III - LE PROJET ANGLO-FRANÇAIS POUR UN DOMAINE SPÉCIFIQUE COMPLÉTÉ PAR D'AUTRES ACCÈS EN EUROPE, UN PLAN D'UN COÛT PROBABLEMENT SUPÉRIEUR À CELUI DE SOLEIL

Le projet du ministère de la recherche pour doter la France de ressources nouvelles en rayonnement synchrotron a été exposé à plusieurs reprises à vos Rapporteurs, d'abord le 19 janvier 2000 par M. René PELLAT, Haut commissaire à l'énergie atomique chargé d'animer le groupe de travail responsable des négociations avec le Royaume Uni sur le projet DIAMOND, puis les 21 et 22 février par des responsables de la partie anglaise, à Daresbury, Londres et Didcot, et enfin, le 1 er mars 2000, par M. Vincent COURTILLOT, Directeur de la recherche.

En outre, le groupe de travail, au fur et à mesure de ses travaux, a été alimenté en informations diverses sur l'évolution de la négociation, voire sur celle des conceptions françaises.

L'hypothèse de base adoptée par vos Rapporteurs, à l'instar du ministère, est qu'une amplification de la coopération internationale, dont on a vu qu'elle existe déjà dans le domaine des synchrotrons, est intéressante en soi.

Il convient toutefois de vérifier d'une part la cohérence interne du plan exposé par le ministère et donc la compatibilité des solutions explorées avec les objectifs posés a priori, et, d'autre part, l'adéquation de la solution d'ensemble aux besoins de la communauté scientifique non seulement française mais européenne.

1. Le coût du projet anglo-français et des lignes de lumière complémentaires, comparés à ceux de SOLEIL

Le plan des pouvoirs publics, en matière de rayonnement synchrotron, tel qu'il a été exposé à vos Rapporteurs à deux reprises, comporte trois " tranches " , selon le tableau ci-après.

La première tranche devrait permettre de fournir à la communauté française l'équivalent de la moitié de capacité de SOLEIL, au moyen d'une participation au synchrotron DIAMOND. Cette machine d'une énergie de 3 à 3,5 GeV est conçue pour répondre en priorité aux besoins de la biologie structurale.

Comme le communiqué du 2 août 1992 du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, l'a indiqué, " le Gouvernement français a décidé de coopérer avec le gouvernement de Grande-Bretagne et le Wellcome Trust (fondation de mécénat scientifique) pour la construction d'un synchrotron de 3 ème génération " .

Selon les indications données à vos Rapporteurs, la participation de la France, qui devait initialement se limiter à 1/3 de la machine, serait depuis lors réévaluée à la hausse jusqu'à pouvoir fournir l'équivalent de 50 % de la capacité de SOLEIL.

Tableau 9 : Estimation des principales caractéristiques du plan des pouvoirs publics dans le domaine du rayonnement synchrotron

caractéristiques

délais

pourcentage de la capacité de SOLEIL

1 ère tranche

négociation d'une participation française au projet DIAMOND

- accord sous quelques mois

- délai de signature officielle de l'accord et de mise au point de l'APD DIAMOND : 12 à 18 mois

- 50 %

2 ème tranche

location de lignes en Suisse et en Allemagne

- discussions en cours

- disponibilité sous quelques mois des lignes de lumière

- 10 à 25 %

3 ème tranche

- location de lignes supplémentaires ou

- construction d'une machine en France dans le cadre d'une coopération européenne

- inconnus

- subventions européennes éventuelles liées à l'entrée en vigueur du VIème PCRD en 2002

environ 25 %

La deuxième tranche correspond à la location complémentaire de lignes de lumière en Allemagne et en Suisse.

La troisième tranche correspond soit à la location de lignes supplémentaires sur d'autres machines situées en Europe, soit à la construction en coopération européenne d'une machine supplémentaire, éventuellement sur le sol national.

1.1. Le coût des lignes sur DIAMOND

Devant les polémiques existant sur le coût vraisemblable de la solution d'achat de lignes de lumière sur une machine anglo-française DIAMOND, vos Rapporteurs ont demandé à M. Yves PETROFF, directeur général de l'ESRF et aux experts du LURE, d'établir leur propre évaluation.

En outre, il est nécessaire d'aborder la question au fond du retard supposé de la biologie française par rapport à la biologie britannique.

