INFORMATION ET CONSULTATION
DES SALARIÉS

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 16 (1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, en remplacement de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie à l'Assemblée nationale hier, a examiné les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.
Il restait en discussion l'article 5 et l'article 7.
Sur l'article 5, l'accord a été très rapide. La commission mixte paritaire a adopté le texte du Sénat, à savoir que c'est à la date du 22 septembre, et non pas à une date déterminée par d'autres éléments, que les accords, applicables à l'ensemble des salariés, prévoyant des instances ou autres modalités d'information devaient entrer en vigueur.
Notre collègue, Mme Catala, a fait très justement observer qu'il y avait une erreur de concordance des temps dans la rédaction de l'article, laquelle a par conséquent été corrigée.
L'article 7, qui prévoyait le dispositif de mise en place du texte, avait été supprimé par le Sénat. La commission mixte paritaire a maintenu la suppression de cet article.
L'article 6 avait donné lieu, vous vous en souvenez, mes chers collègues, à de très longs débats et au dépôt de nombreux amendements. Mais, ayant été voté conforme par le Sénat, il n'a donc pas été remis en discussion. Un certain nombre de sénateurs appartenant aux différents groupes avaient, il est vrai, indiqué que leur position finale sur le projet de loi, position soit négative, soit positive, dépendrait des dispositions de cet article 6.
La commission mixte paritaire a donc adopté l'ensemble du texte qui est soumis aujourd'hui à nos délibérations.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord remercier encore le rapporteur, M. Louis Souvet, le président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade, et tous les sénateurs qui ont participé à ce débat et ainsi contribué à enrichir ce projet de loi.
Je voudrais ensuite souligner que le texte de loi que vous examinez après la réunion de la commission mixte paritaire marque une étape importante dans la construction de l'Europe sociale.
La directive du 22 septembre 1994 que nous transposons instaure un droit nouveau, d'essence proprement communautaire, pour les salariés des groupes européens.
Les groupes français de dimension communautaire qui disposaient d'un comité européen ou d'une procédure d'information et de consultation de leurs salariés à la date du 22 septembre dernier peuvent continuer de faire fonctionner ces instances ou de mettre en oeuvre ces procédures. Ils sont, vous le savez, au nombre de trente-quatre, ce qui représente environ un quart des groupes concernés.
Les autres groupes français qui entrent dans le champ de la directive vont devoir mettre en place des « groupes spéciaux de négociation » chargés de négocier les accords aux termes desquels seront créés des comités d'entreprise européens ou instituées des procédures de dialogue au sein du groupe.
La commission mixte paritaire a adopté les modifications que le Sénat a votées la semaine dernière et qui portaient sur la date d'entrée en vigueur de ces dispositions. Il s'agissait de tirer les conséquences du retard de quelques semaines avec lequel la transposition interviendra en fixant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions à la date de publication de la loi.
Malgré ce léger retard, il faut relever que la France sera parmi les premiers des dix-sept Etats concernés à remplir ses obligations. Cela est d'ailleurs conforme au rôle moteur qu'elle a joué dans l'adoption de la directive.
Quant aux dispositions relatives au développement de la négociation collective, les négociateurs de branche vont avoir maintenant à examiner les thèmes conjointement ouverts à la négociation par l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995.
Les dispositions que vous allez adopter permettent, en effet, la mise en oeuvre des dispositions expérimentales issues de cet accord interprofessionnel, qu'il s'agisse de permettre aux branches professionnelles de fixer les conditions dans lesquelles des accords collectifs pourront être négociés et conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, ou de renforcer la représentation collective du personnel dans les PME, en tenant compte des caractéristiques propres de ces entreprises.
Ce texte est un instrument nouveau, donné aux partenaires sociaux, qui doit être mis au service de la modernisation de nos relations du travail. Le développement de la négociation collective est en effet indispensable pour réussir l'adaptation de notre tissu économique aux conditions nouvelles de la compétition économique mondiale.
Comme Jacques Barrot, je crois profondément que seul un dialogue social décentralisé et diversifié permettra de concilier les impératifs économiques et les légitimes aspirations des salariés à de meilleures conditions de vie et de carrière dans l'entreprise.
