SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
1
).
PRIVATISATION DE THOMSON (p. 2 )
Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
RECYCLAGE DES HUILES USAGÉES (p. 3 )
M. Claude Huriet, Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement.
CONFLIT DANS LA ZONE DE PÊCHE DE GUERNESEY (p. 4 )
Mmes Anne Heinis, Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.
INTERDICTION DES PRODUITS À BASE D'AMIANTE (p. 5 )
M. Guy Cabanel, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.
NOËL DES ENFANTS DÉFAVORISÉS (p. 6 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.
DROITS DE L'ENFANT (p. 7 )
MM. Alain Gérard, Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice.
NTM ET CRAZY GEORGE'S (p. 8 )
MM. Jacques Mahéas, Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice.
SIMPLIFICATION DU BULLETIN DE SALAIRE (p. 9 )
M. Jean Pourchet, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.
RACHAT D'AOM PAR AIR FRANCE (p. 10 )
MM. Paul Blanc, Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
ACHAT D'AVIONS BOEING PAR AIR FRANCE (p. 11 )
MM. Serge Vinçon, Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
BAISSE DES DOTATIONS PUBLIQUES
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES (p.
12
)
MM. René Rouquet, Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
3.
Transmission du projet de loi de finances
(p.
14
).
4.
Loi de finances pour 1997.
- Discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Discussion générale : MM. Alain Lambert, rapporteur général de la commission
des finances ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances ; Alain Lamassoure, ministre délégué au budget ; Paul Girod, Philippe Adnot, Roland du Luart, Xavier de Villepin, Josselin de Rohan, Jean-Pierre Masseret.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Fourcade,
Philippe Arnaud, Jacques Delong, Michel Sergent, Paul Loridant, Bernard Joly,
Jean Puech.
Renvoi de la suite de la discussion.
5.
Transmission d'un projet de loi
(p.
17
).
6.
Dépôt de propositions de loi
(p.
18
).
7.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
19
).
8.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
20
).
9.
Dépôt de rapports
(p.
21
).
10.
Dépôt d'avis
(p.
22
).
11.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCE`S-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
PRIVATISATION DE THOMSON
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thomson, «
cela vaut un franc symbolique après recapitalisation parce que, dans l'état
actuel des choses, cela ne vaut rien ». Ces paroles que le Premier ministre a
prononcées un soir sur France 3 sont allées, vous l'imaginez, droit au coeur
des milliers de salariés de l'entreprise, des élus des villes où sont
implantées des unités Thomson et de la communauté nationale tout entière.
Monsieur le ministre, Thomson, c'est le troisième groupe mondial et le premier
groupe européen en électronique professionnelle et militaire.
Thomson, c'est 22 % de parts de marché aux Etats-Unis. C'est le quatrième
groupe mondial après deux groupes japonais et Philips.
Thomson, c'est le premier groupe mondial en télévision numérique, la
télévision de demain, avec 50 % de parts du marché mondial. C'est 50 milliards
de francs d'investissement en recherche et développement, avec l'aide
européenne et française.
Thomson, c'est l'un des leaders du multimédia de demain, qui fusionne la
télévision, l'ordinateur et Internet sur un seul écran. C'est 2 milliards de
francs de redevances sur brevets que doit récupérer Thomson Multimédia,
conformément à l'accord conclu avec General Electric.
Thomson c'est, au total, une entreprise « mécaniquement rentable », selon son
propre président-directeur général, et non la situation de sinistre économique
que vous avez annoncée.
Or c'est cette entreprise nationale que vous décidez de privatiser dans les
pires conditions.
D'abord, en recapitalisant avant de vendre pour un franc symbolique. Fait
original : le vendeur paie pour l'acheteur.
Ensuite, en démantelant le groupe malgré les promesses du Président de la
République de vendre Thomson « à un groupe français, en un seul bloc et sans
démantèlement ».
Enfin, en menant le processus de privatisation dans l'opacité la plus totale,
de gré à gré, à deux ou trois personnes, en dehors de la représentation
parlementaire et, surtout, des salariés, à un point tel que le comité européen
d'entreprise de Thomson Multimédia a déposé un recours devant la Cour de
justice des Communautés européennes sur les conséquences de la privatisation
éventuelle de l'entreprise.
Monsieur le ministre, la privatisation de Thomson, cela ne passe pas, personne
n'en veut...
Plusieurs sénateurs du RPR.
La question !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
... ni les salariés, qui ont manifesté massivement hier, ni l'opinion publique
qui, à 72 %, se déclare choquée par les conditions financières de cette
privatisation, ni les élus des communes, des régions...
Plusieurs sénateurs du RPR et de l'Union centriste.
La question !
M. le président.
Posez votre question, madame Bergé-Lavigne !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
... où sont implantées des usines Thomson, et qui, à l'exemple du conseil
régional de Haute-Normandie, votent des motions demandant l'arrêt immédiat du
processus de privatisation du groupe.
Monsieur le ministre, ma question est précise.
(Ah ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Comme cela a été
fait pour le groupe CIC, et nous nous en réjouissons, êtes-vous prêt à
suspendre la privatisation de Thomson ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Madame le
sénateur, à la question que vous venez de poser, la réponse est « non ».
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pour l'instant !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
La
réponse est « non » parce que la voie de la privatisation est une nécessité
pour sauver l'entreprise.
M. Gérard Roujas.
La vôtre !
M. André Rouvière.
Ce n'est pas acquis !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Vous avez
parlé de Thomson Multimédia en pratiquant l'amalgame entre les entreprises qui
constituaient un groupe, c'est-à-dire, en fait, SGS-Thomson, Thomson Multimédia
et Thomson-CSF. Vous avez cité le président de Thomson Multimédia qui disait
que cette entreprise était « mécaniquement rentable ». Je vous répondrai
simplement que c'est mécaniquement rentable et économiquement déficitaire.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Sachez que je suis de ceux qui reconnaissent la valeur et le travail des
personnels qui se trouvent à l'intérieur de l'ensemble des entreprises
Thomson.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je vais vous le prouver, en particulier en vous indiquant les raisons
pour lesquelles, économiquement, il faut apporter une solution.
M. Gérard Roujas.
Vous êtes content !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Je
connais mieux les entreprises que vous ; j'y ai passé trente ans de ma vie et
je les ai dirigées, ce qui n'est pas votre cas !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées
socialistes.)
Madame le sénateur, Thomson SA, c'est 27 milliards de francs de dettes à la
fin de l'année ! C'est une entreprise qui a des fonds propres négatifs ! En
1995, elle affichait un résultat net consolidé de plusieurs milliards de francs
de pertes et un résultat net parts de groupes de plusieurs milliards de francs
de pertes.
M. Gérard Roujas.
Vous le croyez ?
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Oui, car
je connais ce dossier ! Vous ne savez pas lire les bilans !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Protestations sur les travées socialistes.)
L'entreprise Thomson Multimédia affichera, quant à elle, à la fin de l'année,
17 milliards de francs de dettes.
M. Paul Raoult.
Et le déficit !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Sur le
premier semestre de 1996, elle a accumulé plusieurs milliards de francs de
pertes. C'est une entreprise qui, elle aussi, a des fonds propres nuls.
J'ajoute qu'elle est présente sur un marché qui est très concurrencé et où les
prix connaissent une baisse considérable.
En 1995, sur le marché des télévisions, l'entreprise a subi une baisse de 5 %
en volume et de 6 % en prix aux Etats-Unis, contre 1 % en volume et 1 % en prix
en Europe, ce qui a bien évidemment pour conséquence d'affaiblir l'entreprise
face aux obligations qui sont les siennes de trouver les capitaux de son
développement, d'entrer dans un marché en croissance où elle n'est pas présente
- le marché asiatique - et de valoriser au mieux les atouts de nature
technologique, qui sont importants. Je vous rappellerai simplement que le
numérique représente 5 % du chiffre d'affaires de Thomson Multimédia. Il s'agit
de permettre à cette entreprise de maîtriser ses coûts de revient pour rester
compétitive sur ces marchés.
M. Paul Raoult.
Et l'Europe industrielle !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Pour que
l'entreprise ait les moyens de sa croissance, il faudra mettre en jeu des
dizaines de milliards de francs. C'est la raison pour laquelle il faut
s'engager dans la privatisation. En effet, ce que l'Etat n'a pas fait hier,
alors que vous étiez au pouvoir, il n'est pas en état de le faire aujourd'hui
!
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult.
C'est scandaleux !
RECYCLAGE DES HUILES USAGÉES
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'environnement et concerne le
recyclage des huiles usagées.
Madame le ministre, vous savez sans doute que, en 1995, 900 000 tonnes de
lubrifiants ont été consommées en France et que plus d'un tiers de ces
lubrifiants auraient pu, conformément à la loi, être récupérés et traités dans
des conditions satisfaisantes pour l'environnement et pour l'économie
nationale.
Or un petit quart a été effectivement collecté, ce qui signifie qu'une bonne
partie de ce lubrifiant a été brûlée dans des conditions non contrôlées ou
s'est trouvée répandue dans la nature.
Les huiles usagées qui ont été récupérées ont été brûlées pour l'essentiel et
recyclées pour un petit tiers seulement.
On peut s'étonner de ces constatations, madame le ministre. En effet,
conformément à vos préoccupations en matière d'écologie et à l'intérêt de
l'économie nationale, la loi de juillet 1980 a reconnu que le recyclage des
huiles constituait une priorité. C'est l'intérêt de tous !
Or, quinze ans après, cette loi n'est toujours pas appliquée ! Malgré plus de
douze questions posées à votre prédécesseur ou à vous-même, malgré une dizaine
de lettres, je suis incapable, aujourd'hui, de savoir quelle est votre volonté
politique quant au respect des dispositions de cette loi de 1980.
On me dit que certains lobbies s'y opposeraient. J'espère que vous êtes en
mesure de démentir cette rumeur et d'affirmer la claire volonté du Gouvernement
que la loi de 1980 soit enfin appliquée dans l'intérêt général du pays.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu
appeler mon attention sur le réaffinage des huiles usagées.
Comme vous le savez, la France a, depuis de nombreuses années, mis en place un
système original pour la collecte et l'élimination des huiles usagées : ce
système associe un encadrement réglementaire strict des activités des
opérateurs qui assure une bonne performance environnementale, et une prise en
charge financière par la taxe parafiscale sur les huiles de base permettant une
prise en charge collective des surcoûts.
Cela a permis, depuis dix années, d'accroître la collecte de 89 000 tonnes à
près de 225 000 tonnes d'huiles usagées aujourd'hui, soit un taux de collecte
de 80 %, ce qui constitue une performance remarquable s'agissant d'un déchet
dangereux détenu en petites quantités par une multitude de petits
détenteurs.
Aujourd'hui, 90 000 des 225 000 tonnes d'huiles usagées collectées sont
régénérées, le reste étant utilisé comme combustibles dans des installations
agréées à cet effet.
Il est vrai que se fait régulièrement jour le débat sur la valorisation
économique des huiles usagées entre les deux options : la régénération,
c'est-à-dire la « valorisation matière » et l'utilisation comme combustible,
c'est-à-dire la valorisation énergétique.
Afin de disposer d'éléments d'appréciation tenant compte des données les plus
récentes, j'ai demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, l'ADEME, de lancer une étude d'analyse du cycle de vie des huiles
usagées selon les différentes filières d'élimination.
Cette étude permettra de répondre aux principales questions qui se posent.
Quelles sont les meilleures filières d'élimination pour minimiser l'impact des
huiles usagées sur l'environnement ? En effet, tel est bien l'objectif
recherché, monsieur le sénateur.
Quelles sont les filières d'élimination qui permettront la meilleure
valorisation économique des huiles usagées ? C'est l'objectif économique auquel
vous vous référiez.
Enfin, comment hiérarchiser les filières d'élimination en fonction de ces
critères, afin d'obtenir les orientations les plus pertinentes ?
Cette étude est tout à fait indispensable, j'en conviens. Elle est en cours et
je ne manquerai pas de vous tenir informé, monsieur le sénateur.
En tout état de cause, je puis vous assurer qu'il n'existe, à l'heure
actuelle, aucun blocage d'ordre réglementaire, ou de tout autre nature, à
l'encontre de l'installation dans notre pays d'usines de régénération. Bien au
contraire, la priorité à la régénération reste inscrite dans notre législation
comme dans nos objectifs.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
CONFLIT DANS LA ZONE DE PÊCHE DE GUERNESEY
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Elle est
relative au conflit qui oppose actuellement les pêcheurs français de la
péninsule du Cotentin au bailliage de Guernesey.
En effet, le gouvernement britannique a signifié aux autorités françaises la
remise en cause unilatérale du
modus vivendi
qui, de façon pragmatique,
avait mis fin aux conflits ayant marqué les années 1993 et 1994 et avait permis
de retrouver un équilibre entre les intérêts en présence.
Cet équilibre a été conforté grâce à des accords passés entre professionnels
et aux efforts remarquables accomplis par la direction des pêches maritimes.
Cette remise en cause intervient alors que des discussions étaient en cours
entre les gouvernements français et britannique.
Tout récemment, mon collègue de la Manche, M. Le Grand, est intervenu sur
cette question qu'il connaît parfaitement et suit attentivement.
A sa demande, le ministre des affaires étrangères a adressé un courrier au
Foreign Office
, attirant l'attention de Londres sur les conséquences de
la rupture du
modus vivendi
.
Cependant, la récente et lourde condamnation d'un patron - pêcheur granvillais
par le tribunal de Guernesey provoque une vive émotion dans le monde de la
pêche. Il suffit de lire les journaux locaux de ces derniers jours ! Le climat
est extrêmement tendu, pour ne pas dire dangereux.
C'est de votre ministère que les professionnels attendent maintenant une très
grande détermination, monsieur le ministre. Ils attendent de la France un
soutien ferme, car elle a négligé, voire ignoré, les intérêts de nos pêcheurs
entre 1987 et 1992.
Nos pêcheurs peuvent-ils espérer que l'Etat français sera en mesure de faire
admettre par nos amis britanniques que la zone correspondant au régime
spécifique de la baie de Granville a pour limite nord-ouest la ligne dite de
l'Etac de Sark, ainsi que le stipulent expressément les accords de 1839 et
1843, la note verbale n° 194 de l'ambassade du Royaume-Uni à Paris du 24
février 1965, l'accord, sous forme d'un échange de notes, du 28 janvier 1994,
enfin la note de M. Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, du 18
avril 1994.
Cette question est capitale. Si une réponse positive pouvait y être apportée,
les autres problèmes se posant pour l'accès à d'autres zones comme Le Haricot,
ou pour la clarification des espèces pêchables, pourraient être négociés et
aboutir à une gestion concertée et équilibrée.
Dans cette optique, pouvez-vous me préciser, madame le secrétaire d'Etat,
quelles sont, pour nos pêcheurs, les perspectives à brève échéance ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre,
secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.
Madame le sénateur, le
modus vivendi
auquel il vient d'être mis fin à la demande des autorités
de Guernesey fonctionnait depuis 1994, dans des conditions qui, malgré des
heurts épisodiques, avaient globalement permis, ces deux dernières années,
d'éviter les tensions qui avaient marqué nos relations de pêche avec Guernesey
au cours de la période postérieure à l'accord de 1992.
Comme vous, le Gouvernement est tout à fait préoccupé par la situation qui
risque de découler de l'initiative britannique. Aussi, dès qu'il en eu
connaissance, le ministre des affaires étrangères a écrit à son homologue M.
Malcolm Rifkind, pour lui faire part de ses très vives inquiétudes à ce sujet.
M. de Charette a relevé, à cette occasion, que les dernières propositions que
nous avions faites dès le 7 octobre, dans le cadre de la renégociation de cet
accord demandée par les autorités de Guernesey, n'avaient toujours pas reçu de
réponse de la part des Britanniques. Il a exprimé le souhait que la discussion
puisse reprendre, et ce dans un délai très bref.
Pour ce qui est du cas particulier du statut juridique de la zone située au
sud-est de la ligne dite de l'Etac de Sark, nos réserves sur l'interprétation
britannique des dispositions de l'accord de 1992 tendant à en exclure les
pêcheurs français ont été signifiées par note verbale aux autorités
britanniques le jour même de la dénonciation du
modus vivendi
. Les
autorités de Guernesey sont donc tout à fait informées de notre opposition sur
ce sujet. Celle-ci repose sur des éléments juridiques et historiques.
Du point de vue juridique, rien ne permet de fixer la limite nord-ouest du
régime spécifique de la baie de Granville sur la base de l'accord de 1992, car
cet accord ne porte que sur des modalités de contrôle.
Du point de vue historique, il est établi que la France a une longue tradition
de pêche dans la zone considérée.
Telle est, madame le sénateur, la position que la France défend et continuera
à défendre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
INTERDICTION DES PRODUITS À BASE D'AMIANTE
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Madame le ministre, vous allez me répondre, au nom de M. le ministre du
travail et des affaires sociales, sur un problème particulièrement
difficile.
Au mois de juillet dernier, M. le Président de la République a rendu publique
la décision du Gouvernement d'interdire l'utilisation, dans les matériaux de
construction, de produits à base d'amiante.
Cette décision est tout à fait salutaire : elle était attendue par de nombreux
scientifiques à travers la France ; elle était aussi attendue, je crois, par
les professionnels du bâtiment eux-mêmes qui considéraient qu'il y avait là une
aventure difficile à continuer à vivre, celle des années soixante où tant de
bâtiments ont connu le flocage à l'amiante.
Toutefois, l'application de cette décision à la fabrication, au commerce de
l'amiante-ciment et même à l'industrie de l'automobile va poser d'importants et
difficiles problèmes.
Ma question est en quelque sorte à choix multiple.
Tout d'abord, le choix, par le Gouvernement, des laboratoires destinés à
donner des résultats fiables en ce qui concerne la teneur en fibres d'amiante
par litre d'atmosphère a-t-il pu être réalisé dans de bonnes conditions et, si
possible, combien de laboratoires, tout en étant fiables, ont-ils reçu
l'agrément pour conduire ces expertises ?
Ensuite, le Gouvernement, compte tenu du choix des techniques de désamiantage,
c'est-à-dire soit le déflocage, soit l'encapsulage des foyers d'amiante,
a-t-il, là aussi, arrêté des modalités d'agrément et commencé à accorder son
agrément aux entreprises qui auront à conduire ces opérations à hauts risques
?
M. François Trucy.
Très bien !
M. Guy Cabanel.
Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement vis-à-vis de ceux qui produisent
des matériaux à l'amiante ? Ils ont appris que la production de ceux-ci allait
être interdite à partir du 1er janvier 1997, ce qui n'est pas sans difficulté
et sans incidence sur l'emploi dans certaines régions. De surcroît, les
grossistes et les commerçants en matériaux de construction qui incluent de
l'amiante devront cesser leurs ventes et détruire leurs stocks. Comment
vont-ils les détruire et qui va prendre en compte les incidences sur les bilans
financiers des entreprises ?
(Très bien ! Sur les travées des Républicains
et Indépendants.)
A ces quatre questions, je voudrais en ajouter une cinquième, relative à
l'industrie automobile.
M. le président.
Monsieur Cabanel, cela fait beaucoup de questions.
M. Guy Cabanel.
J'en termine, monsieur le président, soyez rassuré, en posant une dernière
question : a-t-on vraiment l'intention d'interdire la vente de véhicules qui
comporteraient, comme c'est le cas jusqu'à présent, des composants riches en
amiante, ou même tout simplement, à terme, la revente des véhicules d'occasion,
qui en comptent de grandes quantités ?
Telles sont les questions que je souhaitais poser. Madame le ministre, ce
dossier constitue pour le ministre que vous représentez aujourd'hui une lourde
charge. Les commerçants, les responsables de la conduite de chantiers et tous
les professionnels concernés nous posent de nombreuses questions. Nous
voudrions pouvoir leur apporter des réponses claires, et leur indiquer des
méthodes de raisonnement, ainsi que les moyens d'accéder à des informations
pratiques.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Comme vous venez de le rappeler, monsieur
le sénateur, le Gouvernement s'est attaqué très rapidement, dès le mois de juin
1995, à ce fléau de l'amiante. Il a tout de suite confié à l'INSERM, l'Institut
national de la santé et de la recherche médicale, une mission d'étude sur les
dangers de l'amiante, et il a mis en place, en décembre 1995, un plan global
d'action pour améliorer la prévention des risques et renforcer la sécurité des
personnes.
Le lendemain de la publication, le 3 juillet 1996, du rapport de l'INSERM -
vous faisiez état tout à l'heure de la déclaration de M. le Président de la
République - le Gouvernement a décidé d'interdire, à compter du 1er janvier
1997, la fabrication et la mise sur le marché de tous les produits contenant de
l'amiante.
M. Raymond Courrière.
Et l'évacuation de Jussieu ?
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Le plan global d'action que j'ai évoqué
doit évidemment prendre en compte l'ensemble des dangers que peut représenter
l'amiante, mais son application concerne évidemment plusieurs ministères et
différents organismes.
En ce qui concerne les conditions d'agrément des laboratoires d'expertise
devant déterminer le nombre de fibres d'amiante par litre d'atmosphère et la
certification des entreprises habilitées à intervenir, des procédures de
contrôle, dès la publication des décrets, ont été mises en oeuvre. Donc, des
procédures de contrôle seront certifiées par des organismes spécialisés.
QUALIBAT est d'ores et déjà en mesure d'assurer cette certification ; d'autres
organismes pourront être mis en place. J'ajoute qu'une garantie complémentaire
sera offerte par une accréditation de ces organismes par la COFRAC.
Aujourd'hui, trente-trois entreprises ont déposé des dossiers : à titre
d'information, deux sont déjà agréées et huit sont en cours d'agrément.
S'agissant des entreprises spécialisées, une liste de laboratoires agréés a
été publiée, comme vous devez le savoir, par arrêté du 28 mai 1996. Je ne vous
en donnerai pas la lecture, mais nous pourrons vous communiquer cette liste ou
vous pourrez vous référer vous-même à cet arrêté pour en avoir le détail.
En ce qui concerne les déchets issus de l'amiante libre - ceux que vous
évoquiez à l'instant, monsieur Cabanel - compte tenu des recommandations qui
ont été faites à un certain nombre d'entreprises, nous disposons aujourd'hui de
onze installations de stockage. A compter du 1er janvier 1997, tous les stocks
d'amiante devront être retirés du marché et ne pourront être exportés. Ils
seront orientés vers des filières de gestion des déchets.
Sur ce point, Mme le ministre de l'environnement précisera dans une circulaire
qui devrait paraître avant la fin de l'année les mesures à prendre pour
l'élimination des déchets d'amiante-ciment. Par ailleurs, une circulaire a déjà
été publiée en août 1996 au sujet des déchets domestiques.
J'ajoute, pour répondre à votre préoccupation, monsieur Cabanel, que le
ministère du travail a dûment mandaté les inspecteurs du travail pour qu'ils
effectuent des opérations de contrôle sur le terrain. L'inspection du travail
peut d'ailleurs prendre des mesures d'arrêt de chantier. Ainsi, vingt-six
arrêts de chantier ont eu lieu en août et en septembre derniers.
Au fur et à mesure, nous essayons donc de prendre toutes les mesures
nécessaires. Dès à présent, elles sont effectives et opérationnelles sur le
terrain.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
NOËL DES ENFANTS DÉFAVORISÉS
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. Arthuis, ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que notre
pays voit croître le nombre de pauvres, qu'ils soient sans emploi, salariés,
retraités, allocataires du RMI ou adultes handicapés.
Un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, étaient présents avec Mme
Geneviève Antonioz-de Gaulle pour en témoigner le 17 octobre au côté du
Gouvernement.
Je ne vous ferai pas l'injure non plus de vous rappeler que la France est
riche. Un simple examen des transactions boursières le démontre.
Je ne vous ferai pas non plus l'injure de vous rappeler que toute politique de
progrès exige que les valeurs morales, spirituelles, religieuses ou simplement
humaines entrent en harmonie avec les réalités de cette richesse, pour
constituer ce que l'on appelle la solidarité.
En cette année, où nous fêtons, pour la première fois, la journée des droits
de l'enfant, ne pouvons-nous pas exprimer le droit au Noël pour chaque enfant
de famille à revenus modestes par le versement d'une allocation de 1 000
francs, en retenant le critère de ressources de l'allocution exceptionnelle de
rentrée scolaire.
Je propose que ce soit la solidarité des plus riches qui finance ce geste.
Par quel moyen ? Je vous en suggère un.
Actuellement, pour payer l'impôt de solidarité sur la fortune, il faut que
celle-ci atteigne 4 610 000 francs. Avouez-le, il y a de quoi faire rêver
beaucoup de Français.
En dessous de ce montant, la taxation est de 0 %. Pour subir une taxe de 1,50
%, la fortune doit atteindre 44 730 000 francs.
Le groupe communiste républicain et citoyen proposera une autre grille de
l'impôt de solidarité sur la fortune, lors du projet de budget pour 1997 dont
l'examen commencera dans une demi-heure ici même.
D'ores et déjà, je propose de faire payer l'impôt à partir de 4 millions de
francs, de supprimer l'abattement pour personne à charge pour le calcul de
l'impôt de solidarité sur la fortune et d'imposer désormais une taxation de 2 %
à partir de 8 millions de francs.
La France n'y perdra rien, les riches y perdront très peu. Mais chaque enfant
de France y gagnera un beau Noël !
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est très simple : approuvez-vous
cette proposition ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Masseret.
M. Lamassoure ne croit pas au père Noël !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement.
Votre
proposition est évidemment sympathique, madame le sénateur, et chacun ici
approuve son inspiration.
Mille francs, proposez-vous ; c'est peut-être beaucoup pour le cadeau de Noël
d'un enfant, mais ce n'est pas assez pour faire vivre une famille. D'ailleurs,
vous en êtes convenue vous-même, votre question anticipait un peu sur la
discussion du projet de loi de finances pour 1997, qui va commencer dans une
demi-heure ici-même.
Vous pourrez constater que, dans le projet de budget pour 1997, le
Gouvernement tient à donner la priorité aux Français les plus défavorisés.
Ainsi, nous proposerons d'augmenter de 17 % l'aide médicale aux personnes les
plus démunies. Nous proposerons aussi d'accroître de 50 % l'aide aux
associations qui s'efforcent de porter assistance aux mal-logés ; cette aide
sera financée par les produits du surloyer payé par ceux qui occupent les
logements HLM alors qu'ils disposent de revenus qui leur permettraient
d'accéder à des logements ordinaires.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce ne sont pas les plus riches !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Nous proposerons également d'augmenter de moitié les
crédits pour l'apprentissage, de manière à permettre à un maximum de jeunes,
issus, notamment, de familles peu fortunées, d'accéder à l'emploi. Cela sera
financé non par une aggravation supplémentaire de la pression fiscale, mais par
des économies réalisées sur le train de vie de l'Etat et sur la
bureaucratie.
Mme Hélène Luc.
Et en diminuant la pression fiscale sur les grandes fortunes !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Compte tenu de l'inspiration de votre question, madame
Beaudeau, je ne doute pas que vous-même et votre groupe voterez ce projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Quelle politique !
M. Jean-Pierre Masseret.
Il croit au père Noël !
DROITS DE L'ENFANT
M. le président.
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
MM. Jean-Pierre Masseret et Paul Raoult.
L'hélicoptère !
M. Alain Gérard.
Hier, se déroulait la première journée nationale des droits de l'enfant. Elle
a été l'occasion de riches débats entre les différents acteurs du système de
lutte contre les infractions aux droits de l'enfant : les associations, les
pouvoirs publics et les autres organismes concernés.
Le Gouvernement a voulu que cette journée se prolonge à travers l'annonce par
M. le Premier ministre d'un certain nombre de mesures élaborées pour lutter
contre les abus sexuels et la maltraitance commis sur les enfants. Un projet de
loi doit notamment venir renforcer la législation pénale qui protège la
jeunesse en danger.
Je me félicite de cette initiative, concernant un sujet difficile, qui
recouvre des situations dramatiques et délicates.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez connaître avec
précision l'ensemble de ces mesures qui semble viser à construire un nouveau
rempart protecteur en faveur des enfants.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, votre
question, au lendemain de la première journée nationale des droits de l'enfant,
est très importante,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et spontanée !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... compte tenu de l'actualité dramatique la plus
récente que nous vivons tous avec beaucoup de douleur et d'émotion.
Le Gouvernement a décidé, voilà déjà plusieurs mois, de mettre en place un
plan d'ensemble, visant à protéger les enfants qui sont maltraités et qui
peuvent faire l'objet de sévices sexuels, un plan tendant de manière générale à
sauvegarder leur dignité, qui est essentielle pour une société comme la
nôtre.
Le Gouvernement a confié la coordination de ce plan, qui concerne sept ou huit
départements ministériels, au secrétaire d'Etat à l'action humanitaire
d'urgence, M. Xavier Emmanuelli.
Ce plan comporte un ensemble de mesures telles que, par exemple, la formation
des médecins et des enseignants, le lancement d'une campagne de sensibilisation
des professionnels ou la mise en place à partir du 1er janvier 1997 d'un numéro
vert unique pour signaler ce type de cas dramatiques. Ce plan contient
également un ensemble de mesures tendant à donner aux victimes plus de droits
et plus de moyens de les faire valoir.
Le ministère de la justice a préparé des dispositions pénales et de procédure
pénale de nature à dissuader de commettre de tels délits ou de tels crimes et à
en empêcher - c'est très important - la récidive.
Nous avons conçu, d'une part, des mesures visant à renforcer les dispositions
actuelles qui sanctionnent, par exemple, la détention d'images pornographiques
ou d'images comportant des éléments de pédophilie.
Nous allons aussi renforcer l'application de la loi de 1994 contre le tourisme
sexuel. Nous allons faire en sorte que soient mieux pris en compte les
témoignages des enfants et des familles, et que la justice y soit plus
attentive. Mais, surtout - c'est la principale innovation - nous allons
créer...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous allez proposer de créer !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... une peine complémentaire, à savoir un suivi
médico-social, qui s'appliquera aux délinquants et aux criminels sexuels après
la fin de leur condamnation pour emprisonnement. Cette obligation de soins et
de suivi social contribuera, dans l'état actuel de la science, en particulier
de la médecine psychiatrique, à éviter qu'un certain nombre de ces délinquants
et criminels sexuels, qui sont souvent aussi des malades atteints de troubles
de la personnalité, ne récidivent. On sait en effet que des soins prodigués
régulièrement, et donc la possibilité pour ces délinquants et ces criminels
d'assumer leur situation, peuvent contribuer à les empêcher de récidiver.
Par conséquent, si notre projet est centré sur la dignité de l'enfant, il a
aussi pour objectif de protéger notre société. Je crois qu'il va parfaitement
dans le sens de vos préoccupations, c'est-à-dire la sécurité de notre pays et
de nos concitoyens, la dignité des enfants, mais aussi, tout simplement,
l'avènement d'une société plus humaine.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
NTM ET
CRAZY GEORGE'S
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le Premier ministre, je me permets de rapprocher deux événements
d'actualité : la condamnation de deux chanteurs de rap du groupe NTM...
M. Charles Descours.
Oh !
M. Alain Gournac.
Très bonne question !
M. Jacques Mahéas.
... et l'ouverture à Bobigny du
Crazy George's,
magasin pour les
pauvres.
Le rap est le langage d'une partie des jeunes des banlieues défavorisées.
Agressif, provocateur, il dénonce, condamne la société violente qui ghettoïse,
développe la pauvreté. NTM, entre autres, s'en prend à la police.
Nous condamnons fermement toute agression physique contre les policiers. Nous
savons tous que l'immense majorité des jeunes respectent une police
respectable, tout comme l'immense majorité des policiers respectent notre
jeunesse.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mais l'on constate parfois, d'un côté, les provocations et, de l'autre, les
bavures.
Bavure : la création dans la police d'un syndicat d'extrême droite dont
l'idéologie est en contradiction avec la déontologie de policier en est une.
M. Alain Gournac.
La faute à qui ?
M. Jacques Mahéas.
Qu'attendez-vous pour l'interdire ?
M. Jean Chérioux.
Fascistes !
M. Jacques Mahéas.
Provocation : sans doute le langage de NTM en est-il une ; mais la
condamnation à six mois de prison, dont trois mois ferme, pour deux rapeurs est
une incitation à la révolte. Pour ces jeunes issus de la Seine-Saint-Denis,
juge unique va signifier juge inique.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais oui !
M. Jacques Mahéas.
Après le délit de « sale gueule », voici durement condamné le délit de «
grande gueule » !
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Philippe Richert.
C'est la justice !
M. Michel Caldaguès.
C'est lamentable !
M. Jacques Mahéas.
Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ? La majorité va-t-elle
parler d'une seule voix ? Cautionnez-vous cette tentative de retour à un
certain ordre moral ?
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Emmanuel Hamel.
Ordre républicain !
M. Jacques Mahéas.
Pensez-vous que les Français sont immatures ?
Provocation : l'ouverture en Seine-Saint-Denis du
Crazy George's
,
premier magasin pour pauvres.
Vous nous avez très injustement reproché en son temps l'apparition des
nouveaux pauvres.
M. Alain Gournac.
Oh oui !
M. Jacques Mahéas.
Depuis quatre ans, la pauvreté s'accroît rapidement :...
M. Jean Chérioux.
Quatorze ans !
M. Jacques Mahéas.
... augmentation du nombre des RMIstes, de la précarité, explosion des
dépenses sociales dans les collectivités locales, embouteillage dans les
commissions de surendettement.
Même aux Etats-Unis, ce type de location-vente à un taux usuraire a été
condamné.
M. le président.
Posez votre question, monsieur Mahéas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a pas que les socialistes qui dépassent leur temps de parole !
Un sénateur socialiste.
Il y a du parti pris, monsieur le président.
M. Jacques Mahéas.
Votre gouvernement s'est contenté de demander au
Crazy George's
de
changer ses étiquettes. Ainsi, vous cautionnez l'exploitation éhontée de la
pauvreté !
Dans nos quartiers les plus pauvres, s'installe l'hyperlibéralisme dans sa
forme la plus immorale : l'exploitation des exclus.
M. Alain Gournac.
Et la femme policier qui s'est fait violée ?
M. Jean Chérioux.
Oui, dans le RER !
M. Jacques Mahéas.
Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre, contre ce racket des
pauvres ?
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Hélène
Luc applaudit également.)
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je fais respecter le temps de parole à tout le
monde. Or j'observe que, jusqu'à présent, seuls les socialistes ont dépassé le
leur.
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière.
C'est faux !
M. le président.
Vous dites que ce n'est pas juste ; moi, je vous dis que c'est équitable.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, votre question, qui n'en n'était
d'ailleurs pas une,...
M. Jacques Mahéas.
Mais votre réponse en sera une, vraisemblablement !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... est vraiment le genre de provocation dont notre
pays n'a pas besoin aujourd'hui.
(Très bien ! et vifs applaudissements sur
les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière.
Et l'hélicoptère ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je crois d'ailleurs que vous avez vous-même
parfaitement senti que votre discours n'avait, en réalité, rien à voir avec le
fond des problèmes que vous avez évoqués. Je crois simplement que c'est le jeu
de la démocratie parlementaire.
M. Jacques Mahéas.
Quel mépris !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je m'y conformerai car, pour ma part, je m'efforcerai
de conserver dans cet hémicycle la dignité qui sied à la gravité des problèmes
que nous y évoquons.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- Protestations sur les travées socialistes.)
Tout d'abord, concernant le magasin que vous avez évoqué,
l'administration, à la demande du ministre de l'économie et des finances, M.
Arthuis, a fait ce qu'il convenait de faire : elle a vérifié que la
réglementation était appliquée, s'agissant en particulier de l'exactitude de la
publicité. A la suite des mesures prises par les services du ministère des
finances, ce magasin est actuellement fermé, et il le restera jusqu'à ce que la
réglementation soit appliquée par lui comme par tous les autres.
M. Jacques Mahéas.
Jusqu'à vendredi prochain !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
J'ajoute, monsieur Mahéas, que, appartenant au groupe
socialiste, vous être bien mal placé pour nous donner des leçons sur la
pauvreté que votre politique a engendrée !
(Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les
travées socialistes.)
M. Bernard Piras.
Allez le dire aux Français !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce n'est pas moi qui, lorsque M. Bérégovoy - paix à sa
mémoire - était ministre des affaires sociales, ai inventé l'expression «
nouveaux pauvres » !
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Vous gouvernez depuis quatre ans !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce n'est pas du temps où nous étions au pouvoir que
l'abbé Pierre a été obligé de revenir lutter pour les pauvres en France, que je
sache !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult.
Il y a un million de chômeurs en plus depuis que vous êtes au pouvoir !
M. Jacques Mahéas.
Lisez la presse !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Par conséquent, monsieur Mahéas, quand on fait de la
politique, il faut aussi avoir un peu de culture !
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ne donnez pas de leçons ! Répondez à la question !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
MonsieurDreyfus-Schmidt, jamais, dans cet hémicycle, je
ne serai capable de donner autant de leçons et de leçons aussi longues que
celles que vous nous donnez d'habitude !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations
sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Jaloux !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ah ! ça ! il est clair que, de ce point de vue,
monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne serai jamais ni aussi long ni aussi pompeux que
vous !
M. Paul Raoult.
Et mentir sur l'hélicoptère comme vous l'avez fait ? Un peu de pudeur !
M. le président.
Monsieur le ministre, répondez à la question !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis désolé de le dire, mais, à question
inexistante, réponse difficile !
Je voudrais dire maintenant, sur le premier sujet, que la justice a pris une
décision. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de donner sur ce point mon
interprétation personnelle d'homme et de citoyen.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pour la première fois !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Par ailleurs, la cour d'appel d'Aix-en-Provence est
désormais saisie de cette cause, et elle aura à la trancher le jour où
l'affaire viendra en audience.
Mais ce qui est absolument certain, c'est que ce n'est pas par un langage tel
que celui que vous avez tenu, monsieur Mahéas, que nous réussirons à faire en
sorte que, dans ce pays, l'ensemble de la communauté nationale se rassemble et
que les jeunes de notre pays, notamment ceux qui vivent dans les
banlieues,...
M. Jacques Mahéas.
Nous, nous les connaissons !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... aient confiance en notre société.
Or, c'est cela notre défi : faire en sorte que notre pays se rassemble de
nouveau. Ce n'est pas par les questions que vous avez posées que nous y
parviendrons !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives
protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière.
Le pays se réunit non pas autour de vous, mais contre vous !
SIMPLIFICATION DU BULLETIN DE SALAIRE
M. le président.
La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet.
Madame le ministre, je voudrais attirer votre attention sur l'extrême
complexité des bulletins de salaire. J'ai entre les mains un exemplaire
particulièrement significatif de ce phénomène fort inquiétant.
Ce bulletin de salaire, qui m'a été communiqué par un artisan du bâtiment de
mon département, ne comporte pas moins de dix-sept lignes : dix au titre des
cotisations patronales et sept au titre des cotisations salariales.
Avec l'instauration d'un point de CSG supplémentaire déductible à compter du
1er janvier 1997, cette feuille de paye risque même de comporter une
dix-huitième ligne.
Quant aux assiettes de cotisation, j'en ai dénombré six, dont trois au titre
des cotisations patronales et trois au titre des cotisations salariales ; leur
montant varie de 8 009 francs à 9 538 francs.
Le plan PME engagé par votre collègue M. Jean-Pierre Raffarin s'était fixé
comme objectif, notamment, la simplification administrative. Une mission
d'experts nommée par le ministère du travail et des affaires sociales doit
prochainement rendre ses conclusions concernant, en particulier, la
simplification du bulletin de salaire.
Deux grands objectifs doivent être recherchés : non seulement une diminution
significative du nombre de lignes figurant sur les bulletins, mais aussi la
simplification des assiettes et des calculs de cotisations : pourquoi ne pas
avoir la même base pour l'ensemble des calculs et moduler le taux ?
Pouvez-vous, madame le ministre, nous donner des assurances sur ces deux
points ? Cette réforme pourra-t-elle effectivement entrer en application comme
prévu au 1er janvier 1997 ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le sénateur, je vais vous
répondre au lieu et place de mon collègue M. Jacques Barrot, mais M.
Jean-Pierre Raffarin aurait tout aussi bien pu s'exprimer sur ce sujet.
Il est vrai que le bulletin de salaire français est très certainement l'un des
plus compliqués au monde. Vous nous avez donné un exemple, monsieur le
sénateur, et il est tout à fait juste qu'à vouloir trop en écrire on devient
difficilement compréhensible.
Il est vrai aussi que l'un de nos défauts est de vouloir faire figurer sur le
bulletin de salaire tous les prélèvements, que ce soient les parts patronales
ou les parts salariales.
Dès lors, il est bien évident que, si nous voulons atteindre l'objectif de
simplification, nous devons examiner comment nous pouvons alléger le bulletin
de salaire.
Comme vous le savez, M. Jacques Barrot a confié un groupe de travail au
savoir-faire de M. Turbot, qui a déjà eu l'occasion de réfléchir sur la
complexité du bulletin de salaire. Sa mission est double : d'une part, il doit
nous proposer une simplification concrète, c'est-à-dire la diminution du nombre
de lignes de façon que l'élaboration du bulletin de salaire soit plus simple ;
d'autre part, il s'agit d'aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur le
sénateur - en relation avec les partenaires sociaux, bien entendu - à savoir
l'harmonisation des assiettes et autres modalités de calcul des prélèvements
sociaux, qui sont bien évidemment source de grande complexité.
Pour répondre aussi à l'une de vos questions, monsieur le sénateur, la CSG non
déductible figurera dans le futur bulletin de salaire sur la même ligne que le
RDS en 1997.
M. Raymond Courrière.
Il faut supprimer le RDS !
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
Cependant, je profite de votre question pour rappeler
que, dans le cadre du plan PME que vous évoquiez tout à l'heure, nous avons
déjà mis en oeuvre un certain nombre de mesures de simplification : ainsi, au
1er janvier 1996, nous avons mis en place la déclaration unique d'embauche, qui
a déjà permis une économie de temps pour les petites entreprises, puisqu'il n'y
a plus qu'un seul document à remplir au lieu de douze ; en juillet 1996, nous
avons également mis en oeuvre le contrat d'apprentissage unique, qui ne
représente plus qu'une seule liasse de trois feuillets, contre trois liasses de
onze feuillets auparavant. Là aussi, il s'agit d'une économie de temps, d'une
simplification et d'un gain en termes d'efficacité et de rapidité.
J'aimerais également vous signaler que nous nous attachons à simplifier l'une
des formalités qui est certainement la plus pénalisante pour nos entreprises, à
savoir la déclaration de cotisations sociales. Un certain nombre
d'expérimentations sont en cours et nous pensons que, à compter du 1er janvier
1998 - l'année 1997 sera nécessaire pour bien examiner les conditions dans
lesquelles nous pouvons mettre en oeuvre cette mesure - nous pourrons instaurer
une déclaration de cotisations sociales unique.
M. le président.
Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
J'en terminerai, monsieur le président, avec un sujet
qui intéresse aussi beaucoup les petites et moyennes entreprises et les
artisans : des expériences sont en cours à propos du chèque-emploi pour le
premier salarié, et nous espérons bien que l'année 1997 verra la mise en oeuvre
effective de ce dispositif.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
RACHAT D'AOM PAR AIR FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des
transports et du tourisme.
D'ici au 1er avril 1997, date qui marquera l'ouverture du ciel communautaire,
la compagnie Air France doit impérativement réussir sa fusion avec
l'ex-compagnie Air Inter et assainir ses finances.
Nous avons d'ores et déjà constaté les efforts entrepris en matière de
productivité du personnel, de réduction des coûts unitaires et de compression
des effectifs.
