CHAPITRE 2 - TYPOLOGIE DES DISPOSITIFS D'AIDE À L'EMPLOI ET DE LEUR IMPACT ESCOMPTE
Le découpage usuel des catégories de la politique de l'emploi distinguant des dépenses dites "passives" et des dépenses dites "actives" est, cela a été souligné, certes nécessaire, mais réducteur. Parce que les aides à l'emploi ont implicitement deux principaux objectifs, favoriser la création d'emplois et améliorer la position relative de certaines populations sur le marché du travail 30 ( * ) , nous avons choisi de classer les flux financiers correspondant en distinguant les mesures généralistes (dont certaines et non des moindres sont exclues de la DPE par la DARES), qui répondent plutôt au premier objectif, et les aides ciblées, qui visent davantage à atteindre le second objectif. Au sein de chaque catégorie, seront précisés les mécanismes économiques susceptibles d'être enclenchés par les différents dispositifs.
Malgré leur caractère a priori complémentaire, les deux objectifs mentionnés sont parfois opposés. Ainsi, parmi les aides généralistes, les aides sans contrepartie bénéficient à toutes les entreprises sans contrainte sur le type de recrutement effectué ou sur le poste de travail ainsi subventionné. De fait, les employeurs utilisent alors ces flux financiers dans le cadre du marché du travail typique, au bénéfice des individus les mieux perçus par le marché du travail. On espère simplement que l'augmentation du volume d'emploi viendra fluidifier la file d'attente à l'entrée sur le marché du travail et permettra ainsi aux personnes jugées les moins employables d'être embauchées. Néanmoins, parmi les mesures généralistes, les mesures entrant dans le cadre de la contractualisation entre les pouvoirs publics et les entreprises engagent une contrepartie de la part de ces dernières en matière de création d'emplois ou d'amélioration de la qualification des emplois.
Au travers des mesures ciblées, à l'inverse, on tente de contraindre les pratiques des employeurs, de modifier leurs comportements d'embauches, plus que d'augmenter le volume global d'emplois. Ce n'est pas tant le chômage que l'on combat alors que les difficultés des jeunes, des moins qualifiés et des chômeurs de longue durée. Au sein de cette première typologie, les subventions seront distinguées des contrats aidés ou des conventions.
Les subventions "pures" renvoient directement à un contrat de travail de droit commun sans autre objectif que la baisse du coût du travail. Les contrats aidés se placent dans un champ différent puisque, outre des subventions non négligeables (exonérations de cotisations sociales et parfois primes à l'embauche, primes à la formation), ils introduisent aussi des dispositions nouvelles dans les règles du droit social, jusqu'à construire des statuts hybrides spécifiques, tant du point de vue des rémunérations offertes, que des durées proposées. Les dispositifs sont plus complexes et leur multiplicité semble souvent irrationnelle. On retrouve enfin dans ces mesures des dispositifs de maintien de l'emploi instrumentés par des conventions (préretraites progressive, conventions de conversion)
Enfin, si la réduction du coût du travail est l'axe essentiel des mesures ciblées et non ciblées, il convient de distinguer les mécanismes à l'oeuvre dans le cas d'un dispositif visant l'abaissement du coût relatif du travail et le cas d'une mesure de réduction du temps de travail, volet qui s'est développé dans le cadre des mesures d'ordre général. Dans le premier cas, l'objectif est surtout de modifier la combinaison productive des entreprises en agissant sur la structure des coûts relatifs des facteurs de production mais sans toucher à la norme répartition des revenus. Dans le deuxième cas, le débat qui s'amorce porte sur le partage des gains de productivité entre profit, salaire, emploi et temps de travail. Qu'il débouche sur une évolution de la durée collective du travail à temps plein ou de la norme de temps partiel, ce débat engage la diffusion d'une norme donnée de durée du travail et de réparation revenus.
La première section sera consacrée aux instruments s'inscrivant dans le cadre des mesures d'ordre général. Seront notamment classées parmi les mesures généralistes :
- Les exonérations de cotisations patronales entrant dans la réduction du coût du travail (cotisations familiales, 1er salarié, ristourne dégressive...)
- Les exonérations de cotisations patronales pour l'embauche de salariés à temps partiel
- Les incitations à la Réduction du temps de travail
- Les incitations à la formation continue
- Les aides financières des collectivités locales
- Les exonérations textiles
- Les exonérations territorialisées (zones franches, zones de redynamisation urbaines et rurales, Corse, etc...)
La deuxième section traitera des instruments mis en oeuvre dans le cadre des politiques' ciblées. Seront ainsi considérées comme mesures ciblées :
- Les emplois aidés marchands (CIE...)
- Les emplois aidés non-marchands (CES. CEC)
- APEJ, ARPE
- Les contrats en alternance
- les conventions de conversion et les préretraites progressives.
1. Les mesures d'ordre général
Les mesures d'ordre général sont ici définies comme celles qui consistent à exonérer les entreprises de cotisations sociales ou à les subventionner indifféremment, sans référence à un public cible clairement identifié par les financements. Ces mesures correspondent aux catégories définies par la DARES 31 ( * ) auxquelles s'ajoutent les mesures d'ordre général d'abaissement du coût du travail non-qualifié. Ces mesures d'ordre général d'abaissement du coût du travail entrent dans la rubrique que nous avons appelé les mesures d'ordre général sans contrepartie exigée en termes d'emploi ou de formation. Les mesures d'incitation à la réduction du temps de travail et de financement de la formation continue entrent dans la rubrique contractualisation avec contrepartie en termes d'action quantitative ou qualitative sur l'emploi dans l'entreprise.
1.1. Les mesures d'ordre général visant à l'abaissement du coût du travail
1.1.1. Les arguments théoriques
Les effets positifs possibles d'une réduction du coût du travail
Les mesures d'ordre général visant à la réduction du coût du travail consistent à exonérer les entreprises de cotisations sociales ou à les subventionner indifféremment, sans référence à leur appartenance sectorielle, à leur situation financière sans contrepartie en matière de créations d'emploi. Ces mesures visent à mettre en jeu l'un ou plusieurs des quatre effets suivants :
- L'effet profit est l'effet par lequel la modération salariale accroît la part des profits des la valeur ajoutée. L'augmentation de la rentabilité des entreprises leur permet de disposer de ressources financières pour l'investissement. Cet effet est couramment connu sous le nom du théorème Helmut Schmidt (du nom de l'ancien chancelier allemand) : les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain".
L'effet sur l'emploi dépend du type d'investissement. Il est faible en cas d'investissements de productivité. L'emploi s'accroît si les investissements sont des investissements de capacité.
- L'effet compétitivité-prix se produit lorsqu'une baisse du coût salarial permet aux entreprises de réduire leur prix sans entamer leurs marges afin d'améliorer leur position dans la concurrence internationale.
- L'effet de substitution entre les facteurs se produit lorsque la baisse du coût relatif d'un des facteurs de la combinaison productive des entreprises rend l'utilisation de ce facteur plus attractive. L'entreprise substitue partiellement aux autres facteurs le facteur dont le coût relatif a diminué. Ainsi, si le coût relatif du travail diminue par rapport au coût du capital, les entreprises ont intérêt à demander plus de travail pour rendre leur combinaison productive moins capitalistique. De la même façon, si le coût relatif du travail non-qualité diminue par rapport au coût du travail qualifié et/ou au coût du capital, les entreprises demanderont relativement plus de travailleurs non-qualifiés. Cet effet est représenté par la théorie néoclassique de la demande de travail.
- L'effet prix relatif se produit enfin lorsque rabaissement du coût salarial permet aux entreprises de baisser leur prix relatif, ce qui a pour effet d'accroître la demande qui leur est adressée. Cet effet suppose que ces entreprises ne soient pas en position non-concurrentielle de "price maker" leur permettant de maintenir des prix élevés.
Ces effets sont toutefois susceptibles d'être atténués, voire annihilés par quatre types de facteurs (Le Bihan, 1998) :
- La faible substituabilité des facteurs, avérée pour le cas français par de nombreuses études empiriques, rend inopérant l'effet de substitution travail/capital résultant d'une baisse du coût relatif du travail. L'effet d'une baisse du coût du travail sur l'emploi transite alors par d'autres canaux que certains modèles tentent de représenter (infra), en incorporant l'hypothèse de facteurs complémentaires (et non substituables).
- En admettant l'hypothèse d'une substitution travail-capital réussie, l'investissement peut alors décliner en raison d'une insuffisante accumulation de capital.
- Le financement de la mesure est susceptible d'engendrer un prélèvement sur certaines catégories de revenus et de détériorer la demande globale, ce qui contrecarre les effets bénéfiques de la baisse du coût salarial.
- Dans l'hypothèse de la recherche d'une amélioration de la compétitivité prix, cet effet peut être annihilé si tous les pays pratiquent une baisse du coût salarial de même ampleur.
Coût relatif du travail et chômage structurel
Plus que le dernier effet (l'effet de substitution), privilégié progressivement par les politiques de l'emploi, ce sont les deux autres effets (l'effet profit et l'effet compétitivité-prix) qui étaient à l'oeuvre dans le cadre de la politique dite de "désinflation compétitive". Au début des années quatre vingt, la chute de la rentabilité était en effet perçue comme la cause essentielle de la crise de l'investissement et de l'insuffisante modernisation de appareil productif. Dans ce contexte, les entreprises ont dû augmenter leurs prix pour maintenir leurs marges, ce qui contribuait à dégrader la compétitivité-prix et à aggraver le déficit commercial. La "désinflation compétitive", après 1983, s'attacha alors à déplacer la répartition des revenus en faveur des profits dans le but de stimuler "l'offre" tout en permettant aux entreprises de réduire leurs prix à l'exportation sans avoir à réduire leurs marges. La désindexation des salaires sur les prix dans le secteur public, obtenue à laide de l'instauration d'un nouveau mode de raisonnement pour fixer le taux d'augmentation des rémunérations, en fut un instrument. Elle servit de référence pour les employeurs du secteur privé.