C'est par la négociation collective que nous ferons simultanément progresser la réflexion, au plus près des réalités, sur une meilleure organisation du travail, sur l'évolution des tâches, sur la formation, mais aussi sur la création d'emplois et l'intégration des jeunes dans l'entreprise.
Au nom de Jacques Barrot, qui n'a pu se rendre devant vous aujourd'hui, je voudrais encore remercier votre commission des affaires sociales, et tout particulièrement son président, M. Fourcade, son rapporteur, M. Souvet, pour le travail qu'ils ont accompli. Sur divers aspects du texte, leurs pertinentes interrogations ont permis, tout au long des débats, de clarifier certaines dispositions ou d'en expliciter la signification précise.
Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter les présentes conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer. M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vertu du règlement du Sénat, nous examinons, à ce stade du débat, les conclusions de la commission mixte paritaire uniquement sur les points restant en discussion après les lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Ces points se limitant à la prise en compte du calendrier d'adoption du projet de loi, je n'insisterai pas sur les conclusions mêmes de cette commission mixte paritaire.
En revanche, je tiens à rappeler l'opposition résolue du groupe communiste républicain et citoyen au projet de loi qui nous est soumis.
Si nous regrettons les insuffisances du texte concernant la mise en place du comité d'entreprise européen, en particulier le fait que cette création se traduise par la suppression de comités de groupes, notre opposition est motivée principalement par le maintien de l'article 6, qui valide l'accord du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives.
Comme je l'ai démontré ici même avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, au cours des débats des 1er, 2 et 3 octobre, ce texte constitue, à notre avis - mais c'est aussi l'opinion des syndicats de l'inspection du travail et d'éminents spécialistes du droit du travail - une étape importante et, je le crains, décisive dans la marche que le Gouvernement et le patronat essaient d'imposer vers plus de déréglementation et de flexibilité.
En effet, sous le prétexte de renforcer le dialogue social, il s'agit avec ce texte de favoriser la signature d'accords dérogatoires au droit du travail en matière d'aménagement du temps de travail et aux droits des salariés dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale.
Avec ce texte, on s'engage maintenant dans la voie de mise à bas d'un principe fondamental selon lequel se construisait le droit du travail depuis de très nombreuses années, à savoir « qu'un accord collectif ne peut contenir que des dispositions plus favorables, ou des avantages non prévus, que les dispositions légales ou réglementaires ».
En fait, il s'agit bien de diminuer la protection sociale des salariés, les débats nous l'ont confirmé. A écouter mes collègues de la majorité, les causes du chômage seraient les droits sociaux conquis depuis un siècle par les travailleurs : le droit au temps libre, le salaire minimum, la sécurité sociale et la représentation syndicale.
Par conséquent, et contrairement à ce qu'ont affirmé M. Barrot, Mme Couderc, M. Fourcade ou M. Souvet, ce n'est pas en persévérant dans cette voie que nous pourrons lutter efficacement pour l'emploi !
Pour notre part, nous considérons comme une véritable provocation envers le monde du travail que le premier texte examiné par notre assemblée ait été un projet de loi conduisant à une remise en cause profonde des garanties sociales, du droit à la négociation et de la liberté syndicale.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc contre les conclusions de la commission mixte paritaire qui nous sont soumises aujourd'hui.
Nous ne nous faisons évidemment aucune illusion quant à l'issue du scrutin : ce texte sera voté par la majorité de notre assemblée.
Notre action contre ce texte, heureusement, ne s'arrêtera pas ce soir. Nous sommes ainsi décidés à nous associer à tout recours devant le Conseil constitutionnel à l'encontre de l'article 6.
Nous continuerons également d'informer les salariés des dangers que recèle ce texte : ils peuvent s'opposer, s'ils sont assez déterminés, à la signature d'accords d'entreprise dérogatoires et à limiter au maximum les dangers de ce projet de loi sur les négociations collectives.
En tout cas, ils peuvent compter sur nous pour les aider à défendre leurs droits.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :