RATIFICATION D'UNE ORDONNANCE
RELATIVE AU STATUT GÉNÉRAL
DES FONCTIONNAIRES DE MAYOTTE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 56, 1996-1997)
portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 prise en
application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation relative au
statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes
et des établissements publics de Mayotte. [Rapport (n° 77, 1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué au logement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 5 septembre
1996 portant statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale,
des communes et des établissements de Mayotte, qui vous est soumis aujourd'hui,
répond à l'obligation qu'impose la procédure des ordonnances prévues à
l'article 38 de la Constitution.
Je tiens, tout d'abord, à remercier très chaleureusement le rapporteur, M.
François Blaizot, et la commission des lois pour le travail qu'ils ont bien
voulu accomplir, et à souligner combien le statut général des fonctionnaires de
Mayotte, publié le 11 septembre au
Journal officiel,
a été très bien
accueilli sur place, aussi bien par les agents eux-mêmes que par leurs
employeurs et les élus locaux.
Ainsi qu'il avait été exposé lors des travaux relatifs à la loi
d'habilitation, il s'agissait d'une demande ancienne de clarification et
d'unification du droit statutaire des agents publics locaux. Je ne puis que me
féliciter que la première étape de cette construction statutaire soit franchie
dans des conditions qui ont emporté la satisfaction de tous les interlocuteurs.
Le nouveau statut a, en particulier, reçu l'avis favorable du conseil général,
dont l'avis était requis, mais également celui des maires, dont l'analyse a été
recueillie avec une attention particulière.
Les orientations qui ont été présentées à cette tribune en janvier ont fait
l'objet d'un consensus. Le nouveau statut respecte le particularisme et les
contraintes d'un développement harmonieux de Mayotte, et confère aux
fonctionnaires locaux pleine qualité d'agents titulaires de droit public avec
les garanties protégeant leur carrière.
Je veillerai à ce que les textes d'application, dont la première vague
interviendra dès le premier semestre de l'année prochaine, soient réalisés dans
les mêmes conditions de rapidité et d'adéquation avec les exigences locales. Je
tiens, en particulier, à ce que les intégrations dans les nouveaux cadres de
fonctionnaires ainsi que la mise en route du centre de gestion, véritable clef
de voûte de la jeune fonction publique territoriale de Mayotte, interviennent
dans les meilleurs délais possibles.
Toutefois, il est une modification que le Gouvernement souhaite introduire dès
à présent. Elle répond sans doute à la seule véritable déception causée par ce
statut. Il s'agit de la dénomination des catégories hiérarchiques des
fonctionnaires que l'article 4 désigne par des niveaux chiffrés, comme
l'étaient les statuts primitifs de 1977. C'est bien volontiers que le
Gouvernement accède à la demande générale d'une désignation de ces catégories
par les lettres A, B, C et D, ce qui n'entraîne aucune conséquence juridique
sur la parfaite autonomie du statut général.
Je signale, par ailleurs, au sujet de cette autonomie, que des « passerelles »
pourront être instaurées dans les années à venir, lorsqu'une parfaite symétrie
de qualification et de correspondance hiérarchique aura été constatée entre les
fonctionnaires de Mayotte et leurs collègues de la métropole et des DOM. Il en
a été ainsi avec les autres fonctions publiques non soumises au titre Ier du
statut général des fonctionnaires de droit commun, c'est-à-dire à la loi du 13
juillet 1983.
Au nom de M. de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer, retenu à Cayenne, et
dont je vous prie d'excuser l'absence, je vous invite, en conséquence,
mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter le présent projet de loi de
ratification, qui, dans sonarticle 2 corrige, ainsi que je l'ai exposé,
l'article 4 de l'ordonnance.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 24 décembre
1976, adoptée à la suite de la consultation de la population en décembre 1974,
forme l'actuel statut de Mayotte. L'administration de cette collectivité
territoriale de la République s'est, depuis lors, poursuivie, sur la base des
textes de nature législative précédemment applicables au territoire d'outre-mer
des Comores.
Les lois nouvelles ne sont pas applicables à Mayotte - cela nous a été
rappelé tout à l'heure, à l'occasion de l'examen du texte précédent -, mais,
conformément aux dispositions générales prévues par la loi du 24 décembre 1976,
le Gouvernement a entrepris de moderniser les conditions de l'administration de
l'île en étendant et en adaptant progressivement les textes de notre arsenal
législatif par ordonnances.
