III. LA PROCÉDURE DE CONTRAT DE PLAN ETAT-RÉGIONS EXERCE DES EFFETS REDISTRIBUTIFS
A. UNE REDISTRIBUTION AVEUGLE ENTRE LES RÉGIONS ?
1. Une volonté initiale de péréquation
•
Les deux premières générations de contrats de plan
(1984-1988 et 1989-1993), s'étaient caractérisés par une
règle implicite selon laquelle l'Etat fixait sa propre contribution
proportionnellement
à ce que les Régions proposaient de
consacrer à chaque contrat de plan.
Comme le souligne la Cour des Comptes
154(
*
)
, l'Etat favorisait de ce fait les
régions qui faisaient un effort financier, plutôt que celles qui
avaient le plus de
besoins
.
En particulier, cette règle constituait un
handicap
considérable pour certaines régions, qui faute de moyens
financiers, n'avaient pas toujours la possibilité de mettre en place des
actions nouvelles au sein des contrats de plan
155(
*
)
.
Au total, selon le rapport CHÉRÈQUE, "
l'Etat avait alors
paru entériner les disparités régionales
".
Cette règle dite de "
parité
", n'était
donc pas satisfaisante.
La plupart des Régions manifestaient d'ailleurs de très fortes
attentes
en matière de péréquation, comme l'avaient
relevé en en 1991 le rapport du "
Groupe [du Commissariat
général du Plan] d'évaluation des procédures
contractuelles en faveur du développement régional
", et
en 1992 le rapport de notre collègue Georges MOULY sur les
deuxièmes contrats de plan Etat-Régions.
• Lors des CIAT du 23 juillet 1992, du 10 février 1993 et du
12 juillet 1993, il fut donc décidé d'inscrire les
troisièmes contrats de plan Etat-Régions dans une vision
nationale de développement équilibré du territoire :
les contrats de plan devaient devenir un instrument de
redistribution
entre régions.
L'apport financier de l'Etat devait donc être
modulé
en
fonction du potentiel fiscal et de la situation de l'emploi de chaque
région.
Pour ce faire, le CIAT du 12 juillet 1993 avait classé les
régions métropolitaines en trois groupes, selon trois
critères
: le potentiel fiscal par habitant en 1992 ;
la moyenne du taux de chômage sur la période 1990-1992 ; la
variation de l'emploi entre 1984 et 1991.
Le premier groupe (Auvergne, Bretagne, Limousin, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais,
Poitou-Charentes), correspondait aux régions nécessitant un
effort prioritaire de l'Etat : l'enveloppe consacrée par l'Etat aux
troisièmes contrats de plan devait être accrue de 23,5 % en francs
courants par rapport aux deuxièmes contrats de plan.
Un second groupe de régions (Aquitaine, bourgogne, Champagne-Ardenne,
Languedoc-Roussillon, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de la Loire et
Picardie) devaient voir leurs enveloppes augmentées de 14,1 % en
francs courants.
Pour un troisième groupe de Régions (Alsace, Centre, Corse,
Franche-Comté, Midi-Pyrénées, PACA et Rhône-Alpes)
les enveloppes allouées par l'Etat aux contrats de plan devaient
être accrues de 9,4 % en francs courants, c'est à dire
qu'elles devaient être stables en francs constants.
Enfin, l'enveloppe allouée à l'Ile-de-France devait être
réduite de 10 % en francs courants.
A l'exception notable de l'Ile-de-France, qui était
particulièrement pénalisée, la plupart des Régions
ont accueilli favorablement cette décision de principe, d'ailleurs
saluée en 1997 comme une "
avancée
" par le
rapport de M. Jean BILLET pour le Conseil économique et
social
156(
*
)
.
L'effet péréquateur de ce classement était toutefois
doublement
limité
:
- par le choix de partir des enveloppes des deuxièmes contrats de plan,
dont on a vu qu'elles ne répondaient pas nécessairement à
la situation particulière des régions concernées ;
- par la faible différenciation des régions, à l'exception
de l'Ile-de-France.
Au total, comme le soulignent certaines Régions, "
le poids
historique des premiers contrats est resté très
fort
", et la répartition des dotations de l'Etat
préservait les "
avantages
territoriaux
acquis
".
Par ailleurs, selon le rapport CHÉRÈQUE, "
le principe de
la libre ventilation d'enveloppes globales différenciées s'est
traduit par des distorsions sectorielles d'un contrat à l'autre, qui
correspondaient à des choix stratégiques régionaux, mais
qui n'avaient aucune cohérence sectorielle
".
Quoi qu'il en soit, la décision du CIAT
n'a pas été
respectée
.