EXTENSION ET ADAPTATION À MAYOTTE
DE DISPOSITIONS DU CODE
DE LA SANTÉ PUBLIQUE
Adoption d'un projet de loi d'habilitation
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 57, 1996-1997)
d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la collectivité
territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre premier du livre
VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de
l'établissement public de santé territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du
statut de la caisse de prévoyance sociale. [Rapport n° 72, (1996-1997]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet
de loi d'habilitation que je soumets au vote de votre assemblée doit permettre
d'améliorer la protection sanitaire de nos concitoyens mahorais. Cet engagement
du Gouvernement nécessite la transformation en profondeur de l'organisation de
la santé dans la collectivité territoriale de Mayotte.
L'hôpital de Mayotte deviendra un établissement public de santé de droit
commun régi par la loi hospitalière. Il sera financé, pour la partie qui lui
incombe, par les crédits de l'assurance maladie.
En contrepartie, le Gouvernement souhaite poser les bases d'une évolution du
régime de prévoyance sociale de Mayotte en créant une cotisation santé et en
réformant le statut de la caisse de prévoyance sociale.
Avant d'exposer devant vous l'architecture du projet d'ordonnance et son
contenu technique, je rappellerai, en mon nom et au nom de mon collègue
Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer, le contexte politique
dans lequel s'inscrit le projet d'ordonnance.
Il s'agit de préparer l'avenir de Mayotte à l'horizon de l'an 2000. Le
Gouvernement s'est engagé dans la voie d'une mise à niveau juridique de la
collectivité, qui sera amenée à se déterminer avant la fin de la décennie sur
son statut.
La convention de développement économique et social signée le 5 avril 1995
doit permettre, notamment, d'améliorer la situation sanitaire à Mayotte. Un
chiffre illustre les efforts que nous devons accomplir : la dépense par
habitant s'élève à 654 francs dans la collectivité territoriale, contre 12 000
francs en métropole.
Cette convention prévoit une réforme globale du système de santé qui clarifie
les compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale : l'Etat prend
sous sa responsabilité le système hospitalier de l'île, alors que la
collectivité territoriale recentrera ses interventions sur les actions de santé
de proximité, comme la lutte antivectorielle ou l'éducation sanitaire.
La réorganisation du système de santé est très attendue à Mayotte. Pour que ce
texte puisse être effectif au 1er janvier 1997, le Gouvernement sollicite
l'autorisation de légiférer par ordonnance.
Le projet d'ordonnance réorganise le système de santé en appliquant la
législation nationale, tout en tenant compte des réalités locales qui
nécessitent des adaptations.
Il s'organise autour de trois orientations : créer un établissement public de
santé de droit commun ; réformer le financement de l'hôpital ; enfin, poser les
bases d'une future réforme de la protection sociale.
Tout d'abord, en créant un établissement public de santé de droit commun, le
projet d'ordonnance pose le principe de la compétence de l'Etat sur la
structure hospitalière de l'île.
A cet effet, le titre Ier de l'ordonnance vise tout d'abord à doter l'hôpital
de Mayotte du statut d'établissement public de santé de droit commun, régi par
la loi hospitalière réformée par l'ordonnance du 24 avril 1996. En conséquence,
les dispositions du titre Ier du livre VII du code de la santé publique ont été
étendues à la collectivité territoriale de Mayotte dans une très large
mesure.
Toutefois, la situation particulière de Mayotte a nécessité des adaptations
dans les domaines suivants : l'organisation interne de l'établissement et le
statut de son personnel.
Bien entendu, l'hôpital ne peut se priver de ces agents sans lesquels
l'établissement n'est plus en mesure de fonctionner. En effet, les personnels
non médicaux, notamment les infirmiers et les aides soignants, sont des agents
de la collectivité territoriale ; ils ne sont pas titulaires du diplôme d'Etat.
Le statut du personnel de l'établissement hospitalier doit donc être aménagé en
conséquence.
Il convient de noter, en outre, que l'agence régionale d'hospitalisation du
département de la Réunion en cours de constitution sera également compétente
pour l'hôpital de Mayotte.
L'hôpital de Mayotte fera donc dorénavant partie intégrante du réseau
hospitalier national.
