M. le président. M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'urgence de la création d'un commissariat de police à Noyon.
Noyon est une ville de 15 000 habitants de l'arrondissement de Compiègne (Oise), dont 18 % de la population est d'origine immigrée. Elle se trouve confrontée à d'énormes difficultés en matière de sécurité des personnes et des biens.
Pour lutter contre la délinquance et les problèmes d'insécurité enregistrés depuis quelques années, cette cité ne dispose que d'une police municipale non étatisée de onze personnes et sans officier de police judiciaire, ainsi que d'une brigade de gendarmerie dont l'effectif ne s'élève qu'à un gendarme pour 1 500 habitants, contre un pour 900 en moyenne en France métropolitaine.
Malgré tous les efforts déployés par la municipalité et son maire en termes de prévention, force est de constater que certains problèmes subsistent et s'aggravent, et, en l'absence de moyens accrus, cette ville pourrait connaître, à terme, les mêmes difficultés et les troubles que rencontrent les grands ensembles périphériques des grandes agglomérations.
Il est fondamental de pouvoir répondre :
- à une immigration galopante et à ses conséquences, alors que le taux de population étrangère atteint plus de 36 % dans certains quartiers ;
- à la drogue et à la délinquance, générateurs de prostitution et de délinquance - ainsi, sur une seule année, 3 000 plaintes ont été déposées, 174 interpellations ont été opérées ; 25 % des affaires judiciaires traitées par le tribunal de grande instance de Compiègne pour l'arrondissement ont lieu à Noyon ;
- au chômage, un récent rapport de la DATAR considérant cette agglomération comme « fragile et sinistrée ». L'inactivité forcée d'une partie importante de la population - près de 15 % - crée des problèmes de mésentente familiale, de troubles du voisinage, d'alcoolisme, de violence auxquels Noyon ne pourra plus faire face.
Devant la montée de l'insécurité, on assiste à un développement des ventes d'armes et certains habitants parlent de création de groupes d'autodéfense.
Dans le cadre de la loi n° 95-73 d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, il est essentiel d'établir à Noyon les missions et les moyens de la police nationale afin de restaurer le principe républicain du droit à la sécurité trop souvent bafoué.
En conséquence, il souhaiterait savoir si, conformément au décret d'application de cette loi, qu'attendent l'ensemble des élus, redéfinissant les critères de compétence géographique, c'est-à-dire les critères à partir desquels le Gouvernement peut décider l'étatisation du régime de police dans une commune, la situation de Noyon sera prise en compte par son ministère et à quelle échéance. (N° 435.)
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner qu'il n'est pas dans mes habitudes d'utiliser la procédure des questions orales sans débat pour aborder des problèmes de caractère local. Toutefois, deux raisons m'amènent à le faire dans le cas de Noyon.
D'une part, les nombreuses démarches que j'ai effectuées depuis la fin de 1992 ne m'ont permis d'obtenir que des réponses plus ou moins satisfaisantes des ministres successifs. D'autre part, la situation de Noyon a, en quelque sorte, un caractère emblématique : cette ville de 15 000 habitants - c'est la deuxième commune de l'arrondissement de Compiègne -, dont 18 % sont d'origine immigrée, se trouve confrontée à des difficultés considérables dans le domaine de la sécurité.
Sans faire d'amalgame - et bien loin de moi l'idée de faire des amalgames en la matière - je soulignerai que la ville de Noyon a, hélas ! la triste palme du record de France des votes en faveur du Front national au premier tour des élections municipales de 1995 : 44 % des votes au premier tour ! Cela au terme d'une campagne à mes yeux absolument scandaleuse, au cours de laquelle a notamment été mis en cause de façon ignoble un conseiller général qui avait été déporté à Buchenwald pendant un an et à qui on a tenu un langage absolument invraisemblable que j'aurais peine à répéter dans cette assemblée.
Depuis pourtant près de quatre ans, monsieur le ministre, je tire la sonnette d'alarme et je mets en garde aussi bien les ministres de l'intérieur que les ministres de la défense ! J'ai, par exemple, sous les yeux une lettre que j'adressais au ministre de la défense en juin 1994 pour l'informer qu'aux élections européennes qui venaient d'avoir lieu cette formation extrémiste avait obtenu 24 % des voix. Eh bien, un an après, elle en obtenait 44 %.
