudrait savoir si l'exploitation de telles décharges
ne reviendrait pas aussi cher qu'une usine d'incinération. Nous avons procédé à
une analyse, dans mon département, et nous nous sommes rendu compte que les
coûts étaient tout aussi insupportables.
En outre, encore faut-il trouver dans nos départements les sites susceptibles
d'accueillir ces déchets ménagers !
M. Christian Bonnet.
Voilà la difficulté !
M. Alain Vasselle.
Ces sites commencent à devenir très rares et, malheureusement, la seule
solution risque de résider dans l'usine d'incinération.
Le second point que je souhaite évoquer concerne la régulation de la faune.
La préservation d'un environnement de qualité, adapté à l'homme, passe avant
toute chose, me semble-t-il, par la protection de la nature pour elle-même,
pour sa propre conservation et pour son propre équilibre biologique et
écologique.
Ainsi, dans le cadre d'une action générale de protection de l'environnement,
il est nécessaire de se préoccuper de la gestion et de la régulation des
espèces.
En la matière, peu de compétences sont aujourd'hui dévolues aux collectivités
locales en termes de protection de la faune et de la flore. Les régions sont
chargées de la gestion des parcs naturels régionaux, et les départements ont la
faculté d'acquérir des espaces naturels sensibles grâce à la taxe sur les
espaces sensibles. L'essentiel des politiques est donc conduit par l'Etat.
Il serait, par conséquent, souhaitable d'encourager les actions visant à
maintenir l'équilibre écologique et biologique de notre environnement.
Dans cette optique, ne pourrions-nous pas envisager de déconcentrer au moins
une partie du pouvoir réglementaire en matière de régulation des espèces à
l'échelon départemental, en assouplissant les dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, qui sont souvent trop contraignantes ? Ainsi
serait-il souhaitable que les préfets et les maires puissent décider de mener
en commun des actions locales en vue de la régulation des prédateurs, tels que
buses, busards, renards ou hérons.
Certes, un premier pas a été franchi grâce à vous, madame le ministre - il
faut le reconnaître et vous en remercier - pour les cormorans. Vous avez en
effet engagé une politique tendant à maîtriser pour partie la prolifération de
ces prédateurs. Mais il est d'autres espèces, tels que les busards, les hérons
et les renards. Ces derniers, à la suite des campagnes de vaccination contre la
rage, ont proliféré sur l'ensemble du territoire national, à tel point que l'on
voit un nombre de plus en plus élevé de ces animaux tués sur les routes. Voilà
qui montre bien que le nombre de ces animaux a beaucoup progressé, ce qui
contribue au déséquilibre de la petite faune sauvage, qui est menacée dans un
certain nombre de départements !
Le Gouvernement a décidé de porter les quotas de prélèvement, en ce qui
concerne les cormorans, de 5 % à 10 %, un dépassement de cette limite pouvant
être autorisé par le préfet dans les cas particuliers de départements à très
forte concentration d'étangs. Il faudrait maintenant engager une politique
similaire pour les autres espèces.
Il m'apparaît également souhaitable d'inciter à l'aménagement et à la gestion
des espaces en vue de préserver la petite faune et de contribuer à son
développement. Il est en effet devenu nécessaire de contribuer au maintien et à
la reconstitution de biotopes favorables à la conservation des espèces ainsi
qu'à la valorisation durable de l'activité cynégétique, en harmonie avec les
autres activités socio-économiques.
Il serait donc judicieux de favoriser le développement des jachères
faunistiques - c'est déjà fait pour partie, mais on peut aller plus loin -
lieux de refuge, de nidification, de reproduction et d'alimentation,
particulièrement recherchés par la petite faune, en autorisant le semis de
variétés de plantes non autorisées jusqu'à ce jour dans les jachères, tels que
le millet, le maïs et le sarrasin.
En outre, il serait souhaitable d'inciter les propriétaires et les
gestionnaires de territoires de chasse à aménager ceux-ci par la plantation de
haies, la création de talus et un aménagement parcellaire des cultures, afin de
contribuer à l'accueil de la petite faune sauvage et à son développement grâce
à un territoire mieux structuré.
Enfin, il conviendrait d'engager une réflexion qui pourrait conduire à une
meilleure définition de l'éthique de la chasse. Je n'ai pas connaissance de
dispositions réglementaires ou législatives qui précisent les conditions dans
lesquelles ce sport peut être pratiqué. Toutefois, nos concitoyens souhaitent
une définition de cette éthique de la chasse. Il convient en effet de
déterminer les conditions dans lesquelles doit être réintroduit le gibier
d'élevage dans le milieu naturel.
En disant cela, je sais que je tiens peut-être des propos un peu
provocateurs...
M. Philippe Richert.
Mais non !
M. Alain Vasselle.
... et que je vais me mettre à dos un certain nombre d'éleveurs de gibiers,
mais nous devons prendre conscience de ce problème, car, si nous ne le faisons
pas immédiatement, des mesures seront nécessairement prises, un jour ou
l'autre, et elles seront si coercitives que l'ensemble de ce sport que
constitue la chasse sera menacé dans son existence même.
Pour conclure, je m'associe aux propos tenus par l'ensemble de mes collègues
concernant le réseau Natura 2000. Les propriétaires forestiers, les exploitants
agricoles et les chasseurs ont été très préoccupés par les dispositions
contenues dans les directives européennes et les circulaires ministérielles. Il
faut remercier M. le Premier ministre et vous-même, madame le ministre, d'avoir
bloqué ce dossier et de mettre à profit le temps qui nous reste pour recueillir
un maximum d'informations, afin que nous sachions comment fonctionneront ces
sites et quelles seront les contraintes, s'il en est, qui s'imposeront à ceux
qui jouent un rôle dans l'ensemble de ces zones.
Peut-être allez-vous penser, compte tenu des critiques que j'ai émises, que je
serai réservé sur le vote de votre budget ; il n'en est rien. L'ensemble des
membres du groupe du RPR et moi-même vous apportons notre soutien. Nous vous
faisons confiance par avance pour faire progresser les propositions que nous
avons formulées, afin que, notamment en matière de déchets, vous apportiez
quelques apaisements aux inquiétudes de l'ensemble de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce
projet de budget de l'environnement ne peut que nous laisser particulièrement
dubitatifs. En effet, derrière certains artifices de présentation donnant à
penser que ce budget est en progression, on assiste, en fait, à toute une série
de reculs dans des domaines extrêmement importants.
Le rapporteur de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée
nationale, membre de la majorité, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en
analysant, trop gentiment, votre projet de budget : « La multiplication des
textes législatifs et réglementaires qui caractérise la protection de
l'environnement depuis le début de la décennie contraste avec la modestie des
moyens dont dispose le ministère chargé de les mettre en oeuvre. »
En effet, en données chiffrées, les crédits de paiement du budget du ministère
de l'environnement progressent de 5,8 % par rapport à la loi de finances de
1996, mais les autorisations de programme n'augmentent, quant à elles, que de
1,3 % par rapport à 1996 et correspondent donc à une baisse en francs
constants.
A l'exception des crédits en faveur de la politique de prévention des
pollutions et des risques, l'ensemble des dotations chutent considérablement,
qu'il s'agisse de la connaissance de l'environnement et de la coopération
internationale, de la recherche ou encore de la protection de l'eau et des
milieux aquatiques.
Globalement, on peut dire que l'augmentation des crédits de paiement masque
mal une diminution de l'ensemble des actions du ministère de l'environnement.
Alors que les besoins n'ont, en fait, jamais été aussi grands, le désengagement
budgétaire de l'Etat en faveur de l'environnement est bel et bien confirmé.
Ce projet de loi de finances pourrait bien sonner le glas de toute action
volontaire de l'Etat en faveur d'un développement équilibré des territoires. On
constate, en effet, une baisse de 15 % des crédits du bleu « aménagement du
territoire », une inconsistance du fonds de gestion de l'espace rural et une
diminution, pour la deuxième année consécutive, des crédits en faveur de la
protection de la nature.
Force est de constater que, dans le même temps, les dépenses des collectivités
locales au titre de la protection de l'environnement et de la gestion des
ressources naturelles ne cessent de croître, pour représenter aujourd'hui 90 %
de la dépense publique.
Permettez, madame le ministre, au maire de Vaison-la-Romaine de s'inquiéter
tout particulièrement de ce qui apparaît bel et bien, dans votre budget, comme
une remise en cause du plan national de prévention des risques naturels majeurs
du 24 janvier 1994.
Je vous rappelle que, à la suite des événements de Vaison-la-Romaine, en
septembre 1992, et de la Séchilienne, le gouvernement Balladur avait annoncé la
mise en place d'un plan décennal. Parmi les mesures arrêtées, citons
l'élaboration de plans de prévention des risques naturels prévisibles
concernant deux mille communes, pour lesquels l'Etat ne mobilise que 200
millions de francs sur dix ans.
En 1997, la dotation est simplement reconduite et le programme ne pourra donc
vraisemblablement pas être respecté, compte tenu notamment des baisses de
crédits en faveur de la politique de l'eau.
En outre, ce projet de budget ne prend pas en considération les exigences
législatives en matière de traitement des déchets et de politique de l'eau ; il
ne permettra pas la mise en oeuvre des objectifs ambitieux retenus dans les
lois des 31 janvier et 13 juillet 1992. Les moyens de financement demeurent
particulièrement insuffisants. Ils ne permettront pas d'assister les
collectivités locales dans la mise en oeuvre de ces dispositions législatives.
Je me permets donc de vous interroger : qui va payer ?
Les collectivités locales devront-elles, pour pallier une nouvelle carence de
l'Etat en ce domaine - une nouvelle fois, il prescrit, mais il ne finance pas -
proposer à nos concitoyens une augmentation importante des impôts locaux ?
Elles ne le pourront pas !
Il en est de même de votre volonté de faire financer une partie de la
politique d'entretien des cours d'eau et de la restauration des zones
d'expansion des crues par un prélèvement de 110 millions de francs sur les
ressources des agences de l'eau.
Je m'interroge sur les conséquences d'une telle ponction. Les agences de
l'eau, partenaires des collectivités locales pour l'exécution des travaux
d'intérêt commun au bassin, auront comme alternative soit une diminution des
aides accordées aux collectivités, soit une augmentation correspondante des
prélèvements effectués auprès des particuliers consommateurs.
De même, madame le ministre, en matière de prévention des inondations, vous
connaissez toutes les conséquences qui s'attachent à l'interprétation
restrictive de l'article 2-3 du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 pris en
application de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1988, qui
prévoit l'exclusion de l'assiette du FCTVA des dépenses réalisées pour le
compte de tiers non bénéficiaires. Cela conduit à exclure du bénéfice du fonds
les dépenses liées à l'entretien des rivières et des ouvrages de protection
contre les inondations et effectuées par des intervenants publics sur des
portions privatives de cours d'eau.
Tous les syndicats de rivières connaissent, de ce fait, de grandes difficultés
financières, car les dossiers ont été montés par les services de l'Etat en
tenant compte de la récupération de la TVA.
Dès le mois de juin, à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue à ce
sujet, vous avez annoncé que vous vous engagiez, d'une part, à trouver dans
votre budget une partie des sommes nécessaires pour compenser le
non-remboursement de la TVA et, d'autre part, à intervenir auprès de votre
collègue du budget afin qu'un effort financier complémentaire puisse être
consenti. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Rien ne paraît avoir été fait. Pourtant, ce dossier est frappé du sceau de
l'urgence. N'avons-nous pas, dans le passé, suffisamment payé les conséquences
d'une politique financière bien trop faible en ce domaine ? Faut-il d'autres
victimes pour trouver les moyens financiers ?
Aujourd'hui, aucun intervenant public,
a fortiori
aucun particulier,
n'a plus les moyens financiers suffisants pour aménager et entretenir les cours
d'eau. Si l'Etat n'aide pas, de façon significative, les collectivités à
réaliser ces grands travaux, rien ne pourra être fait. Face à cette situation,
quelle solution proposez-vous ?
Enfin, autre sujet, à de multiples reprises j'ai tenu, en collaboration avec
Jean Besson, mon collègue de la Drôme, à vous alerter sur les nuisances sonores
qu'engendre le survol de nos départements par des avions-écoles de la base de
Salon-de-Provence.
Bien que ce dossier soit de la responsabilité directe du ministère de la
défense, vous avez, semble-t-il, programmé la mise en oeuvre d'une étude
technique permettant de résoudre ou d'atténuer ces agressions phoniques qui
nuisent à notre qualité de vie et à l'activité économique essentielle pour
notre région qu'est le tourisme.
En conséquence, madame le ministre, quels moyens ont été affectés à cette
étude et quand disposerons-nous des premières conclusions ?
Dans l'attente de réponses plus précises, je ne crains pas d'affirmer, madame
le ministre, que, au lieu d'être une priorité, dans la loi de finances, votre
budget s'apparente, hélas ! à un budget de renoncement, ce qui est
particulièrement préoccupant pour nos collectivités territoriales.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la brièveté du
temps qui nous est imparti dans la discussion d'un sujet aussi important que
l'environnement nous oblige à tracer à grands traits l'analyse d'un budget que
nous estimons bien insuffisant.
Le Gouvernement annonce une augmentation de 5,9 % du budget de
l'environnement. Loin de vouloir nous livrer à une querelle de pourcentages,
nous savons, les uns et les autres, combien l'« épaisseur » du budget de votre
ministère, madame le ministre, ne permettra pas de satisfaire la réelle volonté
de nos concitoyens de vivre dans un environnement de qualité.
Le budget de l'environnement atteint 1 861 millions de francs, mais votre
ministère voit son champ de compétence grandement élargi par de nouvelles
attributions en matière de protection des sites : 110 millions de francs
proviennent d'un transfert des ministères de l'industrie et de l'équipement
pour abonder les 200 millions de francs annoncés lors de la présentation du
projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Nous savons néanmoins que, quelle que soit votre bonne volonté, ces vrais-faux
apports nouveaux ne permettront pas de relever les défis écologiques auxquels
notre pays doit faire face.
Qualité de l'air, bruit, gestion des déchets, gestion de l'eau, prévention des
risques, qualité du cadre de vie, protection des sites et des paysages, effet
de serre, participation à la protection de l'environnement à l'échelon
international : la liste des défis qui se font jour n'est pas exhaustive et les
enjeux environnementaux sont réellement des enjeux de demain.
L'institut français de l'environnement vient de publier un ouvrage dressant
l'état des lieux de l'environnement par thème et par région : « L'Alsace compte
dix-neuf établissements relevant de la directive du 24 juin 1982 concernant les
risques majeurs, l'Aquitaine a connu une importante dégradation de ses eaux
superficielles, l'Auvergne envoie encore 90 % de ses déchets ménagers en
décharge alors que cette pratique doit disparaître à l'horizon 2000, la
Bretagne détient la plus grande densité d'élevages de type industriel et, du
même coup, le plus fort taux de nitrate dans l'eau... ».
En milieu urbain, les enjeux ne sont pas moindres. En Ile-de-France, 10 % de
la population de la petite couronne est exposée à un bruit supérieur à
soixante-dix décibels. De multiples nuisances sont liées au développement des
transports partout dans nos grandes villes. Pollution atmosphérique et
développement des maladies respiratoires, bruit, dégradation de notre
environnement quotidien et de nos paysages par des infrastructures routières et
autoroutières, qui, souvent, se révèlent très vite inadaptées, sont le lourd
tribut à payer à la multiplication des transports.
L'écologie se trouve bien au carrefour de l'ensemble des sujets qui
préoccupent nos concitoyens et son attraction est grande tant elle concerne la
vie quotidienne de chacun d'entre nous. Mais, on l'a dit - je n'y reviendrai
donc pas - les collectivités locales n'ont plus les moyens de régler les
problèmes qui se posent.
J'en reviens au projet de budget que nous examinons.
En matière de gestion de l'eau, les crédits connaissent une forte diminution.
Le fonds de concours créé par le Gouvernement à hauteur de 110 millions de
francs par an de 1997 à 2001, outre qu'il porte atteinte à l'autonomie des
agences de bassin, revient à faire porter sur l'ensemble des ménages les
retards pris par notre pays dans ce secteur, quand la Générale des eaux et la
Lyonnaise des eaux n'ont de cesse d'accroître leur empire. Pouvons-nous nous
satisfaire d'une baisse des crédits de l'institut national de l'environnement
industriel et des risques de 18 millions de francs ?
La politique du paysage est en régression de 13 millions de francs et celle
des parcs régionaux de 7 millions de francs.
Le sommet de Rio mettait l'accent sur la nécessité de conduire une politique
environnementale conçue dans un cadre dépassant très largement celui de nos
frontières et dans la perspective d'un développement pour les pays les plus
pauvres. Chacun sait aujourd'hui qu'il ne peut y avoir de politique
environnementale digne de ce nom sans développement.
Or, qu'en est-il des engagements pris par la France lors du sommet de Rio, et
plus largement de la coopération internationale ?
Les crédits de l'institut français de recherche scientifique pour le
développement en coopération, l'ORSTOM, sont en stagnation. Les crédits de
coopération technique, dont le montant est déjà très faible, diminuent.
L'ensemble de ces éléments brossés à grands traits illustrent le décalage qui
existe entre le discours environnemental qui est le vôtre, madame le ministre,
et les moyens qu'y consacre le Gouvernement.
L'écologie au service de tous recèle pourtant un fort potentiel de richesses à
exploiter et de réelles possibilités de création d'emplois existent dans un
secteur où notre pays est bien placé. Force est néanmoins de constater que ni
votre ministère ni le secteur privé n'investissent dans un domaine où
l'essentiel reste à faire pour assurer notre avenir.
La création d'emplois au service de l'environnement, l'investissement pour
l'avenir imposent d'adopter une logique qui soit orientée davantage vers la
satisfaction des besoins des hommes que vers celle d'intérêts financiers à
court terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre le projet
de budget qui nous est présenté.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen du
projet de budget du ministère de l'environnement pour 1997, dont les crédits
dépassent pour la première fois 1,8 milliard de francs, fait apparaître -
soyons précis ! - une croissance de 5,88 % par rapport à 1996, ce qui est
satisfaisant en première approche.
De fait, cette évolution positive reflète la volonté du Gouvernement de
financer l'application de la future loi sur l'air et l'utilisation rationnelle
de l'énergie, qui a été récemment examinée par notre assemblée et dont le
principal objet, à terme, est d'étendre le dispositif de surveillance de la
qualité de l'air à tout le territoire.
On ne peut que se réjouir de la priorité donnée à cet élément essentiel de la
vie qui, contrairement à l'eau, a été sans doute trop souvent négligé
jusqu'ici.
Cette impulsion nouvelle ne doit pas nous faire oublier que les dotations
consacrées aux autres actions du ministère de l'environnement sont reconduites
dans des secteurs où, pourtant, les besoins sont croissants. Je citerai, à cet
égard, plusieurs exemples.
Le premier concerne le conservatoire de l'espace littoral et des rivages
lacustres. Dans la Somme, qui dispose de soixante-dix kilomètres de façade
maritime, l'action de cet établissement public est unanimement appréciée. Le
conseil général, qui a créé dès 1981, sur l'ensemble du secteur littoral, une
zone de préemption, a délégué ce droit au conservatoire de l'espace littoral,
ce qui a permis à celui-ci d'acquérir plus de mille hectares de milieux
naturels, de marais et de massifs dunaires de grande valeur, dont la gestion a
été confiée au syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde.
Or, les crédits réservés au conservatoire de l'espace littoral marquent une
évolution contrastée, avec une revalorisation modérée de ses crédits de
fonctionnement, mais une baisse significative de ses moyens d'intervention,
tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme.
On peut s'interroger sur la possibilité pour le conservatoire de l'espace
littoral de disposer des moyens humains et financiers nécessaires à
l'acquisition des sites de valeur indéniable mis en vente sur les territoires
de ses compétences.
J'observe, par ailleurs, que les dotations prévues pour les réserves
naturelles, pourtant créées sur l'initiative de l'Etat, ne progressent pas. Or,
le nombre des réserves s'accroît chaque année, leur superficie augmente
nettement et de nombreux projets sont à l'instruction. Je pense, bien entendu,
madame le ministre, à la réserve naturelle de la baie de Somme.
Je souhaite également évoquer un autre point particulièrement sensible, celui
de l'emploi. L'environnement est manifestement très porteur en ce domaine,
notamment dans les secteurs de l'eau et des déchets. Les nombreux besoins en
matière d'exploitation et d'assistance technique soutiennent à la fois
l'investissement et l'emploi.
Dans le secteur « non marchand », la gestion des rivières et des milieux
naturels sensibles, la remise en état et l'amélioration de la signalétique des
chemins de promenade et de randonnée, ou encore la rénovation de notre petit
patrimoine rural offrent d'importants gisements d'emplois.
Ainsi, dans la Somme, nous avons créé plus de cent soixante emplois, confiés
initialement à des titulaires de contrats emploi-solidarité, en mobilisant,
entre autres, le dispositif « emplois verts ». Nous avons formé les titulaires
de ces CES à la gestion écologique des milieux naturels, pour ensuite
consolider, puis pérenniser leurs postes avec l'aide des collectivités locales
et des associations.
L'Etat semble vouloir modifier ce dispositif, qui a pourtant un fort effet de
levier. La situation de l'emploi dans notre pays justiferait pourtant que le
dispositif des emplois verts soit repris et amélioré.
Sur un plan plus général, l'examen de ce projet de budget est l'occasion de
rappeler le rôle des collectivités locales dans la protection de
l'environnement et la gestion des ressources naturelles.
Je citerai, à nouveau, l'exemple de la Somme : ce département consacre chaque
année 70 millions de francs à l'environnement, soit plus de 10 % de ses
dépenses d'investissement, alors même que ses compétences légales en la matière
sont, on le sait, très limitées. Nous privilégions le partenariat avec l'Etat,
avec lequel nous avons mis en place, dès 1994, un plan départemental qui a pour
objet de mettre en cohérence les interventions de l'Etat et du département en
faveur de l'environnement.
Cependant, l'augmentation des dépenses consacrées par les collectivités
locales à la protection et à la mise en valeur de l'environnement découle aussi
souvent de l'application des nombreuses lois adoptées depuis 1992. Ainsi, l'eau
et les déchets sont devenus une préoccupation constante des élus, légitimement
inquiets devant la hausse du prix de l'eau et de la redevance concernant les
déchets, qui représentent désormais, pour nos concitoyens, des sommes parfois
équivalentes à la taxe d'habitation ! On comprendra que les élus aient le souci
d'avancer en tenant compte avant tout de leurs réelles capacités financières,
ce qui nécessitera, à l'évidence un lissage du calendrier établi pour
l'application de ces lois.
On comprendra aussi leur inquiétude devant la multiplication des textes, dont
certains se superposent, sans que leurs dispositions soient toujours
harmonisées et leur caractère normatif toujours avéré.