Malgré le rétablissement des taux de marge (cf. Annexe 4) et des taux d'autofinancement des entreprises, malgré le rééquilibrage du commerce extérieur, le chômage demeurait cependant persistant au début de la décennie 1991. Ce n'est qu'alors, dans un deuxième temps, que les rapports officiels (Minc, 1994 ; Maarek. 1994) mirent presque exclusivement l'accent sur le mécanisme purement néo-classique de substitution des facteurs compte tenu de leur coût relatif pour justifier la nécessité des politiques d'abaissement du coût du travail, et en particulier du coût relatif du travail non-qualifié.
La théorie néo-classique de l'emploi et du chômage Dans la représentation néo-classique, l'économie est une somme de marchés interdépendants où s'effectuent les calculs d'agents économiques parfaitement rationnels. Sur le marché du travail, les entrepreneurs maximisent leur profit, c'est-à-dire l'écart entre les recettes et les coûts de production. Ils demandent du travail jusqu'à ce que le salaire qu'ils versent soit égal à la contribution productive du dernier travailleur embauché (ce que les économistes appellent sa productivité marginale). Clé de voûte de "l'hypothèse de l'excès du coût du travail", la demande de travail de l'entreprise est décroissante en fonction du salaire, non pas à cause du simple bon sens mais en raison d'une hypothèse technique inhérente à la combinaison productive de l'entreprise, celle-ci associant des unités de capital et de travail données à partir d'une fonction de production à facteurs substituables : pour un niveau de production donné il est possible de retenir plusieurs combinaisons capital travail possible, compte tenu du coût relatif de ces facteurs de production. Cette fonction de production à facteurs substituables a pour caractéristique la décroissance de la productivité marginale des facteurs : tout nouveau travailleur embauché, que l'on substitue à une unité de capital produire une contribution physique inférieure pour un même niveau de production. C'est pourquoi, dans la mesure où la règle de maximisation du profit est d'égaliser le salaire à la productivité marginale du travail, toute baisse du coût du travail par rapport au coût du capital rendra avantageuse pour l'entreprise l'utilisation d'un travailleur supplémentaire dont la productivité est inférieure. Dans ce sens, le problème du chômage des non-qualifiés à faible productivité marginale pourrait être résolu si le coût du travail non-qualifié était réduit relativement au coût du travail qualifié et au coût du capital. C'est tout du moins la philosophie des mesures d'abaissement du coût du travail non-qualifié (qu'elles passent par une mise en cause du salaire minimum, des exonérations de "charges sociales" ou des aides à l'emploi). Sous l'hypothèse de décroissance de la productivité marginale, tout travailleur qui accepte une baisse de son salaire trouve donc inévitablement un emploi. Le chômage ne peut être que volontaire. Il est dû au refus, voulu ou forcé, des travailleurs d'accepter une baisse de leur salaire. Ce refus est lié à l'existence d'allocations chômage décourageant la nécessité d'accepter un emploi à salaire faible. La désincitation au travail est d'autant plus forte que l'écart entre les allocations chômage et le salaire minimum est faible. Ce sont alors les "rigidités" du marché du travail qui expliquent l'existence du chômage : indemnisation des chômeurs, salaire minimum, cotisations sociales alourdissant le coût du travail, syndical s'opposant dans la négociation collective à la réduction du coût du travail. Certaines propositions de réforme des systèmes d'indemnisation chômage s'appuient sur cette représentation théorique pour réclamer la réduction du montant de l'indemnisation des chômeurs et prôner leur plus forte dégressivité dans le temps afin d'encourager les comportements de recherche d'emploi, c'est-à-dire de couper les subsides qui n'incitent pas les chômeurs à accepter des emplois à des salaires. |
Selon cette hypothèse, le chômage est avant tout de nature structurelle. Même si la demande augmentait, le niveau de l'emploi ne pourrait s'accroître plus compte tenu de la structure des coûts relatif des facteurs de production qui n'incite pas les entreprises à utiliser une combinaison productive plus riche en travail.
Dans ce contexte, comme le noyau dur du chômage concerne les travailleurs non-qualifiés (assimilés à des travailleurs à faible productivité), une baisse du coût relatif du travail non-qualifié est réputée favorable à l'embauche de ces chômeurs. Or, compte tenu de l'existence d'un salaire minimum, le coût du travail non-qualifié est trop élevé pour rendre solvable de telles créations d'emplois qui représentent pourtant des "gisements d'emplois" pour de nombreuses activités de service riches en main d'oeuvre.
Nombreux sont les rapports qui mettent l'accent sur les raisons sociales, mais aussi les causes économiques qui rendent impossible une suppression du salaire minimum (OFCE, 1994). Devant l'impossibilité de remettre en cause le salaire minimum, ils préconisent pour réduire le coût du travail de procéder à l'aide d'exonérations de "charges sociales" généralisées ou ciblées en direction des travailleurs non-qualifiés (c'est-à-dire des bas salaires), éventuellement assorties de subventions à l'embauche (Malinvaud, 1998). Au plan micro-économique, ces mesures sont justifiées par les hypothèses théoriques de la nouvelle micro-économie du marché du travail (Perrot, 1992). Celles-ci cherchent à expliquer la présence de rigidités salariales endogènes qu'il est impossible de supprimer et qu'il faut donc contourner par des politiques publiques incitatives permettant une réduction du coût du travail.
La « nouvelle micro-économie du marché du travail La nouvelle micro-économie du marché du travail se démarque du modèle néoclassique de référence à propos de l'hypothèse portant sur l'information dont disposent les agents. L'information est désormais supposée imparfaite. Ainsi, sur le marché du travail, l'information est dite asymétrique : les entrepreneurs ne connaissent pas la productivité du travailleur qu'ils vont embaucher. Dans les théories du "salaire d'efficience", certaines entreprises - notamment celles utilisant du travail qualifié, ne peuvent maximiser leur profit si elles connaissent mal la productivité des travailleurs au moments de l'embauche : le salaire qu'elles versent risque d'être supérieur à la productivité de ces travailleurs. Ces entreprises doivent par conséquent rechercher des mécanismes d'incitation pour que les travailleurs recrutés soient enclins à maximiser leur effort. Les entreprises peuvent donc avoir intérêt à verser des salaires élevés (appelés salaires d'efficience) pour des considérations d'efficacité productive et pour garder leurs meilleurs éléments. Elles n'ont pas intérêt à baisser les salaires et, ce faisant, le salaire en vigueur est trop élevé pour absorber l'ensemble de la population active dans l'emploi. Même les travailleurs dont les prétentions salariales sont inférieures demeurent dans une situation de chômage, dans ce cas involontaire. C'est pourquoi les aides à l'emploi sont ici recommandées pour compenser le déficit de productivité auquel les entreprises ont à faire face si elle : embauchaient de nouveaux arrivants. Autre exemple, dans les modèles "insider-misider", les salariés embauchés, les " insiders", savent que les entreprises auront du mal à se procurer une main d'oeuvre de qualité au moindre coût sur le marché. Ils sont alors en position de négocier des salaires supérieurs à ceux compatibles avec le plein-emploi. Ces arguments expliqueraient "économiquement" l'attachement des agents à l'existence de "rigidités, salariales" telles que le salaire minimum à cet attachement est "fondé" d'un point de vue économique. La conséquence "inintentionnelle" est de provoquer du chômage : le coût salarial des "insiders" est excessif à celui qui serait compatible avec le plein-emploi de la population active. |
À la différence du modèle néo-classique de base, la nouvelle micro-économie du marché du travail considère que le marché ne peut qu'être imparfait et défaillant. Le marché du travail est inéluctablement habité par ces rigidités dites "endogènes" parce qu'il est impossible de les éliminer : les agents économiques rationnels n'ont pas intérêt à la flexibilité du salaire si l'information est asymétrique. Le remède ne peut être une "déréglementation" des marchés et l'État doit intervenir pour stimuler la demande de travail des entreprises. Mais si l'interventionnisme de l'État est ici ressuscité, c'est non pas pour relancer la demande effective, mais pour alléger le coût du travail via des subventions à l'emploi (telles que le Contrat Initiative Emploi) et des exonérations de cotisations sociales dont le financement "équitable" doit par conséquent être recherché ailleurs que dans un système d'assurance sociale pesant sur les salaires.
Coût du travail et "gisements d'emplois" dans les services
Les deux tiers des activités et des créations d'emploi se situent désormais dans le secteur tertiaire, celui de la production de biens immatériels. De nombreux gisements d'emplois resteraient à exploiter. Ces emplois donnent lieu à de faibles gains de productivité. C'est pourquoi beaucoup estiment que, dans le secteur marchand, une baisse du coût relatif du travail est nécessaire pour rendre solvable ces emplois.
La délimitation du secteur tertiaire est néanmoins délicate. Tout d'abord, sa frontière avec l'industrie est floue. Ainsi certaines activités appartenant au secondaire sont des activités tertiaires dès lors qu'une entreprise industrielle décide de les externaliser en ayant recours par exemple à la sous-traitance. En deuxième lieu, ce secteur est complètement hétérogène du point de vue de sa structure technique. Si l'on considère les gains de productivité des activités tertiaires, il est généralement admis que ces gains de productivité sont plus faible à mesure que l'emploi s'y développe (Kuznets, 1966) 32 ( * ) .
Foucauld (1995) résume ainsi les problèmes posés par l'apparition des nouvelles demandes sociales : "Sans doute une partie des emplois nouveaux se redéploient dans les services à haute valeur ajoutée. Mais la plus grande part se crée dans des services à faible évolution de la productivité du travail pour lesquels la demande est très sensible aux prix. Ceci change complètement les données du jeu, par rapport au type de croissance que nous avons connu dans l'après-guerre, où le déversement se faisait majoritairement de l'agriculture vers l'industrie. Ce n'est donc pas un motif idéologique qui fait que, aujourd'hui l'emploi est devenu sensible au coût du travail mais une raison prosaïque qui tient aux conditions actuelles du déversement" (p. 42).
