d) Une opposition globale aux propositions de la Commission
Plusieurs pays s'opposent globalement à la philosophie
de la
baisse des prix proposée par Commission Européenne.
Le
Luxembourg
n'a pas caché se triple
préoccupation : les nouvelles réductions de prix
proposées vont trop loin pour pouvoir être absorbées, la
compensation est insuffisante et l'octroi de quotas laitiers est
inéquitable. Ce dernier point fait référence à la
hausse des quotas des régions montagneuses ou
périphériques nordiques (dont est évidemment exclu le
Luxembourg).
Le ministre de l'agriculture, M. Fernand Boden, est le premier
délégué a avoir indiqué que la proposition lie
l'agriculture à la protection de l'environnement est très
impopulaire dans les milieux ruraux, qu'elle représente un fardeau trop
lourd pour l'agriculteur et qu'elle est une source de tâches d'ordre
administratif supplémentaires.
L'agriculture finlandaise
se caractérise par des coûts de
production élevés et un élevage principalement laitier.
Avec son entrée dans l'Union Européenne, l'agriculture
finlandaise a subi le choc de la PAC (baisse des prix) et de la concurrence des
productions communautaires.
Trois ans après l'adhésion
, la production a peu
changé, mais la baisse du revenu agricole intervenue en 1996 devrait se
poursuivre avec celle des aides transitoires.
L'avenir du secteur agricole et agro-alimentaire finlandais est donc
incertain
, notamment dans la perspective de la fin des aides transitoires
en 2000. C'est pourquoi :
-
sur le plan général
, compte tenu de ses handicaps
particuliers et de ses coûts de production élevés,
la
Finlande demande un traitement spécifique
dans le cadre de la PAC et
des fonds structurels ;
-
sur le plan sectoriel
, la Finlande critique le fonctionnement
actuel des
primes végétales
, basées sur des
rendements de référence qui soutiennent davantage les
régions disposant d'avantages naturels comparatifs. Elle est, par
ailleurs, attachée à la
préservation du régime
de quotas laitiers
et plaide pour
un dispositif favorisant la production
bovine extensive
.
En outre, elle approuve la proposition de la Commission sur la
dégressivité des " aides OCM " par exploitations,
mesure qui permet d'orienter les aides en faveur des régions de
production les plus défavorisées. Il est également
important à son sens que les aides versées par l'Union
Européenne puissent être complétées à
l'avenir par des aides nationales, si nécessaire.
D'une manière générale, le Central Union of Agricultural
Producers and Forest Owners (MTK) constate que les bénéfices
annoncés de l'adhésion ne se sont pas confirmés. Les
niveaux d'aides et de prix sont demeurés inférieurs à ceux
qui avaient été annoncés, la baisse des prix agricoles
étant le facteur le plus lourd de conséquence pour l'agriculture
finlandaise.
Le MTK juge
inacceptable
le projet de réforme de la PAC contenu
dans l'
Agenda 2000.
Alors que l'adhésion de la Finlande avait
déjà engendré une baisse des prix agricoles du
marché intérieur de 40 %, le niveau de soutien prévu
par la réforme va encore accentuer les difficultés des
producteurs finlandais, notamment dans le secteur des céréales et
de la viande bovine.
Le MTK estime que la proposition agricole de la Commission conduit à une
perte pour l'agriculture finlandaise de 500 millions de FIM et risque de
faire disparaître toute motivation de l'exploitant finlandais. Les prix
obtenus sur le marché ne couvriraient plus les coûts variables de
production, en particulier dans le secteur des
céréales
.
L'essentiel des pertes de revenu serait endossé par le secteur des
cultures arables, et le secteur
oléagineux
connaîtrait les
difficultés les plus graves.
Par ailleurs, le MTK souligne que la Commission Européenne ne propose
pas de mesures concrètes
pour les régions qui doivent
faire face à des
handicaps climatiques.
Le MTK considère
qu'il n'est pas raisonnable, ni même possible, de pratiquer une politique
agricole en tous points identique sur l'ensemble du territoire de l'Union
Européenne.