Ainsi en est-il de Nartura 2000 ! Ce type de dossier, dans un domaine où il
existe déjà de nombreux dispositifs de classement et de protection, est
exemplaire, dans la mesure où il montre bien qu'imposer unilatéralement des
contraintes n'est plus de mise aujourd'hui. Il est nécessaire de prendre le
temps d'expliquer en amont aux élus et aux gestionnaires du patrimoine
l'ensemble des conséquences, notamment économiques et fiscales, qui découleront
des nouveaux dispositifs envisagés, d'en montrer les enjeux, d'expliciter ce
qu'ils apportent en termes d'avantages, mais aussi de contraintes. En ce sens,
le gel par M. le Premier ministre de Natura 2000 doit être salué comme une
décision sage.
Il est patent qu'en matière de protection de l'environnement les contraintes
sont souvent nécessaires. Pour autant, elles doivent être comprises et
acceptées. C'est ainsi que, dans la Somme, nous sommes confrontés au problème
de la définition de zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole. La
profession agricole rejette tout classement dont le caractère serait
arbitraire, souhaitant, au contraire, soutenue en cela par l'assemblée
départementale, mettre en place une charte « agriculture et environnement ».
Cette charte prévoit une contractualisation d'objectifs et d'engagements
clairements identifiés.
C'est là, me semble-t-il, un moyen pertinent d'atteindre, autrement et plus
sûrement que par la contrainte imposée d'en haut, les objectifs, au demeurant
légitimes, fixés par la Communauté européenne à travers la directive concernant
le nitrate.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire à l'occasion de
l'examen du projet de budget du ministère de l'environnement, qui témoigne de
l'importance accordée par le Gouvernement à la défense et à la promotion de
l'environnement.
Si je souhaite certaines améliorations - j'en ai évoqué plusieurs - je me dois
aussi, pour clore mon propos, de rendre hommage à l'action que vous menez
personnellement, madame le ministre, non seulement au sein du ministère, mais
aussi sur le terrain, dans nos départements. C'est cette action qui conduit la
majorité du groupe du RDSE à vous accorder sa confiance pour la mise en oeuvre
de la politique de l'environnement et à voter les crédits de votre département
ministériel pour 1997.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette année,
le ministère de l'environnement célèbre son vingt-cinquième anniversaire et, en
1997, ce sont trente-deux parcs naturels régionaux qui fêteront les trente ans
de leur mise en réseau ; nous pourrions, comme cela, énumérer un certain nombre
de dates importantes qui fixent aujourd'hui, dans notre pays, la prise en
compte de l'environnement et le développement de la sensibilisation aux
problèmes qu'il soulève.
Au-delà de l'aspect festif de ces événements, à l'heure du bilan, avec le
recul et la connaissance, on se sent capable et volontaire pour regarder très
loin devant et, si vous m'y autorisez, madame le ministre, durablement devant
nous.
C'est un peu le sentiment que j'ai lorsque j'étudie vos objectifs, tant
ceux-ci sont nombreux. Toutefois, je me pose deux questions : aurez-vous les
moyens financiers de les atteindre et, surtout, compte tenu des interrogations
qui ont été formulées précédemment à cette tribune, dans quels délais pour les
collectivités territoriales et les collectivités locales, qui ont reçu des
responsabilités et des compétences en matière de traitement des problèmes
d'environnement ?
L'environnement doit faire l'objet d'une véritable politique - vous vous y
employez - mais il constitue également, à bien des égards, une éthique et, pour
certains, une véritable philosophie à appliquer dans le respect des hommes
d'aujourd'hui et, surtout, des générations futures.
Agissons en effet, mais sans hypothéquer l'avenir, et agissons dans la
concertation - celle-ci est indispensable et elle doit être renforcée - avec
tous les ministères, bien sûr, mais aussi, en priorité, avec les élus locaux,
les associations et les scientifiques, qui sauront, par leur expérience de
terrain, guider nos choix.
Le projet de budget pour 1997 augmente de 5,9 %. Il ne m'appartient pas ici
d'entrer dans le détail des postes budgétaires.
Le projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie sera
bientôt adopté définitivement et, je l'espère, mis en application rapidement.
Vos propositions budgétaires concernant le financement des réseaux de
surveillance de la qualité de l'air devraient quelque peu atténuer l'inquiétude
des Français, qui placent la pollution de l'air au coeur de leurs
préoccupations en matière d'environnement, la qualité de l'eau et les déchets
venant ensuite.
Cependant, il ne m'est pas possible de passer sous silence la mobilisation de
moyens extrabudgétaires pour la mise en oeuvre du programme décennal de
prévention des inondations, quand bien même celle-ci serait prévue par les
textes.
Ne risque-t-elle pas d'amener les agences de l'eau à répercuter cette charge
nouvelle que vous leur imposez et qui paraît contraire à la volonté de l'Etat
d'une meilleure transparence entre les partenaires que sont l'Etat, les régions
et les agences ?
Faut-il, par ailleurs, établir un lien entre ces 110 millions de francs
prélevés sur les agences de l'eau et l'effort consenti dans votre projet de
budget pour maîtriser les dépenses publiques ?
Enfin, je voudrais conclure sur notre responsabilité à tous - gouvernants,
élus du peuple, citoyens - qui est de placer l'homme au centre de la protection
de l'environnement en conciliant celle-ci avec le développement économique et
industriel.
L'environnement doit être au service de toutes les autres politiques, qu'il
s'agisse des transports, de l'emploi, dans les domaines de l'hygiène et de la
sécurité, de l'industrie, de l'agriculture, du tourisme.
Votre souhait de développer les éco-industries va dans le sens de la prise en
compte du fait « environnemental » dès l'origine d'un choix, d'un projet. Il
doit devenir l'élément dominant et décisif de ces projets, et donc ne plus être
l'élément accessoire.
Madame le ministre, j'apprécie l'action que vous menez. Cela me conduit à dire
que vous êtes, dans notre pays, le premier ministre du développement
durable.
Cependant, ce développement durable doit aussi tenir compte - je suis sûr que
vous comprendrez mes propos - de la compatibilité avec les moyens que peuvent
mettre en oeuvre les collectivités locales et les collectivités territoriales.
Je le dis au nom de la commission « administration générale » de l'Association
des maires de France, que j'ai l'honneur de présider : il faut tenir le plus
grand compte - M. Vasselle l'a rappelé tout à l''heure - de la capacité à
financer l'ensemble des équipements qui nous permettront de gérer sur le
territoire ce développement durable. Il faut aussi déterminer avec les élus
locaux et l'ensemble des représentants des collectivités territoriales les
moyens financiers permettant de mettre en oeuvre cette politique, que vous avez
la volonté d'animer. J'en veux pour preuve le fait que vous avez décidé de
rendre public le rapport de l'OCDE, paru hier, et qui décrit sans complaisance
le travail remarquable que vous avez accompli, mais aussi le chemin qui reste à
parcourir pour que nous puissions assurer à notre pays un développement
durable.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il faut, pour
apprécier pleinement un projet de budget, s'efforcer de dépasser les apparences
souvent trompeuses.
Le projet de budget de l'environnement pour 1997 ne déroge pas à la règle, et
on ne peut l'examiner sans prendre en compte des facteurs essentiels.
Le premier d'entre eux, c'est la place prépondérante qu'occupent aujourd'hui
les questions qui concernent la pollution.
Dans l'exercice de nos mandats locaux, nous sommes nombreux à vérifier cette
réalité : nos concitoyens affectés par la pollution nous interpellent et
réclament des pouvoirs publics la prise en compte de leurs inquiétudes.
Face à ce problème de santé publique, qui est, plus que jamais, l'affaire de
tous, notre pays attend une mobilisation, une prise en compte responsable de
l'environnement, dans la politique de la ville comme dans celle des
transports.
Dans ce projet de budget, vous donnez-vous les moyens de cette ambition ?
En apparence, comment ne pas être séduit, dans le contexte de rigueur que nous
connaissons tous, par le fait que ce projet de budget progresse de près de 6 %,
dépassant 1,8 milliard de francs ?
Mais à y regarder de plus près, on relativise cette embellie, lorsque l'on
note, par exemple, que les autorisations de programme n'augmentent que de 1,3 %
par rapport à la loi de finances de 1996, ce qui, en francs constants,
équivaut, nous le savons, à une baisse !
Par ailleurs, si le projet de budget de l'environnement passe, à tort, pour
être le seul à tirer son épingle du jeu dans le projet de loi de finances pour
1997, c'est surtout parce qu'il a bénéficié d'un habile effet d'annonce, auquel
la proximité de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie
n'est pas étrangère : sa progression est soumise à la mise en oeuvre d'une loi
qui reste subordonnée aux moyens financiers que l'Etat serait prêt à consentir
!
La chute globale des dotations par agrégats et la dérive de nombreux postes de
dépenses, pour l'un des plus modestes budgets de l'Etat, et au seul profit du
financement d'un projet de loi, appellent, selon moi, des appréciations moins
optimistes.
D'une part, ne risquons-nous pas de voir apparaître des transferts de charges
supplémentaires sur les collectivités locales, madame le ministre, si
d'aventure l'effort que vous nous présentez ne devait pas être tenu dans les
prochains budgets ?
D'autre part, face aux nombreux problèmes qui demeurent, fallait-il que
l'effort financier global de l'Etat en faveur de l'environnement se relâche de
la sorte, en grevant d'autres actions de votre ministère ?
On pourrait, à ce titre, s'émouvoir de la disparition probable du financement
des « emplois verts » ou de la réduction de l'aide aux projets des associations
de défense de l'écologie, quand on sait l'importance de leur travail en matière
d'environnement !
Sur un autre plan, nous aimerions obtenir des précisions sur les millions de
francs récupérés par votre ministère et provenant d'un transfert de lignes
budgétaires du ministère de l'équipement et du minitère de l'industrie.
Outre le fait que ces transferts relativisent sérieusement la progression que
vous affichez - puisqu'il ne s'agit pas de crédits nouveaux - nous ne disposons
d'aucune garantie sur la pérennité de ce financement pour 1997 !
Peut-être nous rassurerez-vous, madame le ministre, sur ce redéploiement de
crédits ; mais ne viendront-ils pas à manquer dans d'autes secteurs de l'action
publique ?
Enfin, nous regrettons que, au regard des contraintes qui pèsent sur les
collectivités, aucune dotation spécifique ne soit prévue pour les aider à
mettre en place les plans de déplacement urbains.
Ces insuffisances se résument en un seul constat : le désengagement budgétaire
de l'Etat en matière d'environnement se confirme !
Avant de conclure, je voudrais m'appuyer sur mon expérience d'élu local pour
vous interpeller une nouvelle fois, madame le ministre, sur des problèmes de
pollutions atmosphériques et sonores touchant un secteur qui paye un lourd
tribut à ces nuisances, le Val-de-Marne, et qui montrent combien il est
impératif que l'Etat cesse de se désengager de la sorte sur les collectivités,
pour prendre enfin ses responsabilités.
En ce qui concerne les pollutions atmosphériques, je vous ai déjà fait part
de l'inquiétude que suscitent les projets d'implantation massive d'usines
polluantes à Vitry-sur-Seine, sur un site appartenant à EDF, face à un secteur
fortement urbanisé comprenant la commune dont je suis le maire, Alfortville, et
d'autres villes environnantes.
Il s'agit, d'une part, de la construction d'une turbine à combustion, décidée
contre l'avis de milliers de riverains et, d'autre part, du projet de la
filiale d'EDF pour le traitement des ordures ménagères, le SYTCOM - syndicat
intercommunal de traitement des ordures ménagères - d'implanter sur ce même
site une importante usine d'incinération destinée à traiter les déchets de
Paris et de départements limitrophes.
Au vu de cet exemple, il me semble indispensable que, s'agissant d'une
entreprise publique comme EDF, l'Etat, avant toute nouvelle installation,
concoure à des études globales de pollution sur des secteurs particulièrement
sensibles, comme c'est ici le cas.
Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion des déchets, l'élaboration des
plans départementaux montre à quel point les collectivités sont démunies face à
l'obligation de supprimer les décharges en 2002, en se voyant imposer des
solutions qui ne sont ni les plus économiques ni, surtout, les plus écologiques
!
Ce projet d'usine d'incinération a été rejeté du plan départemental par le
conseil général du Val-de-Marne, faute de garanties suffisantes de sécurité
quant aux risques de pollution atmosphérique et parce que les élus, dans leur
majorité, refusaient de voir un département déjà pénalisé par les nuisances
devenir la poubelle de l'Ile-de-France et accueillir des déchets provenant en
grande partie de Paris, ville qui ne s'est d'ailleurs toujours pas dotée d'un
plan d'élimination de ses propres déchets !
Là encore, j'aimerais connaître la position du Gouvernement face à un problème
qui est de compétence nationale - il s'agit en effet d'une question de santé
publique - et qui est perçu par des milliers d'habitants comme un
désengagement, doublé d'une grave injustice !
N'est-ce pas à l'Etat de prendre ses responsabilités de solidarité nationale
en donnant les moyens aux collectivités de mettre en oeuvre des plans
d'élimination plus sûrs et mieux maîtrisés, offrant toutes les garanties quant
à la santé des populations, qui ont trop souvent le sentiment de subir ce qu'on
leur impose en matière d'environnement ?
Enfin, madame le ministre, que penser des crédits relatifs au bruit, qui sont
les parents pauvres de ce budget, à un moment où, pourtant, l'opinion publique
est de plus en plus touchée par ce problème ?
A ce titre, je voudrais évoquer les nuisances dues au bruit des trains, dont
sont victimes de très nombreux riverains de la ligne Paris-Lyon-Marseille, qui,
tout près de Paris, traverse plusieurs communes de mon département, jusqu'à
Villeneuve-Saint-Georges.
Malgré des démarches répétées, que j'ai menées conjointement auprès de la
direction de la SNCF avec mes collègues des villes voisines, avec des
associations de riverains, en particulier celles d'Alfortville et de
Maisons-Alfort, malgré l'existence de mesures phoniques dépassant largement le
seuil maximal de décibels tolérables, aucune réelle amélioration n'a été
apportée à ce jour sur le plan de la protection phonique.
Je ne vois pas dans votre budget, madame le ministre, se dessiner les moyens
que l'Etat accepterait d'engager pour mener une action concertée sur le plan de
l'environnement et des transports !
Mes chers collègues, ce fossé entre les déclarations et les actes, ce nouveau
désengagement de l'Etat, dans un secteur pourtant crucial, est difficilement
admissible, pour un ministère qui a en charge la protection de l'environnement,
de la qualité de la vie, et donc de la santé publique !
En définitive, madame le ministre, les renoncements et les reculs qui
caractérisent ce projet de budget ne sauraient satisfaire le groupe socialiste
qui, vous l'avez compris, ne le votera pas.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Quelle surprise !
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Madame le ministre, je tiens, comme mes collègues, à insister sur l'importance
que revêt, cette année plus que jamais, ce budget pour l'opinion publique et
les élus en général. Ces derniers considèrent en effet que la protection de
l'environnement constitue une donnée fondamentale du cadre de vie et de la
façon dont ils peuvent s'organiser dans la société.
Ce projet de budget est globalement en diminution, et il n'est pas à la
hauteur de vos ambitions. A cet égard, je n'évoquerai que quelques thèmes, et,
tout d'abord, la question des parcs naturels régionaux.
On compte aujourd'hui trente-deux parcs naturels régionaux ; ce sont des
territoires d'expérimentation très forts, où les élus, souvent toutes tendances
confondues, ont mené des actions très performantes pour protéger le paysage et
l'environnement et pour permettre ce que certains ont appelé le « développement
durable ».
Cependant, les crédits du ministère de l'environnement sont en très forte
diminution à cet égard puisqu'ils subissent une baisse de 36,8 % en
autorisations de programme et de 18,14 % en crédits de paiement.
Comment, par conséquent, satisfaire les quelque trente nouvelles demandes d'un
label parc - dans le département du Nord, que je représente, les régions de
l'Avesnois et des Monts de Flandres ont déposé une telle demande - alors que
les régions ayant déjà obtenu ce label voient leurs crédits diminuer ?
D'après les informations que j'ai pu obtenir, la fédération des parcs envisage
de ne plus attribuer le label à de nouveaux parcs.
On voit ainsi se développer aujourd'hui des réflexes malthusiens qui ne me
semblent pas correspondre au souci de protection de l'environnement qui
progresse en France. Ou alors une réflexion devra être engagée - j'indique
d'ores et déjà que cela me laisse perplexe - quant à la décentralisation ou à
la régionalisation des labels.
En effet, dans la pratique, si l'Etat se désengage, les régions se trouveront
dans l'obligation de prendre financièrement en charge les parcs. La tentation
sera alors grande de dire qu'il revient aux régions, dans ces conditions, de
définir le label parc. Cela ne serait pas, à mon avis, la meilleure solution.
Mais il est évident que, si l'Etat impose, pour l'obtention du label, des
critères scientifiques de plus en plus exigeants, il doit alors allouer les
crédits nécessaires.
Nombre de mes collègues sont intervenus sur le problème de la directive Natura
2000. Certes, la décision de suspendre la directive était à mon avis
judicieuse, mais il ne me paraîtrait pas de bonne politique de l'abandonner. Il
faut développer la concertation dans les prochains mois pour que l'ensemble des
partenaires puissent définir des zones de protection, avec des limites
scientifiques s'imposant à tous.
Je rappellerai que trente-sept sites expérimentaux ont été retenus par le
programme
Life
. Pour ma part, je préside un groupe pour la forêt de
Thiérache qui est en phase de concertation très positive. Je peux donc dire
que, par rapport à l'excès de peurs ou de fantasmes qui est développé à travers
toute la France, cet organisme de concertation fonctionne très bien, et que le
programme
Life
est donc bien inscrit dans le territoire. Mais j'espère
que vous nous aiderez financièrement pour le mettre en pratique, madame le
ministre.
Je voudrais aussi évoquer ce que l'on pourrait appeler, sans exagération je
crois, le
hold-up
que vous avez perpétré aux dépens des agences de
l'eau. Pour être élu de l'agence de l'eau Artois-Picardie depuis une décennie,
je peux vous dire que nous avons mal perçu la création de ce fonds de concours
de 110 millions de francs que vous avez décidé pour lutter contre les crues et
pour financer le plan Loire.
Certes, votre décision est légale sur le plan du principe mais il s'agit quand
même d'un précédent fâcheux, d'un engrenage dont vous aurez certainement
beaucoup de mal à maîtriser les conséquences dans les années à venir, et donc
d'une dérive à mon avis inacceptable. Comment admettre, en effet, que le
consommateur d'eau dépendant de l'agence Artois-Picardie paie des redevances
pour financer des travaux exécutés sur la Loire ou sur le Rhône ? Il existe
certes des problèmes sur le cours de ces deux fleuves, mais il a toujours été
affirmé que l'argent des agences devait servir à résoudre les difficultés qui
se posent sur leur territoire exclusivement. Cela nous conduit, en fait,
sachant que le montant des redevances a déjà été doublé dans le VIe programme,
à réduire l'ampleur des travaux prévus au titre du VIIe programme, de façon à
dégager les fonds que vous nous réclamez. Ou alors, faudrait-il augmenter à
nouveau les redevances ? Je pense que nos concitoyens l'accepteraient
difficilement.
En outre, vous devez être bien consciente du fait qu'aujourd'hui les agences
de l'eau ont encore un programme de travaux extrêmement important à réaliser en
matière d'assainissement, et qu'il nous faut nous engager aujourd'hui sur un
programme d'assainissement autonome qui nous coûtera fort cher. Opérer un
prélèvement sur les ressources financières des agences de l'eau ne me paraît
donc pas pertinent, aussi bien sur le plan des principes que de la mise en
oeuvre de la politique de l'eau.
En conséquence, madame le ministre, même s'ils notent des aspects positifs,
reconnaissant notamment certains efforts consentis avec l'adoption de la loi
sur l'air, les membres du groupe socialiste, compte tenu du manque de moyens
financiers, voteront néanmoins contre votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je vais essayer de répondre brièvement au plus grand nombre de
questions qui m'ont été posées.
Je ne reviendrai pas sur ce projet de budget, car, quelles que soient les
présentations que l'on peut en faire, il existe un élément objectif : ce projet
de budget augmente de 5,9 %, et les engagements qui ont été pris seront tenus.
Par conséquent, je suis, à cet égard, tout à fait claire et sereine.
Je répondrai tout d'abord à la question de la réglementation appliquée aux
déchets ménagers, qui a été très largement évoquée sur toutes les travées.
Je rappellerai d'abord que le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir
n'a innové en rien dans ce domaine puisque ce qui existe aujourd'hui résulte de
la loi de 1992 qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Que ce texte ait été voté à l'unanimité signifie bien que, à l'époque,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez considéré qu'il répondait à des
besoins réels - je crois que c'est exact - et que les modes de financement
qu'il prévoyait correspondaient à ces besoins.
Pour ma part, je n'ai qu'à gérer ce qui, à l'époque, a été voté. Je voudrais
être claire sur ce point ; je n'ai strictement rien ajouté, ni de près, ni de
loin, à ce qui résulte de cette loi.
M. Emmanuel Hamel.
On peut améliorer une loi dont on s'aperçoit à l'expérience qu'elle est
dangereuse !
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Cela étant, je rappelle ce point non pas
pour éviter de répondre au fond aux questions que vous avez évoquées, mesdames,
messieurs les sénateurs, mais seulement pour recadrer le débat.
Je crois effectivement que, s'il est indispensable de traiter la question des
déchets ménagers, il faut probablement faire un effort de plus grande
diversification dans les solutions. Autrement dit, l'application qui a été
faite de la loi jusqu'à présent a conduit les collectivités à s'orienter très
largement vers des systèmes d'incinération très coûteux.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Je m'y emploie, car, mesdames,
messieurs les sénateurs, c'est une question qui me préoccupe peut-être autant
que vous.
Certaines mesures ont d'ores et déjà été prises. La première, par exemple,
résulte de l'arrêté « co-incinération » que j'ai été amenée à prendre il y a
quelques semaines et qui permettra de brûler dans les cimenteries, à des
conditions tout à fait intéressantes, certains déchets.
Cependant, il faut, à mon avis, imaginer d'autres solutions - c'est d'ailleurs
une suggestion qui a été faite par les uns et les autres à cette tribune - que
l'incinération.
D'abord, très certainement, un effort beaucoup plus important que celui qui a
été consenti jusqu'à présent doit être réalisé en faveur de la prévention des
déchets. C'est là un champ considérable qui a été très peu exploité.
Le ministère de l'environnement a élaboré, avec Eco emballage et les
industriels, un catalogue dit « de prévention des emballages », que je vous
ferai parvenir si vous ne l'avez point déjà : ce document montre comment
économiser de 25 % à 50 % des emballages, ce qui est considérable. Il faut
savoir que les emballages représentent aujourd'hui 50 % des déchets ménagers.