Sans entrer dans les méandres du découpage des activités et de leur nomenclature, on peut assez sommairement découper l'économie en deux types de secteurs : les secteurs à forts gains de productivité et les secteurs à productivité stagnante (Baumol. 1967). Si les "gisements d'emplois" se situent à l'intérieur du deuxième secteur, hypothèse qui reste à valider fermement, se trouve alors posé le problème de la solvabilisation de ces activités, a fortiori si le principal coût qu'elles supportent, le coût de la main d'oeuvre, évolue au même rythme que le coût salarial du secteur où la productivité est croissante.
Le coût du travail est donc central dès lors que les pouvoirs publics entendent faire surgir ces gisements d'emplois. Pour autant, le différentiel de gains de productivité en défaveur de certaines activités de service ne signifie nullement que les embauches se fassent à productivité marginale décroissante, ou bien que les perspectives de croissance de la productivité soient proscrites, contrairement aux hypothèses associées à la théorie traditionnelle de la demande de travail néo-classique.
L'on ne saurait en effet omettre que le secteur des services est loin d'être homogène et que le progrès technique se traduit par des gains de productivité non-négligeables, notamment en raison du décalage temporel avec lequel le progrès technique s'y diffuse par rapport à l'industrie. Ainsi, Petit (1993) a-t-il montré que, au delà des différences nationales, les "services aux ménages" étaient caractérisés par une croissance constante de la productivité malgré le développement de l'emploi en leur sein. Les "services aux entreprises" et "banque, assurance" voient également les gains de productivité décroître avec le développement de l'emploi, tandis que le commerce connaît une baisse des gains de productivité pour une structure d'emploi stable. Par contre, les différences nationales prévalent quant aux gains de productivité dans les "transports et communication".
À partir de ces considérations, l'observation empirique permet de construire quatre types idéaux de modèles de tertiarisation mettant en mouvement chacun des mécanismes différents de solvabilisation des activités à faibles gains de productivité.
La "troisième voie" française parmi quatre modèles de tertiairisation
Le "modèle américain" traite à sa façon la solvabilisation de l'offre de services, à l'aide d'un marché du travail "concurrentiel" où prévaut une grande dispersion des normes de salaire et d'emploi. Cependant, si la tertiarisation est bien un phénomène commun à l'ensemble des pays "développés", une étude plus fine par branche permet de mettre en évidence plusieurs modèles de tertiarisation caractérisés par des enchaînement macro-économiques spécifiques (Petit, 1993).
Un deuxième modèle de tertiarisation obéissant à une tradition plus européenne est un modèle où la formation des salaires est relativement homogène pour tous les secteurs - à l'instar de l'hypothèse retenue dans un modèle théorique de type W. Baumol (1966) ou encore conformément à la "politique solidaire des salaires" du modèle suédois. C'est alors le budget de l'État qui permet de solvabiliser par transfert fiscal une offre de biens collectifs et la création d'emplois à statut public. La Suède et la France correspondaient à ce type idéal durant les années 1950-80. La dispersion salariale est faible et une grande part de l'emploi est située dans les services non-marchands (près d'un quart pour la France, près de 40 % pour la Suède). Les "emplois-jeunes" des associations et collectivités territoriales, financés temporairement à hauteur de 80 % par la dépense publique, obéissent également à ce type de solvabilisation de l'offre publique de services à ceci près que le statut futur de ces emplois est encore indéterminé. Outre qu'elle dépend des marges de manoeuvres budgétaires, la viabilité de ce modèle est également conditionnée par la vigueur de la croissance économique (elle-même soutenue par les dépenses publiques), et donc du degré d'expansion du secteur à productivité croissante 33 ( * ) .
Dans une troisième version, les transferts publics peuvent encore subventionner des emplois de service à faibles gains de productivité dans le secteur marchand pour assurer des conditions de rentabilité suffisantes tout en assurant un statut et des rémunérations rendant cette tertiarisation "qualifiante" 34 ( * ) . Il s'agit d'une sorte de "troisième voie" 35 ( * ) recherchée notamment en France par les politiques publiques de l'emploi. Cette voie se situe quelque part entre le modèle d'emplois administrés et le modèle de solvabilisation de l'offre par le marché. Elle passe, pour le cas français, par une prise en charge des cotisations sociales par l'État, Ce scénario suppose toutefois que soient neutralisés les effets pervers - par exemple les effets d'aubaine, de cannibalisme, de substitution... (Gautié et al., 1994 , infra ), qui accompagnent inévitablement ce type de mesure.
Enfin, dans un quatrième cas de figure, le développement des activités de service est encouragé par l'existence d'une demande solvable, qu'il est d'autre part possible de financer par la politique publique. Celle-ci serait alors orientée non pas vers la stabilisation de l'offre mais en direction de la solvabilisation de la demande. La stabilisation de la demande peut ainsi prendre la forme de chèques services (Gaspard, 1997) à la disposition des ménages (chèques déjeuner, chèques domicile) 36 ( * ) . Le cas peut se présenter dans les pays où le niveau important des coûts de production de services conduit les entreprises de services à pratiquer des prix relatifs élevés ou à fonctionner à taux de marge réduit.
L'observation japonaise est à ce titre riche d'enseignements. Au Japon, bien que la dispersion des salaires soit importante (Cases, 1991), la structure sectorielle des salaires y demeure relativement constante. Ceci explique que le développement de certains services au Japon, et en particulier le commerce et les services aux personnes, s'opère avec des résultats bruts d'exploitation inférieurs à la moyenne nationale , malgré des prix relatifs élevés (Petit, 1993, p. 16). Les normes de redistribution des gains de productivité dans les secteurs à productivité croissante jouent également un rôle essentiel pour assurer une demande privée suffisante, compte tenu des prix relatifs élevés en vigueur.
Le débat français tend à se focaliser sur l'efficacité de la "troisième voie". Les mesures d'abaissement du coût du travail s'inscrivent dans le cadre d'un aménagement dans la réalité européenne du modèle américain de tertiarisation (Piketty, 1997). Ce dernier requiert une dispersion des coûts salariaux et des conditions de "flexibilité" de l'emploi et du temps de travail (sous forme notamment de temps partiel). La réalité française rend socialement délicate l'importation du modèle américain, réputé riche en emploi mais inégalitaire. C'est pourquoi une "troisième voie", supposée se situer entre le modèle de services publics et le modèle américain, consiste à activer les mécanismes de solvabilisation de l'offre tout en tenant compte de l'impératif de "cohésion sociale", qui se traduit par une certaine "préférence" 37 ( * ) de l'opinion pour le salaire minimum ainsi que pour un certain niveau de dépenses sociales.
Cette philosophie motive les recommandations en faveur d'une exonération d'ordre général des cotisations patronales sur les bas salaires. Elle constitue aussi la référence des mesures ciblées visant à modifier l'ordre de la file d'attente des chômeurs ( infra ).
1.1.2. La mise en oeuvre des mesures d'ordre général visant à la réduction du coût du travail
Les recommandations face au risque d'effets de seuil
La mise en oeuvre des exonérations d'ordre général de cotisations patronales sur les bas salaires se heurtent essentiellement au problème des effets de seuil encore appelé "trappe à bas salaires".
Les effets de seuil se produisent lorsqu'une mesure d'allégement du coût salarial est fixée en dessous d'une taux de salaire donné. Dans ce cas, les entreprises peuvent avoir intérêt à ne pas enrichir leur combinaison productive en emplois "qualifiés" rémunérés au dessus de ce taux, ni à mettre en oeuvre des plans de carrières promotionnels au dessus de ce seuil. Il en résulte une concentration de la main d'oeuvre aux bas niveaux de qualification et de salaire, conscient de ces effets pervers, le rapport Minc, favorable à la réduction du coût du travail non-qualifié avait dressé l'inventaire des mesures possibles d'abaissement du coût du travail en fonction de l'existence ou non d'effets de seuils. Ces mesures sont résumées dans le tableau suivant.
Le rapport se prononçait à l'époque pour une franchise de cotisations sociales applicable à toutes les entreprises dès le premier franc de salaire versé.
La genèse des exonérations d'ordre général sur les bas salaires : entre franchise et trappe à bas salaire
Écartant au départ l'idée d'une franchise, les mesures d'ordre général visant à réduire les "charges sociales" sur les bas salaires ont pris le risque de la création d'une trappe à bas salaire qui peut apparaître dès lors qu'un seuil est fixé pour l'application de la mesure (1,3 fois le SMIC). Cette mesure d'ordre général s'applique sans contrepartie exigée en termes d'embauche.
Les mesures d'ordre général visant à l'abaissement du coût du travail ont pris corps tout d'abord à travers l'exonération des cotisations d'allocations familiales pour les salaires compris entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC, décidée le 1er juillet 1993. Le développement progressif de son champ jusqu'à 1,6 fois le SMIC a ensuite été fixé par la loi quinquennale du gouvernement Balladur. Pour réduire encore plus le coût du travail au niveau du SMIC, une ristourne d'un montant de 800 francs au niveau du SMIC, dégressive jusqu'à 1,2 fois le SMIC a été crée le 1er septembre 1995. Ce dispositif a fusionné le 1er octobre 1996 avec l'exonération Balladur sur les cotisations d'allocations familiales pour les salaires allant jusqu'à 133 % du SMIC. Ce seuil est désormais réduit à 1,3 % du SMIC. Le manque à gagner que l'État a dû combler en termes de cotisations pour les allocations familiales était de 4,2 milliards en 1993 et de 11,3 milliards en 1994, 21 milliards en 1995. Les mesures d'ordre général d'abaissement du coût du travail non qualifié représentaient 37,9 milliards en 1996 et 44,8 milliards en 1997. Les flux financiers qui leur sont consacrés dépassaient pour la première fois les flux en direction des mesures ciblées (cf. Tableau 4).
