M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le Premier ministre, je me permets de rapprocher deux événements d'actualité : la condamnation de deux chanteurs de rap du groupe NTM...
M. Charles Descours. Oh !
M. Alain Gournac. Très bonne question !
M. Jacques Mahéas. ... et l'ouverture à Bobigny du Crazy George's, magasin pour les pauvres.
Le rap est le langage d'une partie des jeunes des banlieues défavorisées. Agressif, provocateur, il dénonce, condamne la société violente qui ghettoïse, développe la pauvreté. NTM, entre autres, s'en prend à la police.
Nous condamnons fermement toute agression physique contre les policiers. Nous savons tous que l'immense majorité des jeunes respectent une police respectable, tout comme l'immense majorité des policiers respectent notre jeunesse. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mais l'on constate parfois, d'un côté, les provocations et, de l'autre, les bavures.
Bavure : la création dans la police d'un syndicat d'extrême droite dont l'idéologie est en contradiction avec la déontologie de policier en est une.
M. Alain Gournac. La faute à qui ?
M. Jacques Mahéas. Qu'attendez-vous pour l'interdire ?
M. Jean Chérioux. Fascistes !
M. Jacques Mahéas. Provocation : sans doute le langage de NTM en est-il une ; mais la condamnation à six mois de prison, dont trois mois ferme, pour deux rapeurs est une incitation à la révolte. Pour ces jeunes issus de la Seine-Saint-Denis, juge unique va signifier juge inique. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais oui !
M. Jacques Mahéas. Après le délit de « sale gueule », voici durement condamné le délit de « grande gueule » ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Richert. C'est la justice !
M. Michel Caldaguès. C'est lamentable !
M. Jacques Mahéas. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ? La majorité va-t-elle parler d'une seule voix ? Cautionnez-vous cette tentative de retour à un certain ordre moral ?
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Emmanuel Hamel. Ordre républicain !
M. Jacques Mahéas. Pensez-vous que les Français sont immatures ?
Provocation : l'ouverture en Seine-Saint-Denis du Crazy George's , premier magasin pour pauvres.
Vous nous avez très injustement reproché en son temps l'apparition des nouveaux pauvres.
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Jacques Mahéas. Depuis quatre ans, la pauvreté s'accroît rapidement :...
M. Jean Chérioux. Quatorze ans !
M. Jacques Mahéas. ... augmentation du nombre des RMIstes, de la précarité, explosion des dépenses sociales dans les collectivités locales, embouteillage dans les commissions de surendettement.
Même aux Etats-Unis, ce type de location-vente à un taux usuraire a été condamné.
M. le président. Posez votre question, monsieur Mahéas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas que les socialistes qui dépassent leur temps de parole !
Un sénateur socialiste. Il y a du parti pris, monsieur le président.
M. Jacques Mahéas. Votre gouvernement s'est contenté de demander au Crazy George's de changer ses étiquettes. Ainsi, vous cautionnez l'exploitation éhontée de la pauvreté !
Dans nos quartiers les plus pauvres, s'installe l'hyperlibéralisme dans sa forme la plus immorale : l'exploitation des exclus.
M. Alain Gournac. Et la femme policier qui s'est fait violée ?
M. Jean Chérioux. Oui, dans le RER !
M. Jacques Mahéas. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre, contre ce racket des pauvres ? (Vifs applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Hélène Luc applaudit également.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je fais respecter le temps de parole à tout le monde. Or j'observe que, jusqu'à présent, seuls les socialistes ont dépassé le leur. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. C'est faux !
M. le président. Vous dites que ce n'est pas juste ; moi, je vous dis que c'est équitable.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, votre question, qui n'en n'était d'ailleurs pas une,...
M. Jacques Mahéas. Mais votre réponse en sera une, vraisemblablement !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... est vraiment le genre de provocation dont notre pays n'a pas besoin aujourd'hui. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière. Et l'hélicoptère ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je crois d'ailleurs que vous avez vous-même parfaitement senti que votre discours n'avait, en réalité, rien à voir avec le fond des problèmes que vous avez évoqués. Je crois simplement que c'est le jeu de la démocratie parlementaire.
M. Jacques Mahéas. Quel mépris !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je m'y conformerai car, pour ma part, je m'efforcerai de conserver dans cet hémicycle la dignité qui sied à la gravité des problèmes que nous y évoquons. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Tout d'abord, concernant le magasin que vous avez évoqué, l'administration, à la demande du ministre de l'économie et des finances, M. Arthuis, a fait ce qu'il convenait de faire : elle a vérifié que la réglementation était appliquée, s'agissant en particulier de l'exactitude de la publicité. A la suite des mesures prises par les services du ministère des finances, ce magasin est actuellement fermé, et il le restera jusqu'à ce que la réglementation soit appliquée par lui comme par tous les autres.
M. Jacques Mahéas. Jusqu'à vendredi prochain !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'ajoute, monsieur Mahéas, que, appartenant au groupe socialiste, vous être bien mal placé pour nous donner des leçons sur la pauvreté que votre politique a engendrée ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. Allez le dire aux Français !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce n'est pas moi qui, lorsque M. Bérégovoy - paix à sa mémoire - était ministre des affaires sociales, ai inventé l'expression « nouveaux pauvres » ! (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Vous gouvernez depuis quatre ans !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce n'est pas du temps où nous étions au pouvoir que l'abbé Pierre a été obligé de revenir lutter pour les pauvres en France, que je sache ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Il y a un million de chômeurs en plus depuis que vous êtes au pouvoir !
M. Jacques Mahéas. Lisez la presse !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Par conséquent, monsieur Mahéas, quand on fait de la politique, il faut aussi avoir un peu de culture ! (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne donnez pas de leçons ! Répondez à la question !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. MonsieurDreyfus-Schmidt, jamais, dans cet hémicycle, je ne serai capable de donner autant de leçons et de leçons aussi longues que celles que vous nous donnez d'habitude ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jaloux !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ah ! ça ! il est clair que, de ce point de vue, monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne serai jamais ni aussi long ni aussi pompeux que vous !
M. Paul Raoult. Et mentir sur l'hélicoptère comme vous l'avez fait ? Un peu de pudeur !
M. le président. Monsieur le ministre, répondez à la question !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis désolé de le dire, mais, à question inexistante, réponse difficile !
Je voudrais dire maintenant, sur le premier sujet, que la justice a pris une décision. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de donner sur ce point mon interprétation personnelle d'homme et de citoyen.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la première fois !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Par ailleurs, la cour d'appel d'Aix-en-Provence est désormais saisie de cette cause, et elle aura à la trancher le jour où l'affaire viendra en audience.
Mais ce qui est absolument certain, c'est que ce n'est pas par un langage tel que celui que vous avez tenu, monsieur Mahéas, que nous réussirons à faire en sorte que, dans ce pays, l'ensemble de la communauté nationale se rassemble et que les jeunes de notre pays, notamment ceux qui vivent dans les banlieues,...
M. Jacques Mahéas. Nous, nous les connaissons !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... aient confiance en notre société.
Or, c'est cela notre défi : faire en sorte que notre pays se rassemble de nouveau. Ce n'est pas par les questions que vous avez posées que nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. Le pays se réunit non pas autour de vous, mais contre vous !

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