Rapport n° 329 (1998-1999) de M. Gérard BAPT, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, déposé le 29 avril 1999
Disponible au format Acrobat (521 Koctets)
-
AVANT-PROPOS
-
INTRODUCTION
-
I. - L'ÉVALUATION
-
II. - RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
-
III. - LA LOI D'INCITATION À LA
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
-
IV. - LE CONTENU DE L'ÉTUDE
-
V. - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS ET
RECOMMANDATIONS
-
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU MERCREDI 7 AVRIL
1999
N°1547 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÉME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 1999 |
N°329 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999 Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1999 |
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES POLITIQUES PUBLIQUES
RAPPORT
sur
LE RÔLE DES FLUX FINANCIERS
ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
ET LES ENTREPRISES EN MATIÈRE D'EMPLOI
par
M. GÉRARD BAPT,
Député
TOME I
RAPPORT
La composition de l'Office figure au verso de la présente page
L'Office d'évaluation des politiques publiques est composé de : MM. Alain Lambert, Président ; Augustin Bonrepaux, premier vice-président ; Laurent Dominati, Didier Migaud, Guy Poirieux, , Vice-Présidents ; Gérard Bapt, Pierre Fauchon, Michel Grégoire, Serge Vinçon, Secrétaires ; Mmes Marie-Hélène Aubert, Maryse Bergé-Lavigne, MM. Alain Barrau, Jacques Bimbenet, Michel Bouvard, Gilles Carrez, Michel Charasse, Michel Charzat, Mme Martine David, MM. Marcel Debarge, Patrick Delnatte, Charles Descours, André Ferrand, Bernard Fournier, Yves Fréville, Edmond Hervé, Didier Quentin, Paul Loridant, Philippe Marini, Pierre Méhaignerie, Arthur Paecht, Jean Vila, Jacques Oudin.
AVANT-PROPOS
Saisi d'une demande d'étude formulée par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, au cours de sa réunion du 2 avril 1998, portant sur le rôle des flux financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière d'emploi, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a décidé, au cours de sa réunion du 5 mai 1998, d'en confier la réalisation à un organisme extérieur. Le cahier des charges fixant notamment le contenu de cette étude a été adopté le 18 juin 1998. Il prévoyait que l'étude s'articulerait autour de deux volets. Le premier consiste en une actualisation de l'état des lieux à partir des dispositifs existants et des travaux d'évaluation déjà effectués ; le second, qui constitue l'évaluation proprement dite, analyse l'ensemble des flux financiers publics dont profitent les entreprises et mesure la rentabilité de ces interventions en terme d'emplois.
Au cours de sa réunion du 22 juillet 1998, l'Office décidait de confier la réalisation de cette étude au METIS (Mutation Espace Travail Industrie et services Stratégies), unité de recherche associée au CNRS, en collaboration avec le LEST (Laboratoire d'Économie et de Sociologie du Travail d'Aix-en-Provence), unité propre au CNRS.
Le premier volet de l'étude, consistant en une actualisation et une synthèse, à partir des études existantes, de l'état des lieux des dispositifs recevant des financements publics pour aider l'emploi, a fait l'objet d'un rapport d'étape remis à l'Office le 30 octobre 1998.
Le second volet de l'étude, ayant pour objet d'évaluer l'impact des flux financiers publics en matière d'emploi, devait s'articuler autour de deux points :
•
l'établissement d'une typologie
des flux financiers en fonction de l'origine du financement et de la
catégorie d'entreprise aidée en faisant
ressortir :
- l'origine du flux (nature du financeur et du financement) ;
- le montant du flux ;
- l'objectif du flux ;
- le type d'entreprise bénéficiaire du flux.
Il était demandé que soient pris en compte les flux provenant de l'État, les collectivités territoriales, mais aussi du Fonds social européen, quelle que soit la forme revêtue par les aides dont ils assurent le financement et que les zones franches fassent l'objet d'une étude particulière afin de mieux mesurer leur impact spécifique.
En ce qui concerne les bénéficiaires des flux, il était demandé de dresser une typologie des entreprises aidées, en fonction de leur taille (chiffre d'affaires, parts de marché, nombre de salariés), par niveau moyen de salaire (en distinguant les entreprises forte valeur ajoutée des entreprises de main d'oeuvre), par secteur d'activité, qu'il s'agisse de l'industrie (en distinguant les biens d'équipement des biens de consommation courante), du commerce et de l'artisanat ou des services (en consacrant un développement particulier aux entreprises de service à la personne) ou enfin, en fonction de l'implantation géographique de l'entreprise.
Ce point de l'étude devait permettre d'apprécier les inégalités entre les entreprises du point de vue de l'accès aux différentes aides de l'État et des collectivités territoriales).
•
le
calcul de
la rentabilité de la dépense des deniers publics en termes
d'emploi
Ce point de l'étude devait permettre d'évaluer l'efficacité des différents flux financiers, au regard des objectifs, d'une part, de maintenir l'emploi et d'autre part, de développer l'emploi, que ce soit par secteur (selon que l'exposition à la concurrence est plus ou moins grande) ou par catégorie de main d'oeuvre (plus ou moins fragile).