C'est ainsi que, de 1990 à 1996, vingt-cinq ordonnances sont intervenues en
vue de rapprocher de notre droit commun la situation de cette collectivité
territoriale à statut particulier dans des domaines aussi divers que le budget,
les mesures fiscales et douanières, le droit pénal, le droit rural, le droit
social ou encore le travail, l'urbanisation et l'environnement.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons que féliciter le Gouvernement, notamment
votre collègue plus directement responsable de l'outre-mer, du travail
considérable qui a été accompli par les services compétents à l'occasion de ces
aménagements progressifs de la législation française aux besoins et aux
spécificités de Mayotte.
Parmi les domaines où une mise en ordre devait intervenir, le statut des
fonctionnaires du territoire, des communes - au nombre de dix-sept - qui le
composent et des établissements publics qui en dépendent - ce sont
principalement des syndicats intercommunaux - s'imposait à l'évidence, car la
situation de ces fonctionnaires, déterminée par des arrêtés préfectoraux
successifs, peu cohérents, est extrêmement confuse et les systèmes de
rémunération actuellement pratiqués sont très disparates.
C'est pourquoi le Parlement avait, par une loi du 5 février 1996, habilité le
Gouvernement à élaborer par ordonnance un statut général des fonctionnaires de
la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics qui
s'y rattachent « en tenant compte des adaptations nécessitées par leur
situation particulière ».
L'ordonnance devait être prise avant le 15 septembre 1996 et le projet de loi
de ratification devait être déposé avant le 2 novembre. Ce calendrier a été
respecté en ce qui concerne chacune de ces deux dates. Nous sommes donc tout à
fait dans l'esprit de la loi d'habilitation.
S'agissant de Mayotte, l'emploi, dans la loi d'habilitation, des termes «
statut général des fonctionnaires » et « adaptations nécessitées par sa
situation particulière » manifestait clairement l'orientation que le Parlement
souhaitait que le Gouvernement adopte dans la rédaction de l'ordonnance :
rester aussi proche que possible du statut de droit commun de la fonction
publique tout en l'adaptant en tant que de besoin.
Cette orientation se justifiait d'autant plus - il est bon de le rappeler -
que la loi du 24 décembre 1976, dans son article 1er, envisage clairement
l'hypothèse où Mayotte deviendrait ultérieurement un département d'outre-mer.
Du reste, il est de notoriété publique que cette hypothèse correspond au voeu
d'une partie importante de la population. A l'évidence, le jour où ce voeu
deviendrait réalité les textes applicables aux départements d'outre-mer se
trouveraient automatiquement applicables à Mayotte.
La loi d'habilitation prévoyait, au surplus, que le Gouvernement devrait
soumettre pour avis le projet d'ordonnance au conseil général de Mayotte. Cette
obligation a été remplie et la concertation qui en est résultée s'est révélée
particulièrement fructueuse.
Le texte de l'ordonnance du 11 septembre 1996, dont il appartient maintenant
au Parlement de prononcer la ratification, s'inscrit bien dans le cadre fixé
par la loi d'habilitation. Je n'analyserai ici que les dispositions
essentielles, me réservant d'aborder les autres dans la discussion des
articles.
Dès l'article 2, on trouve une définition précise des « fonctionnaires de
Mayotte ». C'était nécessaire, car l'expression recouvrait une diversité de
situations tout à fait anormale. Il s'agit des personnes nommées dans un emploi
permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations de
la collectivité territoriale ou des communes de Mayotte ainsi que des
établissements publics à caractère administratif en relevant.
L'article 3 prévoit, et il est bon qu'il en soit ainsi, car cela va modifier
les habitudes locales, que les emplois permanents des collectivités et
établissements en cause sont occupés par des fonctionnaires régis par ce
statut. Ces fonctionnaires sont recrutés par voie de concours. A titre
dérogatoire, des contractuels peuvent être recrutés, soit pour des missions à
caractère saisonnier ou occasionnel, mais pour une durée ne pouvant dépasser
six mois, soit pour remplir des fonctions non prévues dans le cadre d'emploi,
de tels contrats ne pouvant cependant dépasser une durée de trois ans et
n'étant pas renouvelables.