Les autres mesures d'exonérations encore existantes sont (en dehors de l'exonération 2 ème et 3ème salarié, désormais supprimée) :
exo 1er salarié : Cette exonération s'applique pour les embauches en CDI ou CDD de 12 mois au moins pour accroissement temporaire d'activité, à temps plein ou à temps partiel. Elle concerne tous les salariés sauf le conjoint ou le concubin de l'employeur, les personnes fiscalement à sa charge... Elle procure a l'employeur l'exonération de la totalité des cotisations patronales (sécurité sociale, accidents du travail et famille), pendant 24 mois (CDI) ou 18 mois (CDD). Elle est limitée au niveau du SMIC.
exo zones de revitalisation rurale (ZRR) et de redynamisation urbaine (ZRU) : Cette exonération s'applique pour les embauches du 1er au 50ème salarié, en CDI ou CDD de 12 mois au moins pour accroissement temporaire d'activité, à temps plein ou à temps partiel. Elle procure à l'employeur l'exonération d la totalité des cotisations patronales (sécurité sociale, accidents du travail et famille) pendant 12 mois sur la fraction de rémunération jusqu'à 1,5 fois le SMIC.
exo textile-habillement-cuir-chaussures : Cette exonération s'applique pour tous les salariés, quelles que soient la nature du contrat, la date d'embauche ou la durée du travail. Elle procure aux employeurs affiliés à l'UNEDIC appartenant aux secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et la chaussure une réduction dégressive des cotisations patronales (sécurité sociale, accidents du travail et famille) pour les salaires inférieurs ou égaux à 150 % SMIC mensuel. Elle a été supprimée en 1997 car jugée incompatible avec la réglementation européenne interdisant les aides sectorielles.
Crédit impôt-emploi : un crédit d'impôt de 10000 francs peut être accordé depuis 1998 par emploi net cédé dans la limite de 50 emplois créés.
Le tableau ci-dessous retrace l'accroissement du nombre de personnes concernées par les exonérations bas salaires.
1.2. Les mesures d'ordre général visant à la réduction du temps de travail
1.2.1. Les figures de la réduction du temps de travail : temps partiel versus rédaction de la durée collective du travail ?
La réduction du temps de travail est devenue l'une des mesures de politique structurelle de l'emploi récemment explorée par les pouvoirs publics en France. Selon ses modalités, elle influence la structure de l'emploi, soit qu'elle encourage le développement du temps partiel dans certains secteurs fortement utilisateurs de cette forme d'emploi, ou qu'elle recherche la réduction de la durée collective du travail à temps plein pour tous les emplois (CSERC, 1998 ; Taddéi, 1998).
Pour reprendre les deux configurations extrêmes, les politiques de l'emploi peuvent dans un cas stimuler les emplois "peu qualifiés'' et à temps partiel (en cas de réduction individuelle de la durée du travail), particulièrement demandés par certaines activités de service (commerce, distribution). Dans l'autre cas, celui d'une réduction de la durée collective du travail, c'est au contraire l'intégration des actifs sur des emplois à temps plein et à durée indéterminée dans tous les secteurs d'activité qui est visée.
Certains travaux avancent que, pour ne pas détériorer la rentabilité des entreprises et leur compétitivité-prix, la mesure ne peut que s'accompagner d'une modération du coût unitaire du travail. Le rapport Mine (1994) attirait l'attention sur les mérites du temps partiel, forme de réduction du temps de travail sans compensation salariale.
Cette modération du coût unitaire du travail ne saurait passer, selon Taddéi (1998) par une baisse du salaire horaire, socialement inacceptable et inappropriée dans un contexte de chômage keynésien. La hausse du salaire horaire occasionnée par la réduction du temps de travail pourrait alors être compensée par des subventions de la part des politiques publiques, ou bien contrebalancée par une augmentation des gains de productivité occasionnée par un aménagement du temps de travail.
Ainsi, Taddéi (1998) note-t-il que, si la hausse du coût horaire occasionnée par les 35 heures sans perte de salaire est de 11.4 %, une hausse des gains de productivité induits par les réorganisations du travail réduit cette hausse à 7,6. Comme les salaires des nouveaux embauchés sont plus faibles (pas plus de 80 % du salaire moyen), la hausse du coût salarial n'est alors plus que de 6 %. Elle se réduit à 3 % grâce aux aides publiques et finit par être absorbée par les gains de productivité tendanciels (2 %) et les accords salariaux. D'autres, contestant la thèse de l'excès du coût du travail, estiment que la réduction du temps de travail peut être en partie "autofinancée" par les gains de productivité non-redistribués par les entreprises depuis une décennies et qui ont alimenté le placement du partage des revenus en faveur des profits. Les taux de marge et d'autofinancement étant rétablis à l'échelle macro-économique, le choc d'offre ne concernerait qu'une partie des entreprises ayant à faire face à des difficultés financières. Ces différentes hypothèses seront intégrées dans les simulations qui seront présentées dans le chapitre 3 de ce rapport.
1.2.2. Les flux financiers consacrés à la réduction du temps de travail
Les flux financiers en matière d'emploi concernant la réduction du temps de travail peuvent donc être classés selon qu'ils encouragent le développement du temps partiel ou qu'ils incitent à la réduction de la durée collective du travail à temps plein. À la différence des mesures d'ordre général réduisant les charges sur les bas salaires, les incitations financières proposées sont accordée sous condition d'embauche ou de maintien de l'emploi dans le cadre de ces mesures. Néanmoins, seules les lois Robien et Aubry entrent dans la catégorie des aides faisant l'objet d'une contractualisation entre l'État et les entreprises.
L'incitation au développement du temps partiel fut privilégiée par le plan quinquennal du gouvernement Balladur, pérennisant l'exonération pour l'embauche de travailleurs à temps partiel instauré par le gouvernement Bérégovoy (Hoang-Ngoc et Lefresne, 1994). Avec les lois Robien et Aubry, c'est une logique de développement d'emplois à temps plein à durée réduite qui est au contraire privilégiée.
Le contexte institutionnel dans lequel s'effectue la négociation entre les partenaires sociaux influe fortement sur les modalités de la réduction du temps de travail. Cette question est par nature conflictuelle parce qu'elle touche aux normes de partage de la valeur ajoutée. La faiblesse du tissu contractuel français a conduit l'État à jouer un rôle incitatif important, avec la loi Robien, mais surtout avec la loi d'orientation et d'incitation sur le temps de travail du gouvernement Jospin. Ces dispositifs contractuels, proposant des subventions ou allégements de cotisations sociales sous condition de maintien ou de créations d'emplois, ont pour objet de compenser le choc salarial supposé résulter du passage à un temps de travail collectif réduit.
Les incitations en faveur du temps partiel 38 ( * )
Les règles d'utilisation du temps partiel L'explosion du recours au travail à temps partiel date, en France, du début des années 80. L'État a dans un premier temps accompagné le développement de l'utilisation du temps partiel en comblant le vide institutionnel par l'ordonnance du 26 mars 1982. L'ordonnance donne comme limite au temps partiel légal les horaires inférieurs aux 4/5 de la durée conventionnelle, soit 32 heures hebdomadaires si l'on prend 39 heures comme référence. Il n'est limité par aucun plancher légal. L'employeur est libre d'instaurer le travail à temps partiel dans son entreprise à condition qu'un avis préalable des représentants élus du personnels ou de l'inspecteur du travail soit donné et que le principe du volontariat de la part du salarié soit respecté. L'employeur est également tenu de dresser un bilan sur l'utilisation du temps partiel devant les institutions représentatives du personnel. Le contrat doit être écrit. La répartition des horaires doit être stipulée dans un cadre hebdomadaire ou mensuel. Des heures complémentaires peuvent être imposée mais elles doivent être fixée dans le contrat et dans une limite inférieure à la durée conventionnelle. Elles ont l'avantage pour l'employeur de ne pas être payées au tarif des heures supplémentaires. Le recours aux heures complémentaires est cependant doublement encadré. Le nombre des heures complémentaires effectuées au cours d'une semaine ou d'un mois ne doit pas excéder le tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat. Tout dépassement de deux heures par semaine de l'horaire moyen effectif par rapport à l'horaire contractuel, constaté sur une période de douze semaines devait entraîner une modification de l'horaire contractuel correspondant à la différence entre celui-ci et l'horaire moyen effectif. L'ordonnance du 31 mars 1982 relative au temps partiel dans la fonction publique complète le dispositif en autorisant le temps partiel pour les collectivités locales et les établissements administratifs y compris les hôpitaux, sous réserve des nécessités des services. Les fonctionnaires passant à temps partiel ne connaissent aucune modification de leur situation juridique (aucune modification du contrat de travail) mais un simple changement des modalités d'exercice de leurs fonctions. La logique des ordonnances de 1982 relève beaucoup plus de la protection du salarié à temps partiel que dans le cas britannique, on le verra, dans la mesure où, de plus, elle lui accorde les droits reconnus aux salariés à temps complet par la loi, les conventions et accords collectifs, et en particulier les mêmes droit sociaux. L'ordonnance du 11 août 1986 supprime le mécanisme d'ajustement automatique du contrat en cas de dépassement de l'horaire contractuel sur une période de douze semaine, ce qui ouvre la possibilité d'utilisation d'heures complémentaires dans la limite du 1/3. La loi du 3 janvier 1991 vise, entre autre, la mise en place d'un droit au temps partiel choisi : le temps partiel peut désormais être pratiqué aussi bien à la demande des salariés qu'à l'initiative de l'employeur. Mais la mise en oeuvre des modalités de ce droit est renvoyée à la négociation de branche, sauf dans la Fonction Publique où il est automatique. La négociation collective sur le temps partiel est peu active. Sans doute le cadre légal laisse-t-il peu d'espace à la négociation ? Toujours est-il que dans un premier temps, les acteurs syndicaux et patronaux " n'ont pas souhaité donner d'impulsion visible au développement d'une telle négociation " (Marimbert, 1992. p. 58). Le débat sur le temps partiel est quasiment inexistant au niveau interprofessionnel où les textes renvoient à la négociation de branche et d'entreprise. Celle-ci n'est pas pour autant dynamique au niveau de la branche où le peu d'accords spécifiques sur ce thème contiennent un faible degré d'innovation par rapport à la loi 39 ( * ) . C'est au niveau des entreprises que l'activité contractuelle est la plus importante, tout en restant modeste. Le rapport Marimbert perçoit trois types de logiques parmi les accords recensés. La première est une logique encourageant les accords de temps choisi. La seconde relève d'accords de compromis cherchant à rendre attractif le temps partiel par la mise en place de primes tout en n'améliorant pas le statut des salariés par rapport à la loi. La troisième logique est celle instituant du temps partiel contraint elle surgit essentiellement lorsque apparaissent des difficultés économiques dans les entreprises et devient un nouvel instrument de gestion flexible de la main d'oeuvre. Il serait essentiel à l'analyse de pouvoir disposer d'une évaluation du poids de chacune de ces composantes dans le recours au temps partiel. Source : Hoang-Ngoc et Lefresne (1994) |
La panoplie des dispositifs incitatifs d'accompagnement du temps partiel en France s'est remarquablement diversifiée depuis le début des années quatre-vingt. Néanmoins, avant la période très récente, cet enrichissement n'a pas débouché, à l'exception de la période 1984-1985 40 ( * ) , sur une volonté nettement affirmée. Les mesures mises en oeuvre depuis les dispositions du gouvernement Bérégovoy datant de janvier 1993 peuvent être interprétées comme un pas qualitativement nouveau dans cet édifice.