L'évaluation devait également porter sur les points suivants :
- premier bilan de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, dite loi Aubry (n° 98-461 du 13 juin 1998), en termes d'emploi ;
- impact d'une diminution générale des charges sociales et fiscales assises sur les salaires, sur le développement de l'emploi, en s'efforçant de distinguer les effets d'une mesure, selon qu'elle bénéficie à l'employeur et/ ou au salarié et selon qu'elle concerne tous les salariés ou qu'elle est limitée aux bas salaires ;
- mise en évidence des répercussions indirectes des aides publiques à l'emploi. Sur ce point, il était demandé, en particulier, d'examiner si certaines de ces aides n'ont pas davantage bénéficié au consommateur, en permettant d'accroître la compétitivité des prix des produits industriels, qu'au développement de l'emploi proprement dit.
D'une manière générale, il était demandé que soient mis en lumière tous les dysfonctionnement des systèmes d'aides existants et les déperditions de flux financiers n'atteignant pas les objectifs qui leur sont assignés.
Conformément aux stipulations du cahier des charges, le rapport du METIS a été remis à l'Office le 31 mars dernier.
*
* *
M. Gérard Bapt, Rapporteur, a soumis son rapport et les travaux du METIS et du LEST à l'Office qui, le 7 avril 1999, a décidé de les transmettre au Bureau de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, assortis d'un avis favorable à leur publication dans les conditions rappelées par le compte rendu ci-annexé.
Le Bureau de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale a, le 28 avril 1999, autorisé la publication du rapport de M. Gérard Bapt et des travaux du METIS et du LEST.
*
* *
INTRODUCTION
Les politiques publiques pour l'emploi n'ont cessé de se développer depuis le milieu de la décennie soixante dix pour faire face à la montée et à la persistance du chômage de masse. Les flux financiers correspondant aux catégories recensées par la dépense publique pour l'emploi (DPE) de la DARES s'élevaient en 1997 à plus de 300 milliards de francs, soit 4 % du PIB.
Les dispositifs de politique publique que soutiennent ces flux visent à indemniser les victimes du chômage (dépenses dites « passives ») et à compléter la politique macro-économique dont l'objectif principal est de soutenir la croissance ou de la stabiliser (dépenses dites « actives »). Quatre types d'objectifs justifiant le développement de ces flux peuvent être relevés.
Le premier objectif est celui du traitement social du chômage et de la prise en charge des retraits anticipés d'activité.
Le deuxième objectif vise à rendre la croissance plus riche en emplois. Cet objectif s'est affirmé avec le ralentissement durable de la croissance depuis deux décennies. Il a conduit notamment à l'adoption des lois Robien et Aubry.
Le troisième objectif est d'assister les entreprises dans leur processus d'innovation en les aidant à améliorer la qualification des emplois et des hommes par des aides à la formation continue.
Le quatrième objectif est de lutter contre la « sélectivité » du marché du travail afin de modifier l'ordre d'une file d'attente persistante de chômeurs en centrant certaines mesures sur des publics cibles réputés moins employables.
Les nombreux dispositifs mis en place successivement au cours de ces deux dernières décennies ont oscillé autour de ces différents objectifs.
Les dépenses d'indemnisation chômage n'entrent pas dans le champ de cette étude dans la mesure où elles dépendent de la gestion paritaire de l'UNEDIC.
Parmi les dispositifs relevant du financement des collectivités publiques, l'étude distingue les mesures d'ordre général, dont l'objectif est d'enrichir le contenu en emploi de la croissance et/ou d'améliorer de la qualité globale de l'emploi, des mesures ciblées ou spécifiques, visant à mettre en oeuvre le principe d'une « discrimination positive »
Parmi les mesures d'ordre général, sont intégrées les aides sans contreparties exigées en termes d'engagement des entreprises pour l'emploi. Elles ne figurent pas dans les catégories de la dépense pour l'emploi. Dans la période récente, le principal instrument général sans contreparties est la réduction du coût du travail non-qualifié. La fusion du dispositif d'exonération des cotisations familiales sur les bas salaires et la ristourne dégressive jusqu'à 1,33 fois le SMIC en constitue la principale mesure. Les flux consacrés à ce type de mesure absorbent une part croissante des flux d'aide à l'emploi.
Parmi les mesures d'ordre général et ciblées sont distingués les dispositifs qui reposent sur une convention entre l'État et l'entreprise, qui feront l'objet d'une attention particulière. L'entreprise s'engage dans ce cas à réaliser un cahier des charges en échange de l'aide financière. Cette contrepartie porte par exemple sur le maintien ou la création d'emploi, l'amélioration des compétences ou de la qualification, en principe, envisagée en cohérence avec des innovations organisationnelles et technologiques. Entrent notamment dans cette catégories les lois Robien et Aubry sur la réduction du temps de travail, ainsi que certaines mesures nationales, territoriales ou sectorielles d'aide à l'industrie, à la formation, à la reconversion.
Parmi les mesures ciblées, les instruments utilisés relèvent essentiellement d'une réduction du coût du travail sous forme de contrat aidés dans le secteur marchand et le secteur non-marchand. Ils consistent également en la mise en oeuvre d'aide à la formation pour les publics-cibles ou d'encouragement au rajeunissement de la pyramide des âges dans l'entreprise par des mesures de préretraite.
