N° 166
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 18 janvier 2000. |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission commune d'information (1) chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer des améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, sur la sécurité juridique des actes des collectivités locales et les conditions d'exercice des mandats locaux ,
Par M. Michel MERCIER,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Jean-Paul Delevoye, président ; Jacques Bellanger, Joël Bourdin, Paul Girod, vice-présidents ; Robert Bret, Louis de Broissia, Jean-François Picheral, Lylian Payet, secrétaires ; Michel Mercier, rapporteur ; Claude Domeizel, Patrice Gélard, Hubert Haenel, Claude Haut, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-François Humbert, Philippe Marini, Gérard Miquel, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Jacques Oudin, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Raincourt, Philippe Richert, Bernard Seillier, Guy Vissac.
Collectivités locales.
AVANT-PROPOS
Le suivi de la décentralisation est une préoccupation constante du Sénat, conforme à la mission de représentation des collectivités locales que lui confie l'article 24 de la Constitution.
Avant les lois de décentralisation de 1982-1983, le Sénat avait adopté, après de longs débats, un projet de loi pour le développement des responsabilités des collectivités locales, déjà novateur et de grande ampleur, défendu par notre collègue Christian Bonnet, alors ministre de l'intérieur. La discussion de ce texte par le Parlement a été interrompue par l'alternance de 1981.
Depuis les lois de décentralisation, le Sénat a constitué trois missions d'information successives, communes à plusieurs commissions, en 1983, 1984 et 1990, afin d'apprécier la mise en oeuvre et les effets de la réforme.
Plus récemment, les commissions des lois et des finances ont mis en place, en leur sein ou conjointement, des groupes de travail qui se sont penchés sur la responsabilité pénale des élus locaux (1995) sur la décentralisation (1996) et sur les chambres régionales des comptes (1998).
La création, en décembre 1998, d'une nouvelle mission d'information, commune à cinq commissions permanentes, " chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales ", s'inscrit dans le droit fil de ces travaux.
Cette initiative trouve son origine dans la volonté de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, qui, dès son élection, a souhaité affirmer le rôle de " veilleur " de la décentralisation de la Haute Assemblée.
Elle s'est concrétisée par une proposition conjointe des présidents des commissions des finances et des lois, auxquels se sont ralliés les présidents des commissions des affaires culturelles, des affaires économiques et des affaires sociales.
La mission, dont la création a été autorisée par le Sénat le 17 décembre 1998, s'est réunie le mardi 19 janvier 1999 pour nommer son bureau.
Après avoir entendu M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, puis M. Emile Zuccarelli, ministre de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, la mission d'information s'est engagée dans un large programme de consultation des associations d'élus et de personnalités qualifiées.
Elle a tiré profit des informations recueillies par le Président du Sénat à l'occasion des Etats généraux des collectivités locales dans les régions. Elle a également tiré profit des débats qui ont eu lieu en 1998 dans notre hémicycle sur la responsabilité des maires, à la suite d'une question orale de notre collègue Hubert Haenel, ainsi que sur la décentralisation et sur l'aménagement du territoire, en réponse aux déclarations du gouvernement. Un colloque a été organisé dans nos murs en avril 1999 sur la sécurité juridique et l'action publique locale.
L'actualité législative récente a bien entendu nourri les réflexions de la mission, qui a vu évoluer la matière de ses travaux sous l'effet de plusieurs réformes d'importance, concernant en particulier les polices municipales, l'intercommunalité, l'aménagement du territoire et la taxe professionnelle, d'autres s'annonçant à plus ou moins brève échéance, sur les interventions économiques des collectivités locales ou la taxe d'habitation par exemple.
Face à ce paysage mouvant et à l'ampleur de la tâche, la mission d'information n'a pas épuisé, fin 1999, le vaste sujet d'étude qui lui a été dévolu. Elle poursuivra ses travaux, avec l'autorisation du Bureau du Sénat, dans la perspective de rendre ses conclusions au plus tard en juin 2000.
Parallèlement, le premier ministre a mis en place pour travailler sur la décentralisation et son avenir une commission composée majoritairement d'élus et présidée par notre collègue Pierre Mauroy, preuve s'il en était besoin de l'intérêt que présente le sujet imparti à la mission du Sénat.
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Un des objectifs que s'est fixé la mission d'information consiste à apprécier le bilan de la décentralisation au regard de l'efficacité de l'action publique.
De ce point de vue, il est permis de s'inquiéter de la triple asphyxie qui menace les collectivités locales : asphyxie financière, réglementaire et " sociétale ".
Asphyxie financière parce que, même si les finances des collectivités paraissent actuellement saines, les perspectives sont inquiétantes. Les charges imposées s'alourdissent, rétrécissant les marges de manoeuvre, alors que l'avenir du système de financement des collectivités locales paraît incertain.
Asphyxie réglementaire, en raison de l'inflation et de l'instabilité des normes et, d'une manière générale, de la complexité croissante du droit, qui contribuent à l'insécurité du contexte juridique dans lequel s'exerce la gestion des élus locaux.
Asphyxie " sociétale " enfin, que l'on peut redouter sous deux aspects : d'une part, la montée des problèmes sociaux auxquels les collectivités ont à faire face, d'autre part, la tendance à la pénalisation des relations sociales qui touche aussi les élus locaux, les préoccupe vivement et risque d'entraver leurs initiatives.
Dans ce contexte, il est apparu que trois thèmes préoccupaient particulièrement les élus et méritaient de faire l'objet d'une réflexion prioritaire : l'insécurité juridique qui pèse sur la gestion des collectivités et des élus, les conditions d'exercice des mandats locaux, autrement dit ce qu'on appelle improprement le " statut de l'élu ", ainsi que l'avenir du système de financement des collectivités locales dont il était opportun de débattre à l'occasion de la discussion budgétaire.
La mission a donc procédé le 18 novembre 1999 à un échange de vues sur ces trois thèmes, sur la base des communications présentées par votre rapporteur, qui ont été ensuite rassemblées dans un document de travail adressé aux membres de la mission.
Les analyses et les propositions relatives à la sécurité juridique ainsi qu'au " statut de l'élu ", approfondies et précisées par votre rapporteur, ont à nouveau été examinées par la mission d'information qui, dans sa réunion du 18 janvier 2000, en a débattu, les a approuvées et a décidé de les rendre publiques sans attendre la fin de ses travaux.
Tel est l'objet du présent rapport d'étape, consacré à la sécurité juridique des actes des collectivités locales -dans une perspective plus large que la seule mise en cause de la responsabilité pénale des élus- ainsi qu'aux droits et moyens attachés à l'exercice des mandats locaux.