Deux grandes catégories de mesures peuvent être succinctement présentées, agissant d'une part sur l'offre, d'autre part sur la demande d'emplois à temps partiel :
Les aides aux entreprises visent essentiellement deux mécanismes qui ont été supprimés compte tenu de leur très faible utilisation :
- Le décret du 27 juin 1984, instituait une aide de 6000 francs aux entreprises embauchant un salarié sous CDI, prévoyant une durée hebdomadaire comprise entre 28 et 32 heures à condition de ne pas procéder à des licenciements économiques dans mes douze mois suivant l'embauche.
- Le décret du 5 mars 1985 prévoyait une aide de 6000 francs (3000 francs pour les embauches postérieures à décembre 1986) pour toute embauche de chômeurs indemnisés inscrits depuis plus d'un an à l'ANPE sur des emplois à temps partiel comportant au moins seize heures de travail dans le cas d'un contrat à durée indéterminé.
Au vu du très faible écho qu'il rencontra, ce type d'incitation fut supprimé en 1987. Une désaffection comparable touchait par ailleurs les dispositifs d'incitation à la réduction du temps de travail aménagés pour faire une place au temps partiel 41 ( * )
Les incitations pour le salarié à prendre un mi-temps sont restées relativement inefficaces :
- Les préretraites progressives, instaurées en 1982 et assouplies en 1984, avaient pour objet de favoriser des embauches supplémentaires dans les entreprises par transformation d'emplois à temps plein en mi-temps au bénéfice des plus de 55 ans moyennant un engagement de l'entreprise sur le niveau de ses effectifs. Le contrat passé entre l'État (FNE) et l'entreprise garantit au salarié un complément de salaire à la charge de l'État.
Le relatif insuccès de ce dispositif (quelques milliers de salariés par an) a été imputé à de nombreux facteurs : méconnaissance d'un droit ouvert aux salariés, lourdeur administrative de la convention avec le FNE, dissuasion pour l'entreprise soumis à un engagement sur le maintien des effectifs, utilisation massive du dispositif de préretraite sèche.
- Diverses conventions FNE visent par ailleurs la transformation d'emplois à temps complet en emplois à temps partiel dans un souci de prévention du licenciement dans le cadre d'une diversification des plans sociaux. Ces dispositifs à caractère récent (11 septembre 1989) n'ont connu jusqu'à maintenant que des résultats très modestes.
- Il existe un autre type d'incitations ne supposant pas une convention avec l'entreprise : il s'agit de mécanismes visant à inciter les demandeurs d'emploi à reprendre une activité à temps partiel en leur assurant des compensations financières. Le décret du 5 mars 1985 permet aux chômeurs indemnisés qui reprennent un emploi à temps partiel impliquant une rémunération inférieure à leur allocation chômage, de percevoir une compensation financière égale à la différence entre les deux sommes, pour la durée des droits restants à couvrir, dans la limite d'un an maximum (de deux pour les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans et plus qui perçoivent une compensation double).
- Le régime des activités réduites s'inscrit dans la même logique de lutte contre le chômage de longue durée en favorisant les reprises d'activité à temps réduit. Mais ici, c'est le système d'allocation lui-même qui intègre cette préoccupation en prévoyant que le demandeur d'emploi indemnisé peut conserver le bénéfice d'une indemnisation lorsqu'il reprend une activité à temps partiel.
L'impact de ces dispositifs a été faible voire même déclinant entre 86 et 90. En tout cas, il a été sans commune mesure avec l'ampleur du volume de travail à temps partiel qui s'est développé en dehors de toute aide. Les entreprises et les salariés bénéficiaires des aides ont globalement les mêmes caractéristiques que ceux pour lesquels le travail à temps partiel se développe spontanément et ces dispositifs n'ont pas vraiment permis d'infléchir ce développement vers des secteurs et des catégories de main d'oeuvre ou des emplois encore peu concernés. Le plafonnement du temps partiel entre 1986 et 1991 servira de catalyseur à une nouvelle volonté des pouvoirs publics.
Le débat sur le temps partiel connaît une réactivation depuis 1992. Celui-ci est de plus en plus explicitement présenté comme un support majeur du partage du travail, comme un moyen de favoriser le temps choisi pour les salariés et une façon d'accroître l'efficacité pour les entreprises dans un sens favorable à l'emploi. Deux axes vont guider l'action des pouvoirs publics depuis 1992 :
- Le premier axe concerne l'aménagement des formules actuelles de cessation progressive d'activité. Destinés à transformer des emplois à plein temps en emplois à mi-temps, ces dispositifs garantissent aux salariés volontaires un revenu égal à environ 80 % du salaire brut antérieur et permettent aux salariés de plus de cinquante-cinq ans de bénéficier d'une transition progressive entre vie active et retraite. Les contrats de solidarité de préretraite progressive et l'allocation spéciale du fonds national pour l'emploi (ASFNE) seront unifiés et assouplis. En outre, une exigence d'embauchés compensatoires sera imposée portant sur des jeunes ou des personnes en difficulté, aux entreprises souscrivant des contrats de préretraite progressive. Cet encouragement est destiné à freiner l'utilisation du dispositif de départ anticipé sans transition ni compensation en termes d'emplois créés.
- Le second axe concerne l'abattement forfaitaire et permanent des cotisations sociales à la charge des employeurs. D'abord fixé à 30 % (loi du 31 décembre 1992) puis à 50 % des cotisations patronales de Sécurité Sociale (depuis janvier 1993), l'abattement porte sur toute embauche sur CDI à temps partiel ou sur la transformation d'un temps plein en temps partiel supérieur ou égal à dix neuf heures hebdomadaires, accompagnée d'une ou plusieurs embauches compensatrices. Une exception aux embauches compensatrices est cependant permise en cas de plan social 42 ( * ) où la loi prévoit que des emplois à temps plein peuvent être ramenés à des emplois à temps partiel avec réduction du volume de travail. Une vérification préalable doit être effectuée pour s'assurer que l'entreprise n'a pas licencié de façon abusive pour bénéficier de cette exonération. Par ailleurs, les employeurs souhaitent bénéficier de cette aide devront signer des contrats de travail fournissant des garanties aux salariés, notamment en matière de déroulement de carrière et de priorité d'affectation aux emplois à temps plein 43 ( * ) .
La loi quinquennale du gouvernement Balladur a élargi les possibilités de recours au temps partiel avec abattement de cotisations sociales. Une ou plusieurs embauches compensatrices ne sont désormais plus nécessaires pour bénéficier de l'exonération lorsque la transformation d'un temps plein en temps partiel constitue une alternative au licenciement économique (qu'il y ait plan social ou non, quel que soit l'effectif de l'entreprise). Par ailleurs, la loi permet de cumuler l'abattement (ramené à 30 %, mais concernant désormais les emplois à temps partiel d'une durée supérieure ou égale à seize heures au lieu de dix neuf heures) et l'exonération de cotisation d'allocations familiales (pour les salaires inférieurs à 1,1 fois le SMIC).
Mais surtout, la loi quinquennale prévoit la fusion du contrat de travail à temps partiel avec le contrat de travail intermittent. Peuvent ainsi être considérés comme salariés à temps partiel, les salariés dont la durée annuelle de travail est inférieure d'au moins un cinquième à la durée légale ou conventionnelle. L'employeur a le droit d'organiser directement le temps partiel annualisé ; il n'est plus tenu de fixer une durée de base sur la semaine ou sur le mois (la durée du travail pourra être nulle certains mois, ce qui était impossible dans le temps partiel classique). L'employeur n'est plus tenu non plus à un accord collectif comme le nécessitait la mise en place d'un contrat de travail intermittent. Se pose évidemment le problème du calcul et du versement de la rémunération ainsi que de la date de paiement des heures complémentaires (qu'on ne peut apprécier qu'au terme de l'année) et les heures supplémentaires (le régime du temps partiel annualisé autorise l'employeur à faire effectuer des heures supplémentaires qui restent appréciées sur la semaine). D'autre part, la loi quinquennale permet aux accords d'entreprise ou d'établissement de prévoir que les heures complémentaires peuvent être portées au tiers au lieu de 10 % l'assouplissement du régime des heures complémentaires. Auparavant cette possibilité n'était ouverte qu'aux accords de branche étendus.
L'abattement de 30 % pour l'embauche d'un travailleur à temps partiel est proratisé depuis 1998.
On le voit, il s'agit par cet ensemble de dispositions d'une inflexion sensible de la législation du temps partiel offrant ainsi aux entreprises de nouvelles possibilités de flexibilisation conjuguée du contrat de travail, du temps de travail et du coût salarial. A la panoplie de mesures d'incitation directe au développement du temps partiel, il faudrait ajouter celles qui visent explicitement des objectifs différents : formation, insertion ou réinsertion mais qui contribuent à diffuser la norme du temps partiel. Ainsi les contrats à durée déterminée de la politique de l'emploi (CES, CRE, contrats d'alternance ou d'apprentissage) s'appuient pour la plupart sur du temps partiel, que celui-ci soit justifié par des critères de temps complémentaire de formation pour le bénéficiaire ou par des critères de contraintes financières du côté des promoteurs des dispositifs. Par ailleurs, les emplois familiaux présentés comme un vaste gisement d'emplois de services aux personnes reposent sur une double logique implicite de faible productivité et de temps partiel. Enfin, la loi du 3 janvier 1991 institue pour le salarié souhaitant conserver une activité professionnelle en cas de congé parental, de le faire à temps partiel.