*
* *
I. - L'ÉVALUATION
L'importance croissante des fonds publics consacrés à l'emploi requiert une évaluation comparée de ces différents types de mesures à l'aune des objectifs qui leurs sont assignés.
De nombreux rapports ont été commandés dans la période récente aux organismes publics d'évaluation à propos de dispositifs ou d'ensemble de mesure précis. Parmi ces derniers, la réduction du temps de travail a été traitée par le Conseil d'Analyse Économique (Taddéi, 1998) et le CSERC (1998), l'allégement des charges sur les bas salaires a fait l'objet de trois rapports (CSERC 1996, Chadelat 1997 et Malinvaud 1998) et de travaux antérieurs dans le cadre du Commissariat général du Plan (Minc, 1994, Maarek, 1994), la dépense publique pour l'emploi (excluant les mesures d'ordre général) a fait l'objet d'un bilan de la DARES (1996) portant sur quarante ans de politique de l'emploi.
Peu de travaux mettent en balance l'ensemble des dispositifs du point de vue de leur efficacité comparée. L'originalité de la présente étude est donc l'enquête comparative de l'efficacité de l'ensemble des flux consacrés à l'emploi, qu'il s'agisse des mesures d'ordre général ou des dispositifs ciblés, sectoriels et locaux. Cette évaluation répond à l'objectif d'aider à la décision en ce qui concerne l'orientation immédiate de la politique publique de l'emploi.
Depuis une décennie, le mécanisme privilégié par les dispositifs ciblés ou d'ordre général de la politique de l'emploi est essentiellement la réduction du coût relatif du travail et principalement du travail non-qualifié. Le bilan mitigé de ces politiques, dressé par l'étude présentée par le METIS, amène à explorer de nouvelles pistes en précisant le diagnostic sur les causes de la persistance du chômage.
II. - RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Parmi ces pistes, le Gouvernement a décidé d'engager une réflexion autour de deux axes complémentaires : la réforme du financement de la protection sociale et la réduction du temps de travail. Cette dernière se veut incitative dans le cadre du passage aux 35 heures afin de stimuler les entreprises où les acteurs qui s'engagent dans une négociation sur l'organisation de la production et l'emploi. Le contenu de la réforme du financement de la protection sociale doit alors être rapidement précisé, afin de la mener conjointement à la mise en place de la deuxième loi sur les 35 heures qui doit fixer les conditions définitives du passage aux 35 heures.
Les contenus possibles d'une telle réforme du financement de la protection sociale sont cependant loin de faire l'unanimité parmi les protagonistes de la politique de l'emploi. Dans ces conditions, l'étude du METIS se limite à dresser une typologie des propositions en présence, en mettant l'accent à la fois sur le choix de société qu'elles sous-tendent et sur l'efficacité économique en termes d'emplois dont chacune d'elles est porteuse.
Au coeur du débat de société, se trouve tout d'abord posée la question des catégories de revenus qui doivent participer au financement de la protection sociale. Se trouve ensuite posée la question du lien qui doit ou non exister entre le caractère universel de la protection sociale, voulu par le Gouvernement, et les modes de financement, plus ou moins fiscalisés, sur lesquels doit reposer le système. Faut-il conserver une assiette salaire au nom de la généralisation de la société salariale ? Faut-il l'étendre à d'autres catégories de revenus tels les profits des entreprises et les revenus du capital ? Faut-il changer radicalement d'assiette en substituant une assiette « valeur ajoutée » à l'assiette « salaire » ? Tels sont les termes concrets des choix politiques auxquels les pouvoirs publics ont à faire face.
Le second débat est un débat économique portant sur l'efficacité (en termes de créations d'emplois) de chaque type de prélèvement. À la demande du Premier Ministre, deux rapports - le rapport sur la réforme des cotisations patronales, rédigé par Jean-François Chadelat (1997) et le rapport intitulé « les cotisations sociales à la charge des employeurs, une analyse économique » , rédigé par Edmond Malinvaud (1998) -, ont tenté de définir les termes d'un tel débat. Le rapport Chadelat recommande une extension de l'assiette, voire un changement d'assiette, afin d'intégrer la valeur ajoutée, ou bien une modulation des cotisations patronales (dans ce cas toujours assises sur les salaires) en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Le rapport Malinvaud, pour sa part, propose une mesure d'ordre général d'allégement du coût du travail non-qualifié : cette proposition se situe dans la lignée de la politique de l'emploi menée en France durant la décennie qui s'achève. Ces deux rapports n'établissent cependant pas une évaluation systématique des différents scénarios. Le rapport Malinvaud propose néanmoins une simulation de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires.
À partir des hypothèses utilisées par le rapport Malinvaud lui-même, l'étude conduite par le METIS a complété la modélisation de l'économie, inachevée, selon lui, dans le modèle ayant servi de support audit rapport Malinvaud. Sur cette base, le METIS a procédé à des simulations portant sur l'ensemble des scénarios de réformes possibles, notamment ceux esquissés, mais non-éprouvés, dans le rapport Chadelat.
