M. le président. « Art. 25. - I. - L'article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 176-1 . - Il est institué à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, au profit de la branche maladie, maternité, invalidité, décès du régime général, un versement annuel pour tenir compte des dépenses supportées par cette dernière branche au titre des affections non prises en charge en application du livre IV.
« Le montant de ce versement est pris en compte dans la détermination des éléments de calcul de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est revalorisé dans les conditions fixées à l'article L. 434-17.
« Un décret détermine les modalités de la participation au financement de ce versement forfaitaire des collectivités, établissements et entreprises mentionnés à l'article L. 413-13 et assumant directement la charge totale de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en fonction des effectifs et des risques professionnels encourus dans les secteurs d'activité dont ils relèvent. »
« II. - Un décret pris après avis d'une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes et concertation avec la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles mentionnée à l'article L. 221-4 du code de la sécurité sociale fixe les modalités de calcul du versement prévu au I.
« A titre provisionnel, le versement prévu au I est fixé à un milliard de francs. »
Par amendement n° 36 rectifié, MM. Vasselle, Jourdain et Huriet proposent, dans le second alinéa du II de cet article, de remplacer le montant : « un milliard » par le montant : « cinq cents millions ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement tend à ramener le montant prévu pour le versement forfaitaire de la branche accidents à la branche maladie de un milliard de francs à 500 millions de francs.
Il nous est apparu, tout d'abord, que le chiffre figurant dans le texte était fixé d'une manière quelque peu arbitraire.
On comprend bien l'objectif qui est visé à travers cette disposition : il s'agit de ne faire payer à la branche accidents et à la branche maladie que ce qu'elles doivent respectivement supporter.
Effectivement, il est normal que la branche accidents prenne sa part dans la charge que représentent les maladies professionnelles.
Le problème est que l'on ne connaît pas précisément le niveau de contribution qui serait nécessaire. Actuellement, l'excédent de la branche accident n'est que de 500 millions de francs. Il ne s'agit pasde lier - ce serait certainement une erreur - le montant du prélèvement à celui de l'excédent de la branche accidents. Car la tentation pourrait être grande de prélever systématiquement, à l'avenir, tout excédent qui apparaîtrait dans cette branche pour alimenter les autres branches déficitaires, la branche maladie ou la branche famille.
Avec cet amendement, nous souhaitons appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le caractère en quelque sorte forfaitaire du montant, ainsi que sur les effets fâcheux, voire pervers qui pourraient résulter d'une telle disposition.
On le sait, les entreprises qui prennent des mesures de protection à l'égard de leurs salariés, pour éviter le plus possible qu'ils ne soient victimes d'accidents, voient le montant de leur cotisation réduit à due proportion. Il ne faudrait pas qu'une disposition insuffisamment précise entraîne à terme une augmentation des cotisations et produise un effet inverse à celui qui est recherché dans le cadre de la gestion de la branche.
Nous attendons avec intérêt les éléments de réponse que vous nous apporterez, monsieur le ministre, espérant qu'ils seront de nature à apaiser les inquiétudes que nous pouvons nourrir quant aux effets pervers que j'ai évoqués. Il nous semble que des garanties et des précautions suffisantes doivent être prises pour éviter ces écueils.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Il m'est très difficile de réagir sur l'amendement n° 36 rectifié de M. Vasselle sans évoquer en même temps l'amendement n° 15 rectifié de la commission, qui va être appelé dans quelques instants.
De quoi s'agit-il ? Il se trouve qu'un certain nombre de maladies professionnelles et d'accidents du travail sont initialement pris en charge par le régime général avant d'être reconnus comme maladies professionnelles ou comme accidents du travail. Bien entendu, une fois cette reconnaissance opérée, la branche accidents du travail devrait rembourser au régime général les prestations que celui-ci a avancées.
Mais ce remboursement systématique, au franc le franc, n'est pas effectué parce qu'on ne connaît pas le montant exact des avances.
L'article 25 prévoit une compensation en quelque sorte « à la louche », dans la mesure où il n'est guère possible de procéder d'une manière plus affinée.
Il est clair qu'il y a là un geste de justice à l'égard du régime général. Cependant, monsieur le ministre, nous craignons que, comme dans le passé, avant que ne soit votée la séparation des branches, on n'ait tendance à puiser dans une branche pour en équilibrer une autre.
La philosophie qui inspire l'amendement de M. Vasselle, est proche de celle de la commission mais ce n'est pas parce qu'il y a un excédent de 540 millions de francs dans la branche accidents du travail, qu'on doit pouvoir prélever 500 millions de francs.
