C. S'INSCRIVANT DANS UNE LOGIQUE DE RATTRAPAGE, CES EFFORTS RESTENT CEPENDANT INSUFFISANTS

Les efforts entrepris par l'Etat, les collectivités territoriales et la communauté universitaire ont été considérables et ont permis de faire sortir les bibliothèques universitaires de leur " misère ".

Toutefois, les progrès enregistrés dans ce domaine sont à nuancer: si les bibliothèques universitaires françaises ont engagé un important travail de modernisation, elles ne paraissent pas encore aptes à aborder le XXI e siècle dans des conditions optimales. L'importance des investissements réalisés pour faire disparaître les archaïsmes des bibliothèques universitaires a permis de combler un retard considérable de la France en la matière. Il s'agit désormais de faire des bibliothèques universitaires les instruments efficaces et performants d'un enseignement supérieur digne de la société de l'information vers laquelle nous nous dirigeons.

A cet égard, les bibliothèques universitaires françaises n'ont pas encore achevé leur modernisation mais, surtout, elles restent très en retrait par rapport à celles de pays au niveau de développement comparable au nôtre, qu'il s'agisse des collections, des volumes d'acquisitions, des surfaces ou des personnels.

1. Les objectifs fixés par le rapport Miquel n'ont pas été complètement atteints

La première priorité aura été de doter les universités de nouvelles surfaces de bibliothèques. Le schéma Université 2000 prévoyait initialement, selon les recommandations du rapport Miquel, d'augmenter de moitié les locaux avec 35.000 places supplémentaires représentant 370.000 mètres carrés, de façon à atteindre un minimum de 1 mètre carré par étudiant. Cependant, en raison des contraintes budgétaires, seuls environ 175.000 mètres carrés de bibliothèques auront été mis en service de 1991 à 1997 (dont 43.500 mètres carrés en 1997) auxquels s'ajoutent 70.000 mètres carrés dont l'ouverture est prévue en 1998 et 71.000 mètres carrés en 1999. Par ailleurs, une quinzaine d'opérations inscrite dans le plan Université 2000 et au XI e Plan et représentant un total de 65.000 mètres carrés, ne connaissent aucun début d'engagement, ni programme, ni architecte. Du fait cependant de la forte croissance de la démographie étudiante, la capacité d'accueil des bibliothèques s'est dégradée de façon continue : le ratio mètre carré par étudiant est en effet passé de 0,73 en 1970 à 0,50 en 1997.

Or, à effectif constant, c'est 1.150.000 mètres carrés de bibliothèques qui seraient nécessaires pour retrouver le ratio de 1970 (0,73). Les besoins restent en conséquence importants, surtout si l'on tient compte de la non fonctionnalité des locaux anciens, de la nécessité absolue de les mettre en conformité avec la réglementation sur la sécurité, et de la faible part de libre accès aux collections qu'ils offrent. A cet égard, on observe que seulement 20 % des collections universitaires sont en libre accès, alors qu'il est communément admis que le pourcentage souhaitable doit se situer au moins à 50 %.

En outre, le développement des ressources documentaires électroniques - si elles permettent en effet de dématérialiser l'information et de favoriser les accès à distance - ne contribuent pas, loin s'en faut, à diminuer l'évaluation des besoins. En effet, les nouvelles technologies de l'information appellent une multiplication importante de postes de travail qui occupent une superficie sensiblement plus grande que les places traditionnelles de lecture : alors que celles-ci occupent, à l'unité, 2,5 mètres carrés, les places de consultations adaptées à l'accès aux documents électroniques nécessitent entre 3,5 et 4 mètres carrés.

Le développement du multimédia rend par ailleurs nécessaire la généralisation des carrels individuels (4,5 mètres carrés à l'unité) et d'espaces de travail en groupe de différentes tailles.

Les ressources électroniques appellent également, dans les locaux de la bibliothèque, des espaces d'accueil spécifiques, des espaces d'assistance à la recherche et des espaces de formation qui font souvent défaut aujourd'hui.

Ces exigences s'ajoutent plus qu'elles ne se substituent aux besoins traditionnels en surfaces de travail sur place, de consultation des documents en libre accès et de stockage.

En définitive, le développement des nouvelles ressources rend nécessaire une grande flexibilité et évolutivité des bâtiments, ainsi que leur câblage généralisé, mais ne modifie pas le diagnostic selon lequel un effort important de construction de bibliothèques apparaît indispensable.

En préconisant la construction de 900.000 mètres carrés de bibliothèques universitaires, le rapport Fauroux se situait dans la perspective d'un besoin calculé sur la base de 1 mètre carré par étudiant, ce qui correspond à un objectif ambitieux par rapport à l'existant mais mesuré en regard des normes internationales habituellement recommandées de 1,5 mètre carré par étudiant.