III. - LA LOI D'INCITATION À LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les premières évaluations des négociations effectuées dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation sont maintenant disponibles. On dispose en effet à présent d'un panel suffisamment important d'accords d'entreprise et de branche pour en évaluer la portée. Une typologie de ces accords (tenant compte d'une double dimension), est donc proposée par l'étude, selon que ces accords soient offensifs ou défensifs (qu'ils aient créés ou maintenu l'emploi), et selon leur caractère « organique » ou « mécanique », autrement dit selon qu'ils engagent ou non une réflexion de long terme de l'entreprise en matière d'emploi, d'innovation stratégique et d'organisation du travail.
À la lumière de ces premières expériences, l'étude estime que quelques suggestions peuvent être formulées afin de dessiner les contours de la seconde loi. Elles portent notamment sur les règles d'aménagement du temps de travail à fixer, les heures supplémentaire, les modalités de fixation du salaire minimum, la durée du travail des cadres.
IV. - LE CONTENU DE L'ÉTUDE
En ce qui concerne la présentation de l'étude réalisée par le METIS, la première partie dresse un état des lieux de l'évolution des flux financiers en matière d'emploi en France. Elle établit ensuite le bilan des évaluations disponibles de l'efficacité des mesures financées par les flux étudiés. Le premier chapitre commence par comparer le volume et la structure de la politique de l'emploi française avec les caractéristiques des politiques menées par d'autres pays réputés représenter différents "modèles" de politique de l'emploi tels que la Suède et les pays anglo-saxon. Il précise l'évolution de la structure des flux financiers. Le deuxième chapitre dresse une typologie des mesures mises en oeuvre en ayant le souci de les classer en fonction du caractère plus ou moins général de la mesure, et en fonction du type de mécanisme économique recherché. Le troisième chapitre expose successivement les méthodologies utilisées dans les évaluations macro-économiques, micro-économiques et monographiques. Le quatrième chapitre établira la synthèse des résultats par catégorie de mesure.
La deuxième partie présente les premières évaluations des pistes récentes en matière de politique publique de l'emploi. Celles-ci s'articulent autour des projets de réforme du mode de financement de la protection sociale et de la mise en place de la réduction du temps de travail.
Le METIS établit la typologie des arguments présents dans le débat de société et dans le débat économique concernant les différents modes de financement des dépenses sociale. Une telle réforme possède en effet la particularité de devoir concilier deux objectifs : le financement de dépenses dont certaines revêtent désormais un caractère universel et la recherche du mode de financement le plus favorable à l'emploi. À l'aide de simulations inédites qui reprennent et complètent le modèle utilisé dans le rapport Malinvaud, est ensuite évaluée l'efficacité en termes d'emplois de quatre réformes : la baisse des cotisations patronales, le transfert du financement vers une assiette assise sur la valeur ajoutée, le transfert vers une assiette « excédent brut d'exploitation », la modulation des cotisations patronales (assises sur les salaires) en fonction d'un ratio économique mesurant la part des salaires dans la valeur ajoutée.
L'étude propose enfin un bilan détaillé des négociations de branche et d'entreprises qui se sont déroulées durant la phase d'application de la loi d'orientation et d'incitation pour la réduction du temps de travail. Il débouche sur un ensemble de recommandations formulées par le LEST, qui est sorti du cahier des charges pour verser au débat des éléments qu'il estime susceptibles de contribuer à préciser le contenu de la deuxième loi qui doit encadrer le passage définitif aux 35 heures.
V. - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS ET RECOMMANDATIONS
Le METIS part du principe que la raison d'être des flux financiers provenant des collectivités publiques en direction des entreprises en matière d'emploi ne saurait relever d'une autre logique que celle d'une aide financière aux entreprises dont la situation comptable en justifie le recours, dans la perspective d'atteindre les objectifs fixés par la politique publique de l'emploi.
C'est à cette aune que doivent être évaluées les politiques publiques de soutien à l'emploi. Celles-ci se heurtent inévitablement au problème de la nécessaire sélectivité des financements. L'approche dominante des politiques de l'emploi a été de considérer la demande de travail des entreprises comme étant une donnée homogène à laquelle les politiques de l'emploi devaient adapter l'offre de travail, soit en en réduisant le coût, soit en la modelant qualitativement par la formation.
Cette approche permet certes de pratiquer des politiques ciblées en direction de publics (offreurs de travail) fragilisés recherchant l'objectif d'une discrimination positive. Elle ne permet pas d'établir un tri parmi les entreprises « nécessiteuses » d'aides au regard de leur situation comptable, ni de tenir compte de la diversité des stratégies d'entreprises à l'égard de l'emploi.
La réflexion autour de l'assiette des prélèvements sociaux ouvre par ailleurs le chantier, non-creusé jusqu'alors, d'une réforme permettant de stimuler l'emploi tout en discriminant les entreprises selon leur situation comptable et leur stratégie à l'égard de l'emploi. Selon votre Rapporteur, elle permet de résoudre en partie le problème récurrent des effets pervers (effets d'aubaine, effets de substitution, etc.) inhérents aux mesures d'ordre général d'abaissement du coût du travail jusqu'alors indifférenciées selon le type d'entreprise mais accordées uniquement en fonction du type de main d'oeuvre utilisée.
Selon l'analyse du METIS, trois propositions de réformes alternatives sont possibles.