Je crois très sincèrement que des règles aussi strictes doivent permettre la
mise en place progressive d'une fonction publique d'une bonne homogénéité.
C'était évidemment le but recherché.
Ce statut est autonome ; il ne donne accès à ceux qu'il régit que dans les
seuls services des collectivités de Mayotte et ne comporte aucune passerelle
avec les fonctions publiques des autres territoires. Cette autonomie peut
paraître regrettable dans la mesure où elle cloisonne étroitement la fonction
publique de Mayotte - le conseil général l'a d'ailleurs regretté dans son avis
- mais elle paraît actuellement inévitable, dans la mesure où il est reconnu
que le niveau de formation des fonctionnaires de Mayotte est sensiblement
inférieur au niveau moyen rencontré dans les autres territoires. Ainsi, aucun
fonctionnaire de Mayotte n'a le niveau de la licence, qui caractérise, en
métropole, la catégorie A.
Néanmoins, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'article 2 du projet de
loi de ratification introduit dans le statut, et ce contrairement à l'article 4
de l'ordonnance, une hiérarchie A, B, C, D comparable à celle du statut
métropolitain. La catégorie A ne sera évidemment pas pourvue au moment de
l'intégration des personnes actuellement en place, qui n'ont pas le niveau de
formation requis, mais ce dispositif permettra une évolution qui pourrait
ultérieurement déboucher sur des équivalences et, par conséquent, des
passerelles entre les fonctionnaires de Mayotte et ceux des autres territoires
français, comme le conseil général en a émis le voeu.
Les règles relatives à la structure de la fonction publique de Mayotte, à son
recrutement, à son fonctionnement, aux droits et devoirs des fonctionnaires qui
la composent sont directement empruntées aux statuts de droit commun et
n'appellent pas de commentaires.
Quelques points particuliers pour lesquels il convient de prévoir une
évolution dans le temps sont renvoyés à des décrets en Conseil d'Etat. Cette
mesure est d'une grande sagesse, car nul ne peut prévoir aujourd'hui selon quel
calendrier les évolutions qui demeurent souhaitables pourront effectivement
avoir lieu. Au nombre de ces points particuliers, je citerai, entre autres, la
rémunération des fonctionnaires ou encore l'âge de la retraite.
Un élément important de ce statut mérite d'être mentionné, je veux parler de
la mise en place, à Mayotte, d'un centre de gestion unique, établissement
public auquel toutes les collectivités sont tenues d'adhérer et au financement
duquel elles contribuent par des cotisations proportionnelles aux charges de
personnel de chacune d'entre elles.
Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur le caractère novateur de cet
organisme ainsi que sur son importance pour le bon fonctionnement de la
fonction publique de Mayotte.
Ce centre de gestion a pour mission d'assurer le fonctionnement administratif
de la fonction publique de Mayotte, qu'il s'agisse des comités techniques
paritaires, des commissions paritaires, des conseils de discipline, des
concours de recrutement, de la formation ou de la tenue des dossiers
individuels des fonctionnaires.
Enfin, l'ordonnance organise l'intégration sous ce nouveau statut du personnel
en place. Ainsi, les agents ayant déjà la qualité de fonctionnaires seront
intégrés et reclassés sans difficulté ; les auxiliaires le seront également, en
fonction de leurs états de service ; les contractuels pourront l'être aussi
dans la mesure où ils satisferont aux conditions prévues par les statuts
particuliers.
En définitive, l'ordonnance du 5 septembre 1996 devrait permettre de résorber
les disparités qui rendaient impossible une administration régulière des
collectivités publiques de Mayotte et de mettre en place un statut qui assurera
progressivement l'homogénéité souhaitable entre la fonction publique de droit
commun et celle qui est propre aux collectivités de Mayotte.
L'avis émis par le conseil général - vous attiriez notre attention sur ce
point, monsieur le ministre, et nous ne pouvons que partager votre sentiment -
manifeste une attitude très clairvoyante et très responsable de l'assemblée
départementale à l'égard de ce projet de loi. Je suis convaincu, pour ma part,
qu'il sera, grâce à cet élément d'appréciation, bien accueilli et bien
appliqué. Il devrait donc remplir parfaitement son objet.