Par conséquent, si, par ces politiques de réduction des déchets d'emballage,
nous arrivons par exemple à économiser 30 % d'emballages, cela fera 15 % de
déchets en moins. Il s'agit là d'une politique qui, jusqu'à présent, a été très
peu soutenue, et que j'ai l'intention de développer de manière tout à fait
considérable.
Par ailleurs, nous devons nous orienter vers le tri et le recyclage, qui
présentent à la fois un intérêt industriel, en raison de l'existence de nos
filières économiques, et un aspect social extrêmement marqué, notamment en
matière d'insertion.
Par conséquent, le ministère souhaite développer très largement toutes les
actions possibles à cet égard, de manière à alléger d'autant la masse de
déchets à incinérer, notre objectif étant d'arriver à un taux de 45 % ou 50 %,
alors que le pourcentage est actuellement beaucoup plus élevé. Une telle
politique permettra d'avoir des usines de dimension beaucoup plus modeste, et
donc d'alléger le coût des investissements.
J'ajoute, s'agissant des investissements, que j'ai signé un accord avec le
Crédit local de France. Je regrette de ne pas avoir le document avec moi, mais
je ne pensais pas que le sujet serait abordé aujourd'hui. Quoi qu'il en soit,
je suis prête à vous en fournir tous les éléments : cet accord permet des
financements jusqu'à quarante ans pour des infrastructures dans le domaine de
l'environnement, ce qui est de nature à permettre des taux très bas puisqu'il
s'agit de financements à très long terme.
M. Alain Vasselle.
A quel taux ?
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Le taux n'est pas précisé, monsieur le
sénateur, mais, étalée sur quarante ans, la charge pour la collectivité sera,
bien évidemment, beaucoup plus modeste que s'il s'agissait d'un financement sur
une durée beaucoup plus courte.
M. Christian Bonnet.
C'est comme pour certain magasin de Bobigny ?
(Sourires.)
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Non, pas tout à fait !
Cela étant, je suis tout à fait prête à ouvrir le débat sur ce sujet. Je n'ai
pas de religion toute faite, j'essaie de trouver des solutions concrètes
permettant de réduire les coûts qui sont aujourd'hui supportés par les
collectivités locales du fait de la loi de 1992 et je suis tout à fait disposée
à ce qu'un groupe de travail soit mis en place pour discuter de cette
question.
En ce qui concerne le problème de l'eau, grâce aux agences, le fonds de
concours permet effectivement à l'Etat - je rassure sur ce point les sénateurs
socialistes - de tenir complètement les engagements qui ont été pris concernant
le plan « prévention des risques » et le plan « Loire grandeur nature ». Il n'y
a donc aucun renoncement dans ce domaine et je ne comprends pas que ce terme
ait pu être utilisé, dans la mesure où tous les engagements qui ont été pris
seront tenus.
J'ajoute que les agences ont aujourd'hui délibéré positivement sur la
proposition qui leur avait été faite et que le montant de 110 millions de
francs qui a été évoqué n'est pas de nature - vous l'avez rappelé à juste
titre, monsieur le rapporteur - à remettre en cause, compte tenu des sommes en
présence, le financement global des agences.
Par ailleurs, le montant des redevances a été stabilisé et, par conséquent, il
n'y aura pas - nous sommes effectivement tout à fait sensibles à la question -
d'augmentation du prix de l'eau.
J'ajoute, enfin, que la création, décidée par le Gouvernement, d'un comité de
l'eau destiné à assurer la transparence par comparaison entre les différents
systèmes en place est précisément de nature à aller dans le sens de l'économie.
Par conséquent, je crois que ce point ne soulève pas de difficulté
particulière.
Quant aux crédits consacrés à la protection de la nature, ils sont globalement
reconduits. Par conséquent, il n'y a pas non plus, dans ce domaine, de
désengagement ou de renoncement de l'Etat.
A propos de Natura 2000, j'ai moi-même participé à de nombreuses réunions de
concertation avec un certain nombre d'entre vous, avec les chasseurs, avec les
agriculteurs, et j'ai donc parfaitement compris et le message que vous m'avez
rappelé tout à l'heure et celui qui m'avait été adressé à l'époque et qui a
conduit à la décision qu'a prise le Gouvernement.
Natura 2000 résulte d'une directive de 1992 qui s'est traduite, en droit
interne, par un décret du 7 mai 1995. Ce décret, je l'ai trouvé lorsque je suis
arrivée au ministère de l'environnement, et j'ai dû le « mettre en musique »,
ce qui n'avait pas été fait auparavant, alors même que nous aurions dû notifier
à Bruxelles les sites concernés avant le mois de juin 1995.
J'ai en tout cas traité ce dossier avec un véritable souci de concertation,
même si, j'en conviens très humblement, ladite concertation n'a pas
merveilleusement réussi. Dès septembre 1995, j'ai ainsi pris une circulaire
destinée à instaurer une consultation dès la période de l'inventaire. La
concertation a bien fonctionné dans quelques régions et je suis moi-même allée
diriger une réunion à Lyon, au mois d'octobre 1995, avec les élus et tous les
gestionnaires de l'espace. Tout s'est très bien déroulé. Dans d'autres régions,
je le reconnais, il n'y a eu strictement aucune concertation, mais la
circulaire était néanmoins, sur ce point, tout à fait claire.
A partir d'avril 1996, date à laquelle la consultation a vraiment débuté, de
nombreuses craintes circulaient à propos de ce qui pouvait apparaître comme un
gel, même si Natura 2000 n'a jamais été une sanctuarisation de l'espace. Je
crois donc que la décision qui a été prise - non pas de faire disparaître la
directive, mais de la geler en attendant que nous obtenions de Bruxelles des
réponses simples à des questions simples - était une bonne décision.
Nous sommes actuellement en cours de discussion à Bruxelles et mon souci, dans
cette affaire, est d'obtenir des précisions à la fois sur les activités
susceptibles d'être poursuivies dans ces zones - nous avons besoin d'être
éclairés : c'est oui ou non - et sur les modes de gestion.
Je souhaite obtenir de la Commission un accord sur le fait que les zones
Natura 2000 seront des zones contractualisées, c'est-à-dire des zones dans
lesquelles il y aura non pas des contraintes réglementaires mais des accords de
gestion de l'espace, un peu comme dans un parc naturel régional.
M. Alain Vasselle.
Soyez ferme !
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Je le serai, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, je souhaite que nous puissions notifier très progressivement nos
zones. En effet, s'il est des zones dans lesquelles tout fonctionne assez bien
- malgré le gel de la situation, la concertation, même informelle, s'est
poursuivie - il en existe d'autres dans lesquelles les choses sont beaucoup
plus difficiles.
Cela étant, Natura 2000 doit s'étendre jusqu'en 2004. J'ignore totalement, à
ce jour - et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas - quelle sera
l'évolution de la politique communautaire, notamment dans le domaine agricole,
en 2004. Par conséquent, je ne voudrais pas que, par une politique restrictive,
nous en arrivions à exclure totalement un certain nombre de zones de notre
territoire alors qu'elles pourraient être très contentes de pouvoir bénéficier
en 2004 des aides versées aux zones Natura 2000.
Pour pouvoir laisser la porte de l'avenir ouverte, j'ai donc besoin d'obtenir
l'assurance que nous pourrons notifier très progressivement nos zones, ce qui
nous permettra de redémarrer, quand nous aurons la réponse, la concertation à
la fois dans les parcs naturels régionaux - ce sont par définition des zones où
la concertation se déroule bien - et dans les zones volontaires. Nous verrons
ensuite ceux qui souhaiteront s'y joindre et ceux qui ne le souhaiteront
pas.
Quoi qu'il en soit, la concertation est la condition
sine qua non
de la
réussite de cette opération, qui peut, alors qu'elle était apparue comme une
contrainte insupportable, devenir en réalité une chance de gestion pour ces
territoires.
J'ai été étonnée, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous entendre dire que
le budget des parcs naturels régionaux subissait une diminution de 30 %. Les
moyens de fonctionnement de ces parcs connaissent une augmentation de 3,5 %.
Certes, il y a également la loi commune sur l'investissement en ce qui concerne
l'étalement d'un an des contrats de plan Etat-région pour la partie
investissement, mais il n'y a là, naturellement, aucun renoncement. Le
Gouvernement aurait d'ailleurs été particulièrement malvenu de pratiquer le
renoncement lorsque l'on sait que les politiques des parcs naturels nationaux
sont par définition des exemples de politique de développement durable et des
exemples de lieux où l'on crée des emplois.
J'ai financé une étude pour connaître précisément les incidences des
politiques des parcs naturels régionaux en termes d'emplois. On dénombrait, en
1994, vingt-neuf parcs naturels régionaux ; ils sont, aujourd'hui, trente-deux,
et ils ont permis de créer 800 emplois induits.
Cela signifie qu'une série de petits commerces, de petites activités de
loisirs et d'activités liées au tourisme vivent et créent des emplois pérennes
grâce à l'existence des parcs naturels régionaux. Autrement dit, par une même
politique, on aboutit à faire du développement économique, de la protection de
l'environnement et des créations d'emplois. On ne peut pas rêver mieux et ces
politiques doivent naturellement être accompagnées.
En ce qui concerne le conservatoire du littoral, les moyens ont été
globalement conservés, et c'est essentiel dans la mesure où, effectivement, la
politique de cet organisme est tout à fait exemplaire.
J'ajoute que le décret d'application de la loi qui a été votée l'an dernier
autorisant une dation en paiement au bénéfice du conservatoire du littoral
vient d'être publié. Cette disposition vient s'ajouter et non pas, bien sûr, se
substituer aux crédits budgétaires. Le conservatoire du littoral pourra donc,
dorénavant, disposer de biens qui lui seront donnés en dation. C'est là une
mesure qui marque une fois encore toute l'importance que le Gouvernement
attache à l'action exemplaire menée par le conservatoire du littoral.
En ce qui concerne la régulation des espèces, je suis prête à examiner, comme
vous me l'avez suggéré, des mesures de déconcentration, ainsi que nous l'avons
fait, très simplement, pour le cormoran. Effectivement, nous devons avoir le
souci de maintenir l'équilibre lorsque ce dernier est, à quelque titre que ce
soit, rompu, les mesures adaptées doivent être prises, car une politique de
l'environnement ne se justifie que par l'équilibre de l'écosystème.
Enfin, j'ai été très sensible à la suggestion qui m'a été faite au sujet de
l'éthique de la chasse. Pour ma part, je suis prête à étudier cette bonne
question, qui répondrait effectivement, peut-être par anticipation, à un
certain nombre d'exigences nouvelles que nos concitoyens pourraient être
conduits à avoir.
En ce qui concerne les emplois, j'évoquerai d'abord les emplois publics du
ministère de l'environnement.
Il y a stabilité dans l'administration centrale - M. le rapporteur a bien
voulu le souligner - et un effort a été réalisé en faveur des services
déconcentrés, notamment dans les DIREN qui, comme vous le savez, sont les plus
jeunes directions de l'administration française et qui ont donc, par
définition, besoin d'être renforcées.
Je suis extrêmement attachée à la politique des « emplois verts ». Si le
budget correspondant n'apparaissait pas dans mon budget l'année dernière, il
n'y apparaît pas plus cette année, pour la bonne et simple raison que ce budget
est géré par le ministère des affaires sociales.
L'année dernière, les « emplois verts » avaient bénéficié de 35 millions de
francs. A défaut de pouvoir vous indiquer la somme qui leur sera consacrée
cette année, je puis vous assurer que je suis en discussion avec M. Barrot pour
que cette politique puisse être poursuivie. En effet, elle constitue, comme
l'un d'entre vous l'a rappelé tout à l'heure, un levier tout à fait important
dans le domaine de l'emploi.
Le secteur de l'environnement devient - c'est un souci que nous devons avoir à
l'esprit - un secteur économique à part entière. Les entreprises ont ainsi
créé, cette année, environ 13 500 emplois dans le domaine des éco-industries.
Ce chiffre est, convenons-en, tout à fait considérable et ce secteur est en
croissance de 3 à 4 % l'an, y compris dans les années que nous venons de
traverser.
Ce secteur économique, qui devient de plus en plus important dans
l'organisation de notre vie économique, représente aujourd'hui environ 450 000
emplois, ce qui n'est nullement négligeable. Il exporte bien, notamment dans le
domaine de l'eau et des déchets, grâce, en particulier, aux efforts faits par
les collectivités locales, il faut le reconnaître.
Ce secteur permet incontestablement à nos entreprises d'être très présentes
sur les marchés internationaux. Je puis en témoigner car, au cours des voyages
que j'ai pu accomplir à l'étranger, j'ai emmené des chefs d'entreprise français
avec moi et je puis dire qu'ils ont remporté de très nombreux marchés à
l'exportation. Il serait d'ailleurs important de développer maintenant d'autres
secteurs que l'eau et les déchets. Je pense à l'air, au sol et l'aménagement de
l'espace. Dans le domaine des emplois du secteur productif, c'est
incontestablement l'un des secteurs économiques qui va continuer à se
développer dans les années qui viennent. Il faut avoir cette circonstance
présente à l'esprit dans le contexte actuel.
J'évoquerai d'un mot le sujet du bruit.
L'arrêté concernant le bruit des infrastructures ferroviaires va être publié
très prochainement puisque nous sommes arrivés, sur ce point, à trouver une
solution avec la SNCF. Cela permettra, je pense, d'apporter beaucoup de
satisfactions à nos concitoyens, qui attachent une très grande importance au
bruit.
En ce qui concerne l'air, je ne dirai pas grand-chose, mesdames, messieurs les
sénateurs, car j'ai conscience d'avoir beaucoup occupé votre temps avec la loi
en cours d'élaboration. Même s'il ne s'agit pas de redéploiement budgétaire,
c'est la base de mon budget qui a été augmentée en 1997 pour permettre le
financement des réseaux. Cela doit être souligné, car ce n'est pas tout à fait
la même chose. Autrement dit, je n'ai pas déshabillé Paul pour habiller Pierre
! Ce sont bien des fonds nouveaux qui sont accordés au ministère de
l'environnement pour traiter de cette question nouvelle, dont nos concitoyens
considèrent qu'elle est effectivement une priorité.
S'agissant des établissements publics, monsieur Richert, il n'est pas question
pour le ministère de l'environnement de ne pas continuer à travailler, comme il
l'a toujours fait, avec l'ADEME ; du reste, comme je m'y étais engagée, les
crédits de la loi sur l'air ont transité par l'ADEME pour l'acquisition de tous
les matériels, ne serait-ce que pour faire des économies et acheter en masse
les équipements qui étaient nécessaires pour l'ensemble de nos réseaux de
mesure.
Par conséquent, il n'y a, bien sûr, de la part du Gouvernement, aucune volonté
directe ou indirecte, implicite ou explicite de gêner le moins du monde
l'ADEME. Simplement, nous faisons des efforts et il est logique que tous les
établissements publics en fassent aussi.
Sur le plan international, j'ai rendu publiques, hier, les performances
françaises telles qu'elles sont évaluées par l'OCDE. Nous ne sommes peut-être
pas très bons en communication, et certains nous le reprochent, mais, s'il
existe un domaine qui va bien, c'est incontestablement celui de l'aide
internationale. La France tient ses engagements et les efforts qu'elle réalise
dans le domaine de l'aide et de la coopération en matière d'environnement sont
tout à fait considérables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l'aube de ce mois de décembre au cours
duquel vont se tenir les assises nationales du développement durable, le budget
que j'ai l'honneur de vous présenter montre effectivement très clairement
l'attachement du Gouvernement à une politique du développement durable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Madame le ministre, je vous remercie de votre concision.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'environnement et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 16 382 353 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, 22 655 250 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 221 908 000 francs ;
« Crédits de paiement, 89 487 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 578 850 000 francs ;
« Crédits de paiement, 277 346 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
ministère de l'environnement.
Intérieur et décentralisation (suite)
SÉCURITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la
sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Guy Cabanel.
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les crédits gérés par le ministère de
l'intérieur pour l'administration générale et préfectorale, la police nationale
et la sécurité civile s'élèvent à 50,6 milliards de francs dans ce projet de
loi de finances pour 1997, soit une très légère diminution, de 0,3 % en valeur,
par rapport au budget de 1996.
Je souhaite concentrer mes propos sur les points saillants des crédits de la
police nationale et de la sécurité civile, qui constituent presque l'essentiel
de ce budget.
Dans cet ensemble, la stabilité des dépenses affectées à la police nationale,
qui se maintiennent autour de 28 milliards de francs, reflète l'étalement sur
une année supplémentaire de la mise en oeuvre de la programmation prévue par la
loi du 21 janvier 1995. Cet étalement est conforme à la règle observée pour les
autres programmations et n'est donc pas spécifique au ministère de
l'intérieur.
Dans le détail, la lecture des différentes lignes budgétaires englobées dans
le périmètre de la programmation révèle cependant la volonté de maintenir le
cap dans un nombre appréciable de domaines d'action.
J'en retiens cinq.
Premièrement, l'amélioration des régimes indemnitaires constitue
indiscutablement l'un des axes prioritaires de votre politique, monsieur le
ministre. Au cours des trois années 1995, 1996 et 1997, plus de 350 millions de
francs de mesures nouvelles annuelles seront ainsi obtenus en matière
indemnitaire. C'est un effort exceptionnel en faveur des policiers, qui dépasse
l'enveloppe annuelle de 230 millions de francs prévue par la loi d'orientation
et de programmation.
Deuxièmement, s'agissant du fonctionnement courant, la couverture budgétaire
diminue, passant de 3,8 milliards de francs à 3,6 milliards de francs. Les
mesures de rationalisation mises en oeuvre dans la gestion des crédits doivent
permettre de faire face à cette légère contraction des moyens.
Toutefois, j'ai une petite inquiétude, car le fameux jeu de gel et de dégel
des crédits auquel se livre traditionnellement le ministère de l'économie et
des finances risque d'entraîner des effets peut-être un peu plus difficiles à
maîtriser.
Troisièmement, une importante action de rattrapage opérée en 1995 et en 1996
en faveur du parc lourd de véhicules des CRS semble pouvoir autoriser une
atténuation de l'effort en 1997 et une orientation nouvelle vers des moyens de
transport plus légers pour des missions de sécurisation en milieux urbains
difficiles.
Quatrièmement, l'effort d'équipement immobilier de la police nationale devrait
être maintenu au niveau moyen atteint ces deux dernières années, soit 50 000 à
55 000 mètres carrés livrés l'an prochain. Ce résultat est un peu inférieur à
l'objectif fixé dans la loi d'orientation et de programmation. Mais il est
intéressant de noter que le ministère envisage de recourir à des formules de
crédit-bail qui permettent de contourner les contraintes budgétaires, même si
leur incidence financière est un peu plus forte à moyen terme.
Enfin, cinquièmement, la diversification des instruments mis en oeuvre pour
accroître l'offre de logements aux policiers, avec notamment l'institution d'un
système de garantie de loyers permet incontestablement d'assurer le succès de
ce volet de la loi d'orientation et de programmation : l'objectif de huit cents
nouveaux logements livrés par an est tenu depuis 1995 et pourrait même être
dépassé en 1997, puisque l'on parle de neuf cents logements.
La loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 avait cependant
aussi pour ambition d'améliorer l'efficacité de l'action de la police nationale
par deux volets aux traductions budgétaires fortes, ou qui auraient dû
l'être.
Il s'agissait, d'une part, de la création de cinq mille emplois
administratifs, scientifiques et techniques, afin de décharger les personnels
actifs de tâches qui les détournent de leur véritable mission.
Il s'agissait, d'autre part, d'équiper la police nationale en moyens
informatiques et de transmission lui conférant des gains d'efficacité décisifs
dans la lutte contre la criminalité.
Or, dans ces deux domaines, l'ambition de respecter les objectifs de la loi
d'orientation et de programmation, même moyennant un étalemennt sur un délai
plus long, paraît s'éloigner. En effet, seuls mille deux cents nouveaux emplois
administratifs, scientifiques et techniques auront été budgétisés depuis le
lancement de la programmation, dont cinq cents en 1995 et sept cents en 1996.
Aucun emploi nouveau ne fait l'objet d'une inscription budgétaire pour 1997.
Certes, le ministère de l'intérieur évoque le « dégel » de certains emplois
mais, là encore, on entre dans le fameux jeu à bascule des gelset des dégels,
avec tous les aléas que comporte le dialogue avec le ministère de l'économie et
des finances.
Plus important, la loi d'orientation et de programmation prévoyait d'accélérer
le déploiement du réseau radio-cellulaire numérique crypté à couverture
nationale, ou ACROPOL, à l'ensemble du territoire métropolitain en 2002,
l'Ile-de-France devant être équipée à la fin de l'année 1997, avant les
compétitions de la coupe du monde de football.
Or, à ce jour, ACROPOL n'a été mis en place qu'en région Rhône-Alpes ainsi
qu'en Picardie, et seul le département de la Seine-Saint-Denis, en
Ile-de-France, devrait être équipé pour le début de la coupe du monde de
football.
En l'état, aucun terme n'est fixé à l'achèvement de la généralisation
d'Acropol et des menaces se sont très clairement fait jour du côté du ministère
de l'économie et des finances, qui semble souhaiter que ce réseau
ultraperformant de transmission ne fasse l'objet que d'un déploiement partiel
sur le territoire.
Cette attitude oblige parallèlement, la police nationale à maintenir en état
de fonctionnement des instruments de transmission obsolètes, pour un coût
toujours plus élevé d'année en année, ce qui pose problème.
Sur ce point, monsieur le ministre, la représentation parlementaire devrait
vous aider à obtenir davantage du ministère de l'économie et des finances. J'ai
même imaginé proposer à la commission des finances une mission en Picardie pour
étudier la mise en place d'ACROPOL et ce afin de vous aider grâce aux avis
recueillis.
Au-delà des problèmes d'équipement, dans ce contexte budgétaire difficile mais
maîtrisé, monsieur le ministre, vous devez être crédité de la volonté de mettre
en oeuvre l'intégralité du volet relatif à la réorganisation de la police
nationale dans la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995.
Après avoir rappelé la mise en application, le 1er septembre 1995, de la
réforme des corps et des carrières, fondée sur cinq décrets du 9 mai 1995,
j'insisterai sur l'instruction du 26 juillet dernier présentant les nouveaux
cycles d'activité qui pourront être appliqués aux fonctionnaires de police
travaillant en roulement.
J'estime que, en dépit des critiques excessives émises par certains, nous
devons saluer la mise en place des nouveaux cycles - 4/2 proposé en province ou
6/2 proposé à Paris - qui sont la garantie d'une plus grande souplesse de
gestion et d'une meilleure adaptation aux besoins du mode de fonctionnement de
la police. La concertation avec les comités techniques paritaires
départementaux devrait permettre une liberté de choix d'horaires, et peut-être
aussi une application plus facile.
J'en viens au domaine de la sécurité civile, pour lequel 1997 constitue
incontestablement une année charnière. J'ai à cet égard, trois sources de
satisfaction.