1.1.1. Le coût des lignes de lumière

En l'absence de données précises du fait de la négociation en cours, l'hypothèse adoptée pour ces calculs est que la France obtiendrait 7 lignes de lumière.

Cette hypothèse n'apparaît pas dénuée de fondement, dans la mesure où il a été indiqué à vos Rapporteurs, lors de leur déplacement à Manchester, Londres et Didcot, que DIAMOND devrait comprendre 20 lignes de lumière, dont 3 réservées au Wellcome Trust et 10 à 11 réservées aux chercheurs britanniques, ce qui n'en laisse que 7 à la disposition de la France.

Le tableau suivant présente les deux évaluations établies en conséquence.

Tableau 10 : Estimations du coût sur 8 ans de 7 lignes sur la machine anglo-française DIAMOND

calculs sur 8 ans, salaires inclus

calcul de M. Y. PETROFF

selon le LURE

7 lignes sur DIAMOND

- participation aux infrastructures et à la source :

350 MF

- 7 lignes avec les têtes de lignes et les onduleurs :

140 MF

- salaires pour le personnel de construction, de fonctionnement et de maintenance (8x60 MF/an) :

480 MF

total :

970 MF

- participation aux infrastructures et à la source :

350 MF

- 7 lignes avec les têtes de lignes et les onduleurs :

100 MF

- salaires pour le personnel de construction, de fonctionnement et de maintenance (8x60 MF/an) :

480 MF

total :

930 MF

Dans l'hypothèse d'une participation à DIAMOND, le coût annuel par ligne de lumière serait de 17 millions de francs.

Ce coût est à mettre en parallèle avec le coût annuel par ligne sur un synchrotron de type SOLEIL implanté sur le territoire national, qui atteint 11 millions de francs.

En tout état de cause, tout se passe comme la prise de participation sur DIAMOND pour bénéficier de l'environnement britannique de qualité dans le domaine des sciences de la vie, entraînait un surcoût de 55 % , par rapport à une solution nationale.

Au cas où pour la même enveloppe, un nombre de lignes supérieur serait obtenu, le surcoût pourrait effectivement diminuer. Par exemple, avec 10 lignes, il serait égal à 10 %.

Ces évaluations confirment l'intuition de bon sens que l'exploitation d'une partie de machine située à l'étranger est toujours plus onéreuse que sur le sol national.

Au demeurant, cet élément est confirmé par le Professeur Jochen SCHNEIDER à propos de l'Institut Lauë-Langevin de Grenoble, dont l'exploitation d'une partie par l'Allemagne lui revient plus cher que si cette source de neutrons était implantée sur son sol.

Au reste, un autre sujet doit être abordé, celui du retard supposé ou allégué de la biologie structurale française par rapport à sa rivale britannique. Pour traiter d'un tel sujet, il est avant tout indispensable de se référer aux chiffres.

1.1.2. Les positions respectives de la biologie française et de la biologie britannique

Les Etats-Unis produisent à eux seuls 55 % des publications mondiales en biologie structurale. Le Royaume Uni produit 12 % du total, l'Allemagne 11 % et la France 7 %.

Le retard de la France sur le Royaume Uni a la même cause que celui du Royaume Uni sur les Etats-Unis. Il s'agit d'un effet de taille et non pas d'un effet qualitatif. L'écart entre ces différents pays provient avant tout du nombre d'équipes de chercheurs dans ce domaine et des financements accordés. Au demeurant, on peut même déduire de ces chiffres qu'une coopération avec l'Allemagne dans le domaine de la biologie structurale présenterait le même avantage que celui résultant d'une coopération anglo-française.

En outre, l'examen des publications dans ce domaine montre que la France a plus innové dans le domaine de l'utilisation du rayonnement synchrotron en biologie que le Royaume Uni.

1.2. Le coût des lignes de lumière d'appoint

En raison du fait que des négociations sont également en cours pour des accès permanents à des lignes de lumière en Allemagne et en Suisse, vos Rapporteurs n'ont pas eu accès à des informations sur les coûts correspondants.

Mais, dans l'hypothèse vraisemblable où il s'agirait de créer des lignes de lumière correspondant avec précision aux besoins des chercheurs français, on peut imaginer que les coûts des équipements des lignes incombent à la France, y compris celui des onduleurs et des têtes de lignes.