La première proposition est de substituer, progressivement ou immédiatement, une assiette « valeur ajoutée » à l'actuelle assiette du prélèvement social à la charge des entreprises. Elle aurait pour avantage de faire participer à égalité le capital et le travail au financement des dépenses sociales, sans modifier la structure des coûts de production. En conséquence, cette assiette n'alourdirait pas le coût du capital par rapport au coût du travail. Le taux de contribution nécessaire serait fixé à 9,2 % pour assurer le transfert progressif, à coût global constant, des 12,8 points de cotisations patronales d'assurance maladie. La masse en cause est de 440 milliards de francs.
La deuxième proposition est de procéder de la même façon en créant, plutôt qu'une assiette valeur ajoutée, une assiette « excédent brut d'exploitation » , dérivée de la valeur ajoutée. Cette assiette taxe directement les profits d'exploitation des entreprises. Plus restreinte, elle nécessiterait un taux de contribution plus élevé. Elle réduit le coût relatif du travail par rapport au coût du capital, ce qui provoque un effet plus favorable à l'emploi que dans le cas précédent.
La troisième proposition est de conserver une assiette salaire, mais de moduler les cotisations patronales en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée au regard d'un ratio national de référence. Cette réforme ne taxe pas directement les profits (ce qui atténue le risque, relevé par certains, de ralentir l'innovation) mais fait participer beaucoup plus au financement de la protection sociale les entreprises ayant une part importante de profits dans la valeur ajoutée que les entreprises ayant développé les salaires et l'emploi.
Les trois réformes envisagées ne modifieraient pas la charge totale de financement de la protection sociale qui pèse sur les entreprises. Ce qui n'exclut pas un futur débat sur le poids souhaitable du financement de chaque catégorie de revenu d'une protection sociale à caractère universel . Dans un contexte où certaines ont retrouvé des taux de marge confortables, alimentant parfois plus l'épargne financière que l'investissement réel, la réforme permet de répartir la charge de financement des dépenses sociales selon la situation comptable de chaque entreprise.
L'étude détaille les avantages et les inconvénients de chaque proposition (y compris la proposition Malinvaud de poursuivre la réduction des « charges » sur les bas salaires).
Selon les simulations effectuées par le METIS, chaque type de réforme possède son domaine de validité en termes d'efficacité économique (celle-ci étant mesurée à l'aune du nombre de créations potentielles d'emplois). Les simulations tiennent compte de l'ensemble des effets mis en jeu par les mesures, effets d'offre, effets de demande, hypothèses sur les dépenses publiques et sociales.
Sur cette base, le METIS estime que la proposition Malinvaud de réduire les cotisations sociales sur les bas salaires n'est efficace que si les dépenses publiques diminuent et si les entreprises augmentent les salaires pour compenser le déficit de demande dû à la réduction des dépenses publiques. Si les dépenses publiques sont maintenues, le financement de la mesure exige un prélèvement sur d'autres catégories (Malinvaud suggère de taxer les hauts salaires - sans tester cette mesure dans sa simulation) qui déprime la demande. A contrario , les trois propositions alternatives à celles de Malinvaud sont efficaces même dans le cas où le niveau des dépenses publiques et sociales est maintenu.
Le débat porte en fin de compte autant sur l'efficacité économique de la réforme que sur sa logique sociale. Le choix des différents types de réforme engage alors un choix de société qui amènera la représentation nationale à se prononcer sur les catégories de revenus qui doivent contribuer à une protection sociale poursuivant un objectif de couverture universelle. L'étude apporte sa contribution au débat.
S'il était mis en place à l'occasion de l'application de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail, un tel dispositif représenterait le complément idéal du passage aux 35 heures, en allégeant la charge de financement des entreprises ayant engagé des négociation à cette occasion se matérialisant par un maintien ou des créations d'emplois. Il s'avérerait beaucoup plus incitatif que le maintien d'une aide pérenne et des dispositifs incitatifs indifférenciés s'apparentant à des mesures classiques de réduction du coût du travail et qui finissent par coûter une somme non-négligeable au budget de l'État, alors que la situation comptable de nombre d'entreprises leur permet d'autofinancer le passage aux 35 heures, à charge aux pouvoirs publics d'orienter les aides vers les entreprises qui en ont besoin et qui sont porteuses de véritables négociations engageant des stratégies de long terme.
L'étude se termine par un examen de la situation actuelle du débat sur la réduction du temps de travail traité par le LEST.
Après avoir rappelé que la logique de réduction du temps de travail, sous-jacente aux scénarios testés par les diverses projections macro-économiques, supposait pour réussir qu'une négociation s'enclenche à tous les niveaux, le LEST constate que la première loi sur les 35 heures a suscité une certaine dynamique de négociation , sans doute plus faible que ce qui était attendu par le Gouvernement. Cette dynamique est cependant plus forte que celle de la loi Robien. Cette dernière n'a pas motive la négociation de branche, alors que 40 accords de branche ont d'ores et déjà anticipé la norme des 35 heures. Les accords sont en grande majorité des accords offensifs, ils concernent plus particulièrement les PME (de 20 à 50 salariés) et se développent dans le secteur tertiaire. La négociation d'entreprise a été également plus vive, au plan du nombre d'accords conclus. Ces résultats peuvent être portés au crédit de la loi : il est remarquable que les accords d'entreprises se soient développés là où la négociation d'entreprise est généralement réputée absente. Paradoxalement, les grandes entreprises, habituellement grandes utilisatrices des dispositifs de politique de l'emploi, ont spontanément développé la négociation sans recourir aux aides de l'État. Si les accords sont généralement offensifs, ils n'atteignent en effet pas, dans ce cas, le critère des 6 % de créations d'emplois fixé par la loi pour obtenir les aides.