L'année 1997 doit être, en effet, celle du paiement du solde du marché
d'acquisition des douze appareils amphibies bombardiers d'eau de type Canadair
CL 415. Les deux derniers appareils devraient être livrées à la fin de l'année
en cours et payés au fabricant sur le prochain exercice. Les crédits
existent.
Parallèlement à la fin de ce marché, doit être engagé le processus de
renouvellement de la flotte d'hélicoptères. Un accord de principe des services
du budget a été donné pour l'acquisition de trente-deux appareils à partir de
1998.
L'année 1997 sera donc consacrée, d'une part, au choix définitif des types
d'appareils et, d'autre part, au lancement de la procédure du marché.
A ce titre, le projet de loi de finances rectificative pour 1996 nous apporte
une grande satisfaction : il prévoit l'inscription de 1 milliard de francs en
autorisations de programme et de 189 millions de francs en crédits de paiement
pour cette opération de renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Enfin, nous pouvons nous réjouir de constater que, pour la première fois
depuis plusieurs années, les crédits consacrés à la maintenance des appareils
du groupement des moyens aériens sont d'emblée fixés, en loi de finances
initiale, au niveau requis pour garantir le financement des besoins, soit 229
millions de francs d'autorisations de programme.
Cette réponse au déficit chronique dénoncé au cours des derniers exercices
n'interdit pas, cependant, d'appporter quelques nuances à l'impression positive
qui se dégage de la lecture du projet de budget de la sécurité cicile pour
1997.
Je constate ainsi qu'aucune dotation n'est prévue pour l'achèvement du
programme de remotorisation des Tracker. Il est vrai qu'il ne reste que deux
appareils à équiper.
J'exprimerai un regret sous la forme d'uune suggestion au sujet de
l'expérimentation d'un drone anti-incendie, le Firebird 2001 de IAI-MALAT,
développé en coopération entre Israël et les Etats-Unis. C'est certainement une
méthode nouvelle de surveillance des forêts, d'accès au plus proche des foyers
d'incendie et de programmation d'interventions à distance.
Ensuite, je note la persistance d'attitudes de facilité, telle celle qui
consiste à ne pas inscrire dans le projet de budget les dotations correspondant
au remboursement aux services départementaux d'incendie et de secours des coûts
exposés notamment au titre des colonnes de renfort envoyées sur les lieux de
sinistres majeurs. Il est heureux qu'il n'y ait pas eu trop de sinistres
majeurs cette année.
Pour conclure, je résumerai mon intervention en disant que, si l'impératif de
maîtrise des dépenses publiques doit, cette année, être appliqué à tous les
ministères, la police nationale mériterait de ne pas subir, en 1998, une
seconde année de rigueur aussi importante.
Sous cette réserve, la commission des finances a décidé de vous demander, mes
chers collègues, d'adopter les crédits de la sécurité pour 1997.
Votre rapporteur ajoute son souhait personnel d'un vote positif pour faciliter
la tâche de deux grands services nationaux placés, monsieur le ministre, sous
votre autorité.
Il s'agit, d'une part, de la sécurité civile, qui connaîtra en 1997, une
réorganisation centrale avec la mise en place d'une direction de la sécurité et
de la défense civiles et un grand effort de renouvellement de ses moyens
aériens.
Il s'agit, d'autre part et surtout, de la police nationale, constamment
sollicitée dans une société difficile, instable, et qui est trop souvent
humiliée, voire calomniée. Elle a besoin, dans de telles circonstances, d'un
soutien unanime du Parlement.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR, des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, dans son excellent exposé, notre talentueux
collègue M. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission des finances, a
parfaitement souligné les caractéristiques essentielles du budget du ministère
de l'intérieur pour la police nationale ; je n'y reviendrai donc pas.
Sans doute, à l'instar de la commission des finances, la commission des lois
a-t-elle regretté la pause constatée, dès 1997, dans l'application de la
programmation contenue dans la loi d'orientation du 21 janvier 1995. L'objectif
quinquennal voté par le législateur il y a à peine deux ans ne sera pas tenu.
Il n'est pas absurde de craindre que le retard déjà constaté ne prenne de
l'ampleur.
Au moment où le Gouvernement s'est résolu à résorber progressivement les
déficits budgétaires chroniques que ce pays supporte depuis quinze ans, les
programmes pluriannuels, le vôtre et les autres, monsieur le ministre, sont-ils
encore d'actualité ? On peut se poser la question.
On ne peut vous imputer cette insuffisance de moyens financiers. Le choix
majeur arrêté par le Gouvernement de réduire les déficits doit être assumé
aussi par votre ministère. Vous avez su, dans ce contexte, protéger
l'essentiel, puisque votre projet de budget est, en francs courants,
pratiquement stable.
Je souligne, par ailleurs, que, dans les domaines qui relèvent exclusivement
de votre seule responsabilité, vous tenez scrupuleusement les engagements pris.
En exemple, je veux citer la réorganisation de la police nationale, qui se
poursuit dans la discrétion et l'efficacité.
Vous trouverez, mes chers collègues, l'essentiel de mes analyses dans mon
rapport écrit, car je voudrais, dans le trop bref délai qui m'est imparti,
souligner ici quatre points.
Premièrement, il s'opère, dans la police, un profond changement. Depuis deux
ans, les divers corps de nos quelque 140 000 fonctionnaires de police
connaissent des mutations statutaires radicales. La réforme s'opère sans
blocage et sans crise. On doit ce résultat à la forte et permanente
concertation érigée en principe au sein de votre administration. Ce n'est pas
partout pareil !
Ces corps de police hiérarchisés, confrontés en permanence à l'épreuve du
terrain, avec ses risques et ses ingratitudes, ont adhéré à cette réforme. Ils
participent activement au nécessaire ajustement réglementaire et pratique de
mesures dont l'ampleur n'est généralement pas perçue à leur juste valeur.
Cette réorganisation, que vous menez avec persévérance et avec bonheur, est
ingrate. Elle est obscure, modeste, quotidienne, éloignée de toutes les
éloquences, ignorée des grands médias, qui sont plus proches des conflits
sociaux que des réformes silencieuses.
Ce que vous entreprenez en ce moment pour essayer de sortir d'un provisoire
qui dure depuis douze ans en cherchant à aménager les horaires de travail de la
police active est une belle démonstration de ce changement profond où vous vous
engagez personnellement et où vous engagez, derrière vous, votre
administration.
Je suis convaincu que cette réforme, si elle est conduite à son terme - je le
souhaite - apportera moins de fatigue aux personnels, tout en libérant des
effectifs supplémentaires, et ce sans la moindre incidence budgétaire.
Le deuxième point que je voudrais souligner concerne la lutte contre la
criminalité et la délinquance.
Des progrès appréciables sont enregistrés, à cet égard. En 1995, cette
criminalité a diminué de 6,47 %. Les tendances, affichées dans les six premiers
mois de l'année 1996, confirment les résultats de l'année dernière.
Sans doute ne faut-il pas attacher trop d'importance aux statistiques, dont
nous savons très bien qu'on peut tirer le meilleur et le pire. L'impression
dominante, dans l'opinion, reste un sentiment d'insécurité ; mais je préfère
constater ici une baisse dans les statistiques plutôt que d'enregistrer, cinq
années de suite, de fortes hausses dans cette délinquance, comme ce fut le cas
de 1989 à 1994 !
Ce qui pose un problème, monsieur le ministre, vous le savez mieux que
quinconque, c'est la délinquance sur la voie publique, les violences contre les
personnes, les dégradations de biens privés.
Ce qui pose également un problème, c'est la délinquance des mineurs, qui
connaît globalement un accroissement inquiétant en 1995.
Cette année-là, 16 % des personnes mises en cause ont été des mineurs. La
radicalisation de ce phénomène est constatée par tous les services spécialisés
; cette violence des mineurs se développe sur tout le territoire, et pas
seulement dans les quartiers dits « difficiles » ; elle est, aujourd'hui,
souvent même dans les lycées.
Dans ce constat, il faut bien percevoir la place que joue le trafic de la
drogue. Il faudra bien, un jour, aborder de face et avec force le problème
européen de la drogue.
L'observatoire européen de Lisbonne, installé en 1994, vient de produire son
premier rapport. Il souligne que, dans nos prisons, les toxicomanes
représentent 30 % à 40 % de la population carcérale. C'est bien la preuve de
l'imbrication des deux phénomènes : drogue et insécurité vont de pair.
Ma troisième observation concerne les dépenses de personnel.
J'ai constaté avec intérêt l'extension au bénéfice des policiers du SGAP de
Versailles de la prime versée depuis longtemps aux policiers du SGAP de
Paris.
M. Jean-Jacques Hyest.
Enfin !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Cet engagement, ancien déjà, et enfin tenu, est
heureux.
Je suis plus perplexe, en revanche, sur la suppression de cinq cents emplois
de policiers auxiliaires. Sans doute les recrutements dans cette catégorie
sont-ils toujours restés inférieurs au nombre des emplois budgétaires prévus et
votre mesure, à cet égard, peut correspondre à un ajustement. Mais quel sera
l'avenir du service national dans la police à partir du moment où il ne
reposera plus, désormais, que sur le volontariat ?
Cette évolution pourrait conduire à la raréfaction des candidatures et avoir
une incidence sur le recrutement même des corps de police, puisque, à l'heure
actuelle, 40 % des policiers recrutés dans les différents cadres ont effectué
leur service comme policier auxiliaire.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut réfléchir dès maintenant aux
mesures qui pourraient être prises pour compenser cette déflation attendue et
prévue, en imaginant des solutions nouvelles, fatalement génératrices de
dépenses.
Je ne parlerai pas ici du réseau ACROPOL, puisque le rapporteur spécial l'a
évoqué.
Il est tout de même regrettable que la police française ne puisse disposer, à
la fin de ce siècle, de moyens de communications aussi performantes que ceux de
nos voisins !
(Très bien ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que j'ai
voulu me permettre à cette tribune, observations qui sont incluses et
développées dans mon rapport écrit.
La commission des lois, dans sa majorité, a accepté mes conclusions.
Elle constate que la réforme profonde de la police nationale est engagée avec
bonheur. Elle souligne que la sécurité publique est confrontée à des défis
majeurs qui ne sont pas encore appréhendés dans toute leur ampleur. Elle
rappelle que l'efficacité de l'action policière est tributaire du rendement de
l'appareil judiciaire, dont les procédures sont aujourd'hui - il ne faut pas
hésiter à le dire - parfaitement obsolètes.
En conclusion, la commission des lois m'a demandé de rappeler une fois encore
et avec force que la sécurité publique ne peut se réduire à la seule activité
de la police nationale et que le sentiment d'insécurité, qui est toujours
puissant dans l'opinion, peut alimenter dans ce pays des réflexes de peur
porteurs de tous les excès.
En l'état, la commission des lois, dans sa majorité, m'a demandé de proposer à
notre assemblée l'adoption des crédits de la police inscrits dans le projet de
loi de finances pour 1997 ; je le fais bien volontiers.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. René-George Laurin, rapporteur pour avis.
M. René-Georges Laurin,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, avant de vous présenter, au nom de la commission des lois,
quelques observations au sujet du budget de la sécurité civile, je souhaite
tout d'abord rendre hommage aux douze sapeurs-pompiers et au pilote de la
sécurité civile décédés en service en 1996.
Je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits qui ont été présentés par
notre collègue M. Guy Cabanel, au nom de la commission des finances. Je
rappellerai seulement que la progression des crédits d'investissement permettra
d'effectuer les derniers paiements relatifs au programme d'acquisition des
nouveaux Canadairs CL 415. C'est la dernière opération concernant ces
avions.
Il est maintenant temps d'envisager de poursuivre la modernisation des moyens
aériens de la sécurité civile par le renouvellement de la flotte
d'hélicoptères, qui est devenue vétuste. Certes, aucune dotation n'est inscrite
à ce titre dans le projet de budget pour 1997. Des crédits devraient toutefois
être ouverts dans le prochain « collectif » afin de permettre le financement du
début d'un programme d'achat de trente-deux hélicoptères, échelonné sur six
ans.
Permettez-moi, à cet égard, monsieur le ministre, de formuler le souhait que
puissent être acquis à cette occasion des modèles d'hélicoptères susceptibles
d'être utilisés en tant qu'hélicoptères porteurs d'eau.
S'agissant des interventions de la sécurité civile, le bilan de l'année 1996 a
été marqué par la poursuite de l'amélioration des résultats obtenus dans la
lutte contre les incendies de forêts, avec, si jose dire, seulement 13 100
hectares brûlés au 1er septembre.
Ces bons résultats constituent un encouragement à la politique de prévention
et d'intervention rapide sur les feux naissants mise en oeuvre notamment grâce
à la mobilisation de moyens aériens importants, en particulier, je le signale,
les hélicoptères loués dans les départements du sud de la France.
Dans un autre domaine, je dois souligner la préoccupation de la commission des
lois, exprimée depuis plusieurs années déjà, devant la charge financière
résultant, pour les communes, de la progression très rapide du nombre des
interventions destinées à secourir les victimes d'accidents consécutifs à la
pratique des sports dits « à risques », en particulier en montagne ou sur le
littoral mais aussi, maintenant, dans les grottes, que l'on va imprudemment
visiter.
Il est désormais urgent que la concertation engagée par le Gouvernement sur ce
sujet - M. le ministre l'évoquera sans doute - puisse aboutir rapidement à une
extension à d'autres pratiques que le ski de la liste des activités sportives
pour lesquelles une participation financière aux frais engagés peut être exigée
des personnes secourues, moyennant souscription préalable de leur part d'une
assurance spécifique.
Je voudrais, enfin, évoquer l'application de deux lois promulguées toutes deux
voilà un peu plus de six mois : d'une part, la loi relative aux services
d'incendie et de secours, que j'ai eu l'honneur de rapporter devant vous, mes
chers collègues ; d'autre part, la loi relative au développement du volontariat
dans les corps de sapeurs-pompiers, adoptée par le Sénat sur le rapport de
notre ancien collègue Jean-Pierre Tizon.
En effet, la mise en oeuvre des importantes réformes de l'organisation de la
sécurité civile résultant de l'adoption de ces deux lois est aujourd'hui
subordonnée à la publication des décrets prévus pour leur application.
En ce qui concerne la loi relative aux services d'incendie et de secours, un
premier décret relatif à l'installation des premiers conseils d'administration
des nouveaux SDIS vient tout juste d'être publié, monsieur le ministre,
puisqu'il figure au
Journal officiel
daté du 23 novembre. Il devrait
être suivi, d'ici à la fin de l'année, de deux autres décrets destinés à
préciser les procédures de règlement des litiges susceptibles d'intervenir au
cours de l'élaboration des conventions de transferts ainsi que la composition
des commissions administratives paritaires relatives aux sapeurs-pompiers
professionnels.
Un autre décret, à portée plus générale, annoncé pour le printemps, devra
ensuite définir les nouvelles modalités d'organisation des services d'incendie
et de secours.
L'application de la loi relative aux sapeurs-pompiers volontaires nécessite,
pour sa part, un décret relatif aux vacations horaires - mais il vient
également d'être publié le 23 novembre - ainsi qu'un décret relatif à
l'allocation de vétérance, qui est actuellement en cours de préparation.
La Haute Assemblée souhaite qu'une parution rapide de l'ensemble de ces
décrets permette d'engager la mise en place progressive des nouveaux SDIS et
d'obtenir une indispensable relance du volontariat.
C'est sous le bénéfice de ces différentes observations que la commission des
lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité civile
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
1997 concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les
excellents rapports de MM. Cabanel, Masson et Laurin, qui, pour être
synthétiques, n'en étaient pas moins très précis - ce qui prouve qu'on n'est
pas obligé de parler très longtemps pour bien parler - je voudrais souligner
les modifications importantes qui ont concerné la police depuis deux ans.
C'est, d'abord, la loi d'orientation et de programmation relative à la
sécurité de janvier 1995, qui, pour la première fois, définit un cadre à moyen
terme pour la politique de sécurité et recense les moyens correspondants
nécessaires. J'aurai, bien entendu, l'occasion d'y revenir.
C'est également, depuis le printemps 1995, la réforme des corps et des
carrières, qui, conjuguée au règlement général d'emploi de juillet 1996,
modifie en profondeur le cadre et les modalités de l'action au quotidien de la
police.
Monsieur le ministre, l'ancienne école des inspecteurs de la police nationale
étant située dans mon département, je peux attester que la fusion des corps se
déroule dans de bonnes conditions et que la nouvelle formation des lieutenants
et des capitaines de police répond tout à fait à vos préoccupations, et surtout
aux préoccupations de ceux qui sont désormais appelés à être les cadres de la
police nationale.
Je tiens aussi à rappeler les efforts qui ont été faits en matière
d'équipement.
Si les crédits de paiement affectés à l'équipement mobilier lourd de la police
nationale régressent de 110 millions de francs à 75 millions de francs, il ne
faut pas pour autant oublier que 1995 et 1996 ont été deux années de fort
rattrapage, notamment pour le parc automobile.
De même, en termes d'efficacité - M. Masson a insisté tout à l'heure sur ce
point - malgré un sentiment d'insécurité persistant, il ne faut pas oublier que
la police nationale a géré, en 1995, 3,6 millions d'infractions, ainsi que
l'entrée et la sortie de 84 millions d'étrangers.
De plus, on constate une baisse statistique sensible de la criminalité depuis
deux ans. Cette baisse est en effet de 6,47 % et dépasse l'objectif de 5 %
assigné en juin 1995 par le Premier ministre.
Les efforts sont donc réels, et il est dommage qu'au niveau de la perception
il y ait un si grand décalage, la montée du sentiment d'insécurité s'observant
aussi bien en ville que dans les campagnes.
Comme l'a fort bien noté M. Masson, beaucoup d'infractions de proximité,
telles que les violences contre les personnes et les dégradations des biens
privés, connaissent une forte progression. Or c'est ce type d'infractions qui,
parce qu'elles touchent les gens au quotidien, entretiennent un sentiment
diffus d'insécurité.
Reste, bien entendu, un grave sujet de préoccupation, cause de
multidélinquances : la drogue. Je ne pense pas que, dans ce domaine, les
dernières statistiques connues soient aussi bonnes, car on constate une
diminution des saisies et, bizarrement d'ailleurs, du nombre des infractions
relevées, ce qui est extrêmement préoccupant.
On ne peut pas non plus être aussi optimiste concernant les perspectives pour
l'année 1997.
En effet, s'agissant de la police nationale, on constate indéniablement qu'une
pause est marquée. D'abord, les crédits sont quasiment stabilisés, avec près de
28 milliards de francs, soit une diminution de 0,3 % par rapport à 1996.
Ensuite, l'objectif quinquennal fixé par la loi d'orientation et de
programmation du 21 janvier 1995 ne pourra être atteint.
L'amélioration de la productivité de la police nationale par la création de 5
000 emplois administratifs, scientifiques et techniques, pour décharger les
personnels actifs de tâches qui les détournent de leurs véritables missions, et
par la fourniture de moyens informatiques et de transmission plus performants
en est donc retardée, comme le démontrent les données du budget.
En effet, seuls 700 emplois administratifs, scientifiques et techniques ont
été budgétés en 1996 et, pour 1997, on prévoit même une suppression d'emplois.
Ce n'est pas ce qui était prévu dans la loi de programmation !
Ainsi, l'objectif de rendre les policiers à leurs tâches en recrutant des
agents administratifs, scientifiques et techniques ne pourra pas être atteint
cette année. Même si je comprends parfaitement les raisons de ce retard, cela
signifie que l'on n'ira pas aussi vite que ce qui avait été prévu, alors que
c'est pourtant une nécessité.
Ce sont donc 500 emplois de policiers auxiliaires qui vont disparaître et, à
ce propos, je m'interroge non sur l'aspect budgétaire de cette mesure, qui
correspond en fait à un ajustement à la réalité, mais plutôt - le rapporteur de
la commission des finances y a fait allusion - sur l'avenir des policiers
auxiliaires, maintenant que le service national repose sur le volontariat.
C'est là une préoccupation d'autant plus grande que les policiers auxiliaires
ont rempli des tâches tout à fait utiles pour la police nationale.
Le projet de loi sur le service national n'est pas fait pour me rassurer, car,
s'il est vrai qu'il y aura encore des volontaires - ceux qui se destineront à
une carrière dans la police - leur nombre sera-t-il aussi important quand il
n'y aura plus d'obligation de service national ? Mon inquiétude est la même
pour la gendarmerie et les unités d'instruction de la sécurité civile, dont
j'ai parlé tout à l'heure. En effet, faire reposer le recrutement de ces
auxilaires sur le seul volontariat me paraît poser des problèmes, sauf à les
rémunérer dans des conditions suffisantes, ce qui n'est pas prévu dans le
budget pour 1997.
S'agissant du système de communication numérique crypté, donc inviolable,
l'achèvement de sa généralisation n'est plus daté. Cela sous-entend le maintien
en service d'instruments de transmission obsolètes qui coûtent de plus en plus
cher. Je sais que, dans les domaines informatiques et de transmission, il n'est
pas facile de mettre au point des dispositifs efficaces et qu'il ne faut
surtout pas se tromper dans les choix technologiques. Tout retard en matière de
communication moderne ne peut que nuire à l'efficacité de la police.
Enfin, monsieur le ministre, j'en viens à un sujet qui vous préoccupe et pour
lequel vous avez engagé une réforme : les conditions de travail des policiers,
qui restent alarmants, voire inacceptables.
La question des suicides est d'ailleurs souvent évoquée dans la police. C'est
une réalité. Certains cherchent des causes très compliquées. Ces suicides sont,
en fait, bien souvent, la conséquence des conditions de travail des policiers,
d'où l'importance du programme que vous avez affecté au logement pour que les
policiers aient de meilleures conditions de vie familiale ; il est évident
qu'il faut continuer dans ce sens. Je me réjouis que dans le budget pour 1997,
malgré les difficultés, l'effort soit maintenu dans ce domaine.
Je ne peux, monsieur le ministre, que soutenir les actions que vous
entreprenez pour changer les conditions de travail. Malgré les traditions, que
je ne comprends pas très bien d'ailleurs, ou les résistances de certains
syndicats, qui ne veulent rien changer dans ce domaine, il est extrêmement
important que cette réforme destinée à donner aux policiers des conditions de
travail acceptables aboutisse.
Les conflits sociaux que nous connaissons le prouvent : l'éloignement prolongé
de la famille et les horaires complètement décalés désorganisent, perturbent
psychologiquement ceux qui y sont soumis. Il faut changer les choses ; c'est
très important pour le moral des policiers.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien entendu, et vous vous y attachez, il faut insister encore sur la
formation, notamment des policiers au premier échelon, en prenant mieux en
compte les aptitudes psychologiques que suppose ce métier.
Il faut encore faire un effort dans ce domaine, car un Etat ne peut se
permettre de négliger une de ses fonctions, la sécurité intérieure, sans
remettre en cause l'ensemble du fonctionnement de la société.