Pour nous, ainsi qu'on le verra lorsque sera examiné notre amendement n° 15 rectifié, même si la branche accidents du travail dégageait un excédent de 5 milliards de francs, il ne serait pas question d'autoriser la branche maladie à puiser librement dans cet excédent pour tenter de réduire son propre déficit.
C'est pourquoi, monsieur Vasselle, sans être défavorable à votre amendement, je souhaiterais que vous vous ralliiez au nôtre. En effet, dans notre amendement n° 15 rectifié, nous proposons de fixer un plafond pour couper court à une tentation que tous les gouvernements, tous les ministres des affaires sociales, et surtout tous les ministres des finances, ne manquent pas d'avoir.
On le sait bien, dès qu'il existe un fonds quelque part - on peut penser aussi à la CNRACL ou à d'autres -, les ministres des finances ont tendance à fondre dessus comme un vautour sur une proie ! (Sourires.)
Autrement dit, nous ne voulons pas que la survenance d'accidents du travail, se répercutant, comme il est normal, sur la cotisation payée par les entreprises concernées au cours des années suivantes, l'éventuel excédent ainsi dégagé soit mis à profit pour opérer un transfert entre les branches.
Monsieur Vasselle, j'ai bien compris votre explication, mais ce qui nous inquiète, c'est le mécanisme de pompage que semble instituer votre amendement.
Je souhaite donc que vous le retiriez, non sans avoir auparavant entendu le point de vue du Gouvernement à son sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Vasselle, monsieur Descours, je partage votre souci de respecter l'autonomie des branches notamment celle de la branche accidents du travail.
Il est incontestable que, dans l'état actuel des choses, la branche maladie supporte un certain nombre de dépenses qui relèvent manifestement de la branche accidents du travail. En effet, pendant le laps de temps où une maladie n'est pas encore reconnue comme maladie professionnelle, où il est procédé aux examens nécessaires pour établir cette reconnaissance, c'est la branche maladie qui paie.
Monsieur Vasselle, c'est vrai, on peut se demander pourquoi le montant devrait être arrêté à un milliard de francs. Mais cette somme peut être considérée comme simplement prévisionnelle et donc être soumise à révision, dès lors qu'il existe une commission, présidée par un magistrat à la Cour des comptes, qui, en concertation avec la commission accidents du travail et maladies professionnelles de l'article 221-4, va donner un éclairage sur la nature exacte des risques que supporte l'assurance maladie, qui sont en fait des risques liés aux maladies professionnelles, voire aux accidents du travail.
Il y a là une première garantie.
Par ailleurs, vous vous inquiétez à juste titre de la situation financière de la branche accidents du travail, dont l'excédent prévisionnel résulte de ses excédents passés. Les prévisions pour 1997, comme pour les années ultérieures, montrent que l'excédent spontané de cette branche devrait excéder largement un milliard de francs.
Ce montant n'est au demeurant qu'un maximum - ce sera à la commission compétente de dire si un transfert de cette nature, ou un transfert moins important, est justifié.
De surcroît, monsieur Vasselle, la commission des affaires sociales a proposé un dispositif supplémentaire qui viendra, en quelque sorte, s'ajouter à la commission chargée d'étudier la nature des risques pris en charge par l'assurance maladie et relevant de la branche accidents du travail.
Ces deux dispositifs nous permettront d'éviter un transfert subreptice, progressif et systématique de la branche accidents du travail vers la branche maladie. Vous avez raison, il faut préserver la première de prélèvements injustifiés.
Je souhaite également, monsieur Vasselle, que vous retiriez votre amendement compte tenu des engagements que nous avons pris et que nous allons bien évidemment tenir. Alors que nous nous efforçons, dans une loi de financement de la sécurité sociale, de clarifier les responsabilités de chacun, nous ne pouvons pas mélanger impunément les finances de la branche maladie et celles de la branche accidents du travail.
Il faut être cohérent, et c'est le souci qui nous anime. Nous allons donc nous donner les moyens de rester vertueux, monsieur Vasselle.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Permettez-moi, monsieur le président, de formuler deux observations avant de vous faire part de ma décision.
En premier lieu, monsieur le ministre, je ne voudrais pas qu'il y ait méprise sur les raisons qui nous ont amenés à déposer cet amendement.
Il est bien évident que, sur le principe, nous adhérons totalement à votre démarche. Vous avez très justement fait remarquer que la branche maladie supportait d'une manière indue un certain nombre de dépenses qui relevaient plutôt de la branche accidents du travail.