La nouvelle gestion a également entraîné la suppression de certaines liaisons
internationales et de lignes intérieures. C'est le cas de la ligne
Paris-Perpignan, que mon homonyme, M. Christian Blanc, a supprimée au motif
qu'elle était déficitaire.
Je ne reviendrai pas sur la polémique qui a eu lieu à ce sujet en demandant à
M. Blanc pourquoi d'autres liaisons, bien plus déficitaires, n'ont pas fait
l'objet d'une mesure identique.
Je rappellerai, en revanche, monsieur le ministre, l'action décisive et
efficace que vous avez menée pour maintenir la desserte de Perpignan grâce aux
compagnies TAT et AOM. Elles prouvent aujourd'hui la rentabilité de cette
liaison !
Reconnaissons que, généralement, ces mesures d'assainissement se sont révélées
essentielles puisque, après tous ces efforts, Air France n'enregistre qu'une
perte nette de 2,9 milliards de francs en 1995 et que l'équilibre semble tout
juste assuré cette année.
Dans ce contexte, j'ai été personnellement choqué d'entendre M. Blanc émettre
l'hypothèse du rachat d'AOM par Air France.
Certes, le rachat d'une compagnie est permis par la Commission européenne ;
certes, la maîtrise du marché intérieur est essentielle. Mais à quel prix, en
particulier pour le contribuable ?
Les Français savent que l'argent public, pour un montant représentant 20
milliards de francs, a servi à recapitaliser Air France. Ils sont en droit
d'attendre que ces sommes soient employées au désendettement et au redressement
de la compagnie.
Si, comme son président l'affirme, la situation financière de l'entreprise est
assainie grâce à ces capitaux, qu'il ne la fragilise pas avec des rachats
hasardeux ! Et, s'il a encore des doutes, qu'il se remémore la reprise
malheureuse d'UTA, en 1990, par son prédecesseur, M. Attali !
Monsieur le ministre, je souhaite donc savoir si l'actionnaire majoritaire
qu'est l'Etat a été consulté dans cette affaire et quelle sera sa position.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Paul Blanc est bien le meilleur !
M. le président.
La parole et à M. le ministre.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de vous remercier de votre
appréciation en ce qui concerne le travail que Mme Idrac et moi-même avons
effectué pour la desserte aérienne de Perpignan.
La compagnie AOM fait partie des actifs du Crédit lyonnais que le CDR est
chargé de céder en veillant à la défense du patrimoine de l'entreprise. Cette
cession s'effectuera dans des conditions normales pour ce genre d'opération,
après l'avis éventuel de la commission de privatisation.
S'agissant d'une compagnie aérienne, il faudra veiller attentivement à ce que
le repreneur soit en règle avec les directives de l'Union européenne, en
particulier en ce qui concerne la nationalité du propriétaire.
Quant à la compagnie Air France, elle est tenue jusqu'au 1er janvier 1997 par
la décision prise en juillet 1994 par la Commission européenne, qui lui
interdit de prendre des participations dans d'autres compagnies aériennes en
contrepartie de l'autorisation qui lui avait été donnée pour sa
recapitalisation à concurrence de 20 milliards de francs.
Enfin, le président de la compagnie Air France n'a pas, à ce jour, informé sa
tutelle de son désir de reprendre éventuellement la compagnie AOM.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je peux considérer aujourd'hui que
la question que vous avez posée n'est pas d'actualité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
ACHAT D'AVIONS BOEING PAR AIR FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme.
Monsieur le ministre, nous nous félicitons des résultats annoncés hier par Air
France. Ils tendent à prouver que, semestre après semestre, nous nous
acheminons vers l'équilibre. Nous saluons cet effort de la compagnie.
La meilleure preuve de ce redressement, déjà très largement entamé, est que la
compagnie nationale reprend ses acquisitions d'appareils : 13 milliards de
francs y sont consacrés.
Ce qui nous surprend cependant, monsieur le ministre, c'est le choix de
panacher l'achat d'Airbus et de Boeing. Cette décision ne risque-t-elle pas, en
effet, notamment par son coût de maintenance diversifiée, de compromettre
l'effort d'économie qui est tant souhaité et qu'il faut poursuivre ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le sénateur, depuis trois ans, la compagnie Air France travaille à son
redressement. Le conseil d'administration qui s'est tenue hier nous a apporté
des informations extrêmement encourageantes puisque, pour la première fois, au
cours du premier semestre aérien, qui va d'avril 1996 à septembre 1996, la
compagnie est parvenue à un résultat net positif de 802 millions de francs, par
rapport à un déficit de 335 millions de francs sur la période comparable de
l'année précédente.
Il s'agit là d'un résultat extrêmement positif qu'il faut saluer et qui est à
mettre au crédit des efforts faits par la direction de la compagnie et par le
personnel.
Dans ces conditions, la compagnie Air France regarde vers l'avenir et veut
réorganiser sa flotte.
Bien sûr, l'idée est que, normalement, elle devrait acheter des avions
européens, mais le problème n'est pas aussi simple que cela. En 1989, sous un
gouvernement socialiste, dirigé à l'époque par M. Michel Rocard, la compagnie
s'était lancée dans des acquisitions absolument folles.
(C'est vrai ! sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées
socialistes.)
En effet, elle avait commandé ferme des Boeing pour 949
millions de dollars et pris des options pour plus de 2 milliards de dollars.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas une raison pour continuer, monsieur le ministre !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Lorsque l'actuel président a été nommé, il a stoppé toutes ces commandes et,
depuis cette période, il a renégocié avec la compagnie Boeing.
La négociation a été bien conduite : les 2 milliards de dollars d'options -
plus de 10 milliards de francs - ont été abandonnés, mais il reste un reliquat
de 874 millions de dollars, ce qui représente plus de 4 milliards de francs.
La compagnie avait deux solutions : soit ne pas acquitter l'engagement, et
donc perdre les avances qui avaient été versées et se lancer dans un
contentieux dont on ne connaissait pas l'issue, soit acquérir des Boeing. La
question était cependant de savoir quel genre de Boeing. Nous avons pensé qu'il
fallait suivre la direction de la compagnie, qui proposait d'acheter les avions
qui pouvaient lui rendre les meilleurs services dans le cadre de son
redressement ; c'est ce qui a été décidé.
Voilà pourquoi, hier matin, j'ai donné instruction aux trois commissaires qui
représentent l'Etat au conseil d'administration d'Air France, d'une part,
d'accepter l'acquisition de dix Boeing 777, plus dix options ; d'autre part,
d'accepter l'acquisition de dix Airbus A 340-300, plus cinq options. J'ai
demandé, en outre, que la compagnie Air France accepte d'être la compagnie de
lancement du futur Airbus A 340-600, ce qui a été accepté.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Vive Attali !
BAISSE DES DOTATIONS PUBLIQUES
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président.
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
les maires de France achèvent aujourd'hui même leur congrès et viennent, une
fois de plus, dans leur grande majorité, de dénoncer la baisse répétée des
dotations publiques en faveur des collectivités et les conséquences
désastreuses, en termes de fiscalité locale, de transferts de charges de l'Etat
non compensées financièrement.
A la lumière de cette actualité, à laquelle vient s'ajouter l'accroissement
des besoins sociaux liés à la crise, j'aimerais appeler votre attention sur la
situation de milliers de contribuables à revenus moyens qui, ne pouvant plus
prétendre au dégrèvement de la taxe d'habitation dont ils bénéficiaient l'an
passé, ont subi une hausse soudaine et importante de leurs impôts locaux,
atteignant pour certains plus de 50 %.
Cette augmentation, qui concerne tous les foyers dont l'impôt sur le revenu
excède 13 300 francs, n'est pas imputable aux communes, mais résulte d'une
disposition de la loi de finances pour 1996, proposée par le Gouvernement et
votée par sa majorité.
Elle a plongé dans les difficultés financières de nombreux ménages, qui
viennent d'en mesurer l'effet direct sur leur feuille d'impôt et l'ont vécue,
en outre, comme une cruelle injustice à l'heure où M. le Président de la
République envisage d'alléger l'impôt de solidarité sur la fortune.
Compte tenu de la situation économique actuelle, cette coïncidence fâcheuse
est inacceptable. Elle est, de plus, d'une hypocrisie particulière, car, nous
le savons tous, dans cette assemblée, en matière d'impôts locaux, ce sont
toujours les maires qui sont en première ligne. Elle est, enfin, l'illustration
des choix qui sont faits actuellement dans notre pays : alléger les charges des
riches au détriment des classes plus modestes.
(Murmures sur les travées du
RPR.)
M. Claude Estier.
C'est vrai !
M. René Rouquet.
Au nom du groupe socialiste, je vous demande en conséquence, monsieur le
ministre, de revenir au plus tôt sur cette disposition, qui aggrave les
inégalités dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué au budget et porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le
sénateur, il est seize heures et nous avons, malheureusement, épuisé le temps
de parole qui nous était imparti. Je répondrai donc très brièvement à votre
question.
(Murmures sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La retransmission télévisée s'achève, mais vous avez tout le temps de répondre
!
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Mais, messieurs, nous allons avoir plusieurs jours pour
débattre de ce sujet, parmi d'autres, puisque dans quelques minutes va s'ouvrir
le débat sur le projet de budget pour 1997 !
Aux trois aspects de votre question, j'apporterai trois éléments de réponse,
monsieur le sénateur.
Premièrement, le total des aides de l'Etat aux collectivités locales, hors
fiscalité transférée, représentaient, l'année dernière, 240,5 milliards de
francs ; cette année, elles représenteront 244 milliards de francs. C'est donc
une augmentation substantielle,...
Mme Hélène Luc.
Et les charges nouvelles ?
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
... sans transfert de charges nouvelles. L'effort est
d'autant plus remarquable que l'Etat, pour sa part, n'augmente pas ses
dépenses.
Deuxièmement, il faut savoir qu'aujourd'hui c'est l'Etat, c'est-à-dire
l'ensemble des contribuables français, qui paie entre le cinquième et le quart
de la taxe d'habitation à la place des contribuables qui y sont assujettis. La
part de son budget que l'Etat consacre à acquitter la taxe aux collectivités
locales à la place des contribuables locaux représentera plus de 56 milliards
de francs, cette année, en augmentation de 7 % par rapport à l'année
précédente.
Enfin, monsieur le sénateur, puisque vous appelez de vos voeux la baisse des
impôts, soyez heureux : vous allez avoir l'occasion, dans quelques jours, de
voter la baisse que nous proposons de l'impôt sur le revenu...
(Exclamations
sur les travées socialistes),
à hauteur de 9 % l'année prochaine et de 25 %
sur cinq ans. Nous verrons lors de ces votes quels sont ceux qui défendent, en
particulier, les Français défavorisés, les classes moyennes et les familles
nombreuses !
(Protestations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et la TVA ?
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures
dix.)
M. le président. La séance est reprise.
3
TRANSMISSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES
M. le président.
J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi
de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 85, distribué et renvoyé au fond
à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation et, pour avis, sur leur demande, à la commission des affaires
culturelles, à la commission des affaires économiques et du Plan, à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la
commission des affaires sociales et à la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
4
LOI DE FINANCES POUR 1997
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 1997,
adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997)]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre de l'économie et des finances, mes chers collègues, l'examen de la loi
de finances pour 1997 s'engage dans un contexte de rénovation qui me conduit,
comme il conduira tous les rapporteurs au cours de la discussion, à m'exprimer
à la tribune de notre Haute Assemblée avant le Gouvernement.
Cette heureuse modification dans nos procédures parlementaires résulte de la
volonté des plus hautes autorités de l'Etat. Je m'en réjouis, et je sais que
nous devons à l'action déterminée du président de la commission des finances,
M. Christian Poncelet, mais aussi à l'opiniâtreté du président du Sénat, M.
René Monory, le fait que nos débats se déroulent désormais de cette manière.
Nous pouvons nous réjouir, mes chers collègues, de l'honneur ainsi rendu à
notre assemblée - fût-ce à titre symbolique - par ce retour à sa vocation
constitutionnelle première, à savoir le consentement à l'impôt. Gardons
toujours à l'esprit l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme, qui
confère aux représentants de la nation que nous sommes le droit de « constater
la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement et d'en
suivre l'emploi ».
Il est heureux que cette rénovation de la discussion budgétaire voie le jour
avec ce projet de loi de finances pour 1997. Celui-ci présente en effet un
caractère historique puisque du succès de son exécution dépendra ou non le
passage à la monnaie unique en 1999.
Ce budget revêt une autre spécificité forte : il est la traduction fidèle des
engagements pris au printemps dernier, lors du débat d'orientation
budgétaire.
Ce budget, mes chers collègues, est aussi le nôtre, dès lors que nous en avons
approuvé les principales lignes de force à l'occasion de ce débat.
Monsieur le ministre, vous nous aviez, à l'époque, posé une question claire :
« Souscrivez-vous à l'objectif que nous nous sommes donné pour la loi de
finances de 1997, c'est-à-dire reconduire en francs courants notre niveau de
dépenses, à savoir 1 552 milliards de francs ? » Notre réponse fut « oui », et
le projet de budget pour 1997 en tire les conséquences.
Avant d'examiner ce budget en recettes et en dépenses, je veux dire aussi
qu'il est sincère et courageux. C'est tout à l'honneur du Gouvernement, et
c'est aussi tout à votre honneur, monsieur le ministre.
Il est sincère dans la mesure où le cadrage macro-économique qui le fonde est
très proche du consensus des instituts de prévision nationaux et
internationaux. Ce n'est certes pas une garantie contre l'erreur, mais c'est,
en tout cas, le meilleur gage de votre totale bonne foi.
Ce budget est sincère aussi, au sens où les dépenses inscrites répondent aux
nécessités, à une ou deux exceptions près que je signalerai tout-à-l'heure.
Le budget est sincère, mais il est également courageux. En effet, la dérive
des charges est enfin contenue. Après avoir connu une augmentation de 5,5 % par
an entre 1988 et 1995, les dépenses sont stabilisées en francs courants, quel
que soit l'indicateur retenu, après donc sept années ininterrompues de
progression.
Certes, le courage engendre souvent l'impopularité, mais il faut savoir la
braver lorsque la cause est juste, M. le président René Monory nous le
rappelait récemment.
Mes chers collègues, peut-on laisser dire, peut-on laisser croire qu'il est
possible d'augmenter les dépenses en réduisant le déficit et l'endettement ?
L'atonie durable de la croissance de nos recettes nous condamne à réviser, et
de façon drastique, nos habitudes de dépenses, qui sont devenues totalement
incompatibles avec la faiblesse de nos ressources, sauf à choisir la fuite en
avant, c'est-à-dire l'endettement.
Le rôle central des recettes publiques dans la politique budgétaire doit,
aujourd'hui, être reconnu : elles sont non pas une variable d'ajustements, mais
au contraire un élément déterminant. Or l'activité économique est encore
insuffisante pour fournir les recettes nécessaires à l'Etat. La fiscalité doit
donc se mettre au service de la croissance, et non pas seulement en récolter
les fruits !
Tout serait tellement plus facile si la reprise était au rendez-vous ! Le
partage de ce qu'il est convenu d'appeler « les fruits de la croissance »
rendrait moins pénibles les rééquilibrages indispensables.
Hélas ! notre économie, si l'on écarte l'effet des variations de stocks, reste
depuis 1991 sur une pente de croissance faible, entre 1,5 % et 1,9 %, ce qui
est préoccupant dans la mesure où nous évoluons durablement au-dessous du
niveau de notre croissance potentielle, qui est généralement estimée à 2,5 %
l'an. Malgré une tendance à l'amélioration, le rythme de l'activité reste peu
dynamique, et il est insuffisant pour contenir le chômage.
Nous disposons donc de potentialités en travail et en capital qui demeurent
sous-employées. Tout doit être remis en oeuvre pour les mobiliser. La réforme
fiscale, notamment la baisse de l'impôt sur le revenu, doivent y contribuer.
Elles y contribueront, mais il importe, mes chers collègues, de convaincre nos
compatriotes de consacrer les 25 milliards de francs de réduction d'impôt à la
consommation et à l'investissement pour stimuler la reprise.
La baisse des prélèvements, plus précisément celle de l'impôt le plus
symbolique, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, doit revivifier l'esprit
d'entreprise et susciter la création d'emplois productifs. Mobilisons-nous pour
que ces 25 milliards de francs n'accroissent pas davantage encore l'épargne de
précaution, et pour qu'ils soient au contraire directement injectés dans
l'économie, au service de l'emploi.
Cela m'amène, au passage, à regretter l'amalgame injuste qui est fait entre
cette baisse et le prélèvement supplémentaire opéré l'année dernière. Le
chiffre cité complaisamment de 120 milliards de francs supplémentaires est
parfaitement fantaisiste ; le prélèvement supplémentaire réel s'est élevé à 63
milliards de francs. Il a été consacré à réduire les charges sur les bas
salaires. Qui le regrette ? Il a été consacré à financer le déficit de la
sécurité sociale. Qui le regrette ? On regrette le déficit, mais il a bien
fallu le combler !
Mes chers collègues, il est indispensable, il est urgent même de créer dans
notre pays un enchaînement vertueux de croissance, et ce en donnant aux
Français non seulement les encouragements mais aussi les moyens d'un soutien à
l'économie. C'est le meilleur gage du redressement de l'emploi et de nos
finances.
La commission des finances, vous l'aurez compris, approuve pleinement le volet
fiscal du projet de loi de finances soumis à notre examen. Elle suggère
simplement pour l'avenir, monsieur le ministre, que les grands choix de
politique fiscale soient, eux aussi, effectués dès le débat d'orientation
budgétaire.
Pour terminer sur la réforme fiscale, j'ajouterai deux remarques.
Premièrement, la variante qui vise à substituer à l'allégement de l'impôt sur
le revenu une diminution de la TVA n'offre pas, pour l'activité et pour
l'emploi, un avantage très convaincant, surtout si l'on sait, d'une part, que
la répercussion par les entreprises de la baisse de la TVA est toujours
aléatoire et, d'autre part, que la TVA est le seul impôt qui frappe
pareillement les produits importés et ceux qui sont fabriqués en France, sans
affecter nos exportations.
Deuxièmement, je relève le « scepticisme fiscal » de nos concitoyens, qui
considèrent toujours les hausses comme acquises, même lorsqu'elles ne sont
qu'envisagées, et tiennent les baisses pour peu crédibles, même lorsqu'elles
sont votées.
Nous avons donc une démarche pédagogique à mener pour convaincre nos
compatriotes du bien-fondé de la réforme fiscale engagée pour les cinq années à
venir.
Avant d'en terminer sur les recettes, le moment me semble bien choisi pour
inviter le Sénat à une réflexion d'ensemble sur notre fiscalité et, plus
généralement, sur les prélèvements obligatoires.
Pour adapter l'impôt aux réalités économiques du monde moderne - nous avons
beaucoup de travail à faire en ce sens - la commission des finances a ouvert,
avec le Gouvernement, trois pistes de réflexion, que j'énumère avant de les
reprendre une à une plus en détail. Il s'agit de rendre notre système de
prélèvements obligatoires plus lisible, de revoir notre système de dépense
fiscale et de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus
compétitif.
Il faut donc, première piste de réflexion, rendre notre système de
prélèvements obligatoires plus lisible.
Il n'existe plus de limite claire entre les cotisations sociales et les impôts
d'Etat, plus de lignes de partage tranchées entre ces impôts d'Etat et les
impôts locaux. Pire encore, nul citoyen n'est plus en mesure de juger des
prestations qui lui sont fournies en échange de ses contributions.
De cette double confusion naît un sentiment de malaise qui mine le
consentement à l'impôt et l'esprit civique. Le sentiment général est de
beaucoup payer et de recevoir peu, ce qui est un paradoxe dans un pays où la
dépense publique représente plus de 55 % du PIB, ce qui est un paradoxe dans le
pays qui redistribue le plus, comparativement à ses principaux compétiteurs.
Mes chers collègues, disons-le ! Mes chers collègues, expliquons-le !
Le système fiscal, en effet, s'il ratisse large, redistribue aussi
beaucoup.
Il convient également, et c'est la deuxième piste de réflexion, de remettre à
plat notre système de dépense fiscale.
Un des aspects les plus méconnus de notre système de prélèvements obligatoires
est le poids de la dépense fiscale. Comme vous le savez, la dépense fiscale
représente le coût, pour le budget de l'Etat, des mesures fiscales
dérogatoires. Elle n'est pas visée dans la réduction programmée des charges
publiques, alors qu'elle influence très directement le déficit budgétaire.
Depuis longtemps, nous cédons - Parlement ou Gouvernement - à la tentation de
créer de multiples incitations fiscales, qui n'augmentent pas statistiquement
les dépenses, qui diminuent même les prélèvements obligatoires, mais qui
accroissent les pertes de recettes, et donc le déficit. Nous avons ainsi
dénombré 445 mesures tendant à créer une dépense fiscale, pour un montant qui
se chiffre en centaines de milliards de francs.
Ces mesures sont coûteuses, sans qu'il soit toujours possible d'en apprécier
l'efficacité économique. Le Gouvernement et le Parlement portent chacun une
part importante de responsabilité. N'est-il pas en effet plus aisé de minorer
l'assiette que de réduire les taux qui, eux, revêtent souvent une dimension
symbolique forte ? La réforme de l'impôt sur le revenu est la première réponse
courageuse à cette dérive ; elle en appelle d'autres.
La troisième piste de réflexion sur laquelle je voudrais plus encore retenir
votre attention, mes chers collègues, concerne la compétitivité de notre
système de prélèvements obligatoires en ce qu'elle détermine, selon la
commission des finances, la compétitivité économique de notre pays.
Il s'agit, là encore, d'un sujet extrêmement important. Il est en cours
d'expertise, tant à l'OCDE qu'à la Commission de Bruxelles. Le Parlement, en
particulier le Sénat, ne saurait se soustraire à cette réflexion. La libre
circulation des personnes et des capitaux conduit à des migrations fiscales qui
n'en sont aujourd'hui, du moins peut-on le craindre, qu'à leur début. Nous
avons, mes chers collègues, à anticiper sur les conséquences graves qui vont en
résulter : les vedettes de spectacle - c'est bien connu ! - les sportifs de
haut niveau, les
traders,
les détenteurs de patrimoines délocalisables
ne sont-ils pas les premiers émigrants qui en annoncent d'autres ? Demain, si
nous n'y prenons garde, ce sont les activités de services financiers, les
sièges sociaux et les centres de décision des grandes entreprises
internationales qui feront de même.
Il serait malhonnête - et je veillerai à ne pas l'être - de forcer le trait et
de dramatiser la menace, mais restons vigilants pour apprendre à mieux mesurer
et à mieux évaluer la compétitivité de notre système fiscal.
C'est en gardant à l'esprit ces forces et ces faiblesses de notre fiscalité
que nous devons voter l'impôt, avant de consentir aux dépenses de l'Etat.
S'agissant donc maintenant des dépenses, j'insisterai tout d'abord, comme je
l'ai dit en introduction, sur l'effort de réduction engagé par le Gouvernement.
Pour la première fois dans l'histoire budgétaire de la Ve République, les
dépenses de l'Etat se stabilisent.
Cet effort mérite d'être encouragé, car il est difficile et terriblement
ingrat. Il est pourtant incontournable et, mes chers collègues, notre
solidarité ne doit pas manquer au Gouvernement.
Si notre tâche, à ses côtés, est ingrate, il nous appartient, à nous,
parlementaires, d'appeler la nation, d'appeler nos compatriotes à la plus
urgente et à la plus vive prise de conscience des enjeux ; il y va de l'avenir
de nos enfants.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils me semblent particulièrement
éclairants.
Pour seulement stabiliser le poids de la dette de l'Etat dans le PIB en 1997,
il aurait fallu réaliser 161 milliards de francs d'économies supplémentaires,
soit davantage que l'ensemble des dépenses pour l'emploi ! Hors charges de la
dette et dépenses de personnel, au sens strict, ce montant représente une
baisse de 22 % de toutes les autres dépenses.
En 1997, le besoin de financement de l'Etat pourrait atteindre 690 milliards
de francs. Si l'on neutralise l'effet exceptionnel de l'emprunt dit « Balladur
», ce besoin s'établit à 590 milliards de francs.
Toutes les semaines - mes chers collègues, prévenez vos concitoyens - l'Etat
empruntera 11 milliards de francs sur les marchés. A la fin de l'année, chaque
Français se sera endetté d'un million de centimes supplémentaire. Comment
remboursera-t-il ?
Ces seuls chiffres - je pourrais, hélas ! en citer bien d'autres, mais je n'ai
pas voulu vous accabler - doivent renforcer encore notre conviction qu'il n'est
pas de salut dans le déficit et dans la dette. Bien au contraire, il y a péril
grave pour la nation. C'est la raison pour laquelle la commission des finances
- je parle sous le contrôle de son président - ne ménagera pas son soutien au
Gouvernement dans son action courageuse pour la maîtrise de la dépense
publique.
Certes, les déficits obligent à des arbitrages difficiles, voire périlleux.
J'entends dire parfois que la marge de manoeuvre du Parlement serait trop
faible et la discussion budgétaire presque inutile. Mes chers collègues, ce
n'est pas seulement la marge de manoeuvre du Parlement qui est faible, c'est
aussi celle du Gouvernement - je parle ici sous son contrôle - et plus encore
celle du pays tout entier. Ainsi, nous sommes condamnés à des arbitrages
difficiles, sur l'investissement, sur certaines priorités et sur certaines
dotations.
S'agissant de l'investissement, tout d'abord, le projet de budget pour 1997
s'inscrit, hélas ! dans la lignée des précédents en ce qu'il prévoit une
diminution des dépenses d'investissement. Deux exemples suffisent à illustrer
ce déclin tendanciel : l'investissement global, d'une part, et le logement,
d'autre part.
En ce qui concerne l'investissement global, entre 1986 et 1997, la part des
dépenses civiles en capital dans l'ensemble des dépenses de l'Etat a
pratiquement diminué de moitié ; pendant le même temps, les dépenses de
fonctionnement ont crû de 60 %. Ces chiffres montrent bien le recul global
préoccupant, qui, hélas ! persistera tant que nous ne maîtriserons pas mieux
nos dépenses de fonctionnement.
En ce qui concerne le logement, entre 1990 et 1997, la part des aides à la
personne est passée de 40 % à 57 % de toutes les aides budgétaires ; pendant le
même temps, les aides à la pierre, donc à l'investissement, ont diminué,
passant de 39 % à 31 %.
Cette nécessité de préserver l'investissement apparaît encore mieux à travers
la présentation du budget dans les formes de la comptabilité des collectivités
locales, qui constitue un réel progrès. Nous vous le devons, monsieur le
ministre, et nous vous en remercions. Elle retient tout particulièrement notre
attention d'élus locaux. En 1997, cela ne vous a pas échappé, mes chers
collègues, le montant du déficit de fonctionnement financé par l'endettement
augmentera encore de 6 milliards de francs, passant ainsi, par rapport à l'an
dernier, de 109 milliards de francs à 115 milliards de francs, largement en
raison, il est vrai, de la réforme de l'impôt sur le revenu.
J'en viens maintenant aux priorités.
Certaines priorités antérieures sont, par la force des choses, atténuées ou
ajournées, qu'il s'agisse de l'étalement des contrats de plan Etat-région ou de
certaines lois de programmation. Ces étalements ne seraient pas autrement
préoccupants s'ils ne traduisaient notre difficulté collective à redéfinir le
rôle de l'Etat. En reportant les crédits, nous nous contentons de différer les
solutions au problème, alors qu'il convient, comme vous l'avez parfaitement
rappelé en ces termes à la tribune de l'Assemblée nationale, monsieur le
ministre de « lutter contre notre propre culture d'extension de la sphère
publique au détriment de l'initiative et de la responsabilité privées ».
S'agissant, enfin, des dotations, une analyse approfondie des dépenses
inscrites pour 1997 laisse apparaître quelques risques de tension. J'en retiens
trois.
S'agissant des aides à la réduction du temps de travail, 800 millions de
francs seront-ils suffisants pour un dispositif en plein essor ?
Pour ce qui est de la marge de manoeuvre pour financer les négociations
salariales dans la fonction publique, 2 milliards de francs permetteront-ils de
mener à bien une telle négociation ?
Enfin, quant à la recapitalisation des entreprises publiques alimentée par des
recettes de privatisation, 27 milliards de francs pourront-ils permettre de
faire face aux besoins qui, hélas ! s'accumulent ?
Sur ces trois points, la commission des finances vous entendra, avec beaucoup
d'intérêt, monsieur le ministre.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, le budget soumis à votre examen
n'est pas un budget de facilité, mais, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il
est un budget de courage.
Le péril des déficits, le péril de la dette exigeaient des arbitrages ; ils
ont été opérés non sans discernement. Par loyauté et par souci d'objectivité,
j'ai exposé à l'instant les préoccupations qu'ils pouvaient susciter, aussi
puis-je maintenant vous présenter la synthèse des résultats obtenus dans la
maîtrise des dépenses.
La stabilisation des dépenses, la réduction des déficits et la baisse des
prélèvements obligatoires qu'opère le budget est sans précédent. De surcroît,
ce budget s'attache à des priorités clairement affichées, au service de la
cohésion sociale et du progrès économique. Ainsi, les dépenses budgétaires pour
l'emploi s'accroissent de 8 % et les dépenses en faveur du logement de 1,5 %.
Par ailleurs, plusieurs budgets connaîtront des hausses, ceux du travail, de la
justice, de l'éducation nationale, de la recherche, de l'action sociale et de
la solidarité, notamment.
Malgré des contraintes fortes, près de 60 milliards de francs d'économies sont
réalisées, la croissance inquiétante de la charge de la dette et des dépenses
de personnel sont infléchies.
Les engagements pris lors du débat d'orientation budgétaire sont tenus.
Le ministre de l'économie et des finances et le ministre délégué au budget
nous présenteront le détail de toutes ces mesures dans un instant.
Je souhaiterais, pour conclure, délivrer quatre messages.
Premier message : le Gouvernement, malgré ses difficultés, engage la réforme
fiscale et la baisse de l'impôt sur le revenu ; son courage mérite d'être
salué.
Deuxième message : prenons conscience que le système de prélèvements
obligatoires français et très redistributif, mais aussi qu'il est miné par la
dépense fiscale et qu'il doit au plus vite relever le défi de la compétitivité
internationale.
Troisième message : inscrivons notre effort dans la durée. Des réformes de
structure lourdes sont en cours, qu'il s'agisse de la réduction des effectifs
de la fonction publique, qui annonce une vraie réforme de l'Etat, ou de la
révision des interventions publiques, qui vise à redistribuer les
responsabilités entre tous les acteurs de la vie économique. Il faut les
poursuivre, quelles que soient les difficultés.
Quatrième et dernier message : nous n'avons pas le droit, à l'égard des
générations futures, de céder au doute, à la tentation du renoncement.
La France traverse une période difficile, précisément parce qu'elle doute
d'elle-même.
Une croissance ininterrompue et l'inflation pendant de longues périodes ont
engourdi notre vigilance dans le passé, en corrigeant sans douleur nos
erreurs.
Il en est aujourd'hui tout autrement : la nécessité d'une réduction brutale de
nos dépenses publiques et sociales nous rappelle à la dure et incontournable
réalité.
Les sacrifices pourtant indispensables nous paraissent parfois trop lourds à
supporter.
Des voix imprudentes, quand ce n'est pas inopportunes, parfois même
inciviques, laissent croire que l'effort n'est pas nécessaire.
Chaque groupe social est tenté de se figer sur ses positions et jalouse les
autres ; l'unité de la nation se défait.
Mais la France, mes chers collègues, n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle
reprend l'initiative, qu'elle se rassemble, qu'elle unit ses forces.
Elle dispose d'un potentiel considérable : ses hommes, son génie inventif, sa
jeunesse, sa technologie. Il ne lui manque aujourd'hui que l'audace.
L'audace, qui appelle une nation à chasser sa peur de l'avenir, à dominer ses
doutes pour reprendre confiance en elle, en son destin. C'est, mes chers
collègues, le message que ce budget nous invite à délivrer tous ensemble à la
France.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre de
l'économie et des finances, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers
collègues, d'emblée, je veux vous dire, sans fioriture oratoire et au risque de
mettre prématurément un terme à un suspense insoutenable, que je considère ce
projet de loi de finances pour 1997 comme un budget particulièrement
courageux.
Courageux, ce projet de budget l'est assurément car, à l'évidence, il relève
deux défis, en apparence contradictoires, d'une part, engager une décrue de la
dépense publique et, d'autre part, amorcer un reflux des prélèvements
obligatoires.
La décrue de la dépense publique est au coeur du projet de loi de finances
pour 1997 qui la déclenche, en amplifiant l'oeuvre d'assainissement de nos
finances publiques entreprise depuis avril 1993 par une stabilisation, en
francs courants, des dépenses de l'Etat.
Le respect de cet objectif vertueux a imposé au Gouvernement un effort sans
précédent d'économies, qui représente plus de 60 milliards de francs.
Après l'excellente analyse à laquelle vient de procéder le rapporteur général,
M. Alain Lambert, avec la compétence, la rigueur et le talent que nous lui
reconnaissons tous, je me bornerai à rappeler que cet exceptionnel effort
d'économies, qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire budgétaire de la Ve
République, s'inscrit dans le droit-fil du débat d'orientation budgétaire du
printemps dernier, débat dont l'initiative revient à la Haute Assemblée. Nous
avions été alors presque unanimes pour insister les uns et les autres sur
l'ardente obligation et l'impérieuse nécessité de maîtriser la dépense
publique.
La maîtrise de la dépense publique est, en effet, une oeuvre de salut public,
car la France ne peut impunément continuer à vivre au-dessus de ses moyens avec
une dépense publique qui représente 55 % de la richesse nationale.
A ce niveau, la dépense publique, loin de soutenir l'activité et de contenir
le chômage, alimente les déficits budgétaires, gonfle la dette de l'Etat,
nourrit la hausse des prélèvements obligatoires, asphyxie l'initiative privée
et, en définitive, étouffe notre économie.
Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que cet effort d'économies ne
s'est pas traduit par des abattements uniformes, arbitraires et aveugles. Il a
procédé d'une réflexion sur les missions de l'Etat, comme en témoigne la
sanctuarisation des crédits de la défense et la préservation des budgets de la
justice, de l'éducation nationale et de la recherche, qui augmenteront en 1997
conformément aux priorités fixées par le Gouvernement.
Toutefois, permettez-moi, messieurs les ministres, d'insister sur la nécessité
de faire porter la recherche d'économies sur les dépenses de fonctionnement et
les dépenses d'intervention, en épargnant, dans toute la mesure possible, les
dépenses d'investissement.
A cet égard, je ne peux m'empêcher de laisser percer une pointe d'inquiétude
lorsque je constate que les dépenses d'investissement, civiles et militaires,
ne représentent plus que 10,2 % des dépenses de l'Etat contre 14 % en 1992.
Cette érosion des dépenses d'investissement - je pense surtout aux dépenses
civiles - ne saurait se poursuivre sans risquer de sacrifier l'avenir. Ce
danger est d'autant plus réel que les budgets des collectivités locales sont de
plus en plus hypothéqués par les dépenses de fonctionnement, en particulier les
dépenses sociales, au détriment de l'investissement local. Cette dérive est
constatée par la plupart, pour ne pas dire l'unanimité, des responsables
locaux.
En outre, il est à craindre, messieurs les ministres, que cet effort
d'économies ne rencontre bien vite ses limites à structures étatiques
inchangées. Dans ces conditions, le budget de 1998 risque d'être encore plus
difficile à élaborer que celui de 1997, si l'effort d'économies réalisé pour le
budget de 1997 n'est pas relayé, pour la construction du budget de 1998, par la
recherche d'économies structurelles qui ne peuvent résulter que d'une réforme
de l'Etat, tant sollicitée et tant attendue.
Au-delà de la nécessaire amélioration des relations entre les citoyens et leur
administration, la réforme de l'Etat doit se traduire par une nouvelle
délimitation de son périmètre d'intervention et par une nouvelle définition de
ses modalités d'action.
Il s'agit de recentrer l'Etat sur ses missions régaliennes, ses fonctions de
prescripteur et son rôle irremplaçable de garant de l'unité, de la cohésion et
de la solidarité nationales.
Il s'agit également de dépouiller l'Etat des missions dont il s'acquitte bien
mal, comme celle d'actionnaire. Il est donc indispensable de poursuivre jusqu'à
son terme le processus de privatisation de toutes les entreprises publiques du
secteur concurrentiel, même si ces privatisations s'avèrent de moins en moins «
rentables » pour le budget de l'Etat, en raison des recapitalisations
préalables à la vente de ces entreprises.
Il s'agit, enfin et surtout, de relancer la décentralisation, qui est en
quelque sorte aujourd'hui au milieu du gué, en ouvrant aux collectivités
locales de nouveaux territoires d'intervention.
L'objectif est d'étendre à de nouveaux domaines de compétences les bienfaits
de la gestion de proximité qui découlent de la connaissance du terrain. Je
pense à l'emploi des jeunes, qui fait l'objet d'initiatives locales nombreuses
et bien souvent couronnées de succès, comme en témoignent notamment les
expériences conduites par le conseil général de la Vienne - je parle sous le
contrôle de son président, M. René Monory - et par le conseil général des
Vosges, que j'ai l'honneur de présider.
Il va de soi que de nouvelles avancées dans le sens de la décentralisation ne
pourront avoir lieu que si l'Etat respecte un code de bonne conduite financière
avec les collectivités locales, comme cela est sans cesse réclamé.
A ce propos, je me félicite que ce projet de budget, une fois épuré de la
disposition relative à l'amputation de la compensation de la réduction de la
taxe professionnelle pour embauche et investissement, ne comporte plus de
turpitudes pour les finances locales.
Le satisfecit que je vous délivre, messieurs les ministres, ne doit pas pour
autant vous inciter à tenter de la rétablir, ici au Sénat même, sous une forme
édulcorée. Le grand conseil des collectivités territoriales de France ne
pourrait, me semble-t-il, vous suivre dans cette voie, qui serait sans
issue...
Au-delà de cette péripétie, force est de constater que le pacte de stabilité
est respecté. Ce pacte de stabilité, qui résulte d'une initiative du Sénat,
l'Assemblée des maires de France a bien voulu le reconnaître et en prendre
acte.
M. Paul Loridant.
C'est un marché de dupes !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Certes, ce pacte ne constitue
pas un pactole, puisque les concours de l'Etat rassemblés au sein de «
l'enveloppe normée » ne progressent qu'au rythme de l'inflation.
M. René Régnault.
Et encore !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Mais, si le pacte n'est pas un
pactole, il représente cependant pour les collectivités locales un filet de
sécurité et un instrument de lisibilité quant à l'évolution de leurs
ressources, et cela a été ce matin publiquement reconnu par la plupart des
maires.
Mme Hélène Luc.
Pas par tous !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Par ailleurs, l'année 1997
apparaîtra, messieurs les ministres, comme un sursis sur le front de la hausse
des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales, hausse qui est, disons-le, différée d'un an grâce à la mobilisation
des réserves du fonds des allocations temporaires d'invalidité.
En définitive, l'effort d'économies réalisé par le projet de budget n'aggrave
pas les difficultés financières des collectivités locales.
Au-delà de cet exceptionnel effort de maîtrise de la dépense publique, le
projet de loi de finances pour 1997 se caractérise également par l'amorce d'un
reflux des prélèvements obligatoires, conformément à la demande exprimée ici,
au printemps dernier, dans le cadre du débat d'orientation.
Le Gouvernement a choisi de commencer par l'impôt sur le revenu au motif, je
vous cite, monsieur le ministre de l'économie et des finances, que cet impôt «
tient la première place dans notre imaginaire collectif ».
Le Gouvernement a donc décidé d'engager une réforme quinquennale de l'impôt
sur le revenu qui va se traduire, dès 1997, par un allégement de 25 milliards
de francs du poids de cet impôt et, à l'horizon 2001, par une diminution totale
de 75 milliards de francs, qui représente près de 1 % du PIB et plus du quart
du produit de cet impôt. C'est une somme qui, à l'évidence, n'est pas
négligeable.
Ce résultat sera obtenu par une baisse progressive de tous les taux du barème,
par la suppression de la décote et par un relèvement du seuil d'imposition.
En outre, le coût de cet allégement sera partiellement financé par la
suppression ou l'aménagement de certains avantages ou « niches fiscales » qui
furent, dans le passé, tant et tant dénoncés.
Cette réforme de l'impôt sur le revenu n'a pas manqué de soulever deux séries
de questions qui tiennent, l'une, à la pertinence du choix de l'impôt sur le
revenu et, l'autre, à l'impact de la mesure.
Selon certains, il aurait été préférable d'utiliser les 25 milliards de francs
disponibles pour réduire le taux normal de la TVA, après la hausse de deux
points intervenue en août 1995.
A cet égard, force est de répondre que la hausse de la TVA n'a pas été
intégralement répercutée sur les prix de vente des biens et des services. Par
ailleurs, la relative modicité des sommes susceptibles d'être consacrées à
cette baisse n'aurait permis, en raison de la rigueur budgétaire, qu'une
diminution homéopathique du taux de la TVA, dont personne, hélas ! ne se serait
rendu compte.
D'autres voix se sont élevées pour contester l'impact de la réforme en faisant
valoir que l'allégement de 25 milliards de francs en 1997 serait insuffisant
pour provoquer un choc psychologique propice à une reprise de la
consommation.
En réponse, il convient de rappeler que cette somme de 25 milliards de francs
est considérable au regard de la situation de nos finances publiques, fortement
dégradée par l'héritage des « années cigale » de la gestion socialiste.
M. Philippe de Bourgoing.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Et l'emprunt Balladur, vous l'oubliez ?
M. Josselin de Rohan.
Tiens, M. Loridant est redevenu socialiste !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
De plus, l'augmentation des
revenus induite par la baisse de l'impôt sera perceptible dès le versement du
premier tiers provisionnel, en février 1997.
Par ailleurs, certains opposants ont déclaré que le Gouvernement, après avoir
prélevé 120 milliards de francs sur l'ensemble des Françaises et des
Français...
M. René Régnault.
Eh oui !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... à l'été 1995, se bornait à
en rendre 25 milliards de francs aux plus riches.
Ce procès d'intention, qui relève de la pure polémique politicienne,...
M. Paul Loridant.
Non !
M. Claude Estier.
Pas vous !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... est injuste pour deux
raisons principales.
En premier lieu, le chiffrage de 120 milliards de francs est erroné. En
réalité, les prélèvements supplémentaires supportés par les ménages ont atteint
un peu plus de 60 milliards de francs, dont 20 milliards de francs au titre de
l'institution de la contribution au remboursement de la dette sociale.
En second lieu, l'allégement du poids de l'impôt sur le revenu bénéficiera
principalement aux contribuables modestes et aux familles, en raison de la
suppression de la décote et de l'élargissement substantiel de la tranche à taux
zéro.
A cet égard, on peut regretter, messieurs les ministres, que cette réforme se
traduise par la sortie de l'impôt de plusieurs centaines de milliers de
contribuables. Il m'aurait semblé préférable de « responsabiliser » le plus
grand nombre de nos concitoyens en procédant - c'est une idée que j'ai déjà
développée - à une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG élargie, afin
d'aboutir à l'institution d'une première tranche équivalant à un « impôt
civique de solidarité » que tout citoyen devrait verser et sur lequel se serait
greffée une surtaxe progressive en fonction des revenus.
M. Jacques Delong.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Mais je n'insiste pas.
Enfin, il convient de faire litière de l'assertion selon laquelle le
Gouvernement reprendrait d'une main ce qu'il donne de l'autre puisque
l'allégement de l'impôt sur le revenu serait annulé par l'alourdissement de la
fiscalité locale.
