M. le président. « Art. 4. _ L'article 3 du décret du 9 janvier 1852 modifié sur l'exercice de la pêche maritime est modifié comme suit :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : « des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions dans lesquelles peuvent être prises les mesures suivantes : » sont remplacés par les mots : « les I, II et III ci-après sont applicables. »
« 2° Après ce deuxième alinéa est inséré le I suivant :
« I. _ En vue d'assurer un développement économique durable du secteur de la pêche, et notamment de garantir l'accès à la ressource et la bonne utilisation de celle-ci, des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions dans lesquelles, en tenant compte des orientations du marché, des équilibres socio-économiques et des antériorités des producteurs :
« a) Des autorisations de pêche sont délivrées par l'autorité administrative ou sous son contrôle. Ces autorisations ont pour objet de permettre l'exercice de la pêche par une entreprise et un navire déterminés, pendant des périodes, dans des zones, pour des espèces ou groupes d'espèces et, le cas échéant, avec des engins et pour des volumes qu'elles fixent. Elles couvrent une période maximale de douze mois. Elles ne sont pas cessibles ;
« b) Il est procédé par l'autorité administrative à la répartition de quotas de captures, institués en vertu de la réglementation communautaire ou du présent décret, en sous-quotas affectés soit à des organisations de producteurs ou à leurs unions qui en assurent la gestion, soit à des navires ou à des groupements de navires. Cette répartition est valable pour une période maximale de douze mois. Les droits résultant de ces sous-quotas ne sont pas cessibles.
« 3° Après ce I est ajouté le II suivant :
« II. _ Lorsque l'autorité administrative a alloué, au titre de la répartition prévue au I ci-dessus, tout ou partie de certains quotas de captures à des organisations de producteurs ou à leurs unions, celles-ci assurent la meilleure utilisation des sous-quotas de captures ainsi alloués sur la base d'un plan de gestion. Ce plan doit être établi dans le respect des objectifs déterminés par le I ci-dessus.
« Les conditions d'application du présent II sont précisées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment les conséquences qu'entraîne, pour l'attribution des quotas répartis l'année suivante, la méconnaissance des prescriptions de l'alinéa précédent et qui fixe les conditions dans lesquelles le plan de gestion mentionné à cet alinéa fait l'objet d'une publicité ainsi que d'une communication à l'office institué en vertu de l'article 12 bis de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 modifiée.
« 4° Avant les mots : « 1° L'interdiction permanente ou temporaire ou la réglementation de l'exercice de la pêche de certaines espèces dans certaines zones », sont ajoutés les mots suivants :
« III. - Des décrets en Conseil d'Etat déterminent également les conditions dans lesquelles peuvent être prises les mesures suivantes : »
« 5° Dans le III ainsi créé, le 2° et, au 5°, les mots : « et la limitation du nombre de leurs bénéficiaires » sont abrogés. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 48, MM. Leyzour, Minetti, Billard, Bécart, Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par le 2° de cet article pour insérer un paragraphe I après le deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 modifié, de remplacer les mots : « Orientations du marché » par les mots : « des besoins alimentaires du pays, de l'évolution des goûts de la population, des nécessités liées au développement de la coopération alimentaire ».
Par amendement n° 5, M. de Rohan, au nom de la commission, propose, après les mots : « en tenant compte », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte présenté par le 2° de cet article pour insérer un paragraphe I à l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 : « des antériorités des producteurs, des orientations du marché et des équilibres socio-économiques ».
La parole est à M. Leyzour, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Félix Leyzour. Les orientations du marché étant susceptibles de correspondre à la prise en compte d'intérêts financiers, l'amendement n° 48 vise à substituer à cette notion celle de la satisfaction des besoins humains.
Je pense que M. le rapporteur ne verra aucune raison de manifester de l'anticommunisme, s'agissant de cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Dans cet intéressant dialogue qui s'instaure entre MM. Leyzour et de Rohan, la parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 48.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il s'agit d'un dialogue Breton-Breton !