Pourquoi une telle augmentation ? Parce que des problèmes d'intégration se combinent avec un sous-effectif criant en matière de sécurité. On compte en effet un gendarme pour 1 500 habitants, alors que la moyenne en France métropolitaine est de un pour 900 et qu'elle est dans l'Oise de un pour 1 000.
La municipalité fait ce qu'elle peut avec onze policiers municipaux, dont on connaît le peu de pouvoirs, et cela sur fond de drogue et de délinquance. Ainsi, 3 000 plaintes ont été déposées en une seule année dans cette petite ville de 15 000 habitants ; 174 interpellations ont été effectuées et 25 % des affaires judiciaires traitées par le tribunal de grande instance de Compiègne concernaient Noyon.
Je souligne, par ailleurs, que des diagnostics préoccupants sont portés sur cette agglomération, qualifiée de « fragile » et de « sinistrée » dans un récent rapport de la DATAR.
Je me permets donc, monsieur le ministre, d'appeler de façon solennelle votre attention. Depuis près de quatre ans, je reçois des réponses administratives. Le ministre de l'intérieur me renvoie au ministre de la défense, qui me renvoie au ministre de l'intérieur. On m'explique que tels ou tels critères doivent être respectés. Je veux bien ! Je suis moi-même issu de la fonction publique. Je crois cependant que, dans certains cas, nécessité devrait faire loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je voudrais d'abord demander à M. Marini d'excuser l'absence de M. Jean-Louis Debré, qui m'a demandé de répondre en son nom.
Dans votre question, monsieur Mmarini, il y a au fond deux éléments : d'une part, quel doit être le statut de Noyon en termes de police et, d'autre part, quelle doit être la capacité des services pour faire face à la montée de la délinquance dans cette commune.
S'agissant de la première question, le passage d'un système de gendarmerie à un système de police d'Etat ne paraît pas possible aujourd'hui au vu des textes, qui, vous le savez, ont été modifiés depuis l'adoption de la loi d'orientation sur la sécurité ; un décret est intervenu au mois de septembre dernier.
Il semble que la ville de Noyon ne réponde pas aux critères qui, quasiment automatiquement, la ferait passer au système de police dit d'Etat, avec installation d'un commissariat de police et donc retrait de la gendarmerie.
D'ailleurs, comme le rappelle le ministère de l'intérieur dans la note qu'il m'a transmise, un tel changement aurait sans doute des conséquences relativement importantes en termes de coût. Par conséquent, la réponse qu'il m'a chargé de vous apporter est que l'on conserve la gendarmerie.
J'en viens à la question qui vous intéresse le plus : quel doit être le niveau de la riposte pour résoudre les difficultés croissantes de la commune ? C'est le problème des effectifs et de la capacité d'organisation des services de gendarmerie.
Ce à quoi je peux m'engager, après vous avoir entendu, monsieur Marini, c'est à prendre contact avec MM. Millon et Debré pour leur faire part de votre vive inquiétude. Ils pourront ainsi déterminer ensemble quel est le niveau pertinent des forces de police ou de gendarmerie - en l'occurrence, plutôt de gendarmerie - à mettre en place pour ramener la sérénité à Noyon.
En tout état de cause, et malgré les caractéristiques sociales et économiques complexes de cette commune, que vous avez rappelées, il me semble qu'à son échelle il devrait être possible de revenir à un taux de délinquance plus raisonnable. Ce devrait tout de même être plus facile que dans les très grandes agglomérations, où les gens ne se connaissent pas et n'entretiennent pas de contacts directs avec les services administratifs.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, votre réponse ne me surprend pas.
La formule administrative - étatisation, pas d'étatisation, gendarmerie, police... - importe peu. L'important, c'est que nous luttions, car l'Etat républicain ne peut rester désarmé alors que nous sommes confrontés à des situations où il est en péril.
En effet, il y a sur notre territoire des abcès de fixation. On les traite, à mon avis, plutôt correctement, notamment par la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, qui permettra, dans un certain nombre de lieux bien identifiés, d'accroître considérablement les efforts. Mais nous ne pourrons défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés qu'en réduisant systématiquement ces abcès de fixation.
L'objet de cette question orale est de montrer que les banlieues ne sont pas les seules à être concernées. Certaines petites villes, certaines petites agglomérations connaissent aussi de très graves tensions sociales, qui sont exploitées de façon scandaleuse par certains extrémistes. Il appartient à l'Etat de se défendre, monsieur le ministre.
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