Pour autant, malgré le caractère offensif (au sens de la loi) des accords, nombre de petites comme de grandes entreprises n'ont fait qu'anticiper la deuxième loi (les entreprises ont voulu se préparer au « choc » des 35 heures), sans véritablement engager la négociation sur le sentier d'un changement organique. Les partenaires sociaux se sont rarement engagés dans une réflexion sur les innovations de long terme en matière d'organisation de la production de qualification et d'emplois.
Cette approche caractérise également les accords de branche, où prévaut cependant une certaine hétérogénéité. Les organisations du Medef se sont impliquées fortement dans la négociation selon des logiques diverses. Certaines ont joué le jeu de la négociation « donnant-dormant ». D'autres, telles l'UIMM, ont voulu fixer les règles les plus favorables à un aménagement du temps de travail comportant peu de contreparties pour les salariés avec pour but essentiel la réduction des coûts de production. L'objectif est dans ce dernier cas de donner un contenu aux accords qui puisse devenir une norme suffisamment générale pour influencer les termes de la deuxième loi. En particulier, le volume des heures supplémentaires est allongé, de telle sorte que le passage aux 35 heures soit rendu impraticable dans les entreprises. Cette démarche n'a pas été entérinée par le Ministère dans le cadre des procédures d'extension.
Le bilan détaillé des accords de branche et d'entreprise que fournit l'étude du LEST pourrait aider à préciser le contenu de la deuxième loi, dans la perspective de généraliser la négociation sur la réduction de la durée du travail à temps plein (et, dans ce cadre, encourager le temps partiel non-contraint) Le LEST, sortant de la mission qui lui était confiée par le cahier des charges de l'étude, formule quelques recommandations à cet effet. Votre Rapporteur insistera sur le fait que ces recommandations, dont il se borne à rendre compte, ne sauraient l'engager en aucune manière.
Ainsi, estime-t-il que, si l'objectif est la généralisation des 35 heures, la loi doit commencer par réduire la durée légale de 39 à 35 heures pour toutes les entreprises. Le LEST considère que cette mesure est la seule qui soit à même d'enclencher une dynamique générale de négociation et suggère que cette dernière soit encadrée par la loi en ce qui concerne les heures supplémentaires, les régimes de modulation, le SMIC, l'encadrement du temps partiel, la situation spécifique des cadres.
Surtout, le LEST estime que l'aide pérenne ne se justifie pas. Il considère qu'elle doit prendre fin avec les aides accordées dans le cadre de la première loi, au motif que les entreprises qui en bénéficient ont maintenant pu absorber le « choc » des 35 heures grâce à ces aides et grâce aux gains de productivité qu'elles réaliseront. Le LEST observe a contrario que celles qui n'en ont pas bénéficié préfèrent visiblement attendre la deuxième loi sans recourir à des aides dont la contrepartie était un accroissement significatif de l'emploi. Or si ces entreprises n'anticipent pas une demande plus importante, elles n'ont aucune raison d'embaucher des salariés malgré le caractère incitatif de l'aide. Le LEST insiste, en conséquence, sur l'inutilité de l'aide pérenne au vu de la proportion des entreprises qui ne se sont pas saisies de la première loi Aubry, malgré l'incitation, voir l'aubaine que constituaient les aides accordées.
Il considère en revanche que, couplées avec une réforme modifiant la structure des cotisations patronales, les mesures qu'il préconise pour définir l'encadrement légal du passage aux 35 heures devraient être à même d'encourager, sans coût pour les finances publiques, les entreprises qui le souhaitent à s'engager dans une véritable négociation sur l'emploi.
*
* *
L'articulation entre la loi et la négociation est une caractéristique structurelle du système français de relations professionnelles où la négociation décentralisée spontanée n'est pas de tradition. Cette spécificité justifie l'impulsion publique dans bien des dossiers, surtout lorsqu'ils engagent la lutte contre le chômage et l'exclusion. Tout dépend alors de la capacité des acteurs à interpréter les nouvelles normes publiques et à les transformer à bon escient sur le terrain, dans l'entreprise.
*
* *
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU MERCREDI 7 AVRIL 1999
(Extraits)
Présidence de M. Alain Lambert, Président
Au cours de sa réunion du mercredi 7 avril 1999, l'Office a examiné le rapport de M. Gérard Bapt sur la saisine relative au rôle des flux financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière d'emploi.
M. Gérard Bapt, Rapporteur, a rappelé que ce rapport se fondait sur une étude confiée au METIS, en collaboration avec le LEST, deux unités de recherche rattachées ou appartenant au CNRS. Il a souligné, au préalable, qu'il n'adhérait pas à toutes les conclusions de cette étude et qu'à cet égard, il ne pouvait que regretter les indiscrétions qui ont pu filtrer dans la presse.
Exposant ensuite le contenu de l'étude, M. Gérard Bapt a indiqué que celle-ci s'appuyait sur une typologie des politiques de l'emploi, distinguant notamment les mesures générales et les mesures spécifiques et faisait le bilan quantitatif des dépenses effectuées à ce titre.