Dans l'ensemble, la Finlande considère que le projet de la Commission ne
va pas "
dans le bon sens
". Le premier ministre finlandais,
M. Paavo Lipponen, tout en reconnaissant l'utilité d'une
réforme de la PAC, a demandé à Bruxelles d'aménager
les propositions de réforme de la PAC pour tenir compte des
difficultés spécifiques de son pays. Il souhaite une compensation
intégrale pour les pertes de revenu qui résulteront de la mise en
oeuvre de ce projet.
De la réponse de Bruxelles sur la reconnaissance de la place
particulière de l'agriculture finlandaise au sein de l'Europe,
dépend la réaction finlandaise.
Le
Portugal
a manifesté son désaccord avec les
propositions de la Commission. M. Fernando Gones Da Silva, ministre de
l'agriculture, a précisé que les agriculteurs portugais avaient
les revenus les moins élevés de la Communauté et qu'ils
recevaient un soutien très faible dans l'ensemble. En outre, le Premier
ministre, M. Antonio Anterres a insisté surtout sur le fait que les
négociations entre les Quinze sur la réforme des fonds
structurels, proposées parallèlement par la Commission, seront
longues et difficiles.
Avec 2,1 % de la population active employée dans l'agriculture, la
Belgique
est l'État membre où cette proportion est la plus
faible.
Contributrice nette au budget de l'Union et de la PAC, l'agriculture belge a
reçu, au titre du FEOGA-Garantie, 1.146 millions d'écus
(7,5 milliards de francs), soit un taux de retour qui classe le pays au
11e rang communautaire pour l'exercice 1996.
Très attachée à la construction communautaire en
général et à la PAC en particulier, la Belgique a
été un allié précieux lors des négociations
du GATT. Elle est aujourd'hui particulièrement opposée à
toute renationalisation des politiques communes, qui lui fait craindre des
distorsions de concurrence.
Elle a rappelé récemment quels devaient être les objectifs
de la production agricole : dans un cadre de développement durable,
répondre aux exigences du consommateur, lui assurer la
sécurité alimentaire et préserver l'environnement. D'un
point de vue économique, la production agricole doit rechercher une
meilleure intégration à la filière agro-alimentaire.
L'agriculteur doit être au centre de la production alimentaire en tant
que partenaire et non comme simple fournisseur.
Très critique, la Belgique estime l'Agenda 2000 et les processus
d'élargissement
prématurés par rapport aux
réformes institutionnelles
qu'il serait urgent de faire pour
améliorer le fonctionnement interne de l'Union Européenne.
Elle s'interroge sur le bien-fondé, du point de vue stratégique,
d'une réforme de la PAC
avant le prochain cycle de l'OMC
. Plus
généralement, elle craint pour la pérennité de son
agriculture. La Belgique s'inquiète des analyses et propositions
déjà très précises faites par la Commission, tant
sur les principales OCM et les questions budgétaires. Elle se montre
aussi très réservée devant la perte de revenu qu'induirait
la baisse des prix, compensée seulement partiellement.
Enfin, la Belgique craint que la réforme de la politique des structures
envisagée n'exclue les régions agricoles de tout soutien au
développement rural.
Lors du Conseil agricole du mois de mars dernier, M. Karel Pinxten,
ministre de l'agriculture, a évoqué "
une occasion
manquée
" et a repoussé la réforme
préconisée. Il a notamment qualifié les propositions
relatives à la viande bovine de "
tout à fait
négatives
". Il a précisé que l'impact de cette
réforme sur le revenu au niveau national (-10 à 15 % en
moyenne, -20 à 35 % pour les éleveurs de bovins) serait
"
indéfendable
".
Cette prise de position des pouvoirs publics est soutenue par l'Alliance
agricole qui juge "
désolant de constater que la Commission se
repose de plus en plus, en guise de justification, sur des accords
internationaux visant à organiser un retour vers le capitalisme
sauvage
".
En raison de ses spécificités
méditerranéennes
(vin, huile d'olive, fruits et
légumes) qui jouent un rôle en termes économiques,
d'emploi, d'occupation du territoire et de protection des sols,
l'Espagne
considère que, depuis son adhésion,
l'Union
Européenne
conduit et
réforme sa politique agricole
principalement pour les productions septentrionales.