Quelques mises au point de détail ont paru nécessaires à la commission des
lois, qui vous présentera des amendements à cet effet.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, elle vous propose, mes chers
collègues, d'approuver le présent projet de loi de ratification.
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent
projet de loi de ratification n'appellera pas de ma part de longs
commentaires.
L'ordonnance du 5 septembre 1996, prise dans le cadre de l'habilitation
législative du 5 février 1996, institue donc un « statut général des
fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des
établissements publics de Mayotte ».
Dans son rapport, M. François Blaizot rappelle à juste titre, et je l'en
remercie très chaleureusement, que le recours à la procédure des ordonnances -
nous en avons connu vingt-cinq entre 1990 et 1996 - a permis à Mayotte
d'avancer dans le droit commun de la République, moyennant les adaptations
requises par nos spécificités.
L'ordonnance aujourd'hui soumise à validation a pour principal intérêt de
substituer progressivement un cadre général et homogène aux multiples
réglementations statutaires résultant de l'accumulation des arrêtés
préfectoraux qui ont été pris au fil des temps et au gré des besoins variables
des administrations locales.
D'où, pour les 5 000 agents territoriaux, titulaires ou non, une situation
contrastée et parfois confuse qui avait depuis longtemps conduit les élus de
Mayotte à réclamer une remise en ordre d'ensemble.
Ce premier résultat, fruit d'une large concertation avec le conseil général de
Mayotte, est appréciable, mais il appelle des développements ultérieurs.
Tout d'abord, l'existence de cette fonction publique mahoraise ne sera
effective qu'après établissement des statuts particuliers concernant les
différentes catégories de fonctionnaires à Mayotte.
Ces statuts ou « cadres d'emploi » nécessiteront sans doute des décrets en
Conseil d'Etat. Nous souhaitons la sortie aussi rapide que possible de ces
textes d'application.
De même, il nous paraît essentiel, pour le plein succès de la réforme, que
soit ouvert dans les meilleurs délais le « centre de gestion des cadres de
fonctionnaires de Mayotte » qui assurera, notamment, les formations de base ou
de qualification des agents. Les élus de Mayotte souhaitent, en effet, que des
« passerelles » permettent le passage, assorti de toutes les garanties de
compétence ou d'équivalences, de la fonction publique mahoraise aux autres
fonctions publiques territoriales. A cet effet, le conseil général avait
demandé et obtenu que les fonctionnaires de Mayotte soient classés en quatre
catégories A, B, C, D, comparables à celles qui s'appliquent aux agents des
collectivités locales métropolitaines.
En revanche, la proposition d'une mobilité ouverte n'a pas été retenue, au
motif que les niveaux de compétence technique sont différents. Je regrette que
cette option, suggérée par les élus mahorais, n'ait pas été adoptée, mais je
veux ici retenir que cette position, trop restrictive à mes yeux, « n'exclut
pas », pour reprendre les termes du rapport de M. Blaizot, « une évolution
souhaitable dans l'avenir ».
Il est donc important que les agents publics de Mayotte disposent, sur place,
de moyens adéquats de qualification, de formation continue et de
perfectionnement.
Pour le reste, l'ordonnance me paraît répondre aux problèmes posés ainsi
qu'aux exigences résultant des principes fondamentaux régissant la fonction
publique en métropole et dans les départements d'outre-mer, à savoir l'accès
par la voie du concours, les obligations des fonctionnaires et les garanties
qui leur sont assurées ainsi que l'intervention des instruments de gestion des
carrières et d'organisation des services.
J'approuve également les amendements adoptés par la commission, qui améliorent
le texte initial non seulement sur le plan rédactionnel, mais aussi pour ce qui
est de la précision de nombreuses dispositions, qui se trouve accrue.
En définitive, l'ordonnance du 5 septembre 1996 nous apparaît tout à la fois
comme un progrès et une ouverture sur l'avenir. Elle procède, en effet, d'une
volonté d'équilibre entre, d'une part, la transposition, encore limitée, mais
dynamique, des principaux dispositifs du droit de la fonction publique
métropolitaine et, d'autre part, le respect des grands principes et des règles
essentielles du service public.
Cette réforme, qui était depuis longtemps attendue, traduit en tout cas une de
nos préoccupations déjà anciennes : l'intégration de Mayotte dans la
République, mais dans le respect de nos particularismes. C'est pourquoi je vous
invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er