B. L'INDÉPENDANCE PROTÉIQUE : UN ENJEU EUROPÉEN ESSENTIEL POUR L'AGRICULTURE DE LA COMMUNAUTÉ
1. L'importance des oléoprotéagineux pour la France et pour l'Union Européenne
a) Un rôle agronomique et une importance vitale pour de nombreuses régions françaises
Les
oléagineux et les protéagineux sont produits sur des
exploitations céréalières spécialisées, en
association avec les céréales.
La place des oléagineux et des protéagineux dans les
exploitations est essentielle :
- par leur rôle de tête d'assolement optimisant les rotations
des grandes cultures (le rendement d'un blé derrière une
tête d'assolement est supérieur à celui d'un blé sur
blé) ;
- par leur adaptation aux conditions agronomiques des régions moins
productives en céréales, les oléagineux
représentant un facteur essentiel d'équilibre du revenu agricole
(il s'agit notamment de la Lorraine, de la région
Midi-Pyrénées, du Centre-Loire, de l Aquitaine...).
b) L'enjeu des protéines végétales et des matières grasses
La
production d'oléagineux et de protéagineux est stratégique
pour l'Union Européenne et pour la France.
Elle a été encouragée depuis l'embargo américain de
1973 sur le soja, afin d'assurer un minimum de sécurité dans
l'approvisionnement Européen en protéines et en huiles
végétales.
Malgré les résultats de la politique menée depuis,
l'auto-approvisionnement n'est que de 26 % pour les protéines
végétales et de 80 % pour les huiles.
L'un des aspects importants de ce dossier est la reconquête du
marché de l'alimentation animale par les oléo-protéagineux
communautaires (tourteaux de colza et tournesol et autres plantes riches en
protéines comme le pois, févercles, lupin, luzerne).
Cette reconquête s'avère difficile
car, d'une part, les
huiliers triturent la graine avant tout pour l'huile et, d'autre part, les
fabricants d'aliments du bétail sont habitués à faire des
substitutions. Aucun produit n'est irremplaçable en alimentation
animale, exceptés le blé, le maïs et le tourteau de soja.
La grande différence entre le secteur des céréales et
celui des oléoprotéagineux
, c'est ce que ce dernier ne
bénéficie d'aucun soutien de prix, puisqu'il est soumis
directement au marché, sans système d'intervention
.
Les insuffisances des propositions de la commission :
Le volet " grandes cultures " des propositions de la Commission
prévoit :
-
un " filet de sécurité " pour les
céréales (intervention) baissé de 20 % ;
-
un paiement compensatoire, commun à toutes les grandes
cultures, de 66 écus/tonne ;
-
un paiement complémentaire pour les protéagineux,
de 6,5 écus/tonne ;
-
un taux de jachère obligatoire ramené à
0 %.
Dans son état actuel, le projet de la Commission bouleverse
profondément l'équilibre des soutiens à l'intérieur
des grandes cultures et notamment des oléoprotéagineux :
Oléagineux : -28 écus par tonne (soit
-1100 francs/hectare) ;
Protéagineux : de -19 à -30 écus/tonne (soit -750
à -1 200 francs/hectare) selon les hypothèses de
répercussion du prix des céréales sur le prix des
protéagineux).
Il en résulterait :
- un recul accentué des surfaces françaises et
Européennes d'oléagineux et de protéagineux ;
- des pertes importantes de revenu pour les exploitations des bassins de
grandes cultures spécialisés en oléagineux (Lorraine,
Bourgogne, Centre, Poitou-Charentes, Sud-Ouest,...).
Les projections faites à partir de ces données montrent
qu'Agenda 2000 entraînerait pour la France une réduction des
surfaces oléagineuses totales
(usages alimentaires et
non-alimentaires) de 30 à 50 % (entre 600 000 et
1 million d'hectares) par rapport à la situation actuelle.
Au lieu de permettre de s'affranchir des contraintes de Blair House, comme
le prétend la Commission, ces propositions auraient donc pour effet de
ramener les surfaces françaises et Européennes en
deçà des plafonds négociés en 1993.
Les solutions préconisées par la mission d'information
Pour les oléagineux, la suppression de tout " paiement
spécifique " est présentée par la Commission comme un
moyen d'échapper aux limites de surfaces négociées
à Blair House. La réforme n'aura d'intérêt que pour
autant qu'elle permette effectivement un développement de la production
au-delà des limites de Blair House, pour la production à usage
alimentaire comme pour celle à usage non-alimentaire.
Or, les pertes de compétitivité entraînées par la
baisse des soutiens provoqueraient des baisses de surfaces importantes sur la
partie à usage alimentaire. En outre, le projet n'envisage pas de
solution permettant d'éviter la disparition de la production
non-alimentaire consécutive à la fixation de la jachère
obligatoire à un taux de 0 %.
Dans le secteur des protéagineux, le niveau de paiement
complémentaire proposé par la Commission représenterait en
réalité un recul par rapport à la situation actuelle,
alors que la priorité à donner aux protéines
végétales impose au contraire que l'on améliore leur
compétitivité au sein des grandes cultures.
La base de toute proposition doit être au minimum de maintenir le niveau
actuel de surfaces oléagineuses et si possible de permettre leur
développement. La mission d'information propose :
-
un paiement complémentaire
" multi-produits
"
de 20 à 30 écus/
tonne (oléagineux, protéagineux, etc...) dont le caractère
découplé permettrait de s'affranchir des contraintes de Blair
House, tout en assurant un développement effectif des surfaces
oléagineuses. Ce paiement pourrait comporter une prime unique, plus un
complément d'aide variable en fonction du marché
(élevé quand les cours mondiaux sont bas et inversement), pour
éviter que les producteurs ne cumulent l'avantage de prix mondiaux et de
primes élevées, ou l'inconvénient de prix mondiaux et de
primes simultanément basses.
-
un filet de sécurité
(prix de
référence et variabilité du paiement compensatoire en
fonction de l'évolution des cours) comparable au système
américain (Marketing loan), afin de pallier l'absence d'intervention
dans le secteur des oléoprotéagineux ;
-
un régime spécifique pour les cultures à usage
non alimentaire
évoqué ci-dessus.