Pour elle, ces secteurs (céréales, viande bovine, lait) font
l'objet d'adaptation assortie d'un financement budgétaire, alors que,
concernant les productions de type méditerranéen
, les
réformes des OCM sont entreprises selon le principe de la
neutralité budgétaire
(OCM fruits et légumes).
En raison de facteurs propres à l'Espagne
(95 % du
territoire espagnol relèvent des objectifs 1 ou 5b des fonds
structurels),
les financements Européens
, qui ont
contribué à faire évoluer les structures des exploitations
agricoles mais aussi des entreprises agro-alimentaires,
constituent donc
pour l'Espagne une priorité
. Elle sera donc particulièrement
vigilante à
négocier une contrepartie
(maintien d'un fonds
de cohésion)
à son accord sur l'élargissement aux
PECO,
dans le cas où un certain redéploiement du " Sud
vers l'Est " serait décidé pour les fonds structurels.
Le Gouvernement espagnol
a globalement une position défavorable
sur l'Agenda 2000, auquel il reproche son " incohérence ", la
non-prise en compte des produits méditerranéens et du principe de
cohésion.
L'incohérence résulte du caractère partiel de la
réforme proposée qui ne concerne que trois OCM touchant
principalement les pays du nord de l'Union ; en conséquence, toute
réflexion globale est jugée impossible.
En outre, une réforme de la PAC ne lui paraît pas urgente ou
utile, ni pour préparer le prochain cycle de l'OMC (il est
nécessaire d'attendre que les autres parties aient arrêté
leur position) ni en raison de l'élargissement (les aides de la PAC ne
bénéficieront pas aux nouveaux membres). L'état des
marchés ne justifie pas non plus, selon ce pays, une réforme
à court terme.
Les espagnols souhaitent que les budgets des fonds structurels et leurs
critères d'attribution aux quinze Etats-membres actuels soient
nettement séparés de ceux destinés aux nouveaux
adhérents. Le financement de la PAC et des fonds structurels pour les
membres actuels ne doit pas être menacé par le coût des
aides pré et post-adhésion pour les nouveaux membres : si
nécessaire, il faudra augmenter le plafond des ressources propres de
l'Union.
L'Espagne critique le choix de la réforme, c'est-à-dire
l'objectif de la compétitivité mondiale par une baisse drastique
des prix
. L'amélioration de la compétitivité passe par
l'amélioration des structures de production et de commercialisation, et
l'amélioration de la qualité des produits.
Pour l'Espagne, la qualité des produits, leur sécurité, le
respect de l'environnement, ont un coût : s'il n'est pas pris en
compte par les prix, il doit être totalement compensé par des
aides.
Le gouvernement s'oppose, en outre, au financement des nouvelles mesures
rurales par le FEOGA-Garantie : une politique et des budgets distincts
doivent demeurer en la matière.
De même, l'Espagne s'oppose totalement à la régionalisation
de la gestion de la PAC et au cofinancement proposés par l'Agenda 2000
pour des raisons de souplesse et de subsidiarité, jugeant que cette
dérive provoquerait une renationalisation de la PAC et des distorsions
de concurrence, au détriment des agriculteurs espagnols.
Au niveau budgétaire, le gouvernement pense que les nouveaux coûts
supportés par le FEOGA-Garantie selon l'Agenda 2000,
l'empêcheront de dégager des budgets suffisants pour les OCM. A
fortiori, l'Espagne déplore que les OCM des produits
méditerranéens soient réformées sans aucun moyen
budgétaire.
Dans l'ensemble, les organisations professionnelles espagnoles se sont
élevées contre les propositions agricoles de l'Agenda 2000
.
Ces organisations estiment que les propositions de la Commission conduiraient
à une discrimination à l'encontre des produits
méditerranéens et elles demandent un traitement équitable
pour tous les produits.
Selon l'ASAJA (qui fédère la plupart des organisations
sectorielles), la proposition de réforme de la PAC de la Commission
Européenne laisse entrevoir trois risques majeurs : la
renationalisation de la politique agricole, la déprofessionnalisation et
la fragmentation des exploitations.