M. Félix Leyzour. Il pourrait sans doute être plus intéressant qu'il n'est !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. L'amendement n° 5 vise à ériger en priorité le critère de l'antériorité dans l'attribution des droits de pêche. Si la non-patrimonialisation et l'incessibilité des droits de pêche sont des principes clairement établis, il est nécessaire de sécuriser les producteurs et de leur permettre d'effectuer des prévisions pluriannuelles en accordant les autorisations de pêche en fonction des antériorités. En effet, un propriétaire de navire pêchant depuis un certain temps doit tout de même pouvoir être assuré, lors du renouvellement annuel des autorisations, que seront pris en compte les « droits » qu'il s'est acquis en pêchant sur la zone. L'amendement tend donc à rassurer ceux qui pourraient avoir des doutes sur ce sujet.
S'agissant de l'amendement n° 48, j'ai le regret d'émettre un avis défavorable sur les propositions de M. Leyzour. En effet, ce dernier souhaite supprimer les mots « orientations du marché », alors que l'essence même du projet de loi vise précisément à prendre en compte ces orientations. Il serait donc tout à fait illogique de notre part de voter cet amendement.
De plus, les professionnels sachant très bien ce que recouvre cette notion d' « orientations du marché », il n'est pas utile d'apporter des modifications à cet égard. Les pêcheurs ont justement besoin de connaître ces orientations.
Dans ces conditions, je souhaiterais que M. Leyzour accepte de retirer son amendement, et ce pour des raisons non pas idéologiques, mais pratiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 48 et 5 ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je crois que nous sommes loin, ici, d'un débat idéologique ! Il s'agit au contraire d'un débat très concret, dans l'intérêt de la pêche.
Nous voulons - telle est la philosophie de ce projet de loi - le pilotage par le marché ; cela veut bien dire - cela répond ainsi à votre souci, monsieur Leyzour - que nous souhaitons répondre aux attentes des consommateurs, car nous considérons qu'il n'y a pas d'avenir possible sans cette adéquation.
Par conséquent, je partage l'avis de M. le rapporteur et je vous prierais donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Leyzour.
Je suis d'autant plus gêné de vous le demander que je suis favorable à l'amendement n° 5, qui est plus précis que le projet de loi. Je me proposais d'apporter des précisions par voie réglementaire. Mais, puisque nous le pouvons, autant le faire dans la loi. Il est important de souligner le critère des antériorités de pêche et de sécuriser dès maintenant les producteurs dans leur activité.
M. le président. Monsieur Leyzour, entendez-vous répondre à l'appel conjoint de M. le rapporteur et de M. le ministre ?
M. Félix Leyzour. Avant de répondre à votre question, monsieur le président, permettez-moi de dire que j'ai beaucoup plus apprécié la dernière argumentation de M. le rapporteur que la précédente. Je tiens donc à remercier M. de Rohan pour l'attention qu'il a portée à cet amendement.
J'ai bien compris ce qu'a voulu dire M. le ministre. Si nous pouvons certes nous rejoindre sur ces objectifs, je souhaite néanmoins maintenir mon amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 65, M. Grignon propose de rédiger comme suit le troisième alinéa b du texte présenté par le 2° de l'article 4 pour insérer un I dans l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 :
« b ) Il est procédé par l'autorité administrative à la répartition de quotas de captures instituée en vertu de la réglementation communautaire en sous-quotas affectés soit à une organisation de producteurs ou à leurs unions qui assurent la gestion, soit à des navires ou à des groupements de navires conformément au décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 pour les eaux soumises à la réglementation communautaire et n° 90-95 du 25 janvier 1990 pour les eaux non couvertes par la réglementation communautaire. Cette répartition n'est valable pour la période maximale de 12 mois. »
Par amendement n° 49, MM. Leyzour, Minetti, Billard, Bécart, Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le troisième alinéa b du texte présenté par le 2° de l'article 4 pour insérer un I après le deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime, après le mot : « administrative », d'insérer les mots : « , après consultation du comité national ou régional des pêches maritimes, ».