Mais il est vrai aussi que les Français - et ils le savent - ne peuvent pas se
passer de la police nationale et que, sans vouloir engager une polémique
inutile, ils lui doivent le respect que mérite cette fonction essentielle de
l'Etat.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
En résumé, monsieur le ministre, si la police lutte efficacement contre la
délinquance et l'immigration clandestine - j'en veux pour preuve le
démantèlement des ateliers clandestins, l'organisation d'opérations de
reconduite groupées et la création d'un nouvel office central, - elle a
simplement besoin de moyens plus performants, voire d'une plus grande souplesse
de gestion afin de faciliter la mise en oeuvre d'une action plus efficace, et
donc plus crédible.
On a aussi le droit d'exiger de la police qu'elle ait une attitude toujours
correcte. Les comportements individuels qui ne le seraient pas - il peut en
exister, comme dans tout corps social - doivent être sanctionnés. Il n'empêche
que, comme l'a dit l'un des rapporteurs, le Parlement doit apporter son soutien
à l'action difficile et dangereuse de la police, comme de la gendarmerie, qui
exerce les mêmes fonctions dans les campagnes.
Dans le domaine de la sécurité civile, le budget échappe aux rigueurs
budgétaires, puisqu'il progresse de plus de 2 %. Cette progression est
essentiellement due à la poursuite du programme des Canadair. Nous sommes
heureux que la dotation soit enfin à la hauteur de ce qui était prévu depuis de
longues années. La modernisation du parc des Canadair est une bonne chose, de
même que l'achèvement du programme de remotorisation des Tracker.
S'agissant de la modernisation du parc des hélicoptères, évoquée par M.
Laurin, je me permettrai d'avoir un avis légèrement divergent sur le plan
technique : je ne crois pas aux hélicoptères porteurs d'eau, sauf peut-être
pour les départs de feu. Mais les tâches ne manquent pas pour ces appareils de
la sécurité civile en matière de transport de personnes. Ils sont notamment
nécessaires en cas de catastrophe.
Toutefois, monsieur le ministre, je ne voudrais pas que le budget de la
sécurité civile ne soit, comme d'habitude, qu'un budget de lutte contre les
incendies de forêt du Midi.
Vous savez très bien que la sécurité civile en France repose largement sur les
collectivités territoriales. M. Laurin a évoqué largement les lois qui ont été
votées par le Parlement, à la fois sur l'organisation des services d'incendie
dans les départements et sur le volontariat. Je ne reviendrai pas sur ce qu'il
a dit concernant les décrets d'application en attente.
Il faut faire vite, monsieur le ministre. En effet, le vote d'une loi crée une
dynamique pour les collectivités locales ; si on tarde à la faire appliquer, le
sentiment de nécessité retombe un peu.
En l'occurrence, un certain nombre de collectivités locales réticentes avaient
fini par se convaincre de l'opportunité de cette nouvelle organisation des
services d'incendie ; aussi, ne tardez pas trop, faites en sorte que la plupart
des décrets soient publiés rapidement pour que la loi entre effectivement en
application.
Il en va de même, bien entendu, pour les lois relatives aux sapeurs-pompiers
volontaires. Ces derniers se sont réjouis de leur adoption, mais, maintenant,
il est souhaitable que leur mise en oeuvre intervienne rapidement.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'évoquer un dernier point.
Dans le domaine de la sécurité, comme dans d'autres d'ailleurs, les
collectivités locales souhaitent que l'on ne change pas les règlements tous les
jours, que l'on fasse preuve d'imagination. Cela a un coût pour chacun et ce
n'est pas parce que certains n'ont pas fait leur métier qu'on doit édicter de
nouvelles réglementations pour tous !
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l'Union centriste votera
bien volontiers les crédits de la sécurité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai
mon intervention à un problème qui me tient particulièrement à coeur en tant
qu'élu de Paris - je pense que tous les élus parisiens partagent mon sentiment,
à savoir la situation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Ce corps - monsieur le ministre, je ne vous apprendrai rien - non seulement
assure la sécurité des quelque dix millions de personnes qui vivent ou se
déplacent à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de
Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, mais accomplit également des missions
universellement reconnues qui vont bien au-delà, puisque les sapeurs-pompiers
de Paris interviennent très souvent à l'étranger et disposent d'un centre de
formation pour l'ensemble des pompiers de France.
La remarquable capacité opérationnelle de la brigade des sapeurs-pompiers de
Paris, son expérience, le dévouement de ses hommes, qui ont choisi de servir
les autres dans les moments de grande difficulté, méritent qu'on leur rende un
hommage appuyé et que les pouvoirs publics leur permettent de continuer leur
mission, dans les années à venir, dans les meilleures conditions.
Or, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris se trouve confrontée à deux
problèmes importants.
Tout d'abord, le nombre de ses interventions est en constante augmentation.
Ainsi, en 1968, pour un effectif de 5 549 personnes, le nombre des
interventions s'est élevé à 50 000. En 1994, les 6 851 militaires de la brigade
ont dû effectuer 353 000 interventions. Les conditions de travail sont dures,
la durée hebdomadaire de travail des sapeurs-pompiers est souvent de plus de
quatre-vingts heures. C'est dire le dévouement dont ils font preuve ! Il est
par conséquent nécessaire de maintenir, voire d'augmenter, les effectifs.
De plus, la réforme du service national va avoir des conséquences immédiates
sur les effectifs eux-mêmes et sur le coût de fonctionnement de la brigade des
sapeurs-pompiers.
Aujourd'hui, 20 % du personnel est constitué d'appelés, ce qui représente 1
200 hommes. La restructuration des forces armées va, bien entendu, entraîner
une nouvelle méthode de recrutement.
Quelle que soit la méthode choisie - professionnalisation, appel au
volontariat - les incidences budgétaires de cette restructuration sont
importantes et inéluctables.
Une première phase de recrutement devra en effet intervenir dès 1997, afin que
la répercussion financière de la réforme soit étalée sur plusieurs années.
Il en est de même pour le repyramidage - je n'aime pas beaucoup ce terme, mais
c'est, paraît-il, le terme consacré - c'est-à-dire la transformation des postes
d'appelés de haut niveau en postes d'officier et sous-officier, et
l'augmentation du taux de gradés, qui est actuellement de 35 %, c'est-à-dire un
seuil très inférieur au taux moyen de l'armée de terre.
Par ailleurs, des dépenses vont intervenir immédiatement. Ainsi, la solde
forfaitaire qui était versée aux militaires du rang sous contrat pendant la
durée légale de dix mois du service national sera remplacée par la solde
spéciale progressive attribuée aux caporaux et aux sapeurs servant au-delà de
cette durée légale d'un coût largement supérieur.
Il est donc tout à fait indispensable de prévoir, à l'occasion de ce débat
budgétaire, l'enveloppe financière qui permettra d'obtenir une répartition
cohérente sur quatre ou cinq ans du surcoût budgétaire entraîné par la
restructuration des forces armées, laquelle doit être assurée par l'Etat et non
pas par les collectivités locales.
Compte tenu de l'importance de l'enjeu, monsieur le ministre, je voudrais que
vous nous donniez l'assurance que la brigade des sapeurs-pompiers bénéficiera
des moyens nécessaires pour faire face, comme elle l'a toujours fait, dans
l'urgence, aux catastrophes et aux détresses d'une grande ville telle que
Paris.
Il y va de la sécurité de la capitale et de la petite couronne, de leurs
habitants et de ceux qui y travaillent, comme de la confiance et de la
reconnaissance que les Français ont envers ceux qui leur viennent en aide, sans
relâche et avec tant de dévouement, depuis si longtemps.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
Monsieur le ministre, le débat sur le budget de la police intervient dans un
contexte national particulièrement difficile, caractérisé par un accroissement
du sentiment d'insécurité, qu'il s'agisse d'une insécurité morale, avec
l'accroissement du chômage, la régression sociale et la hausse considérable de
la pression fiscale, ou d'une insécurité physique, due au développement des
phénomènes de violence et des atteintes répétées aux personnes et aux biens.
Loin de régresser, cette violence augmente dans les zones urbaines. Elle a
gagné des domaines jusque-là préservés, comme les établissements scolaires ;
elle se banalise, tout comme se banalisent les zones de non-droit, où la loi
républicaine est bafouée.
Les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées et
multiplient les efforts de prévention avec des moyens qui diminuent. La
population et les élus constatent le malaise qui grandit au sein des personnels
de police, dont le découragement prend, trop souvent maintenant, une forme
dramatique.
Plus que jamais, les policiers doivent être proches de la population, présents
sur le terrain, parfaitement formés aux missions qui les attendent et disposer
de moyens adaptés aux nouveaux défis lancés par la criminalité moderne.
Or, le projet de budget que vous nous proposez pour 1997 est en baisse, ce qui
est alarmant au regard des besoins de la police et des attentes de la
population dans le domaine de la sécurité.
A la lecture de votre budget, on ne peut que constater qu'il consacre
l'abandon de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité,
tant on est loin des mesures qu'elle prévoyait, des financements et des délais
qu'elle annonçait.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, ne semble pas tenir compte de la
réalité vécue quotidiennement par les Français. L'insécurité augmente, et vous
diminuez les effectifs !
Cette situation est paradoxale. Vous ne pouvez espérer répondre aux besoins de
sécurité des Français en supprimant 621 emplois et en repoussant, pour la
quatrième année consécutive, la création de postes de titulaires, pourtant
seuls garants d'une véritable professionnalisation de la police.
Les réductions d'effectifs prévues pour le corps des officiers et le corps des
commissaires ne sont pas compensées par un recrutement supplémentaire de
gardiens de la paix.
Elles entraîneront inévitablement un transfert de travail sur ces derniers et,
par voie de conséquence, une diminution des policiers en tenue sur la voie
publique.
Vous vous êtes fondé sur le fait que 500 postes de policiers auxiliaires
prévus dans le budget pour 1996 n'avaient pas été pourvus pour les supprimer en
1997. Il est tout à fait regrettable de renoncer ainsi à la possibilité de
recourir à un nombre supérieur de fonctionnaires dont les missions s'exerçaient
au plus proche de la population.
Ce que l'on peut conclure de cette réduction des effectifs, c'est qu'elle est
incompatible avec la mise en oeuvre d'une police de proximité, proche des
citoyens. Elle marque aussi le renoncement à une police préventive, car, faute
de moyens humains, elle devra se limiter à l'intervention et à la
répression.
Cette insuffisance d'effectifs ne peut que favoriser la multiplication des
sociétés de gardiennage, avec tous les risque que cela comporte. Elle aboutit,
à terme, au transfert de nouvelles charges de l'Etat vers les collectivités
territoriales en incitant à la création de polices municipales, qui
alourdissent les budgets des communes et ne remplaceront jamais les
fonctionnaires de la police nationale. Elle constitue, enfin, une remise en
cause de la mission régalienne de l'Etat.
Il est par ailleurs tout à fait inquiétant de constater que la diminution des
effectifs s'accompagne d'une réduction des crédits de formation.
Ces crédits, qui stagnaient depuis deux ans, sont en baisse de 7 % par rapport
à l'année dernière. La dotation budgétaire pour l'école nationale de la police
subit une importante diminution, alors que la dotation de l'institut des hautes
études de sécurité intérieure régresse de 12 %.
Dans une société qui évolue, les policiers doivent savoir appréhender de
nouvelles réalités sociales, de nouvelles formes de criminalité. Leur formation
est seule garante de leur qualité et de leur efficacité. Ce dont les policiers
ont besoin, c'est d'accroître leur professionnalisation, et donc leur formation
!
Le souci d'économie qui prévaut dans votre budget, comme dans beaucoup
d'autres, monsieur le ministre, concerne également les moyens mis à la
disposition des fonctionnaires de police.
Comment la police peut-elle mener à bien sa mission alors que les crédits de
fonctionnement régressent de 180 millions de francs ?
Comment espérer régler le problème de la vétusté des locaux alors que les
crédits immobiliers accusent une nette diminution par rapport à 1996 ?
Relevons également que les moyens consacrés aux transmissions ne permettront
pas de rattraper le retard accumulé dans la mise en place du réseau de
transmission crypté ACROPOL, qui doit assurer l'inviolabilité des
communications de la police. Il est, à ce titre, essentiel pour le bon
fonctionnement de la police, l'efficacité et la sécurité des policiers.
Ce réseau devait être étendu à l'ensemble du territoire sur une période de
sept ans. Nous sommes très loin de ces prévisions puisque, aujourd'hui, deux
villes seulement sont équipées et que nul ne peut affirmer que le réseau
ACROPOL sera opérationnel dans le département de la Seine-Saint-Denis pour la
coupe du monde de football, en 1998.
Il reste, concernant l'évolution de la police nationale, de nombreux problèmes
sur lesquels votre projet de budget n'apporte aucune perspective de
solution.
C'est le cas pour les tâches indues de la police, qui continuent de mobiliser
trop de policiers hors de leurs missions prioritaires.
C'est le cas pour l'allocation de service perçue par les commissaires au titre
des vacations funéraires et d'assistance d'huissier : l'Etat ne parvient
apparemment pas à collecter l'argent de ces vacations, ce qui alourdit d'autant
la charge de trésorerie du ministère de l'intérieur. Monsieur le ministre, je
réitérerai donc ici la question que vous a déjà posée Daniel Vaillant à
l'Assemblée nationale : pouvez-vous nous dire pourquoi des sommes très
importantes liées à ces vacations ne sont pas recouvrées par le ministère des
finances ?
On peut également s'étonner que les CRS consacrent deux tiers de leur temps à
des missions de sécurisation, ce qui se traduit par un surcoût élevé des frais
de déplacement et de logement.
Par ailleurs, le partage actuel des responsabilités et des attributions entre
la police et la gendarmerie soulève de nombreuses interrogations, car il ne
s'intègre pas dans une politique globale de gestion des effectifs qui
concourent à la sécurité.
Monsieur le ministre, pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd'hui à
notre pays dans le domaine de la sécurité, la police doit disposer de
personnels suffisants, bien formés et bien équipés. Votre projet de budget ne
permet pas d'avancer en ce sens. Aussi le groupe socialiste ne le votera-t-il
pas.
M. Jean Chérioux.
Quelle surprise ! C'est un scoop !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Et pendant quatorze ans, ils ont été au pouvoir
! Ils sont amnésiques !
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Calmejane.
Qu'ont-ils fait pendant tout ce temps ? Rien !
M. André Rouvière.
Et vous, que faites-vous ? Vous ne savez que vous tourner vers le passé !
M. le président.
La parole est à M. Pagès, et à lui seul.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années, trop d'années, lors de la discussion du budget relatif à la
sécurité, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen commencent
leur intervention par ce triste constat : l'insécurité se nourrit de la crise
profonde de notre économie, de la dégradation importante du tissu social, des
inégalités et des exclusions sociales grandissantes.
Et, selon nous, ce ne sont pas les orientations du gouvernement actuel qui
vont atténuer la crise profonde que traverse notre pays. Le projet de loi de
finances pour 1997, dans son ensemble, en est l'illustration flagrante, marqué
qu'il est du sceau de Maastricht.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, n'y échappe pas et ne peut donc
répondre aux attentes de la population en matière de sécurité.
En effet, les critères exigés pour la réalisation de l'union économique et
monétaire étant la « réduction des déficits publics » et la « compression
drastique des dépenses publiques », on comprend les difficultés dans lesquelles
se trouve votre ministère.
Ainsi, pour 1997, le budget géré par le ministère de l'intérieur, regroupant
l'administration générale, l'administration territoriale, la sécurité civile et
la police nationale, est en baisse de 0,3 % par rapport au budget voté de
1996.
S'agissant des effectifs, votre ministère comptait 137 459 agents en 1996. En
1997, ils ne seront plus que 136 839, soit une réduction de 621 agents. Comment
peut-on penser un instant qu'il y a trop de fonctionnaires dans la police ?
En huit ans, ce sont plus de 1 000 fonctionnaires de la police urbaine qui ont
disparu !
Depuis 1985, pour combler le manque criant de personnel, on a eu recours à des
appelés du contingent. Si, au début, ces derniers ne représentaient qu'un
apport complémentaire, ils sont devenus, au fil du temps, un élément essentiel
de la police, alors qu'ils n'ont pas reçu de formation suffisante.
Et ce n'est pas la loi d'orientation et de programmation relative à la
sécurité qui viendra pallier le manque d'effectifs puisque non seulement
l'application du plan a été rééchelonnée mais le recrutement de 5 000 agents
administratifs et techniques qui était prévu n'a pas reçu les crédits
nécessaires à son financement.
M. Cabanel, rapporteur spécial, reconnaît lui-même dans son rapport écrit que
« le projet de budget de la police nationale pour 1997 marque une pause dans la
mise en oeuvre du volet programmation de la loi d'orientation du 21 janvier
1995 ».
Il note également : « Si le ministère de l'intérieur évoque, pour l'instant,
un étalement sur une seule année supplémentaire, la nécessité de l'action du
Gouvernement imposerait plutôt d'annoncer un échéancier sur sept ou huit
exercices, tant les retards sont devenus manifestes. »
Voilà où en est votre plan quinquennal. Est-ce là votre conception de la
sécurité publique, laquelle constitue pourtant une mission souveraine, inscrite
dans la Constitution ?
Je regrette d'avoir à faire une nouvelle fois un tel constat cette année.
Outre que ce budget est insuffisant, nous n'avons aucune garantie quant à son
exécution. Déjà, en 1996, est intervenu un gel de 5 % des crédits. Qu'en
sera-t-il en 1997 ?
Le temps me manque pour traiter de la situation en Corse. J'évoquerai
seulement l'inefficacité chronique de l'action gouvernementale pour y rétablir
la sécurité et le respect des droits démocratiques. Nous attendons toujours
l'engagement d'une action déterminée contre le terrorisme.
Je déplore, étant donné l'ampleur des problèmes, le fait que, cette année, mon
groupe ne dispose que de cinq minutes pour intervenir sur un budget aussi
déterminant pour les populations que celui de la sécurité. Les budgets ne sont
pas les seuls à subir des réductions drastiques : les temps de parole, surtout
ceux du groupe communiste républicain et citoyen, aussi !
Je devrai donc intervenir de nouveau lors de l'examen du titre III pour
apporter quelques compléments, mais chacun aura d'ores et déjà compris que les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet
de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le but de
toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à l'oppression ».
Ainsi, aux termes de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen, la sécurité est un droit de l'homme, et le rôle fondamental de
l'Etat est un rôle de protection du citoyen.
Et pourtant, un siècle plus tard, en 1905, un certain Eugène Villiod,
détective, publiait un ouvrage au titre suggestif,
Comment on nous vole,
comment on nous tue,
dans lequel on pouvait lire : « Une des
caractéristiques de notre époque est la progression effrayante de la
criminalité : il n'est pas de jour où les journaux n'enregistrent de nombreux
et monstrueux attentats contre les personnes ou la propriété.
« Particularité plus navrante encore, ces forfaits sont généralement l'oeuvre
de jeunes gens agissant non isolément. Aussi n'y a-t-il qu'une voix pour
accuser l'insuffisance de la préservation sociale. L'audace toujours croissante
des malfaiteurs, leur nombre chaque jour grandissant sont la meilleure preuve
qu'elle ne répond pas aux nécessités d'une situation qui devient de plus en
plus inquiétante. »
D'une actualité évidente avant 1993, ce propos devient chaque jour plus
inexact grâce à la politique ambitieuse et courageuse que vous conduisez,
monsieur le ministre, dans le droit-fil des orientations de votre
prédécesseur.
En effet, dans la plupart des domaines, qu'il s'agisse de la délinquance, de
la drogue, de l'immigration clandestine ou du terrorisme, vous avez obtenu,
depuis dix-huit mois, de très bons résultats.
Les chiffres rappelés par notre collègue Paul Masson dans son excellent
rapport l'attestent : 254 000 crimes ou délits de moins constatés en 1995, ce
qui correspond à une diminution de la criminalité de 6,50 % par rapport à
l'année précédente. Et les premières indications disponibles pour 1996
confirment cette tendance : sur les sept premiers mois de cette année, la
diminution de la délinquance constatée dans la seule ville de Paris est de près
de 10 %.
Néanmoins, je partage l'opinion exprimée par nos collègues de la commission
des lois, qui ont souligné le décalage existant entre, d'un côté, des chiffres
objectivement favorables et, de l'autre, la montée concomitante d'un sentiment
d'insécurité, qui s'observe aussi bien dans les villes que dans les zones
rurales.
Il est vrai que la narration de certaines mésaventures individuelles participe
de cette atmosphère. Elu parisien, je ne peux qu'être inquiet devant le
développement de nouvelles formes de piraterie de la route en milieu urbain. Un
de mes administrés en a été récemment victime.
Après avoir été intercepté alors qu'il se trouvait dans sa voiture avec son
épouse, il en a été extrait, si j'ose dire,
manu militari,
pour être
finalement dépossédé de son véhicule. J'espère que ce n'est qu'un cas isolé
!
Cela étant, la police nationale connaît aujourd'hui une profonde
réorganisation, engagée par la loi d'orientation et de programmation relative à
la sécurité du 21 janvier 1995. Avec près de 28 milliards de francs, le projet
de budget de la police qui nous est présenté reste stable et permet de
poursuivre la modernisation entreprise tout en affichant la contribution du
ministère de l'intérieur à l'indispensable maîtrise des dépenses publiques.
En effet, ce projet de budget engage plus avant la police dans la voie de la
modernité et, guidé par le souci de la proximité, il permettra d'améliorer
sensiblement les conditions de vie et de travail des personnels.
Ainsi, l'effort en faveur du logement des policiers bénéficie de dotations
importantes : 160 millions de francs d'autorisations de programme, ce qui se
traduira par neuf cents logements nouveaux offerts aux personnels de police.
Dans le même esprit, le programme immobilier sera poursuivi, avec la livraison
de 50 000 mètres carrés de locaux en 1997.
Concernant les personnels, les engagements en matière indemnitaire sont
respectés et les effectifs de police globalement maintenus.
A cet égard, monsieur le ministre, je formulerai deux observations.
La première concerne la médaille d'honneur de la police, créée voilà plus de
trente ans pour récompenser les agents ayant effectué vingt ans de service.
Cette médaille est accompagnée d'une prime de 100 francs, dont le montant n'a
jamais été revalorisé. Aussi, m'associant à l'hommage qui a été rendu aux 137
000 fonctionnaires de police qui assument avec dévouement et compétence leurs
missions dans un contexte toujours plus difficile, je pense que, par
redéploiement budgétaire, on pourrait revaloriser substentiellement cette
prime. La reconnaissance de la nation à ses protecteurs s'exprimerait ainsi
pleinement.
Ma seconde observation a trait aux effectifs et aux interrogations qui s'y
attachent. Si la suppression de cinq cents emplois de policiers auxiliaires
correspond à un ajustement justifié, la substitution du volontariat au service
national aura des répercussions en termes de recrutement pour la police.