Il serait donc surprenant que l'Allemagne et la Suisse octroient des lignes de lumière à la France à des coûts significativement différents de ceux obtenus au Royaume Uni.

1.3. Les coûts de redéploiement ou de fermeture du LURE

Le schéma d'un partenariat avec le Royaume Uni et de la location de lignes d'appoint en Europe porte en soi une menace sur l'avenir du LURE. Certes le communiqué du 2 août 1999 précité, indiquait que " la poursuite du LURE à Orsay n'est pas remise en cause " .

Toutefois, cette éventualité doit être intégrée au coût de la solution de délocalisation de nos ressources en rayonnement synchrotron. En combinant le chiffrage habituel du coût de fermeture d'un établissement industriel et l'évaluation des conséquences d'un non-transfert des personnels du LURE vers SOLEIL, le coût de fermeture du LURE ressort à 5 ou 6 années de fonctionnement, ce qui conduit à un montant de l'ordre de 500 millions de francs.

Dans les différentes évaluations produites sur les coûts comparés de la solution française et de la solution britannique, les coûts de fermeture du LURE ne sont curieusement pas pris en compte, ce qui paraît inacceptable.

Ainsi que l'a exposé M. Jean-Claude LEHMANN, la situation actuelle de la communauté française du rayonnement synchrotron porte en elles les germes d'une " catastrophe humaine " .

Le LURE comprend en effet des chercheurs de haut niveau dont les centres de rayonnement synchrotron étrangers aimeraient sans aucun doute s'attacher les services. Si une décision positive n'était pas rapidement prise en faveur d'une source nationale de rayonnement synchrotron, on pourrait s'attendre que les équipes se dispersent rapidement, ruinant les chances de la France d'être présente dans ce domaine pour de très longues années.

1.4. Un effort national permettant de disposer d'un potentiel supérieur à long terme

La comparaison a été faite par plusieurs experts des sommes dépensées sur 8 ans dans le cadre d'un projet national ou un projet consistant à prendre une participation sur une machine anglo-française et à louer des lignes sur d'autres installations.

Il n'est pas surprenant de constater que toutes les évaluations convergent pour démontrer qu'au terme d'une période de 8 années, la solution nationale présente l'avantage, d'une part, d'avoir construit un patrimoine de lignes disponibles supérieur à celui de toute autre solution, et, d'autre part, d'avoir posé les bases d'un développement ultérieur de lignes complémentaires qui pourraient être construites à moindre coût.

En l'occurrence, dans une technologie clé comme le rayonnement synchrotron, il serait dommageable pour la France d'adopter une vision de court terme, réduisant probablement de très peu les dépenses faites, et compromettant d'une manière certaine le potentiel à long terme de la recherche française.

2. Des capacités insuffisantes pour la France et l'Europe

Si la solution du recours à des lignes " externalisées " semble relativement coûteuse, elle ne semble pas en outre contribuer à faire avancer l'Europe de la manière souhaitable dans le domaine du rayonnement synchrotron.

Le retard de l'Europe sur les Etats-Unis en matière de rayonnement synchrotron, une question au demeurant discutée, peut s'évaluer de deux façons, la première au regard des besoins d'une discipline phare comme la biologie structurale, et la deuxième au regard du nombre de lignes de lumière disponibles.

Dans un premier temps, il est utile d'examiner le domaine de pointe que constitue la biologie structurale et de mesurer l'utilisation respective du rayonnement synchrotron pour la résolution de structures, puisque cette technique est considérée par tous les spécialistes comme la technique de pointe dans ce domaine.

Les statistiques établies par le Hasylab et l'EMBL (European Molecular Biology Laboratory) de Hambourg mettent en évidence que le nombre de publications de biologie structurale résultant de travaux effectués sur des synchrotrons est 2,4 fois plus élevé aux Etats-Unis qu'en Europe (voir figure suivante).

Bien évidemment, ce décalage pourrait provenir d'une productivité insuffisante des synchrotrons européens ou d'un positionnement technique défavorable aux études structurales.

Il paraît plus vraisemblable d'attribuer ce décalage à une pénétration inférieure des techniques du rayonnement synchrotron dans l'industrie pharmaceutique européenne. Dans ces conditions, on peut prévoir un rattrapage de l'Europe dans les années à venir, qui fera considérablement augmenter les besoins d'accès aux lignes de lumière des machines européennes.