M. René Régnault.
De combien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des fianances.
Le chiffrage est là encore
excessif puisque, selon les dernières statistiques disponibles, la hausse des
impôts locaux en 1996 s'est élevée à 18 milliards de francs, et non pas à 25
milliards de francs comme cela a été dit et écrit.
Compte tenu de l'incidence de la hausse des prix, de la place occupée par la
taxe professionnelle au sein des impôts locaux et de l'impact des dégrèvements,
le surcroît de fiscalité ne s'élève plus, pour les ménages, qu'à 5 milliards de
francs. On est loin du montant de l'allégement de l'impôt sur le revenu qui,
pour 1997, est de 25 milliards de francs.
De plus, il n'est pas convenable, c'est un euphémisme, de rendre, par un
amalgame spécieux, le Gouvernement responsable de la pression fiscale locale
qui dépend de 40 000 décideurs locaux et de la qualité de leur gestion.
En définitive, mes chers collègues, nous n'avons pas à rougir de cette réforme
qui devrait contribuer à soutenir l'activité. Mais surtout, ce desserrement de
l'étau fiscal constitue un signal fort de la volonté du Gouvernement de réduire
les prélèvements obligatoires dont le montant « quasi confiscatoire » entrave
l'initiative privée, hypothèque la compétitivité de notre économie et bride la
croissance.
Il me semble même que le Gouvernement devrait s'engager encore plus résolument
dans la voie de la réduction des prélèvements obligatoires et accélérer le pas
: il s'agirait d'accroître, par exemple, la réduction de l'impôt sur le revenu,
prévue pour 1998, en finançant cet allégement supplémentaire par la suppression
de nouvelles « niches fiscales ».
Au total, ce projet de budget met en oeuvre la seule politique possible, celle
de l'assainissement de nos finances publiques par une maîtrise de la dépense,
tout en commençant à concrétiser la finalité de l'effort consenti, à savoir la
réduction des prélèvements obligatoires.
Mes chers collègues, Maastricht ou pas Maastricht, monnaie européenne ou pas,
il n'y a pas d'autre politique possible, n'en déplaise aux tenants d'une
politique alternative et aux partisans d'un programme d'alternance.
M. Xavier de Villepin.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est ainsi que « l'autre
politique », conçue comme une alternative à la politique conduite par le
Gouvernement, semble relever davantage de l'incantation que de la réalité. Tout
se passe comme si le vocable même d'« autre politique », qui s'apparente à un
slogan, résumait son objet et épuisait son contenu.
A défaut de recueillir des indications précises de la bouche même des hommes
politiques qui incarnent, disent-ils, « l'autre politique », nous sommes
contraints de nous référer aux indiscrétions de la presse qui se fait l'écho
des travaux des experts qui ont mis leur savoir au service de ce mythe.
La première des priorités résiderait, nous dit-on, dans un changement de cap
de la politique monétaire, par une « ouverture du verrou monétaire ». Très bien
! Mais ces experts oublient - la nostalgie n'est plus ce qu'elle était - que la
Banque de France, dont dépend la fixation des taux directeurs, est désormais
indépendante.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Veulent-ils revenir sur cette
avancée qui a conféré à notre pays un surcroît de crédibilité ?
M. Xavier de Villepin.
Il ne le faut sûrement pas !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je leur pose la question.
En admettant qu'ils s'accommodent de l'indépendance de la Banque de France,
les champions de l'autre politique doivent savoir que, dans une économie «
libéralisée » et mondialisée, les taux d'intérêt sont déterminés, qu'on le
veuille ou non, par les marchés financiers. Qu'on le veuille ou non, j'y
insiste, car c'est un fait, qu'on l'accepte ou qu'on le regrette.
Ils doivent également savoir que c'est précisément la politique
d'assainissement de nos finances publiques, conduite courageusement par le
Gouvernement actuel et amplifiée sans cesse, qui a permis, grâce à la
disparition de la prime de risque, cette baisse historique des taux
d'intérêt.
C'était même le pari du Gouvernement : durcir la politique budgétaire pour
pouvoir assouplir la politique monétaire, afin de promouvoir une décrue des
taux d'intérêt qui serait le prélude à une relance de l'activité.
Aujourd'hui, le résultat est à la hauteur de nos espérences, puisque les taux
longs sont inférieurs à 6 %. Il y a un an et demi, qui en aurait fait le pari ?
Je pose la question. Mais encore faut-il que cette baisse se diffuse à
l'ensemble de l'économie et que les banques, nonobstant leur état de santé
vacillant - vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le rapporteur général
- en fassent bénéficier les petites et moyennes entreprises.
Un autre point fort de cette autre politique, souvent invoquée, mais jamais
revendiquée ni explicitée, consisterait, nous dit-on, à « faire un peu
d'inflation », comme si, en l'occurrence, un tel dosage était possible !
Préconiser une telle lubie, c'est accepter de « gruger » le salarié, le
retraité et surtout l'épargnant, en préconisant le retour d'une monnaie
qualifiée en d'autres temps de « monnaie de singe ». Veut-on vraiment
renouveler l'expérience du passé ? Je me pose, je vous pose et je leur pose la
question !
Un autre « avatar » de l'autre politique résiderait dans un décrochage du
franc par rapport au mark
(Exclamations sur les travées socialistes)
afin d'offrir à notre devise un espace de respiration, au-delà des marges de
fluctuation du système monétaire européen.
Il s'agirait là, ni plus ni moins, de nous mettre en quelque sorte en congé de
l'Europe, de rompre les amarres de l'Union européenne et de renoncer à la
monnaie européenne.
(Bravo ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Paul Loridant.
Pourquoi pas ?
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Claude Estier.
Des noms !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Les conséquences d'un tel
scénario seraient particulièrement néfastes pour notre pays avec une flambée de
l'inflation alimentée par le renchérissement des produits importés, une hausse
des salaires qui handicaperait la compétitivité de nos entreprises, une forte
hausse des taux d'intérêt et, à terme, un ralentissement de l'activité et une
progression du chômage.
En définitive, préconiser « l'autre politique », c'est céder à la tentation
d'un « lâche soulagement » - l'expression a été utilisée par Léon Blum, à
propos de l'accord de Munich
(Murmures sur les travées socialistes)... -
M. Claude Estier.
Cela n'a rien à voir !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... et préférer une bouffée
d'oxygène éphémère et illusoire à une oeuvre courageuse, persévérante,...
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... oeuvre d'assainissement de
notre économie qui constitue le préalable à l'instauration d'une croissance
durable.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Quant au projet de programme
préparé par le parti socialiste en vue de l'alternance,...
M. René Régnault.
Une étape vers autre chose !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... il m'apparaît, lui aussi,
comme empreint de nostalgie et prisonnier du passé.
Certes, nous devons nous réjouir du retour du débat politique, car la
banalisation du « politiquement correct » nourrit le extrêmes. Il faut, là,
être vigilant.
Mais, pour autant, le débat ne saurait se résumer à « un retour des vieilles
lunes ».
A cet égard, soyons sincères, la proposition d'une réduction de la durée du
travail à trente-cinq heures par semaine, sans diminution de salaire, me semble
constituer l'archétype de la mauvaise mesure.
M. Claude Estier.
Mais non !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je ne suis pas le seul à le dire
; même dans les rangs des intéressés, cela est dit !
En effet, le précédent de 1981 nous a appris que procéder par voie légale et
uniforme, sans tenir compte de la réalité des branches et des entreprises,
constituait le meilleur moyen de priver la réduction de la durée du travail de
tout effet positif sur l'emploi. Cela a été vérifié !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier.
Vous n'avez pas lu nos propositions !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
En définitive, nous partageons
tous, mes chers collègues, au-delà de nos différences de sensibilité politique,
la même interrogation qui est au coeur de nos préoccupations : comment faire
pour renouer avec une croissance soutenue, durable et riche en emplois ?
M. René Régnault.
Il faut la confiance !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Pour ma part, je suis convaincu
que la politique conduite par le Gouvernement est la seule possible, car le
retour de la croissance passe par une réduction de la dépense publique, qui
permet un allégement des prélèvements obligatoires.
Des exemples étrangers nous enseignent qu'une politique de réduction de la
dépense publique, loin de contrarier la croissance, lui donne un élan nouveau.
Tout se passe comme si les acteurs économiques anticipaient les incidences sur
leurs revenus de la baisse des prélèvements obligatoires, rendue possible par
la maîtrise de la dépense publique.
Il serait donc particulièrement inopportun de changer aujourd'hui de cap,
après avoir accompli la majeure partie d'un chemin difficile et semé
d'embûches.
Renoncer aujourd'hui à l'oeuvre d'assainissement conduite courageusement par
le Premier ministre serait d'autant plus condamnable que notre vertu économique
sera récompensée, dans 770 jours, par notre participation à la monnaie
européenne.
Avec l'euro, nous avons rendez-vous avec l'histoire. Ne laissons pas s'enfuir
cette chance, car un échec de l'euro - je pèse mes mots - assurerait
inéluctablement le triomphe d'une zone mark élargie et la consécration d'une
monnaie unique de fait : le deutschemark.
(M. de Villepin applaudit.)
En revanche, l'avènement de la monnaie européenne renforcera notre
souveraineté monétaire : nous participerons à la gestion de la devise
européenne au lieu de subir, plus ou moins passivement comme aujourd'hui, les
décisions de la Bundesbank.
Par ailleurs, la création de la monnaie européenne devrait se traduire par une
plus grande stabilité monétaire en raison de la diminution des possibilités de
dévaluations, dites compétitives, entre les monnaies des pays membres de
l'Union européenne.
En outre, dans un monde caractérisé par la puissance, sans contrepoids, des
Etats-Unis et par l'irrésistible ascension de l'Asie, la monnaie européenne, si
elle n'est pas surappréciée par rapport au dollar, deviendra l'instrument d'une
politique commerciale plus dynamique.
De plus, la monnaie européenne est le gage d'un espace économique caractérisé
par de faibles taux d'intérêt propices à une croissance soutenue.
Mes chers collègues, en définitive, la monnaie européenne n'est certes pas
l'avatar moderne du veau d'or ; mais elle constitue aujourd'hui un moyen au
service de la prospérité économique de notre pays, de son poids politique et de
son rayonnement culturel.
Elle représente pour nous un formidable espoir ; ne le laissons pas
échapper.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Faisons taire nos querelles et mobilisons-nous pour lui donner vie.
N'oublions pas que le général de Gaulle comparait la construction européenne à
une cathédrale et qu'il estimait qu'« en marchant vers l'unité de l'Europe on
marche dans le sens de l'Histoire ».
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, l'ouverture de la discussion budgétaire au Sénat revêt
pour moi, vous le comprendrez bien, une particulière importance, et je tiens à
vous dire combien je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
Tout d'abord, je remercierai M. le rapporteur général et M. le président de la
commission des finances de l'analyse qu'ils viennent de présenter du projet de
loi de finances pour 1997.
Ils ont mis en perspective ce projet de budget, et les appréciations
extrêmement positives qu'ils ont formulées à son sujet nous vont droit au
coeur.
Naturellement, l'assainissement des finances publiques n'est pas en soi un
projet politique. Mais il n'est pas de projet politique qui fasse l'économie
d'un assainissement des finances publiques.
Notre projet politique, c'est de contribuer à la croissance, à l'emploi et
ainsi à lutter efficacement contre le chômage et pour la cohésion sociale.
Pour le mener à bien, nous devons, avec détermination, tenir les dépenses
publiques, dont le niveau faisait courir un risque d'asphyxie à notre
économie.
En fait, nous devons répondre à trois impératifs : maîtriser la dépense
publique, réduire le déficit public et alléger le poids de l'impôt.
Si nous sommes confrontés à des contraintes budgétaires, nous sommes également
liés par des contraintes monétaires et, à cet égard, j'ai entendu avec intérêt
les observations de M. le président de la commission des finances.
Quelles sont les bonnes parités ? Comme je l'exprimais voilà tout juste une
semaine devant la commission des finances, la commission des affaires
économiques, la commission des affaires étrangères et la délégation du Sénat
pour l'Union européenne réunies, pour moi, la bonne parité est celle qui nous
apporte les taux d'intérêt les plus faibles. C'est la condition du
développement économique et, donc, de la création d'emplois.
Comme l'a rappelé M. Poncelet, les taux d'intérêt à dix ans sont inférieurs à
6 %, puisqu'ils s'établissent aujourd'hui à 5,82 % en France et à 5,83 % en
Allemagne. Qui peut dire, dans ces conditions, qu'il serait nécessaire de
décrocher le franc par rapport au mark ?
Nous sommes dans une communauté et toute modification des parités ne peut donc
être désormais qu'une décision collective.
Depuis un an, le dispositif de passage à la monnaie unique s'est
considérablement accéléré : il ne saurait donc être question de prendre une
décision unilatérale.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Eh oui !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
M. le Premier ministre et M. le
chancelier Kohl ont réaffirmé cet après-midi qu'il n'y avait pas matière à
modifier la parité actuelle du franc et du mark.
La question de la parité peut se poser par rapport au dollar.
Il est vrai qu'aujourd'hui le dollar dispose de marges d'appréciation. Pour ma
part, je n'ai cessé de le dire depuis un an. Mais, si l'économie française
peut, en effet, souffrir de ces marges d'appréciation du dollar, c'est parce
que les entreprises françaises qui exportent sont, la plupart du temps,
obligées de libeller leurs factures dans cette monnaie. Et voilà pourquoi il
nous faut nous doter le plus rapidement possible d'une monnaie unique reconnue
sur le plan mondial : l'euro. Les entreprises françaises pourront alors
libeller leurs factures dans la même unité monétaire que celle qui rémunère le
coût du travail et l'ensemble des facteurs de production.
En outre, avec l'euro, nous neutraliserons l'aléa monétaire pour les deux
tiers de nos échanges extérieurs, puisque nos échanges avec les pays de l'Union
économique et monétaire représentent les deux tiers de notre commerce
extérieur.
Ainsi, avec l'euro, nous nous donnons les moyens de la stabilité monétaire,
nous pouvons mettre en perspective les investissements. Les bonnes conditions
sont alors réunies pour l'investissement, la croissance et l'emploi.
Voilà donc les raisons qui, me semble-t-il, nous font obligation de tenir le
cap. Nous sommes dans la bonne direction parce que nos taux d'intérêt n'ont
jamais été aussi bas.
Sans doute le temps de l'argent cher est-il révolu. Ainsi, les Français, tous
les Français, pourront accéder au crédit...
M. Paul Loridant.
Avec les bas salaires ?
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
... dans des conditions qui leur
permettront de réaliser des acquisitions, d'investir et d'aller de l'avant.
M. Paul Loridant.
Quand on s'endette, il faut pouvoir rembourser !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Oui, je le répète : le cap choisi
est le bon, nos taux d'intérêts n'ont jamais été aussi bas.
M. Josselin de Rohan.
C'est vrai !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Comme je l'ai dit tout à l'heure,
la bonne parité est celle qui nous donne les taux les plus faibles.
M. Paul Loridant.
Ce ne sont pas les taux réels !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
J'ai constaté, à chaque fois que
le franc se dépréciait, qu'immédiatement les taux d'intérêt augmentaient.
Est-ce cela que nous voulons pour l'avenir ? Certainement pas. Il fut un temps
où, certes, l'inflation accompagnait notre progression économique. Mais nous
sommes définitivement sortis de l'inflation et nous avons besoin des taux
d'intérêt les plus faibles qui soient.
Le débat monétaire ne saurait dissimuler l'exigence de réformes structurelles.
Notre préoccupation première, dans une économie qui s'est aujourd'hui largement
globalisée, mondialisée, c'est la compétitivité. Or, peut-on douter de la
compétitivité des entreprises françaises ? Non, si l'on en juge par l'excédent
commercial dégagé.
En 1996, selon toute vraisemblance, notre excédent atteindra un niveau record,
de l'ordre de 120 milliards de francs. En fait, nos problèmes de compétitivité
découlent de la difficulté que nous avons à procéder à des réformes. Nous
devons accepter de réformer nos structures économiques pour devenir plus
compétitifs et être en mesure d'utiliser au mieux toutes nos chances. Nous
devons ensuite engager résolument la décrue fiscale pour libérer les
initiatives et créer des emplois.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme économique serait
inopérante sans une profonde réforme de l'Etat. Nous devons recentrer l'Etat
sur ses missions essentielles, sur ses missions régaliennes. C'est une dérive
fâcheuse qui a conduit, ces dernières années, à élargir la sphère publique, et
il faudra en conséquence conduire les privatisations à leur terme. L'Etat n'a
pas vocation à être l'actionnaire d'entreprises du secteur marchand. Certes,
les privatisations que nous devons réaliser deviennent difficiles parce que les
entreprises en cause ont souffert d'un actionnaire qui ne participait pas au
financement de leur développement, qui a laissé s'accumuler les pertes et qui
n'a pas toujours procédé aux restructurations destinées à améliorer la
compétitivité. Il faut lucidement, courageusement procéder à ces privatisations
en expliquant bien ces démarches, afin que nos compatriotes les comprennent et
les assument.
Nous devons être en mesure de répondre à une question toute simple : combien
coûte tel service public, combien coûte le fonctionnement de telle
administration, de tel département ministériel ? Nous avons à lutter contre
toutes les formes d'opacité et à privilégier la transparence.
J'ai ouvert le chantier de la gestion patrimoniale pour qu'enfin la
représentation nationale puisse mieux appréhender la réaliter de ce patrimoine
et que le budget ne laisse pas prise à telle ou telle suspicion d'utilisation
d'éléments du patrimoine pour contribuer à l'équilibre. Nous devons tous avoir
une vision sincère du patrimoine collectif.
M. Philippe Marini.
Vaste chantier !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Nous devons en outre oeuvrer pour
la simplification, pour la déconcentration la plus large possible car c'est sur
le terrain que la transparence est totale, alors que la remontée systématique
d'un trop grand nombre de dossiers dans les administrations centrales est
facteur d'inertie, d'incompréhension et, parfois, de perte d'énergie et de
gâchis.
Nous avons engagé des réformes dans les établissements publics ; je pense à la
SNCF, à France Télécom, aux industries d'armement. Nous voulons également
assurer la pérennité de nos grandes institutions ; je pense à la sécurité
sociale et aux armées.
Si la réforme des structures est une priorité absolue, nous devons aussi
veiller à libérer les énergies.
Le premier grand chantier qu'a ouvert à cette fin le Premier ministre, et
auquel participent tous les membres du Gouvernement, c'est celui qui consiste à
offrir les conditions de la réussite aux petites et moyennes entreprises : par
l'allégement des charges, par la simplification des formalités, par une plus
grande sécurité juridique et fiscale - je pense aux procédures de rescrit que
vous avez proposées au printemps dernier, lors de l'examen du projet de loi
portant diverses dispositions économiques et financières - par l'allégement du
coût de transmission des entreprises - c'était l'objet d'amendements présentés
par le rapporteur général à l'occasion de l'examen du même projet de loi - par
la constitution d'une banque de développement pour les PME, afin de favoriser
leur essor et de faciliter le financement des entreprises nouvelles.
Deuxième grand chantier pour libérer les énergies : la réforme de l'impôt sur
le revenu, afin que ceux qui travaillent ne subissent pas une sorte de
confiscation du fait du poids de cet impôt.
Au cours des dernières années, on avait, d'une certaine façon, déplacé le
curseur en allégeant l'impôt frappant les revenus de la rente, les revenus des
placements, au détriment du travail. Eh bien, il s'agit aujourd'hui d'alléger
l'impôt qui pèse sur les revenus du travail, les revenus des salariés, des
travailleurs indépendants, de ceux qui entreprennent, qui investissent, qui
vont de l'avant, qui contribuent à la croissance et à la création d'emplois.
Le troisième chantier, c'est l'institution de fonds d'épargne retraite. Dans
presque tous les grands pays modernes, de tels fonds permettent de drainer une
masse d'épargne considérable.
Le débat parlementaire sur cette question s'est ouvert à l'Assemblée nationale
le 30 mai dernier, avec l'examen d'une proposition de loi. Il aurait pu, au
demeurant, s'ouvrir au Sénat, puisque M. Marini et quelques-uns d'entre vous
avaient déposé un texte pratiquement identique. Quoi qu'il en soit, il n'a pas
été possible de mener cette discussion à son terme lors de la précédente
session. Elle a repris voilà tout juste deux heures.
J'ai bon espoir que, dès ce soir, l'Assemblée nationale aura achevé la
première lecture de cette proposition de loi et que nous disposerons ainsi
bientôt d'un texte mettant bien en évidence la profonde convergence qui existe
entre le Gouvernement et le Parlement, ainsi que l'exemplarité de leur travail
de concertation.
Grâce à ce texte, nous pourrons apporter un surcroît de sécurité aux salariés,
dans la perspective de leur retraite, et, en même temps, nous permettrons à des
fonds d'épargne de contribuer au financement des entreprises, c'est-à-dire de
l'économie productive.
Il s'agit bien là d'une innovation majeure, qui a précisément pour objet de
libérer les énergies.
M. Philippe Marini.
Excellente réforme !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
L'assainissement des finances
publiques a suscité quelques incompréhensions en 1995. Mais il a fallu, si
j'ose dire, mettre les pendules à l'heure...
(M. le président de la commission et M. le rapporteur général sourient.)
Tant M. Lambert que M. Poncelet ont rappelé les données de cette problématique,
faisant justice de mauvais procès : il s'agissait de ramener le niveau des
prélèvements à sa juste mesure.
Il convenait tout d'abord d'alléger les charges sociales pesant sur les
salaires les plus modestes, pour contribuer au développement de l'emploi et à
l'amélioration de la compétitivité dans les secteurs économiques où les
salariés sont nombreux et donc menacés par des opérations de délocalisation.
Il fallait également remettre à niveau les comptes sociaux ; c'était une
nécessité vitale pour la pérennité de notre système de protection sociale.
Il était non moins impératif de réduire le déficit de l'Etat. Puis-je rappeler
que celui-ci a atteint, en 1994, 5,6 % de la richesse nationale ? En 1995,
grâce aux mesures qui ont été prises au cours de l'été, cette proportion a été
ramenée à un peu moins de 5 %, ce qui nous permet d'espérer qu'elle se situera
à 3 % en 1997.
Bien sûr, cela fait planer le risque d'une altération de la croissance et
d'une restriction de la consommation. C'est pourquoi différentes dispositions
ont été prises au cours de l'année 1996 pour alléger l'impôt en faveur de ceux
qui investissent, de ceux qui consomment, de ceux qui contribuent à la création
d'un parc de logements locatifs. Il s'agit de mesures de soutien à
l'activité.
De la même façon, en 1997, si vous le voulez bien, nous allons débloquer 15
milliards de francs, correspondant à des primes accumulées sur des plans
d'épargne populaire ouverts en 1990. Ce sont donc 15 milliards de francs qui
seront mis à la disposition de foyers modestes. Je rappelle que 1,7 million de
foyers sont exonérés d'impôt sur le revenu. Ces 15 milliards de francs ne
dégraderont pas le déficit budgétaire puisqu'il s'agit de sommes provisionnées
au fil des exercices budgétaires.
Tout cela nous place dans de bonnes perspectives de croissance.
Certes, le premier semestre a été décevant, mais le second fait apparaître des
signes très encourageants et les statisticiens tablent sur une tendance de
croissance moyenne de 2 %, ce qui conforte la prévision que j'ai retenue pour
1997, à savoir 2,3 %.
La réforme de l'impôt, ce sont 75 milliards de francs d'allégements sur cinq
ans - et je rappelle que l'impôt sur le revenu « rapporte » 300 milliards de
francs par an -, dont 25 milliards de francs dès 1997.
Le choix qui a été opéré est socialement juste et économiquement efficace. Il
doit nous permettre de convaincre les contribuables français que notre système
n'est pas une « centrifugeuse » qui risquerait de conduire à une délocalisation
des assiettes fiscales et, quelquefois, des activités.
Ce dispositif est favorable au travail, aux familles, en particulier aux
familles nombreuses. C'est donc une mesure qui va dans la bonne direction, et
j'ai été particulièrement sensible aux appréciations qu'ont portées MM.
Poncelet et Lambert à ce sujet.
Pouvions-nous aller plus vite ? Certes, nous voudrions alléger l'impôt plus
massivement encore, mais nous devons respecter l'objectif de réduction du
déficit. Si les années qui viennent font apparaître des marges d'allégement des
impôts, nous aurons ensemble à en débattre. M. Lambert a souhaité que, à
l'occasion du débat d'orientation budgétaire, puisse s'engager une discussion
sur les grandes orientations fiscales ; ce sera le cas dès le printemps
prochain.
MM. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, et Alain Lambert,
rapporteur général.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Nous pourrons alors évoquer
d'autres impôts qu'il conviendrait d'alléger, des impôts sur la consommation,
notamment.
Dans le projet de loi de finances tel qu'il vous est soumis, le solde
budgétaire s'élève à 284,8 milliards de francs. La discussion à l'Assemblée
nationale s'était ouverte avec un solde de 283,7 milliards de francs. Je compte
sur le Sénat pour nous aider à revenir à l'objectif initial. Je ne doute pas
que les discussions qui vont s'ouvrir permettront de tendre vers cet objectif.
Le Gouvernement se prêtera de bonne grâce à toutes les actions qui pourront
contribuer à l'atteindre.
A ce stade de mon intervention, je souhaite rendre hommage à une initiative de
M. le rapporteur général : il est bon, en effet, que chacun ait constamment à
l'esprit ce que représente la dépense fiscale, de manière à se montrer
éventuellement plus prompt à faire disparaître tel ou tel élément de dépense
fiscale qui aurait perdu de son utilité. C'est parce que nous réduirons la
dépense fiscale que nous pourrons faire baisser les barèmes d'impôt ; c'est
dans ces conditions que nous aurons des impôts plus simples, plus
compréhensibles et que, sans doute, nous obtiendrons une meilleure adhésion
civique à l'impôt.
M. le rapporteur général s'est interrogé sur le niveau des crédits de
rémunérations et il s'est demandé s'ils seraient suffisants.
Les crédits de rémunérations et de pensions ont été évalués, dans le projet de
budget pour 1997, en fonction de la valeur du point en vigueur, soit 322,44
francs.
Ils permettront une progression de la rémunération moyenne des personnels en
place, avant toute mesure générale de revalorisation des traitements dans la
fonction publique, de 2,8 % en 1997, soit un gain de pouvoir d'achat de 1,5 %,
compte tenu de l'incidence des protocoles catégoriels pluriannuels, qui
représentent 0,6 point, et de l'effet des avancements et des promotions, qui
représentent 2,2 points.
Il faut souligner que ce gain de pouvoir d'achat est d'ores et déjà supérieur
à celui qui a été enregistré au cours de la majorité des années quatre-vingt.
L'extraordinaire ralentissement de l'inflation ne doit pas nous faire perdre de
vue que l'avancement automatique et les promotions prennent désormais une part
prépondérante des gains de pouvoir d'achat des agents publics.
Le financement de l'augmentation des rémunérations dans la fonction publique
en 1997 pourra également être assuré par des provisions inscrites au budget
général et au budget de la défense.
Je peux rassurer le Sénat : les moyens de financer à leur juste niveau les
rémunérations des fonctionnaires figurent bien dans le projet de budget pour
1997.
Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur général, les incertitudes
qui planent sur le coût budgétaire de la mesure d'allégement des charges
sociales tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction du
temps de travail, en application de la loi de Robien. Huit cents millions de
francs sont inscrits à ce titre dans le projet de budget pour 1997.
Il est exact que de nombreuses entreprises semblent intéressées par le
dispositif qu'a institué la loi du 11 juin 1996. Des accords ont d'ores et déjà
été signés avec les responsables syndicaux. Néanmoins, les négociations
continuent au sein des entreprises et il est difficile de vous indiquer
aujourd'hui le nombre exact d'accords qui seront signés en 1997.
La dotation inscrite permet de financer un nombre substantiel d'accords. Les
engagements de l'Etat seront tenus et il n'est pas question de remettre en
cause ce dispositif.
S'agissant des recettes de privatisation, le projet de loi de finances pour
1997 prévoit l'inscription de 27 milliards de francs de produits de cession, au
titre, notamment, de l'ouverture du capital de France Télécom, qui devrait
constituer, et de loin, la principale source des recettes de cession de titres
de l'Etat. Il ne s'agit là, je le souligne, que d'une prévision : les produits
attendus de cette opération dépendront de la quotité des titres vendus et de la
valorisation de l'entreprise, qui, bien entendu, ne sont pas définies ni même
clairement évaluées aujourd'hui.
Je confirme que ces opérations de mise sur le marché devraient intervenir au
printemps prochain.
La situation difficile des entreprises du secteur public justifie que
l'ensemble des recettes de cession attendues en 1997 soit affecté à leur profit
; elles en ont, croyez-moi, bien besoin ! A ce titre devraient notamment être
bénéficiaires de dotations et avances d'actionnaires de l'Etat l'établissement
public Réseau ferré national, RFN, lorsqu'il aura été créé par la loi,...
M. Jean-Pierre Masseret.
Ce n'est pas encore fait !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
... Charbonnages de France,
GIAT-Industries et les structures de défaisance du Crédit Lyonnais et du
Comptoir des entrepreneurs.
Il n'est pas possible d'être aujourd'hui plus précis sur la répartition de ces
sommes, mais naturellement, dès que je disposerai d'éléments d'information, je
ne manquerai pas de les tenir à votre disposition.
Certains peuvent s'interroger sur le point de savoir si ces dotations seront
suffisantes pour faire face aux besoins en fonds propres auxquels sont
aujourd'hui confrontés les entreprises publiques. Je voudrais souligner que
jamais l'effort consenti pour les entreprises publiques n'aura été aussi
important : en incluant les dotations envisagées pour 1997, au total, près de
120 milliards de francs y auront été consacrés sur la période 1993-1997, dont
plus de la moitié en 1996 et 1997.
Si l'Etat est prêt à faire cet effort, c'est soit pour assurer dans de bonnes
conditions le transfert de certaines entreprises publiques du secteur public au
secteur privé, soit pour accompagner d'autres entreprises publiques dans leurs
efforts de redressement.
Enfin, si l'Etat remplit ainsi son devoir d'actionnaire, il ne faut pas
oublier que, en cette période de ressources budgétaires rares, les entreprises
qu'il aide ainsi doivent également être bien gérées et qu'elles sont tenues à
la compétitivité pour contribuer au développement de l'économie de notre
pays.
Vous avez également souhaité des détails, monsieur le rapporteur général, sur
les 60 milliards de francs d'économies réalisées par le Gouvernement. Le
ministre délégué au budget, Alain Lamassoure, développera tout à l'heure les
mesures que nous avons prises pour parvenir à ce résultat.
Je dirai simplement que le Premier ministre a dû faire preuve, comme chacun
des membres du Gouvernement, - aucun secteur n'a été écarté - d'un grand
volontarisme politique, tout en dégageant quelques priorités telles que
l'emploi.
S'agissant des réformes structurelles, le nombre d'agents civils de l'Etat
sera réduit l'an prochain de 5 600, tous les départs d'agents de l'Etat à la
retraite n'étant pas compensés.
En ce qui concerne la défense, le plan de professionnalisation des armées nous
conduit à des créations de postes en contrepartie de la réduction du nombre
d'appelés.
J'entends dire que nous n'avons pas fait assez, mais souvenez-vous que c'est
la première fois depuis dix ans qu'un gouvernement procède à des réductions
d'effectifs dans la fonction publique.
En fait, si nous voulons maîtriser les dépenses d'administration générale,
nous devons maîtriser les dépenses liées à la fonction publique qui
représentent plus de 600 milliards de francs, soit 40 % du budget.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose un effort étalé sur
plusieurs années en faveur d'une amélioration de la productivité de
l'administration par une réduction des effectifs dans les secteurs où une telle
réduction est possible. Ainsi, 5 600 suppressions d'emplois civils sont prévues
en 1997. A ce sujet, permettez-moi d'apporter quelques précisions
complémentaires.
Tout d'abord, le ministre de la fonction publique a négocié avec les syndicats
de fonctionnaires un accord qui permettra des embauches en contrepartie du
départ anticipé à la retraite de certains fonctionnaires. Ainsi, 15 000 emplois
seront concernés. Dans ces conditions, le nombre des recrutements de jeunes
pourra, en 1997, être maintenu au niveau de 1996, en dépit de la réduction des
effectifs.
Enfin, je souhaite répondre aux interrogations de M. le président de la
commission des finances à propos des collectivités locales. Depuis près de
vingt ans, la taxe professionnelle est, comme on dit, un sujet qui fâche et qui
altère les relations entre les élus et les entreprises. Nous devons donc nous
mettre au travail et constituer un groupe de réflexion pour discerner ce qu'il
est possible de faire et ce qui ne l'est pas.
Au fil des années, nous avons imaginé des abattements, des écrêtements et des
réductions. Ces mesures ont eu des effets limités et souvent pervers. Certes,
rien ne vaut une croissance plus élevée et une maîtrise des dépenses publiques
locales par la réforme afin de faire baisser le montant des impôts que nous
devons mettre en recouvrement pour équilibrer les budgets.
Nous devrons mettre à profit l'année prochaine pour présenter des propositions
et, surtout, mettre un terme à certains débats qui ouvrent de fausses fenêtres
ou créent de vaines espérances. Permettez-moi de rappeler l'importance des
compensations qui sont versées par l'Etat et qui instituent en quelque sorte
une confusion des genres.
Les règles du jeu - il faut insister sur ce point - doivent être
transparentes. Tel est l'esprit dans lequel nous avons conclu le pacte de
stabilité budgétaire, et je vous remercie d'avoir bien voulu confirmer que nous
tiendrons, en 1997, l'engagement que nous avions pris.
Nous avons dû diminuer la dépense publique, tout en maintenant la progression
des crédits transférés aux collectivités territoriales.
L'inclusion dans le projet de loi de finances initial pour 1997 d'une mesure
tendant à limiter le versement de l'Etat aux collectivités locales au titre de
la réduction pour embauche et investissement traduisait assez clairement les
difficultés auxquelles M. Lamassoure et moi-même avons été confrontés pour
équilibrer le projet de budget.
Notre initiative n'ayant pas été accueillie favorablement à l'Assemblée
nationale, nous aurions pu être tentés de la reprendre dans une configuration
allégée.
M. René Régnault.
Vous n'auriez pas été mieux traités !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Mais, après avoir écouté M. le
président de la commission des finances, je crois que le Sénat, en sa qualité
de grand conseil des communes de France, n'aurait pas accepté une telle
proposition. Je vous confirme donc que le Gouvernement n'a pas l'intention de
reprendre l'initiative en la matière.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Tant mieux !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Nous voulons respecter
intégralement le pacte de stabilité financière conclu entre l'Etat et les
collectivités territoriales.
M. René Régnault.
Elles ne l'ont pas signé !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
L'Assemblée nationale a proposé
une revalorisation de 1,1 % des bases foncières des impôts locaux. Si les élus
veulent bien maintenir les taux de 1996 en 1997, le produit fiscal progressera
de 1 %.
Je confirme, par ailleurs, que le Gouvernement a bien l'intention de
poursuivre la concertation avec le Comité des finances locales afin de proposer
une révision des valeurs cadastrales.
Compte tenu du temps nécessaire pour mener à son terme ce travail législatif
et maîtriser les difficultés techniques, notamment informatiques, l'échéance la
plus probable se situera au 1er janvier 1999. Si tout se réalise dans les
meilleures conditions, nous serons donc en mesure de mettre en oeuvre cette
réforme le 1er janvier 1999.
M. Philippe Labeyrie.
Vous ne serez plus là !
(Sourires.)
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Enfin, la baisse des taux
d'intérêt permettra d'alléger de 6 500 millions de francs la charge de la dette
qui pèse sur l'ensemble des collectivités territoriales. Il s'agit d'une
première étape. En effet, au fil des années, les emprunts seront renégociés ;
ceux qui ont été conclus à des taux élevés disparaîtront progressivement et
nous tirerons les pleins effets de cette réduction des taux d'intérêt.
Dans un souci de transparence, j'ai souhaité que le budget de l'Etat soit
dorénavant présenté en distinguant les sections de fonctionnement et
d'investissement.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
On pourrait croire qu'il s'agit
là d'une simple question de forme. Mais il est des questions de forme qui
permettent de traiter des questions de fond. C'est en identifiant clairement la
nature de nos déficits que nous pourrons le plus efficacement les conjurer.
A cet égard, nous devons être attentifs au niveau du déficit de
fonctionnement. Il est plus facile de renoncer à une dépense d'investissement
que de remettre en cause les dépenses de fonctionnement. Or, prenons garde ! Si
nous ne sommes pas capables de conduire efficacement cette réforme
structurelle, nous risquons d'altérer le niveau de nos investissements.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Et l'avenir !
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Certes ! Il est donc urgent de
faire disparaître le déficit de fonctionnement et de prélever sur les sections
de fonctionnement les ressources nécessaires au remboursement des emprunts
contractés antérieurement et venant à échéance. En agissant ainsi, nous mettons
un terme à ce que Jacques Rueff aurait appelé nos « péchés budgétaires ».
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je
tenais à vous dire aujourd'hui sur ce projet de budget pour 1997, que j'ai
qualifié de tournant, et ce n'est pas un exercice de style. Je tiens à saluer
les initiatives prises par le Sénat en matière de réforme, qu'il s'agisse de la
procédure budgétaire, entamée dès le printemps devant le Parlement, ou de la
discussion générale du projet de loi de finances puisque le rapporteur général
et le président de la commission des finances sont intervenus avant le
Gouvernement, permettant ainsi à celui-ci de répondre à leurs observations.
On pourra toujours nous objecter qu'il était possible de faire mieux en
matière budgétaire. Je pense, quant à moi, que nous sommes allés aussi loin que
nous le pouvions sans perdre de vue le développement économique et la cohésion
sociale.
Ce budget vient à l'appui d'un projet : nous voulons remettre l'économie
française sur les bons rails. A cette fin, nous n'avons pas d'autres moyens que
de ramener nos déficits à de plus justes proportions et d'organiser pour nos
concitoyens la décrue fiscale qu'ils attendent avec tant d'impatience.
Ainsi, nous créons les conditions d'une confiance véritable et nous nous
mettons en bonne position pour la monnaie unique qui est une chance immense
pour notre économie car elle écartera les risques de fluctuations monétaires
que nous subissons aujourd'hui.
Je voudrais, pour conclure, insister de nouveau sur la solidité des
engagements que nous venons de prendre.
En 1995, notre objectif était de contenir le besoin de financement des
administrations en deçà de 5 % du produit intérieur brut. Cet objectif a été
tenu. Cette année, notre objectif est de 4 %. La loi de finances rectificative
qui vous sera soumise dans quelques semaines confirmera cet objectif, qui sera
tenu.
En 1997, nous souhaitons passer sous la barre des 3 % de déficit. Le cap est
fixé ; nous ferons tout pour le tenir car c'est le cap de la confiance, de la
croissance et de l'emploi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué au budget.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, M. le ministre de l'économie et des finances vous a présenté le
cadre macro-économique de ce projet de loi de finances pour 1997, ainsi que les
principales orientations de la réforme fiscale et les grands choix budgétaires
que reflète ce texte.
Pour ma part, comme l'ont souhaité M. le rapporteur général et M. le président
de la commission des finances, je passerai rapidement en revue les principaux
choix politiques en matière de dépenses.
Lors du débat d'orientation budgétaire qui s'est instauré au printemps, vous
nous aviez invités à chercher des gisements d'économies susceptibles
d'équilibrer le budget de l'Etat. Nous en avons identifié une demi-douzaine et
nous avons essayé, suivant vos conseils, de dépenser moins et de dépenser
mieux.
Le premier gisement d'économies réside dans la dette. Grâce à la baisse des
taux d'intérêt, mais aussi à une gestion plus dynamique de la dette de l'Etat,
qui avait été souhaitée par plusieurs d'entre vous, notamment par M. le
président de la commission des finances, M. le rapporteur général et M.
Fourcade, nous allons pouvoir économiser 12 milliards de francs par rapport aux
prévisions que nous avions faites au printemps dernier.
Ainsi, nous avons inscrit dans le projet de budget pour 1997, au titre de la
dette, 232 milliards de francs. Cette somme est élevée mais, je le répète, elle
est moins importante que nous ne l'avions prévu.
Le deuxième gisement d'économies réside dans la contribution de la France au
budget européen. Grâce à une relative sous-exécution de ce budget en 1996, et,
surtout, au vote, en deuxième lecture, par le Conseil des ministres européen
et, en première lecture, par le Parlement européen d'un projet de budget pour
1997, qui tend à reconduire purement et simplement les dépenses de 1996, nous
pourrons réduire de 9 milliards de francs notre contribution au budget
européen. Celle-ci s'élèvera donc, l'année prochaine, à 87 milliards de
francs.
Le troisième gisement d'économies réside dans la politique de défense.
Plusieurs années après nos principaux partenaires, en particulier nos
principaux alliés de l'OTAN, nous avons tiré les enseignements de la fin de la
guerre froide. Nous avons donc modifié notre politique de défense, y compris
notre service national, et réduit de quelque vingt milliards de francs nos
dépenses militaires annuelles par rapport à la période précédente.
Cela dit, et je tiens à insister sur ce point, monsieur le président de la
commission des affaires étrangères, la France n'abaisse pas sa garde. En effet,
si nous nous référons aux chiffres de l'OTAN et si nous comparons le budget de
1987 avec le projet de budget pour 1997, nous constatons que la part des
dépenses militaires par rapport au produit intérieur brut passera, en France,
de 3,9 % à 3 %. Dans le même temps, elle est passée de 4,5 % à 3 % en
Grande-Bretagne, de 3 % à 1,7 % en Allemagne - les dépenses militaires de cet
Etat sont deux fois moins élevées que les nôtres - et de 6,5 % à 3,7 % aux
Etats-Unis.
Ainsi, d'une manière peut-être paradoxale, la France consacre aujourd'hui à la
défense relativement plus de moyens que ses alliés.
Les économies que nous réalisons ne nous empêchent toutefois pas de maintenir
nos dépenses d'équipement à un haut niveau, puisqu'elles atteignent 89
milliards de francs dans le projet de budget pour 1997.
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas assez !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
S'agissant de la force nucléaire stratégique, nous
pourrons, après la mise en service cet automne du
Triomphant,
financer,
l'année prochaine, deux autres sous-marins nucléaires lance-engins de nouvelle
génération, le
Téméraire
et le
Vigilant,
le développement du
futur missile M 51 et du futur ASMP. Nous pourrons également livrer
trente-trois chars Leclerc et assurer quarante-quatre commandes de ce char.
Nous pourrons, enfin, affecter 3,6 milliards de francs au programme Rafale tout
en poursuivant l'industrialisation de l'hélicoptère Tigre et le développement
de l'hélicoptère de transport NH 90.
Dans le même temps, nous mettrons en place le fonds de professionnalisation de
la défense auquel sera affecté 9 milliards de francs.
Comme l'indiquait M. le ministre de l'économie et des finances, la réforme de
notre système militaire se traduira, l'année prochaine, par la suppression de
32 000 emplois d'appelé, de 1 500 emplois de sous-officier et de 850 emplois
civils. En contrepartie, 7 500 emplois d'engagé seront créés, ainsi que 67
emplois d'officier.
(MM. Genton et de Villepin applaudissent.)