J'espère qu'elle ne se traduira pas par un transfert de charges supplémentaire
pour les collectivités locales.
Enfin, comment ne pas rappeler l'impérieuse nécessité de tenir les engagements
de l'article 4 de la loi d'orientation ? Il est, en effet, essentiel de
décharger les policiers des trop nombreuses tâches indues qui les accaparent,
en particulier des tâches purement administratives.
Les conclusions du rapport Danilet révèlent par ailleurs que 40 % des tâches
indues, en 1995, sont des tâches parajudiciaires, représentant 2 646
équivalents-fonctionnaires détournés de leur mission première.
Tout aussi importante est la réforme qui doit conduire à l'abandon de la
cinquième brigade ou du système dit « 3-2 » - trois jours de travail, deux
jours de repos - dont les effets pervers ont été largement démontrés, au profit
d'un système fondé sur des rythmes plus réguliers : quatre jours de travail,
deux jours de repos.
Vous avez, monsieur le ministre, le courage de remettre à plat ce système
totalement inadapté qui aboutit, en moyenne, à 209 jours « hors service » sur
365 et qui, pour assurer un minimum de service, oblige à recourir aux heures
supplémentaires, que l'on n'a, bien entendu, pas les moyens de payer et que
l'on dédommage donc par des congés de récupération majorés. J'avais ainsi pu
calculer en 1985, qu'au rythme où allaient les choses toute la police
parisienne aurait été, vers l'an 2000, en congé de récupération !
Point n'est besoin d'augmenter les effectifs dès lors qu'une organisation plus
intelligente accroît la présence effective sur le terrain.
Malgré les bons résultats obtenus à ce jour et les bonnes dispositions prises
pour l'avenir, des inquiétudes demeurent. La délinquance des mineurs croît
dangereusement depuis l'année dernière. La drogue reste un véritable fléau. La
prévention et la répression devront être encore accentuées. De même,
l'amélioration du taux d'élucidation devra faire l'objet de toutes les
attentions. On ne dira jamais assez, monsieur le ministre, que le laxisme est
une injustice faite aux victimes.
On l'a rappelé tout à l'heure, la lutte contre l'insécurité est une chaîne ne
tolérant pas de discontinuité. Clemenceau n'avait de cesse de dire que « la
police est faite pour rassurer les honnêtes gens et inquiéter les malfaiteurs
». Encore faut-il qu'elle ne soit pas contrainte à un travail de Sisyphe parce
que le voleur arrêté hier est libéré aujourd'hui et recommencera à voler
demain. Et le professeur Jean-Claude Soyer de conclure : « Police sans justice
ne vaut ». Mais c'est un autre débat !
M. Emmanuel Hamel.
Grand débat !
M. Bernard Plasait.
Enfin, la lutte contre l'immigration irrégulière nécessitera encore un
renforcement des moyens tant juridiques que matériels et humains. Le Parlement
débattra prochainement d'un projet de loi sur l'immigration dont les
dispositions, attendues par nos compatriotes, vont dans la bonne direction.
Mais nul n'ignore que, si l'élaboration de la loi est importante, son
application l'est plus encore, sous peine de voir un texte de plus rester
lettre morte.
Dès votre plus jeune âge, monsieur le ministre, vous avez appris d'un grand
homme d'Etat que « la faiblesse attire la foudre ». Vous conduisez, dans la
ligne de cet enseignement, une politique forte, que ce budget réaliste traduit,
et je l'approuve.
Cependant, il s'agit d'un travail herculéen. Pour nettoyer les écuries
d'Augias, il vous faudra encore détourner bien des fleuves. Mais la bataille de
la sécurité doit être gagnée. C'est seulement lorsque la paix intérieure aura
été assurée que les Français pourront retrouver, selon la formule de
Montesquieu, « cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun
a de sa sûreté ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Avant de développer quelques aspects de ce budget, je tiens tout d'abord à
féliciter le Gouvernement et, en premier lieu, vous-même, monsieur le ministre
de l'intérieur, des efforts accomplis en matière de sécurité publique. Depuis
plus de dix-huit mois, les résultats sont très encourageants, même si
l'insécurité reste, malheureusement, encore intolérable dans certains
secteurs.
La délinquance a en effet diminué de 4,6 % sur les six premiers mois de 1996.
Pour l'année 1995, cette baisse a été de 6,5 % par rapport à 1994.
Dans la luttre contre l'immigration clandestine, votre fermeté a permis
l'augmentation du nombre des étrangers éloignés de France.
Enfin, je me dois de rappeler votre efficacité face à la vague terroriste qui
a secoué la France voilà un peu plus d'un an. En quelques mois, les auteurs
d'attentats aveugles et meurtriers ont été neutralisés ou mis à la disposition
de la justice.
Monsieur le ministre, tous ces résultats montrent que vous êtes sur la bonne
voie. Vous avez d'autant plus de mérite qu'il vous faut rétablir une situation
qui s'était particulièrement dégradée sous les gouvernements de gauche.
Je mets bien évidemment entre parenthèses la période comprise entre 1986 et
1988, au cours de laquelle, alors que M. Jacques Chirac était Premier ministre,
les chiffres de la délinquance étaient également à la baisse dans notre
pays.
Le budget que vous présentez est un budget de raison, car il participe à
l'effort de réduction des déficits publics tout en maintenant les priorités en
matière de sécurité. Il est important d'expliquer aux Français, comme vous le
faites, qu'il n'est pas utile de dépenser plus, mais qu'il faut dépenser
mieux.
Notre pays a connu, dans le passé, un laxisme budgétaire sans précédent. Nous
savons où ces comportements nous ont menés.
En 1981, la dette publique s'élevait à 400 milliards de francs ; en 1995, elle
atteignait 3 255 milliards de francs. Si au moins cette flambée de la dépense
publique s'était accompagnée de quelques résultats encourageants ! Mais chacun
sait que tel n'est malheureusement pas le cas.
Les socialistes et les communistes responsables de cette dérive feraient bien
de recouvrer la mémoire et de se garder de donner des leçons dans des domaines
où ils ont échoué de manière si remarquable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. André Rouvière.
C'est toujours le même refrain !
M. Christian Demuynck.
Nous savons également que ce sont vos prédécesseurs socialistes qui sont à
l'origine de la dette de votre ministère à l'égard de France Télécom. Née en
1982, cette dette s'élevait à 250 millions de francs en 1986. Elle a triplé
entre 1988 et 1993. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser quelles
en sont les conséquences sur le budget que vous présentez aujourd'hui ?
Nous ne rappellerons jamais assez le courage et la persévérance des
fonctionnaires de police, qui doivent assurer la sécurité de nos concitoyens.
Nous devons, une fois de plus, leur rendre hommage. Dans les centres urbains et
les banlieues sensibles, ils sont en prise directe avec les problèmes de
dégradation, de toxicomanie et de violence, quelquefois au péril de leur vie.
Nous savons qu'ils ont besoin de se sentir soutenus et reconnus, et non pas
critiqués et accusés systématiquement.
Ce budget, qui s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation votée en 1995,
va dans ce sens et prend en compte la mise en oeuvre de nouvelles mesures
indemnitaires et catégorielles. Il engage également la police dans la voie de
la réorganisation des rythmes de travail.
Actuellement, dans les services de sécurité publique, les fonctionnaires
concentrent un très grand nombre d'heures sur trois jours. On imagine aisément
les répercussions que peuvent avoir de tels rythmes de travail sur leur santé
physique et psychologique.
Cette réforme horaire, qui s'est opérée dans la concertation, est fondée sur
des rythmes plus réguliers, à savoir quatre jours de travail et deux jours de
repos. Elle répond à une attente des policiers.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire, concrètement, quelles sont les
conséquences de cette réforme non pas sur les rythmes de vie pour les
fonctionnaires, mais sur l'efficacité des services de police ?
Depuis votre arrivée au pouvoir, les Français ont compris votre volonté de
lutter sans relâche contre l'immigration clandestine. Dans ce domaine
également, le Gouvernement doit gérer les années d'irresponsabilité des
gouvernements socialiste et communiste. La régularisation de plus de 130 000
clandestins a été à l'origine de l'afflux de plusieurs centaines de milliers
d'immigrants irréguliers.
M. Emmanuel Hamel.
Cela a été souvent rappelé !
M. Christian Demuynck.
Ce n'est qu'avec la fermeté que vous manifestez que la situation pourra
s'améliorer. Sur les six premiers mois de 1996, les expulsions ont augmenté de
24 %. Depuis dix-neuf mois, plus de 18 500 étrangers en situation irrégulière,
soit près de 1 000 par mois, ont été reconduits à la frontière. Nous ne pouvons
que vous encourager à systématiser la méthode des charters. Outre son
efficacité, elle a valeur d'exemple et dissuade les éventuels candidats à
l'immigration.
Bien évidemment, les reconduites à la frontière doivent s'accompagner d'une
amélioration des textes. C'est ce que vous avez prévu dans les deux projets de
lois en préparation : le premier a trait à la lutte contre le travail
clandestin, le second clarifiera le dispositif des reconduites à la
frontière.
Nous avons tous bien évidemment en mémoire les événements qui se sont
déroulés, l'été dernier, dans l'église Saint-Bernard.
Une fois de plus, les Français ont été témoins de votre volonté de lutter
contre l'immigration clandestine, mais ils n'ont pas compris les lourdeurs
administratives et judiciaires qui ont empêché un renvoi effectif en dehors de
nos frontières. Ces événements illustrent bien la difficulté de votre tâche.
Il est surprenant que, de plus en plus, les nombreuses procédures et barrières
administratives empêchent de traduire rapidement et efficacement sur le terrain
la volonté des élus.
Nous retrouvons également, malheureusement, cette lourdeur administrative à
l'échelon local. Je prendrai l'exemple de ma ville.
A la fin de l'année 1993, j'avais alerté votre prédécesseur sur l'urgente
nécessité de réhabiliter le bâtiment vétuste - et quand je dis « vétuste », je
suis loin de la réalité - et exigu qui abrite le commissariat de
Neuilly-sur-Marne et de Neuilly-Plaisance, en Seine-Saint-Denis. J'ai réussi à
obtenir 10,5 millions de francs pour cette réhabilitation.
La décision politique était donc prise et les crédits inscrits au budget. Tout
était réglé. C'était compter sans la lenteur administrative !
En 1994, il était prévu que le chantier commence en janvier 1995 pour une
durée maximale d'un an. Aujourd'hui, le chantier est toujours au point mort.
Son démarrage est annoncé en mars 1997 pour une durée de dix-sept mois.
A quoi sert-il que des élus ou un ministre interviennent sans cesse pour
obtenir l'avancement des dossiers, si l'administration chargée d'appliquer les
décisions prises par les hommes politiques font traîner les choses ? Nous
pouvons légitimement nous inquiéter de cette évolution, que trop d'élus
connaissent bien.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez déployé des moyens
supplémentaires pour la police, notamment dans un département que je connais
bien puisqu'il s'agit de la Seine-Saint-Denis. Grâce à ces efforts, le front de
la délinquance y est resté stable en 1996. En 1995, sur l'année complète, la
criminalité y a reculé de 7,27 %.
Vous avez, par ailleurs, engagé un vaste programme de réhabilitation des
commissariats et, notamment, la reconstruction de celui de Bobigny, qui
abritera la police judiciaire et les renseignements généraux. Toutefois, rien
n'est prévu pour la direction départementale de la sécurité publique, la DDSP,
qui souffre de la vétusté de ses locaux. Or, lors de la coupe du monde de
football, qui se déroulera en juin 1998 à Saint-Denis, la surveillance et la
gestion de la sécurité seront assurées par la DDSP.
Ne pourrait-on pas profiter de la coupe du monde pour engager une rénovation
de ces bâtiments en même temps que ceux de la police judiciaire et des
renseignements généraux ?
L'implantation du Stade de France aura également des conséquences à long terme
en matière de sécurité publique. Outre les nombreuses manifestations sportives,
on annonce déjà l'organisation de concerts pour 1998. La construction d'un
commissariat de plein exercice, sur le site de La Plaine-Saint-Denis, qui est
appelé à connaître un développement urbain considérable, me semble une réelle
nécessité. Pourriez-vous, monsieur le ministre, me préciser si une décision
peut être prochainement prise sur ce point ?
Enfin, pour en revenir au budget lui-même, le projet de loi de finances
intègre les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du réseau ACROPOL.
Serait-il possible de concentrer tous les efforts pour que ce système de
communication performant soit prêt et totalement opérationnel pour la coupe du
monde, et ce même si nous sommes équipés avant la ville de Paris ?
L'utilisation d'ACROPOL constituerait une garantie supplémentaire de réussite
de cet événement mondial, qui nécessitera une grande vigilance en matière de
sécurité.
Cela dit, monsieur le ministre, nous ne pouvons que soutenir votre budget, qui
s'attache à préserver les missions régaliennes de l'Etat. Les crédits de la
police nationale resteront stables, la réforme des cycles horaires est engagée,
les effectifs de la police nationale seront en augmentation sensible et les
crédits d'équipement resteront conformes à ceux de 1996.
Monsieur le ministre, je salue votre courage et votre souci d'une meilleure
efficacité de notre police tout en participant à la nécessaire maîtrise des
dépenses publiques. Votre politique est bonne. Poursuivez-la sans état d'âme.
Vous pouvez compter sur nous. Nous vous soutenons et nous voterons votre
budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Il est malheureusement facile de constater que les problèmes de sécurité sont
d'une actualité inquiétante dans la vie quotidienne. Ils le sont aussi en
matière financière, tant au niveau des collectivités locales, communes et
départements, que du point de vue de vos propositions budgétaires, monsieur le
ministre. Celles-ci s'inscrivent dans la démarche du Gouvernement tendant à
maîtriser les dépenses publiques.
L'an dernier, vous avez diminué de 20 % le budget de la protection civile.
Cette année, vous ne rattrapez pas cette diminution, mais vous stabilisez votre
projet de budget, qui augmente globalement de 2 %.
Un examen plus attentif révèle que vous privilégiez les dépenses d'équipement
au détriment de celles de fonctionnement. En effet, ces dernières baissent de
4,7 %.
Ce recul important concerne les dépenses de personnel et les subventions :
celles qui sont allouées aux services départementaux d'incendie et de secours,
les SDIS, et aux collectivités locales diminuent de 43,4 %, passant de 24,1
millions de francs à 13,6 millions de francs. Cette amputation de 10,5 millions
de francs est très grave, monsieur le ministre. Elle sera, je le crains,
répercutée sur le budget des collectivités locales.
Ces dernières voudraient pouvoir faire comme vous, c'est-à-dire réduire ou,
tout au moins, stabiliser leurs dépenses de sécurité civile. Or, elles ne le
peuvent pas, non pas uniquement de leur fait, mais parce que leurs budgets
dépendent souvent en grande partie des décisions que vous prenez ou non.
Parmi celles que vous prenez figure la mise en place d'un pacte de stabilité
pour les aides aux communes. Pourquoi le Gouvernement ne fait-il pas de même
pour les dépenses qu'il impose aux communes et aux départements ?
Dans votre projet de budget, vous réduisez le remboursement aux SDIS des
opérations extradépartementales. Mais si leur coût, en 1997, dépasse vos
prévisions, qui paiera la différence ? Les départements ?
Mon inquiétude est plus profonde. Le Gouvernement a décidé de supprimer le
service national avant que nous en débattions. Or, de nombreux sapeurs-pompiers
auxiliaires sont répartis dans plusieurs départements ; ils ne travaillent pas
uniquement à Paris. Leur remplacement par des volontaires ou des militaires
entraînera, c'est certain, un surcoût. Seront-ils remplacés ? S'ils le sont,
qui supportera ce surcoût ? Les départements ? Les communes ? Certes, cette
situation ne se produira pas en 1997, mais pourriez-vous me répondre, monsieur
le ministre ? Votre budget de fonctionnement baisse, en 1997, et il ne prépare
pas cet avenir, qui est proche.
Bien sûr, vous-même et ceux qui appartiennent au même courant politique que
vous, évoquez sans cesse l'héritage socialiste.
M. René Rouquet.
C'est vrai !
M. André Rouvière.
Permettez-moi de parler du vôtre. Je crains que votre successeur n'ait une
situation difficile à gérer, ne serait-ce que pour remplacer ceux que le
service national mettait à la disposition des sapeurs-pompiers dans plusieurs
départements.
M. René-Georges Laurin,
rapporteur pour avis.
Nous n'en sommes pas là !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Rassurez-vous, ce ne sera pas vous !
M. André Rouvière.
Je sais bien que ce ne sera pas moi, je ne me fais pas d'illusion sur ce
point,...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Moi non plus !
M. André Rouvière.
... mais il y en aura d'autres et, là non plus, l'héritage ne sera pas facile
à maîtriser. Nous pourrons alors parler du vôtre !
Les collectivités vont, une fois de plus, supporter le poids de décisions dont
elles ne sont pas les auteurs. Déjà, certaines communes ont subi, d'une année à
l'autre, des augmentations de l'ordre de 50 % en matière de dépenses de
sécurité civile.
M. Jean-Jacques Hyest.
Forcément, elles ne faisaient rien avant !
M. André Rouvière.
C'est en partie le résultat de décisions semblables à celles que je viens de
rappeler. C'est également le résultat d'un défaut de réglementation précise.
Un certain nombre de décisions pourraient être prises, monsieur le ministre,
et, quant je dis cela, ce n'est pas pour polémiquer. Il s'agit d'être efficace
et de mener une réflexion aussi objective que possible, même si tout n'est pas
agréable à entendre.
Depuis le drame de Furiani, la plupart des sapeurs-pompiers, auxquels je rends
hommage, vivent dans l'obsession quasi permanente du reproche ou de la sanction
pour faute ou imprévoyance. Cela les conduit naturellement à développer des
comportements sécuritaires, qui, souvent, se traduisent par des coûts très
élevés.
Nous sommes tous d'accord pour accroître la sécurité. Mais nous sommes
d'accord également pour nous demander jusqu'où et jusqu'à quand nous pourrons
payer.
Je ne reproche pas aux commissions de sécurité d'être prudentes, mais il est
urgent, monsieur le ministre, de préciser la réglementation et d'admettre que
le risque zéro est une utopie. Il est urgent de préciser que la responsabilité
n'incombe pas uniquement au décideur, à l'organisateur, et que l'utilisateur
doit aussi assumer sa part de responsabilité.
La surenchère aux mesures de sécurité décidées par les commissions de sécurité
devient financièrement insupportable.
Il serait d'ailleurs intéressant que ces mêmes commissions de sécurité, ou
d'autres, appliquent la même rigueur à l'Etat en ce qui concerne son propre
patrimoine : je pense aux routes nationales, même si ce n'est pas votre
domaine, monsieur le ministre. Cela nous permettrait de voir comment vous et
vos collègues du Gouvernement pouvez concilier rigueur financière et rigueur
sécuritaire, car nous, élus locaux, nous n'y parvenons plus !
Monsieur le ministre, je souhaite la mise en place d'une réglementation qui
fasse la part des choses, si je puis dire.
Il faut assurer un équilibre entre la recherche nécessaire de sécurité et son
coût.
Il faut que les mesures de sécurité, en ce qui concerne aussi bien
l'investissement que le fonctionnement, soient compatibles avec les moyens
financiers des collectivités et des particuliers, de façon qu'elles soient
supportables.
Il faut mettre en place une responsabilité partagée entre le décideur, le
responsable légal et l'utilisateur.
Monsieur le ministre, nous attendons que vous réglementiez des comportements
qui, aujourd'hui, nécessitent un effort financier trop important.
Je ferai une suggestion, et ce sera ma conclusion : les sapeurs-pompiers
interviennent lorsqu'il y a accidents routiers ; dans la plupart des cas, deux,
voire trois, véhicules se rendent sur les lieux, alors que, bien souvent, un
seul suffirait.
Je ne suis pas opposé à cette façon de procéder, mais elle a un coût que,
bientôt, les collectivités ne pourront plus assumer.
A l'heure où la communication entre un centre de secours et un véhicule de
sapeurs-pompiers s'effectue dans l'instant, ne pouvez-vous pas préciser la
réglementation, afin d'alléger le coût des interventions, tout en permettant
aux sapeurs-pompiers d'agir au mieux sans être hantés par la crainte d'être
accusés de ne pas avoir mobilisé
a priori,
j'y insiste, tous les moyens
qui sont à leur disposition ?
Seule une réglementation nouvelle peut permettre d'harmoniser plusieurs
exigences : besoins de sécurité dans des proportions raisonnables, coûts
supportables, responsabilité partagée et équilibrée.
Monsieur le ministre, pour l'instant, vos propositions, vos actions ne vont
pas dans ce sens. Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne
votera pas votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Lucien Lanier.
C'est une erreur !
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le ministre, c'est la première fois depuis quinze ans que
j'interviens dans un débat sur le budget de l'intérieur. En effet, jusqu'ici,
je m'en étais tenu à un devoir de réserve à l'égard de mes successeurs. C'est
si facile de critiquer quand on n'est plus aux responsabilités !
Si je le fais, c'est pour vous aider à corriger à la fois un excès de zèle et
une dérive dont je ne doute pas qu'elle vous préoccupe vous aussi.
L'« excès de zèle » - l'expression est de lui - c'est ce terrorisme normatif
stigmatisé ces jours derniers devant le congrès des maires par M. Jean-Paul
Delevoye. Ce terrorisme normatif, il se manifeste dans le domaine de vos
compétences sous l'aspect du « syndrome de Furiani », qui a frappé les
commissions de sécurité quasiment sur tout le territoire. C'est presque un
passage de témoin, monsieur Rouvière !
M. André Rouvière.
Vous voyez, les grands esprits peuvent se rencontrer !
M. Christian Bonnet.
Ces commissions, dans la quête illusoire d'une société à risque zéro, font
trop souvent montre, sur le terrain, d'exigences excessives.
Si le but est louable, il est des risques non « probabilisables », pour
recourir à la terminologie des spécialistes, auxquels nulle société ne saurait
échapper. Les précautions les plus sophistiquées n'ont pas empêché le sinistre
du tunnel sous la Manche. Sourions, pour autant qu'on puisse sourire en
évoquant des décès : les cinq décès déplorés ces jours derniers outre-Manche
sont imputables à de la viande achetée chez un commerçant réputé qui venait
tout juste d'être sacré « boucher de l'année » en Ecosse !
Le Gouvernement a respecté le pacte de stabilité en ce qui concerne les
concours de l'Etat aux collectivités locales. Mais cette stabilité est un
leurre, dès lors que les collectivités sont accablées par le poids de
réglementations tatillonnes de plus en plus coûteuses, dont le contribuable
supporte en définitive les conséquences.
Monsieur le ministre, ce que vous avez fait avec notre concours pour les
vaillants sapeurs-pompiers au travers non seulement de votre loi mais également
du sort que vous leur avez réservé dans votre budget vous permet aujourd'hui de
redonner le sens de la mesure aux responsables des commissions de sécurité.