Il s'agit là d'une avancée incontestable par rapport à la situation actuelle.
En effet, l'hôpital ne dispose pas aujourd'hui de statut juridique et son mode
de financement résulte d'une convention passée entre l'Etat et la collectivité
: l'Etat accorde un fonds de concours de 40 millions de francs pour l'ensemble
du dispositif sanitaire de l'île, dont 25 millions de francs sont affectés à
l'hôpital, tandis que la collectivité apporte par sa contribution pour 25
millions de francs.
La deuxième orientation importante a trait à la réforme du financement de
l'hôpital.
En tant qu'établissement public de santé de droit commun, l'hôpital voit ses
modalités et ses règles de financement considérablement modifiées.
Le titre II prévoit un double mécanisme de financement.
Il s'agit, d'abord, d'un financement de droit commun : la dotation globale de
fonctionnement des hôpitaux s'appliquera à Mayotte comme ailleurs. Ce
financement à la charge de l'assurance maladie représente environ 70 % des
dépenses hospitalières. Il correspond à la part représentée par les personnes
affiliées à la caisse de prévoyance sociale.
Il s'agit, ensuite, d'un financement dérogatoire et transitoire : il
représente 30 % du budget global et sera assuré par l'Etat et la collectivité
territoriale. Ce financement dérogatoire correspond aux frais d'hospitalisation
des non-assurés sociaux à la caisse de prévoyance sociale, qui resteront très
nombreux à Mayotte tant que la situation de l'immigration, en provenance des
Comores, n'aura pu être maîtrisée.
Ces dispositions seront précisées par voie réglementaire.
Enfin, la troisième orientation consiste à poser les bases d'une future
réforme de la protection sociale.
Le régime de protection sociale spécifique à Mayotte, hérité de l'ancien
territoire d'outre-mer des Comores, se compose d'un régime vieillesse-accident
du travail et d'un régime de prestations familiales, mais ne comporte pas de
régime d'assurance maladie. En conséquence, la médecine est gratuite pour les
habitants.
Dans ces conditions, le projet d'ordonnance prévoit, d'abord, le principe de
l'affiliation de droit de l'ensemble des personnes résidant à Mayotte à la
caisse de prévoyance sociale pour la couverture des frais hospitaliers,
ensuite, la création d'une cotisation « santé », à laquelle seront assujettis
résidents qui disposent d'un revenu monétaire, enfin, la réforme de la caisse
de prévoyance sociale.
J'évoquerai, en premier, lieu l'affiliation de droit au régime de prévoyance
sociale et de la création d'une cotisation santé.
Le titre II du projet d'ordonnance met fin au principe général de la gratuité
totale des soins. Il n'établit pas pour autant le paiement à l'acte, que la
plupart des habitants ne pourraient, du jour au lendemain, supporter. En effet,
chacun le sait, le taux de chômage est à Mayotte de l'ordre de 50 %.
Il organise, en contrepartie, l'accès de tous aux soins hospitaliers par
l'affiliation de droit à la caisse de prévoyance sociale.
Cette deuxième partie du projet d'ordonnance pourra constituer pour l'avenir
les bases d'un régime d'assurance maladie qu'il n'est matériellement pas
possible de créer immédiatement, compte tenu de la situation économique et
sociale à Mayotte.
J'évoquerai, en second lieu, la réforme de la caisse de prévoyance sociale son
statut actuel est trop ambigu et ne peut lui permettre de remplir les nouvelles
missions qui lui sont assignées dans le dispositif prévu par le projet
d'ordonnance.
La caisse de prévoyance sociale est destinée, en effet, à recevoir, par
l'intermédiaire de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, deux
types de financement : d'une part, la dotation globale de fonctionnement de
l'hôpital en provenance des régimes métropolitains et, d'autre part, le produit
de la cotisation santé.
Dans ces conditions, le Gouvernement a jugé nécessaire de transformer la
caisse de prévoyance sociale en l'équivalent d'une caisse primaire d'assurance
maladie, qui sera soumise au contrôle de l'Etat et de la Cour des comptes.
