N°1547 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE |
N° 329 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999 |
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Annexe au procès-verbal de la
séance
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES
POLITIQUES PUBLIQUES
RAPPORT
sur
LE RÔLE DES FLUX FINANCIERS
ENTRE LES
COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
ET LES ENTREPRISES EN MATIÈRE
D'EMPLOI
Par
M. GÉRARD BAPT,
Député
TOME II
ANNEXE
La composition de l'Office figure au verso de la présente page.
L'Office d'évaluation des politiques publiques est composé de MM. Alain Lambert, Président ; Augustin Bonrepaux, premier vice-président ; Laurent Dominati, Didier Migaud, Guy Poirieux, vice-présidents ; Gérard Bapt, Pierre Fauchon, Michel Grégoire, Serge Vinçon, secrétaires ; Mmes Marie-Hélène Aubert, Maryse Bergé-LaVigne, MM. Alain Barrau, Jacques Bimbenet, Michel Bouvard, Gilles Carrez, Michel Charasse, Michel Charzat, Mme Martine David, MM. Marcel Debarge, Patrick Delnatte, Charles Descours, André Ferrand, Bernard Fournier, Yves Fréville, Edmond Hervé, Didier Quentin, Paul Loridant, Philippe Marini, Pierre Méhaignerie, Arthur Paecht, Jean Vila, Jacques Oudin.
Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne
METIS (CNRS - URA n° 919) 1 ( * )
106-112 Bd de l'Hôpital, 75013 Paris
Tél. : 01-55-43-41-70
ETUDE ÉVALUANT LE RÔLE DES FLUX FINANCIERS ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ET LES ENTREPRISES EN MATIÈRE D'EMPLOI
Commandée par l'Office Parlementaire d'Évaluation des Politiques Publiques
Coordonnée par
HOANG NGOC Liêm
(Université de Paris I - METIS)
Christine ERHEL (Université de Paris I -
METIS)
Martine GADILLE (CNRS - LEST)
Rémy HERRERA (CNRS -
EUREQUA)
Tristan KLEIN (Université de Paris I - METIS)
LE VAN
Cuong (CNRS - CERMSEM)
Katia MIROCHNITCHENKO (CNRS - LEST)
Rapport final
mars 1999
INTRODUCTION
Les politiques publiques pour l'emploi n'ont cessé de se développer depuis le milieu de la décennie soixante-dix pour faire face à la montée et à la persistance du chômage de masse. Les flux financiers correspondant aux catégories recensées par la Dépense Publique pour l'Emploi (DPE) de la DARES s'élevaient en 1997 à plus de 300 milliards de francs, soit 4 % du PIB.
Les dispositifs de politique publique que soutiennent ces flux visent à indemniser les victimes du chômage et à compléter la politique macro-économique dont l'objectif principal est de soutenir la croissance ou de la stabiliser. Quatre types d'objectifs justifiant le développement de ces flux peuvent être relevés.
Le premier objectif est celui du traitement social du chômage et de la prise en charge des retraits anticipés d'activité.
Le deuxième objectif vise à rendre la croissance plus riche en emplois. Cet objectif s'est affirmé avec le ralentissement durable de la croissance depuis deux décennies.
Le troisième objectif est d'assister les entreprises dans leur processus d'innovation en les aidant à améliorer la qualification des emplois et des hommes par des aides à la formation continue.
Le quatrième objectif est de lutter contre la "sélectivité" du marché du travail afin de modifier l'ordre d'une file d'attente persistante de chômeurs en centrant certaines mesures sur des publics cibles réputés moins employables.
Les nombreux dispositifs mis en place successivement au cours de ces deux dernières décennies ont oscillé autour de ces différents objectifs.
Les dépenses d'indemnisation chômage n'entrent pas dans le champ de cette étude dans la mesure où elles dépendent de la gestion paritaire de l'UNEDIC.
Parmi les dispositifs relevant du financement des collectivités publiques, nous distinguerons les mesures d'ordre général, dont l'objectif est d'enrichir le contenu en emploi de la croissance et/ou d'améliorer la qualité globale de l'emploi, des mesures ciblées ou spécifiques, visant à mettre en oeuvre le principe d'une "discrimination positive".
Parmi les mesures d'ordre général, seront intégrées les aides sans contreparties exigées en termes d'engagement des entreprises pour l'emploi. Elles ne figurent pas dans les catégories de la Dépense Publique pour l'Emploi (DPE). Dans la période récente, le principal instrument général sans contreparties est la réduction du coût du travail non-qualifié. La fusion du dispositif d'exonération des cotisations familiales sur les bas salaires et la ristourne dégressive jusqu'à 1,3 fois le SM1C en constitue la principale mesure. Les flux consacrés à ce type de mesure absorbent une part croissante des flux d'aide à l'emploi.