Figure 16 : Nombre de publications en biologie structurale résultant de travaux conduits sur les synchrotrons américains ou européens

source : HASYLAB -DESY Hambourg

Par ailleurs, le recensement des postes expérimentaux disponibles en Europe et aux Etats-Unis, effectué par M. Yves FARGE, montre un retard européen actuel de 11 % pour les synchrotrons de 2 ème génération (voir tableau suivant).

Tableau 11 : Expériences disponibles en Europe et aux Etats-Unis sur des synchrotrons de 2 ème génération

synchrotrons de 2 ème génération

énergie (GeV)

nombre d'expériences

I - Europe

Lure DCI

Super-ACO

0,8

1,85

43

SRS (Daresbury, RU)

2,0

38

DORIS III (Hasylab, Hambourg, Allemagne)

4,45

41

Bessy I (Berlin, Allemagne)

0,8

35

Max I (Lund, Suède)

0,5

7

Astrid (Danemark)

0,58

4

Anka (Karlsruhe, Allemagne)

2,5

12 (en construction)

TOTAL

168

II - Etats-Unis

Surf II

0,4

8

SSRL

3,0

31

NSLS

0,8

2,5

95

Chess

4,0

12

Aladin

0,8

27

CAMD

14

TOTAL

187

La question qu'il est nécessaire de se poser est donc la suivante : compte tenu du rattrapage qui va devoir s'exercer pour la seule biologie moléculaire, les projets en cours sont-il suffisants ?

Certes, à l'heure actuelle, l'Europe possède une avance de 16 % pour les synchrotrons de 3 ème génération (voir tableau suivant). Mais cette avance sera-t-elle suffisante ?

Avec la construction de DIAMOND, l'Europe devrait passer sous 10 ans à 198 postes expérimentaux tout en perdant les 81 postes du LURE et de SRS.

On ne peut exclure que les Etats-Unis ne décident pas la construction d'une nouvelle machine ou n'aillent au-delà de la modernisation des sources NSLS et SSRL, deux sources de 2 ème génération actuellement reconstruites pour se rapprocher des performances des sources de 3 ème génération.

Tableau 12 : Postes expérimentaux disponibles, en construction ou en projet en Europe et aux Etats-Unis sur des synchrotrons de 3 ème génération

synchrotrons

de 3 ème génération

énergie (GeV)

nb d'expériences

en fonctionnement

nb d'expériences

en construction ou en projet

total

potentiel

I - Europe

ESRF (Grenoble, France)

6,0

38

12

50

ELETTRA (Trieste, Italie)

1,9

16

14

30

MAX II (Lund, Suède)

1,5

7

5

12

Bessy II (Berlin, Allemagne)

1,9

12

24

36

SLS (Villigen, Suisse)

2,4

30

30

DIAMOND (Didcot ou Daresbury, Royaume Uni)

3-3,5

40

(projet)

40

(projet)

TOTAL

73

sous 3 ans :

85

sous 10 ans :

125

sous 3 ans :

158

sous 10 ans :

198

II - Etats-Unis

ALS

1,9

27

11

38

APS

7

34

36

70

NSLS et SSRL

30

30

TOTAL

61

sous 3 ans :

77

sous 10 ans :

?

sous 3 ans :

138

sous 10 ans :

?

Il est donc possible de dire que l'avance dont dispose l'Europe sur le papier, est d'une part susceptible de se réduire et d'autre part potentiellement annihilée par le processus de rattrapage que l'on peut prévoir en matière d'utilisation des lignes de lumière par la seule biologie structurale.

Au-delà de ces considérations, le seul constat des constructions en cours et même l'analyse des projets ne sauraient suffire à donner une appréciation correcte de la situation.

En effet, une course de vitesse est en effet engagée dans l'ensemble des disciplines scientifiques pour l'application du rayonnement synchrotron et en particulier pour la résolution des structures des protéines, course de vitesse dans laquelle il est vital d'anticiper les réactions des autres compétiteurs.

Pour de nombreux experts, le post génome sera l'âge d'or de la génomique structurale. La connaissance de la structure des protéines est un enjeu scientifique capital pour au moins deux raisons. La première est que la structure des protéines est liée à leur fonction. La connaissance de la structure de ces micro machines peut permettre d'en bloquer ou d'en modifier le fonctionnement. La deuxième raison est que la connaissance des protéines permet d'explorer les mécanismes de codage mis en oeuvre par le génome.