Tous les élus de terrain comptent sur vous pour ce faire !
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Christian Bonnet.
La dérive, second point de mon intervention, est d'un tout autre ordre et elle
est autrement plus grave ; votre père l'eût, à n'en pas douter, jugée telle.
Il s'agit, monsieur le ministre, de la paupérisation de l'Etat dans ses
fonctions régaliennes, et ce à une période où il en aurait plus que jamais
besoin. Sans doute serait-il malséant d'insister !
Je vous demande instamment de plaider auprès de M. le Président de la
République, dont chacun vous sait très proche, la cause essentielle d'un
recentrage de l'action de l'Etat « touche à tout » sur ses missions
fondamentales.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que, dans la composition du
Gouvernement, le ministère des affaires étrangères figure au cinquième rang,
derrière le ministère de l'équipement et le ministère de l'intérieur, au
septième rang, derrière le ministère du travail et des affaires sociales.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que le nombre des magistrats de
l'ordre judiciaire - vous en fûtes ! - soit à peine supérieur à ce qu'il était
en 1910, alors que la France compte vingt millions de citoyens de plus et que
l'Etat de droit tend à se muer de plus en plus en une société de
contentieux.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que 133 milliards de francs
soient prévus pour des aides à l'emploi, dont « l'utilité n'était pas toujours
évidente », selon un écrit de M. Edmond Maire publié le 2 novembre dernier dans
un grand quotidien du soir, et que, dans le même temps, le budget de la justice
s'élève à 24 milliards de francs et le vôtre, hors administration générale,
territoriale et sécurité civile, à quelque 29 milliards de francs pour la
police nationale. Tout juste 2 milliards de francs de plus que les crédits
ouverts, très provisoirement, hélas ! pour la récapitalisation des entreprises
publiques mal gérées par cet Etat touche à tout devenu impotent sur l'essentiel
à force de se montrer omnipotent sur l'accessoire !
Cette idée force du recentrage impératif des actions de l'Etat sur ses
fonctions régaliennes commence à faire son chemin : M. le garde des sceaux,
auquel je tenais il y a peu le même langage dans cet hémicycle, l'a récemment
faite sienne ; M. Alain Lambert, rapporteur général, y a fait expressément
référence dans son propos introductif à la loi de finances ; de plus en plus
nombreux sont les membres de la Haute Assemblée qui la font leur.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et c'est la raison pour
laquelle le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve votre
budget, pour convaincre la plus haute autorité de ce pays de donner à Bercy,
dans l'optique de la préparation du budget pour 1998, des directives aussi
fermes que précises de redéploiement des crédits au bénéfice des départements
qui constituent, aux yeux de ceux qui persistent à se faire une certaine idée
de la France, les fondations mêmes de l'Etat.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Rude tâche que de m'exprimer après M. Bonnet ! Toutefois, je vais essayer,
monsieur le ministre, de vous dire simplement ce que je souhaite.
Tout d'abord, nous sommes sensibles à votre conception de la sécurité et aux
mesures que vous prenez en la matière. Vous le faites avec talent et
efficacité.
Vous connaissez bien les situations que je souhaite évoquer. Au-delà de votre
engagement, il y a la vie de tous les jours, hors statistiques, ratios et
réformes possibles : les quartiers difficiles où la police et les pompiers ont
des difficultés à intervenir ; les trains, où en plein jour, l'insécurité est
permanente - je rends hommage à cette jeune femme qui a été agressée dans mon
département, en soulignant qu'il ne s'agit pas d'un cas unique, vous devez le
savoir ; les lycées et les collèges où l'on trouve, à l'intérieur comme à
l'extérieur, la drogue toujours, la violence parfois, le racket et,
aujourd'hui, depuis peu, les armes ; les débordements dans les quartiers et
inter-quartiers ; les innombrables agressions au domicile et à la voiture ; la
Corse, le Pays basque ; les insultes quotidiennes, accompagnées de menaces, que
nos policiers subissent.
Etat de droit, où es-tu ?
Pour remplir la redoutable mission qui consiste à contrôler et à faire cesser
ces désordres, vous disposez de près de cent mille policiers. Vous essayez, à
l'image du plan Vigipirate, de faire face avec les moyens du bord. Ce n'est
plus possible, malgré les succès que vous avez obtenus !
Mettre en cause l'organisation et le temps de travail, parler de réforme ne
suffit pas. Nous devont bâtir en faisant du neuf.
J'ai visité des commissariats : même quand les locaux sont suffisants, les
conditions de travail sont difficilement supportables. A la surcharge des
plaignants et des délinquants s'ajoutent les obligations du service : tout en
même temps !
J'ai également remarqué que 10 % au moins des postes ne sont pas pourvus ou
ont quelque difficulté à l'être. Des postes sont affectés à des personnels dont
le domicile se trouve à 300 ou 400 kilomètres ; devant l'impossibilité de se
loger sur le lieu de travail, ils doivent regrouper leur temps de service et
effectuer des trajets en voiture ou en train.
Votre tentative pour essayer de remédier à cette situation, que vous
connaissez bien, doit recevoir notre concours.
Vos collaborateurs, vos collègues - ceux de Bercy, par exemple - vous
affirment qu'en modifiant, en réformant, en triturant, en incitant, les choses
iront mieux ! Toutefois - vous m'excuserez d'établir un parallèle avec la
lessive - quelle qu'en soit la marque, c'est toujours le même produit ; seul
l'emballage change ! Vous ne devez pas céder à la tentation de suivre ces
conseils.
Je me prends parfois à rêver. Et si vous et moi, nous prenions ensemble, à la
gare de Lyon, le train pour Corbeil-Essonnes, et si nous nous rendions dans les
Tarterets ou à Grigny, sans personne, tous les deux ! Je pense que mes
convictions et mes peurs seraient mieux partagées.
Nous devons prendre nos risques. Nous devons assurer une présence constante et
une disponibilité totale de nos forces de police pour assurer partout, et pas
seulement dans les quartiers difficiles, une sécurité que nos concitoyens
considèrent comme normale.
Cela suppose que vous soyez doté de moyens suffisants, d'hommes en nombre pour
être présents et à même de consacrer le temps nécessaire à leur travail et à
leur action sans vivre constamment à cent cinquante à l'heure et sous
pression.
Nos concitoyens attendent une mesure exceptionnelle. Une telle mesure,
monsieur le ministre, l'opposition actuelle l'a prise, en son temps, dans un
autre secteur, l'éducation nationale.
Vous avez besoin d'accroître les effectifs de 10 %. Il vous faut 10 000
policiers, de vrais policiers formés !
Je vous entends me rétorquer : oui, mais les restrictions budgétaires, le
déficit ! Je me permets de vous répondre : pas dans le domaine de notre
sécurité ! L'argent, peut-être, mais l'homme d'abord !
Monsieur le ministre, vous avez obtenu des résultats grâce à vos méthodes de
travail. Aussi, je ne voudrais à aucun prix que vous preniez mes propos pour
des critiques,...
M. René Rouquet.
Non, ce sont des félicitations !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Robert.
... car je dois plutôt vous remercier. Je traduis là le sentiment de nos élus
locaux et de nos concitoyens.
Nous sommes prêts à vous aider, à pousser en mêlée, pour que vous obteniez ces
crédits exceptionnels que la France tout entière attend, tant elle aimerait
pouvoir respirer sans être anxieuse pour sa sécurité.
Monsieur le ministre, je voterai, bien sûr, votre projet de budget et j'appuie
votre action.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de budget du ministère de l'intérieur que j'ai l'honneur
de vous présenter s'élève à 50,5 milliards de francs.
Au lieu de procéder à une analyse comptable, au demeurant incertaine, je
préfère concentrer mon propos sur les objectifs politiques de ce projet de
budget, tant il est vrai que tout budget reflète la politique que l'on veut
suivre et que ce budget reflète la politique que je souhaite mettre en oeuvre
en 1997.
Deux objectifs principaux doivent être mis en avant.
D'abord, le ministère de l'intérieur contribuera à la politique définie par M.
le Président de la République et par M. le Premier ministre afin de réduire les
déficits publics, et donc de mieux contrôler les dépenses de l'Etat.
En effet, il n'est pas admissible que, comme c'est encore le cas, l'Etat doive
emprunter non pas pour construire l'avenir du pays, mais pour financer les
dépenses courantes.
Je croyais, jusque voilà encore quelques jours, que les députés socialistes
étaient les seuls à avoir perdu la mémoire, mais je constate que cette maladie
est devenue une épidémie, car elle atteint aussi les sénateurs socialistes.
M. André Rouvière.
Ce n'est pas comme cela que l'on résout les problèmes !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ceux qui, pendant quatorze ans, ont endetté
notre pays au point que, aujourd'hui, celui-ci est obligé, du fait de cette
gestion, d'emprunter pour rembourser ses dettes...
M. André Rouvière.
Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous n'avez pas changé !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... devraient sans doute être un peu plus
modestes !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. André Rouvière.
Changez d'argument !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je ne changerai pas d'argument, monsieur
Rouvière, parce que j'ai été élevé dans une certaine idée de l'Etat.
M. André Rouvière.
C'est toujours la faute des autres !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Celui-ci doit être crédible, c'est-à-dire qu'il
ne doit pas dépenser plus qu'il ne récolte.
M. André Rouvière.
Et le respect de ceux qui vous ont précédé ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Oui, il y a une façon de gérer l'Etat, et quand
on est aujourd'hui dans l'opposition, on devrait être un peu plus modeste.
M. André Rouvière.
Vous pourriez l'être un peu, vous, en ayant le pouvoir !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
En effet, si je dois faire face à tant de
difficultés à la fois dans la police et dans les autres secteurs, c'est parce
que vous avez semé et mal semé !
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. René Rouquet.
Vous êtes le ministre de la provocation !
M. André Rouvière.
Jamais un parti n'a connu autant de problèmes que le vôtre !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
J'ajouterai que, depuis 1993, le ministère de
l'intérieur a pris l'habitude de veiller à l'optimisation de ses
dépenses,...
M. René Rouquet.
C'est plus facile que de répondre à vos amis !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... et même, hélas ! de payer les dettes
laissées par les autres,...
M. André Rouvière.
C'est facile de répondre cela !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... ceux qui, au printemps de 1993, avaient
quitté le ministère de l'intérieur en oubliant plus de 1,5 milliard de francs
de dettes.
M. André Rouvière.
Parlez de votre budget, pas de celui des autres !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Il est aujourd'hui facile, lorsque l'on est
président de la Cour des comptes, de fustiger les dépenses et les dettes du
ministère de l'intérieur...
M. André Rouvière.
Parlez de votre budget !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur ...
en oubliant de dire qui était au ministère de
l'intérieur lorsque ces dettes ont été contractées.
M. André Rouvière.
Parlez de votre budget ! C'est lui qui est à l'ordre du jour, et non celui des
autres !
M. René Rouquet.
Répondez à vos amis !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie !
M. André Rouvière.
C'est de la provocation, monsieur le président !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Non, c'est la réalité !
M. André Rouvière.
Nous n'acceptons pas la provocation !
M. René Rouquet.
Qu'il parle de son projet de budget !
M. le président.
Mes chers collègues, vous n'avez pas la parole !
M. André Rouvière.
Si on nous provoque, nous répondrons !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Quand j'entends certains évoquer aujourd'hui la
dette du ministère à l'égard de France Télécom, je rappelle seulement que cette
dette, née en 1982, a triplé entre 1988 et 1993.
M. René Rouquet.
Répondez aux questions !
M. André Rouvière.
C'est sans cesse de la provocation, monsieur le président !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Depuis 1993 donc, nous payons « leurs » dettes
et, en même temps, le ministère de l'intérieur assume ses missions.
M. André Rouvière.
C'est scandaleux !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Naturellement, je veillerai, messieurs Demuynck
et Cabanel, à ce que l'apurement nécessaire de cette dette ne pénalise pas mon
ministère, qui a, par ailleurs, déjà fait un effort considérable.
Le deuxième objectif politique de ce projet de budget est de donner au
ministère de l'intérieur, c'est-à-dire à la police nationale, aux préfectures
et à la sécurité civile, les moyens nécessaires à l'exercice de leurs
missions.
Chacun de vous ici, quelle que soit la travée sur laquelle il siège, connaît
ces missions et, j'en suis sûr, apprécie les conditions dans lesquelles les
quelque 175 000 fonctionnaires du ministère les exercent. Je voudrais
d'ailleurs, avant d'entrer plus avant dans mon propos, rendre l'hommage de la
nation aux onze policiers tués en service, dont trois lors d'opérations de
police, et rendre hommage, comme vous l'avez fait monsieur Laurin, aux douze
pompiers et au pilote de la sécurité civile morts dans l'exercice de leur
mission depuis le début de l'année.
Cet hommage est plus que jamais justifié. En effet, qu'ils soient policiers,
agents du cadre national des préfectures, fonctionnaires de la sécurité civile,
agents des transmissions et de l'administration centrale, tous exercent,
monsieur Bonnet, leur mission de service public et tous défendent une certaine
conception de l'Etat. Ils le font dans des conditions difficiles, au sein d'une
société inquiète : inquiète des terrorismes comme de la petite délinquance,
commise, malheureusement, de plus en plus par des mineurs, et par des mineurs
de plus en plus jeunes ; inquiète de l'inacceptable violence en Corse ;
inquiète de la contestation de la loi et de l'ordre républicains dans certains
quartiers où, la crise économique et les erreurs d'urbanisme aidant, se sont
progressivement installés des réseaux qui refusent cette même loi républicaine
; inquiète du développement d'une délinquance due à la drogue.
En ce qui concerne ce dernier problème, je peux dire d'emblée qu'il faut que
chacun prenne ses responsabilités. On parle beaucoup de l'Europe, de la
construction de l'Union européenne. Il faut que ceux qui participent à cette
grande ambition qu'est la construction d'une Europe prennent leurs
responsabilités et sachent que la France ne changera pas de position.
La lutte contre le trafic, mais aussi contre la fabrication de substances
toxiques, est naturellement une lutte nationale, mais elle est aussi une lutte
européenne. Que nos voisins prennent conscience de leurs responsabilités à
notre égard !
(M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis,
applaudit.)
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
On ne peut pas à la fois se dire européen et
accepter que, dans son pays, on fabrique et on vende de la drogue.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Et qu'on la cultive pour la fabriquer !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Eh bien, dans ce contexte difficile, souvent
dangereux, les fonctionnaires du ministère de l'intérieur travaillent.
Oui, monsieur Demuynck, la délinquance a baissé de 6,5 % en 1995. Toutefois,
ce qui est important, c'est que cette baisse n'est pas l'expression ou le
résultat d'une seule année ; elle se poursuit. C'est le résultat d'un travail
exemplaire des forces de police. Elle se poursuit, puisque le premier semestre
de 1996 enregistre une baisse de plus de 4,5 %.
Oui, la police a mis un terme aux opérations terroristes de l'année dernière
et, avec la justice, s'est engagée dans une politique déterminée, en Corse,
pour faire respecter la loi.
Oui, nous avons mis vingt-six terroriste corses en prison. Ce n'est pas nous
qui, en 1981 ou en 1988, avons amnistié des terroristes que nous reprenons
aujourd'hui. C'est vous, messieurs les socialistes !
(Marques d'approbation
sur les travées du RPR.)
Ne l'oubliez jamais, car c'est la réalité.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Christian Demuynck.
C'est effectivement la réalité !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Oui, environ 10 000 étrangers en situation
irrégulière ou ayant troublé l'ordre public ont été reconduits au cours des dix
premiers mois de l'année, et ce nombre a augmenté de 25 % par rapport à
1995.
Mais, là encore, je gère des années d'irresponsabilité, où on a laissé
s'installer en France des hommes et des femmes qui ne respectent l'ordre ni la
loi républicaine,...
M. André Rouvière.
En Corse, qui est allé voir les cagoulés ? Qui est allé négocier avec les
plastiqueurs ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... des hommes et des femmes que je suis forcé
d'expulser de France, alors que vous auriez dû le faire, messieurs !
Oui, la création de l'office central pour la répression de l'immigration
irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre, créé en août dernier, a
permis de renforcer la lutte contre les filières de passeurs, de trafiquants de
drogues et d'employeurs de clandestins, comme il vient d'être démontré encore
la semaine dernière.
Oui, enfin, et ce résultat atteste autant de notre politique de prévention que
des facteurs climatiques - le bilan des feux de forêts pour 1996 - monsieur
Laurin, vous l'avez remarqué - se limite à 13 000 hectares, c'est-à-dire un
recul, d'ailleurs particulièrement sensible autour de la Méditerranée,
d'environ 30 % par rapport à 1995.
M. André Rouvière.
Il a plu !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Nous allons continuer. Notre pays est
aujourd'hui confronté à une situation difficile.
L'Etat doit faire mieux, et le ministère de l'intérieur, monsieur Bonnet,
assumera pleinement ses responsabilités. Il faut que nos interventions soient
encore plus nombreuses, encore plus efficaces.
La sécurité civile modernise sa flotte. Les préfectures, outil pivot de l'Etat
dans les départements, renforcent leurs missions dans le cadre de la réforme de
l'Etat. La police se réforme et s'adapte aux défis actuels.
L'année dernière, dans les mêmes circonstances, j'avais eu l'occasion de
dresser un premier bilan de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de
programmation pour la sécurité.
Permettez-moi d'abord de vous préciser que, conformément à mes engagements,
j'ai déposé un rapport d'exécution de cette loi. Ce rapport est à votre
disposition.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Concernant cette réforme, plus de cent soixante
textes sont maintenant adoptés. Je ne vous en donnerai pas le détail, que vous
trouverez dans ce rapport.
Je voudrais seulement insister sur certains textes, particulièrement
importants, comme le règlement général d'emploi et les règlements particuliers
à chaque service.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Masson, ces textes ont fait l'objet d'une
concertation d'une densité exceptionnelle, au sein du comité technique
paritaire national de la police et, des centaines d'heures durant, pour
préparer ce comité, avec l'ensemble des syndicats.
Afin d'expliquer et de faire comprendre la réforme, j'ai demandé au directeur
général de la police nationale d'aller sur le terrain pour rencontrer 12 000
fonctionnaires à l'occasion d'une quinzaine de réunions qu'il a organisées avec
l'ensemble des directeurs. Je voudrais ici rendre un hommage particulier à M.
Claude Guéant, directeur général de la police, et à M. Michel Gaudin, directeur
de la police nationale, mais aussi à tous les commissaires et officiers de
police que nous avons rencontrés et qui ont été les artisans inconnus,
modestes, mais déterminés d'une réforme.
Vouloir faire croire le contraire, vouloir expliquer, comme je le vois ici ou
là, que cette réforme qui se met en place a été faite sans concertation,...
M. Christian Demuynck.
C'est scandaleux !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... c'est l'expression soit d'un esprit
partisan, soit d'un esprit qui n'est pas au courant de la réalité.
A cette fin, j'ai créé des comités techniques départementaux dans tous les
départements de France, chargés, sous la responsabilité des préfets, que j'ai
reçus, d'analyser les meilleures solutions, celles qui sont les mieux adaptées,
dans le contexte local, pour remplacer le fameux système du 3-2 par le système
du 4-2.
Les comités techniques départementaux sont eux-mêmes précédés de multiples
réunions associant l'ensemble des personnels pour expliquer, faire comprendre
et faire adopter par ces derniers des changements de rythmes de travail.
Il faut que le Parlement sache ce qu'a coûté à la police nationale ce fameux
système des trois jours de travail et deux jours de repos, introduit en 1984, à
titre provisoire : il a coûté l'équivalent de 10 000 emplois, sans compter une
évolution préjudiciable au bon fonctionnement des services de police. Qui
croira qu'on est bien dans sa tête et dans son corps de policier quand on doit
concentrer trente-neuf heures de travail en trois jours ? Ce n'est pas
acceptable, et je ne l'accepte pas !
Pour toutes ces raisons, j'ai voulu, avec l'ensemble des directeurs, avec
l'ensemble des cadres policiers de cette maison, une nouvelle organisation,
celle du 4-2 : quatre jours de travail, deux jours de repos.
Je considère qu'il s'agit là d'un progrès considérable pour les fonctionnaires
concernés, c'est-à-dire pour ceux qui travaillent en brigades de roulement,
ceux de la sécurité publique et ceux de la DICCILEC, la direction centrale du
contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins : pas
une heure de travail en plus, mais une autre organisation du travail, afin
d'être plus proche des réalités et d'être plus efficace.
Je sais bien que cela heurte les conservateurs, les propagandistes du
conformisme et de l'immobilisme. Mais cela m'est égal ! Etre ministre, diriger
une administration, c'est ne pas écouter celles et ceux qui prônent de ne rien
faire et qui sont réformateurs uniquement dans les discours, dans les
incantations devant leurs militants. Je continuerai !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René Rouquet.
Ce n'est pas vraiment digne d'un ministre ! On se croirait dans un meeting
!
M. André Rouvière.
Cela ne grandit pas la fonction !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je constate avec satisfaction que la réforme
avance, qu'elle se met en oeuvre ; en dépit de ce que je peux voir ou entendre
ici ou là, plus de quatre-vingt-dix comités départementaux sont aujourd'hui
installés, et la réforme des horaires a déjà été votée dans près de
quarante-quatre départements. Cela s'est naturellement fait sans déclaration ni
clairon. Mais la réforme est en marche, et vous ne l'arrêterez pas ! En tout
cas, tant que je serai ici, elle continuera !
Ainsi, grâce au Gouvernement, la police nationale est en train de franchir une
étape majeure à son profit, au profit de l'Etat, de la collectivité nationale,
c'est-à-dire au profit des Françaises et des Français.
Je suis convaincu - je crois avoir compris que MM. Cabanel et Masson
partageaient cette conviction - que cette réforme permettra une efficacité
accrue des services de police.
Sachez, en effet, que le nouveau régime permettra de récupérer, par exemple,
soixante-quinze agents à Marseille, c'est-à-dire de doubler les équipes de
police-secours, ou encore trente et un agents à Nantes, pour compléter la
section d'intervention et renforcer les services de roulement des petites
circonscriptions de l'agglomération. Voilà pourquoi je suis déterminé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un bon budget est un
budget permettant l'exercice des missions régaliennes de l'Etat. Je considère
que tel est le cas du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter
aujourd'hui. Je remercie les rapporteurs, MM. Cabanel, Masson et Laurin, de
partager cette analyse.
Les crédits de la police, tout d'abord, approchent 28 milliards de francs.
L'enveloppe est donc stable par rapport à 1996.
S'il y a stabilité - j'ai également utilisé le mot « pause » - il n'y a pas
recul, ni
a fortiori
remise en cause de la loi d'orientation et de
programmation pour la sécurité, la LOPS. Prétendre le contraire est inexact.
J'aurai l'occasion de l'expliciter dans quelques instants en détaillant le
projet de budget de la police.
S'agissant des emplois, 305 postes de brigadiers-majors sont créés pour
remplacer des postes de commissaires et d'officiers, dont les effectifs doivent
diminuer conformément à la réforme des corps.