Tel est, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs
les sénateurs, l'ambitieux projet que, par cette ordonnance, le Gouvernement
souhaite mettre en oeuvre à Mayotte, afin de préparer l'avenir de ce territoire
et d'améliorer le système de soins, qu'il était temps de réformer.
Je vous invite, par conséquent, à adopter le présent projet de loi
d'habilitation.
Je me permettrai, en conclusion, d'évoquer un souvenir personnel : ayant
travaillé à Mayotte voilà une dizaine d'années, je suis particulièrement
heureux d'être, aujourd'hui, le membre du Gouvernement chargé de défendre ce
projet de loi devant la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi
d'habilitation que nous examinons aujourd'hui vise, sur le fondement de
l'article 38 de la Constitution, à autoriser le Gouvernement à légiférer par
ordonnance pour étendre à la collectivité territoriale de Mayotte la loi
hospitalière, en donnant à l'hôpital de Mayotte un statut proche du droit
commun, et pour réformer l'actuelle caisse de prévoyance sociale afin
d'instituer un financement des soins hospitaliers.
Naturellement, quand le Gouvernement demande au Parlement de l'autoriser à
légiférer par ordonnances, nous devons nous interroger sur l'opportunité et sur
l'utilité de l'habilitation, car celles-ci doivent rester exceptionnelles.
Quelle est aujourd'hui la raison de cette demande ?
Il faut d'abord constater que le recours aux ordonnances, en ce qui concerne
Mayotte, est de pratique courante depuis que le statut particulier de la
collectivité territoriale a été défini par la loi du 24 décembre 1976,
l'article 10 prévoit que les lois nouvelles ne sont applicables à Mayotte que
sur mention expresse, et l'article 7 autorisait le Gouvernement à prendre, par
ordonnances, avant le 1er juillet 1979, toutes mesures tendant à étendre et à
adapter les textes intervenus dans le domaine législatif et qui ne sont pas
applicables à Mayotte. Une nouvelle habilitation générale a été donnée par la
loi du 22 décembre 1979, puis par celle du 23 décembre 1989. Cette dernière
précisait d'ailleurs que le Gouvernement était autorisé à légiférer par
ordonnances, notamment dans le domaine de la santé publique, de la protection
sociale et du droit du travail. Trois ordonnances ont été prises dans ce
domaine : les ordonnances du 25 juin 1990 et du 1er octobre 1992, toutes deux
portant diverses dispositions législatives relatives à la santé publique, et
l'ordonnance du 5 septembre 1991, portant extension et adaptation à la
collectivité territoriale de Mayotte des titres Ier, II et III du code de la
famille et de l'aide sociale.
Le présent projet de loi d'habilitation s'inscrit donc dans une pratique
régulière qui, jusqu'à présent, a permis aux compétences respectives de l'Etat
et de la collectivité territoriale de Mayotte d'évoluer sans difficulté, avec
toute la souplesse nécessaire. Cette évolution se fait dans le sens d'un
alignement progressif sur le droit commun.
Mais le recours à une ordonnance, s'il est de pratique courante, est
aujourd'hui justifié par la volonté du Gouvernement de faire vite : vous
souhaitez, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous l'avez dit, définir le
nouveau cadre juridique dès janvier 1997, afin de mettre en place les nouvelles
structures tout au long de 1997.
Ce souci de faire vite répond aux engagements pris par M. le Premier ministre
le 24 novembre 1994 devant le conseil général de Mayotte. M. le Premier
ministre avait alors proposé un programme d'action concernant le fonctionnement
institutionnel et administratif ainsi que le développement économique et social
de la collectivité, à mettre en oeuvre dans le cadre de l'intégration du
territoire à l'ensemble national. L'adaptation de Mayotte aux normes
métropolitaines en matière de santé en fait partie.
Les conditions de cette évolution, pour ce qui concerne le volet économique et
social, ont été fixées par la convention de développement signée par l'Etat et
la collectivité territoriale le 5 avril 1995, en application de l'article 34 de
la loi du 25 juillet 1994, dite « loi Perben », tendant à favoriser l'emploi,
l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à
Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
La réforme qui nous est aujourd'hui proposée se situe donc dans le cadre de
l'évolution du statut de Mayotte, dans la perspective d'une éventuelle
départementalisation, en faveur de laquelle les Mahorais pourraient se
prononcer par voie de référendum avant l'an 2000, en vertu de la loi de 1979
sur les institutions de Mayotte. Elle vise à préparer cette collectivité
territoriale en tenant compte de ses spécificités géographiques et économiques,
et en respectant son identité culturelle et sociale.