Ainsi, alors que les politiques publiques ont cherché dans un premier temps à accompagner le développement du temps partiel en définissant les règles de son utilisation, une nouvelle étape semble s'ouvrir avec les années 90 où l'État cherche à encourager cette forme d'emploi grâce à l'utilisation de mesures de politique d'emploi visant à abaisser le coût du recours au temps partiel par l'allégement des cotisations sociales patronales. Les données récentes font apparaître le succès de cette mesure en termes de créations d'emploi (CSERC, 1998).
Les incitations à la baisse de la durée collective du travail
Les dispositifs incitant à la réduction de la durée collective du travail ont été en partie inaugurés par la mise en place de la loi Robien. Un ensemble de dispositifs législatifs d'aide à la réduction négociée du temps de travail ont précédé la loi Robien. pour déboucher sur un constat d'échecs répétés (J. Freyssinet, 1997). Leur objectif est d'impulser le dialogue social dans l'entreprise, moyennant une incitation financière, pour enclencher sur dynamique de réduction-réorganisation du temps de travail (2RT) avec compensation salariale partielle ou totale - dont le mécanisme est précisé plus bas dans les simulacre présentées dans le chapitre 3.
. Les contrats de solidarités.
Ainsi, entre 1982 et 1985, dans la continuité de l'ordonnance de janvier 1982 sur la réduction légale du travail à 39 heures, l'État met en place différentes mesures d'aides et d'incitations à la réduction de la durée du travail et à la création d'emplois, regroupés sous le vocable de "contrats de solidarité". En 1988, le gouvernement Rocard adapte l'introduction d'un crédit d'impôt pour l'aménagement et la réduction du temps de travail dont l'échec en terme de nombre d'accords signés et de création d'emplois est encore plus important.
. L'amendement Chamard
Jusqu'à la loi Robien, les gouvernements successifs abandonneront toutes mesures d'incitation publique à la réduction et à la création d'emplois. La loi Robien reprend et modifie l'amendement Chamard relatif à l'article 39 de la loi quinquennale de 1993 sur l'emploi et la formation professionnelle, dispositif d'aide à la réduction négociée du temps de travail qui a eu un impact négligeable 44 ( * ) . En mai 1996, seuls 13 accords d'entreprises avaient été signés, dont 9 dans la seule entreprise des brioches Pasquier. Ainsi, la loi Robien assouplit très nettement les conditions d'entrée dans le dispositif (élargi l'aide aux accords de RTT, sans qu'il y ait une obligation de réduction des salaires, accords d'entreprise et de branche) et renforce l'incitation financière.
. La loi Robien
Votée en juin 1996, cette loi propose la signature de conventions pour une durée de sept ans entre l'État et les entreprises qui s'engagent à réduire la durée du travail et à augmenter les effectifs (volet offensif de la loi) ou à maintenir les effectifs en cas de plan social (voir défensif), sur une période de 2 ans. En contrepartie d'une réduction de 10 % ou 15 % de la durée du travail s'accompagnant d'un accroissement de 10 % ou 15 % de l'effectif, les
Un flux de 1,3 milliards était consacré à cette loi en 1996.
. La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (loi Aubry)
La loi Aubry met en oeuvre des conditions d'exonérations des charges sociales et de réduction de la durée du travail plus restrictives que la loi Robien. Elle fera l'objet d'un exposé plus détaillé en deuxième partie.
Dates limites pour la réduction légale du travail
La durée légale du travail est fixée à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et au 1er janvier 2002 pour les entreprises de 20 salariés et moins (ainsi que pour les entreprises qui franchiront le seuil des 20 salariés entre 2000 et 2001.
Aides financières sous conditions
Les entreprises qui réduisent le temps de travail à 35 heures avant la date butoir peuvent bénéficier, sous condition de créations d'emplois, d'aides financières dégressives qui prennent la forme d'un abattement de cotisations sociales patronales.
. En 1998, l'aide est de 9000 F par an et par salarié pour les entreprises qui passent à 35 heures, à condition d'augmenter les effectifs de 6 % (volet offensif) ou dans le cadre d'un plan social qui évite de licencier 6 % des effectifs (volet défensif)
. En 1999, l'aide est de 8000 F
. En 2000, elle est de 7000 F
. En 2000, elle est de 6000 F
. L'aide devient pérenne après cette date à hauteur de 5000 francs.
Majoration des aides
L'aide peut être majorée :
. De 4000 F (maintenue sur 5 ans) par an et par salarié pour les entreprises qui réduisent les horaires de 15 % (32 heures) et qui augmentent de 9 %, ou sauvent 9 % les effectifs
. De 1000 F par an et par salarié (aide maintenue sur 5 ans) pour les entreprises qui réalisent des efforts particuliers en direction de publics en difficulté (jeunes, chômeurs de longue cadre d'un accord durée, handicapés)
. Une majoration dégressive sur 3 ans est également prévue pour les entreprises de main d'oeuvre. Elle concerne les entreprises qui emploient au moins 60 % d'ouvriers et dont 70 % des salariés sont payés entre 1 et 1,5 fois le SMIC. Elle sera de 4000 F par salarié en 1998, 3000 F en 1999, puis dégressive chaque année.
1.3. La formation continue
Les dépenses de formation peuvent obéir à plusieurs logiques. La première est de réduire le chômage frictionnel d'inadéquation de la main d'oeuvre disponible aux emplois vacants. La deuxième est d'améliorer la position des moins qualifiés (les " outsiders " exclus de l'emploi) dans la file d'attente pour leur permettre de concurrencer les travailleurs en place (les " insiders ") en permettant à terme une pression à la baisse du salaire d'équilibre. Ces deux types de mécanismes sont plutôt recherchés par les politiques ciblées de formation en direction des publics peu employables 45 ( * ) . La troisième logique est une logique de type "capital humain" : l'amélioration de la formation améliorera en fin de compte la productivité et donc la rémunération des travailleurs. Les théories de la croissance endogène avancent sur ce point qu'une augmentation des dépenses publiques de formation provoque des effets endogènes positifs sur la croissance potentielle de l'économie. Enfin, les politiques de formation sont susceptibles d'adapter les espaces de qualification sectoriels ou locaux à l'évolution des espaces industriels, notamment dans le cadre de l'avènement de nouveaux paradigmes technico-organisationnels susceptibles de favoriser une compétitivité hors-prix (Gadille, 1993a et 1998). Cette dernière stratégie fut explorée dans le cadre du rapport dirigé par Jean Gandois (1994) dans le cadre de la préparation du XI ème Plan.
Compétitivité prix et compétitivité hors-prix Les travaux d'économie industrielle distinguent plusieurs types d'indicateurs de compétitivité. Parmi ces derniers : - La compétitivité-prix repose, pour les entreprises qui sont positionnées sur ce créneau, sur la possibilité d'acquérir des parts de marchés en pratiquant des prix inférieurs à la concurrence. L'organisation taylorienne de la production, dans le but de réaliser des gains de productivité sur une production en grande série, est un moyen d'atteindre cet objectif. Elle repose sur une organisation hiérarchique stricte, une parcellisation des tâches conçue par le bureau des méthodes, la mise en oeuvre d'emplois répétitifs peu qualifiés dont les rémunérations et les taches sont strictement codifiées dans les grilles de classification. - La compétitivité hors-coût met en jeu d'autres facteurs que la possibilité de pratiquer des prix inférieurs. Ces facteurs sont la qualité du produit, l'adaptation à une demande de différenciation, les réseaux de coopération industrielle et de commercialisation. Du point de vue de la gestion de la main-d'oeuvre, la stratégie hors-coût requière généralement une implication forte des salariés, des compétences polyvalentes reconnues dans les classifications et une organisation plus horizontale de la production où certaines décisions opérationnelles sont prises dès le niveau des ateliers. |
Selon cette dernière perspective, la volonté de l'État d'inciter les entreprises à mener conjointement des stratégies de recherche de compétitivité et d'adaptation de la main d'oeuvre favorable à la prévention du chômage, se manifeste à partir de 1984 sur la base de la création d'une mesure préventive de formation des salariés. Insérée dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle (loi Rigout du 24.02.1984), Cette mesure vise à réduire les risques d'inadaptation des salariés à l'évolution des techniques et de l'organisation du travail et des compétences. Cette nouvelle forme de convention de formation institue un double soucis de gestion des ressources humaines dans le long terme et de contrôle syndical, incitant les entreprises, comme pour les plans formation, à lier plus étroitement les perspectives de la formation à la stratégie économique de l'entreprise (Dubar 1985).
Il s'agit d'une convention tripartite (demandeur, offreur et financeur de formation) à partir de laquelle les employeurs peuvent s'acquitter de leur participation obligatoire à la formation en concluant des Engagements de Développement de la Formation - EDDF (tableau 8, ci-après). Ces engagements soumis à l'avis des organisations syndicales, doivent comprendre des objectifs précis notamment sur la formation des jeunes et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes à l'intérieur de l'entreprise, ainsi que des modalités de contrôle des actions concrètement menées au terme de rengagement.
C'est ainsi qu'émergent les prémices d'une politique étatique d'aide publique incitative conditionné par des fondements contractuels qui expriment rengagement de l'entreprise à agir en amont du marché du travail pour réduire les effets externes négatifs des modalités traditionnelles de gestion administrative de la main d'oeuvre et d'organisation du travail selon une division poussée des taches.
Par la suite, les années 1987 et 1988 ont été les années charnières dans le développement de cette politique contractuelle qui a visé à encourager les branches et les entreprises à adopter des démarches innovantes d'investissements immatériels en matière d'organisation du travail, de gestion des emplois et de construction des compétences 46 ( * ) . Ce développement s'est effectué sous les ministères Soisson et Aubry, sous l'égide des politiques dites de la " modernisation négociée " (circulaires du 03.03.1989 et du 05.06.89) et de " changement du travail " (circulaires du 10.02.1993).