Il a précisé également que l'étude du METIS avait analysé les nombreux rapports qui ont été commandés dans la période récente en vue d'évaluer l'efficacité de certains dispositifs d'aide i l'emploi, en ajoutant que, dans la mesure où peu de travaux mettaient en balance l'ensemble des dispositifs du point de vue de leur efficacité comparée, l'originalité de la présente étude était donc l'enquête comparative des flux consacrés à l'emploi, dans le but d'aider à la décision en ce qui concerne l'orientation immédiate de la politique publique de l'emploi.
Après avoir mis l'accent sur le bilan mitigé des politiques tendant à alléger le coût du travail non qualifié et évoqué les propositions de M. Edmond Malinvaud, le Rapporteur a indiqué que le METIS avait exploré des pistes de réforme partant du postulat que la raison d'être des flux financiers provenant des collectivités publiques et versés aux entreprises, en matière d'emploi, ne saurait relever d'une autre logique que celle d'une aide financière aux entreprises dont la situation comptable le justifie, c'est-à-dire les entreprises qui ne sacrifient pas délibérément l'emploi au profit.
Il a indiqué que ces explorations ouvraient, d'une part, le chantier, non creusé jusqu'alors, d'une réforme des prélèvements sociaux permettant de stimuler l'emploi tout en discriminant les entreprises selon leur situation comptable et leur stratégie à l'égard de l'emploi et de résoudre, en partie, le problème récurrent des effets prévus (effets d'aubaine ou effet de substitution, notamment) inhérents aux mesures générales d'abaissement du coût du travail et portaient, d'autre part, sur le dispositif de réduction du temps de travail.
En ce qui concerne la réflexion autour de l'assiette des prélèvements sociaux, le Rapporteur a indiqué que le METIS présentait trois propositions de réformes :
- la substitution de la valeur ajoutée aux salaires comme assiette des cotisations sociales, solution qui, selon le METIS, aurait pour avantage de faire participer à égalité le capital et le travail au financement des dépenses sociales : le taux de la contribution nécessaire pour assurer le transfert des 440 milliards de francs, résultant d'une cotisation patronale d'assurance maladie de 12,8 % de la masse salariale, sur l'assiette valeur ajoutée étant évalué à 9,2 % ;
- la substitution aux salaires d'une assiette « excédent brut d'exploitation » : cette solution, tendant à taxer directement les profits d'exploitation des entreprises, qui repose sur une assiette plus restreinte et suppose corrélativement un taux de contribution plus élevé, aurait l'avantage de réduire le coût relatif du travail et d'avoir en conséquence des effets plus favorables sur l'emploi, mais pourrait avoir des conséquences négatives en termes de délocalisation des investissements ;
- enfin, la proposition consistant à conserver une assiette fondée sur les salaires mais en modulant les cotisations patronales en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, au regard d'un ratio national de référence : cette réforme est présentée comme devant faire participer au financement de la protection sociale, les entreprises ayant une part importante de profit dans la valeur ajoutée.
Selon l'étude, les trois réformes envisagées ne modifieraient pas la charge totale de financement pesant sur les entreprises, ce qui n'exclut pas un débat sur le poids souhaitable du financement de la protection sociale pesant sur chaque catégorie de revenus.
Concernant le dispositif de réduction du temps de travail, le Rapporteur a indiqué que le METIS constatait que la première loi sur les 35 heures avait suscité une certaine dynamique de négociation, sans doute plus faible que ce qui était attendu par le Gouvernement, même si elle s'est révélée plus forte que celle de la loi Robien.
L'étude note également que, paradoxalement, les grandes entreprises, habituellement grandes utilisatrices des dispositifs de politique de l'emploi, ont spontanément développé la négociation sans recourir aux aides de l'État. Le bilan détaillé des accords de branches et d'entreprises que fournit l'étude débouche sur quelques recommandations que le Rapporteur, estimant que le LEST, qui avait traité cet aspect du sujet, était quelque peu sorti du cadre défini par le cahier des charges, a déclaré ne pas reprendre à son compte.
Un débat a eu lieu après l'exposé du Rapporteur .
M. Pierre Méhaignerie a tout d'abord souhaité savoir quel était l'avis personnel du Rapporteur sur la réforme des cotisations sociales, aucun des quatre schémas présentés dans l'étude ne semblant lui convenir totalement, tout en soulignant que celle-ci établissait un lien ambigu entre le passage aux 35 heures et les réductions de cotisations sociales sur les bas salaires.
Il a estimé pour sa part que la solution, retenue dans le rapport Malinvaud, d'allégement des charges sociales, était la meilleure, en l'assortissant de négociations au niveau des conventions collectives de branche afin que les baisses de charges patronales s'accompagnent, en contrepartie d'augmentations de salaires. Il a ajouté que prendre pour assiette de prélèvements sociaux la « valeur ajoutée » ou « l'excédent brut d'exploitation » aurait un effet psychologique catastrophique et serait vécu comme un nouvel impôt par les entreprises.
Tout en constatant que, le taux d'autofinancement moyen se montant à 112 %, de nombreuses entreprises n'avaient pas besoin d'un allégement de charges patronales pour financer le passage aux 35 heures, il a estimé que les quelque 20 milliards de francs que l'État entendait dégager pour financer la réduction du temps de travail devaient l'être par une maîtrise de la dépense publique plutôt que par une réforme de l'assiette des prélèvements sociaux.