Mais cette réforme du système de soins et son urgence ne sont pas seulement
justifiées par des raisons institutionnelles et politiques. La situation
sanitaire de la population mahoraise est, en effet, loin d'être satisfaisante
et nécessite une réorganisation rapide du système de soins ; la convention
Etat-Mayotte prévoit, à ce titre, le changement de statut de l'hôpital, une
réforme globale de son financement et la mise en place progressive d'un système
d'assurance maladie.
Quelle est, en quelques mots, cette situation ?
Mayotte, dont la population est estimée, en 1996, à 120 000 habitants, connaît
une progression démographique de 5,9 % par an. Le taux de natalité est de 42,9
, contre 12,5 en métropole, et plus de la moitié de la population a moins de
vingt ans. En outre, il y aurait plus de 20 000 clandestins, généralement des
Comoriens, difficilement identifiables, car il n'y a pas encore d'état civil
fiable. Le taux de chômage s'élève à 50 % et 5000 familles seraient en-dessous
du seuil de pauvreté.
L'état sanitaire de la population, bien qu'il ait été amélioré depuis vingt
ans, reflète cette situation. Ainsi, le taux de mortalité infantile est de 21 ,
trois fois celui de la métropole, 13 % des enfants scolarisés souffrent de
malnutrition et de graves pathologies infectieuses y sévissent : le paludisme,
la lèpre - 79 cas ont été dénombrés - la tuberculose, les maladies sexuellement
transmissibles et, depuis peu, le sida. Pour faire face à cette situation, il
n'y a qu'un hôpital, implanté sur deux sites, soit un total de 130 lits, et 17
dispensaires, dont 40 lits de maternité. L'activité gynéco-obstétrique est de
loin la plus importante. Quant au personnel, 30 % des 28 médecins sont des
volontaires de l'aide technique, et un nombre important d'infirmières et
d'aides soignantes ne sont pas diplômées d'Etat. Il s'agit donc d'un personnel
peu expérimenté ou dont les compétences sont inférieures à celles qui sont
exigées en métropole.
Par ailleurs, l'absence de certaines spécialités et l'insuffisance du plateau
technique contraignent à de coûteuses évacuations sanitaires vers la Réunion.
Lors de la préparation de ce rapport, il m'a été dit que le premier cardiologue
venait de s'installer et qu'il n'y avait pas encore d'ophtalmologiste.
Il est, en outre, évident que la collectivité territoriale n'a pas les moyens
de financer le système de soins, même défectueux. Elle les aura d'autant moins
que celui-ci sera réformé et amélioré, car il sera alors encore plus
coûteux.
Le projet de loi d'habilitation qui nous est aujourd'hui soumis traduit donc
juridiquement les engagements de l'Etat d'assumer pleinement ses
responsabilités en matière de santé, conformément à la convention du 5 avril
1995.
Il autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 31 janvier
1997, les dispositions nécessaires pour transposer, en l'adaptant, la loi
hospitalière à la collectivité territoriale de Mayotte, en érigeant l'hôpital,
qui n'a actuellement pas de statut juridique défini, en établissement public de
santé et en en tirant les conséquences quant au statut du personnel. Il
autorise également le Gouvernement à prendre par ordonnance, toujours avant le
31 janvier 1997, les dispositions nécessaires pour définir les conditions de
financement de l'établissement public de santé, ce qui suppose une réforme de
la caisse de prévoyance sociale.
Ces objectifs sont fixés par l'article 1er du projet de loi d'habilitation,
qui précise, en outre, que le projet d'ordonnance sera soumis pour avis au
conseil général de Mayotte.
L'article 2 dispose que le projet de loi de ratification, accompagné de l'avis
du conseil général de Mayotte, sera déposé devant le Parlement au plus tard le
15 mars 1997.
La commission des affaires sociales a considéré que le champ de l'habilitation
était suffisamment défini et qu'il n'y avait donc pas lieu de le préciser
davantage.