En même temps sont mis en oeuvre les moyens financiers pour contribuer à la
réindustrialisation des bassins d'emploi touchés par ces économies : une
vingtaine de régiments seront dissous l'année prochaine et huit bâtiments de
surface seront désarmés, mais, en contrepartie, des dispositifs permettront
d'aider à la création d'emplois ; je veux parler du fonds de restructuration
des entreprises de défense, le FRED, à hauteur de 950 millions de francs, ainsi
que des crédits européens, à savoir les 100 millions de francs du programme
CONVER et les 100 millions d'écus versés au titre de l'objectif II européen qui
pourront être spécialement affectés aux régions touchées par la restructuration
et la reconversion de nos activités de défense.
Les aides à la création d'emplois constituent un autre gisement d'économies.
C'est un sujet dont nous avions longuement discuté lors du débat sur les
orientation budgétaires et à propos duquel il y avait et il y a toujours
unanimité chez les partenaires sociaux, depuis la CGT jusqu'au CNPF, pour
considérer que les systèmes d'aides à l'embauche et à l'emploi sont trop
nombreux - on en compte quarante-quatre au total - trop coûteux et
insuffisamment efficaces.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est vrai !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Nous avons pris un certain nombre de mesures, soit de
suppression - je pense à l'aide au premier emploi des jeunes - soit de
concentration des aides sur les personnes qui en ont le plus besoin - je pense
à l'aide à la création d'entreprises par les chômeurs, au contrat
initiative-emploi, à l'allocation formation-reclassement et à l'allocation de
soutien spécifique pour les chômeurs en fin de droits, de manière à réaliser 20
milliards de francs d'économies par rapport à la tendance spontanée du
budget.
Enfin, le dernier grand gisement d'économies concerne les dépenses
d'administration générale.
Bien entendu, parmi ces dépenses figurent d'abord les frais de fonctionnement
et ce que l'on appelle familièrement le train de vie de l'Etat. Rien n'est plus
populaire, dans un débat public, que de s'en prendre au train de vie de l'Etat
! Dans ce domaine, nous réduisons de 5 % en francs courants les moyens de
fonctionnement ordinaires, qui ne représentent cependant que 40 milliards de
francs sur un budget de 1 550 milliards de francs. Comme les gouvernements
précédents s'étaient également engagés dans un effort de réduction, en réalité,
cela n'apporte pas grand-chose.
La clé de la maîtrise du budget de l'Etat, c'est la maîtrise des dépenses de
personnels, qui représentent 600 milliards de francs, soit 40 %.
Dans un premier temps - l'année dernière - nous avons eu recours à une méthode
qui a consisté à geler le point de la fonction publique. Pour autant, les
dépenses de la fonction publique ont augmenté de plus de 3 %.
Aujourd'hui, nous nous proposons d'entrer dans une logique différente : l'Etat
doit participer aux efforts de productivité qui ont été accomplis par les
collectivités locales et, depuis longtemps, par les services administratifs des
entreprises.
En contrepartie de la réduction des effectifs, non pas aveugle et forfaitaire
dans l'ensemble des administrations et des ministères, mais étudiée au cas par
cas dans chacune de ces administrations, nous proposons d'intéresser, en
quelque sorte, les agents aux dividendes des progrès de productivité en
augmentant leur rémunération au fur et à mesure que ces progrès se
manifestent.
Tandis que 5 600 emplois civils seront supprimés l'année prochaine, M. Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation, engagera des négociations avec les organisations syndicales
sur le niveau des rémunérations en 1997. Ces différents gisements d'économies
nous ont permis d'économiser, au total, 60 milliards de francs par rapport à ce
qu'aurait été la tendance spontanée des dépenses. C'est l'objectif que nous
nous étions fixé, vous vous en souvenez, le 22 mai dernier, lors du débat
d'orientation budgétaire. En effet, si nous voulons maintenir nos dépenses en
francs courants - ce que nous parvenons à faire dans ce projet de budget compte
tenu des augmentations automatiques de certaines masses budgétaires - nous
sommes obligés de trouver ailleurs 60 milliards de francs d'économies. Voilà
qui est fait !
Il faut dépenser moins, mais, en même temps, comme l'a souhaité le Sénat, le
22 mai dernier, il faut s'efforcer de dépenser mieux. A cet égard, je citerai
quelques exemples pris dans les principaux secteurs d'intervention de l'Etat
montrant que nous avons essayé de dépenser mieux avec un budget qui n'augmente
pas globalement.
En premier lieu, la priorité doit être donnée, naturellement, à la politique
de l'emploi et à la politique de cohésion sociale.
S'agissant tout d'abord de la politique de l'emploi, 150 milliards de francs y
sont consacrés dans le projet de budget pour 1997, dont 47 milliards de francs
pour le traitement économique du chômage, notamment pour la réduction des
charges sociales sur les bas salaires, c'est-à-dire sur le travail peu
qualifié.
Je souhaite insister quelque peu sur ce point : 47 milliards de francs, cela
représente l'équivalent du budget de l'enseignement supérieur. Voilà quatre
ans, aucun crédit ne figurait sous cette rubrique ! Autrement dit, en quatre
ans, nous avons inscrit dans le budget, malgré tous les efforts d'économies que
j'ai décrits, un nouveau poste budgétaire équivalent à celui de l'enseignement
supérieur, afin de faire prendre en charge par l'Etat une partie des charges
sociales afférente aux salaires : elle est comprise entre 1 et 1,33 SMIC, ce
qui repésente pour l'entreprise un allègement de 1 160 francs au niveau du
SMIC, soit 13 % du coût du travail pour un travail à temps plein et de près de
20 % pour un travail à temps partiel.
Tous les économistes estiment que c'est l'action la plus efficace que l'on
peut entreprendre pour un traitement économique du chômage. On évalue à environ
200 000 le nombre d'emplois qui ont été, soit créés, soit sauvés par cette
politique, à laquelle nous consacrons donc des moyens très importants.
Sous la rubrique traitement économique du chômage figurent également
l'application de la loi de Robien, dont a parlé M. Arthuis, ainsi que
l'augmentation importante des moyens consacrés à la formation de jeunes : les
crédits affectés à l'apprentissage s'élèvent à 9,5 milliards de francs, ce qui
repésente une augmentation de 50 %, et notre objectif est de signer en 1997 220
000 contrats d'apprentissage et 130 000 contrats de qualification.
Dans le même temps, les aides lourdes seront recentrées sur les publics qui ne
pourraient pas trouver d'emploi sans des aides exceptionnellement élevées ; je
veux parler des contrats initiative-emploi, des contrats emploi-solidarité, des
contrats consolidés et des emplois de ville, qui sont des emplois non
marchands, financés par l'impôt.
S'agissant, ensuite, de la politique de cohésion sociale, grâce aux efforts
d'économies qui ont été consentis, les dotations d'actions importantes ont pu
croître de façon substantielle. A titre d'exemple, je citerai les moyens
affectés à l'allocation aux adultes handicapés : 22 milliards de francs y
seront consacrés, soit une augmention de 7 % en 1997. Par ailleurs - je le
disais tout à l'heure en réponse à une question d'actualité posée par Mme
Beaudeau - l'aide médicale aux plus démunis croîtra de 17 %. Au total, les
crédits consacrés à l'aide sociale augmenteront de 10,5 milliards de francs,
soit 5 % de plus par rapport à 1996.
Toujours au titre de la politique de cohésion sociale, les moyens financiers
affectés aux nouveaux développements de la politique de la ville croîtront de
30 % : ils représenteront un peu plus de treize milliards de francs l'année
prochaine.
Cette politique comporte la mise en oeuvre de moyens différenciés sur
l'ensemble du territoire : vous êtes maintenant familiarisés avec les 744 zones
urbaines sensibles, les 350 zones de redynamisation urbaine et les 43 zones
franches.
Elle comporte également la création de 100 000 emplois de ville, financés
essentiellement par l'Etat à raison de 25 000 emplois dès 1996, 25 000 emplois
en 1997 et 25 000 emplois pour les deux années suivantes.
Le second objectif du Gouvernement est de dépenser mieux pour soutenir
l'activité économique.
M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances ont,
à juste titre, critiqué le fait que nos choix budgétaires ont malheureusement
amputé l'investissement. C'est la raison pour laquelle M. Arthuis a expliqué
qu'il souhaitait que, désormais, à l'image de ce que nous faisons depuis
longtemps pour les collectivités locales, le budget de l'Etat distingue une
section de fonctionnement et une section d'investissement.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est bien !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Néanmoins, nous avons consenti des efforts importants
pour soutenir l'investissement. A cet égard, je tiens à rappeler les principaux
efforts accomplis en matière d'investissement civil.
Tout d'abord, 53 milliards de francs seront consacrés au logement en 1997,
avec une réforme du financement de l'accession à la propriété : le prêt à taux
zéro. Après un an d'application de cette réforme, 131 000 prêts à taux zéro ont
été distribués, contre 55 000 prêts d'accession à la propriété, distribués en
1995, dernière année d'application du système précédent.
Nous proposons également d'engager une réforme très profonde - il s'agira en
même temps d'une simplification - des prêts locatifs aidés, les PLA : en 1997,
leur nombre restera inchangé par rapport à 1996, soit 80 000, mais la prime
sera supprimée et, en contrepartie, le taux de TVA applicable diminuera ;
désormais, la construction de logements locatifs sociaux bénéficiera du taux
réduit de TVA.
Dans le même temps, nous augmentons les aides personnelles au logement, tout
en les réformant pour les rendre plus équitables : 30 milliards de francs y
seront consacrés, soit 8 % de plus que l'année précédente.
Nous veillons également à soutenir l'emploi dans l'artisanat du bâtiment, en
particulier au travers de l'une des dispositions importantes de la réforme de
l'impôt sur le revenu : celle-ci permettra aux contribuables de déduire une
partie des sommes qu'ils consacrent à l'amélioration ou aux grosses réparations
de leur habitation principale.
Les dotations de 120 000 PALULOS de l'Agence nationale d'amélioration pour
l'habitat permettront aussi de soutenir l'activité de l'artisanat du
bâtiment.
Sous la même rubrique investissement, je citerai également l'aménagement du
territoire, un sujet que vous avez évoqué, monsieur le président de la
commission. Sur ce point, le « bleu » de M. Jean-Claude Gaudin, ministre de
l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, ne paraît pas
particulièrement bien fourni.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Il n'est pas satisfaisant !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
C'est peut-être l'un des points dont nous pourrons
discuter et sur lequel des améliorations sont possibles. Le Premier ministre
vous a donné quelques indications à cet égard, me semble-t-il.
Je vous rappelle que, à côté du « bleu » du ministère de l'aménagement du
territoire, de la ville et de l'intégration, l'ensemble des ministères
consacrent 63 milliards de francs à la politique d'aménagement du territoire,
auxquels s'ajoutent les crédits européens. Je rappelle, en particulier, que
pour ce que l'on appelle les zones d'objectif II, c'est-à-dire les zones
urbaines touchées par la reconversion industrielle, nous bénéficierons, entre
1997 et 1999, d'un montant de crédits de 13 milliards de francs, soit une
augmentation de 17 % par rapport à ce qui était prévu jusqu'à l'année
dernière.
Au titre de l'investissement et des activités de soutien à l'économie, je
voudrais évoquer aussi, bien entendu, l'agriculture. Le projet de budget de
l'agriculture s'élève à 35 milliards de francs. Le Sénat sait que, en matière
agricole, c'est le budget européen, par l'intermédiaire du Fonds européen
d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, qui est le plus important. A
cet égard, 56 milliards de francs provenant du FEOGA bénéficieront aux
agriculteurs français l'année prochaine.
Naturellement, c'est le secteur de la viande bovine qui est la première
priorité, compte tenu de la crise que nous connaissons. Au total, ce sont 7,5
milliards de francs sur financement communautaire ou national qui auront été
consacrés en 1996 et 1997 à soutenir le revenu des éleveurs bovins.
M. le ministre de l'agriculture a eu d'autres priorités. D'abord,
l'enseignement agricole - auquel, je le sais, le Sénat est très attaché -
bénéficiera de crédits qui progresseront deux fois plus que la hausse des prix.
En effet, à la différence de ce qui se passe dans l'enseignement général, les
effectifs croissent dans l'enseignement agricole, qui donne une formation de
qualité et qui débouche sur de véritables emplois. Quatre-vingt-sept créations
d'emplois d'enseignant dans l'enseignement public agricole sont prévues l'année
prochaine.
L'installation des jeunes constitue également une autre priorité pour M. le
ministre de l'agriculture, conformément aux conclusions de la charte nationale
d'installation des jeunes que M. le Premier ministre avait signée en novembre
1995. Les crédits des stages préparatoires à l'installation augmentent d'un
tiers.
Une autre priorité est la mise aux normes des installations agricoles pour
protéger l'environnement et des bâtiments d'élevage, ce que l'on appelle la
PMPOA. Les aides aux investissements concernant les bâtiments d'élevage
augmenteront de 27 % l'année prochaine.
Enfin, un effort de 300 millions de francs est fait pour les retraites dans
l'agriculture. De même, un effort de 170 millions de francs est effectué au
profit de l'Office national des forêts, pour l'aider dans la gestion des forêts
des collectivités locales.
Il faut dépenser mieux aussi pour les fonctions traditionnelles de l'Etat,
c'est-à-dire ses fonctions régaliennes.
J'ai évoqué précédemment la défense, je n'y reviens pas. Je saluerai l'effort
d'économies réalisé par le ministère de l'intérieur. Ces économies concernent
le personnel, notamment administratif. Elles permettent non seulement
d'améliorer l'informatisation, mais également de moderniser la flotte
d'hélicoptères de la sécurité civile.
(Exclamations et sourires sur les
travées socialistes.)
M. René Régnault.
Intra-hexagonale !
Plusieurs sénateurs socialistes.
En France !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
J'ai parlé en effet de la sécurité civile.
De plus, a été prévue une augmentation des moyens du ministère de la justice :
24 milliards de francs y seront consacrés et le ministère va économiser 88
millions de francs sur ses moyens de fonctionnement ordinaires. En
contrepartie, il pourra ainsi financer des créations d'emplois dont nous avons
besoin : 46 emplois de magistrats, 108 emplois dans les greffes, 35 emplois en
ce qui concerne l'éducation surveillée et 170 emplois dans l'administration
pénitentiaire, notamment 130 emplois pour la mise en service du centre
pénitentiaire de Rémiré-Montjoly en Guyane.
Je n'évoquerai pas le budget des collectivités locales, que M. le ministre de
l'économie et des finances a traité de manière précise.
Il s'agit aussi de dépenser mieux pour la préparation de l'avenir. Je voudrais
naturellement citer, je terminerai par là, les montants importants que nous
consacrons à l'éducation nationale, à l'enseignement supérieur et à la
recherche.
M. René Régnault.
Vous supprimez des postes !
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
Le budget de l'éducation nationale, de l'énseignement
supérieur et de la recherche s'élèvera à 342 milliards de francs. Il comporte
des choix budgétaires, des choix politiques qui n'ont pas été faciles. Priorité
est donnée à l'enseignement supérieur puisque, dans ce secteur, les effectifs
continuent d'augmenter. Ainsi, on prévoit 13 500 étudiants supplémentaires à la
rentrée 1997. Dans l'enseignement supérieur, seront créés 2 700 postes : 1 500
postes d'enseignant, 1 000 postes d'IATOS - ingénieurs, administratifs,
techniciens, ouvriers de service - et 200 postes de bibliothécaires.
Pour commencer la mise en place de la réforme de l'enseignement supérieur,
nous proposons d'affecter 250 millions de francs à l'expérimentation du
tutorat, et une somme identique pour améliorer le statut social des étudiants,
notamment pour faire évoluer le régime des bourses. Enfin, 5,5 milliards de
francs seront consacrés aux investissements dans l'enseignement supérieur.
En contrepartie, des économies sont réalisées sur l'enseignement primaire et
secondaire. En effet, compte tenu de la baisse de la natalité, le nombre
d'enfants inscrits dans le primaire et le secondaire diminue de 50 000 chaque
année. Aussi, nous réduirons corrélativement de 5 000 le nombre des enseignants
du primaire et du secondaire à la rentrée prochaine. Cette mesure n'empêchera
ni de maintenir l'ensemble des écoles en milieu rural, conformément aux
engagements qui ont été pris, ni d'accroître le taux d'encadrement en zone
urbaine, en particulier dans les zones d'éducation prioritaire. Dans le même
temps, seront créés 150 emplois de maître d'internat dans les zones
urbaines.
Enfin, le budget de la recherche augmente également et 50 milliards de francs
sont prévus. Là aussi, un effort de redéploiement important a été réalisé, avec
la suppression de 500 postes administratifs dans les grands organismes de
recherche. Cela a permis de créer quatre-vingts postes de chercheur et
d'augmenter de plus de 4 % les moyens de fonctionnement des bibliothèques
universitaires.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques
exemples des efforts que nous vous proposons de faire pour dépenser moins et
pour dépenser mieux. Ce n'est pas un exercice politiquement facile et, à partir
de jeudi prochain, vous examinerez chacun des « bleus », chacun des budgets
ministériels. Vous pourrez constater que, sur les trente-huit budgets qui
seront soumis à votre vote, vingt-six sont en baisse et douze seulement en
augmentation.
Il s'agit d'une politique que notre pays a besoin et qui avait été depuis trop
longtemps différée. Si nous voulons soulager l'activité économique, lui
redonner du dynamisme, permettre à nos entreprises de créer des emplois, si
nous voulons à la fois réduire l'endettement - donc les déficits - et, surtout,
la pression fiscale, tout commence par la maîtrise de la dépense. Cela exige du
courage. C'est de courage que notre pays a le plus besoin, et c'est ce qui fait
le moins défaut à la majorité sénatoriale. C'est pourquoi le Gouvernement se
réjouit à l'avance du vote qu'elle émettra.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Belle prestation, mais funestes choix !
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Très belle prestation, en effet !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 103 minutes ;
Groupe socialiste, 85 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 70 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 54 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 33 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 25 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
15 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
L'attention soutenue, et par instant un peu passionnée, avec laquelle vous
avez été écoutés, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la
commission des finances, ainsi que vous-mêmes, messieurs les ministres, est une
illustration de ce que nous ressentons tous. Ce budget, qui se situe à
mi-chemin entre l'élection présidentielle et la prochaine grande consultation
des Français, laquelle coïncidera pratiquement avec l'arrivée de la monnaie
unique, se doit de clore une époque en en ouvrant une autre.
Il s'agit de clore l'époque du glissement inconscient des Français et de la
France, d'ailleurs insuffisamment assumé par ses dirigeants, vers le gouffre
d'un surendettement créé sur des dépenses courantes. Je vous remercie,
messieurs les ministres d'avoir les premiers exposés, en termes simples et par
conséquent compréhensibles pour l'ensemble des Français, la réalité de ce
phénomène.
M. Xavier de Villepin.
C'est vrai !
M. Paul Girod.
Cependant, époque à clore pour époque à clore, pourquoi continuons-nous à
penser ou à faire comme si existait des réponses administratives à des
problèmes économiques ? J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque nous examinerons
le budget du commerce extérieur, mais tous ceux qui tentent désespérément
d'entreprendre ou même simplement d'aubaucher pourraient en parler encore mieux
que moi s'ils n'étaient trop souvent découragés et parfois écoeurés par la
paperasse et la suspicion
a priori.
M. Roland du Luart.
Effectivement !
M. Paul Girod.
Mais époque à clore pour époque à clore, comment être certain de la prise de
conscience au plus haut niveau de la nécessité d'arrêter la spirale lorsqu'on
continue, de texte en texte, à ajouter des contraintes chaque jour plus
dispendieuses en matière de normes ou d'organisation à des collectivités
locales dont on laisse trop de responsables fustiger l'évolution fiscale sans
se rendre compte qu'on tarit ainsi la dernière et majeure source
d'investissement public civil dans notre pays ?
La même réflexion vaut d'ailleurs pour bien des entreprises dont les ambitions
positives se trouvent de ce fait trop souvent tronquées, voire découragées.
Il reste, selon moi, bien des réflexions à mener sur le choix des priorités.
Le feu financier est à la maison France. C'est tristement vrai, et vous n'en
portez pas la responsabilité. Mais quand la maison brûle, pense-t-on à
l'embellir ? Ne faut-il pas d'abord songer à la sauver ?
Pour ce faire, messieurs les ministres, ouvrant une nouvelle époque, vous
cherchez, dans la clarté, avec honnêteté et courage, à amener les Français à
reprendre l'initiative, en commençant à alléger les charges obligatoires qui
pèsent sur eux. Vous avez raison. C'est le seul moyen de faire revenir la
confiance chez ceux qui peuvent relancer la machine ou cesser de la détériorer,
et je pense ici à l'« émigration » fiscale.
Mais au-delà des querelles de chiffres, avec 25 milliards de francs en moins
ici et quelques milliards supplémentaires là, ce qui alimentent les
conversations et les discours éminents des experts, me vient cette réflexion :
pourquoi n'y croyez-vous pas plus ou, ce qui en politique est la même chose,
pourquoi donnez-vous le sentiment de ne pas y croire davantage ?
Pourquoi ne pas accélérer les choses et les rendre plus irréversibles encore ?
En effet, partant de votre conviction, que vous avez encore réaffirmée voilà
quelques instants, messieurs les ministres, de l'efficacité de cette
orientation, vous ne semblez pas en escompter d'effets bénéfiques à moyen terme
sur l'activité puisqu'une bonne part des hypothèses sur lesquelles vous avez
construit votre budget n'intègrent pas, semble-t-il, les conséquences
éventuellement positives des décisions que nous allons prendre ensemble.
Ou alors, n'y a-t-il pas ailleurs un autre obstacle, psychologique ou
monétaire, dont vous n'admettez pas qu'il est plus difficile à lever et qui est
peut-être l'une des véritables raisons de nos blocages et de nos difficultés
?
Un éminent chef d'entreprise qui, de surcroît, se pique non sans raison
d'économie me disait un jour que la lutte contre l'inflation en France était
d'autant plus nécessaire et difficile que les Français, peuple intelligent et
pas toujours pour son bien, assimilaient si bien le phénomène par leurs
réflexes d'anticipation qu'ils le rendaient incontrôlable. Malheureusement, la
même constatation vaut en sens inverse : dans le doute, dans la peur du
lendemain, ce même peuple, transformé en peuple de fourmis, bloque, sans s'en
rendre compte, sa propre économie.
Monsieur le ministre du budget, je voudrais vous livrer en toute franchise une
réflexion qui ne fera peut-être pas plaisir à M. le ministre de l'économie et
des finances : l'argument des taux bas n'a pas de sens ou, à tout le moins, a
une importance extraordinairement relative si l'investisseur hésite ou a peur.
Je crains que nous ne soyons, pour une bonne part, dans cette situation.
Si vous voulez que l'obstacle psychologique, qui, pour l'instant, freine trop
de choses dans ce pays, s'allège, si vous voulez que la machine reparte, que
les Français, qui sont les seuls à décider de la réalité de notre avenir
économique, consomment ou investissent, libérez davantage leurs initiatives,
croyez à ce que vous mettez en place, n'écoutez pas ceux qui, à Bercy ou
ailleurs, vous inspirent plus de prudence que d'audace, tout en pensant
d'ailleurs, comme sur l'affaire de la caisse nationale de retraite des agents
des collectivités locales, que l'on résout un problème en le retardant !
Un sénateur socialiste.
Très juste !
M. Paul Girod.
Si gouverner, c'est prévoir, c'est aussi oser. Qui aurait cru, en avril 1958,
que l'économie était à la veille de l'expansion qu'on a connue dans les années
qui ont immédiatement suivi ? Qui n'a pas eu le souffle coupé devant l'audace
de la République fédérale d'Allemagne légitimant d'un seul coup et contre tout
raisonnement monétaire classique la valeur du mark oriental ?
Monsieur le ministre, très honnêtement, si je reconnais - et je ne suis pas le
seul dans le groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir - la bonne direction
générale dans laquelle va votre projet de budget, je regrette néanmoins
beaucoup qu'elle ne vous ait pas inspiré plus d'audace optimiste. Ce projet de
budget ouvre à mon avis trop timidement les bonnes portes. Je constate que ses
priorités à l'éducation, à la solidarité, à la sécurité, à la justice, que vous
venez d'ailleurs de rappeler, sont une bonne appréciation des relativités de
l'heure.
J'aborderai donc avec mes collègues la discussion dans un esprit constructif,
en gardant bien entendu l'espoir d'en améliorer ici ou là le contenu,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Vous l'espérez !
M. Paul Girod.
... même si cet espoir est un peu bridé par la Constitution de la Ve
République et l'ordonnance relative aux lois de finances.
Mais, messieurs les ministres, je ne voudrais pas quitter cette tribune sans
vous redire ce que je pense profondément : si vous avez raison dans vos
orientations, vous n'y croyez cependant pas assez, vous manquez un peu
d'audace. Je souhaite donc que vous en ayez davantage et que les mesures que
vous prendrez se révèlent efficaces pour notre pays afin que, dans le courant
de l'année, nous soyons amenés à constater ensemble qu'on peut aller un peu
plus vite que vous ne le croyez, un peu plus loin que vous ne l'espérez et que,
la machine étant repartie, nous ayons devant nous des années d'intégration
européenne qui dépasseront ce que l'on peut en attendre.
Voilà, je crois, le grand service que l'on peut rendre à notre pays ; mais,
encore une fois, pour l'amour du ciel, osez !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au risque
de nuire au suspense, je dirai que, comme la majorité de mes collègues non
inscrits, je voterai en faveur du projet de budget qui nous est soumis.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Je le ferai, car je pense qu'il va dans la bonne direction, qu'il s'inspire de
bons principes, et, surtout, qu'il essaie de faire au mieux dans un contexte
difficile. Est-ce pour autant qu'il nous donne entière satisfaction ? Non, et
j'aurai l'occasion d'y revenir.
Ce projet de budget s'inspire de bons principes, car, comme vous l'avez
souligné, monsieur le ministre, les dépenses y sont contenues pour la première
fois, ce qui permet de stopper la dérive des déficits publics. Mais, s'il
arrête la dérive, il ne la réduit pas, ce qui veut dire que, l'an prochain,
l'endettement sera non plus de 3 500 milliards de francs, mais de 3 800
milliards de francs.
Il va dans la bonne direction : en effet, monsieur le ministre, en amorçant la
réforme fiscale, vous indiquez très nettement votre volonté de diminuer le
montant des prélèvements, handicaps à notre compétitivité, témoins criants des
rigidités d'un pays suradministré.
Il essaie de faire au mieux dans un contexte difficile : je trouve
extraordinaire l'absence de mémoire ou l'aveuglement de tous ceux qui ne voient
pas que vous êtes obligé de régler les problèmes que vos prédécesseurs, par
négligence, par calcul ou par manque de courage politique, n'ont pas réglés,
repoussant toujours à plus tard le moment fatidique où il faudrait affronter la
réalité et « faire le ménage ».
Alors, me direz-vous, compte tenu de ces attendus positifs et de ces jugements
favorables, pourquoi émettre quelques réserves ?
D'emblée, je tiens à vous dire que ces réserves et les réflexions qui les
sous-tendent se veulent constructives et s'adressent tout autant au
Gouvernement qu'aux parlementaires que nous sommes et à tous les Français.
Les bons principes auraient voulu, monsieur le ministre, que le déficit soit
encore réduit d'une centaine de milliards de francs, même s'il avait fallu,
pour cela, « tailler dans le vif » et diminuer les aides en tous genres que
tout le monde critique, mais que chacun s'ingénie, ensuite, à vouloir maintenir
en faveur de son secteur.
M. Charles Descours.
Bien sûr !
M. Philippe Adnot.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous vous devons d'avoir
rendu la lecture du budget de l'Etat plus facile et plus claire ; mais cela ne
rend que plus cruel le constat : chaque année, l'Etat emprunte pour couvrir des
déficits de fonctionnement : 109 milliards en 1996, 115 milliards en 1997, soit
près de 40 % du déficit total de 284 milliards de francs. Il n'y a donc aucun
autofinancement des investissements ! Tel est le défi que l'Etat doit relever.
Il serait intéressant, à cet égard, de calculer, dans le stock de 3 500
milliards de francs, quelle somme est due à la couverture de ce déficit cumulé
de la section de fonctionnement.
Le niveau d'endettement n'est pas, pour moi, le critère majeur. A quoi a servi
cet endettement ? Telle est la vraie question. Un jeune ménage qui a construit
sa maison est plus endetté qu'un couple locataire de son appartement. Ce n'est
pas grave. Le drame de la France est qu'elle est endettée, mais que la maison
est loin d'être terminée.
Compte tenu de ce qui précède, je m'interroge, monsieur le ministre, sur
l'opportunité qu'il y avait de baisser les impôts dès cette année, d'autant que
je ne suis pas certain que tous les ministères aient compris que la baisse des
prélèvements n'a de sens que si elle est globale.
Ce qui nuit à la compétitivité de la France, au pouvoir d'achat des Français,
à la capacité de nos entreprises à gagner des parts de marché, donc des
emplois, ce sont les charges de structure de la « Maison France ». Cela suppose
que, si vous faites un effort louable pour maîtriser votre budget et vos
prélèvements, cela n'a de sens que s'il n'y a pas transfert de charges vers les
collectivités locales, les entreprises ou les particuliers.
Or, force est de constater que, sur le terrain, la chasse est ouverte : les
administrations essaient de récupérer leur relative diminution de moyens. Les
exemples sont légion, et je les tiens à votre disposition.
Les crédits du patrimoine sont insuffisants ? Qu'à cela ne tienne ! Les
échafaudages des bâtiments classés, jusqu'ici à la charge du ministère de la
culture, seront intégralement à la charge des communes. Le service des mines
manque d'emplois ? Qu'à cela ne tienne ! On fera remplir l'ensemble des
formulaires administratifs par les entreprises.
Nous avons pu constater un étalement du rythme des investissements dans de
nombreux secteurs. Mais, plus que l'étalement, ce sont les choix qui comptent.
Or, nombre d'entre eux, par le passé, se sont révélés terriblement coûteux en
fonctionnement. Il faut impérativement rompre avec cette fâcheuse tradition
contre-productive.
Le combat pour la baisse des coûts de fonctionnement doit tous nous mobiliser.
J'ai été très heureux de constater, monsieur le ministre, que, pour la première
fois, presque tous les ministères avaient compris qu'un bon budget est non pas
nécessairement celui qui augmente, mais celui qui utilise mieux l'argent
public.
Cet effort, nous devons tous y participer : les Français, en ne demandant pas
toujours plus ; nous-mêmes, parlementaires, en ne proposant aucune dépense
nouvelle qui ne soit gagée, non pas par une hausse de prélèvements, mais par un
redéploiement de crédits.
Si nous savons nous imposer cette discipline, nous pourrons alors consacrer
nos efforts à l'investissement : non pas à n'importe quel investissement, mais
à celui qui provoque la création de richesses, condition indispensable à la
relance de notre pays.
L'équilibre du budget est non pas une fin en soi, mais la condition
indispensable à la transformation de notre société. Aux inconditionnels de la
suradministration, aux nostalgiques des temps perdus, à ceux qui ne rêvent qu'à
la répartition de la pénurie, nous devons opposer une société de projets, de
progrès et de mouvement.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Je suis convaincu, monsieur le ministre, que telle est votre volonté. Je ne
méconnais pas l'ampleur de la tâche dans la situation actuelle de la France.
Mais je suis certain que, si vous vous appuyez sur tous, ce sera possible. Je
vous le souhaite.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Habert applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, analyser
un projet de budget, c'est porter un jugement sur la gestion de l'Etat et lui
affecter les ressources nécessaires à son bon fonctionnement.
Ce jugement, pour être convaincant, se doit d'être nuancé. Aussi avons-nous
pris pour habitude de commenter des inflexions minimes, de discuter gravement «
de chiffres après la virgule », de considérer comme un bouleversement ce qui
n'apparaîtrait dans un autre pays que comme un ajustement à la marge.
Pendant que nous sacrifions, avec convenances et politesse, au « politiquement
correct », le monde autour de nous évolue à vitesse accélérée. Je prendrai donc
la liberté de citer dans notre débat d'aujourd'hui quelques expériences
étrangères, pour tenter de mettre en lumière certains défis de l'«
économie-monde ».
L'ensemble des concours publics de toutes natures à la SNCF représentera 50
milliards de francs en 1997, soit 10 milliards de plus que le total des
dépenses de fonctionnement de l'Etat. Vous nous avez d'ailleurs indiqué les
chiffres, monsieur le ministre du budget. C'est un montant considérable, qui
représente deux fois le budget de la justice.
La réforme indispensable de la SNCF, pourtant déjà modeste, est repoussée.
Dans le même temps, la Bundesbahn accomplit une véritable révolution : l'Etat,
qui lui a repris l'intégralité de ses dettes, met à sa disposition l'ensemble
des 220 000 fonctionnaires au prix du marché du travail privé et s'engage sur
173 milliards de francs d'investissements en cinq ans. Au terme de la réforme,
la Bundesbahn n'aura plus besoin des concours de l'Etat. Qu'en sera-t-il dans
cinq ans de notre SNCF ? Luttera-t-elle à armes égales ? Faudra-t-il lui
consacrer alors trois fois le budget de la justice ?
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
En matière de fonction publique, je constate - pour m'en réjouir - qu'une
politique plus moderne de gestion des effectifs semble se dessiner. J'ai trop
regretté les créations nettes d'effectifs en 1996 pour ne pas saluer
aujourd'hui l'amorce d'une déflation de ceux-ci en 1997.
Dans ce domaine également, si nous tournons un instant nos regards vers
l'étranger, nous mesurons mieux la timidité de nos réformes : en
Grande-Bretagne, le nombre des fonctionnaires est passé de 732 000 en 1979 à
493 000 en 1996 ; 125 agences publiques y emploient 70 % de ces fonctionnaires
et sont gérées comme des entreprises, auxquelles des objectifs de performance
et des enveloppes financières adéquates sont affectées. A population égale,
c'est moitié moins que nous, hors éducation nationale.
La gestion publique connaît, dans toutes les démocraties industrialisées, des
mutations considérables. La Nouvelle-Zélande vend ses forêts domaniales à des
opérateurs japonais, le Canada privatise les services du contrôle aérien,
l'Allemagne et les Etats-Unis remettent en cause les éléments fondamentaux de
l'Etat providence et certains systèmes de protection sociale y sont ouverts à
la concurrence.
Je ne sais pas si ces expériences, dont nous mesurons mal l'ampleur et
l'accélération, constituent des modèles que nous devons copier.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Oh non !
M. Roland du Luart.
En revanche, je suis persuadé, d'une part, qu'elles renforceront la
compétitivité des pays qui les pratiquent, d'autre part, que nous ne devons pas
nous bercer de trop d'illusions sur la durabilité de ce qu'il est convenu
d'appeler l'« exception française ». Créer un commissariat à la réforme de
l'Etat, fort bien ! mais pour quels résultats ?
Après cette brève incursion hors de nos frontières, je souhaiterais maintenant
présenter quelques observations techniques sur le projet de budget soumis à
notre appréciation.
Comme l'a fort bien dit notre rapporteur général, c'est un budget « réaliste,
sincère et courageux ». Le groupe des Républicains et Indépendants ne peut donc
que lui apporter son soutien.
Mais, comme l'a dit aussi, je crois, notre rapporteur général, les efforts
qu'il traduit doivent s'inscrire dans la durée. Pour ma part, j'ajouterai
qu'ils doivent être mieux expliqués aux Français.
Expliquer mieux, c'est d'abord prendre la mesure de la psychologie collective
de nos compatriotes. A cet égard, je regrette que le message sur la réduction
de l'impôt sur le revenu ait été troublé par la hausse, assurément minime, des
taxes sur l'essence. Il eût mieux valu baisser l'impôt sur le revenu de 22
milliards de francs plutôt que de 25 et ne pas augmenter la taxe intérieure sur
les produits pétroliers, la TIPP.
Présenter une stabilité des taxes sur l'essence et de la redevance
audiovisuelle aurait sans doute permis de mieux convaincre les Français de la
réalité de la baisse de l'impôt.
Rééquilibrer la taxation relative du gazole et du super est un autre défi, que
nous devrons bien relever un jour. Notre incapacité à le faire aujourd'hui
témoigne des blocages structurels de notre société.
Expliquer mieux, c'est aussi répondre de manière plus incisive à la critique
malvenue sur les 120 milliards de francs de prélèvements nouveaux. C'est,
enfin, ne pas céder à certaines pressions visant à revenir sur les points
essentiels de la réforme entreprise.
Cette réforme est bonne dans son principe, et le groupe des Républicains et
Indépendants l'approuve.
Il s'interroge toutefois sur les conséquences de la mondialisation accélérée
de l'économie : pouvons-nous prendre la mesure des pressions fiscales qui vont
peut-être s'amplifier ?
Avec un taux maximum d'impôt sur le revenu de 47 % dans cinq ans, la France
sera toujours significativement au-dessus du taux maximum de ses principaux
concurrents.
En étant bientôt le seul pays de l'Union européenne à être doté d'une
imposition directe sur le patrimoine, la France doit-elle se féliciter de sa
spécificité ?
En augmentant régulièrement les prélèvements libératoires sur l'épargne, ne
risquons-nous pas de provoquer des délocalisations d'assiette ?
Je sais bien que la compétitivité globale d'un pays ne se résume pas à sa
compétitivité fiscale. Mais je sais aussi que l'harmonisation européenne nous a
déjà conduits - les chiffres que je vais citer datent de 1993 - à consentir 250
milliards de francs de désarmement fiscal en neuf ans. Je sais enfin que, dans
une économie où circulent librement et rapidement les hommes, les entreprises
et les capitaux, il faut cesser impérativement de porter des jugements moraux
sur la fiscalité et les remplacer par des réflexions économiques.
C'est une sorte de révolution culturelle à laquelle nous ne pourrons pas
échapper. La retarder, je le crains, ne fera que la rendre plus brutale.
Par la force des choses, la contrainte sur les recettes nous conduit à une
réflexion sans concession sur le niveau des dépenses, et donc sur les missions
de l'Etat.
L'Etat doit-il « faire les fins de mois » des entreprises en multipliant les
aides à l'emploi et les dépenses fiscales ? L'Etat doit-il continuer à porter
le fardeau d'entreprises publiques du secteur concurrentiel en les
recapitalisant sans cesse ? L'Etat doit-il continuer à être le financier
majoritaire de la politique culturelle ?
Je formule à dessein ces questions de manière abrupte, car j'ai la conviction
que les réponses que nous y apporterons conditionnent la compétitivité future
de notre économie.
Si l'Etat n'arbitre pas entre ses missions, il n'en exercera aucune de manière
pleinement efficace. Il me semble donc qu'une réflexion s'impose sur l'exercice
de ses missions régaliennes.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Comme le dit avec sa fougue coutumière notre collègue M. Christian Bonnet, «
un Etat omnipotent est un Etat impotent ». Ses missions régaliennes doivent
être financées sans défaillance, qu'il s'agisse du ministère de la justice, du
ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense. Ce n'est qu'après avoir
convenablement doté ces départements ministériels que nous pouvons répartir
l'enveloppe restante.
Si l'Etat impécunieux, poussé par la contrainte des déficits et de
l'endettement, continue à arbitrer à la baisse la dépense d'investissement,
alors il ne prépare pas l'avenir dans les meilleures conditions.
A cet égard, le projet de budget qui nous est soumis se situe dans la ligne
des budgets précédents. Si des économies plus substantielles étaient réalisées
dans les dépenses de fonctionnement, nous pourrions être plus dynamiques, tant
sur le logement que sur les grands travaux.
Comme mon collègue M. Cléach, je regrette qu'il ait été mis fin aux prêts à
taux zéro avec faible quotité de travaux. Cette mesure, excellente pour
relancer le secteur du logement ancien, a été stoppée pour des raisons
d'économie budgétaire, alors qu'elle me paraît
a priori
au moins aussi
efficace que d'autres mécanismes d'incitation fiscale.
Comme mon collègue M. Fourcade, qui s'exprimera sur ce sujet avec l'autorité
que nous lui connaissons, je considère que des économies sur le fonctionnement
nous auraient permis plus d'audace pour les contrats de plan et pour certains
grands travaux d'infrastructure.
Je ne doute pas que cette analyse soit partagée par le Gouvernement, mais je
sais aussi que la majorité a hérité d'une situation budgétaire gravement
compromise, comme l'ont indiqué à la fois notre rapporteur général et le
président de la commission des finances. Tout n'est donc pas possible tout de
suite, et nous devons impérativement reconquérir des marges de manoeuvre.
C'est tout le sens de la stratégie qui nous a été exposée lors du débat
d'orientation budgétaire, stratégie que le groupe des Républicains et
Indépendants estime judicieuse.
Mais, si le Gouvernement a besoin de nos félicitations pour ce qu'il a déjà
accompli - 60 milliards de francs d'économie, c'est un chiffre remarquable, que
certains d'entre nous pouvaient même juger trop ambitieux il y a quelques mois
- il a besoin tout autant de nos encouragements pour inscrire son action dans
la durée.
Il doit poursuivre son action pour rendre plus performante notre fonction
publique en récompensant mieux les mérites, en modernisant les procédures, en
supprimant les activités qui seraient mieux gérées par l'initiative privée.
Pour 1997, je constate, avant transformation et transferts, que les créations
nettes d'effectifs militaires - en raison de la professionnalisation des armées
- compensent, à quelques unités près, les suppressions nettes d'effectifs
civils. Hors appelés du contingent, il n'y a donc qu'une diminution modeste,
mais symbolique, du total des emplois budgétaires.
Dans cette perspective, je ne puis qu'être profondément choqué par certains
programmes politiques qui envisagent de recréer des postes dans la fonction
publique afin de lutter contre le chômage.
(Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
C'est une politique de Gribouille qui supprimera à terme plus d'emplois
dans les entreprises qu'elle n'en créera dans les ministères.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Cette illusion ne serait pas autre chose que ce qu'elle est si elle ne
réussissait à convaincre les jeunes de sa pertinence.
M. Charles Descours.
De sa perversion !
M. Roland du Luart.
Faire croire à notre jeunesse que son avenir réside dans la création d'emplois
publics est une attitude que, pour ma part, je ne puis que désapprouver
fermement.
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
S'il n'y avait que cela !
M. Roland du Luart.
Aller plus loin dans la modernisation de la fonction publique est une première
attente du groupe des Républicains et Indépendants. Aller plus loin dans le
recalibrage des politiques d'aide à la création d'emplois, dans le recentrage
de la politique d'aide au logement sur l'aide à la pierre et dans la
redynamisation d'une politique réaliste d'aménagement du territoire en
constituent trois autres.
Je salue les progrès qui ont déjà été réalisés par le Gouvernement. Il a opéré
des arbitrages courageux, ce dont témoignent de manière éloquente les regrets
et les récriminations dont notre courrier parlementaire abonde. Ce courage et
cette imagination nous laissent espérer qu'ils ne constituent pas un point
d'arrivée, mais un point de départ.
En conclusion, je dirai que nous mesurons tous ici l'étroitesse de la marge de
manoeuvre d'un gouvernement responsable. Nous sommes sur la bonne voie en ce
qui concerne la réduction de nos déficits publics. Il s'agit d'une tâche
ambitieuse et, si nous y parvenons, ce sera grâce à la ténacité du ministre
délégué au budget et du ministre de l'économie et des finances, ce dernier
faisant preuve, à ce poste, des mêmes compétences que lorsqu'il était
rapporteur général de la commission des finances de la Haute Assemblée.
Messieurs les ministres, nous vous apporterons notre soutien tout au long de
l'examen de ce projet de loi de finances pour 1997.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un
an exactement, nous examinions le premier budget de ce septennat.
A cette même tribune, je vous exprimais alors, monsieur le ministre de
l'économie et des finances, le soutien de mes collègues du groupe de l'Union
centriste, soutien franc et massif face à la montée des déficits financiers et
sociaux.