Comme l'a exposé M. Vincent MIKOL, directeur de recherche chez Aventis, le processus de développement d'une molécule active, c'est-à-dire d'un médicament, commence avec l'identification du constituant de la cellule qui est responsable de la maladie considérée. En moyenne, la dépense de recherche et développement correspondant à la mise sur le marché d'un nouveau médicament s'élève à 400 millions d'euros.

Or deux évolutions fondamentales bouleversent ce processus de développement. La première est d'ordre juridique, avec la brevetabilité du vivant. La seconde est d'ordre scientifique, avec le décryptage du génome, qui permettra de faire le lien entre un ou plusieurs gènes particuliers et une maladie spécifique

La Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques dispose dans son article 5 que :

" 1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.

" 2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel.

" 3. L'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène doit être concrètement exposée dans la demande d'un brevet. "

Pour M. Vincent MIKOL, les enjeux sont désormais clairement posés. La brevetabilité du vivant est courante aux Etats-Unis.

Au reste, les pays membres de l'Union européenne ont l'obligation de transposer cette directive avant le 30 juillet 2000. Il ne fait aucun doute pour les entreprises privées que la brevetabilité des gènes sera la règle dès cette année et qu'elle les oblige à se lancer sans délai dans la course.

Ainsi donc, selon la directive n° 98/44/CE, un gène sera brevetable si l'on peut prouver qu'une utilisation industrielle de ses propriétés est possible. Comment administrer cette preuve ? En mettant en évidence une fonction exercée par ce gène. La brevetabilité du gène s'exercera sur la fonction démontrée et non pas sur l'ensemble de ses fonctions, qui peuvent être multiples et liées à d'autres gènes.

L'identification d'un gène et de sa fonction s'opère principalement par le criblage d'un grand nombre de molécules.

Les protéines revêtent un intérêt central, à cet égard, en tant que macromolécules intervenant dans tous les processus biologiques. Agents essentiels de la structure et du fonctionnement des cellules, les protéines participent aussi à la synthèse de l'ADN et au contrôle de l'information génétique nécessaire pour la formation d'ARN et d'autres protéines.

L'objet de nombreuses études est donc l'identification de la structure de protéines, suivie de la sélection des molécules qui, leur étant greffées, peuvent bloquer leur fonctionnement. C'est là qu'intervient le rayonnement synchrotron, dont c'est l'utilisation principale pour Aventis, au titre de " l'optimisation des pistes pour des têtes de série chimiques ".

La course de vitesse entre les laboratoires pharmaceutiques est donc encore accélérée par ces nouvelles perspectives juridiques.

Il semble donc que l'Europe et la France aient à investir sans aucun délai dans la construction de nouvelles ressources en rayonnement synchrotron, les installations les plus performantes étant d'ores et déjà saturées.

Le non-remplacement des installations de Daresbury et d'Orsay mettrait l'Europe en difficulté.

A cet égard, la priorité semble devoir être donnée à la vitesse de réalisation d'un nouvel équipement pour aider différentes disciplines à monter en puissance, et en particulier la biologie structurale.

On peut aussi se demander s'il ne conviendrait pas d'adopter une politique dynamique d'augmentation des ressources françaises en rayonnement synchrotron, qui seule permettrait d'anticiper sur les réactions des autres pays.

Conclusion

Les Etats-Unis ont clairement énoncé dans le rapport Birgeneau que l'enjeu des synchrotrons est d'une importance globale pour la compétitivité de leur recherche et de leur industrie.

Dans un tel contexte et alors que les synchrotrons apparaissent comme des machines banalisées au service de vastes communautés de chercheurs, la coopération européenne pourrait être optimale si elle se déroulait dans un cadre de subsidiarité.

On peut souhaiter à cet égard que la politique communautaire dans le domaine de la recherche se mette clairement au service des dynamiques des différents pays membres de l'Union en contribuant au financement d'initiatives nationales et favorise la coopération multilatérale là elle est nécessaire, c'est-à-dire dans le domaine des équipements complémentaires que constitueront les lasers à électrons libres.

En tout état de cause, le recours exclusif à la coopération internationale pour satisfaire les besoins nationaux apparaîtrait quelque peu paradoxal, alors que la France se trouve dotée de ressources compétitives et que la notion de concurrence scientifique est plus que jamais présente dans les stratégies de tous les pays développés.

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