M. Patrick Delnatte a tout d'abord souligné qu'il lui paraissait dangereux d'établir une liaison automatique entre l'aide pérenne et la réduction du temps de travail. Il a ensuite jugé que le Rapport n'était pas suffisamment explicite dans ses recommandations sur le tri des entreprises qui ont vraiment besoin de l'aide, afin d'éviter les effets d'aubaine. Puis, il a estimé, lui aussi, qu'il fallait être attentif au maintien de la compétitivité des entreprises et qu'en conséquence un certain nombre de financements devaient s'opérer par la réduction générale de la dépense publique.
M. Augustin Bonrepaux , premier Vice-Président, s'est pour sa part étonné que le rapport n'ait pas procédé à une évaluation sur les aides passées à l'emploi, notamment, la « ristourne dégressive ». Enfin, M. André
Ferrand est intervenu pour insister sur le problème de financement du passage aux 35 heures, tandis que M. Yves Fréville s'est interrogé sur le champ d'investigation fixé à l'étude commandée au METIS et s'est étonné du caractère hétérogène des questions traitées dans le rapport remis par cet organisme, en souhaitant un approfondissement du débat notamment sur le rapport de M. Malinvaud.
M. Gérard Bapt , Rapporteur, a alors apporté les précisions suivantes :
- S'agissant du champ de l'étude, il a rappelé qu'il avait été décidé par l'Office, lui-même, à la suite d'un vote ;
- S'agissant des objectifs fixés 4 l'étude, il a indiqué que l'objet de celle-ci était d'analyser l'impact des aides publiques en matière d'emploi, ce qui concernait aussi bien la réduction du temps de travail à 35 heures que le service public de l'emploi, dont il a noté qu'il était plutôt moins bien doté en France que dans les autres pays d'Europe.
Il a ajouté que d'autres mesures étaient étudiées au cas par cas, comme le contrat « initiative emploi » ou n'ont pas fait l'objet de développeme n t particulier, comme la ristourne dégressive qui avait déjà été traitées par plusieurs études. Il a d'ailleurs précisé qu'en ce qui concerne le contrat « initiative emploi », lesdites études avaient démontré que un emploi sur cinq seulement avait été engendré par l'aide ;
S'agissant du tri des entreprises et notamment de celles justifiant une aide publique, un ratio - masse salariale sur valeur ajoutée - a été défini qui pourrait servir d'instrument économique pour évaluer une aide de l'État ;
- Concernant l'aide pérenne, le Rapporteur a indiqué que le débat auquel elle donnait lieu, se télescopait avec la réforme des cotisations sociales qui devrait intervenir en l'an 2000, celle-ci se télescopant également avec la réduction du travail. Il a rappelé que, même si personnellement il n'adhérait pas aux conclusions de l'étude qui recommandait sa suppression, il considérait que l'aide pérenne pourrait aller aux entreprises en ayant le plus besoin ;
- Enfin, s'agissant de l'assiette des prélèvements obligatoires, le Rapporteur a estimé qu'à son avis, la meilleure solution résidait dans un changement d'assiette et que celle-ci devait intégrer la prise en compte de la valeur ajoutée.
*
* *
À l'issue de ce débat, l'Office a émis un avis favorable à la publication du rapport de M. Gérard Bapt et de son annexe, qui seront, en conséquence, transmis à l'auteur de la saisine.
LES AIDES PUBLIQUES AUX
ENTREPRISES
EN MATIÈRE D'EMPLOI : BILAN ET
PERSPECTIVES
Dans un pays où le chômage frappe près de trois millions de personnes, soit 11,5 % de la population active, l'évaluation du rôle des flux financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière d'emploi constitue un enjeu majeur.
Le présent rapport retrace les travaux menés par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques à la demande de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il comporte l'analyse que le Rapporteur de l'office a fait d'une étude commandée au METIS (Mutation Espace Travail Industrie et services Stratégies), unité de recherche associée au CNRS, en collaboration avec le LEST (Laboratoire d'économie et de sociologie du travail d'Aix-en-Provence), unité propre au CNRS.
Dans une première partie, cette étude dresse une typologie de l'ensemble des politiques de l'emploi, qu'il s'agisse de mesures générales ou de mesures ciblées, au regard de leur efficacité quant au double objectif, d'une part, de maintenir l'emploi et, d'autre part, de développer l'emploi, que ce soit par secteur (selon que l'exposition à la concurrence est plus ou moins grande) ou par catégorie de main-d'oeuvre (plus ou moins fragile).
Dans la seconde partie de l'étude, après avoir dressé un bilan, selon lui mitigé, des politiques tendant à alléger le coût du travail non qualifié, le METIS explore les pistes d'une réforme des prélèvements sociaux tendant à la prise en compte de la valeur ajoutée, avant de se pencher sur le dispositif de réduction du temps de travail.
Les propositions formulées par le METIS et le LEST ne sont pas nécessairement consensuelles. Elles ont pour autant le mérite d'ouvrir le débat et de doter les partenaires sociaux et les décideurs politiques d'un outil leur permettant de nourrir leur réflexion.