CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC LA CORÉE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 425, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée. [Rapport n° 4 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite du développement des relations économiques avec la République de Corée, une coopération plus étroite dans le domaine des relations judiciaires est apparue nécessaire. Entamées en septembre 1993, les négociations ont abouti à la signature d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, le 2 mars 1995, à l'occasion de la visite officielle du président Kim Young-sam à Paris.
Cette convention est très largement inspirée des dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1957.
Les deux parties contractantes s'engagent à s'accorder mutuellement l'entraide judiciaire dans toute enquête, poursuite ou procédure pénale qui relève, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante.
Comme il est d'usage, la convention ne s'applique ni à l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation ni aux transferts des procédures pénales.
S'agissant de la France, le ministère public est compris au nombre des autorités judiciaires compétentes citées par la convention pour recevoir et exécuter les demandes d'entraide.
Sur le plan formel, les transmissions et les réceptions des demandes d'entraide sont opérées entre autorités centrales. Il s'agira, pour la France, du ministère de la justice et, pour la Corée, du ministère de la justice ou d'un fonctionnaire désigné par ledit ministère.
Les autorités centrales communiqueront entre elles par la voie diplomatique, la communication directe ne se faisant qu'en cas d'urgence.
L'entraide peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions considérées par l'Etat requis comme des infractions politiques ou connexes à des infractions politiques ; si l'Etat requis estime que l'exécution de la demande risque de porter préjudice à sa souveraineté, à sa sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays ; si l'affaire qui fait l'objet d'enquêtes, de poursuites ou de procédures dans la partie requérante ne constitue pas une infraction aux termes de la législation de la partie requise.
La convention précise également le domaine de l'entraide : accomplissement « d'actes d'instruction » ou communication de « dossier, de documents ou de pièces à conviction ainsi que la restitution à la victime d'objets ou de valeurs ».
Lorsque les demandes de citation à comparaître en tant que témoin par la partie requérante concernent une personne détenue, le transfèrement de cette personne n'est possible que si elle y consent.
Les témoins ou les experts bénéficient, selon l'usage, en application de la règle de la spécialité des poursuites, d'une immunité de poursuite ou d'arrestation pour des faits ou condamnations antérieurs à leur départ du territoire de l'Etat requis.
Enfin, la convention précise, comme il est d'usage, que tout refus d'entraide ainsi que son ajournement doit être motivé.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée qui fait l'objet du projet de loi proposé aujourd'hui à votre approbation. (M. Serge Vinçon applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'intérêt de la convention d'entraide judiciaire entre la France et la Corée ne se résume pas au renforcement, certes nécessaire, d'une coopération qui, dans ce domaine, reste limitée puisque chaque année on ne recense guère plus de deux demandes d'enquête entre nos pays.
L'intérêt de cette convention tient aussi à sa valeur symbolique, à la reconnaissance, dont elle porte témoignage, des progrès accomplis par la Corée du Sud dans la construction d'un Etat de droit digne d'un pays ayant atteint ce haut degré de développement économique.
En effet, une convention d'entraide judiciaire, malgré les garanties sérieuses dont les procédures sont entourées, ne peut se concevoir qu'entre des Etats respectueux des principes du droit. Deux observations me paraissent ici nécessaires.
La vie démocratique coréenne s'est renforcée au cours des dernières années sous l'impulsion de M. Kim Young-San, premier président civil de la Corée. J'en veux pour preuve la levée de l'immunité qui s'attachait aux responsables de coups d'Etat ou de tentatives de reddition, mais aussi la lutte contre la corruption. Cette double orientation a d'ailleurs conduit à la prison deux anciens chefs d'Etat coréens, généraux de leur état.
En outre, le pluralisme politique n'est pas un vain mot : la majorité présidentielle a vacillé lors des dernières élections législatives de 1996, et le chef de l'opposition, M. Kim Dae-jung, se pose comme un rival sérieux pour l'actuel président en vue des prochaines échéances électorales de 1997. Certes, il existe toujours quelques restrictions à l'exercice des libertés. Certaines, comme la loi sur la sécurité nationale, qui autorise l'arrestation de toute personne susceptible d'agir en faveur du régime nord-coréen, demeurent justifiées, aux yeux du gouvernement sud-coréen, par les contraintes d'un voisinage imprévisible.
Dans un contexte politique favorable au renforcement de l'état de droit, le système judiciaire coréen - c'est ma seconde observation - s'est modernisé. Il importe avant tout de souligner l'adoption, en 1994, d'un nouveau code de procédure pénale, dont les principes se rapprochent beaucoup des dispositifs occidentaux. Je citerai notamment la stricte obligation des mandats judiciaires pour les mesures de contrainte, le renforcement du système d'avocats commis d'office, la procédure contradictoire pour permettre à l'accusation et à la défense de jouer les rôles moteurs lors de procès et, enfin, l'obligation de preuves corroborant les aveux.
Voilà quelques témoignages d'une évolution dont on ne peut que se réjouir. Cette convention s'inscrit, en outre, dans un contexte favorable caractérisé par le développement des relations bilatérales. La Corée cherche en effet à diversifier ses partenaires. Elle s'est tournée vers l'Europe, et singulièrement vers la France.
Le présent projet de loi constitue une pierre supplémentaire dans le rapprochement entre nos deux pays et c'est pourquoi la commission, mes chers collègues, vous en recommande l'adoption. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée, signée à Paris le 2 mars 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

4