L'avant-projet d'ordonnance, que vous avez bien voulu transmettre à la
commission, monsieur le secrétaire d'Etat, comprend une quarantaine d'articles
regroupés en trois titres et correspond tout à fait au champ de
l'habilitation.
Naturellement, il n'y a pas lieu ici de les examiner les uns après les autres.
Aussi, je me bornerai à en reprendre les grandes lignes, sur lesquelles vous
vous êtes déjà exprimé.
Le titre Ier du projet d'ordonnance étend et adapte le titre Ier du livre VII
du code de la santé publique à la collectivité territoriale de Mayotte. Il
transforme l'hôpital actuel en un établissement public de santé, relevant de la
compétence de l'Etat. En conséquence, la loi hospitalière, modifiée
dernièrement par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de
l'hospitalisation publique et privée, est transposée, à l'exception des
dispositions relatives aux établissements privés, aux expérimentations et aux
établissements spécifiques.
Les autres dispositions s'appliquent, sous réserve de quelques adaptations en
fonction des réalités locales : ainsi, il est précisé que l'agence régionale de
l'hospitalisation est celle de la Réunion, sous réserve d'une adaptation de la
composition de sa commission exécutive lorsqu'elle intervient sur des questions
relatives à Mayotte. Les missions de l'établissement relevant des
établissements sociaux et médico-sociaux sont écartées, faute de régime d'aide
sociale. Certaines dispositions spécifiques concernant, par exemple, les centre
antipoison, l'accueil des personnes incarcérées, les communautés
d'établissements ou les conférences sanitaires de secteur sont également
écartées, car elles n'ont pas matière à s'appliquer.
Par ailleurs, le statut du personnel - point très important - est défini par
l'ordonnance : celle-ci reprend le statut général des fonctionnaires mais
l'aménage, d'une part, pour maintenir le statut et l'emploi des personnels
non-médecins de la collectivité territoriale, même non titulaires d'un diplôme
d'Etat, et, d'autre part, pour favoriser l'accueil de personnels médicaux et
non médicaux de métropole ou des départements d'outre-mer afin d'élever le
niveau de l'équipe hospitalière. Les conditions d'exercice du droit
d'expression des personnels sur leurs conditions de travail sont renvoyées au
règlement intérieur. Enfin, les relations avec les dispensaires sont précisées,
l'hôpital pouvant disposer d'antennes dans quelques-uns d'entre eux. D'une
façon générale, les adaptations visent à donner plus de souplesse qu'en
métropole au fonctionnement de l'établissement public de santé.
Le titre II concerne le financement de l'établissement public. Relevant
désormais de l'Etat, l'hôpital sera financé par une dotation globale de
fonctionnement. En contrepartie, le projet d'ordonnance crée une cotisation
santé, assise sur les revenus du travail, limitée à la couverture des soins
hospitaliers, à l'exclusion donc des soins dispensés dans le secteur libéral.
Toute personne résidant à Mayotte, y compris les fonctionnaires, y sera
assujettie. Son rendement est évalué à 15 millions de francs. Les soins seront
totalement gratuits, sans forfait hospitalier ni ticket modérateur.
Un financement spécifique sera prévu pour les personnes non affiliées à la
caisse de prévoyance sociale et démunies de ressources.
Le mécanisme de financement de l'hôpital sera donc le suivant : les régimes
métropolitains verseront la dotation globale, par l'intermédiaire de la caisse
générale de sécurité sociale de la Réunion, déduction faite cependant du
produit de la cotisation sociale sur le revenu des Mahorais - dont le taux sera
fixé par décret - l'Etat et la collectivité territoriale verseront des
subventions complémentaires et l'établissement percevra dans certains cas les
produits de tarification.
Pour mettre en oeuvre ce mécanisme de financement, le projet d'ordonnance tend
à réformer la caisse de prévoyance sociale afin de la rendre apte aux nouvelles
missions qui lui sont assignées, notamment celle qui consiste à recevoir la
dotation globale de fonctionnement : la caisse sera donc transformée en un
organisme de droit privé doté de la personnalité morale et de l'autonomie
financière, par analogie avec les caisses de sécurité sociale propres aux
départements d'outre-mer.