Le développement de ces dispositifs publics avait pour double objectif, l'amélioration de la compétitivité des entreprises et de la situation des salariés (santé, emploi, perspectives professionnelles).
Il s'agissait donc d'inciter les entreprises ou les branches à anticiper, à partir d'une analyse des évolutions des technologies et des besoins de leur clientèle, les conséquences des choix stratégiques qu'elles seraient amenés à faire sur l'organisation du travail, la gestion des emplois et des compétences. L'objectif affiché de ces dispositifs s'inscrivait dans une logique de renforcement de la compétitivité hors-coût des entreprises liée à leur capacité à fournir des biens et des services répondant à des besoins diversifiés ainsi qu'à des exigences de qualité et de délais de leur clientèle. L'hypothèse de travail qui sous tendait ces dispositifs reposait dans le constat de l'inadaptation du modèle taylorien-fordien d'organisation du travail aux nouvelles exigences productives. De même les modalités de gestion des ressources humaines associées à une forme de division du travail cloisonnée ne permettaient pas de répondre aux exigences de mobilités professionnelles interne et externe qu'impliquaient la transformation des marchés, sans entraîner des risques de dévalorisation des travailleurs les moins qualifiés rejetés sur le marché du travail lors de modernisations et restructuration d'entreprises.
Pour ces raisons, les transformations dans l'organisation du travail et dans la gestion des compétences et des carrières, envisagées dans le cadre de tels dispositifs, devaient permettre aux salariés de bénéficier d'une adaptation de leurs compétences ou de leur qualification permettant ainsi un maintient ou une amélioration de leur "employabilité ".
Pour atteindre ce double objectif, le financement de ces aides était conditionné à l'engagement de démarches de concertation et de négociation des partenaires sociaux au niveau des branches ou au niveau de l'entreprise, où les démarches d'expression ou de participation des salariés étaient également encouragées (Bouillaguet, 1989).
D'un point de vue historique, les aides actuelles dans ce domaine d'action, sont une généralisation d'un dispositif crées dans le cadre d'une nouvelle convention de la sidérurgie, les Contrats Formation Sidérurgie (CFS), mis en oeuvre en 1987 dans le but de favoriser le reclassement interne des salariés et de développer une gestion anticipée des emplois. Il permettait à certains salariés, en particulier les plus âgés, de recevoir une formation longue (au moins d'un an) afin de remplacer sur les postes, des salariés concernés, à terme, par des mesures d'âge. Par la suite et dans la même logique ont été mis en oeuvre des contrats d'Étude Prévisionnelles (CEP) en 1988, qui avaient pour mission de fournir une prospective sur les transformations économiques, technologiques et socio-organisationelles à moyen terme, afin d'éclairer les politiques de formation pour les branches professionnelles et les pouvoirs publics (Nadel, 1991).
L'intérêt de tels contrats pour les branches est notamment de dépasser, en matière de formation emploi des démarches adéquationistes faisant découler les exigences en formation directement d'une organisation donnée de l'entreprise. Ils peuvent permettre de dégager les conditions de compromis autour de la recomposition de nouvelles normes de travail d'emploi et de formation qui engagent des partenaires diversifiés (entreprises, organismes de formation, institutions de branche, éducation nationale, etc.).
À un niveau encore plus micro-économique, il faut également rappeler toujours dans cette même orientation de modernisation des structures sociales dans le système productif, la création en 1989, de deux aides au conseil. La première est créée dans le cadre du Fond d'amélioration des conditions de travail. Appelée FACT-EP, elle est conçue pour favoriser de façon prévisionnelle l'adaptation de l'organisation de l'entreprise. La seconde et crée dans le cadre des interventions du FNE (Ligne d'innovation pour la gestion de l'emploi : LIGE). Elle a pour objectif d'aider financièrement des actions expérimentales de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences en prenant partiellement en charge le coût d'intervention de consultants extérieurs à l'entreprise. La caractéristique innovante de cette mesure est surtout de conditionner l'aide financière d'une part, à un apport cognitif extérieur à l'entreprise en matière de gestion de l'emploi et également d'organisation du travail, et d'autre part, à un principe de concertation ou de négociation avec les partenaire sociaux, la négociation n'ayant pas un caractère obligatoire pour bénéficier de l'aide (Gadille, 1993b).
Cette orientation de la politique de l'emploi est soutenue par la loi de 1989 modifiée en 1990, qui rend obligatoire l'information et la concertation du Comité d'Entreprise en matière d'évolution de l'emploi et des qualifications. Celui-ci est informé et consulté sur les prévisions annuelles ou pluriannuelles et les actions, notamment de prévention et de formation, que l'employeur envisage de mettre en oeuvre compte tenu de ces prévisions, particulièrement au bénéfice des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification qui les exposent plus que d'autres aux conséquences de l'évolution économique ou technologique.
Par ailleurs, dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la notion "d'investissement formation", le gouvernement met en oeuvre en 1989 un "crédit-d'impôt-formation" qui vise à favoriser la recherche-développement dans les entreprises. Le principe est d'accorder une réduction d'impôt aux entreprises qui accroissent leurs dépenses de formation d'une année sur l'autre.
En 1991, les différentes mesures d'aides à la formation et d'aide au conseil en entreprise sont mises en cohérence et articulées les unes par rapport aux autres. On assiste également à une simplification des aides au conseil destinées aux branches et aux entreprises.
Cette année là, les différentes aides établies dans une perspective de "changement du travail" sont recensées selon deux registres, celui des aides au conseil et celui des aides à l'action, décrits dans le tableau 11, ci après. Cette refonte des aides aux entreprises visait notamment à rationaliser les objectifs et les procédures de chacune d'entre elles étant donné la relative confusion qui régnait dans leur mise en oeuvre entre les objectifs prévus par la loi et ceux qui étaient visés dans la réalité. C'est ainsi par exemple que l'aide attribuée par le Fonds d'Amélioration des Conditions de Travail était élargie à des besoins d'entreprises et de branches en matière d'études prévisionnelles situées en amont des projets d'actions et visant à éclairer les choix concernant l'évolution de nouvelles technologies, l'organisation et le contenu du travail, l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Tableau 11. Les outils de "changement de travail" |
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Entreprises visées |
Mesure |
Objectif |
Procédure |
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Aides au conseil |
Petites et moyennes entreprises de moins de 500 personnes, voire établissement de grands groupes |
Diagnostic Court gratuit (durée de trois jours), réalisé par l'ANACT, ce dispositif peut être combiné à une opération plus lourde financée par le FRAC 47 ( * ) . |
Appréhender les conditions et les enjeux de modifications dans l'organisation, les conditions et le contenu du travail, pour mener des actions concrètes. |
L'entreprise transmet sa demande à la DDTEFP. accompagné de la proposition du consultant retenu et l'avis des représentants du personnel (CE ou DP) |
Petites entreprises ou établissements |
Aide au Conseil aux Entreprises (financement partiel du coût d'un consultant) |
accompagner des expériences significatives de changement du travail 48 ( * ) |
Le consultant doit accepter le principe d'une démarche participative et l'échange avec les experts publics de l'instruction technique de la DDTEFP |
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Branches professionnelles |
Contrat d'Études Prospectives 49 ( * ) (financement des programmes d'études et de recherche) |
Eclairer les partenaires sociaux pour qu'il se dotent d'un outil de prospective sur l'évolution des systèmes de travail, d'emploi, de qualification et de formation professionnelle |
Au niveau national : consultation des partenaires sociaux dans le cadre des Commissions nationales paritaires des branches Au niveau régional : Le préfet de région introduit ce dispositif dans les outils de prospective existant dans le cadre des Contrats de Plan État-Région |
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Aides à l'action |
Toutes les entreprises qui emploient des salariés y compris les coopératives , syndicats, mais aussi les E.P.l.C 50 ( * ) ., et hôpitaux |
F.A.C.T. 51 ( * ) |
- développer le dialogue social, prendre en compte les composantes du travail dans les projets de modernisation ou de conception des équipements - agir sur les contraintes lourdes de travail dans certains secteurs - susciter des projets inter-entreprises pour les PME |
un avis doit être demandé au CHSCT, Instruction du dossier par la DRTEFP : l'avis de l'inspecteur du travail doit permettre de situer le projet dans le contexte économique et social de l'entreprise (climat social, attitude des partenaires sociaux et situation de l'emploi) |
E.D.D.F. 52 ( * ) |
- accroître l'effort de formation quantitatif mais surtout qualitatif en mettant en étroite relation l'élaboration de plans formation avec l'évolution de l'organisation et du contenu du travail, au niveau des branches professionnelles - qualification de la main d'oeuvre, développement de la formation dans les PME |
- l'État aide à la réalisation des plans de formation, les régions peuvent être associées à la procédure, les organisations syndicales doivent être consultées à différentes étapes de conception et réalisation du projet. |
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Tout les salariés potentiellement les plus exposa aux risques d'exclusion, ne bénéficiant pas d'un potentiel de connaissance et de savoirs faire suffisants pour réussir une reconversion (niveaux VI, V bis, V et IV) |
F.N.E. Prévention |
- Inciter les entreprises à traiter en amont leurs problèmes d'emploi, par des actions de conversion interne ou à défaut externe - la formation doit contribuer à la mise en place d'organisation du travail favorisant l'adaptation des compétences des salariés |
- les acteurs publics impliqués sont les DDTEFP et les inspecteurs du travail - consultation du CE ou DP - cofinancement du FSE selon les objectifs - quota minimum et maximum d'heure/salarié - clause de non licenciement de un an |
Tableau 11 (suite) |
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Bénéficiaires |
Mesure |
Objectif |
Procédure |
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Aides à l'action |
Employeurs qui ont négocié un plan d'égalité professionnelle avec les organisations syndicales et qui consacrent des efforts à la formation professionnelle continue |
Mixité des emplois et Égalité Professionnelle (prise en charge partielle du coût des stages de formation, des rémunérations des stagiaires et autres coûts liés a l'aménagement du contexte de travail) |
- aider a la mise en oeuvre de plans pour l'égalité professionnelle qui présentent un caractère exemplaire en matière de formation, de promotion professionnelle et de mixité des emplois |
- instruction des dossiers par la chargée de mission ou déléguée régionale aux droits de la femme - consultation du CE ou des DP |
Entreprises qui ont un projet d'insertion ou d'élévation des niveaux de compétences des personnels en place |
Nouvelles Qualifications |
- insérer des jeunes ou des demandeurs d'emploi d'un faible niveau de qualification, en les qualifiant et en répondant aux besoins de l'entreprise - requalifier de salariés d'un faible niveau de qualification en élevant leur niveau de compétence et en aidant au changement de l'organisation du travail |
- la mission nouvelle qualification apporte une aide technique et méthodologique, elle peut être sollicitée par les entreprises ou les organismes de formation - possibilité d'action concertée avec plusieurs entreprises - partenariat d'action qui implique hiérarchie, salariés et organisme de formation |
1.4. Les aides des collectivités locales
Nous regroupons ici les aides des collectivités locales bénéficiant directement aux entreprises concurrentielles du secteur marchand (industrie, commerce, artisanat...), en excluant les actions en faveur du tourisme, du sport ou de la culture.