Par amendement n° 50, MM. Leyzour, Minetti, Billard, Bécart, Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le troisième alinéa b du texte présenté par le 2° de l'article 4 pour insérer un I après le deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852, par la phrase suivante :
« Ces quotas ou sous-quotas ne peuvent en aucun cas être attribués à des navires qui, même immatriculés en France, appartiennent à des sociétés ou à des filiales de sociétés qui bénéficient de la possibilité d'exploiter des quotas ou des sous-quotas de pêche émanant d'autres pays de l'Union européenne ou de pays tiers. »
La parole est à M. Grignon, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 65 tend à conforter les décrets existants n° 90-94 et n° 90-95 du 25 janvier 1990, qui réglementent la répartition des quotas de capture.
En effet, ces décrets ont fait leur preuve. De plus, les professionnels, qui ont investi lourdement en fonction de ces règles existantes, ne voudraient pas voir leurs investissements fragilisés par la mise en place de nouvelles règles dont on ne peut pas préjuger aujourd'hui l'évolution.
Depuis 1993, la pêche subit une crise sans précédent. Cet amendement vise donc à rassurer les professionnels de la pêche industrielle.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre les amendements n°s 49 et 50.
M. Félix Leyzour. L'amendement n° 49 tend à maintenir l'obligation actuellement faite à l'autorité administrative de consulter le comité national ou les comités régionaux des pêches maritimes à propos de l'attribution des quotas de pêche.
Quant à l'amendement n° 50, il vise à éviter le contournement de la réglementation des pêches maritimes de l'Union européenne et à préserver les quotas de pêche attribués à la France aux navires appartenant à des sociétés ne pouvant bénéficier des quotas d'autres pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 65, 49 et 50 ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Monsieur le président, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 65. En effet, l'amendement n° 5 de la commission, que le Sénat a adopté, a érigé en priorité le critère de l'antériorité dans la répartition des droits de pêche.
Monsieur Grignon, les décrets que vous mentionnez continuent à être applicables et à jouer leur rôle ; il n'est pas question, par ce texte, de les supprimer. Si donc les pêcheurs sont satisfaits à la fois de ces décrets et de la manière dont ils sont appliqués, ils n'ont rien à redouter du vote du présent projet dans ce domaine particulier.
Voilà pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer l'amendement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 49 parce que la consultation du conseil national des pêches maritimes est obligatoire, aux termes de la loi de 1991. La précision qu'il tend à apporter n'est donc pas utile.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 50. En effet, si l'objectif visé est louable, la mesure va tout simplement à l'encontre du principe de libre établissement dans l'Union européenne. Elle est donc contraire au droit.
Par ailleurs, le principe de la stabilité relative exige une réflexion sur le sujet au niveau européen. On comprend bien que toute solution nationale est impossible en ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Philippe Vasseur ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Le Gouvernement se range à l'avis défavorable de la commission sur les trois amendements.
J'ajouterai simplement, s'agissant de l'amendement n° 50, monsieur Leyzour, que la réponse, en ce qui concerne les quotas hopping, est d'abord à rechercher dans le cadre du droit communautaire. A défaut, je l'ai dit, nous risquons de faire pire plutôt que mieux et de nous voir opposer le droit communautaire, ce qui irait à l'encontre du but visé.
Comme l'a dit M. le rapporteur, c'est à l'échelon de l'Union européenne que nous devons trouver une solution à ce problème, et non pas dans cette loi.
M. le président. L'amendement n° 65 est-il maintenu, monsieur Guignon ?
M. Francis Grignon. J'aurais préféré que ce soit M. le ministre qui confirme que les décrets restent en place. Mais, dans la mesure où ils restent effectivement en place, je retire volontiers l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 49.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Après ce qui vient d'être dit par M. le ministre et par M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 49.
En revanche, je maintiens l'amendement n° 50, et je demande qu'il soit mis aux voix par scrutin public.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 94 |
Contre | 223 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
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