Sont également créés 300 postes de brigadiers-majors remplaçant un nombre
équivalent de postes d'officiers de paix, au titre de la promotion sociale.
Par ailleurs, 180 postes d'agents administratifs et techniques, destinés à
remplacer des policiers actifs devant revenir sur la voie publique, seront
disponibles par dégel.
Cela signifie, monsieur Hyest, puisqu'il s'agit d'un objectif de la LOPS, que,
entre 1995 et 1997, le nombre d'agents administratifs et techniques venus
renforcer la police nationale dépassera 1 800 pour un objectif sur cinq ans de
5 000.
Oui, monsieur Masson, il y a décalage, mais en aucune sorte catastrophe.
Simplement, compte tenu de la situation actuelle, la mise en oeuvre de la LOPS
devra être étalée sur un ou deux ans supplémentaires sur le plan budgétaire.
Enfin, pour en finir avec les emplois, prenant acte des difficultés à recruter
les policiers auxiliaires et de la réorganisation du service national, j'ai
accepté de renoncer à 500 postes de policiers auxiliaires qui n'étaient pas
pourvus, puisque, sur les 9 725 postes ouverts, seulement 8 300 sont occupés.
Notre marge de progression reste de 1 000 policiers auxiliaires.
Bien entendu, messieurs Masson, Plasait, Laurin et Chérioux, je suis très
attaché à ce que la réforme du service national n'entame pas les moyens de la
police nationale, pas plus, d'ailleurs, que ceux de la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille. Les
concertations interministérielles appropriées sont en cours. Sur ce point, je
vous rassure, monsieur Chérioux : je suis très attaché à ce que la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris fonctionne dans les meilleures conditions ; pour ce
faire, elle doit disposer des moyens nécessaires. Croyez bien que j'y
veillerai.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Après l'emploi, j'évoquerai maintenant le fonctionnement.
Les crédits approcheront 4 milliards de francs. Ils reculent donc, tout en
affichant une progression supérieure à 7 % en quatre ans.
C'est justement cette progression qui, combinée à l'effort de gestion engagé
depuis 1993, me fait dire que les moyens des services opérationnels ne seront
pas affectés ; je remercie MM. Masson et Cabanel de partager cette analyse.
Là aussi, pour répondre à de nombreuses assertions, je voudrais insister sur
le renforcement et la modernisation des moyens de la police.
Le parc automobile, par exemple, a été quasiment renouvelé depuis 1993 et,
dans le même temps, augmenté de près de 2 000 véhicules.
De même, l'informatique a progressé par la mise en oeuvre d'outils comme
Canonge et, demain, TESA, favorisant la police de proximité et la police
technique et scientifique.
Il y a donc des progrès ; mais, évidemment, les besoins des services et
l'attente légitime de la population ne se réduisent pas. Je resterai donc
particulièrement attentif à ce que la pause dans les crédits de fonctionnement
ne se poursuive pas. Et je rejoins votre souci, monsieur Masson, d'avoir
recours, en informatique, le plus possible à des progiciels achetés « sur
étagère » plutôt qu'à des programmes spécifiques.
J'en viens à l'équipement. Il mobilisera environ 900 millions de francs au
profit principalement d'ACROPOL et de l'immobilier.
Pour la première fois en 1997, le projet de loi de finances initial intègre
les crédits nécessaires à la mise en oeuvre d'ACROPOL.
Cette inscription devrait rassurer ceux qui, comme MM. Demuynck, Masson et
Cabanel, se sont inquiétés de la mise en oeuvre de ce projet prioritaire,
destiné à donner à la police nationale des équipements de transmissions
efficaces et confidentiels.
ACROPOL fonctionne à Grenoble et à Lyon, où il a d'ailleurs donné pleinement
satisfaction lors du dernier G7. Il est en cours d'implantation en Picardie.
Les crédits inscrits au budget sont destinés à la région parisienne, où les
difficultés techniques se révèlent beaucoup plus grandes qu'on ne l'avait
imaginé. Naturellement, je suis déterminé à ce qu'ACROPOL aille à son terme, et
vite. Mais il faut savoir que la région parisienne est un secteur dans lequel
les contraintes techniques sont considérables. Actuellement, les spécialistes
étudient la façon de régler ces difficultés.
Quant à l'immobilier, c'est-à-dire la rénovation et la construction de
commissariats et d'hôtels de police, grâce aux efforts combinés des crédits
d'équipement et au recours à des solutions innovantes, nous livrerons environ
50 000 mètres carrés de locaux, comme en 1995 et en 1996.
A ceux qui s'interrogent sur la LOPS, je rappelle qu'en 1992-1993 le ministère
ne livrait guère plus de 30 000 mètres carrés de bureaux. Cela fait trois ans
que nous en livrons plus de 50 000 mètres carrés !
Pour terminer avec le projet de budget de la police, je voudrais évoquer les
crédits réservés à la formation et à l'action sociale.
J'entends dire, ici ou là, qu'il importe que la police soit mieux formée. Il
est effectivement essentiel d'avoir une police de professionnels et une
formation de haut niveau.
Actuellement, monsieur Hyest, 2 800 fonctionnaires, dont 2 000 formateurs,
travaillent dans la formation.
La convention avec la formation publique prévoit cinq jours de formation pour
un fonctionnaire exerçant dans la police. Or, nous en sommes à sept jours. Nous
dépensons 300 millions de francs pour le fonctionnement des vingt-deux écoles
de police.
Le budget pour 1997 de l'école nationale de police sera identique à celui de
1996. S'agissant de l'institut des hautes études de la sécurité intérieure,
l'IHESI, qui n'a pas de budget spécifique, ses moyens seront maintenus, et même
augmentés grâce à la renégociation de son loyer.
Je l'ai dit et je le répète, la police nationale, ce sont d'abord des hommes
et des femmes exerçant un métier passionnant mais difficile, comme
malheureusement l'actualité vient encore de le démontrer.
Il faut donc que l'environnement professionnel proposé par l'administration
aux policiers tienne compte au maximum de ces difficultés.
Dans cette perspective, je voudrais évoquer deux éléments de l'action sociale
qui seront encore renforcés l'année prochaine.
Je pense tout d'abord au logement, qui constitue, à mes yeux, un élément
prioritaire pour le mieux-vivre des policiers.
Nous en avons fait une priorité dès le budget de 1994, en multipliant par 2,5
les crédits ; en 1997, pour la troisième année consécutive, plus de 900
logements seront proposés aux fonctionnaires de la police nationale, ainsi que
vous l'avez noté, monsieur Hyest. Par conséquent, pour la troisième année
consécutive, nous serons en avance sur la LOPS !
Parallèlement au logement, sera privilégié le soutien médical et psychologique
au profit des policiers. Les quelque soixante suicides enregistrés, hélas ! en
1996 dans la police, soulignent, s'il le fallait, par chaque drame qu'ils
représentent, la fragilité de beaucoup de fonctionnaires.
Dans la plupart des cas, il s'agit naturellement de difficultés personnelles ;
mais il ne peut s'agir que de cela, et l'administration se doit d'écouter et
d'aider les policiers confrontés à des difficultés physiologiques ou
psychologiques.
La réforme des horaires, je l'ai déjà dit, contribuera à un meilleur
environnement, à des conditions de travail et de vie personnelle plus
équilibrées.
Je souhaite aussi réserver des crédits supplémentaires importants pour
financer des vacations de praticiens et d'assistantes sociales.
Après la police nationale, je voudrais maintenant présenter les crédits
réservés à l'administration territoriale et à la sécurité civile.
Avec 6,3 milliards de francs, les crédits de l'administration territoriale
progressent de 4 %.
Les moyens de fonctionnement sont maintenus, tandis que les crédits
immobiliers progressent de manière sensible.
Les effectifs évoluent favorablement à la suite du renfort de cent postes
dégelés, auxquels il faut ajouter vingt-cinq emplois transférés de
l'administration centrale, ainsi que les emplois redéployés dans le cadre de la
réforme de l'Etat : je pense notamment à la suppression des commissions
administratives de suspension du permis de conduire, qui mobilisent encore
aujourd'hui deux cents agents.
En contrepartie, disparaissent quatre cents emplois gelés depuis plusieurs
années, et donc inutilisables en l'état.
Sans compter les crédits qui seront ouverts au prochain collectif pour le
renouvellement des trente-deux hélicoptères, prévu sur six ans -, pour un coût
global de un milliard de francs, avec six premiers hélicoptères achetés dès
1997 - le projet de budget de la sécurité civile approche 1,2 milliard de
francs, en progrès de 2 %.
Cette évolution souligne la dynamique de la politique engagée par l'Etat,
via
le ministère de l'intérieur, pour exercer ses responsabilités au
profit d'une meilleure protection de la population contre les risques naturels
et technologiques. Cette dynamique, je la constate dans l'adoption, grâce au
Parlement, des deux lois importantes sur les SDIS, les services départementaux
d'incendie et de secours, et sur le volontariat des pompiers, ainsi que dans la
sortie rapide des textes réglementaires correspondants.
Je remercie l'ensemble des fonctionnaires de la sécurité civile - notamment
l'ancien directeur, M. Canépa, et le nouveau, M. Denis - de m'accompagner dans
cette voie.
Je remercie aussi M. Laurin, l'un de vos rapporteurs pour avis, d'avoir relevé
les efforts que nous avons faits dans ce domaine, car je crois qu'il s'agit
effectivement d'avancées décisives pour les sapeurs-pompiers.
Je retrouve cette dynamique dans l'achèvement du programme Canadair, qui
mettra à notre disposition douze nouveaux appareils pour la prochaine campagne
de feux, douze appareils qui auront coûté à l'Etat français 1,6 milliard de
francs.
Enfin, cette dynamique est vérifiée par le prochain déménagement de la
direction de la sécurité civile de Levallois à Asnières et par le regroupement
de cette direction avec le service du haut-fonctionnaire de défense, au profit
d'un concept renforcé de défense et de sécurité civile réunifiées.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes
engagés dans une réforme majeure de la police nationale.
La gestion des finances publiques rend indispensable une stabilisation des
dépenses.
Malgré cette hausse, les moyens figurant dans le projet de loi de finances que
j'ai eu l'honneur de vous présenter permettront au ministère de l'intérieur
d'exercer ses missions ; non seulement ses missions de police, mais aussi les
missions de l'Etat et, avec le préfet Blangy, nous veillons à ce que l'Etat
soit représenté, et bien représenté, dans les départements.
Les efforts de rigueur que je fais, avec la collaboration de M. Jévakhoff,
dans l'utilisation des crédits de fonctionnement et le recours à des solutions
innovantes en matière immobilière donneront en effet à la police les moyens
financiers nécessaires.
Parallèlement, la réforme engagée en matière d'horaires favorisera son
adaptation, pour une plus grande efficacité dans la lutte contre toutes les
délinquances et pour de meilleures conditions de travail des policiers.
Les moyens des préfectures sont sauvegardés, la sécurité civile se
modernise.
Je vous remercie donc d'approuver ce projet de budget, pour me permettre de
continuer cette politique avec une détermination sans faille. Une politique,
monsieur Bonnet, qui n'a d'autre ambition que de restaurer l'Etat, un Etat
capable de dominer les intérêts particuliers, un Etat qui assume pleinement ses
missions régaliennes, un Etat qui ne laisse à personne la possibilité, la
volonté, la velléité de se substituer à lui du fait de sa carence, un Etat qui
soutient ses fonctionnaires, et qui soutient notamment ses policiers lorsqu'ils
sont l'objet d'injustes ou d'injurieuses critiques - je vous le dis, chaque
fois qu'un policier sera critiqué, je me lèverai et je dirai qu'au nom de
l'Etat on n'a pas le droit d'attaquer la police
(Applaudissements sur les
travées du RPR) -
un Etat, monsieur Bonnet, qui fait en sorte que la loi votée par vous soit
respectée par tous, un Etat qui fait que vous, le matin, dans cet hémicycle,
vous votez la loi et que, l'après-midi, à l'adresse de ceux qui défilent dans
la rue, ne prône pas la désobéissance à cette loi, à une loi qui est - parce
que c'est le fondement de l'Etat - la même pour chacun, quelle que soit son
appartenance politique, quelle que soit son origine, parce que c'est la loi de
la République.
Finalement, ce budget, monsieur Bonnet, est l'expression d'une certaine
conception de l'Etat, mais aussi et surtout d'une certaine conception de la
République.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la décentralisation ont été
examinés hier, jeudi 28 novembre.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 196 622 716 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le ministre, vous nous avez donné une vision quasi idyllique,
édénique de la situation. Pour ma part, j'ai écouté avec beaucoup d'attention
votre ami, notre collègue M. Jean-Jacques Robert, et j'ai ressenti
profondément, comme lui, la situation telle qu'elle se présente réellement sur
le terrain.
Chacun peut le constater dans sa ville, dans sa circonscription : il manque
des commissariats là où règne l'insécurité et, là où existent des
commissariats, il y a un manque flagrant de personnels de police. Or, ce qu'il
faut - il y a plus qu'urgence maintenant - c'est l'ouverture en permanence de
commissariats de police dans les quartiers et les cités où se développent la
petite délinquance, la drogue et le racket.
Il faut un grand service public de police nationale, dont la priorité ne peut
être que le développement de la police de proximité, de quartier, et le
renforcement des personnels.
Il faut développer l'îlotage, en réfléchissant d'ailleurs aux nouvelles
conditions de son fonctionnement. Déjà, en 1992, le nombre de gardiens
nécessaire pour l'assurer de manière efficace avait été estimé à 3 800.
N'est-ce pas autant de postes à créer qui contribueraient à lutter contre le
chômage, source de bien des maux ?
Je voudrais maintenant évoquer un deuxième point.
Le désengagement de la force publique d'Etat dans les missions de proximité,
surtout dans le domaine de la prévention et de la dissuasion, a entraîné un
transfert de charges en matière de sécurité publique sur les collectivités
locales, et par là même l'émergence de polices municipales, de sociétés de
gardiennage et de vigiles. Or, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à
cette question, à moins que j'aie mal entendu.
Le laisser-faire des gouvernements successifs face au développement des
polices municipales a abouti, de fait, à leur reconnaissance comme police
complémentaire à la force publique nationale, avec des pouvoirs accrus pour les
policiers municipaux.
Comment les communes, déjà asphyxiées financièrement, vont-elles pouvoir
assurer le fonctionnement d'une telle police municipale ? Elles ne le pourront
qu'au prix d'un accroissement de leur fiscalité, et cela est tout à fait
inacceptable, sans compter les disparités qui peuvent exister entre les
communes riches, qui pourront s'offrir une police municipale, et celles qui
n'en auront pas les moyens !
Ainsi, la sécurité des populations devient, comme c'est le cas dans beaucoup
d'autres domaines tels que la santé ou l'éducation, de plus en plus
inégalitaire et ségrégative, car elle dépend des moyens financiers des
communes.
Or, la sécurité, nous l'avons dit, est une prérogative incontestable de
l'Etat, qu'il ne peut pas, ne doit pas déléguer.
Quelle serait, en effet, l'utilité de deux polices sur un même territoire, qui
auraient les mêmes pouvoirs mais avec des autorités hiérarchiques différentes
?
Il ne faut pas concevoir la sécurité en termes de rentabilité, mais bien
partir des besoins pour tenter d'y apporter une réponse. Mais, bien évidemment,
cela coûte cher, et Maastricht veille !
Pourtant, personne n'est sans savoir le malaise ambiant qui règne au sein même
de la police - vous l'avez évoqué, monsieur le ministre - avec les tragiques
événements que l'on sait, ainsi que la crise de confiance grave qui existe
entre les policiers et leur ministre.
Outre le fait qu'ils se sentent mal considérés, les personnels de police ont
de nombreuses revendications, que ce soit au niveau des salaires, des
qualifications, du déroulement de carrière, des conditions de travail, des
retraites, de la protection sociale, des droits statutaires ou du logement.
Le temps - dont, bien entendu, je n'abuserai pas à cette heure - me manque
pour m'expliquer davantage. J'aurais pourtant encore bien des arguments, mais
j'estime que ceux-là suffisent à expliquer et confirmer notre vote négatif sur
ce budget.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Pagès, le développement des polices
municipales, que vous regrettez et que je regrette profondément, de quand
date-t-il ?
Mme Nelly Olin.
Eh oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
De l'époque où vos amis ont mis en place la
cinquième brigade. On s'est rendu compte alors que cette nouvelle organisation
était telle que la police nationale n'était plus capable d'assumer ses
missions.
M. Michel Caldaguès.
C'est vrai !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Toute la politique que je mène, toute la réforme
des cycles de travail que j'ai entreprise visent précisément, comme le
souhaitait M. Bonnet, à redonner à la police nationale, c'est-à-dire à l'Etat,
son efficacité et à faire en sorte qu'il n'y ait plus besoin de police
municipale.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Par amendement n° II-35, le Gouvernement propose de minorer les crédits
figurant au titre III de 800 000 francs et de majorer ces mêmes crédits de 800
000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement a déposé un amendement qui, je
crois, réjouira M. le rapporteur spécial.
La dotation prévue dans le projet de loi de finances pour le fonctionnement de
l'école nationale supérieure de police est actuellement, comme l'a montré le
projet de budget pour 1997 présenté à son dernier conseil d'administration,
insuffisante pour assurer dans les meilleures conditions la formation continue
des fonctionnaires appartenant aux corps de conception et de direction de la
police nationale. En effet, outre la formation initiale, qui est essentielle,
il y a la formation continue, qui est au moins aussi essentielle.
Plutôt que de procéder à un abondement des crédits en cours d'année, il serait
préférable de porter dès à présent le budget de cette école à son niveau
souhaité, en majorant de 800 000 francs les crédits du chapitre 36-40 par
redéploiement des crédits de fonctionnement de la police nationale inscrits au
chapitre 34-41.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Guy Cabanel,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'a pas pu se réunir,
puisque l'amendement du Gouvernement a été déposé cet après-midi.
Cependant, je puis dire qu'elle se réjouirait si elle était réunie à l'instant
même, car elle a souhaité ce retour à l'orthodoxie : elle ne peut qu'approuver
des crédits bien inscrits dans le budget, bien utilisés, avec le mois de gels
et de dégels possible, pour une plus grande efficacité.
Elle verrait à cet amendement un deuxième avantage : grâce à votre amendement,
nous allons nous retrouver à peu de chose près avec la dotation qui existait en
1996. Nous la remettons donc à niveau.
Il y aurait même un avantage supplémentaire à cette technique : c'est que,
dans cette opération, l'Assemblée nationale aura fait un bout de chemin,
puisqu'elle a affecté 700 000 francs sur la réserve dite « parlementaire », et
que, avec les 800 000 francs que vous acceptez de transférer, monsieur le
ministre, la formation continue des cadres supérieurs de la police, donc des
corps de conception et de direction, pourra se faire sans aléas, sans
difficultés, sans recherche de crédits en cours d'année.
Nous sommes donc favorables à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre, ainsi que contre les
titres IV, V et VI.
M. André Rouvière.
Le groupe socialiste vote également contre, comme il se prononcera contre les
titres IV, V et VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, moins 1 881 795 374 francs. »
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 1 465 000 000 francs ;
« Crédits de paiements, 506 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 10 301 445 000 francs ;
« Crédits de paiements, 5 918 529 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'intérieur et la décentralisation. - Sécurité.
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la collecte et à
l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le
code rural.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 109, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale, une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence tendant, dans
l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les
personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées
par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 108, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales.
8
DÉPO^T DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution : proposition de règlement CE du Conseil modifiant le
règlement CE portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels et
modifiant le règlement CE n° 3059/95 portant ouverture et mode de gestion de
contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits
agricoles et industriels et le règlement CE n° 789/96 portant ouverture et mode
de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains
produits de la pêche (1996).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-738 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution : communication de la Commission au Conseil : demande
d'autorisation de maintenir des dérogations conformément à l'article 30 de la
sixième directive TVA du conseil (77/388/CEE) et de l'article 23 paragraphe 2
de la directive 92/12/CEE du Conseil présentée par le Gouvernement du
Royaume-Uni.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-739 et
distribuée.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 2 décembre 1996, à neuf heures trente, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer et article 93 :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 32) ;
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 88, tome XXII) ;
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (départements et territoires d'outre-mer, avis n° 90, tome VII) ;
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 91, tome VII) ;
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (territoires d'outre-mer, avis n° 91, tome VIII).
Culture :
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 9) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (rapport n° 87, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 87, tome II).
Industrie, poste et télécommunications :
II. - Poste, télécommunications et espace :
M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 27) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 88,
tome XXI).
Charges communes et articles 88 et 89 :
Comptes spéciaux du Trésor (articles 42 à 45, 45
bis
et 46 à 53) :
M. Claude Belot, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 86, annexe
n° 10) ;
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n°
86, annexe n° 46).
Services financiers (et consommation) :
M. Alain Richard, rapporteur spécial (services financiers, rapport n° 86,
annexe n° 11) ;
M. Louis Minetti, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 88, tome IX).
Budget annexe des Monnaies et médailles :
M. Alain Richard, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 42).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1997
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1997 est fixé au vendredi 6 décembre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 20 novembre 1996
RATIFICATION D'ORDONNANCES
RELATIVES À LA LÉGISLATION PÉNALE
APPLICABLE AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER
Page 5736, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour un
article additionnel après l'article 1er, 2e ligne :
Au lieu de :
« 716-4 »,
Lire :
« 716-14 ».
UNION D'ÉCONOMIE SOCIALE DU LOGEMENT
L. 319-9 du code de la construction), 4e ligne :
Au lieu de :
« 313-17 »,
Lire :
« 313-7 ».
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
79 (1996-1997) de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues relative à la procédure de déclaration de parcelle en état d'abandon.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
106 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars 1995.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES
98 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative
au maintien des liens entre frères et soeurs.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 70
(1996-1997) de M. Serge Mathieu relative aux animaux de race canine
susceptibles de présenter un danger pour les personnes.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Adaptation de la loi relative à l'aménagement
et à la réduction du temps de travail
au secteur de la pêche
514.
- 29 novembre 1996. -
M. Alain Gérard
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation
sur l'adaptation de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser
l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail
au secteur de la pêche. En effet, on constate un déficit de recrutement des
jeunes trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter
devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront
dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs. Quelles
sont les raisons d'une telle désaffection ? Alors que dans toute l'industrie,
l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les
employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche
il y a eu amélioration très importante de la productivité afin de donner des
salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de
l'activité, au détriment des conditions sociales et de l'embauche. Les jeunes
refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction de jours de mer
pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance. C'est
pourquoi il lui demande si une réflexion pouvait s'engager, en concertation
avec les organisations professionnelles, afin de mettre en place un dispositif
contractuel qui s'inspirerait de la loi « de Robien » et qui s'appliquerait,
avec ses spécificités, au secteur de la pêche.