Les collectivités locales se sont intéressées de plus en plus directement aux entreprises implantées ou susceptibles de s'implanter sur leur territoire. Mais les aides qualifiées de directes sont théoriquement limitées par la législation, comme étant d'abord dirigées vers les PME et principalement organisées par la région :
• primes régionales à l'emploi (PRE)
montant plafonné à 200 000 f (300 000 f en Corse), non subordonnée à la création d'emplois.
• primes régionales à la
création d'entreprises (PRCE)
montant variant de 10 à 40 000 f par emploi créé ou maintenu, dans limite de 30 emplois. Ne peut dépasser le double des capitaux propres.
Les aides indirectes sont beaucoup moins encadrées, même si les aides au rachat ou à la location d'immobilier sont réglementées (maxima pour les rabais). En outre garanties d'emprunt et prises de participation dans le capital des sociétés commerciales sont très contrôlés. Si le montant des prêts, avances et bonifications d'intérêts n'est pas plafonné, ces procédures sont limitées aux projets créant 30 emplois au maximum par établissement et 10 par extension
Les données disponibles auprès du Ministère du Budget n'intègrent que les collectivités de plus de 5000 habitants (commune, département ou région) et les aides au secteur privé. La difficulté de l'analyse de ces aides part du fait que leur recensement apparaît imprécis, incomplet avec des résultats dont la fiabilité est sujette à caution (Cour des Comptes, 1996). Au total, l'ensemble des aides locales s'est élevé à 14,375 Milliards de Francs en 1994 (10,8 Milliards de Francs en 1989). Elles semblent être en forte croissance par rapport aux dépenses totales des collectivités locales et représentent de 1 à 5 % du total des dépenses (pour les interventions économiques stricto-sensu ) .
Graphique 5. Évolution des aides
financières des collectivités locales
(en millions de F)
(
source : Direction de la Comptabilité
publique
)
La pression sociale sur les élus et sur les collectivités s'est intensifiée, et les collectivités locales ont tendance à devenir des acteurs du développement économique local, sans avoir forcément le recul suffisant pour évaluer la cohérence globale et l'efficacité dans le temps de leurs interventions économiques.
À côté de ces éléments, il y a l'impact non négligeable des mesures fiscales, puisque le produit de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises représente près de 50 % du produit des impôts locaux.
L'essentiel des interventions reste concentré sur les aides à l'immobilier d'entreprise et aux terrains, celles-ci étant de plus en plus confiées à des structures de droit privé. Cet élément est d'autant plus net que l'on constate une baisse des aides directes. Par exemple, les PRE et PRCE ont chuté de 407 millions de francs en 1987 à seulement 103 millions de francs en 1994.
1.5 La suppression de la taxe professionnelle sur les salaires
Cette mesure est par nature ponctuelle. Engagée à partir de la loi de finances 1999, il s'agit de supprimer en cinq ans la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.
En effet, jusqu'à la réforme, la base d'imposition à la taxe se compose de deux éléments :
- la valeur locative des immobilisations corporelles utilisées par l'entreprise pour son activité productive
- 18 % du montant des salaires versés.
Ainsi, en 1997, les salaires constituent 35 % de l'assiette globale de la taxe.
L'objectif de la mesure fiscale est de soulager principalement les PME, et surtout les secteurs à forte intensité en main d'oeuvre, comme les services, le bâtiment et le commerce. À l'horizon des 5 ans, on espère favoriser de cette manière la création de 25 000 emplois supplémentaires. Le manque à gagner fiscal pour les collectivités locales sera compensé par l'État au travers d'une augmentation des dotations budgétaires, comme la dotation globale de fonctionnement. Le coût de cette mesure pour les finances publiques, compte tenu de diverses modifications intégrées dans la reforme, est estimé à 7,2 Milliards de francs.
* 30 Un troisième objectif est aussi avancé : la promotion de nouvelles activités et de nouveau emplois, objectif relancé dans le cadre du programme "nouveaux emplois, nouveaux services", qui structure en partie le plan emploi-jeunes.
* 31 LA DARES distingue les dispositifs spécifiques de politique de l'emploi, qui constituent selon elle le noyau dur de la politique de l'emploi (DARES. 1996. p. 77). des dispositifs non-ciblés qui sont, au sein de la DPE :
- L'indemnisation du chômage (exclue du champ de notre étude)
- la formation professionnelle continue des actifs occupés
- les dispositifs destinés aux travailleurs handicapés
- les dispositifs destines aux entreprises, même si les conditions d'attribution font explicitement référence à un nombre d'emplois créés ou maintenus sur une certaine période, comme prime d'aménagement du territoire, les subventions du comité interministériel des restructurations industrielles (CIRI). le chômage partiel ou les conventions pour la réduction ou l'aménagement du temps de travail.
* 32 L'indicateur agrégé de productivité apparente du travail met ainsi en évidence que pour tous les pays, les gains et productivité dans les services sont inférieurs à ceux de l'industrie. Ainsi, en Europe, durant la période 1960-73, les gains de productivité sont en moyenne de 4,7 % l'an dans l'industrie contre 3,1 dans les services. Cet écart s'est agrandi dans la période 1973-90, puisque les gains de productivité de l'industrie sont en moyenne de 2,5 % l'an contre 0,5 pour les services.
* 33 Cette expansion est nécessaire pour financer par transfert fiscal le développement des biens collectifs sans exercer de tensions fiscales excessives.
* 34 La notion de qualification de l'emploi est polysémique parce qu'elle dépend de la convention que se donnent les acteurs de la relation salariale. Ainsi, la qualification est rarement liée à la valeur ajoutée individuelle, celle-ci étant difficilement mesurable et hétérogène selon les secteurs. Elle ne dépend pas non plus de la seule qualification personnelle des travailleurs que représentent leur diplôme et leur expérience. Dans la mesure où elle définit la part de la "qualification personnelle" requise pour un emploi donné, la reconnaissance salariale dans les grilles de classification constitue une approximation de la qualification d'un emploi. C'est dans ce sens que nous utiliserons ici la notion d'emplois "qualifiés".
* 35 Le terme renvoie à un discours de Jacques Chirac.
* 36 Au contraire, les chèques emploi-services peuvent être considérés comme une simplification administrative de l'offre, sans décharger l'employeur de ses obligations légales (congés payés, indemnités de licenciement, etc).
* 37 C'est le terme utilisé par Olivennes (1994).
* 38 Les développement qui suivent sur le temps partiel reprennent la partie historique du travail effectué par Hoang Ngoc L. et F. Lefresne (1994).
* 39 Certains accords définissent cependant des planchers conventionnels, étendent le champ du temps partiel au-delà des 4/5ème de l'horaire normal, ou encore étendent le droit de priorité des salariés en place vers les demandeurs d'emploi.
* 40 La lettre de Matignon du 25 février 1985 : " le temps partiel multiplie les chances dans la lutte pour l'emploi. Il ouvre des voies nouvelles pour accompagner la modernisation des entreprises."
* 41 Le décret du 31 mars 1985 a ainsi instauré des conventions sur l'aménagement du temps de travail et la modernisation, se substituant aux anciens contrats de solidarité de réduction de la durée du travail. Elles offrent une prime pour chaque heure réduite par salarié. Mais très peu de conventions signes en 1987 (cinq réduisant la durée du travail de 249 salariés).
* 42 Le plan social s'applique dans le cadre du licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés.
* 43 Cette mesure semble avoir remporté un réel succès puisque 100.000 salariés étaient concernés par ce dispositif en juin 1993, avec un rythme de 15.000 nouveaux bénéficiaires par mois. Les principaux concernés sont les femmes employées des petites entreprises du secteur marchand et principalement les jeunes (la moitié des bénéficiaires à moins de 30 ans).
* 44 Ce dispositif attribuait précisément une compensation des charges sociales patronales pendant trois ans dans les d'annualisation du travail..
* 45 La notion d'employabilité recouvre la probabilité d'un individu à trouver ou garder un emploi.
* 46 Par la circulaire du 07.02.1987, le dispositif des EDDF est recentré plus explicitement en direction des PME-PMI.
* 47 Fonds Régional d'Aide au Conseil
* 48 Dont l'évolution des compétences pouvant entraîner la définition de qualifications nouvelles ou la mise en place de nouvelles grilles de classification, l'analyse des besoins et la définition d'une politique d'embauche, la conception d'actions permettant une mobilité professionnelle des salariés, la prévention de l'exclusion, la définition des besoins de formation. La conception des plans de formation ainsi que les mesures d'ingénierie de formation susceptibles d'en accroître la cohérence et l'efficacité, l'étude préalable, intégrant les incidences sur l'emploi d'une opération d'aménagement-réduction du temps de travail, etc.
* 49 Aide au conseil aux branches
* 50 Établissement public à caractère industriel et commercial : EDF, CEA,...
* 51 Fonds d'Amélioration des Conditions de Travail
* 52 Engagement de Développement de la Formation 68