Qu'en est-il un an après ?
Je tiens au préalable à rendre hommage à ce gouvernement, qui parvient, dans
un contexte économique international délicat, à réaliser, en quelque sorte, la
« quadrature du cercle », c'est-à-dire la stabilisation des dépenses de l'Etat,
la réduction du déficit budgétaire, l'allégement de l'impôt, sans oublier, bien
sûr, un effort sans précédent en faveur du redressement des comptes sociaux :
tel était l'objet du débat qui s'est déroulé la semaine dernière au Sénat, sous
les auspices de notre ami Jacques Barrot.
Le projet de budget qui nous est présenté pour 1997 vise à mettre fin à un
véritable cercle vicieux : toujours plus de dépenses pubiques, donc plus de
prélèvements obligatoires, donc, finalement, plus de déficit et de chômage.
Cette spirale absorbe depuis plusieurs années le dynamisme de notre économie,
réduisant d'autant la croissance et, par là même, la possibilité de créer des
emplois.
Notre pays est donc résolument engagé dans la voie de la raison. Tel était le
sens de la déclaration du Président de la République, le 26 octobre 1995.
Je débuterai mon propos par un rapide descriptif des principaux maux dont
souffre ce pays depuis de trop nombreuses années.
La France est le pays où le taux de dépenses publiques rapportées au produit
intérieur brut est le plus élevé des nations du G 7, dépassant désormais
l'Italie, loin derrière l'Allemagne et les Etats-Unis.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est exact !
M. Xavier de Villepin.
Or on peut aujourd'hui constater que la croissance constante des dépenses et
de l'emploi publics n'est pas, ou n'est plus, un soutien efficace à la
croissance et une solution au problème du chômage.
En outre, cette progression constante des dépenses est une des causes de
l'augmentation des prélèvements obligatoires, qu'ils ont servi à financer.
En effet, ces derniers ont atteint un taux record de 45,6 %, en 1996, ce qui
correspond à un taux supérieur tant à la moyenne de l'OCDE qu'à celle de
l'Union européenne.
Une telle pression fiscale a incontestablement un effet négatif sur
l'activité, sur le dynamisme des acteurs susceptibles d'investir et de créer
des emplois : son augmentation va de pair avec l'augmentation dramatique du
chômage.
Par ailleurs, avec l'effort particulier demandé, en 1996, en matière
d'imposition, nos concitoyens sont nombreux à aspirer à une baisse de la
pression fiscale.
Nous devons également accentuer notre effort de réduction du déficit public,
réduction engagée dès 1993, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, il nous faut assainir et moderniser notre économie face aux
mutations que connaît l'environnement international ; pour les marchés
financiers, toute politique laxiste est interprétée comme un signe de faiblesse
de l'économie.
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. Xavier de Villepin.
On me rétorquera que cette mondialisation de l'économie est une menace pour
l'indépendance de notre pays. Or, il est clair qu'il n'y a pas de souveraineté
nationale dans le déficit et l'endettement, vous l'avez dit tout à l'heure
monsieur le ministre de l'économie et des finances.
Au contraire, loin d'être un signe de « renoncement national » et de
soumission à un quelconque diktat étranger, une politique d'assainissement
financier est seule à même de consolider le franc par rapport au mark et de
faire baisser les taux d'intérêt.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Xavier de Villepin.
La baisse des taux est aujourd'hui essentielle pour notre économie - vous
l'avez également rappelé, monsieur le ministre - dans la mesure où c'est un
moyen à la fois de favoriser l'investissement privé et de réduire la charge de
la dette.
La réduction du déficit est nécessaire, en second lieu, pour respecter les
critères qui nous permettront de réaliser la monnaie unique. Il faut affirmer
que cette dernière constitue une chance pour l'Europe et pour notre pays, et ce
pour plusieurs raisons ; vous l'avez rappelé, monsieur le président de la
commission des finances, et je partage complètement votre point de vue.
L'euro est un gage de stabilité monétaire, aujourd'hui si nécessaire à la
croissance et à la lutte contre le chômage. Il constituera, en effet, une
protection contre les dévaluations qui créent des inégalités de concurrence,
comme lors de la dévaluation de la lire, de la peseta ou de la livre sterling.
Il conférera à l'Europe un statut international réellement en rapport avec son
poids économique. Il permettra de réaliser des économies importantes en termes,
notamment, de coûts de transaction, à hauteur de 150 milliards de francs
environ.
Enfin, l'Union économique et monétaire est une étape essentielle de la
construction européenne, à laquelle l'Union centriste est très attachée.
Certains esprits chagrins tablaient, ces derniers mois, sur l'échec de la
réalisation de l'Union économique et monétaire.
M. Emmanuel Hamel.
Pas chagrins, lucides !
M. Xavier de Villepin.
Or, il semble bien que le cercle des pays répondant aux critères de
convergence sera plus large que prévu au 1er janvier 1999. Ainsi, les projets
de budget de douze de nos partenaires européens annoncent un déficit public
inférieur ou égal à 3 % en 1997.
Au-delà des tendances politiques des uns et des autres, l'ensemble des pays de
l'Union sont en effet d'accord pour mener une politique d'assainissement des
finances. Il en va ainsi pour l'Allemagne, notre principal partenaire, pour
l'Espagne, dirigée par un gouvernement de centre droit, ou l'Italie, dont la
plupart des ministres appartiennent actuellement à l'ex-parti communiste.
Pour caractériser cette loi de finances, je dirai qu'elle allie rigueur et
équité, autant de vertus auxquelles mes collègues et moi sommes
particulièrement attachés.
La rigueur, en premier lieu. L'aspect majeur de ce budget est, bien entendu,
la maîtrise des dépenses.
Grâce aux économies, qui ont limité la progression dite « naturelle » des
dépenses d'une année sur l'autre, celles-ci devraient, cette année, reculer en
francs constants. Cet exercice n'était pas évident compte tenu, notamment, du
montant du service de la dette et de la masse salariale de la fonction
publique. Ce budget met ainsi fin à une véritable explosion des dépenses depuis
quinze ans, et nous pouvons nous réjouir, messieurs les ministres, que vous
soyez parvenus à atteindre cet objectif.
Certains secteurs primordiaux pour l'avenir voient cependant leurs crédits
augmenter. C'est le cas de l'éducation nationale, de la justice ou encore du
travail et des affaires sociales.
Je me réjouis également, monsieur le ministre du budget, du strict respect de
la loi de programmation militaire dans ce projet de budget, et je tiens à vous
exprimer beaucoup de reconnaissance pour ce que vous avez dit sur notre défense
nationale.
Dépenses réorientées, préservées ; ce sont des points positifs.
Il y a cependant des aspects inquiétants dans la partie dépenses de ce budget.
Ainsi, les dépenses d'équipement connaissent, cette année encore, des
réductions importantes, à hauteur de 7,75 %, alors que les dépenses de
fonctionnement continuent d'augmenter d'environ 2,5 %. Si l'on peut comprendre
qu'en période de maîtrise des dépenses il est plus aisé pour le Gouvernement de
diminuer les dépenses en capital que les dépenses de fonctionnement, nous
pensons néanmoins que tous les efforts doivent être entrepris pour améliorer
les coûts de gestion de l'administration.
Selon les calculs de l'OCDE, le poids de la dépense publique en France est
essentiellement lié à deux postes : la rémunération des agents publics et les
transferts sociaux. La part de l'emploi des administrations publiques
françaises dans l'emploi total est l'une des plus élevées dans la zone de
l'OCDE : environ 23 %, contre 15 % en Allemagne et aux Etats-Unis.
Le Gouvernement a décidé une courageuse baisse des effectifs, puisque le
projet de budget comporte une réduction nette de près de 6 000 postes,
principalement grâce au non-remplacement des fonctionnaires partant à la
retraite.
De façon plus générale, c'est l'ensemble du secteur « abrité », le secteur
public et parapublic, qui a besoin d'une remise en ordre dans notre pays. On
doit avoir le courage de s'attaquer aux corporatismes et aux conservatismes.
Faut-il rappeler, par ailleurs, que, sur la période 1989-1995, le pouvoir
d'achat des salariés du secteur public a augmenté de 11,1 % en moyenne, alors
que, pendant la même période, cette augmentation était de 6,3 % dans le secteur
privé ?
L'autre caractéristique de ce budget est le souci de l'équité.
Alors que les sacrifices consentis par les Français vont, comme nous
l'espérons, bientôt porter leurs fruits, le Gouvernement doit orienter son
effort, en priorité, en faveur des plus défavorisés. C'est le sens du
recentrage d'aides à l'emploi comme le contrat initiative-emploi. Il en est de
même pour la remise en cause de la progressivité trop rapide de l'impôt sur le
revenu, s'agissant des revenus les plus modestes. Cette progressivité est,
jusqu'à présent, un obstacle à la réinsertion dans le monde du travail pour les
bénéficiaires du RMI ou les chômeurs de longue durée. Ces derniers hésitent, en
effet, à occuper un emploi peu rémunéré, qui leur fait perdre les avantages
d'aides diverses.
Je souhaite aborder, à ce propos, la réforme fiscale, l'une des clés de voûte
du projet, réforme qui constitue une réponse essentielle aux problèmes de notre
pays, en particulier le très haut niveau de la pression fiscale.
Le Gouvernement a décidé de réformer et de baisser l'impôt sur le revenu. Nous
approuvons une telle décision, que nous avions appelée de nos voeux lors des
précédents débats budgétaires, compte tenu du caractère relativement archaïque
et injuste de cet impôt. L'impôt sur le revenu n'a rapporté, en 1996, que 312
milliards de francs, contre 730 milliards de francs pour la TVA. De plus, le
nombre de contribuables soumis à l'impôt sur le revenu a progressivement
diminué, pour ne plus représenter aujourd'hui que la moitié des contribuables
français. Cette situation est due, en particulier, à l'accumulation des
avantages fiscaux, pour un montant de plus de 60 milliards de francs.
Le début de remise à plat des déductions et exonérations, ainsi que la
diminution sensible des tranches du barème constituent indéniablement un
progrès. Plus que jamais, l'équité la plus élémentaire doit nous amener à
remettre en cause, de préférence, toutes les « niches fiscales », réellement
inacceptables dans la conjoncture que nous connaissons.
La réforme fiscale incluse dans ce budget est un premier pas dans le sens de
la refonte et de l'allégement de notre système d'imposition. Il faut poursuivre
dans cette direction.
L'emploi, la lutte contre le chômage sont donc vos priorités, monsieur le
ministre, et je m'en félicite.
Ainsi, 42,8 milliards de francs vont être consacrés à l'allègement du coût du
travail, notamment pour les bas salaires. Nous soutenons ce choix, car le coût
du travail en France est plus élevé que dans la plupart des pays
industrialisés, mis à part l'Italie. C'est, en particulier, un obstacle pour le
développement des PME, dont on sait qu'elles sont aujourd'hui les plus
susceptibles de créer des emplois.
A ce propos, un grand quotidien du soir s'est ému, à juste titre, d'un
phénomène inquiétant de délocalisations d'entreprises françaises vers la
Grande-Bretagne, où les charges patronales sont beaucoup moins élevées. Il est
donc grand temps de réagir.
Concernant tout particulièrement les PME, une autre mesure positive de ce
projet de budget consiste en une réduction de 33,33 % à 19 % du taux de l'impôt
sur les sociétés pour la fraction des bénéfices qu'une société inccorpore à son
capital. C'est un premier pas important vers un impôt sur les sociétés
progressif, à taux réduit.
Un autre chantier mériterait probablement d'être poursuivi : la réforme de la
taxe professionnelle. Une disposition du projet a d'ores et déjà une portée
significative, celle qui institue un plafonnement des taux votés par les
départements et les régions. Mais je crois qu'il faut aller plus loin, en
abaissant le coût global de la taxe pour les industries de main-d'oeuvre et en
atténuant la dispersion des taux.
Par ailleurs, les choix de ce projet de budget nous paraissent être confortés
par les éléments encourageants de la conjoncture. Le projet de loi de finances
repose, en effet, sur des hypothèses économiques prudentes et justes. Le
contexte économique est déjà relativement sain pour ce qui est de l'inflation
et du commerce extérieur. L'année 1997 devrait être, en outre, celle de la
reprise de l'investissement, le niveau de la consommation se maintenant. Les
prévisions de croissance, entre 2,1 % et 2,3 %, semblent raisonnables - cela
n'a pas toujours été le cas - et, surtout, une amélioration de l'environnement
international, conjuguée avec la maîtrise des dépenses publiques contenue dans
ce budget, devrait entraîner une baisse des taux d'intérêt, si nécessaire pour
l'activité.
Monsieur le ministre, les réformes que vous nous proposez sont de grande
ampleur, qu'il s'agisse de la réforme fiscale ou de la lutte contre les
déficits, et il était grand temps de les entreprendre.
Ces efforts sont nécessaires afin d'adapter notre pays aux mutations que
connaît aujourd'hui notre époque. La mondialisation des échanges, les
changements dans la façon de produire les richesses, l'émergence de nouveaux
pays industrialisés comportent à la fois d'immenses opportunités et des
difficultés certaines.
Il est donc essentiel de réformer nos structures économiques et sociales,
issues d'un autre temps, pour permettre à notre pays de disposer d'un maximum
d'atouts dans ce nouveau contexte. Le projet de loi de finances que vous nous
présentez vous en offrait l'opportunité ; vous l'avez saisie, et nous vous en
félicitons.
La réduction des déficits publics et sociaux, l'instauration de la monnaie
unique européenne sont assurément les étapes essentielles de ces changements,
qui permettront à la France de maintenir sa position dans le monde et de
manifester sa cohésion.
Sous le bénéfice de ces observations, et après avoir rendu hommage à
l'excellent travail réalisé par notre commission des finances, son président et
son rapporteur général, notre ami Alain Lambert, le groupe de l'Union centriste
votera le projet de loi de finances pour 1997.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi
que sur certaines travées du RDSE).
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous
sommes tous conscients, dans cette assemblée, du contexte difficile dans lequel
se déroule la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Une croissance faible, une augmentation du chômage qui mine le moral des
Français, la crispation d'un grand nombre de catégories sociales ou
professionnelles devant les efforts qui leur sont demandés, l'ampleur des
réformes nécessitées par des structures « budgétivores » et sclérosées, la
difficulté de rétablir les comptes de l'Etat, de la sécurité sociale et des
entreprises publiques, tous ces facteurs expliquent le scepticisme ou la
morosité auxquels se heurte le Gouvernement.
Il est vrai qu'être pessimiste n'engage à rien. Quand l'avenir contredit leurs
sombres prédictions, l'euphorie fait oublier les Cassandre. Au contraire,
lorsque ceux qui ont annoncé les malheurs voient leur accomplissement, ils en
retirent la satisfaction de passer pour des prophètes.
Pourtant, un certain nombre de signes donnent à penser que l'année 1997 sera
plus porteuse que l'année 1996.
La croissance aux Etats-Unis, au Japon et dans les pays du Sud-Est asiatique
demeure soutenue.
En Europe, la baisse des prix industriels constatée depuis plusieurs mois est
maintenant enrayée. Le déstockage va donc s'arrêter et les carnets de commande
des entreprises vont se gonfler à nouveau. Dans le secteur des biens
intermédiaires, où la stabilisation des prix et le renversement du cycle des
stocks jouent un rôle majeur, les perpectives de production se redressent.
Nos partenaires allemands ont affiné à 2,5 % de taux de croissance de leur
économie leurs prévisions pour 1997.
Le taux de croissance de 2,3 % que vous avez retenu, messieurs les ministres,
pour établir le projet de loi de finances, et qui est corroboré par l'OCDE et
divers institut, de conjoncture, semble réaliste.
L'économie de la France présente tous les signes de la compétitivité, avec une
inflation toujours modérée en 1996 et en 1997, des échanges extérieurs
fortement excédentaires et des taux d'intérêt dont le niveau est historiquement
bas.
Comment ne pas se féliciter que les taux d'intérêt à court terme, qui
s'élevaient à 7,5 % en mai 1995, soient descendus au-dessous de 3,5 %
aujourd'hui, atteignant ainsi le niveau le plus bas depuis les années
soixante-dix ?
Comment ne pas se réjouir pour notre économie que les taux à long terme, qui
servent de base aux emprunts immobiliers contractés par nos compatriotes
désirant devenir propriétaires et par les chefs d'entreprise, soient
aujourd'hui inférieurs à 6 % ?
Nous sommes au même niveau que nos voisins allemands. Le temps de l'argent
cher est révolu dans notre pays. La baisse des taux d'intérêt a également des
effets très positifs - ne l'oublions pas - sur l'évolution de la charge de la
dette de l'Etat et sur les politiques d'investissement des collectivités
locales.
Cependant, si nous voulons bénéficier de la reprise qui s'esquisse, il nous
faut moins que jamais relâcher notre effort, en dépit des sirènes de la
démagogie ou de la facilité qui se conjuguent pour nous appeler à la
renonciation.
Dépenser moins, dépenser mieux, alléger les charges qui frappent les
particuliers, tels sont les objectifs de projet de loi de finances, telles sont
les priorités qui recueillent notre assentiment.
En 1997, les dépenses de l'Etat reculeront de 1,5 % en francs constants par
rapport à 1996. Pour la première fois, la France n'est plus condamnée à une
progression inexorable de ses dépenses, année après année.
Notre pays honore ses engagements puisque, après avoir limité le déficit
budgétaire à 5 % du PIB en 1995 et à 4 % en 1996, il le fixe à 3 % pour
1997.
Les marchés financiers ont vu dans cette politique un signe évident de notre
volonté de rompre avec les erreurs du passé. La bonne tenue du franc et la
détente des taux d'intérêt témoignent du crédit dont nous disposons auprès des
investisseurs internationaux.
En réduisant de 6,5 % ses dépenses de fonctionnement, l'Etat peut sembler
n'accomplir qu'un effort modeste, mais il faut saluer l'innovation capitale que
représente la suppression de près de 6 000 emplois civils qui est, nous voulons
le croire, l'amorce d'une nouvelle gestion de notre fonction publique.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Nous nous réjouissons également de l'allégement de 9 milliards de francs de
notre contribution au budget de l'Union européenne, permis par la bonne
exécution du budget de 1996 et par l'action très ferme du Gouvernement auprès
des instances communautaires.
Dépenser moins, c'est désendetter l'Etat. Désendetter l'Etat, c'est diminuer
la ponction fiscale, car c'est l'impôt qui assure le service de la dette. C'est
ensuite permettre aux entreprises de trouver sur le marché financier les
ressources nécessaires à leurs investissements qui, jusqu'à présent, étaient
presque intégralement mobilisés par l'Etat pour ses propres besoins.
C'est enfin éviter que les prêteurs ne se couvrent contre les risques d'une
mauvaise gestion des finances publiques en recourant à des taux élevés.
Dépenser mieux, c'est recentrer l'Etat sur ses fonctions régaliennes ; c'est
évaluer l'efficacité de la dépense avant de l'engager ; c'est remettre en cause
les actions et les interventions qui n'ont pas produit les résultats
espérés.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'initiative du ministre de la fonction
publique, qui propose aux agents publics de lier un surcroît de rémunération à
l'amélioration de la productivité des administrations. En effet, nous avons
tous en mémoire l'augmentation qui, accordée par M. Jospin aux enseignants sans
aucune contrepartie, a alourdi durablement les charges de l'Etat depuis six
ans.
M. Christian de La Malène.
Très juste !
M. René Régnault.
Ce n'est pas raisonnable ! C'est du sectarisme primaire !
M. Josselin de Rohan.
Les 150 milliards de francs consacrés à l'emploi dans le projet de loi de
finances pour 1997 représentent une progression de 8 % par rapport à 1996.
Ainsi, 47 milliards de francs seront consacrés à la prise en charge par l'Etat
des cotisations sociales pesant sur les bas salaires, ce qui devrait concerner
cinq millions d'actifs, singulièrement dans les PME.
Les contrats initiative-emploi ont été revus, et le nombre des contrats
emploi-solidarité sera également réduit, afin de marquer la priorité en faveur
des emplois marchands.
Le logement - on l'a souligné - a fait l'objet d'un effort méritoire dans un
contexte de rigueur.
Pour 1997, ce sont 120 000 prêts à taux zéro qui sont programmés. Ce chiffre
souffre sans contestation possible la comparaison avec le nombre d'anciens PAP,
qui n'était que de 50 000 en 1995.
Sur la période 1993-1996, ce sont 350 000 logements sociaux qui ont été
construits avec l'aide de l'Etat. Pour 1997, les chiffres clés qui illustrent
le mieux la priorité que donne le Gouvernement au secteur du logement sont les
suivants : 25 000 prêts locatifs aidés, ou PLA ; 30 000 prêts locatifs aidés
très sociaux, ou PLATS ; 120 000 primes à l'amélioration des logements à usage
locatif et à occupation sociale, ou PALULOS.
En 1997, les crédits de l'éducation nationale progresseront de 2 %, en dépit
du recul des effectifs scolarisés dans le primaire et dans le secondaire, et
malgré une progression ralentie dans l'enseignement supérieur.
Il convient de reconnaître à M. le ministre de l'éducation nationale le mérite
d'avoir résisté aux sollicitations des groupes de pression qui ne connaissent
que la logique du « toujours plus ».
Les économies réalisées grâce aux diminutions intervenues dans l'enseignement
primaire et secondaire ont permis des créations de postes dans l'enseignement
supérieur, la réforme du régime des bourses et la mise en place du tutorat.
Je considère que c'est un progrès dans la manière d'administrer ce département
ministériel.
M. Xavier de Villepin.
Bravo !
M. Christian de La Malène.
Tout à fait !
M. Josselin de Rohan.
Alléger les charges constitue un impératif pressant pour notre économie. La
France figure désormais parmi les pays où les taux des prélèvements
obligatoires sont les plus élevés.
Comme l'a souligné très légitimement et avec beaucoup de force M. le
rapporteur général, trop d'impôt démotive les particuliers, décourage les
initiatives, fait fuir les capitaux et conduit à la délocalisation des
entreprises.
M. Xavier de Villepin.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
L'allégement d'impôt de 25 milliards de francs pour ce qui est de l'impôt sur
le revenu et de 41 milliards de francs pour ce qui est des charges représente
un signal politique fort et constitue la première étape d'une réforme en
profondeur de notre fiscalité qui devra être réalisée en cinq ans.
Il importera, à terme, de diminuer les tranches et de distinguer, dans
l'imposition des personnes physiques, comme le demande M. le président de la
commission des finances avec une vigueur que nous saluons, un impôt progressif
et un impôt proportionnel qui simplifieront le dispositif actuel et diminueront
le nombre d'impositions existantes dont la complexité est aussi décourageante
que rebutante.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Exactement !
M. Josselin de Rohan.
Sur les cinq années qui nous séparent de l'an 2001, l'allégement global de
l'impôt sur le revenu atteindra 75 milliards de francs ; la première tranche de
37,5 milliards de francs sera d'ores et déjà perceptible par nos compatriotes
dès l'imposition acquittée en 1998.
La réforme de notre fiscalité passe aussi par la suppression ou la limitation
de certains avantages spécifiques pour renforcer l'équité du système
d'imposition.
Chacun doit comprendre que, dans la situation difficile de notre économie, il
n'est pas possible que chaque catégorie sociale ou professionnelle se barricade
derrière ses droits acquis sans considération pour la collectivité.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
La suppression ou la limitation de certains des avantages spécifiques octroyés
aux personnes assujetties à l'impôt sur le revenu a pour effet l'élargissement
de l'assiette et la simplification de l'impôt. De plus, elles contribuent au
financement de l'allégement du barème de l'impôt sur le revenu et limitent son
impact sur les ressources budgétaires.
Je tiens à souligner également la cohérence du projet soumis à notre examen
avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale que la Haute
Assemblée examinait il y a quelques jours.
Le basculement de 1,3 point des cotisations de maladie des salariés sur 1
point de cotisation sociale généralisée élargie allège le poids des
prélèvements sociaux sur l'ensemble des revenus d'activité, quelle que soit la
situation du contribuable au regard de l'impôt sur le revenu.
Tels les quêteurs du Graal, de bons esprits appellent de tous leurs voeux une
autre politique. Leurs souhaits ont été exaucés, car voici qu'après bien des
mois de gestation douloureuse le parti socialiste a donné le jour à un
programme.
Je qualifierai d'écologique cet ahurissant catalogue, car il prévoit le
recyclage des déchets et le rechapage des rebus du programme commun ou des
fameuses 110 propositions.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
C'est élégant !
M. Josselin de Rohan.
Soyons reconnaissants aux socialistes de sortir le grand jeu et de se révéler
tels qu'en eux-mêmes ; l'éternité les change !
Rien ne manque à la panoplie !
Le retour au dirigisme le plus authentique avec l'obligation pour les
entreprises d'embaucher 350 000 jeunes.
M. Jean-Pierre Masseret.
Cela plaît !
M. Josselin de Rohan.
... avec l'obligation pour l'Etat de recruter de nouveaux agents « en liaison
» avec les collectivités locales, dit-on de manière euphémique, ce qui est une
manière déguisée de leur forcer la main, et ce au moment même où nos collègues
dénoncent, et avec quelle force, des transferts de charges de l'Etat vers les
collectivités locales !
M. René Régnault.
Hélas ! Vous n'avez rien compris.
M. Josselin de Rohan.
Aux contraintes pour l'Etat et les collectivités locales s'ajouteront celles
qui pèsent sur les entreprises. L'abaissement généralisé de la durée légale du
travail sans perte de salaire leur sera imposé, sans aucun souci des
conséquences sur la productivité, les coûts de production et la compétitivité
des entreprises.
L'Etat - tenez-vous bien ! - orchestrera les hausses de salaires, qui seront «
négociées », mais après coup !
(M. Charmant s'exclame)
.
Cette fois, la dépense publique n'est plus réhabilitée, elle est débridée.
Pour le logement, l'éducation nationale, l'aménagement du territoire, il n'y
aura plus de limitation.
Dans le domaine social, ce sera l'âge d'or, grâce à la couverture maladie
universelle, à l'organisation - par l'Etat bien sûr - des emplois de
service.
L'industrie et l'artisanat ne seront pas oubliés, puisque l'Etat
subventionnera les entreprises et même - comble de sollicitude - créera des
petites entreprises à capital public.
(M. de Raincourt sourit.)
Gardons-nous d'omettre les nationalisations, qui ont si bien réussi à
notre pays. On nous en promet de nouvelles, telles les entreprises de
distribution de l'eau.
Il fallait s'y attendre ! Ces largesses seront financées par un accroissement
sensible de la fiscalité sur les sociétés et par la CSG et l'ISF. La TVA sera
abaissée. Quant aux déficits possibles, on ne les mentionnera pas. Cette notion
même est réactionnaire.
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
L'endettement ? Point d'affaire, on trouvera toujours des prêteurs !
M. René Régnault.
Vous vous y connaissez !
M. Josselin de Rohan.
L'évasion des capitaux, les délocalisations d'entreprise, la fuite des
cerveaux ? Chimères !...
Quant à nos engagements européens, on n'en parlera pas.
Comme le note M. Alain Minc
(Exclamations sur les travées socialistes),
un observateur qui voyait autrefois l'opposition actuelle avec les yeux de
Chimène : « François Mitterrand avait sacrifié maints dogmes socialistes à la
construction européenne ; ses héritiers, eux, préfèrent sacrifier l'Europe à la
résurrection des dogmes. »
Certes, mais ils n'ont pas le courage d'avouer que, sauf à faire preuve de la
plus totale incohérence, leur conception de l'Etat providence suppose un retour
au protectionnisme, au contrôle des changes et des prix et une renonciation aux
perspectives de l'union monétaire.
Il paraît que ces effarantes propositions seraient plébiscitées par le peuple
français !
M. Michel Sergent.
C'est exact !
M. Josselin de Rohan.
Tant qu'il s'agit de demander moins au contribuable et plus à l'impôt, de
diminuer sans contrepartie la durée du travail, de faire luire la perspective
de la sécurité de l'emploi garantie, de faire payer les « gros » en épargnant
les « petits » et de promettre l'âge d'or, on se rend populaire à peu de
frais.
M. Marcel Charmant.
Et Chirac, qu'a-t-il fait ?
M. Josselin de Rohan.
Gageons que nos compatriotes, qui sont plus avisés que ne le croient les
démagogues ou les vendeurs d'orviétan, sauront mesurer ce que ces promesses ont
de fallacieux et, plus encore, de dispendieux.
En tout cas, nous aurons été avertis. Nous avions cru les socialistes guéris,
ou tout au moins assagis, ils ont au contraire fait une grave rechute.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Il est vrai qu'ils ne sont pas tous satisfaits de leur enfant, puisque M.
Emmanuelli, en votant contre un projet dont il est l'auteur, ne veut pas le
reconnaître, que M. Mélenchon se refuse à entendre parler du monstre et que
notre excellent collègue M. Michel Charasse, pour qui deux et deux font encore
quatre, souffre en silence.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
On peut compter sur nous pour dessiller les yeux de nos compatriotes et
leur montrer à quelles dérives et à quelles pénitences ils s'exposent, si par
malheur ils cédaient aux mirages de cet extravagant programme.
Nous leur faisons confiance pour éviter le « grand bon en arrière », pour
reprendre l'expression heureuse de M. Balladur, qui, cette fois, porterait un
coup mortel à notre économie.
M. Jacques Delong.
Vous allez choquer Jospin !
M. Josselin de Rohan.
Le projet de loi de finances est sérieux, sincère et rigoureux. Il témoigne de
la volonté du Gouvernement d'assainir nos finances publiques et d'attaquer le
mal à la racine en réformant des structures inadaptées ou périmées.
La voie que nous empruntons est d'autant plus dure que nous avons trop différé
les remises en ordre nécessaires. Mais ce que nous avons entrepris, d'autres
l'ont réalisé avant nous et parfois de manière plus brutale.
Je pense aux Pays-Bas, à la Suède ou à l'Allemagne, pour ne pas parler du
Royaume-Uni, qui a conduit, il y a plusieurs années, une véritable révolution,
sans commune mesure avec les efforts que nous poursuivons. Et pourtant, en
Grande-Bretagne, l'opposition travailliste n'entend pas remettre en cause
fondamentalement l'héritage conservateur si elle accède au pouvoir.
M. René Régnault.
Parlez-nous de la France !
M. Josselin de Rohan.
Vérité au-delà de la Manche, erreur en deçà.
En dépit des turbulences, des critiques acerbes et, parfois, des faux pas, la
France a changé.
Le déficit des finances publiques en 1996 a été contenu. Le commerce extérieur
a enregistré des excédents sans précédent. La France a résisté à tous les
remous. Les taux d'intérêt ont baissé. Les télécommunications ont changé de
statut sans drame. La réforme de notre système de sécurité sociale, de nos
industries de l'armement a été engagée, celle de la SNCF est en préparation.
Ces mutations sont indispensables si nous voulons que la France aborde avec
des atouts sérieux l'inévitable compétition entraînée par la mondialisation de
l'économie.
Chaque fois que notre économie a affronté le grand large, elle a résisté ;
chaque fois qu'elle s'est repliée sur elle-même, à l'abri de protections
souvent illusoires, elle a régressé.
Au coeur de la politique économique, il y a l'emploi.
M. René Régnault.
Il est temps d'en parler !
M. Josselin de Rohan.
Ne nous le dissimulons pas, nous avons dans ce domaine enregistré des
mécomptes et des échecs, comme nos prédécesseurs d'ailleurs. Nous devons revoir
les procédures inopérantes, rechercher sans nous lasser les formules les plus
adaptées pour relancer l'embauche en n'excluant aucune initiative, aucune
expérimentation.
Mais nous devons résister à la tentation des recettes démagogiques et
dirigistes qui ont fait preuve de leur nocivité et échoué partout où elles ont
été utilisées.
Il n'y aura pas de reprise de la croissance exploitable, pas de relance de
l'emploi durable, si nos finances publiques et notre système de sécurité
sociale ne sont pas gérés avec sérieux et rigueur, si la France s'isole de par
ses comportements de l'Europe et du monde.
Ce choix suppose du courage et de la volonté, il nous expose parfois à
l'incompréhension et à l'impopularité, mais il est le seul possible.
Soyez assurés, messieurs les ministres, de notre entier soutien dans la tâche
difficile qui est la vôtre et de notre volonté inébranlable de concourir au
succès de votre politique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je monte
à la tribune les jambes molles, après l'intervention de M. de Rohan !
M. Christian de La Malène.
L'excellente intervention !
M. Jean-Pierre Masseret.
Mais je suis ragaillardi, à l'idée que 63 % des Français sont d'accord avec le
projet socialiste.
M. Josselin de Rohan.
Attendez un peu !
M. Henri de Raincourt.
Ne vous réjouissez pas trop tôt !
M. Jean-Pierre Masseret.
Dès lors, si je vous dis, messieurs les ministres, que votre politique,
comparée aux engagements et aux réalités, est un échec, vous ne serez pas
surpris.
Je ne fais pas ce constat de gaîté de coeur, parce que votre échec met en
difficulté des millions de Françaises et de Français, qui sont en situation de
précarité !
Votre échec, c'est aussi l'échec de la France, qui est aujourd'hui soumise à
la pensée unique.
Au moment précis où nous sommes confrontés à une nouvelle civilisation, qui
s'organise autour des nouvelles technologies de communication et de
l'information, la France devrait être à la pointe de cette réflexion pour
passer d'une société de massification à une société de démassification.
Croyez bien que ce n'est pas en fondant cette société sur l'argent roi ou sur
la soumission à Hans Tietmeyer que l'on trouvera les bonnes réponses ! C'est
d'un projet construit sur des valeurs que nous avons besoin aujourd'hui.
Votre échec aboutit au discrédit de la politique et de la fonction politique.
Nous le savons, la démocratie ne peut fonctionner que sur la confiance bâtie
entre les citoyens et les élus.
Si la confiance manque, comme aujourd'hui, c'est la démocratie qui est en
péril. Toutes les aventures sont alors possibles et nous approchons de la zone
dangereuse.
Dès lors, monsieur le ministre, quand je vous entends dire que ce budget est
historique, je mesure le fossé qui sépare cette expression de la réalité
quotidienne, et je sais que les Français pensent comme moi.
Quand je vous entends dire qu'il n'y a pas d'autre politique possible, je
sais, et le pays sait, que ce propos impose une politique qui exalte les
intérêts privés au détriment du sens et de l'intérêt collectifs.
Quand j'entends M. le Président de la République dire que le seul problème du
Gouvernement est un problème de communication pour expliquer sa politique, je
sais, et le pays sait, que cette expression consacre l'échec de sa politique au
regard des engagements pris.
Pour M. Juppé, cela doit tinter comme un avertissement, parce que c'est le
premier étage d'une série de critiques, qui en appellent sûrement d'autres et
dont on connaît le point d'arrivée.
Echec donc, non pas par rapport aux objectifs réels mais cachés de votre
politique, mais par rapport aux engagements, par rapport à la réalité.
S'agissant des promesses non tenues, permettez-moi de faire deux rappels.
M. Chirac a été élu pour réduire la fracture sociale, monsieur de Rohan. Mais
le pays sait que la fracture sociale s'est élargie depuis mai 1995 et continue
à s'élargir.
Par ailleurs, quand M. le Président de la République était candidat, la
feuille de paie n'était pas l'ennemi de l'emploi. On connaît la suite ! Le pays
sait que la politique du Gouvernement consiste à faire pression sur les
salaires, à remettre en cause la protection sociale, à peser sur le pouvoir
d'achat.
L'échec par rapport à la réalité, maintenant.
Si l'inflation est maîtrisée, les gouvernements socialistes n'y sont pas pour
rien. En 1981, monsieur le président de la commission des finances, le taux
d'inflation était élevé - 13 % à 14 % - et ce sont les gouvernements
socialistes qui, les premiers, se sont efforcés de le réduire.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Et d'augmenter le chômage !
M. Jean-Pierre Masseret.
Nous pourrons en parler, n'ayez crainte, monsieur le président. Ce sujet fait
partie de mon propos.
Si la balance commerciale et la balance des paiements présentent l'une et
l'autre des soldes positifs, notre économie perd des parts de marché, ce qui
n'est pas très bon.
La bourse, elle, se porte bien. C'est normal, compte tenu de la politique
fiscale et financière qui est menée.
En revanche, malgré la masse d'impôts prélevés sur les catégories moyennes,
malgré les cotisations sociales majorées régulièrement, malgré les pressions
exercées sur les rémunérations et les prestations sociales, les déficits
sociaux continuent d'augmenter, la dette s'est envolée et le déficit budgétaire
est artificiellement contenu.
L'autre réalité, c'est précisément le chômage, monsieur Poncelet. Ce sont 3,5
millions de demandeurs d'emploi, ce sont nombre de nos concitoyens au RMI, ce
sont nos concitoyens acceptant les « petits boulots », ce sont des millions de
Français en situation de précarité, de désespérance, de doute et
d'inquiétude.
Telle est la réalité. C'est le déclin social, mais, peut-être aussi et, c'est
plus grave encore, le déclin de la France tout court.
Pourquoi en est-on là ? J'ai entendu notre collègue M. de Rohan dire que
c'était la faute des Français, qui étaient manifestement trop exigeants, la
faute des salariés, qui étaient manifestement trop protégés, la faute des
syndicats, qui étaient sans doute trop revendicatifs, la faute de la gauche
aussi, naturellement.
Permettez-moi de rappeler qu'au cours des dix dernières années, très
exactement du 1er janvier 1986 au 30 novembre 1996, votre majorité aura
gouverné ce pays pendant 71 mois et l'opposition pendant 60 mois, ce qui limite
singulièrement la question de l'héritage ! En fait, si la gauche est coupable,
mes chers collègues, c'est de croire aux valeurs de la République,...
(M.
Régnault applaudit.)
M. Jacques Delong.
Moi, je crois aux valeurs tout court !
M. Jean-Pierre Masseret.
... c'est de croire que la société se construit non pas sur l'argent roi, mais
sur la liberté, l'égalité, la fraternité et la laïcité. Et ce n'est pas au
moment où les cendres d'André Malraux vont être transportées au Panthéon qu'on
doit oublier ces principes !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Il ne faut pas chercher ailleurs que dans vos convictions idéologiques
les raisons de l'échec de notre pays aujourd'hui.
Le choix dont tout découle est un choix dont les conséquences sont tragiques,
mais un choix voulu : c'est le choix de la thèse libérale de l'offre, thèse
qui, dans une économie mondialisée, privilégie le niveau des coûts de
production et dont le seul objectif est de produire moins cher que ses
concurrents sans se soucier du reste, sans se soucier de la redistribution,
sans se soucier du pouvoir d'achat et de la demande intérieure. En fait, elle
repose sur une erreur de principe car, dans le cadre d'une production de masse
mondialisée, la demande intérieure des pays riches est non seulement source de
croissance pour ces pays, mais également source de croissance à l'échelon
mondial et source de justice sociale.
M. Marcel Charmant.
Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret.
L'atonie de la demande intérieure explique la faiblesse de nos
investissements, qui ne peuvent pas être uniquement tirés par les exportations.
On ne peut donc que constater l'échec d'une politique engagée par M. Balladur,
poursuivie aujourd'hui par M. Juppé. Les ponctions sociales et fiscales que le
pays supporte depuis trois ans ont cassé la croissance, brisé la consommation
et aggravé les inégalités.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret.
Ainsi, la baisse des salaires, la réduction des emplois, la remise en cause de
la protection sociale, l'indifférence au pouvoir d'achat de la masse, la
multiplication des exonérations de charges sociales, la flexibilité de
l'emploi, la réduction de la fiscalité sur les placements financiers, la
privatisation à n'importe quel prix sont autant d'instruments de votre
politique.
Au nom de quoi peut-on prétendre que le rôle de l'Etat n'est pas de mettre
parfois son grain de sel dans des entreprises d'intérêt général à caractère de
service public ? En vertu de quel principe, de quel texte l'Etat devrait-il
s'interdire de s'engager dans l'organisation de notre vie économique, de
prendre sa part de responsabilité.
Cette conception, qui est la vôtre, pourrait même être considérée comme
contraire à la Constitution, en tout cas contraire au préambule de la
Constitution de 1946, auquel la Constitution de 1958 fait référence.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et le Crédit Lyonnais !
M. Jean-Pierre Masseret.
Oh, s'agissant du Crédit Lyonnais, on pourrait rapprocher les 130 milliards
dont on parle beaucoup au haut de bilan qui atteignait 2 000 milliards de
francs. Cela relativiserait un certain nombre de propos !
(Murmures sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
Voilà, disais-je, les instruments de votre politique, les instruments de la
pensée libérale qui, pour nous, sont inadaptés aux besoins de notre société.
Ce n'est pas seulement ma voix qui condamne votre politique : le pays, me
semble-t-il, a forgé son opinion ou est en train de le faire. Le pays sait que
le moment est décisif. De lourdes responsabilités attendent vos successeurs
car, quand une politique échoue, il faut en changer, et je crois que les
Français ont tranché. Ils attendent une autre politique dont le socle sera
constitué par la volonté d'apporter des réponses à l'emploi.
J'ai entendu, cet après-midi, parler à plusieurs reprises du projet
socialiste...
M. Jean-Jacques Hyest.
Parce qu'il y en a un ?
M. Jean-Pierre Masseret.
... et j'ai eu parfois le sentiment qu'il était singulièrement caricaturé,
comme cela vient d'être le cas, à l'instant, par M. de Rohan.
Son objectif est l'emploi, l'amélioration du pouvoir d'achat pour engendrer la
croissance. Des mesures en faveur de l'emploi sont nécessaires, monsieur le
ministre, parce que, même avec un taux de croissance de 2 % l'an, le nombre de
chômeurs ne diminuera pas.
M. Jean Chérioux.
Il fallait les mettre en oeuvre quand vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Pierre Masseret.
Même avec une croissance de 3 % ou 4 %, il faudrait vingt ans pour arriver à
un résultat. Or le pays ne peut pas attendre vingt ans pour obtenir les
réponses qu'il attend à la question centrale de l'emploi dont tout découle dans
notre société.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Quelle réponse y avez-vous donné, vous ? Aucune.
M. Jean-Pierre Masseret.
En 1981, l'inflation était de 14 % ; aujourd'hui, elle est de 2 % et les
conditions sont différentes.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Et le chômage !
M. Jean-Pierre Masseret.
Tout à l'heure, vous avez cité en exemple la Grande-Bretagne. Mais ce pays
appartient-il encore au système monétaire européen ?
(Ah ! sur les travées
de l'Union centriste.)
Croissance et augmentation du pouvoir d'achat, plus de justice sociale et de
justice fiscale sont nécessaires à notre pays ; des mesures pour l'emploi
doivent être prises d'urgence.
Quant à l'Europe, ce n'est qu'un instrument dont on peut faire un bon ou un
mauvais usage. Aujourd'hui, les libéraux veulent se saisir de l'Europe pour
peser sur les salaires, sur la protection sociale, remettre en cause un certain
nombre d'acquis qui constituent la civilisation européenne et notamment le
modèle social français.
Mais l'Europe, ce n'est pas que cela : il faut en faire un autre usage et
avoir comme priorité l'emploi, la cohésion sociale, le développement, les
grands travaux, c'est-à-dire faire participer l'Europe à la croissance
économique,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Pourquoi ne l'avez-vous pas
inscrit dans le traité de Maastricht que vous avez rédigé ?
M. Jean-Pierre Masseret.
... au développement du pouvoir d'achat et de l'emploi.
Personne ne nous oblige aujourd'hui à accepter le
diktat
de M.
Tietmeyer en matière de monnaie unique.