Parmi les mesures d'ordre général et ciblées, les dispositifs qui reposent sur une convention entre l'État et l'entreprise feront l'objet d'une attention particulière. L'entreprise s'engage dans ce cas à réaliser un cahier des charges en échange de l'aide financière. Cette contrepartie porte par exemple sur le maintien ou la création d'emploi, l'amélioration des compétences ou de la qualification, en principe, envisagée en cohérence avec des innovations organisationnelles et technologiques. Entrent notamment dans cette catégorie les lois Robien et Aubry sur la réduction du temps de travail, ainsi que certaines mesures nationales, territoriales ou sectorielles d'aide à l'industrie, à la formation, à la reconversion.
Parmi les mesures ciblées, les instruments utilisés relèvent essentiellement d'une réduction du coût du travail sous forme de contrats aidés dans le secteur marchand et le secteur non-marchand. Ils consistent également en la mise en oeuvre d'aide à la formation pour les publics-cibles ou d'encouragement au rajeunissement de la pyramide des âges dans l'entreprise par des mesures de préretraite.
L'importance croissante des fonds publics consacrés à l'emploi requiert une évaluation comparée de ces différents types de mesures à l'aune des effectifs qui leur sont assignés.
De nombreux rapports ont été commandés dans la période récente aux organismes publics d'évaluation à propos de dispositifs ou d'ensemble de mesure précis. Parmi ces derniers, la réduction du temps de travail a été traitée par te Conseil d'Analyse Économique (Taddéi, 1998) et le CSERC (1998). Elle fait l'objet d'un suivi attentif de la DARES. L'allégement des charges sur tes bas salaires a fait l'objet d'un rapport du CSERC (1996) et de travaux antérieurs dans le cadre du CGP (Minc, 1994 ; Maarek, 1994). La totalité de Dépense Publique pour l'Emploi (excluant tes mesures d'ordre général) a fait l'objet d'un bilan détaillé de la DARES (1996) portant sur quarante ans de politique de l'emploi. Enfin, le Premier ministre a commandé deux rapports sur la réforme du mode de financement de la protection sociale, l'un à Jean-François Chadelat en juin 1997, l'autre à Edmond Malinvaud en septembre 1998.
Peu de travaux mettent en balance l'ensemble des dispositifs du point de vue de leur efficacité comparée. L'objet du présent rapport est donc l'étude comparative de l'efficacité de l'ensemble des flux consacrés à l'emploi, qu'il s'agisse des mesures d'ordre général ou des dispositifs ciblés, sectoriels et locaux.
Cette évaluation a pour objectif d'aider à la décision en ce qui concerne l'orientation immédiate de la politique publique de l'emploi. Depuis une décennie, le mécanisme privilégié par les dispositifs ciblés ou d'ordre général de la politique de l'emploi est essentiellement la réduction du coût relatif du travail et principalement du travail non-qualifié. Le bilan mitigé de ces politiques, que nous discuterons dans ce rapport, amène à explorer de nouvelles pistes en précisant le diagnostic sur les causes de la persistance du chômage.
Parmi ces pistes, le gouvernement a décidé d'engager une réflexion autour de deux axes complémentaires : la réduction du temps de travail et la réforme du financement de la protection sociale. Cette dernière se veut incitative dans le cadre du passage aux 35 heures afin de stimuler les entreprises où les acteurs s'engagent dans une négociation sur l'organisation de la production et l'emploi. Le contenu de la réforme du financement de la protection sociale doit alors être rapidement précisé, afin de la mener conjointement à la mise en place de la deuxième loi sur les 35 heures qui doit fixer les conditions définitives du passage aux 35 heures.
Les contenus possibles d'une telle réforme du financement de la protection sociale sont cependant loin de faire l'unanimité parmi les protagonistes de la politique de l'emploi. C'est pourquoi nous nous efforcerons de dresser la topologie des propositions en présence, en mettant l'accent à la fois sur le choix de société qu'elles sous-tendent et sur l'efficacité économique en termes d'emplois dont chacune d'elles est porteuse. Au coeur du débat de société, se trouve tout d'abord posée la question des catégories de revenus qui doivent participer au financement de la protection sociale. Se trouve ensuite posée la question du lien qui doit ou non exister entre le caractère universel de la protection sociale, voulu par le gouvernement, et les modes de financement, plus ou moins fiscalisés, sur lesquels doit reposer le système. Faut-il conserver une assiette salaire au nom de la généralisation de la société salariale ? Faut-il l'étendre à d'autres catégories de revenus tels les profits des entreprises et les revenus du capital ? Faut-il changer radicalement d'assiette en substituant une assiette valeur ajoutée à l'assiette salaire ? Tels sont les termes concrets des choix politiques auxquels les pouvoirs publics ont à faire face.