Actuellement, la caisse relève d'un statut provisoire dans l'attente de la
mise en place, différée depuis 1976, d'un nouveau régime de protection sociale
; ce statut en confie la gestion au préfet. La caisse gère le versement de
certaines prestations familiales, des rentes d'accidents du travail et de
l'avantage vieillesse, selon des règles héritées de l'ancien territoire des
Comores. Il n'y a pas d'assurance maladie.
Enfin, le titre III regroupe des dispositions diverses et transitoires, telles
que la dévolution du patrimoine de l'ancien hôpital au nouvel établissement, ou
des dispositions financières provisoires, notamment pour ce qui concerne les
non-assujettis à la cotisation sociale.
Le projet d'ordonnance sera donc le point de départ d'une profonde évolution,
qui permettra à Mayotte de se rapprocher du droit commun et d'améliorer
considérablement sa situation sanitaire. Je suis moi-même particulièrement
heureux d'avoir pu rapporter ce projet de loi d'habilitation. Mon département,
le Haut-Rhin, ayant des liens très étroits avec la communauté de Mayotte, c'est
vraiment un plaisir pour moi d'être en cet instant porteur des aspirations de
la population mahoraise.
En outre, le projet d'ordonnance répond aux engagements souscrits par le
Gouvernement en 1994 et confirmés en 1995. Les délais sont courts ; le dépôt du
projet de loi de ratification devra avoir lieu avant le 15 mars prochain ; mais
plus vite le dispositif sera mis en place, plus vite les Mahorais pourront
bénéficier de l'amélioration du système de soins.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous invite, mes chers
collègues, à adopter sans modification le présent projet de loi
d'habilitation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de toutes les initiatives que
vous avez pu prendre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi d'habilitation, qui est aujourd'hui soumis, en première lecture,
à l'examen et au vote de notre assemblée, représente à tous égards un progrès,
un important progrès pour Mayotte.
Il s'agit, en effet, de moderniser nos établissements de soins, dans leur
niveau et leurs moyens thérapeutiques comme dans leur organisation et leur
fonctionnement, par l'extension à notre collectivité territoriale de la loi
hospitalière, c'est-à-dire du droit commun. Cette application à Mayotte du code
de la santé publique se fera progressivement et par étapes, clairement
définies.
Chacun comprendra que j'adresse, tout d'abord, l'expression de ma très
profonde gratitude à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des
affaires sociales.
A mes yeux, le mérite de son excellent rapport est au moins double.
Il en ressort, tout d'abord, que la diversité et l'ampleur des retards et des
handicaps de Mayotte ont fait, depuis longtemps, apparaître le recours aux
ordonnances prévues par l'article 38 de la Constitution comme une procédure
permettant une adaptation souple et finalement efficace du droit applicable à
nos spécificités.
Depuis vingt ans, une trentaine d'ordonnances sont ainsi venues favoriser et
traduire l'évolution de notre système juridique ou en combler les lacunes les
plus criantes. Cette évolution s'est d'ailleurs accélérée au cours des récentes
années.
De plus, mon cher collègue, votre rapport souligne à juste titre que cette
transformation de nos actuelles structures hospitalières, si mal définies dans
leur organisation, en un véritable établissement public de santé s'accompagne à
la fois d'une révision du statut des différents personnels et d'une
rationalisation particulièrement bienvenue des conditions de financement et de
fonctionnement du nouvel établissement.
Je tiens enfin pour une incontestable avancée la réforme très attendue à
Mayotte de la caisse de prévoyance sociale, dont la réglementation archaïque,
confuse et incertaine a engendré sur place bien des péripéties, encore
aggravées par les absences, les insuffisances, voire les incohérences de la
tutelle.
Ainsi, par ces projets de loi et d'ordonnance hospitalière, se trouvent jetées
les bases d'un système de soins plus moderne et performant, mieux assuré de ses
moyens humains, techniques et financiers.
