B. DES DÉFIS MENAÇANTS
Les défis auxquels est confrontée notre poste peuvent se résumer sous forme de syllogisme :
Quoi qu'elle ait commencé à changer depuis plusieurs années, elle bouge moins vite que l'environnement en mutation dans lequel elle s'inscrit.
Il en résulte un retard d'adaptation qui se creuse et qui nécessite un effort de rattrapage pour assurer l'avenir.
Cet effort est entravé par des handicaps structurels et financiers.
1. Un quadruple ébranlement
L'ébranlement des positions séculaires occupées par La Poste dans notre pays prend plusieurs formes. Il est à la fois technologique, économique, juridique et culturel. Mais, il a un seul nom : « concurrence ».
Les nouvelles technologies de l'information (minitel, télécopie, fax, édition de données informatiques, courrier électronique, Internet, ...) engendrent des produits de substitution au courrier classique.
Certes, ce phénomène tend à accroître le marché global de la communication et n'est donc pas immédiatement défavorable à une entreprise qui en est un acteur majeur. Certains considèrent ainsi que l'ouverture de la concurrence dans les télécommunications françaises, en janvier 1998, a contribué à accroître les volumes de courrier en raison de l'importance des flux de publicité adressée que cela a entraîné.
Cependant, à terme, lorsque la diffusion des équipements informatiques sera telle que ces nouvelles technologies atteindront un degré d'universalité comparable à la lettre, des bouleversements structurels apparaissent probables. D'ores et déjà, on estime que le déploiement en France du réseau « social-santé » pourrait aboutir en quelques années à un transfert de trafic de 3 à 5 % du chiffre d'affaires de La Poste.
Par ailleurs, la concentration de la demande dans le courrier -les cinq premiers clients de La Poste lui assurent 10 % de son chiffre d'affaires 8 ( * ) -, le développement spectaculaire de la messagerie, l'émergence d'opérateurs privés efficaces et la sortie hors de leurs frontières de postes nationales s'étant réformées transforment profondément la donne économique du marché postal classique.
En outre, les décisions prises au sein de l'Union européenne programment une réduction progressive du monopole juridique du courrier sur lequel s'est, pour une grande part, fondée la prospérité de notre Poste. Ceci s'accompagnant d'une interdiction de fait du financement d'autres misions d'intérêt général au travers du monopole, le temps des facilités financières ouvertes à l'Etat et à La Poste au moyen des hausses du prix du timbre est désormais révolu .
Au total, le secteur du courrier est en train de basculer dans l'économie de l'information mondialisée qui s'annonce comme l'avenir de nos sociétés industrielles. Or, cela constitue pour notre Poste un choc de nature identitaire . Dans ce nouveau contexte, il lui faut, en effet, apprendre à conserver sa culture de service public -si précieuse à la Nation- en renonçant à la fonder exclusivement sur des réflexes monopolistiques enracinés par des siècles de pratiques administratives.
2. Un triple handicap
Trois handicaps entravent la capacité de réaction de La Poste à l'ébranlement concurrentiel.
Tout d'abord, trop souvent les postiers -comme d'ailleurs la plupart des Français- n'ont pas suffisamment conscience de la rapidité des changements qui s'opèrent autour d'eux, dans leurs domaines d'activité traditionnels.
Ensuite, les rigidités structurelles et sociales que connaît l'entreprise postale hypothèquent sa réactivité. Ses pesanteurs organisationnelles sont lourdes. Les atteintes parfois graves que l'exercice du droit de grève porte à la continuité du service public, le caractère parfois erratique de la qualité des prestations tendent à rebuter la clientèle, surtout celle des entreprises. L'inégalité des statuts -où la plus grande précarité côtoie la plus grande stabilité- attribués aux personnels pour assurer des tâches équivalentes fragilisent encore sérieusement l'unité sociale de l'opérateur malgré des progrès récents.
Surtout, le rapport de 1997 met en évidence le poids considérable des charges qui découlent du coût d'entretien (4,5 milliards de francs) d'un réseau immobilier pour partie peu fréquenté 9 ( * ) , du paiement de la totalité des pensions de retraite des anciens postiers fonctionnaires (600 millions d'accroissement cumulatif par an ou, si l'on préfère, 360 10 ( * ) milliards de francs de 1997 à 2015) et, d'une manière générale, d'un insuffisant soutien de l'Etat pour des missions relevant à l'évidence de l'intérêt général (coût du transport de la presse, gestion sociale du livret A : plusieurs milliards par an). Or, toutes ces charges représentaient en 1996 -hors retraites- un coût net 11 ( * ) de plus de 8 milliards de francs par an . Elles s'accumulent sur La Poste dans un contexte où celle-ci a de moins en moins de marge de manoeuvre : résultats faiblement excédentaires -voire déficitaires il y a encore peu-, fort endettement, prix du timbre déjà très élevé, tendance à un assujettissement à la fiscalité de droit commun.
* 8 Et les 86 premiers clients en assurent environ un tiers.
* 9 Environ 3.000 points postaux fonctionnent moins de deux heures par jour, soit 18 % du réseau ; 2.000 à 2.400 points postaux fonctionnent moins d'une heure.
* 10 Quatre fois le chiffre d'affaires 1998.
* 11 Le coût net étant celui des obligations auxquelles La Poste est assujettie déduction faite des contreparties qui lui sont accordées.