Le second débat est un débat économique portant sur l'efficacité (en termes de créations d'emplois) de chaque type de prélèvement. À la demande du Premier ministre, deux rapports - le rapport sur la réforme des cotisations patronales, rédigé par Jean-François Chadelat (1997) et le rapport intitulé les cotisations sociales à la charge des employeurs une analyse économique, rédigé par Edmond Malinvaud (1998) -, ont tenté de définir les termes d'un tel débat Le rapport Chadelat recommande une extension de l'assiette voire un changement d'assiette afin d'intégrer la valeur ajoutée, ou bien une modulation des cotisations patronales (dans ce cas toujours assises sur les salaires) en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Le rapport Malinvaud, pour sa part, propose une mesure d'ordre générale d'allégement du coût du travail non-qualifié : cette proposition se situe dans la lignée de la politique de l'emploi menée en France durant la décennie qui s'achève. Ces deux rapports n'établissent cependant pas une évaluation systématique des différents scénarios. Le rapport Malinvaud propose néanmoins une simulation de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires.
Le présent rapport repart des hypothèses utilisées par le rapport Malinvaud lui-même. Il complète la modélisation de l'économie, inachevée à notre sens, dans le modèle ayant servi de support au rapport Malinvaud. Il simule l'ensemble des scénarii de réformes possibles, notamment ceux qui sont esquissés, mais non-éprouvés, dans le rapport Chadelat.
Les premières évaluations des négociations effectuées dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation sont maintenant disponibles. On dispose en effet maintenant d'un panel suffisamment important d'accords d'entreprise et de branche pour en évaluer la portée. Une typologie de ces accords (tenant compte d'une double dimension), sera proposée, selon que ces accords soient offensifs ou défensifs (qu'ils aient créés ou maintenu l'emploi), et selon leur caractère "organique" ou "mécanique", autrement dit selon qu'ils engagent ou non une réflexion de long terme de l'entreprise en matière d'emploi, d'innovation stratégique et d'organisation du travail.
À la lumière de ces premières expériences, quelques suggestions peuvent être formulées afin de dessiner les contours de la seconde loi. Elles portent notamment sur les règles d'aménagement du temps de travail à fixer, les heures supplémentaire, les modalités de fixation du salaire minimum, la durée du travail des cadres.
La première partie dresse un état des lieux de l'évolution des flux financiers en matière d'emploi en France. Elle établit ensuite le bilan des évaluations disponibles de l'efficacité des mesures financées par les flux étudiés. Le premier chapitre commence par comparer le volume et la structure de la politique de l'emploi française avec les caractéristiques des politiques menées par d'autres pays réputés représenter différents "modèles" de politique de l'emploi tels que la Suède et les pays anglo-saxon. Il précise l'évolution de la structure des flux financiers. Le deuxième chapitre dresse une typologie des mesures mises en oeuvre en ayant le souci de les classer en fonction du caractère plus ou moins général de la mesure, et en fonction du type de mécanisme économique recherché. Le troisième chapitre expose successivement les méthodologies utilisées dans les évaluations macro-économiques, micro-économiques et monographiques. Le quatrième chapitre établira la synthèse des résultats par catégorie de mesure.
La deuxième partie présente les premières évaluations des pistes récentes en matière de politique publique de l'emploi. Celles-ci s'articulent autour des projets de réforme du mode de financement de la protection sociale et de la mise en place de la réduction du temps de travail.
Le cinquième chapitre établit la topographie des arguments présents dans le débat de société et dans le débat économique concernant les différents modes de financement des dépenses sociales. Une telle réforme possède en effet la particularité de devoir concilier deux objectifs : le financement de dépenses dont certaines revêtent désormais un caractère universel et la recherche du mode de financement le plus favorable à l'emploi. À l'aide de simulations inédites qui reprennent et complètent le modèle utilisé dans le rapport Malinvaud, est ensuite évaluée l'efficacité en termes d'emplois de quatre réformes : la baisse des cotisations patronales, le transfert du financement vers une assiette assise sur la Valeur Ajoutée, le transfert vers une assiette Excédent Brut d'Exploitation, la modulation des cotisations patronales (assises sur les salaires) en fonction de la part d'un critère économique mesurant la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Le sixième chapitre propose un bilan détaillé des négociations de branche et d'entreprises qui se sont déroulées durant la phase d'application de la loi d'orientation et d'incitation pour la réduction du temps de travail. Il débouche sur un ensemble de recommandations susceptibles de contribuer à préciser le contenu de la deuxième loi qui doit encadrer le passage définitif aux 35 heures.
* 1 Le METIS est devenu en septembre 1998 MATISSE (Modélisations Appliquées, Trajectoires Institutionnelles.
Stratégies Socio-Economiques - CNRS - UMR n° 85 95).