Partant d'une analyse de la situation des universités, les besoins les plus manifestes pour les cinq prochaines années peuvent se décliner comme suit :

- réaliser effectivement les opérations prévues au XI ème Plan mais qui paraissent, pour une raison ou pour une autre, abandonnées ou enlisées,cela représente 15 opérations correspondant à un total de 65.000 mètres carrés ;

- engager des opérations de restructuration, mise en sécurité et modernisation des locaux existants. On peut évaluer à environ 200.000 mètres carrés le niveau des besoins, dont au moins un quart en Ile-de-France ;

- engager la construction de nouvelles bibliothèques, pour une superficie située entre 350.000 et 500.000 mètres carrés, soit entre 70.000 et 100.000 mètres carrés par an.

Il convient également de renforcer les ressources documentaires des bibliothèques universitaires. Cette action devra être poursuivie sur le long terme pour rééquilibrer l'offre documentaire sur le territoire national. En effet, les achats annuels ne dépassent pas au total 0,5 volume par étudiant et plus de la moitié des bibliothèques universitaires ont encore des collections de livres inférieures à 200.000 volumes, seuil considéré comme un minimum en Allemagne. Seules quatre bibliothèques possèdent plus d'un million de volumes. Des efforts différenciés ont été engagés dans le cadre des contrats d'établissement selon la taille des universités, la rapidité de leur croissance et la nature de leurs projets. Cette démarche demande à être confortée par une plus grande attention portée à la qualité des collections grâce à l'élaboration de plans d'acquisition fixant les priorités en termes disciplinaires. Les bibliothèques universitaires sont confrontées à la fois à l'augmentation des coûts de la documentation imprimée, notamment des abonnements aux revues étrangères dont le prix croît sensiblement plus vite (7 % par an) que la moyenne des prix, et à l'intensification de l'offre de documentation électronique, qu'il s'agisse du développement de réseaux de CR-Rom ou l'accès à des ressources électroniques en ligne. Ces facteurs rendent d'autant plus nécessaire l'élaboration de plans de développement des ressources documentaires, de façon à ce que l'action de la bibliothèque soit en pleine harmonie avec la politique scientifique de l'université, et accompagne les axes forts de formation et de recherche.

Les bibliothèques universitaires parisiennes connaissent des difficultés plus profondes, qualifiées par l'un de mes interlocuteurs de " carence absolue ", d'autant plus que le nombre d'étudiants en région parisienne, contrairement à la tendance nationale, ne paraît guère diminuer et que les universités parisiennes avaient été les grandes "oubliées" du plan Université 2000. Ainsi, 100.000 mètres carrés de locaux de bibliothèques inscrits au XI ème Plan, principalement en Ile-de-France, correspondent à des opérations qui n'ont pas été engagées. C'est le cas notamment à Jussieu, à la BDIC, à Versailles/Saint-Quentin, à Marne-la-Vallée...

Les locaux des bibliothèques parisiennes sont mal conçus et le manque de places est flagrant : les bibliothèques universitaires offrent, en moyenne nationale, une place assise pour 18 étudiants mais ce ratio, dans les BIU parisiennes, est de une place pour 34 inscrits. Ainsi, les bibliothèques universitaires, comme d'une manière générale tout ce qui relève de la vie étudiante, ont été négligées.

C'est pourquoi le plan Université du troisième millénaire (U3m) sera axé, notamment, sur les locaux universitaires parisiens. Ce plan sera intégré au XII ème plan qui, sur une période de sept ans, devrait consacrer environ 34,4 milliards de francs (hors équipement) aux locaux universitaires. Les bibliothèques universitaires entreraient dans le volet du plan consacré à la vie étudiante, pour des crédits estimés à 2,9 milliards de francs (soit 8,3% de l'enveloppe globale) et devant couvrir la construction de 300.000 mètres carrés ainsi que le câblage des bâtiments de bibliothèques afin de promouvoir une politique documentaire basée sur les nouvelles technologies.

Il paraît toutefois légitime de s'interroger sur l'ampleur de l'effort en faveur des bibliothèques universitaires inscrit dans U3m, une évaluation après enquête chiffrant les besoins à 7,5 milliards de francs : 4,8 milliards pour les constructions, 1,25 milliard pour les réhabilitations, 1,55 milliard pour les équipements en mobilier et en matériel . Il apparaît indispensable de réévaluer, au sein de l'enveloppe globale pour U3m, la part consacrée aux bibliothèques universitaires.

En outre, un document du ministère consacré aux grandes orientations d'U3m note que " Le monde virtuel n'est pas géographiquement localisé. C'est l'époque des réseaux ". Ne faut-il pas voir dans ce propos un désintérêt pour les bibliothèques universitaires ?

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