En réalité, cet objectif de modernisation des instruments et du dispositif de
la santé publique était inscrit dans la convention Etat-Mayotte du 5 avril
1995. Les engagements sont donc tenus. Je tiens à adresser tous mes
remerciements au Gouvernement, spécialement à M. Hervé Gaymard, qui connaît
bien les problèmes de Mayotte pour y avoir travaillé voilà quelques années,
comme il nous l'a rappelé. M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité
sociale a su obtenir du Premier ministre les arbitrages nécessaires à la mise
en oeuvre de cette réforme hospitalière.
En dépit de progrès récents, la situation sanitaire de Mayotte n'est guère
satisfaisante, comme l'a dit M. le rapporteur. L'insuffisance des moyens, dans
tous les domaines, oblige à de coûteuses évacuations sanitaires vers la Réunion
ou la métropole.
Il était donc urgent de faire évoluer le système. En deux articles, le projet
de loi définit le champ de l'habilitation, qui vise, moyennant les adaptations
nécessaires, à appliquer à Mayotte le titre Ier du livre VII du code de la
santé publique. Comme le souhaitent les Mahorais, notre collectivité continue
d'avancer progressivement dans le droit commun de la République.
Le principe est ainsi posé de la création à Mayotte de cet établissement
public de santé dépendant de l'Etat avec les diverses conséquences de cette
mutation qui concernent, d'une part, le statut des personnels et, d'autre part,
les conditions de financement de l'hôpital.
Le projet d'ordonnance développe à cet égard des dispositions nouvelles. Le
conseil général de Mayotte étant appelé à bref délai à faire connaître au
Gouvernement son avis sur le projet de loi, je me bornerai ici à deux brèves
observations.
La première portera sur le nouveau mode de financement du système hospitalier,
qui se fonde sur une dotation de fonctionnement versée par les régimes
métropolitains de santé, mais complétée par une cotisation sociale perçue
localement. La subvention complémentaire de l'Etat s'ajoutera à celle de la
collectivité territoriale de Mayotte et au produit des tarifications
hospitalières.
Il faut donc retenir que la solidarité nationale vient relayer et prolonger,
comme il se doit, l'effort propre des Mahorais. Mes chers collègues, Mayotte
n'a jamais souhaité s'installer dans l'assistance généralisée.
Ma seconde observation concerne l'aide sociale, dont M. le rapporteur nous
indique qu'elle est « inexistante à Mayotte ». Une telle affirmation n'est pas
tout à fait exacte, car le conseil général de Mayotte a adopté depuis plusieurs
années un règlement territorial d'action sociale, RTAS, qui vise justement à
apporter une aide - elle est d'ailleurs de faible montant en raison de la
modestie de nos moyens - à plusieurs catégories de personnes particulièrement
déshéritées : enfants abandonnés, personnes gravement handicapées, vieillards
sans ressources.
Le financement de ce RTAS est assuré conjointement et par convention par la
collectivité territoriale de Mayotte et par l'Etat. Mais, ainsi que le faisait
remarquer M. Henry Jean-Baptiste, député, lors du récent débat budgétaire à
l'Assemblée nationale, l'Etat doit respecter ses engagements financiers,
notamment ceux qui ont pour objet de faire face à des situations d'extrême
précarité. Notre règlement territorial d'action sociale s'efforce, en effet,
d'éviter certaines « fractures sociales », ainsi que l'aggravation de divers
phénomènes d'exclusion ou le relâchement des solidarités traditionnelles qui,
en cette phase de changements rapides, menacent la société mahoraise.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat
illustre bien la double démarche de Mayotte : d'une part, le rattrapage
économique et social dans lequel se trouve engagée cette collectivité
territoriale avec le Gouvernement, afin d'effacer les conséquences de longues
périodes d'oubli et d'incompréhension ; d'autre part, la volonté des Mahorais,
en s'inscrivant de plus en plus dans le droit commun, d'exercer le moment venu
- « avant l'an 2000 » ainsi qu'il nous est indiqué par les plus hautes
autorités de l'Etat - le choix, qui leur est ouvert depuis 1976, d'obtenir un
statut définitif dans la République.
J'ai la conviction que cette volonté de la population mahoraise est de mieux
en mieux comprise sur toutes les travées de cette assemblée. C'est dans cet
esprit et dans cet espoir que je vous appelle, mes chers collègues, à voter
avec moi ces projets du Gouvernement qui marquent une étape très significative
du progrès de Mayotte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er