Le débat qui s'engage sur ce point, y compris, me semble-t-il, dans votre
propre camp, est intéressant. En effet, un certain nombre de voix se font
entendre, et non des moindres : je ne crois pas en effet qu'un ancien Président
de la République française soit un personnage anodin sur l'échiquier politique
de notre pays.
Le débat existe ; il est bon qu'il soit posé, parce que l'on ne peut pas
s'engager dans la parité euro-dollar dans n'importe quelles conditions. En
effet, si on le faisait sur une base libérale qui accepterait une surévaluation
du dollar, je vous garantis que les vingt prochaines années seraient
redoutables pour l'Europe occidentale et pour ses travailleurs.
C'est une erreur à ne pas commettre : une responsabilité extraordinaire pèse
aujourd'hui sur nous en ce qui concerne la construction de cette Europe. Elle
ne peut pas être réalisée dans n'importe quelles conditions.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Elles ont été posées par vous,
les conditions !
M. Jean-Pierre Masseret.
Nous en avons posé quatre, monsieur Poncelet.
Monsieur le ministre, votre politique est un véritable échec pour la France et
pour les Français. J'ai le sentiment que nos compatriotes sont déterminés à
résister. Ils le montrent ; ils l'ont déjà montré, il y a un an notamment, par
une série de grèves. Cela continue. Ce n'est pas que les Français soient
incapables de comprendre la modernité, mais ce qu'ils veulent, c'est trouver
une juste place dans la construction de la société : cela veut dire de la
dignité, cela veut dire du travail, cela veut dire des salaires, cela veut dire
des logements, cela veut dire aussi un avenir pour leurs enfants ; cela veut
dire tout simplement une meilleure répartition de la richesse. Il est anormal
que notre pays, qui est plus riche au 31 décembre qu'au 1er janvier, compte
toujours plus d'exclus.
Les Françaises et les Français veulent travailler ; ils veulent une meilleure
répartition de la richesse, à la création de laquelle ils participent
grandement. C'est tout leur message, et je crois que vous devriez le
transmettre à M. le Premier ministre.
Je conclurai par un mot un peu dur : cher Jean Arthuis, dites à M. Juppé que
sa politique ne « vaut pas un clou » et que les Français n'en peuvent plus !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt-deux
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
d'emblée faire part de notre inquiétude de voir le Parlement subir assauts et
contraintes le privant du pouvoir souverain de décider librement du budget de
la nation.
En effet, la mondialisation devient un élément de votre politique, monsieur le
ministre, avec ce qu'elle entraîne en termes de dérégulations et d'inégalités,
en lieu et place de réponses à la crise.
La France supporte les conséquences d'une telle évolution.
De 1981 à 1991, il est sorti de France 106 milliards de dollars de capitaux,
quand les Etats-Unis en exportaient 184 milliards. Les capitaux français sont
de moins en moins investis en France : sur les cent cinquante premières
multinationales, treize sont américaines mais neuf sont françaises. Beaucoup de
leurs capitaux manquent à l'économie française.
Cette évolution marchande de l'économie de notre pays joue contre la
production de richesses nationales. Or M. le Président de la République vient
de confirmer la volonté d'encourager cette évolution lors de son voyage au
Japon.
Les entreprises, la politique sociale mais aussi les ressources budgétaires
souffrent de cette situation.
La mise en place de la monnaie unique nous prive de notre pouvoir de décision
en même temps qu'elle nous prive de ressources.
Sous prétexte de réduire le montant des déficits, l'Europe de Maastricht nous
contraint à réduire de près de deux points le taux du déficit. L'obsession de
la réduction des déficits en vue d'obtenir une place dans la sphère de la
monnaie unique conduit le Gouvernement à encadrer le débat budgétaire dans
d'étroites limites et à le soumettre à toutes sortes de contraintes.
Notre inquiétude se nourrit de certaines déclarations de M. Arthuis, telles
que celle-ci : « Les dépenses de l'Etat vont baisser. Le reflux de la dépense
publique et des impôts est destiné à être profond et durable. » Ou encore
celle-ci : « L'an prochain, nous serons en phase avec l'Allemagne, qui envisage
une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %. »
Où est l'intérêt national ? D'autres que nous s'interrogent sur cette
évolution et certains de nos collègues expriment une grande inquiétude. La
réunion de la commission du 14 novembre, organisée sous l'égide de M. Arthuis,
sur les procédures de passage à l'euro l'a montré avec éclat.
Un certain nombre d'élus pensent, comme nous, qu'une politique nationale forte
passe par la maîtrise de sa monnaie, de sa défense, de sa diplomatie, donc de
son budget. La France frappe l'euro et notre administration des monnaies et
médailles se demande où elle va pouvoir stocker tous ces euros.
La France s'efface. Battra-t-elle encore longtemps monnaie française ? C'est
une question grave qui est posée. N'envisagez-vous pas d'arrêter de battre des
francs en 1998 ?
Quant à la politique de défense nationale, elle ne suscite pas moins
d'interrogations quand est remise en cause la production de ses Rafale, quand
est réduit de 32 000 unités le nombre de jeunes Français appelés à remplir leur
rôle de citoyens-soldats.
Vous avez bâti votre projet de loi de finances autour d'une idée maîtresse,
voire exclusive, celle de la réduction du déficit public, et donc des dépenses
publiques, en vous alignant sur la politique maastrichienne.
Vous n'avez pas hésité, monsieur le ministre, pour vous soumettre, à réduire
de 60 milliards de francs les dépenses publiques, sans aucun souci des besoins
de la nation en matière d'emploi, de logement, d'école, de santé, d'équipement,
de sécurité. Vingt-cinq des vingt-huit budgets civils sont en baisse.
L'ensemble des départements ministériels est touché par cette orientation. Le
nombre des fonctionnaires diminue de plusieurs milliers et cela concerne tous
les secteurs de la fonction publique.
Les seuls budgets épargnés sont celui des charges communes, du fait de la
nouvelle progression du service de la dette, estimé de 235 milliards à 245
milliards de francs, celui de la poste et des télécommunications, avec une
montée en charge des frais de paiement des pensions des agents de France
Télécom, et celui du travail et des affaires sociales.
C'est l'alourdissement des charges d'exonération des cotisations patronales et
des charges liées au RMI qui explique cette évolution.
Pour procéder à l'évaluation politique de la démarche gouvernementale, il est
intéressant d'analyser notamment les crédits inscrits au titre IV, d'une part,
et aux titres V et VI, d'autre part. En loi de finances initiale, ces deux
ensembles constituaient une masse de 532 milliards de francs. Si le Parlement
vote le présent projet de budget, ils ne représenteront plus en 1997 que 527
milliards de francs, ce qui correspond à une réduction de près de 3 % en francs
constants.
Vous menez une politique de réduction drastique de la dépense publique et,
parallèlement, de développement de la recette fiscale.
Vous agissez sous les menaces de l'article 104-C du traité de Maastricht, qui
prévoit des sanctions progressives : rapport au Conseil sur l'évaluation
globale du déficit, puis établissement de recommandations, secrètes ou
publiques, puis mise en demeure avec calendrier précis. En cas de refus
d'obtempérer, cela va jusqu'à inviter la Banque européenne d'investissement à
revoir sa politique de prêts à l'égard de l'Etat-membre concerné ou encore à
obliger ledit Etat de faire un dépôt de pénalité, lequel peut se transformer en
amende.
Vous faites juger le budget de la France par des Etats étrangers !
Je doute fort que le Sénat accepte toutes les sanctions prévues. Nous sommes
responsables de notre politique devant les citoyens français et non devant des
instances extra-nationales ou para-nationales.
Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour
1996, vous affirmiez faire de la réduction des déficits une priorité de votre
politique. Vous avez réussi, mais au prix de l'affaiblissement de la croissance
et du progrès social.
Vous aviez également considéré l'emploi comme une priorité. Sans progression
du pouvoir d'achat, de la consommation, des productions, comment l'affichage de
cette priorité pourrait-il être fécond ?
En deux ans, cette politique a coûté 1,2 point de croissance ; ce sont près de
100 milliards de francs de richesses nouvelles et 100 000 à 150 000 emplois qui
sont ainsi perdus.
Avec le budget que vous nous présentez, c'est encore un point de croissance
qui est abandonné pour s'aligner sur le déficit allemand de 2,5 % en 1997, et
même tenter de faire mieux.
Vos chiffres prouvent que vous souhaitez poursuivre dans la même voie. Le taux
de croissance retenu devrait être de 2,3 %, mais l'augmentation de la part des
ménages serait de 1,4 %. La différence entre ces deux taux est synonyme
d'austérité accrue, dans un pays qui compte déjà 3,5 millions de chômeurs. Et
une telle perspective inquiète de plus en plus les Français.
Pour la première fois depuis la Libération, le secteur public ne créera pas
d'emplois.
Vos mesures budgétaires, prétendez-vous, s'accompagnent de réductions de
l'impôt. Il s'agit d'une contre-vérité puisque l'article 33, article
d'équilibre, prévoit la perception de 1 269,2 milliards de francs de recettes
nettes pour une stabilisation des dépenses à 1 553 milliards de francs, mais
avec une hausse de 15,7 milliards des recettes fiscales.
Les recettes augmentent, et je voudrais rappeler comment elles se
répartissent. La TVA, impôt injuste par essence, représente 45,6 % du total. La
taxe intérieure sur les produits pétroliers, tout aussi injuste, en représente
10,9 %. La part de l'impôt sur le revenu passerait de 22,7 % à 20,9 % et celle
de l'impôt sur les sociétés resterait stable à 10,4 %.
Non, monsieur le ministre, vous ne nous proposez nullement une réforme
démocratique de notre fiscalité. Les grandes caractéristiques de notre
fiscalité sont maintenues : poids excessif et déterminant des droits indirects,
rôle accessoire des impôts progressifs, au demeurant insuffisamment
progressifs.
Votre réforme de l'impôt sur le revenu, dont traitent les articles 2 à 8, n'en
modifie que très peu l'assiette, celle-ci restant constituée, pour l'essentiel,
par les salaires et les pensions de retraite. Les modifications proposées ne
portent que sur les taux du barème.
Si l'on fait la somme des mesures annoncées, on constate que salariés et
retraités vont être mis nettement à contribution, alors que les non-salariés
obtiendront une nouvelle disposition favorable, s'ajoutant aux avantages déjà
accordés en matière de revenus fonciers, de quirats, tandis qu'est maintenu,
voire renforcé, le traitement dérogatoire des revenus du capital.
Vous ne pouvez contester le fait que 80 % des revenus financiers des ménages
échappent à l'application du barème progressif et que les seules extensions
d'assiette de l'impôt concernent les indemnités de maternité et d'accident du
travail. Cela montre à l'évidence que la réforme démocratique de la fiscalité
reste à entreprendre.
Je compléterai cette analyse par quatre autres remarques.
Premièrement, la participation de 87 milliards de francs au budget européen
reste bien inférieure à ce qui revient de l'Europe à la France. Pour la France,
l'Europe est non une aide, mais un boulet financier.
Deuxièmement, l'équilibre n'est assuré que par l'article 28, qui prévoit un
versement de 37,5 milliards de francs de provisions pour les retraites de
France Télécom, au profit d'un nouvel établissement public. Vous n'hésitez pas
à démanteler le service public !
Troisièmement, l'article 29 prive le logement social de 7 milliards de francs
et le budget de la santé organise fermetures de lits, voire de services ou
d'hôpitaux, et suppressions d'emplois.
Ma quatrième observation concerne les collectivités territoriales. Paul
Loridant analysera, au nom de notre groupe, vos propositions à ce sujet mais je
tiens à dire dès à présent que votre intérêt soudain pour la hausse des impôts
locaux ne s'exprime que dans le cadre de votre obsession de la réduction des
dépenses publiques.
Vous voulez que les collectivités locales constituent le relais de votre
politique. Vous savez bien, monsieur le ministre, que les élus de la
quasi-totalité des départements, villes et villages doivent faire face à des
besoins croissants, devant le chômage et la précarité vécue par les
habitants.
Il est indéniable que si vous imposez aux collectivités territoriales de
nouvelles réductions des dépenses, vous aggraverez les conditions de vie des
citoyens.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les élus ont déjà réalisé des
économies importantes ces dernières années pour boucler leur budget.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est contraire aux intérêts de la
France, de ses citoyens, de l'emploi, de son économie. Nous le maltraiterons
tout au long du débat budgétaire.
Nous défendrons cent seize amendements. A l'évidence, ce qui compte, c'est non
pas leur nombre, mais leur orientation, qui correspond à une autre conception
des choix et des équilibres budgétaires.
Ces amendements répondent à six objectifs.
Premièrement, la relance de la consommation repose sur l'amélioration du
pouvoir d'achat, qui est porteur de recettes pour l'Etat.
Deuxièmement, des mesures de progrès social peuvent accompagner les
recettes.
Troisièmement, des rentrées fiscales nouvelles peuvent surgir d'une plus
grande justice fiscale.
Quatrièmement, les privatisations sont porteuses d'austérité, d'érosion
fiscale et de réduction de l'emploi. Elles doivent être revues pour assurer une
prospérité nouvelle.
Cinquièmement, les finances des collectivités territoriales peuvent être
sources de réponses aux besoins de la population et représenter des compléments
d'une gestion démocratique de l'Etat.
Enfin, sixièmement, des mesures de réduction de l'impôt en faveur du
contribuable moyen s'imposent. Ce dernier est accablé de prélèvements, monsieur
le ministre !
Par conséquent, nous n'adoptons pas une attitude de repliement critique et
frileux pour cette discussion budgétaire. Au contraire, nous avons une
confiance forte dans les possibilités de la France. Ecoutez notre voix et nos
propositions : elles sont animées de la certitude que la France est encore
riche et productive, qu'elle peut devenir une nation libre d'établir un bon
budget, équilibré, démocratique, empreint de justice sociale et de progrès.
Les amendements que nous avons déposés seront l'expression de cette
confiance.
Vous rencontrerez de notre part une attitude défavorable, indignée face à
votre budget de renoncement et d'inégalité, monsieur le ministre. Désormais, il
ne tient qu'à vous que nous adoptions une autre attitude.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà
donc réunis ce soir pour l'exercice rituel de l'examen du budget de l'Etat,
qui, au-delà de l'aspect purement comptable, retient particulièrement notre
attention parce qu'il détermine, bien sûr, les orientations économiques et
politiques du pays.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour 1997 ? Vos objectifs sont
clairs, puisque ce sont les mêmes depuis bientôt quatre ans : la réduction du
déficit public, accompagnée de deux grandes priorités, l'emploi et la cohésion
sociale.
Si je peux vous féliciter pour votre constance dans l'affichage de vos
priorités, je n'en ferai pas autant pour votre persévérance dans l'échec. En
effet, les résultats sont malheureusement, eux aussi, à peu près les mêmes
depuis quelques années.
Par ailleurs, la présentation générale de la loi de finances pour 1997 me
semble assez étonnante. Elle s'inscrit dans un cadre économique qui, nous
dit-on, est prometteur : l'hypothèse de croissance retenue pour 1997 est de 2,3
%.
Puis-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, lors de
l'examen du projet de budget pour 1996, la croissance avait été évaluée à 2,8
%. Finalement, elle n'a été - et je le regrette - que de 1,3 %.
Les mathématiques nous apprennent qu'une mauvaise hypothèse conduit à de faux
résulats. Or la surestimation de la croissance engendre fatalement une
défaillance des recettes fiscales. Et la prétendue maîtrise des finances
publiques est rétablie en cours d'année par des gels ou des annulations de
crédits.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous continuer à bâtir votre budget sur un
tel excès d'optimisme ? La réponse est simple : c'est parce que vous croyez à
l'efficacité de votre politique. Malheureusement, en dehors de vous, presque
plus personne n'y croit et il y a en France un vrai problème de défiance
collective à l'égard de vos actions. Et pour cause !
Si la déflation, les excédents du commerce extérieur et le taux
d'autofinancement des entreprises vous autorisent à penser que la France est
sur la voie du redressement, tant mieux ! Mais l'indicateur qui révèle le mieux
la vitalité d'un pays est bien celui de l'emploi. Si le rétablissement des
marges financières et l'augmentation des exportations ne profitent pas à
l'emploi, on ne peut guère crier victoire.
Le nombre de demandeurs d'emploi est passé de 11,6 % en août 1995 à 12,6 % à
ce jour. Alors que la priorité est, d'après vos dires, justement celle-là, le
marché du travail se dégrade : le chômage de longue durée s'installe, les
licenciements économiques augmentent et les offres d'emploi stagnent.
La cohésion sociale, seconde priorité affichée dans le présent texte, comme
dans les précédentes lois de finances, risque aussi d'être contrariée, me
semble-t-il - je le dis de la manière la plus modérée possible - par le
problème du chômage, que je viens d'évoquer, ainsi que par vos choix
budgétaires.
Comment maintenir la cohésion sociale lorsqu'on réforme la fiscalité dans un
sens inégalitaire et que l'on supprime des emplois et des crédits publics, à un
moment où la situation exigerait que soient menées des actions vigoureuses dans
les domaines du logement, de l'éducation ou de l'aménagement du territoire ?
Le projet de budget soumis à partir d'aujourd'hui à notre examen
représenterait l'amorce d'une réforme fiscale. Si le transfert du poids de la
fiscalité des plus favorisés vers ceux qui le sont moins constitue une réforme
fiscale, c'est que nous ne partageons pas, me semble-t-il, la même notion des
changements.
Vous annoncez - avec, pour une fois, de grands efforts de pédagogie et de
communication - une réduction des impôts sur le revenu de l'ordre de 25
milliards de francs. Toutefois, vous omettez de préciser que la hausse de
certains prélèvements, ainsi que l'augmentation du taux de la TVA et des taxes
sur les carburants, les alcools et le tabac ont entraîné une ponction sur le
pouvoir d'achat des ménages de plus de 100 milliards de francs cette année.
La hausse de la fiscalité indirecte a permis de récupérer un produit quatre
fois supérieur au montant de celui qui sera rendu aux contribuables par la
fiscalité directe. En outre, vous le savez - nous sommes nombreux à le répéter
- la TVA est l'impôt qui frappe le plus durement les bas revenus, ce dès le
premier franc de consommation.
Une véritable réforme consisterait donc à s'attaquer à cette perversion.
Certes, je ne dis pas que l'impôt sur le revenu est un modèle d'équité.
Néanmoins, monsieur le président de la commission, il a ma préférence. Outre le
fait qu'il a été instauré au début du siècle par Joseph Caillaux, un
radical...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Au taux de 1,1 % !
M. Jean-Michel Baylet.
... il a également le mérite d'introduire une progressivité et d'être
facilement perfectible.
A mon sens, réviser la fiscalité consiste non pas à jouer sur les taux, mais
plutôt à revoir les fondements de l'impôt.
S'agissant précisement de l'impôt sur le revenu, un élargissement des
assiettes taxables, un rapprochement des conditions de taxation des différentes
sources de revenu, la mise en place d'une retenue à la source sur les salaires
et la prise en compte de la situation patrimoniale dans l'appréciation de la
capacité contributive conduiraient, me semble-t-il, à une meilleure répartition
de ce que nous pouvons appeler « le fardeau fiscal ».
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est juste !
M. Jean-Michel Baylet.
En ce qui concerne les dépenses, sans entrer dans le détail - nous aurons
l'occasion de le faire fascicule par fascicule - permettez-moi de vous dire,
monsieur le ministre, que, là aussi, certains choix budgétaires me laissent
perplexe.
Le respect des critères de convergence vous invite à réduire le déficit
public. Soit ! Je ne suis pas de ceux qui s'inscrivent dans une orientation
farouchement anti-européenne, voire anti-maastrichtienne. Les radicaux
socialistes ont, s'agissant de la construction européenne, une tradition
sociale, et ils l'assument !
Mais s'agit-il de le faire aveuglément ? S'agit-il de le faire au risque de
creuser davantage les inégalités sociales et de favoriser la marginalisation
d'une partie de la population ?
Vous croyez réformer la fiscalité ; en réalité, vous ne le faites pas. Vous
pensez réduire le déficit public tout en oeuvrant pour le maintien de la
cohésion sociale ; en fait, vous vous attaquez aux budgets les plus impliqués
dans la lutte contre l'exclusion.
L'emploi, le logement, l'aménagement du territoire, l'industrie, les
collectivités locales, la jeunesse, les structures d'éducation populaire, et
bien d'autres secteurs encore, feront les frais de ces orientations.
En ce qui concerne, par exemple, les crédits consacrés à l'emploi, ils
augmenteraient de 3,5 %, tandis que plus de 47 milliards de francs seraient
inscrits au budget des charges communes pour financer, entre autres,
l'allégement du coût du travail. Vous persistez, en effet, à privilégier les
incitations à l'embauche, alors que - nous le savons bien ! - les entreprises
ne recrutent pas au-delà de leurs stricts besoins. Et quand elles le font,
elles utilisent parfois - pour ne pas dire souvent - ces aides en précarisant
des emplois qui ne devraient pas l'être.
Dans ces conditions, en renforçant le cap sur les allégements de charges, vous
contribuez à faire du travail une sorte de variable d'ajustement
La diminution de 15,5 % des crédits consacrés à l'aménagement du territoire,
ainsi que la quasi-stabilisation des concours aux collectivités locales et à la
décentralisation ne me semblent pas non plus aller dans le sens d'une réduction
de la fracture sociale.
Afin de répondre à une demande d'aide sociale de plus en plus forte, les
collectivités territoriales sont contraintes d'augmenter leur propre fiscalité
pour répondre au désengagement de l'Etat dans certains secteurs. En
l'occurrence, elles devront subir les répercussions de la suppression de 5 600
emplois que vous programmez dans la fonction publique.
Je constate que les promesses faites au moment de l'adoption de la loi
d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire sont
contredites - c'est le moins qu'on puisse dire - par ces évolutions. Cela aura
pour résultat la multiplication des zones fragiles ainsi que l'aggravation des
difficultés pour ceux qui y vivent.
Enfin - c'est le dernier exemple - le secteur du logement, qui contribue
pourtant très fortement à la cohésion sociale, voit ses moyens diminuer de plus
de 4 %.
Parmi les nouvelles dispositions, le remplacement de la subvention budgétaire
par une réduction de la taxe sur la valeur ajoutée de 20,6 % à 5,5 % pour la
construction de logements locatifs sociaux me semble une remise en cause des
aides à la personne que rien ne justifie. En outre, est-on certain de la
neutralité financière d'une telle mesure ? J'espère que M. le ministre délégué
au logement apportera des garanties sur ce sujet - elles sont attendues - en ce
qui concerne plus particulièrement les organismes d'HLM, qui sont aujourd'hui
légitimement très inquiets.
D'une façon générale, je vous l'ai dit, monsieur le ministre, mes chers
collègues, ce projet de loi de finances ne me paraît pas de nature à contribuer
à l'amélioration de la situation économique de notre pays.
Une fiscalité désavantageuse pour les plus démunis, une diminution des moyens
attribués aux principaux secteurs susceptibles de maintenir la cohésion sociale
: toutes ces orientations tournent le dos à un possible redressement.
Seule une politique volontaire de relance, animée par les principes de
solidarité et de justice sociale, permettra de retrouver les chemins du
progrès. Hélas ! ce n'est pas le cas ! C'est la raison pour laquelle mes amis
radicaux socialistes et moi-même ne pouvons approuver un tel budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes
premières paroles seront pour féliciter le Gouvernement, à la différence de
l'orateur précédent
(M. Baylet sourit),
d'avoir eu le courage de stabiliser la dépense
publique, d'entamer dès 1997 la nécessaire décrue des prélèvements obligatoires
et d'avoir, dans l'ensemble des domaines concernés par le budget, soumis à un
examen approfondi un certain nombre d'actions de l'Etat.
Comme mon collègue et ami M. Roland du Luart, j'approuve les objectifs de
réduction des déficits budgétaires et sociaux, de remise en ordre de la
fonction publique de l'Etat et de réorganisation des interventions en matière
économique et sociale que s'est fixés le Gouvernement.
Mais, tout en approuvant le cadrage d'ensemble, je me pose quelques questions
que je vais rendre publiques. Si ces questions ne remettent pas en cause la
ligne politique que défend le Gouvernement et qu'a soutenue la commission des
finances à travers les excellentes interventions de son président et de son
rapporteur général,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Merci, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... elles pourraient déboucher, monsieur le ministre, sur quelques
variantes.
J'aborderai trois domaines : la réforme fiscale, la protection sociale et les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
S'agissant de la réforme fiscale, je poserai deux questions.
En premier lieu, fallait-il commencer, en 1997, par la réforme de l'impôt sur
le revenu et y consacrer 25 milliards de francs ?
M. Michel Sergent.
Sûrement pas !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Quand on examine les indicateurs économiques, on s'aperçoit, quoi qu'on dise,
que la consommation des ménages correspond à peu près aux prévisions qui
avaient été faites l'année dernière, que nos résultats en matière de commerce
extérieur sont satisfaisants, que l'inflation est maîtrisée et que le véritable
moteur qui ne fonctionne pas dans notre économie, c'est l'investissement.
Aussi, je ne vous interrogerai pas sur le choix entre réforme de l'impôt sur
le revenu et baisse de la TVA, car une diminution de 25 milliards de francs en
matière de TVA représenterait une réduction infinitésimale du taux de cette
taxe et n'aurait aucun effet,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... ni sur les consommateurs ni sur les entreprises. Je me demande s'il
n'aurait pas fallu que l'effort portât en priorité sur l'incitation à
l'investissement productif. En effet, nous prenons du retard dans ce domaine :
nos entreprises ne s'équipent pas.
En matière d'investissement productif, l'« électroencéphalogramme » est plat
depuis plusieurs années et si jamais nous assistons, ce que je souhaite comme
vous, à une reprise de la croissance dès la fin de cette année et l'an
prochain, nous risquons de rencontrer de nouveau quelques goulets
d'étranglement.
Un aménagement temporaire, par exemple entre le vote du projet de budget et la
fin de l'année 1997, des coefficients d'amortissement, une accélération de
l'amortissement dégressif sur un certain nombre de machines et de matériels
auraient permis d'accélérer la reprise et de donner un meilleur profil à
l'année 1997. En effet, nous ne risquons rien en matière de commerce extérieur
puisque, avec un excédent qui sera de l'ordre de 100 milliards de francs, un
déséquilibre n'est pas à redouter et, s'agissant de l'inflation, les
conséquences ne seraient pas très graves.
La seconde question est plus difficile, monsieur le ministre, et, je l'avoue,
sur ce point, je n'ai pas de certitude, ni vous non plus d'ailleurs, ni la
commission des finances : faudra-t-il conserver longtemps un système hybride de
déduction partielle de la CSG dans le cadre d'un impôt sur le revenu réduit en
volume et en nombre d'assujettis ?
M. Jacques Delong.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
En effet, deux thèses sont concevables.
La première consisterait à revenir au vieux système de la taxe proportionnelle
et de la surtaxe progressive. J'ai été rapporteur, dans ma jeunesse, de la
commission qui, en 1959, a mis fin à ce système de taxe proportionnelle et de
surtaxe progressive, pour créer l'impôt unique sur le revenu.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Hélas !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Cependant, comme en matière fiscale il n'y a jamais d'innovation, on peut
parfaitement revenir au système d'avant 1959. A ce moment-là, il n'y a pas de
déduction de la CSG, laquelle est transformée en impôt proportionnel et notre
impôt sur le revenu a deux étages : un impôt proportionnel avec un taux faible
frappant tous les revenus et une surtaxe progressive ne frappant que les
revenus élevés.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
L'autre thèse consisterait à conserver à la CSG sa vocation sociale, de lui
garder son caractère de cotisation. A ce moment-là, il faut aller jusqu'au bout
et accepter que cette cotisation soit entièrement déductible de l'impôt sur le
revenu, qui serait un véritable impôt sur le revenu, mais alors quel danger
représente la réduction du nombre d'assujettis à cet impôt. En effet, plus le
nombre d'assujettis est réduit et plus les déductions créeront des inégalités
envers ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.
Je préfère, pour ma part, la deuxième formule, à la condition que l'on ne
réduise pas trop le nombre d'assujettis à l'impôt sur le revenu.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas la démarche qui est
suivie !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je souhaite qu'il soit procédé à un examen approfondi au cours des prochains
mois et que la commission des finances du Sénat entreprenne une réflexion
sérieuse, comme elle a l'habitude de le faire, avant qu'une décision définitive
ne soit trop rapidement arrêtée. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, la
déduction de la nouvelle tranche de CSG que l'on crée cette année est un
système - j'allais dire radical-socialiste, mais cela ne serait pas très gentil
pour notre collègue M. Baylet !
(Sourires sur les travées socialistes.) -
parfaitement hybride qui, selon moi, ne pourra pas être appliqué très
longtemps.
En ce qui concerne la protection sociale, j'exprimerai deux inquiétudes.
Le vote récent de la loi de financement de la sécurité sociale montre
clairement, pour tous ceux qui ont étudié en profondeur l'ensemble de ce texte,
que le retour à l'équilibre sera difficile à obtenir si nous différons sans
cesse les nécessaires réformes de structures.
La France dispose aujourd'hui de 144 régimes de sécurité sociale si nous
additionnons les régimes de base, les régimes spéciaux et les régimes
complémentaires. Cette prolifération de régimes entraîne, à l'évidence, des
problèmes de relations financières complexes et opaques entre les uns et les
autres, avec des systèmes de prélèvements dans lesquels vos collaborateurs de
la direction du budget découvrent, chaque année, comme par hasard, un fonds
excédentaire dont le « pompage » sert à financer un régime qui ne fonctionne
plus.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
La CNRACL !
M. Jean-Pierre Fourcade.
C'est plus la théorie du sapeur Camember qu'une politique budgétaire
rationnelle.
Le moment est venu d'une remise à plat de l'ensemble de ces systèmes. Elle
nous permettra de dégager beaucoup d'économies de gestion, de simplifier les
transferts et nous obligera à mettre en parallèle les avantages réciproques des
différentes prestations ; cela permettra, sans doute mieux que des décisions
autoritaires prises sans concertation, de faciliter sinon l'harmonisation tout
au moins le rapprochement des différents régimes. Je ne veux pas la mort du
pécheur ni une nouvelle grêve à la SNCF, mais je souhaite que l'on commence à
examiner la situation de près et que l'on évite de « pomper » les excédents de
ressources d'un régime qui donne un certain type de retraite pour financer un
régime accordant un autre type de retraite avec des méthodes de calcul, un âge
de départ et des conditions spécifiques différents.
Il s'agit d'une réforme tout à fait importante. Si le Gouvernement et le
Parlement n'ont pas le courage de conduire cette réforme en profondeur, en
distinguant bien ce qui relève du domaine de l'assurance et qui doit être
couvert par des cotisations de ce qui est du ressort de la solidarité et qui
doit être couvert par le budget de la nation, je crains que nous ne risquions
de continuer à prélever les excédents des uns pour résorber les déficits des
autres, et finalement de porter atteinte à l'essence même de notre système de
sécurité sociale. Croyez-moi, cette inquiétude est partagée par nombre de nos
collègues qui sont spécialistes de ces questions. Ces réformes ne pourront pas
être différées très longtemps.
J'ai une autre inquiétude en matière de prélèvements sociaux, qui m'est
apparue lorsque j'ai examiné un certain nombre de statistiques et vu les
réactions offensées d'un certain nombre de catégories sociales dès lors que
sont abordées des sujets quelque peu tabous.
Je suis, en effet, un peu inquiet de constater que le Gouvernement et le
Parlement, tout au moins sa majorité, se sont engagés depuis quelques années
dans un effort continu de réduction des taux des cotisations et des
prélèvements correspondant à notre politique sociale. Vous avez dit tout à
l'heure, monsieur le ministre, que figuraient au budget des charges communes 43
milliards de francs au titre des allégements de cotisations patronales sur les
salaires des personnes qui perçoivent entre 1 et 1,33 SMIC, c'est-à-dire des
travailleurs en principe peu qualifiés. Ces 43 milliards de francs représentent
une charge budgétaire tout à fait importante.
Nous nous sommes donc lancés depuis quelques années dans une réduction du
poids des cotisations sociales. Or, dans le même temps, depuis sept ou huit
ans, nous constatons une contraction continue de l'assiette des cotisations
sociales versées par les entreprises.
Ainsi, des salaires sont versés à l'étranger, et la mondialisation de
l'économie ne fait que favoriser ce processus. Nous assistons aussi à la
multiplication des avantages en nature. Des indemnités de licenciement sont
transformées en capital de départ, en dehors de toute législation. Nous
assistons - et c'est plus grave - à la mise en oeuvre d'un dispositif inventé
par des cabinets de conseils fiscaux spécialement astucieux. Il s'agit de la
suppression de la rémunération salariale pour les gérants minoritaires de SARL.
Ceux-ci sont rémunérés par des honoraires et ils transforment en dividendes le
produit de leur activité, et tout cela échappe donc à toute cotisation sociale.
Il y a, enfin, les fameux stock-options dont nous avons parlé assez longuement
dans cette enceinte. Présentés au départ comme un avantage que l'on octroyait à
quelques cadres dirigeants très sélectionnés, ils concerneraient aujourd'hui
plus de 150 000 cadres et dirigeants de notre pays, qui ont trouvé là un moyen
de bénéficier de rémunérations accessoires échappant à toute cotisation
sociale.
Aussi, lorsque l'on examine les comptes des régimes sociaux, la conjoncture a
bon dos ! En effet, on dit : « Comme la conjoncture n'est pas très bonne et que
le taux de croissance est faible, les recettes attendues de l'évolution de la
masse salariale ne correspondent pas à la réalité. » Non ! Il y a, certes, un
ralentissement conjoncturel au terme duquel l'assiette des cotisations sociales
ne progresse pas autant que les dépenses, mais il y a aussi un phénomène
d'évasion et de restriction de l'assiette qui me paraît tout à fait
dangereux.
On a beaucoup parlé, voilà quelques mois ou quelques années, des entreprises
citoyennes. Face à cette diminution de l'assiette, nous devrions avoir deux
attitudes. D'abord, ne pourrions-nous pas demander à ces entreprises qui se
veulent citoyennes de le démontrer en cessant ces petits jeux ? Ensuite, pour
revaloriser un peu le pouvoir d'achat et pour montrer que notre objectif est de
diminuer globalement les charges sociales, ne pourrions-nous pas aussi réduire
un certain nombre de cotisations acquittées par les salariés ? En effet, nous
sommes sûrs que cela se traduirait immédiatement en gain de pouvoir d'achat et
que nous aurions un effet économique certain dans le cadre de la conjoncture
actuelle..
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Jacques Delong.
Pour une fois, la gauche applaudit la droite !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous le voyez, ce sont des variantes, monsieur le ministre.
M. Michel Charasse.
Des variations sur un thème !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Des variantes !
M. Michel Charasse.
Belle partition !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le troisième point que je voudrais évoquer concerne les rapports entre l'Etat
et les collectivités locales.
Le congrès de l'Association des maires de France qui se tient en ce moment à
la porte de Versailles l'a bien montré, il faut que cesse cette tension
permanente entre les gouvernements - car, hélas ! ce n'est pas le gouvernement
auquel vous appartenez qui a créé la tension ; c'est une longue histoire - et
les collectivités locales.
Nous sommes tous confrontés à un problème de pénibilité de l'effort fiscal et
de pénurie de la ressource, tant l'Etat que les collectivités territoriales. Il
faudrait que ensemble nous analysions la réalité des transferts de charges et
des compensations. Nous sommes tous favorables, à quelques exceptions près, à
la construction européenne, nous subissons tous la mondialisation de l'économie
et il est clair que doit cesser le fameux petit jeu qui consiste à dire que
lorsqu'il y a problème au niveau des collectivités locales, l'Etat n'a qu'à
donner quelques ressources supplémentaires, ou, pour l'Etat, que lorsque les
collectivités locales dépensent trop, elles n'ont qu'à réduire leurs dépenses.
Tout cela doit cesser et les querelles relatives aux dépenses et aux recettes
doivent être laissées au vestiaire.
L'Observatoire des finances locales, créé l'an dernier, a été mis en place
pour donner une base objective à ce constat. Il doit proposer des perspectives
à moyen terme de collaboration fructueuse. En dépit du petit incident
concernant la REI, la réduction de taxe professionnelle pour l'embauche et
l'investissement, que nos collègues de l'Assemblée nationale ont
rapidement...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Réglé !
M. Michel Charasse.
Passé à la trappe !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... résolu et renvoyé aux calendes grecques, nous pouvons dire que 1997 est
une année où l'Etat tiendra ses engagements.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Il n'y a pas - et c'est important de le dire aujourd'hui - de nouvelles
offensives vis-à-vis des collectivités locales. Il faut donc mettre à profit
l'année 1997 pour entamer la réflexion, pour tenter de mettre un terme à ces
querelles, pour étudier sereinement les objectifs que nous nous fixons et les
modalités de partage de la recette - rare - que nous pouvons mettre en
oeuvre.
Mais, bien entendu, monsieur le ministre, cette amélioration des relations
suppose un certain nombre de choses.
D'abord, il faut que le pouvoir normatif des administrations centrales soit
contenu. Or, nous constatons, à l'heure actuelle, que, s'agissant des règles de
sécurité, de la construction des crèches, des problèmes d'environnement ou de
dépollution, il ne l'est pas. Aussi, nous souhaitons que vous soyez de notre
côté pour éviter que ceux qui n'ont plus de subventions à distribuer ne cessent
de nous envoyer des directives ou de nous fixer des obligations en matière de
normes.
M. Michel Sergent.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Il faut également que les chambres régionales des comptes s'occupent moins de
l'opportunité de la dépense que de l'effet de cette dépense sur l'ensemble des
collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Paul Loridant.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Il faut enfin - car chacun doit balayer devant sa porte - que la mise en place
de l'intercommunalité soit non pas un prétexte pour additionner plusieurs
niveaux de fiscalité, mais simplement l'adaptation aux besoins de nos
concitoyens dans les structures territoriales. Il s'agit de rechercher à chaque
fois, par l'effet de dimension, à réduire le coût et, par conséquent, à
pouvoir, avec une fiscalité égale, agir dans de meilleures conditions grâce à
la mise en commun des énergies que permet l'intercommunalité.
Chacun doit faire des efforts pour réduire les dépenses, contenir les masses
salariales, baisser le coût des services. Si nous nous engageons ensemble dans
cette réforme de nos structures - vous avez d'ailleurs commencé, monsieur le
ministre, à dégager quelques lignes directrices - et si nous essayons en même
temps d'améliorer la productivité du dernier franc, du franc marginal de nos
dépenses, nous pouvons obtenir un certain nombre de résultats pour répondre aux
difficultés de la période actuelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai
conscience que ces quelques questions que je pose, ces quelques suggestions que
je lance, un peu comme on lance une bouteille à la mer - mais l'histoire montre
que, parfois, cette bouteille arrive à destination - dépassent très rapidement
la cadre du débat budgétaire actuel et que je suis très loin d'un certain
nombre de préoccupations plus immédiates concernant un certain type de
fiscalité.
C'est pourquoi, tout en confirmant le soutien que mon groupe apporte à la
politique du Gouvernement...
M. Paul Loridant.
La chute est moins bonne !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... - et, encore une fois, je n'en mets pas en cause la ligne directrice, mais
je suggère seulement quelques variantes - je forme le voeu que l'ouverture de
ce dialogue approfondi entre le Gouvernement et sa majorité fera revenir la
confiance. Et le retour de la confiance, mes chers collègues, ce sera le point
de départ de la croissance, et donc de l'amélioration de l'emploi.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Rouvière
et Loridant applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois
qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur l'ensemble des raisons qui motivent
notre soutien au projet de budget pour 1997 : mon collègue et ami Xavier de
Villepin l'a très bien exprimé au nom du groupe de l'Union centriste.
Cependant, monsieur le ministre, le congrès des maires de France, qui s'est
achevé ce jour, nous a permis de noter un certain nombre d'interrogations et
d'inquiétudes chez nos collègues élus locaux. J'essaierai de m'en faire l'écho
dans mon intervention, qui portera donc sur les relations financières entre
l'Etat et les collectivités locales.
Les concours de l'Etat aux collectivités locales atteindront 243 milliards de
francs environ en 1997, soit une progression de 1,32 % par rapport à 1996.
Les parlementaires et élus locaux que nous sommes apprécions à sa juste valeur
l'effort financier de l'Etat en direction des collectivités locales, dans un
contexte économique difficile sur le plan national et international.
Il convient cependant de rappeler que les lois de décentralisation ont
entraîné d'importants transferts de charges de l'Etat vers les collectivités
territoriales, sans que les moyens financiers, matériels et techniques
correspondants aient pu être transférés. Les collectivités, grâce non seulement
à la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et de personnel, mais
également à la rationalisation de la gestion des services sociaux et malgré un
effort sans précédent d'équipement scolaire, ont réussi, jusqu'à une période
récente, à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.
Depuis lors, cependant, cette maîtrise des dépenses a été compromise, du fait,
d'une part, de la situation économique et sociale et, d'autre part, de la
diminution des concours financiers de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les dépenses d'aide sociale des
départements augmentent de manière très inquiétante et, par voie de
conséquence, il en est de même des contingents mis à la charge des communes.
Dans le même temps, les dépenses de personnel suivent une tendance ascendante,
non point du fait d'embauches supplémentaires ou massives, mais à cause de la
revalorisation des traitements résultant d'accords signés entre l'Etat et les
organisations syndicales, auxquels les collectivités locales ne sont d'ailleurs
pas associées. A titre d'indication, la hausse des dépenses de personnel votées
en 1996 est de 6,4 %.
Par ailleurs, de nouvelles charges viennent peser sur les budgets des communes
et pèseront de plus en plus dans les années qui viennent : il s'agit,
notamment, des dépenses résultant de normes d'origine européenne en matière de
sécurité et d'environnement. A titre d'exemple, plus de 10 milliards de francs
par an seront consacrés à l'eau. Eau, assainissement, traitement des déchets,
peut-on payer ?
Je pense également aux dépenses qui résultent de la départementalisation des
services d'incendie et de secours, avec son incidence sur la DGF.
A cet égard, je souhaiterais vous faire part de l'inquiétude de nombreux élus
locaux du fait de l'écart croissant entre l'évolution des recettes et celle des
charges des collectivités, ce qui crée, on le sait bien, un « effet de ciseau »
difficilement supportable. C'est ce que met en lumière très clairement un
récent rapport de l'observatoire des finances locales, présenté par notre
collègue Paul Girod.
Nous risquons donc d'assister, en 1997, à une hausse sensible des impôts
locaux et, dans les collectivités qui en ont la capacité, à un recours à
l'emprunt. D'autre part, du fait des restrictions budgétaires, les élus locaux
sont obligés de limiter au maximum les dépenses d'investissement, ce qui n'est
pas sans conséquence pour les carnets de commandes des entreprises et la
situation de l'emploi.
Dans ce contexte plutôt difficile, comment évoluent les dotations de l'Etat en
1996 ?
Je dirai tout d'abord un mot du pacte de stabilité financière institué l'année
dernière et visant à lier pour trois ans l'Etat et les collectivités
locales.
Il s'agit, en fait, d'assurer à l'enveloppe constituée par les concours de
l'Etat et par la dotation de compensation de la taxe professionnelle une
progression indexée sur l'évolution des prix à la consommation hors tabac, le
Gouvernement s'engageant à ne pas modifier cette indexation pendant la durée du
pacte.
Le pacte de stabilité sera respecté en 1997.
M. Paul Loridant.
En apparence !
M. Philippe Arnaud.
C'est incontestablement un fait positif, qui ne peut que renforcer les
relations de confiance entre l'Etat et les élus locaux.
