Alfred LOHMAN Responsable du syndicat CFO de la poste hollandaise
Je remercie les organisateurs de ce colloque d'avoir invité le représentant d'un mouvement syndical néerlandais pour qu'il puisse exprimer sa vision de la privatisation des services postaux. J'appartiens à la CFO qui est l'un des quatre syndicats représentant les employés de TNT et de TPG. Nous représentons les intérêts de 24 000 employés de TPG, soit 40 % de l'effectif total.
A l'origine, les syndicats néerlandais et les employés étaient opposés à la privatisation du secteur postal. Il en a résulté des grèves assez dures. En effet, on ne savait rien alors de la libéralisation future du secteur postal en Europe et beaucoup pensaient qu'en perdant leur statut de fonctionnaire, ils perdraient la sécurité de l'emploi et leurs avantages acquis. Les syndicats ont alors demandé des garanties pour préserver un statut comparable en cas de passage au secteur privé.
Il en a résulté de très longues discussions avec les dirigeants de l'entreprise qui a abouti à un accord sur les modalités de la privatisation qui paraissait inévitable. En effet, peu de politiques souhaitaient que TPG conserve le statut d'entreprise publique. Par contre, la plupart étaient soucieux de faciliter la transition vers le privé. En fin de compte, les syndicats se sont concentrés sur la résolution des problèmes sociaux qui menaçaient de se poser.
On a fini par distinguer le statut des employés déjà en place de celui des employés qui seraient embauchés après la privatisation. Des droits de transition ont ainsi été mis en place et les syndicats se sont engagés aux côtés de la direction dans le processus de privatisation. Le premier janvier 1999, les employés ont cessé d'être fonctionnaires et la nouvelle entreprise a été rebaptisée Royal PTT ou KPN. Une série de réglementations nouvelles a été mise en place pour préserver les avantages acquis du personnel en terme de sécurité sociale et de droit du travail.
Le Gouvernement a donc mis de l'argent à disposition pour constituer un nouveau fonds de pension qui garantissait les droits des employés en matière de retraite. La nouvelle entreprise a également introduit une nouvelle grille de rémunérations plus proche de celles du privé. Cette grille tenait compte des salaires des employés avant la privatisation. Une phase de transition en huit étapes annuelles a également été instituée. Un plan spécifique a également été établi afin que les employés puissent mettre de l'argent de côté sur des fonds d'économie salariale rémunérés. Cela leur a permis de compenser les éventuelles différences de traitements en touchant un forfait au bout de huit ans. En fait, au bout de ces huit années, les salaires de la nouvelle entreprise privée ont augmenté plus vite que le traitement des fonctionnaires.
Les syndicats et la direction ont également passé d'autres accords permettant de compenser les inconvénients liés à la privatisation. Le ministre responsable a ainsi alloué des sommes substantielles pour résoudre tous les problèmes liés à la transition vers le secteur privé. Cette privatisation s'est donc faite de façon particulièrement efficace et elle est même devenue un exemple dans le cas d'autres privatisations aux Pays-Bas.
Par la suite, l'entreprise a dû assurer sa position sur le marché international en impliquant les syndicats dans son développement. En effet, la direction considère les syndicats comme un lien indispensable avec le personnel dans le cadre du processus de libéralisation et de la gestion des conditions de l'emploi. Les syndicats se sont investis dans chaque phase de la libéralisation afin de protéger certains secteurs ou d'étendre les droits des salariés aux nouvelles acquisitions de l'entreprise comme TNT.
Les syndicats ont également dû intervenir à plusieurs reprises pour maintenir les emplois ou le niveau des salaires. La direction a donc décidé d'ajourner certaines décisions qui risquaient de compromettre l'harmonie sociale au sein du groupe. Elle a notamment étalé l'automatisation du tri sur une période huit ans ou reculé la fermeture de certains bureaux. L'élimination naturelle de l'emploi et le recours à certaines formes d'emploi temporaire a permis de minimiser des chocs sociaux au sein de l'entreprise.
On parle actuellement de réorganiser l'emploi et des discussions sur ce thème ont déjà commencé entre la direction et les syndicats afin d'élaborer les meilleures solutions possibles. En fait, il faut organiser le travail différemment tout en maintenant les emplois.
J'ai entendu certains syndicats européens reprocher aux syndicats néerlandais de se montrer trop coopératifs. En fait, nous essayons toujours de peser nos décisions en tenant compte de tous les paramètres sociaux, politiques et économiques et d'agir pour le bien des salariés à long terme. Notre objectif a toujours été de maintenir les emplois et les revenus. La direction et le Gouvernement nous prennent d'ailleurs très au sérieux et c'est la meilleure façon de faire entendre nos idées. La coopération me paraît conduire au meilleur résultat dans l'intérêt de tous.
Henri LOIZEAU
Pouvez-vous nous dire comment les salariés de TPG apprécient la politique de l'entreprise en matière de missions d'intérêt général ? Ces missions sont-elles remplies de la même manière qu'auparavant ? Quelles sont les nouvelles orientations de l'entreprise dans ce domaine ?
Alfred LOHMAN
Les membres de notre syndicat sont très bien informés sur toutes les orientations politiques de l'entreprise. Des comités sont organisés pour réfléchir à ces objectifs. En ce qui concerne l'implantation des bureaux de poste, le problème est un peu différent puisqu'ils ne font plus partie de l'entreprise. Je sais par contre que le souci premier en la matière a été de réorganiser le réseau en fonction de la demande des clients. Il serait en effet impossible d'implanter des bureaux partout dans le pays : ce ne serait pas viable économiquement parlant. L'entreprise a dû s'adapter sans pour autant supprimer d'emplois dans ce secteur.