En second lieu, nous souhaitions attirer votre attention - et je vous remercie d'avoir été réceptif à notre demande - sur le caractère arbitraire du chiffre de un milliard de francs.
En réponse à notre inquiétude, vous nous avez apporté deux garanties. D'une part, une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes examinera de manière très précise les sommes que devra y supporter la branche accidents du travail et non plus la branche maladie.
D'autre part, l'amendement n° 15 rectifié, déposé par la commission, fixe le montant maximum du versement annuel à un milliard de francs. Je ne me livrerai pas avec vous à une bataille de chiffres concernant l'excédent de la branche accidents du travail. Est-il de un milliard de francs ou de 500 millions de francs ? Peu importe. L'essentiel est de respecter la philosophie générale qui sous-tend le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tel est notre voeu à tous.
C'est pourquoi, sous le bénéfice des informations que vous avez apportées à la Haute Assemblée, monsieur le ministre, j'accepte bien volontiers, en accord avec mes collègues MM. Jourdain et Huriet, de retirer l'amendement n° 36 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
Par amendement n° 15 rectifié, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 25 par un paragraphe III ainsi rédigé :
« III. - Le montant du versement annuel institué par l'article L. 176-1 du code de la sécurité sociale ne peut être supérieur à un milliard de francs. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. En attendant les conclusions de la commission dont M. le ministre vient d'annoncer la création et qui permettront de limiter à un chiffre fondé sur des éléments concrets le montant des transferts entre la branche accidents du travail et la branche maladie, nous proposons de fixer un plafond.
L'amendement que nous vous demandons d'adopter est donc un amendement de précaution. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. J'ai répondu à M. Vasselle que nous avions déjà commencé à nous donner les moyens d'être très vertueux. Dans la mesure où le Sénat renforce encore le dispositif, j'aurais mauvaise grâce à m'y opposer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15 rectifié.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. J'ai bien noté que M. le ministre était soucieux de cohérence. Mais il a aussi évoqué, au début de son propos, son souhait de transparence, et cette dernière me paraît encore plus nécessaire.
En effet, le montant des cotisations dues par les entreprises au titre de la branche accidents du travail dépend, pour une large part, des efforts consentis par celles-ci pour réduire le nombre et la gravité des accidents du travail.
Il faudrait donc éviter - et le débat très bref mais très clair qui vient de se dérouler y contribuera - de donner aux entrepreneurs le sentiment qu'il s'agit d'une sorte d'artifice comptable, que les efforts consentis par eux ne seront finalement pas payés de retour et qu'il n'y aura pas de réduction des cotisations, comme ils auraient pu s'y attendre, en raison du transfert à la branche maladie.
Ce souci de transparence qui apparaît, monsieur le ministre, dans le projet de loi doit être souligné pour que, dès l'année prochaine, nous connaissions exactement le montant des dépenses indues de la branche maladie. Dès lors, la Haute Assemblée n'émettra sans doute aucune réserve et les chefs d'entreprise connaîtront les modes de calcul qui nous auront conduits à prendre ce type de disposition.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je me demande s'il n'existe pas une contradiction entre l'amendement présenté par la commission et votre démarche, que j'apprécie, mais qui me semble, malgré tout, quelque peu tardive.
Voilà un an que ce plan a été voté. Or c'est seulement aujourd'hui que vous engagez cette démarche, après avoir inscrit la somme de 1 milliard de francs, qui est effectivement arbitraire, mais pas moins que les 500 millions de francs proposés par notre collègue Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Certes !
M. François Autain. Mais, après tout, pourquoi pas ?
J'approuve la nomination d'un magistrat de la Cour des comptes pour présider la commission qui sera chargée de déterminer, dans toute la mesure possible, les charges indues qui sont mises à la charge, au titre des maladies professionnelles et des accidents du travail, de la branche maladie. Imaginez que cette somme soit supérieure à 1 milliard de francs. Faudra-t-il s'en tenir à l'amendement de la commission ?
Je me demande s'il ne serait pas préférable d'attendre les conclusions de cette commission pour s'engager plus avant dans la fixation du montant du versement annuel, d'autant plus qu'il s'agit d'écritures comptables. Or j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous ne teniez pas véritablement à fixer avec précision le montant du déficit prévisionnel puisque vous passez de 29,5 milliards de francs à 30,5 milliards de francs, pour en revenir à 30 milliards de francs.
Je me demande donc, je le répète, s'il ne serait pas plus pragmatique d'attendre les conclusions de cette commission pour déterminer le montant du transfert.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25, ainsi modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26