En revanche, certaines des modalités d'application de ce pacte de stabilité
appellent quelques réserves.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement sera calculée, en 1997, par
rapport au montant de 1996 révisé à la baisse sur la base des derniers indices
connus ce qui entraînera 700 millions de francs de manque à gagner pour les
collectivités locales. La DGF ne devrait donc augmenter que de 1,26 % seulement
si l'on prend pour référence la dotation initiale pour 1996. Et je signale que
cette hausse n'est que de 0,65 % pour les communes bénéficiant de la seule
dotation forfaitaire.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, augmentera de
2 % hors compensation de la réduction pour embauche et investissement. Mais
cette augmentation doit être relativisée du fait des différentes ponctions
opérées par l'Etat sur la DCTP depuis le début des années quatre-vingt-dix.
Cependant, la majoration de 300 millions de francs après application des règles
de stabilité, obtenue par le Sénat, sera respectée en 1997.
S'agissant des compensations d'exonérations et dégrèvements, il faut se
féliciter de la disparition, dans ce projet de loi, d'une mesure qui risquait
de ponctionner les finances locales à hauteur de 1,6 milliard de francs : il
s'agit de la réduction de la compensation de la taxe professionnelle pour
l'embauche et l'investissement, la fameuse REI. Le Gouvernement n'entend pas,
nous le savons, rétablir cette disposition lors des débats au Sénat, M. le
Premier ministre nous l'a confirmé lors d'une réunion avec les sénateurs de la
majorité sénatoriale, mardi dernier.
M. Paul Loridant.
Ah bon ? Mais nous, nous n'y étions pas !
M. Philippe Arnaud.
Je crois que c'est une décision pleine de sagesse et mon groupe vous en
remercie, monsieur le ministre.
En revanche, une autre mesure touche directement les ressources des
collectivités locales : il s'agit des modalités de paiement du solde des 2
milliards de francs que l'Etat leur doit encore au titre de la compensation des
pertes de ressources du fait de la baisse des droits de mutation. D'après le
projet de budget, ce paiement serait étalé sur trois ans, et donc divisé en
trois enveloppes d'un peu plus de 660 millions de francs. A cet égard, je ne
vous cache pas notre préférence pour le dispositif proposé par M. le rapporteur
général, à savoir un étalement sur deux exercices et non pas sur trois. Mes
collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet
amendement.
Quant au fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, il est évalué à 21,7
milliards de francs. Il sera attribué à règle constante, en tenant compte de la
hausse des taux intervenue en 1995.
A propos du FCTVA, notre rapporteur général et la commission des finances sont
à l'origine d'un amendement qui me semble aller dans le sens de la
simplification et de la justice : en application de la loi de finances
rectificative pour 1988, une communauté de communes ne peut pas bénéficier d'un
reversement de TVA concernant des travaux de voirie entrant dans son champ de
compétence lorsqu'elle n'est pas propriétaire de ladite voirie. Il s'agit là
d'une disposition inadaptée, qui ne tient pas compte du rôle croissant joué par
les regroupements de communes dans la réalisation des infrastructures et de
celui que nous-mêmes souhaitons leur voir jouer.
C'est pourquoi nous soutiendrons également l'amendement de M. le rapporteur
général qui tend à modifier les conditions d'accès au FCTVA concernant les
communautés de communes et les travaux de voirie.
De façon plus générale, il arrive aussi de plus en plus souvent que l'Etat
passe une convention avec une collectivité ou une communauté lorsqu'il n'est
pas en mesure de réaliser lui-même tel ou tel équipement d'intérêt public. Je
crois qu'il serait logique que, dans ce cas, même si les travaux ne sont pas de
la compétence propre du regroupement de communes, le mécanisme du FCTVA puisse
jouer. Cela participerait à l'effort d'aménagement du territoire, notamment du
territoire rural.
Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP,
consacré à la compensation générale des pertes de base et à la péréquation de
l'écrètement sera à peu près stable en francs courants en 1997.
Concernant le pacte de relance de la ville, si les compensations de taxe
professionnelle prévues par ce texte excèdent les ressources supplémentaires du
fonds - c'est-à-dire le retour de fiscalité de France Télécom et de La Poste -
l'Etat s'est engagé à compenser la différence.
J'évoquerai rapidement deux articles à caractère fiscal qui concernent
directement les collectivités locales.
Le Gouvernement propose, en premier lieu, de ne pas revaloriser les valeurs
locatives pour l'ensemble des biens immeubles entrant dans l'assiette des
impôts directs locaux, y compris pour les propriétés bâties, ce qui est une
innovation. De leur côté, nos collègues de l'Assemblée nationale viennent
d'adopter un amendement instituant un coefficient de revalorisation des bases
de 1,01 - au lieu de 1 - à compter de 1998 pour l'ensemble des propriétés
bâties, à l'exception des immeubles industriels.
Je rappelle qu'il est question de déposer sur le bureau des assemblées le
projet de loi portant incorporation dans les rôles d'imposition des nouvelles
évaluations cadastrales issues de la loi du 30 juillet 1990. L'examen de ce
texte a été annoncé par le Gouvernement pour le début de l'année 1997, après
concertation avec le comité des finances locales, notamment. Pouvez-vous nous
confirmer cette information, monsieur le ministre ?
En second lieu, le Gouvernement propose de plafonner les taux départementaux
et régionaux de la taxe professionnelle à une hauteur égale à deux fois le taux
moyen national constaté l'année précédente. Une telle disposition est déjà
applicable aux communes.
Il faudra bien, un jour, parvenir à plus d'équité dans les taux de taxe
professionnelle, car les écarts demeurent trop importants.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer est le statut des maires sur les
plans financier et fiscal.
En 1992, le Parlement a adopté un projet de loi relatif à l'exercice des
mandats locaux, qui n'a que partiellement répondu à l'attente des élus.
La charge de travail et le poids de plus en plus lourd des responsabilités
civiles et pénales liées à la gestion d'une commune, même petite, sont trop
souvent mal compensés. Les indemnités, même revalorisées, sont encore faibles ;
au-delà d'un certain niveau, elles sont fiscalisées ; le système de crédit
d'heures mis en place est difficilement praticable, notamment dans les
entreprises privées. Il est extrêmement difficile d'être maire lorsque l'on
relève du secteur privé !
On ne trouvera bientôt, parmi les maires, que des fonctionnaires ou des
retraités ! Cette situation n'est pas saine, car les forces vives de ce pays
peuvent difficilement s'engager dans la vie locale.
Nonobstant les améliorations apportées au statut des élus en 1992, il convient
donc d'aller au-delà dès que possible, dans l'intérêt même de la démocratie
locale.
En conclusion, monsieur le ministre, la mise en oeuvre d'une décentralisation
efficace suppose le respect par l'Etat de trois principes fondamentaux ;
d'abord, le maintien des règles d'indexation des dotations allouées aux
collectivités, afin de favoriser la planification budgétaire de celles-ci ;
ensuite, le principe d'automaticité dans la répartition de ces dotations ;
enfin, l'efficience dans cette répartition, c'est-à-dire la réalisation
effective des objectifs de péréquation.
La mise en oeuvre du pacte de stabilité financière est un pas important dans
cette direction. Néanmoins, les transferts de charge, l'instauration de charges
nouvelles et l'augmentation constante des dépenses sociales et de personnel au
niveau local rendent probablement nécessaire une réforme plus profonde des
dispositifs existants.
L'une des pistes à explorer est sans doute le développement de
l'intercommunalité, qui permettrait de très importantes économies d'échelles.
Un projet de loi devrait nous être présenté dans ce sens au début de l'année
1997 ; certainement nous nous en réjouissons.
Veillons, monsieur le ministre, à ce que l'assainissement du budget de l'Etat
ne vienne point pourrir les budgets tendus, mais encore sains, des
collectivités locales !
Sous le bénéfice de ces observations, après avoir salué l'excellent travail
réalisé par notre commission des finances, son rapporteur général et son
président, je voterai, comme mes collègues de l'Union centriste - M. de
Villepin l'a dit - ce projet de loi de finances pour 1997
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certainses travées de RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos
vont quelque peu changer par rapport à ceux de mes prédécesseurs puisque, outre
mes fonctions de sénateur, je représente un peu ici l'ensemble des organismes
qui fournissent l'oxygène à la nation.
M. Paul Loridant.
L'homme des forêts !
M. Michel Charasse.
L'hommme des bois !
(Sourires.)
M. Jacques Delong.
Voilà quelques années déjà que je viens à cette tribune, au moment où s'engage
la discussion de la loi de finances, vous entretenir de la forêt française et
de ses problèmes ... du moment, allais-je dire, mais le terme « constants »
conviendrait mieux.
A cet égard, je ne pense pas que le président de la commission des finances,
qui connaît bien les problèmes de la forêt, pourrait tenir un langage différent
de celui que je tiens.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je vais vous écouter !
M. Jacques Delong.
Merci, monsieur le président. Si j'interviens ainsi, c'est parce que la forêt
tient dans notre cadre de vie, dans notre économie, dans l'aménagement de notre
territoire une place importante. La forêt, c'est 26 % de la superficie du sol
français, et cela n'est pas suffisamment pris en considération.
Hélas ! les arbres ne votent pas, les arbres n'appartiennent pas à un parti
politique, quel qu'il soit. De ce fait, ils n'ont comme interprètes que
quelques représentants - assez nombreux, à la vérité ! - qui se passionnent
pour la forêt, la chlorophylle, les carotènes alpha et béta ; je n'entrerai pas
davantage dans les formules chimiques qui composent la vie de notre pays, et
celle des hommes, d'ailleurs !
C'est de la politique forestière de la France, c'est-à-dire de la politique
qui concerne la forêt et la filière bois que je veux vous entretenir, le temps
qui m'est imparti ne me permettant, cependant, de braquer le projecteur que sur
quelques-uns de ses aspects - les plus importants, je l'espère !
La France est l'héritière d'une longue tradition forestière, dont les premiers
actes connus remontent à plus de six siècles. Cette politique a fait de la
France, au cours des siècles - en matière forestière, on compte en siècles ! -
la première puissance forestière en valeur de l'Union européenne actuelle. La
forêt française n'est plus la première en surface ; de ce point de vue, elle
est surclassée par les forêts suédoise et finlandaise. Mais, en valeur, elle
surclasse très largement les forêts de ces deux pays.
Nous sommes donc, sur le plan économique, mais pratiquement aussi sur tous les
autres plans, la première puissance forestière de l'Union européenne.
Les résultats remarquables obtenus grâce à l'implication de l'Etat dans la
politique forestière, comparés aux déconvenues et aux insuffisances constatées
dans des pays voisins où l'Etat s'est désengagé, plaident en faveur du
maintien, mieux affirmé qu'aujourd'hui, de la compétence de l'Etat pour la
définition et la conduite de la politique forestière, avec des adaptations
régionales, comme c'est actuellement le cas.
Les activités liées à la forêt et à l'utilisation du bois jouent un rôle de
premier plan dans l'aménagement du territoire, en assurant, au total, plus de
550 000 emplois répartis dans tout le pays, et plus particulièrement dans les
zones rurales.
Il faut savoir que 300 mètres cubes de bois d'oeuvre produits, exploités et
sciés correspondent à un emploi, que la collecte, la préparation et le
transport de 1 000 mètres cubes de bois de feu fournissent un emploi et qu'un
million de francs d'aides à l'investissement permettent le maintien ou la
création de quinze emplois sylvicoles à temps plein et de vingt-cinq à temps
partiel.
Appliquer une politique forestière ambitieuse, c'est agir en faveur de
l'emploi, du développement rural et de l'aménagement du territoire. Je ne crois
pas, d'ailleurs, qu'il existe une autre politique pour favoriser le
développement rural et l'aménagement du territoire.
Je souhaite parler, tout d'abord, du fonds forestier national, le FFN. C'est
un sujet que je suis dans l'obligation d'aborder année après année.
Ce fonds, pratiquement ruiné par la désastreuse réforme de 1991, a été
partiellement restauré au prix d'efforts qui n'ont pu être que parcellaires,
jamais globaux. On peut dire que le fonds forestier national a été sauvé grâce
à des aumônes budgétaires diverses, alors que son maintien dépend, comme l'a
souligné très justement à plusieurs reprises M. Philippe Vasseur, ministre de
l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, de la création d'une ressource
pérenne qui ne serait pas fondamentalement remise en question à chaque
budget.
Et nous avons la solution ! La taxe dite « taxe forestière », qui alimente,
pour l'essentiel - à hauteur de 75 % - le budget du FFN, fait actuellement
l'objet d'une remise en cause permanente, quand on ne tolère pas, voire on
n'encourage pas, son non-paiement !.
Fixée à 1,2 % pour les sciages, la taxe n'est que partiellement encaissée à ce
taux et, pour de nombreux assujettis, elle n'est pas encaissée du tout. Ce
phénomène, joint à la morosité générale du secteur du sciage, dont l'activité
est très liée à celle du bâtiment, fait que, au 30 septembre dernier, la
recette annuelle encaissée n'était que de 213 millions de francs, soit 55 %
seulement de la recette prévue, à savoir 390 millions de francs.
Vous trouverez d'ailleurs, monsieur le ministre, dans le rapport fait par M.
Yann Gaillard, au nom de la commission des finances, sur les comptes spéciaux
du Trésor, un rapport spécial sur le fonds forestier national. J'allais dire
qu'il vous ouvrira des horizons. Mais, en fait, il les ferme !
On sait d'ores et déjà que les recettes globales du fonds forestier national,
estimées à 514 millions de francs pour 1996, n'atteindront au mieux que 400
millions de francs, soit un déficit de 114 millions de francs.
La création d'une taxe spéciale portant sur l'artificialisation des sols, dont
la justesse n'est sérieusement contestée par personne, est une des réponses les
mieux adaptées au problèmes qui nous est posé. En effet, cette taxe, qui fut
déjà proposée l'an dernier, avec l'accord officieux, faute d'être officiel, de
l'ensemble des parties prenantes de la filière bois, toucherait économiquement
quelques grands groupes industriels ou financiers. Il n'y aurait ainsi qu'un
nombre relativement réduit de redevables et la taxe ne poserait donc pas les
problèmes rencontrés aujourd'hui du fait du nombre extrêmement élevé des
assujettis.
J'entends surtout que soit taxé justement le grignotage incessant des espaces
boisés ou couverts par des promoteurs qui construisent sans vergogne leur
fortune sur la destruction du milieu naturel, encore que le mot « fortune » ne
convienne pas pour certaines futures lignes de TGV !
L'étude de cette taxe d'artificialisation des sols a été faite par les
services ministériels. Elle a même été discutée très vaguement l'an dernier,
mais elle n'a pas été retenue puisque le Sénat, s'il a, certes, la possibilité
de voter cette taxe, ne peut pas décider de son affectation. Vous seul,
monsieur le ministre, en avez le pouvoir.
Le produit de cette taxe, tel que nous l'avons estimé avec les services
intéressés, après trois années d'études - nous ne faisons pas les choses au
hasard ! - permettrait non seulement d'abonder le fonds forestier national,
mais aussi de régler partiellement les problèmes liés au versement compensateur
de l'Office national des forêts, problèmes que vous devez résoudre, plus ou
moins bien, tous les ans, ainsi que le problème des crédits du fonds de gestion
de l'espace rural.
En tout cas, la création de cette taxe conditionne la puissance forestière de
la France et la puissance économique qui en découle pour les décennies à venir.
Elle est, dans l'état actuel des choses, le seul moyen qui nous permette de
parler véritablement de politique forestière dans la nation la plus forestière
d'Europe. Je pense, monsieur le ministre, avoir posé ce problème clairement,
mais je suis à votre entière disposition pour approfondir davantage le
sujet.
Dans un louable souci - tous les partenaires de la filière bois y ont été
sensibles - le Gouvernement, plus précisément le ministre de l'agriculture, de
la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mis en chantier une
nouvelle loi d'orientation agricole et forestière.
Ce n'est pas la première, et certaines des lois précédentes furent un ensemble
de voeux, pas forcément pieux, d'ailleurs, puisque, pour la plupart, Dieu ne
les a pas exaucés !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Existe-t-il ?
M. Jacques Delong.
Aussi souhaitons-nous tous que la loi Vasseur, car elle portera ce nom, celui
du ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la
forêt - soit une vraie loi, et pas un nouveau catalogue de bonnes intentions,
comme nous en avons connu depuis vingt-cinq ans.
J'aurai, bien entendu, l'occasion de m'exprimer au moment de la discussion de
cette loi d'orientation, mais, dès à présent, je souhaite insister sur quelques
points.
Face à l'importance de la forêt en matière d'environnement, la tentation peut
exister d'abandonner la fonction de production pour une partie des forêts et de
ne plus voir dans celles-ci qu'un cadre de nature laissé à sa seule évolution.
Ce serait, en quelque sorte, créer une « forêt à deux vitesses », celle
précisément que souhaitent les pays d'Europe du Nord pour la forêt française,
comme pour la forêt allemande, pour le nord de la forêt espagnole, le nord de
la forêt italienne ou le nord de la forêt autrichienne. Forêt écologique, d'un
côté, forêt économique, de l'autre, telle serait l'option.
Cette alternative ne saurait être acceptée. Ce serait la fin de l'ensemble de
l'économie forestière et de l'activité industrielle qui en découle,
c'est-à-dire la disparition de 500 000 des 550 000 emplois qui, actuellement,
dépendent de la forêt.
S'il est vrai que certains biotopes exceptionnels requièrent une protection
spéciale, renforcée par la création de réserves naturelles, par exemple, ces
mesures doivent rester très limitées. M. le Premier ministre, comme M. le
ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la
forêt - l'ont bien compris, qui ont pu mettre un terme à certaines exagérations
du ministère de l'environnement ; elles reposaient sur des concepts qui ont
peut-être cours boulevard Saint-Germain, mais qui sont sans rapport avec la
nature elle-même.
Monsieur le ministre, l'environnement n'est pas à Paris ! Il est dans des
régions qui sont généralement inconnues des services ministériels, voire des
ministres eux-mêmes, mais je ne vous vise pas du tout en disant cela.
S'il est vrai, disais-je, que certains biotopes requièrent une protection
spéciale, les forêts doivent, dans leur généralité, continuer à être gérées et
mises en valeur en considération de leur trois fonctions, l'écologie,
l'économie et l'accueil du public, ainsi que la tradition sylvicole de la
France en démontre la possibilité depuis longtemps.
Je pense qu'il serait convenable de créer dans notre pays, et plus précisément
dans l'Est de la France, qui est la région la plus forestière, un centre
d'observation de la faune et de la flore sauvages ; j'oeuvre personnellement
depuis déjà un an pour cette création.
Une « forêt à deux vitesses » est contraire au concept d'aménagement du
territoire ; elle est contraire aux intérêts de notre pays, tant sur le plan
économique que sur le plan écologique. En effet, c'est la valorisation
économique de la forêt qui lui permet d'assurer tant son rôle écologique de
producteur d'oxygène que son rôle social sans faire appel à l'argent public.
Les propriétaires forestiers - je rappelle que les collectivités locales
représentent 2,5 millions d'hectares et les propriétaires privés, 10 millions
d'hectares - par la gestion de leur forêt et par l'approvisionnement régulier
de la filière bois, assurent l'emploi de 550 000 personnes. Leur rôle doit être
réaffirmé et leur action doit être soutenue lorsque cela est nécessaire,
notamment en les associant étroitement à l'élaboration de la politique
forestière qui, je le répète, doit rester de la compétence de l'Etat. A cet
égard, je dois souligner l'importance de la concertation que M. le ministre de
l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mise
en oeuvre, depuis le mois de mai, pour mener une réflexion approfondie sur la
future loi d'orientation, organisant notamment de nombreuses réunions avec
l'ensemble des acteurs de la forêt et de l'industrie du bois.
Le fort décrochage du prix du bois par rapport au coût de la vie au cours des
vingt dernières années et une demande sociale accrue vis-à-vis de la forêt
rendent les investissements forestiers, qui se font sur le long terme, de plus
en plus difficiles à envisager si des aides publiques, de surcroît justifiées
par le rôle d'utilité générale de la forêt, ne viennent pas en alléger la
charge. Ces aides doivent s'appliquer aux équipements d'infrastructure, à la
poursuite des boisements et à la mobilisation des bois.
L'Etat a besoin d'un instrument financier adapté, le Fonds forestier national,
dont je vous ai déjà longuement parlé.
La politique forestière, si elle doit viser à améliorer la qualité de la
production de la forêt et les performances de la filière bois, ne saurait
cependant se limiter à ces seuls objectifs. Indissociable de la politique
d'aménagement du territoire, elle doit être une politique de compensation des
handicaps. Deux domaines forestiers doivent bénéficier particulièrement de
cette politique, je veux parler de la montagne et de la région méditerranéenne,
que je ne peux pas ne pas citer ici.
Quant aux nouvelles contraintes de gestion, j'évoquerai simplement le réseau
européen Natura 2000, dont la constitution a soulevé de très nombreux
problèmes. Nous avons réussi à les résoudre, grâce au Gouvernement, monsieur le
ministre, en particulier grâce à l'action conjointe du ministre de
l'agriculture - je vous ferai grâce de la litanie - et du Premier ministre, qui
a pris une sage résolution, mettant les choses au point d'une façon
catégorique.
Nous souhaitons que l'idée du réseau Natura 2000 se développe, mais à partir
des propriétaires forestiers, et non pas depuis les boulevards parisiens.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Jacques Delong.
Quant à la politique forestière de l'Europe, je ne voudrais pas en dire du
mal, mais elle est particulièrement vaporeuse, au point que, de quelque façon
que l'on s'y prenne, toute analyse est difficile.
En dernier lieu, il me reste à évoquer un volet essentiel de la politique
forestière, l'utilisation de la production de la forêt, c'est-à-dire la
commercialisation, la transformation et l'industrialisation du bois.
Le bois et son commerce ne font pas partie du traité de Rome ni des traités
qui ont suivi, non plus que des accords du GATT. Le commerce du bois est libre
et se trouve donc confronté, dans notre pays, à la concurrence mondiale. Cela
pose de graves problèmes, non pas à la forêt elle-même, mais à notre industrie
de transformation, qu'il s'agisse du sciage ou de l'industrie lourde, la pâte à
papier et les panneaux en particulier.
L'agressivité commerciale des pays scandinaves, à la suite de dévaluations
compétitives et de baisses des cours des sciages décidées par les pays
nordiques exportateurs, a provoqué une crise grave dans la scierie française,
entraînant de nombreux dépôts de bilan et de fermetures d'entreprises
françaises. Dans le même temps, les dévaluations monétaires de pays
traditionnellement clients de la France - l'Italie, le Portugal, l'Espagne -
ont freiné nos exportations.
Un troisième phénomène est venu aggraver la crise, les pays de l'Europe de
l'Est, à la suite des changements politiques survenus là-bas, ayant augmenté
leurs exportations de grumes et de sciages.
C'est ainsi, par exemple, que tous les bois norvégiens transitent par la Suède
pour venir dans l'Union européenne, alors que la Norvège ne fait pas partie de
cette dernière, non plus que la Russie, la Pologne et les pays Baltes, dont la
production forestière passe pourtant par la Finlande pour être exportée... vers
l'Union européenne. Autrement dit, si certains pays ont fait une excellente
affaire en adhérant à l'Union européenne, ce sont bien les pays nordiques. Leur
souhait, hautement affirmé, leur rêve, même, c'est de persuader les
écologistes, y compris ceux de notre propre pays, que nos forêts ont pour
unique vocation la promenade et qu'ils peuvent, eux, se charger de nous fournir
tout le bois dont nous aurons besoin. Ainsi le chêne, le hêtre, l'alisier, le
merisier, les bois précieux et semi-précieux, bref les bois français n'auraient
plus d'intérêt ; nous serions entièrement équipés en sapin et en pin, ne venant
même pas des Landes !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sur le projet de budget pour 1997 concernera, d'une part, la réforme fiscale
qu'a souhaité entreprendre le Gouvernement en matière d'impôt sur le revenu,
d'autre part, les orientations que nous aurions souhaité mettre en oeuvre et
qui - vous le verrez - ne s'articulent aucunement sur la même logique.
Si je me réfère à la définition de la réforme du
Petit Robert,
je lis :
« amélioration apportée dans le domaine moral ou social » et, plus loin, «
changement qu'on apporte dans la forme d'une institution, afin de l'améliorer,
d'en obtenir les meilleurs résultats. »
Qu'en est-il exactement, au vu de ces principes, de la réforme fiscale qui
nous est présentée ?
Elle repose principalement sur le barème de l'impôt sur le revenu. Sur le
choix de l'impôt, je n'ai rien à dire. Il est clair, et nous l'avons déjà dit,
que cet impôt mérite d'être réformé. Le problème vient naturellement de ce
qu'il y a diverses manières de le faire. Le Gouvernement a choisi d'opérer une
baisse de 25 milliards de francs. Je ne parlerai pas de ses projets concernant
les années suivantes qui me paraissent, étant donné la situation politique et
sociale, procéder du discours d'intention plus que du discours de la
méthode.
Revenons donc à ces 25 milliards de francs que l'on compte obtenir par le
biais d'une réduction des taux du barème. Etait-ce une bonne mesure ? Sur le
fond comme sur la forme du dispositif, je ne le crois pas.
D'une part, vous avez choisi de diminuer le seul impôt sur les ménages qui est
progressif et qui croît donc avec les revenus, alors que notre structure de
prélèvements obligatoires a à pâtir essentiellement d'une mauvaise répartition
entre impôts directs et impôts indirects. Vous êtes responsable du niveau de
prélèvements obligatoires le plus élevé que nous ayons connu. Je le rappelle,
il est prévu que ces prélèvements atteignent 45,5 % de notre PIB en 1997,
contre 43,6 % en 1992, quand nous étions au gouvernement. Il était
effectivement important d'inverser la tendance, mais cette inversion ne pouvait
se réaliser sur un impôt qui ne compte que pour 18 % des recettes du budget de
l'Etat, et bien moins encore - de l'ordre de 14 % - si l'on se réfère au
montant total des prélèvements globaux de notre pays.
Ce choix me semble parfaitement injuste d'autant qu'un Français sur deux
échappe à l'impôt sur le revenu. De nombreux contribuables « n'y verront donc
que du feu », alors même que, par le biais des majorations gigantesques qui ont
été opérées depuis 1993 sur les impôts indirects, comme la TVA et la TIPP, ou
sur la CSG et le RDS, ces contribuables ont été fortement ponctionnés depuis
votre arrivée au pouvoir, en 1993.
Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions qu'une large majorité des
Français n'ait pas cru à votre baisse d'impôt. En effet, je le répète, la
moitié « n'en verront même pas la couleur ».
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : d'un côté, en deux ans, les ménages ont
supporté plus de 110 milliards de francs de majorations en tout genre ; de
l'autre, vous annoncez une baisse d'impôt de 25 milliards de francs. Ces
chiffres montrent que nous sommes loin du compte.
Je veux également insister sur un détail du dispositif qui, à mon avis, ne
peut qu'accentuer les inégalités et renforcer le mécontentement des Français à
l'égard de votre politique.
Vous opérez des réductions sur les taux.
En pourcentage, il n'y a pas d'équité puisque, les taux portant sur les
tranches les moins élevées sont diminués de 1 % à 1,5 %, alors que les taux
s'appliquant aux tranches les plus hautes sont abaissés de 2 %, voire 2,8 %
pour la dernière tranche.
Lorsque l'on raisonne en valeur et non plus en pourcentage, les écarts
d'avantage fiscal sont encore plus importants. Pour un contribuable célibataire
dont le revenu mensuel est de 10 000 francs, le gain d'impôt en 1997 sera de 1
040 francs. Mais, pour un contribuable dont le revenu mensuel est de 50 000
francs, le gain d'impôt sera de 9 078 francs.
Je traiterai maintenant du taux marginal maximal de l'impôt sur le revenu,
dont on nous dit qu'il est insupportable pour les hauts revenus. En 1994, il a
concerné, si je m'en réfère au rapport Ducamin, 217 000 foyers fiscaux. Mais je
rappelle qu'après imputation des différentes réductions, l'imposition fiscale
moyenne de ces derniers est de 40,87 %.
Qui plus est, la majorité de ces contribuables n'ont qu'une faible part de
leurs revenus taxées à 56,8 %. Ainsi, 82 000 d'entre eux supportent une
pression fiscale supérieure à 40 %, et 11 000 seulement subissent une pression
fiscale dépassant 50 %.
Sur un total de 13 millions de foyers imposables, est-il normal que cette
réforme porte principalement sur les 11 000 contribuables les plus fortunés de
notre pays ?
Je citerai une nouvelle fois le rapport Ducamin : « L'impôt sur le revenu doit
rester un impôt de rendement, à caractère progressif, soulignant l'appartenance
à la collectivité nationale. » Le Gouvernement a choisi une tout autre logique,
je le déplore.
Je veux aussi revenir sur les mesures accompagnant la réforme du barème et qui
figurent tant dans la première que dans la deuxième partie du projet de loi de
finances.
Comme nous, vous avez dénoncé les fameuses « niches fiscales » qui dénaturent
la progressivité de l'impôt et qui impliquent une réforme de l'assiette de
celui-ci. Pourtant, dans ce projet de budget, vous faites une chasse, que je
qualifierai de sélective, à ces « niches fiscales ».
Pourquoi vous en prenez-vous systématiquement à celles qui concernent tout le
monde, y compris les contribuables les plus modestes, et qui sont plafonnées ?
Pourquoi ne pas faire la chasse aux « niches fiscales » dont on sait qu'elles
sont utilisées de manière privilégiée par les titulaires de hauts revenus ?
Je traiterai maintenant de la diminution du plafond pour la demi-part
supplémentaire de quotient familial en faveur des personnes célibataires ou
divorcées ayant élevé un enfant. Cette mesure, dont je me demande si elle n'est
pas anticonstitutionnelle, est scandaleuse. Pourquoi introduire une disparité
de traitement entre les célibataires ou les divorcés et les veuves ? Rien ne le
justifie.
J'ajoute que supprimer la réduction d'impôt pour l'assurance-vie pour les
titulaires de faibles revenus montre votre souci de faire des économies aux
dépens des plus modestes. De même, abaisser le plafond pour l'abattement de 10
% sur les retraites et imposer des indemnités maternité reviennent à prendre
d'une main ce vous donnez de l'autre. Comment pourrais-je oublier par ailleurs
la suppression des déductions forfaitaires pour frais professionnels, la
suppression de la réduction d'impôt pour enfants scolarisés, ou la suppression
de l'avantage pour pension familiale ?
Dès lors, comment voulez-vous que les Français croient le Gouvernement quand
il annonce une baisse de l'impôt sur le revenu ? Pour les plus modestes, cette
baisse risque d'être tout simplement annulée par les mesures prises par
ailleurs, et au titre de ce même impôt.
Je pense même que certains, qui auraient le désavantage de se trouver dans
plusieurs des situations visées par les mesures que je viens de rappeler,
risqueront
in fine
de payer plus d'impôt sur le revenu. Est-ce équitable
?
Au total, vous diminuez la progressivité de cet l'impôt et vous ne prenez pas
les mesures qui auraient pu contribuer à rendre son assiette plus conforme à
l'idée d'équité fiscale et au principe de progressivité de l'impôt par rapport
au revenu.
Pourquoi avoir maintenu les « niches fiscales » quant aux employées de maison
et aux quirats, aux dispositions de la loi Pons et à l'investissement locatif,
entre autres ? Elles ont un impact économique, me direz-vous. Cela m'étonne !
En effet, la situation du secteur du bâtiment, par exemple, n'a jamais été
aussi catastrophique ; pourtant il n'a jamais profité d'autant d'avantages
fiscaux.
Quand bien même ces mesures auraient un impact, comment expliquer que les
chantres du libéralisme qui prônent la non-intervention de l'Etat, souhaitent
son intervention quand il s'agit de pallier les insuffisances constatées par le
marché.
La vérité, c'est que les élus de la majorité n'aiment pas l'impôt sur le
revenu, dont leurs électeurs devraient payer effectivement une lourde part. Par
conséquent, ils s'ingénient à aménager des régimes dérogatoires dont seuls
profitent les contribuables qui sont suffisamment riches pour bénéficier de ces
niches fiscales.
Monsieur le ministre, n'est-il pas raisonnable de payer beaucoup d'impôt quand
on gagne beaucoup d'argent ? Pour ma part, cela ne me choque pas, surtout quand
je vois la formidable disparité entre les niveaux de revenus.
Notre logique est tout autre !
La France est en train suivre la voie de pays comme la Grande-Bretagne ou les
Etats-Unis, de pays où deux mondes se côtoient : d'un côté, des personnes dans
un état de précarité gravissime, ou sans aller jusque-là, de personnes qui,
comme on dit, « tirent le diable par la queue », et, de l'autre, des personnes
dont les revenus s'accroissent sans cesse.
Connaissez-vous, monsieur le ministre, les résultats du tourisme et des
produits de luxe en France ? Ils se portent très bien aujourd'hui ; c'est un
exemple bien ponctuel, mais qui est significatif. Ces résultats, ne sont pas
dus à la seule présence des étrangers.
Pour revenir à la définition que je rappelais du
Petit Robert,
je ne
pense pas que votre réforme fiscale réponde à la moindre idée d'amélioration
dans le domaine moral ou social, ni qu'elle permette d'apporter de meilleurs
résultats. Je reviendrai sur le terme « moral », ce qui me permettra de montrer
ce que nous souhaiterions.
La baisse de l'impôt sur le revenu, comme la tonalité de votre discours, ne
peuvent que renforcer chez les Français l'idée que l'impôt est une mauvaise
chose. Ce sentiment est détestable, car il est source, au pire, d'incivisme,
ou, au mieux, d'irresponsabilité.
Pour nous, si l'impôt repose sur des bases justes, il n'en est rien. En effet,
l'impôt n'est que la contrepartie de ce qu'une société offre en matière de
services publics et de redistribution.
Refuser l'impôt, c'est, en corollaire, refuser tout ce qu'il permet. Cela peut
cependant constituer une orientation politique, que l'on trouve dans certains
pays que j'ai déjà cités, et que, pour ma part, je refuse.
Là où, selon moi, une telle orientation se double d'une monstrueuse
supercherie, c'est que l'on pousse nos concitoyens à revendiquer ces baisses
d'impôts tout en leur cachant ce qu'ils perdront en échange, mais que
retrouveront les contribuables disposant de hauts revenus par le biais de
circuits financiers privés.
Nous ne voulons pas, tant au niveau des services publics de l'Etat que de la
sécurité sociale, d'une France à deux vitesses et nous dénonçons, en
conséquence, tant votre discours que vos mesures. A chacun ses préoccupations.
Certains, sur les bancs de la majorité s'intéressent « au mal-vivre » des
assujettis à l'ISF. Nous, nous préférons nous intéresser à l'immense fraction
des gens modestes et, plus encore, à ceux qui vivent, pour reprendre
l'expression contenue dans un livre à succès, « une vie dans laquelle la honte
n'est plus que le seul emblème qui la caractérise ».
Pour revenir sur l'idée de réforme, je préciserai que nous souhaitons, en
matière d'impôt sur le revenu, remettre tous les dispositifs à plat, en
plafonnant la portée des avantages qu'ils procurent. Nous préconisons, par
différents moyens, d'imposer davantage les patrimoines, que ce soit les revenus
des valeurs mobilières et les plus-values dégagées, les transmissions à titre
gratuit, notamment pour l'assurance-vie et les donations partages, ou l'impôt
de solidarité sur la fortune.
En contrepartie, nous souhaitons diminuer la TVA, qui pèse sur tous les
ménages - y compris sur les plus pauvres - et que vous avez majorée, peut-être
parce que cela se voit moins.
Voilà, ainsi résumées, les options qui nous séparent, pour ne parler que de
celles qui concernent les ménages. L'examen des articles et des différents
amendements que nous défendrons nous donnera l'occation d'expliquer davantage
nos choix.
Je conclurai en m'insurgeant contre les critiques de nos opposants politiques,
qui qualifient nos projets économiques et fiscaux d' « archaïques ». Est-il
archaïque de vouloir redonner à ceux qui les ont perdues des conditions de vie
décentes, ou bien de proposer des projets de démantèlement de notre société qui
feraient reculer considérablement notre pays ?
Monsieur le ministre, cette réforme fiscale s'inscrit dans cette grande
orientation qui a toutes vos faveurs. Elle arrive après de multiples et coûteux
plans incitatifs en faveur des entreprises et en direction des marchés
financiers.
Malgré cela, le chômage poursuit son oeuvre destructrice et, évidemment, les
Français ne supportent plus d'être, pour le plus grand nombre d'entre eux,
unilatéralement sacrifiés.
C'est pour toutes ces raisons que nous rejetons cette réforme fiscale qui
s'inscrit dans un projet politique de souffrance sociale !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le
congrès des maires de France vient de prendre fin, je souhaite à mon tour, au
cours de cette discussion générale sur le projet de loi de finances pour 1997,
aborder le sujet des collectivités locales, au nom du groupe communiste
républicain et, bien sûr, citoyen.
Comme tous mes collègues maires, qui en ont fait le constat ces trois derniers
jours, je suis confronté à une misère grandissante au sein de la population de
ma commune. Je suis inquiet de voir le décalage qui existe entre les mesures
préconisées par le Gouvernement et la réalité.
En effet, quand on voit les différents ministres décliner sur tous les tons le
credo du « dépenser moins, dépenser mieux » et exhorter les collectivités
locales à modérer leurs prélèvements obligatoires, il y a de quoi être
inquiet.
La hausse des prélèvement obligatoires des collectivités locales n'est pas due
à une quelconque dérive de gestion, en fait, c'est fort rare. Non, elle est la
résultante, en vérité, d'une volonté gouvernementale de désengagement de l'Etat
en vue d'un objectif : réduire les déficits et la dette publique pour que la
France soit éligible dans un délai très court - trop court - aux critères de la
monnaie unique.
Il faut le dire, tout ce qui est fait pour réduire les investissements des
collectivités locales, et donc réduire le recours au crédit, pour freiner les
dépenses de fonctionnement sont autant de pressions pour adhérer au club, je
veux parler du club de l'euro.
Ainsi, après l'abdication du pouvoir monétaire, par le biais d'une banque
centrale rendue indépendante du Gouvernement - mais pas des marchés financiers
! - après l'abdication du pouvoir budgétaire avec le pacte de stabilité
budgétaire - je parle de celui de Dublin - c'est, en définitive, à la libre
administration des collectivités territoriales que vous touchez par un
encadrement sans précédent des budgets locaux.
Le Gouvernement à beau s'insurger, et dire, la main sur le coeur, que son
pacte de stabilité financière entre l'Etat et les collectivités territoriales
vise uniquement à assurer une enveloppe décente à celles-ci, les maires, les
conseillers généraux et régionaux ont désormais compris qu'il s'agit d'un
marché de dupes !
C'est si vrai que le rapporteur spécial des crédits de décentralisation a
rappelé, en commission des finances, que ce pacte avait été « octroyé » par le
Gouvernement, et n'avait reçu l'aval d'aucune des associations représentatives
des élus locaux.
D'ailleurs, toutes les associations et organismes d'élus locaux ont, durant
cette année 1996, fait connaître les résultats d'études sur les finances
locales, particulièrement sur les rapports entre l'Etat et les collectivités
territoriales. Deux de nos collègues, MM. Girod et Bourdin, chargés de deux
rapports à l'observatoire des finances locales, ont conclu à la dégradation des
dotations de l'Etat au regard des besoins sociaux et humains grandissants. A
titre d'exemple, les départements subissent un effet de ciseau, car ils
supportent des charges dynamiques, alors qu'ils encaissent des ressources
stagnantes. Une telle situation est, bien entendu, le fait de la montée de la
crise et d'un accroissement des besoins sociaux qui en découlent.
Le poids des collectivités locales dans l'économie nationale - plus de 11 % du
produit intérieur brut - mérite pourtant que l'on fasse un effort
particulier.
Rappelons que les collectivités locales assurent les trois quarts de
l'investissement public de notre pays, hors investissement militaire ; c'est
considérable.
Or, après la lecture du projet de loi de finances pour 1997, c'est à une
aggravation du désengagement de l'Etat que l'on peut s'attendre.
Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités locales ne devraient
progresser que de 1,3 p. 100, soit le taux d'inflation attendu.
A l'intérieur de ces dotations, la dotation globale de fonctionnement, nous
dit-on, va progresser de 1,95 % par rapport à la dotation de 1996 elle-même
révisée. De ce fait, la progression est moindre en réalité, de 1,26 %
seulement.
Si l'on reste, l'an prochain, dans le strict cadre du pacte dit de stabilité,
les collectivités locales auront à souffrir encore plus.
Monsieur le ministre, l'année 1997 sera ainsi la quatrième année consécutive
de diminution de la dotation forfaitaire en francs constants ! C'est beaucoup,
beaucoup trop !
La dotation globale d'équipement diminuera, elle, de près de 25 % en
conséquence des choix effectués à travers la loi de finances de l'année
dernière. Le fonds de compensation pour la TVA stagnera, le taux étant réduit
de 15,68 % à 15,36 %.
Au total, les dotations pour les collectivités locales sont en recul, un recul
d'autant plus affirmé que certaines dispositions législatives prises cette
année vont, une fois de plus, charger la barque. Je pense particulièrement aux
emplois de ville qui placent les maires en première ligne sur le front de
l'emploi, sans vraiment leur donner les moyens correspondants. L'Etat s'en
tire, de ce fait, à bon compte, puisqu'il n'assure plus une de ses prérogatives
essentielles à nos yeux, à savoir la conduite de la politique de l'emploi.
Comment ne pas citer, à cette occasion, le candidat Jacques Chirac, qui, dans
sa lettre adressée aux maires de France pendant la campagne présidentielle,
écrivait : « Il faut donner aux collectivités locales les moyens d'agir
efficacement au service de nos compatriotes. Cette exigence impose de mettre
fin aux transferts d'attribution qui se résument à des transferts de charges.
Le principe de la compensation intégrale et actualisable par l'Etat de toute
dévolution de compétences doit être strictement respecté. »
Cette promesse faite aux maires de France a connu le même sort que beaucoup
d'autres. Le congrès des maires, monsieur le ministre, a confirmé la grande
colère des élus locaux face à l'attitude du Gouvernement. Cette colère dépasse
largement les rangs de l'opposition, puisque l'association des maires de France
qui, comme vous le savez, est présidée par notre collègue Delevoye, membre de
la majorité, a précisé, dans un communiqué en date du 11 octobre dernier, «
qu'il ne peut y avoir stabilisation des concours aux collectivités locales sans
stabilisation de leur charges ». En outre, l'AMF « déplore que l'Etat ait de
nouveau modifié les règles relatives aux compensations fiscales, allant à
l'encontre du principe affirmé par elle de prise en charge par l'Etat des
politiques fiscales qu'il met en oeuvre ».
On peut aussi énumérer tous les abandons de crédits frappant le logement
social, la réduction des APL, les aides personnalisées au logement, la baisse
des crédits permettant de financer les PALULOS, les primes à l'amélioration des
logements à usage locatif et à occupation sociale, qui sont pourtant absolument
nécessaires pour assurer la rénovation des HLM dans nos villes de banlieue, la
diminution de l'enveloppe « transports urbains », le recul des subventions
d'équipement pour la culture, autant de sujets d'inquiétude et de choix
cornéliens pour les maires dans la préparation de leur budget.
En clair, cela veut dire qu'il y aura transfert de fiscalité de l'Etat vers
les collectivités locales. Et ce n'est pas le report de la publication du
bulletin d'information statistique de la direction générale des collectivités
locales qui suffira à cacher le jeu trouble du Gouvernement. Les ménages ont
compris tout ce qu'ils allaient endurer avec votre loi de finances pour 1997,
puisque ce sont d'abord les non-assujettis à l'impôt sur le revenu des
personnes physiques qui subiront de plein fouet la confirmation du taux normal
de TVA à 20,6 % et la hausse de l'imposition locale.
La mise en oeuvre du texte prévoyant que les allégements et plafonnements de
taxe d'habitation seront désormais calculés par référence aux revenus
imposables et non plus aux cotisations d'impôt effectivement acquittés ira dans
le même sens : ce sont les ménages modestes qui seront mis à contribution !
Cette mesure engendrera des injustices qui placent une nouvelle fois les maires
en première ligne. J'ai relevé avec intérêt les propos de M. le rapporteur
général, qui, en commission des finances, a regretté « la brutalité de l'impact
de la disposition de la loi de finances pour 1996 abaissant de 16 937 francs à
13 300 francs le plafond de cotisations sur le revenu permettant de bénéficier
du dégrèvement ».
Lors de la discussion des articles, nous irons au-delà de l'expression de
simples regrets ; en effet, notre groupe formulera des propositions permettant
de traduire ces regrets en actes et, j'espère, mes chers collègues, que la
majorité du Sénat saura profiter de cette occasion.
Certes, la mise en oeuvre de la révision des bases d'imposition sur le plan
local devrait permettre un peu plus d'équité entre les contribuables.
Toutefois, je souhaite, monsieur le ministre, que l'on prenne en compte la
diversité des situations, notamment les difficultés particulières que
pourraient rencontrer les communes ayant un taux élevé de logements sociaux.
Il ne faut pas se cacher derrière cette réforme pour négliger la ressource
majeure des collectivités locales, à savoir la taxe professionnelle.
On sait que, régulièrement, le CNPF et ses relais tentent de remettre en cause
cette taxe. D'année en année, si le produit de la taxe professionnelle
progresse, la part de la compensation augmente également, au point
d'exploser.
Finalement, comme c'est l'Etat qui compense, cela revient, pour une part, à
faire payer les ménages par le biais des impôts directs et indirects. Il s'agit
véritablement d'un détournement de payeurs.
Si l'Etat souhaite vraiment mettre en oeuvre des abattements, des
exonérations, c'est son droit ; mais il doit les compenser intégralement à
l'égard des collectivités territoriales et les faire peser non pas sur les
ménages mais sur la collectivité des entreprises.
Le produit de la taxe professionnelle dépasse aujourd'hui 156 milliards de
francs et représente 50 % du produit fiscal des collectivités locales. Dans le
même temps, cette taxe absorbe les trois quarts des exonérations prévues par
l'Etat.
C'est pourquoi toute volonté d'amoindrir le produit de cette taxe aurait des
conséquences désastreuses sur les budgets locaux.
Pour notre part, nous sommes persuadés qu'une réforme est indispensable. Elle
doit être une incitation à la création d'emplois et de richesses et ne pas
pénaliser les entreprises à forte valeur ajoutée. Il nous paraît important,
quant à nous, d'intégrer les actifs financiers dans l'assiette de la taxe
professionnelle, ce qui en ferait un outil anti-spéculatif, favorable à
l'investissement productif.
Je voudrais également faire part de notre opposition résolue au hold-up que
constitue la confirmation du taux de surcompensation de la Caisse nationale de
retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL. Certes, devant les
protestations des maires, vous n'avez pas osé, monsieur le ministre, augmenter
ce taux cette année, mais le recours à un prélèvement sur l'allocation
temporaire d'invalidité ne fait que reculer une réelle prise en compte de cette
question. Nous nous attendons au pire dans les années à venir.
Enfin, pour conclure sur les dotations d'Etat, je dirai qu'il est inadmissible
d'étaler la compensation de l'exonération des droits de mutation à titre
onéreux sur trois ans. Cela revient à faire supporter des nouvelles charges aux
collectivités.
Mes chers collègues, l'expérience d'une année du pacte de stabilité démontre
la nocivité de ces orientations. Il est indispensable que les relations entre
l'Etat et les collectivités locales soient rénovées dans l'esprit de la
décentralisation, c'est-à-dire dans une volonté d'impulsion et de soutien aux
activités locales.
La volonté gouvernementale est tout autre : elle consiste, par le biais de la
réduction des dotations, à déprimer l'activité des collectivités locales, à les
cantonner dans un rôle d'accompagnement social.
Les choix nationaux et européens du Gouvernement poussent le pays dans une
guerre économique destructrice. La déflation salariale s'accompagne de
l'inflation boursière. De tels choix sont dangereux pour l'emploi, pour les
familles, pour les collectivités locales. Le tissu social se délite chaque jour
un peu plus. Dans tout le pays, les maires s'en font l'écho. De grâce,
écoutez-nous ! Alors, peut-être, notre groupe votera-t-il votre budget. Ce ne
sera pas encore le cas cette année, une fois de plus.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de
finances, dont nous entamons l'examen, constitue un élément essentiel dans les
échanges entre l'exécutif et le législatif. Elle est l'un des outils majeurs
des choix économiques qui conditionnent l'avenir des Français, le rôle de notre
pays au sein de l'Europe et la place de celle-ci dans les courants
internationaux.
Ainsi, par exemple, l'implication Amérique-Asie est de plus en plus forte au
point d'intervenir directement dans le débat intérieur de l'élection
américaine. M. Bill Clinton a initié une zone de coopération autour du
Pacifique qui complète le traité de libre-échange mis en place par M. George
Bush avec le Mexique et le Canada. Une extension au Chili et à l'Argentine est
attendue. Ainsi sera constitué le noyau dur du système commercial
panaméricain.
Les échanges entre les Etats-Unis et l'Asie sont devenus plus importants que
les échanges entre les Etats-Unis et l'Europe, qui s'est peu à peu décentrée
par rapport aux grands courants. La constitution de l'entité européenne sur ce
plan est une nécessité urgente.
Le succès de l'organisation de ce pôle s'accompagne de la mise en place de la
monnaie unique, qui sera un rempart contre les chocs monétaires et la
concurrence extérieure qui malmène nos emplois. Le Président de la République a
eu raison d'affirmer que c'était la priorité des priorités. La garantie de la
dynamique continentale passe par la convergence de l'économie française et de
l'économie allemande, dont les composantes devront s'harmoniser.
L'Europe et la France doivent bénéficier de la reprise annoncée de la
croissance dans le monde. Le taux moyen s'établit autour de quatre, mais celui
qu'escompte l'Asie accuse trois points de plus.
Tout retard dans la consolidation de la compétitivité est irréversible dans ce
contexte.
L'assainissement des bases de l'économie engagé avec l'inflation jugulée,
l'excédent commercial conforté et les taux d'intérêt maintenus à des niveaux
bas représentent autant d'efforts qui doivent être poursuivis.
La politique de réformes et les mesures inscrites dans le projet de loi de
finances qui nous est proposé répondent à l'exigence des règles comptables
communautaires régissant le calcul du besoin de financement de l'Etat, mais,
surtout, elles satisfont, pour l'essentiel, au recentrage du rôle de l'Etat, à
la relance de l'économie productive et au redressement de l'emploi.
En économie ouverte, il convient de réduire l'importance de l'Etat dans la
part qu'il y prend. Les privatisations y contribuent. Les plus aisées à
réaliser ont été faites, mais les temps ont changé. Aussi, chaque opération ne
va pas sans levées de bouclier.
Le temps de convaincre, d'amener à l'adhésion s'insère dans les mesures
d'accompagnement à toute mutation. Comparé au retard dû au blocage des
situations - rappelons-nous l'an dernier à la même époque quelle était cette
situation - l'investissement du dialogue n'est jamais perdu.
La résistance aux changements prend sa source, le plus souvent, dans la
crainte de la nouveauté, dans les limites de capacité à l'adaptation. On ne
rassure pas en imposant coûte que coûte !
La réorganisation de la gestion des entreprises nationales et des transferts -
financement que les règles communautaires ne comptabilisent pas - s'avance dans
la perspective de la rigueur du contrôle budgétaire. Saluons l'effort de
stabilisation des dépenses publiques entreprise l'année dernière, inscrit dans
le projet de budget pour 1997, et qui sera poursuivi. Après des années de
dérive, et sans repli dans le soutien à l'emploi et les interventions à
caractère social, l'attitude est courageuse.
Notre excellent rapporteur général ayant commenté les propositions retenues,
que vous nous avez vous-même présentées, monsieur le ministre, permettez-moi
maintenant, mes chers collègues, de formuler deux réflexions à propos de
l'emploi.
L'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises, l'ACCRE a, dans son
application, découragée des candidats sérieux. L'instruction débouchant sur la
validité ou non du dossier n'est pas à remettre en cause. Il s'agit de
l'observation trop stricte du dispositif périphérique.
Dans sa nouvelle version, cette aide mériterait d'être accordée avec une plus
grande marge d'application pour les services déconcentrés de l'Etat. La
démarche volontaire soutenue que requiert la création d'une entreprise dissuade
les chasseurs de primes. C'est dans l'année de démarrage d'une activité que se
joue son avenir ; le risque de l'octroi de l'aide est le prix de la confiance
accordée au candidat entrepreneur. On sait maintenant que les PME engendrent
plus d'emplois que les grosses sociétés.
Au-delà des mesures concourant à favoriser l'emploi, un réel partenariat entre
l'Etat et les entreprises en matière de formation mérite l'attention. Certaines
recherches ne sont pas satisfaites faute de trouver la personne qualifiée.
Nos filières de formation sont-elles adaptées aux besoins du marché du travail
?
La démarche conjointe évoquée, si elle ne conduit pas à une adéquation
parfaite, resserrera l'ajustement sans avoir à réellement anticiper la demande,
ce qui permettra d'éviter l'écueil des hypothèses qui ne sont pas toujours
vérifiées. Certes, monsieur le ministre, l'Etat ne serait pas seul dans cette
action, mais j'aimerais avoir votre sentiment sur celle-ci, sachant que
l'engagement financier est inexistant.
La réforme de l'impôt participe à la nouvelle attitude de l'Etat au regard de
sa gestion. La pression des prélèvements français, largement au-dessus de la
moyenne des pays de l'OCDE et des partenaires du G7, justifie à elle seule
cette refonte. Certes, selon les pays, les formes d'intervention du pouvoir
central sont fort différentes et rendent la comparaison malaisée, mais on ne
peut nier que, en France, l'évasion fiscale existe et que la consommation
souffre d'un excès d'imposition.
Il fallait engager le processus. Cela a été fait avec détermination, il
convient de le dire.
Le souci de rééquilibrage en faveur des plus modestes et des familles
n'entâche pas le devoir contributif de chaque citoyen, l'IRPP n'étant
d'ailleurs pas la seule forme d'imposition directe sur le revenu.
Pour les associations familiales, c'est là que le bât blesse.
La TVA est supportée aux deux tiers par les ménages et ignore le quotient
familial. Un choix s'imposait. Un point de TVA, au taux normal, représente 30
milliards de francs, soit 5 milliards de francs de plus que la baisse de l'IRPP
proposée. L'incidence sur les rentrées fiscales est inversement proportionnelle
à celle de la baisse du taux. Toutefois, il faudra se soumettre, bientôt, à son
harmonisation avec ceux de nos partenaires européens et poursuivre le
calendrier de la réforme.
Si l'augmentation des diverses taxes sur les alcools, le tabac et les produits
pétroliers améliore les recettes fiscales, elle me laisse dubitatif quant aux
autres objectifs invoqués. La constante progression du prix des alcools et du
tabac ne constitue pas un élément de prophylaxie, d'autant que les structures
de prévention ne voient pas leurs moyens accrus en conséquence. Pourtant, on ne
peut ignorer le poids de la consommation d'alcool et de tabac dans les comptes
de la santé publique.
S'agissant de la TIPP, le traitement spécifique des carburants professionnels
doit être élargi, non dans une prise en compte d'un simple intérêt catégoriel,
mais dans un souci d'équité ainsi qu'au regard de l'incidence sur les
entreprises du secteur et, par là, de l'emploi.
Ma dernière remarque sur le champ des prélèvements relevant de la solidarité
nationale concerne ceux qui frappent les retraités. Ce qui me gêne, c'est que
la constitution de la pension repose sur des cotisations perçues sur le revenu
du travail exécuté pendant la vie active. Ainsi, actuellement, on taxe le
produit de taxes.
Le nouveau regard porté sur l'implication de l'Etat dans la vie économique du
pays accompagne l'évolution de notre société. Néanmoins, ces exigences doivent,
mutatis mutandis
, être expliquées. Que considèrent les Français quand on
leur présente un train de mesures ? Ce qui changera dans leur vie
quotidienne.
La suppression d'un avantage ne sera pas acceptée si, à côté, subsiste un abus
ou ce qui est perçu comme un abus. Un effort, fût-il différent dans sa nature
selon les catégories auxquelles il est demandé, ne sera consenti que s'il est
légimité.
Les mutations sont moins douloureuses lorsqu'elles sont accompagées de
beaucoup de pédagogie, dénuées de régidité et fondées en justice. C'est à cela
qu'il faut, aussi, se consacrer, avec la même énergie que celle qui est
déployée pour la conception des avancées.
La Gouvernement conduit la politique de la France, mais c'est le rôle du
Parlement de l'infléchir.
M. le président.
La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal qui
ronge notre pays, c'est bien le chômage, c'est cette peur de l'avenir, c'est
cette crise profonde d'identité de la société française. C'est encore, plus
simplement, ce que les élus territoriaux, que la plupart d'entre nous sommes,
vivent tous les jours : une perte de confiance de nos concitoyens dans la
capacité même qu'aurait la France à conduire son redressement, à réduire les
inégalités, à améliorer leur vie quotidienne.
Ce manque de confiance rejaillit immanquablement sur l'ensemble des dirigeants
de ce pays, qu'ils appartiennent au monde politique, au monde économique ou au
monde social. Si je dis cela, c'est pour rendre hommage, monsieur le ministre,
à l'action courageuse du Gouvernement, qui est aussi la vôtre, car il faut du
courage pour mener toute action à son terme, et le courage n'est jamais reconnu
sur le moment, surtout dans notre société.
Cependant, dans de tels moments, tout homme politique a sans cesse besoin de
se confronter au principe de réalité, de se demander s'il n'y a pas de
contradiction entre les objectifs ou les priorités affichés et les méthodes ou
les moyens envisagés. La préparation et la discussion du budget de la nation
doivent être, pour nous tous, l'occasion privilégiée de se poser cette
question.
Vous avez précisé une direction et vous avez dégagé des priorités. Qui
pourrait les contester ?
Considérant que le chômage et la fracture sociale sont les fléaux de notre
pays, vous avez estimé que votre premier devoir était de procéder à de
profondes réformes de structures. Le présent projet de loi de finances et le
projet de loi de financement de la sécurité sociale en sont la traduction :
c'est la réduction des déficits publics ; c'est la maîtrise des dépenses de
santé, la remise en ordre et la modernisation de la gestion des régimes de
protection sociale ; c'est le frein à l'inflation de la fonction publique ;
c'est l'engagement de la lutte contre certains privilèges par une meilleure
équité fiscale ; c'est le coup d'arrêt donné à la dérive financière de
certaines grandes entreprises publiques ou du système bancaire. Je ne cite là
que les réformes les plus marquantes.
La situation politique d'aujourd'hui offre les conditions d'une parfaite
cohésion entre la plus haute autorité de l'Etat et l'exécutif gouvernemental, à
la différence de ce qui prévalait durant la période précédente, lors de la
cohabitation. Cette situation permettait non seulement d'augurer une conduite
plus facile de ces réformes fondamentales, mais également d'espérer un accueil
plus favorable. Hélas, la situation du pays telle que nous l'avons trouvée en
1993, la formidable montée des corporatismes et le sacro-saint principe des
avantages acquis ont brutalement contrarié cette volonté de réforme, que nous
partageons tous avec vous, monsieur le ministre.
Mais si le cap politique est clairement affiché, il me semble que les Français
se posent quelques questions.
Ainsi l'ampleur et le nombre des chantiers engagés les a manifestement laissés
perplexes et, s'ils y adhèrent globalement, ils doutent que ces chantiers
puissent être menés à terme en même temps et constatent bien souvent que ce
doute est justifié.
A cela s'ajoute l'interrogation, non exprimée ou non formulée, sur le coût
pour la France de la construction européenne et de l'ouverture future de
l'Union à d'autres pays.
A côté de ces interrogations ressenties plus que perçues par les Français, il
en est d'autres plus immédiates, plus quotidiennes, qui ne manquent pas, qu'on
le veuille ou non, d'être alimentées par certains aspects des dispositions
budgétaires.
J'aurais préféré, c'est certain, une baisse de la TVA ou de la TIPP, plus
significative vis-à-vis des ménages. Tout le monde s'accorde, certes, sur la
nécessité de mettre de l'ordre dans les aides à l'emploi ou au logement, mais
tout le monde s'interroge aussi sur la diminution ou le réaménagement des
crédits dans ces domaines, qui affectent directement les familles. La
limitation des aides à la scolarisation a jeté l'émoi dans les populations et
la déductibilité partielle de la CSG ne convainc pas encore.
Les moyens, toujours considérables, alloués à l'éducation nationale
apparaissent souvent avant tout comme un moyen de rassurer les personnels, ce
qui laisse d'ailleurs dubitatif, alors que l'amélioration des performances de
notre système d'enseignement ne sont pas encore, pour l'instant, évidentes tant
l'inertie dudit système est grande.
Enfin, et vous vous étonneriez que je n'aborde pas ce sujet, la politique
d'aménagement du territoire continue, à mon sens, à être sacrifiée, au point
d'ailleurs que les deux commissions compétentes, à l'Assemblée nationale et au
Sénat, ont commencé par réserver les crédits. Cela a plusieurs conséquences.
La crédibilité des travaux importants déjà réalisés ou engagés à la suite de
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
risque d'en être affectée. Certes, le plan de relance pour la ville et
l'institution des zones franches constituent à l'évidence des avancées, mais
l'étalement des contrats de plan et la diminution des fonds divers concourant à
l'aménagement du territoire sont des éléments d'inquiétude.
Dans tous les secteurs, urbains, périurbains ou ruraux, l'organisation des
services inquiète aussi le citoyen. Celui-ci a l'impression, à tort ou à
raison, qu'ils ne cessent de se dégrader, en qualité comme en quantité.
L'hyperconcentration urbaine de la région parisienne renchérit à outrance les
coûts d'investissement, sans améliorer pour autant de façon significative la
vie quotidienne des Franciliens, qui sont d'ailleurs trop souvent otages de ces
mêmes services publics.
Tous les mécanismes régulateurs au sein de l'Etat paraissent voués à une
certaine inefficacité tant les réflexes centralisateurs sont encore forts,
malgré la volonté affichée de déconcentration de l'Etat.
Comment, par ailleurs, faire en sorte de maintenir notre capacité
d'investissement ?
Devant la réduction de nos marges de manoeuvre, du fait de l'urgence sociale à
tous les niveaux, la politique d'aménagement du territoire devrait compter
parmi les instruments permettant de procéder aux bons choix au meilleur coût,
notamment par l'effet de levier que devrait constituer son budget, tous
ministères confondus. Or qui peut nier que les crédits affectés aujourd'hui à
cette politique concourent à une oeuvre plus curative que préventive ?
Je lis parfois que la politique des investissements publics ne doit plus être
considérée comme l'instrument privilégié de la politique de l'emploi. Je suis
profondément choqué par de telles affirmations quand je considère les effets
que peut avoir dans nos départements une baisse de nos capacités de
financement.
Monsieur le ministre, un appel général a été lancé par le Gouvernement à
l'ensemble de ses partenaires pour contribuer à l'effort de réduction des
dépenses publiques. Les collectivités territoriales, principaux partenaires de
l'Etat, en charge de véritables missions de service public, sont directement et
explicitement concernées par cette très forte sollicitation. On pourrait même
dire qu'elles sont aujourd'hui dans l'oeil du cyclone puisque pas un jour ne
passe sans que soit dénoncée la dérive des finances locales et, plus
particulièrement, de la fiscalité locale. Il y a là un mauvais procès.
La réalité doit être connue en ce qui concerne l'évolution des charges et des
recettes des collectivités territoriales. Cela a déjà été dit par les orateurs
précédents, mais il me paraît important de le souligner à nouveau.
Tous les rapports d'évaluation, celui de l'Observatoire des finances locales
présenté par notre collègue M. Paul Girod, comme celui de la commission
consultative sur l'évaluation des charges démontrent, en ce qui concerne les
seuls domaines des compétences transférées, qu'un décrochage certain s'est
produit entre la compensation due et la compensation réellement versée depuis
les années 1990-1991 et suivantes.
Tous conviennent que la multiplication des dégrèvements ou exonérations de
charges fiscales décidées par l'Etat, notamment en faveur des entreprises, a
abouti à une explosion des masses financières théoriquement dues en
compensation - entre 40 milliards et 50 milliards de francs - et qui ne sont
que partiellement reversées.
M. René Régnault.
Tout à fait !
M. Jean Puech.
Cela engendre des situations un peu pénibles car, chaque année, les
collectivités territoriales ont le sentiment d'être prises en otage.
Sur ce thème, s'agissant des dispositions du projet de loi de finances
relatives aux collectivités locales, je suis, comme beaucoup ici, très
satisfait, bien évidemment, de la suppression par l'Assemblée nationale du
paragraphe V de l'article 20, qui aboutissait à réduire de plus de la moitié le
montant de la compensation versée au titre de la réduction de taxe
professionnelle pour l'embauche et l'investissement, la REI.
De même, en ce qui concerne l'étalement du paiement du solde de la
compensation des pertes de ressources résultant de la réduction de 35 % des
droits de mutation, je regrette que l'Etat ne soit pas en mesure de respecter
ses engagements initiaux, à savoir le versement de la totalité de la
compensation due aux départements qui enregistreraient une perte de recettes en
début d'année 1997.
Le dossier relatif aux fonds départementaux de péréquation de la taxe
professionnelle n'est toujours pas réglé, malgré quelques récentes
améliorations.
Cela pose le problème du pacte de stabilité financière : nous ne sommes jamais
allés jusqu'au bout de sa logique, reconnaissons-le, notamment dans le domaine
de la création et de l'évaluation des charges non compensées.
Certes, les fractures sociales et territoriales sont bien des réalités. Il
faut donc s'efforcer de répondre à ce profond sentiment d'angoisse, ce à quoi
vous vous employez, comme tous les élus.
Mais nous ne pouvons continuer d'y répondre selon les procédures actuelles,
car celles-ci entraînent la création de charges pour les collectivités
territoriales, selon des mécanismes que je qualifierai d'insidieux et que tous
ici connaissent. Ils sont simples : l'Etat, par la voie tant législative que
réglementaire, décide seul d'un programme d'action, dans quelque domaine que ce
soit, arrête unilatéralement sa participation financière et affirme, ou fait
dire publiquement, qu'il faudra bien trouver les compléments de financement
ailleurs.
Bien sûr, il n'ajoute que très rarement que sa participation procède tout
simplement de redéploiement. En revanche, il précise toujours que les
collectivités sont libres ou non de participer ! En quelque sorte, si nous,
élus locaux, ne répondons pas à l'urgence sociale, c'est notre responsabilité
qui est mise en cause ! C'est ce que l'on appelle du « volontariat obligatoire
».
Les exemples foisonnent : les multiples plans en faveur de l'emploi, de la
prévention sanitaire, du logement ; le plan de relance pour la ville ; celui
qui est en projet pour l'avenir du monde rural ; ou encore l'épisode récent
relatif à la prise en charge de l'équarrissage.
M. René Régnault.
Eh oui !
M. Jean Puech.
Je salue l'initiative qui a été prise - je la trouve excellente - de soumettre
tout projet de loi à une étude d'impact technique et financière.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Jean Puech.
J'ai une demande insistante à formuler, c'est que cette instruction soit
respectée à la lettre. A ma connaissance, de nombreux textes ne sont pas
accompagnés de cette étude d'impact ; je pense notamment à l'avant-projet de
loi sur la cohésion sociale.
Au risque de m'éloigner du débat budgétaire, au sens strict, qui nous occupe -
mais je ne le crois pas - je tiens à souligner que l'on ne peut demander aux
collectivités territoriales d'accomplir un effort significatif de maîtrise de
leurs dépenses dans ces conditions. On porte atteinte non seulement à leurs
forces vives d'initiatives locales, mais également aux principes mêmes de la
décentralisation. Même si les collectivités territoriales n'augmentent pas leur
pression fiscale, ce qui constitue déjà un effort considérable, elles ont alors
de nouveau recours à l'emprunt.
Telle est la raison pour laquelle nous ne pouvons admettre que, de projet de
loi en projet de loi, on acte, de fait, de nouvelles répartitions de
compétences, des créations de charges. On multiplie à nouveau les financements
croisés et c'est à une relative reconcentration des vrais pouvoirs de décision
à laquelle nous assistons sous l'égide de l'administration d'Etat.
Désormais, l'exercice de clarification des compétences doit constituer un
préalable absolu à tout engagement nouveau et conjoint de mission de service
public entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cela représente
également un facteur d'économie. C'est ce qui nous importe aujourd'hui. C'est
d'ailleurs, me semble-t-il, ce qui est vivement souhaité au travers de tous les
rapports sectoriels établis par la Cour des comptes ces dernières années.
En conclusion, ce projet de budget pour 1997 m'inspire plusieurs réflexions :
des directions et des objectifs clairs et que nous partageons tous dans votre
majorité ; des orientations politiques particulières, notamment en matière
fiscale, que nous aurions pu discuter en termes de priorités et de mesures
nouvelles ; des inquiétudes parfois grandes sur quelques chapitres, notamment
en matière d'aménagement du territoire, qui intéressent directement la vie
quotidienne de nos concitoyens ; enfin, une insuffisante appréciation du choix
de l'Etat sur l'évolution des dépenses publiques des principaux partenaires que
sont les collectivités territoriales.
Les discussions qui auront lieu dans les jours à venir nous permettront de
progresser encore sur ces questions, complétant ainsi heureusement l'oeuvre
courageuse que vous nous proposez et pour laquelle, vous le savez, vous avez
toute notre confiance et tout notre soutien.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
détention provisoire.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 99, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
6
dépôt de propositions de loi
M. le président.
J'ai reçu de M. Serge Mathieu une proposition de loi tendant à reconnaître
officiellement le caractère de journée nationale du souvenir et du
recueillement à la date du 16 octobre, anniversaire du transfert du soldat
inconnu d'Algérie à Notre-Dame-de-Lorette.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 95, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt, Jacques Dominati,
Jean-Paul Emin, James Bordas, François Gerbaud, Marcel-Pierre Cléach, Ambroise
Dupont, Mme Nelly Ollin, MM. Serge Franchis, Michel Doublet, Roger Besse, Rémi
Herment, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean Clouet, Jean-Pierre Schosteck,
André Egu, Nicolas About, Alain Gournac, Michel Pelchat, Bernard Barbier
Jacques Delong, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de Cossé-Brissac, François
Trucy, Michel Caldaguès, Emmanuel Hamel, François Mathieu, Edmond Lauret, Roger
Husson, Martial Taugourdeau, Jean Bernard, Charles Ginésy, Jean Pourchet, Alain
Gérard, Robert Calmejane, Philippe de Gaulle, Christian Demuynck et Alain
Vasselle une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle des
certificats d'hébergement.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 96, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt, Jacques Dminati,
Jean-Paul Emin, James Bordas, François Gerbaud, Marcel-Pierre Cléach, Ambroise
Dupont, Mme Nelly Ollin, MM. Serge Franchis, Michel Doublet, Roger Besse, Rémi
Herment, Louis-Ferdinant de Rocca Serra, Jean Clouet, Jean-Pierre Schosteck,
André Egu, Nicolas About, Alain Gournac, Michel Pelchat, Bernard Barbier,
Jacques Delong, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de Cossé-Brissac, François
Trucy, Michel Caldaguès, Emmanuel Hamel, François Mathieu, Edmond Lauret, Roger
Husson, Martial Taugourdeau, Jean Bernard, Charles Ginésy, Jean Pourchet, Alain
Gérard, Robert Calmejane, Philippe de Gaulle, Christian Demuynck et Alain
Vasselle une proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs des agents de
contrôle des organismes mentionnés aux articles L. 243-7 et L. 216-6 du code de
la sécurité sociale dans la lutte contre le travail clandestin.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 97, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au maintien des liens entre frères
et soeurs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 98, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- projet de proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un
accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le
Royaume de Norvège concernant la coopération douanière.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-736 et
distribuée.
9
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Lambert, rapporteur général, un rapport fait au nom de
la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 85, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 86 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 92 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la
proposition de résolution de Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme
Danielle Bidart-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle
Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et
Ivan Renar tendant à créer une commission d'enquête sur la situation du crédit
foncier de France (n° 508, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 93 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la
proposition de résolution de Mme Hélène Luc, MM. Claude Billard, Paul Loridant,
Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, Michelle Demessine, MM. Guy Fischer,
Félix Leyzour, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar tendant à
créer une commission d'enquête sur la situation du groupe Thomson et les
conditions de sa privatisation (n° 47, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 94 et distribué.
10
DÉPÔT D'AVIS
M. le président.
J'ai reçu de MM. Philippe Nachbar, Marcel Vidal, Ambroise Dupont, Jean
Bernadaux, Albert Vecten, Jean-Pierre Camoin, Jean-Louis Carrère, Pierre
Laffitte, François Lesein, Jean-Paul Hugot, Alain Gérard, James Bordas et
Jacques Legendre un avis présenté au nom de la commission des affaires
culturelles sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 87 et distribué.
J'ai reçu de MM. Alain Pluchet, Josselin de Rohan, Henri Revol, Aubert Garcia,
francis Grignon, Jean Besson, Jean-Marie Rausch, Jean-Jacques Robert, Louis
Minetti, Michel Souplet, Jean Pépin, Jean Boyer, Jacques Braconnier, William
Chervy, Mme Josette Durrieu, MM. Charles Ginésy, Bernard Hugo, Georges Berchet,
Jean-François Le Grand, Jacques Rocca Serra, Pierre Hérisson, Rodolphe Désiré
et Gérard Larcher un avis présenté au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 88 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Dulait, Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean
Faure, Michel Alloncle, Serge Vinçon, Hubert Falco et André Boyer un avis
présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 89 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Louis Boyer, Paul Blanc, Louis Souvet, Jean
Madelain, Bernard Seillier, Marcel Lesbros, Pierre Lagourgue et Jacques
Bimbenet un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le
projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85,
1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 90 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Bohl, Paul Masson, René-Georges Laurin, Germain Authié,
Georges Othily, Michel Rufin, François Blaizot et Jean-Marie Girault un avis
présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet
de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85,
1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 91 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 22 novembre 1996, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Discussion générale (suite).
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
Personne ne demande plus la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 22 novembre 1996, à zéro heure
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DATE |
DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI |
DURÉE PRÉVUE |
---|---|---|
Jeudi 21 novembre 1996 |
||
A 16 heures et le soir. | Discussion générale | 6 h 30 |
Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie, à 16 heures. |
||
Vendredi 22 novembre 1996 |
||
A 9 h 30. Nota. - La commission des finances se réunira l'après-midi pour l'examen des amendements à la première partie. |
Discussion générale (suite et fin) | 2 h 30 |
Lundi 25 novembre 1996 |
||
A 10 heures, à 15 heures et le soir. | Examen des articles de la première partie | 10 h 30 |
Mardi 26 novembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. | Examen des articles de la première partie (suite) | 11 heures |
Mercredi 27 novembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La discussion relative aux affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 32. |
Examen de l'article 32 : évaluation du prélèvement européen opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin) |
3 heures |
. | Eventuellement seconde délibération sur la première partie | 8 heures |
. | Explications de vote sur l'ensemble de la première partie. Scrutin public ordinaire de droit | . |
Jeudi 28 novembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. |
Intérieur et décentralisation : |
|
. | Décentralisation | 3 heures |
. | Fonction publique et réforme de l'Etat | 1 h 30 |
. |
Travail et affaires sociales : |
|
. | I. - Travail (+ articles 94 à 97) | 3 heures |
. |
II. - Santé publique et services communs III. - Action sociale et solidarité (+ article 98) |
3 heures |
. |
En outre, dans l'après-midi : discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. |
|
Vendredi 29 novembre 1996 |
||
A 9 h 30 et à 15 heures. | Anciens combattants et victimes de guerre (+ articles 85 et 86) | 2 heures |
. |
Services du Premier ministre : |
|
. | I. - Services généraux | 1 heure |
. | II. - Secrétariat général de la défense nationale | 0 h 20 |
. | III. - Conseil économique et social | 0 h 10 |
. | IV. - Plan | 0 h 30 |
. | Budget annexe des Journaux officiels | 0 h 10 |
. | Environnement | 2 heures |
. |
Intérieur et décentralisation : |
|
. | Sécurité | 2 heures |
Lundi 2 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. | Outre-mer (+ article 93) | 4 heures |
. | Culture | 3 heures |
. |
Industrie, poste et télécommunications : |
|
. | II. - Poste, télécommunications et espace | 1 h 30 |
. | Charges communes (+ articles 88 et 89) | . |
. | Comptes spéciaux du Trésor (articles 42 à 45, 45 bis, 46 à 53) | 1 h 15 |
. | Services financiers (et consommation) | 1 heure |
. | Budget annexe des Monnaies et médailles | 0 h 10 |
Mardi 3 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. |
Education nationale, enseignement supérieur et recherche : |
|
. | I. - Enseignement scolaire | 3 h 30 |
. | II. - Enseignement supérieur | 3 heures |
. | III. - Recherche | 2 heures |
. | Jeunesse et sports | 2 h 30 |
. |
A 15 heures : hommage solennel rendu à André Malraux. |
|
Mercredi 4 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. |
Défense : |
|
. |
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 38). |
|
. | Dépenses ordinaires (article 37) | 3 h 30 |
. |
Affaires étrangères et coopération : |
|
. | I. - Affaires étrangères (et francophonie) | 4 heures |
. |
Industrie, poste et télécommunications : |
|
. | I. - Industrie | 2 heures |
. | Commerce extérieur | 1 h 30 |
Jeudi 5 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 16 heures et le soir. | Budget annexe des prestations sociales agricoles | 1 h 30 |
Nota. - La commission des finances se réunira à 14 h 30 pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie. |
Agriculture, pêche et alimentation (+ articles 83, 83
bis,
83
ter
et 84)
|
4 heures 2 h 30 2 heures |
. |
A 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement. |
|
Vendredi 6 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. |
Equipement, logement, transports et tourisme : |
|
Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie à 17 heures. | I. - Urbanisme et services communs |
1 heure |
. |
II. - Transports :
|
2 h 30 1 h 30 |
. | III. - Logement (+ article 92) | 2 h 30 |
. |
IV. - Mer : |
|
. |
Marine marchande Ports maritimes |
2 heures |
. | V. - Tourisme | 1 h 30 |
Samedi 7 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir. |
Affaires étrangères et coopération : II. - Coopération |
2 h 30 |
. | Commerce et artisanat (+ articles 90, 91 et 91 bis ) | 2 heures |
. | Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; crédits d'aide à la presse inscrits au budget de la poste, des télécommunications et de l'espace ; article 58 et lignes 47 et 48 de l'état E annexé à l'article 54) |
2 heures |
. |
Eventuellement discussions reportées. |
|
Lundi 9 décembre 1996 |
||
A
9 h 30,
à
16 heures
et le soir.
|
Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération Justice Articles de la deuxième partie non joints aux crédits |
0 h 20 3 heures 6 h 30 |
Mardi 10 décembre 1996 |
||
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. |
Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième
partie non joints aux crédits.
|
RAPPEL DES DÉCISIONS DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DU 5 NOVEMBRE 1996 CONCERNANT LES MODALITÉS DE DISCUSSION ET DE RÉPARTITION DES TEMPS DE PAROLE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
Le jeudi 21 novembre 1996, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;
La veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;
Le vendredi 6 décembre 1996, à 17 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.
2° La répartition des temps de parole, pour chacune des discussions prévues, est fixée comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
15 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;
10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
5 minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;
b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à 5 minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;
5 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes a été réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il a été attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible est au moins égal à 1 h 30, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;
- lorsque le temps global disponible est inférieur à 1 h 30, la répartition s'effectue uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution n'est inférieure à cinq minutes.
Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, ont été communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il a été attribué un temps de 10 minutes à chaque groupe et un temps de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe est de 15 minutes et celui attribué à la réunion administrative est de 5 minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.
Rapporteurs spéciaux :
BUDGETS |
RAPPORTEURS SPÉCIAUX |
---|---|
I. - BUDGETS CIVILS |
|
A. - Budget général |
|
Affaires étrangères et coopération : |
|
Affaires étrangères | M. Jacques Chaumont. |
Coopération | M. Michel Charasse. |
Agriculture, pêche et alimentation | M. Joël Bourdin. |
Aménagement du territoire, ville et intégration : I. - Aménagement du territoire |
M. Roger Besse |
II. - Ville et intégration | M. Philippe Marini. |
Anciens combattants et victimes de guerre | M. Jacques Baudot. |
Commerce et artisanat | M. René Ballayer. |
Communication audiovisuelle | M. Jean Cluzel. |
Culture | M. Maurice Schumann. |
Economie et finances : |
|
Charges communes | M. Claude Belot. |
Services financiers | M. Alain Richard. |
Commerce extérieur | Mme Maryse Bergé-Lavigne. |
Education nationale, enseignement supérieur et recherche : |
|
I. - Enseignement scolaire | M. Jacques-Richard Delong. |
II. - Enseignement supérieur | M. Jean-Philippe Lachenaud. |
III. - Recherche | M. René Trégouët. |
Environnement | M. Philippe Adnot. |
Equipement, logement, transports et tourisme : |
|
I. - Urbanisme et services communs | M. Henri Collard. |
II. - Transports : |
|
Transports terrestres | M. Auguste Cazalet. |
Routes et sécurité routière | M. Gérard Miquel. |
Transport aérien et météorologie | M. Yvon Collin. |
III. - Logement | M. Henri Collard. |
IV. - Mer : |
|
Marine marchande | M. René Régnault. |
Ports maritimes | M. Marc Massion. |
V. - Tourisme | M. Paul Loridant. |
Fonction publique et réforme de l'Etat | M. Philippe Marini. |
Industrie, poste et télécommunications : |
|
I. - Industrie | M. Bernard Barbier. |
II. - Poste, télécommunications et espace | M. René Trégouët. |
Intérieur et décentralisation : |
|
Sécurité | M. Guy Cabanel. |
Décentralisation | M. Michel Mercier. |
Jeunesse et sports | M. Jean-Pierre Masseret. |
Justice | M. Hubert Haenel. |
Outre-mer | M. Roland du Luart. |
Presse | M. Jean Cluzel. |
Services du Premier ministre : |
|
I. - Services généraux | M. Henri Torre. |
II. - Secrétariat général de la défense nationale | M. Michel Sergent. |
III. - Conseil économique et social | M. Claude Lise. |
IV. - Plan | M. Michel Moreigne. |
Travail et affaires sociales : |
|
Travail | M. Emmanuel Hamel. |
Santé publique, action sociale et solidarité | M. Jacques Oudin. |
B. - Budgets annexes |
|
Aviation civile | M. Yvon Collin. |
Journaux officiels | Mme Marie-Claude Beaudeau. |
Légion d'honneur. - Ordre de la Libération | M. René Régnault. |
Monnaies et médailles | M. Alain Richard. |
Prestations sociales agricoles | M. Joël Bourdin. |
II. - DÉFENSE |
|
Exposé d'ensemble et dépenses en capital | M. Maurice Blin. |
Dépenses ordinaires | M. François Trucy. |
III. - AUTRES DISPOSITIONS |
|
Comptes spéciaux du Trésor | M. Yann Gaillard. |
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
BUDGETS |
RAPPORTEURS |
---|---|
Culture | M. Philippe Nachbar. |
Cinéma. - Théâtre dramatique | M. Marcel Vidal. |
Environnement | M. Ambroise Dupont. |
Enseignement scolaire | M. Jean Bernadaux. |
Enseignement agricole | M. Albert Vecten. |
Enseignement supérieur | M. Jean-Pierre Camoin. |
Enseignement technique | M. Jean-Louis Carrère. |
Recherche scientifique et technique | M. Pierre Laffitte. |
Jeunesse et sports | M. François Lesein. |
Communication audiovisuelle | M. Jean-Paul Hugot. |
Presse écrite | M. Alain Gérard. |
Relations culturelles, scientifiques et techniques | M. James Bordas. |
Francophonie | M. Jacques Legendre. |
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN
BUDGETS |
RAPPORTEURS |
---|---|
Agriculture | M. Alain Pluchet. |
Pêche | M. Josselin de Rohan. |
Aménagement rural | M. Henri Revol. |
Industries agricoles et alimentaires | M. Aubert Garcia. |
Industrie | M. Francis Grignon. |
Energie | M. Jean Besson. |
Recherche | M. Jean-Marie Rausch. |
P.M.E. - Commerce et artisanat | M. Jean-Jacques Robert. |
Consommation et concurrence | M. Louis Minetti. |
Commerce extérieur | M. Michel Souplet. |
Aménagement du territoire | M. Jean Pépin. |
Plan | M. Jean Boyer. |
Routes et voies navigables | M. Jacques Braconnier. |
Logement | M. William Chervy. |
Urbanisme | Mme Josette Durrieu. |
Tourisme | M. Charles Ginésy. |
Environnement | M. Bernard Hugo. |
Transports terrestres | M. Georges Berchet. |
Aviation civile et transport aérien | M. Jean-François Le Grand. |
Mer | M. Jacques Rocca Serra. |
Technologies de l'information et poste | M. Pierre Hérisson. |
Outre-mer | M. Rodolphe Désiré. |
Ville | M. Gérard Larcher. |
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
BUDGETS |
RAPPORTEURS |
---|---|
Affaires étrangères | M. André Dulait. |
Affaires étrangères, relations culturelles extérieures et francophonie | M. Guy Penne. |
Coopération | Mme Paulette Brisepierre. |
Défense. - Nucléaire, espace et services communs | M. Jean Faure. |
Défense. - Gendarmerie | M. Michel Alloncle. |
Défense. - Forces terrestres | M. Serge Vinçon. |
Défense. - Air | M. Hubert Falco. |
Défense. - Marine | M. André Boyer. |
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
BUDGETS |
RAPPORTEURS |
---|---|
Affaires sociales | M. Jean Chérioux. |
Santé | M. Louis Boyer. |
Ville et intégration | M. Paul Blanc. |
Travail, emploi et formation professionnelle | MM. Louis Souvet et Jean Madelain. |
Budget annexe des prestations sociales agricoles | M. Bernard Seillier. |
Anciens combattants | M. Marcel Lesbros. |
Départements et territoires d'outre-mer (aspects sociaux) | M. Pierre Lagourgue. |
Logement social | M. Jacques Bimbenet. |
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RE`GLEMENT ETD'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
BUDGETS |
RAPPORTEURS |
---|---|
Intérieur et décentralisation. - Décentralisation | M. André Bohl. |
Intérieur et décentralisation.- Police et sécurité | M. Paul Masson. |
Intérieur et décentralisation. - Sécurité civile | M. René-Georges Laurin. |
Justice. - Services généraux | M. Germain Authié. |
Justice. - Administration pénitentiaire | M. Georges Othily. |
Justice. - Protection judiciaire de la jeunesse | M. Michel Rufin. |
Départements d'outre-mer | M. François Blaizot. |
Territoires d'outre-mer | M. Jean-Marie Girault. |
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES
42 (1996-1997) de M. Joseph Ostermann relative à l'actualisation de certaines dispositions de l'article L.O. 133 du code électoral.