La COAG (qui regroupe les petite et les moyennes exploitations) estime que
les propositions de l'Agenda 2000 sont hautement préjudiciables
pour l'agriculture
. Elle s'oppose notamment à la réforme du
mode de
financement du FEOGA-Orientation
: cette réforme risque
de nuire à l'agriculture ibérique en portant atteinte à la
compétitivité de cette dernière qui a besoin d'une
modernisation structurelle importante.
L'UPA (petits agriculteurs et pluriactifs) exprime des
préoccupations
sur la proposition de réforme de la PAC de l'Agenda 2000
,
notamment parce qu'elle laisse la porte ouverte à la possibilité
d'une renationalisation de la politique agricole.
L'Espagne s'oppose donc résolument à la réforme de la PAC
et à la doctrine qui la sous-tend. Selon le
ministre de
l'agriculture
, Mme Loyola de Palacio, les propositions de la
Commission négligent la dimension humaine, l'importance sociale et le
principe de " multifonctionnalité " de l'agriculture.
Mme de Palacio a déploré dernièrement la
" renationalisation " du budget agricole. Elle a estimé que
pour la première fois, le cofinancement par les Gouvernements nationaux
signifiait la fin de la solidarité, des difficultés accrues parmi
les Etats membres et des pratiques discriminatoires se traduisant par la fin de
l'intégration en Europe.
Rappelons que des membres de la mission sénatoriale se sont rendus en
Espagne au mois de février dernier afin d'analyser les relations entre
la France et l'Espagne dans le secteur des fruits et légumes. Le rapport
de cette mission préconise notamment le renforcement d'un axe
méditerranéen Européen dans ces secteurs et une
révision de l'OCM fruits et légumes
39(
*
)
.
La mission d'information s'est rendue en
Allemagne
au mois d'avril
dernier.
Elle a ainsi pu se rendre compte de l'importance de trois
éléments essentiels dans l'approche de ce pays ami sur la
réforme de la PAC : l'hétérogénéité
des structures entre les Länders de l'Est et ceux de l'Ouest, le poids du
fédéralisme et la diversité des positions sur les
orientations de cette réforme.
L'agriculture
d'Allemagne occidentale
est constituée d'un
grand nombre de petites exploitations agricoles (les exploitations à
temps plein font en moyenne 36 hectares) tandis que 60 % des
terres agricoles orientales
sont occupées par des exploitations
sociétaires d'une dimension moyenne de 1.100 hectares. Les
exploitations individuelles des deux parties de l'Allemagne ne se ressemblent
guère, puisque la dimension moyenne de celles de l'Est est de
150 hectares.
Ces deux agricultures se distinguent également par le statut juridique
des exploitations et des exploitants (familiale à l'Ouest à
85 %, salariée à l'Est à 83 %), le mode de
faire-valoir (exploitation en propriété à l'Ouest, en
fermage à l'Est), l'orientation des productions (intensive -surtout
élevage- dans les petites structures occidentales et grandes cultures
dans les structures orientales), et le marché foncier (la valeur
vénale des terres agricoles reste largement supérieure à
l'Ouest).
Le processus de restructuration dans les nouveaux Länders explique que
l'Allemagne soit le pays dont le volume de production croît actuellement
très rapidement.
Si producteurs et consommateurs s'accordent pour assigner à
l'agriculture une double fonction d'approvisionnement du marché national
(voire régional) et de préservation de l'espace rural, ils se
séparent sur la question des soutiens financiers.
De façon très idéologique, les puissantes organisations de
consommateurs récusent, au nom du libéralisme, la
pérennité des soutiens financiers aux agriculteurs.
Ceux-ci, soutenus par les autorités fédérales, adaptent
leur argumentaire en faveur de tels soutiens et font de plus en plus valoir le
lien qui doit exister entre de fortes contraintes environnementales de gestion
d'un espace très occupé donc rare, et les compensations
financières au profit des gestionnaires de cet espace.
Ce même argument est invoqué par le ministère
fédéral de l'agriculture pour récuser tout
démantèlement de la politique agricole dans le cadre notamment du
prochain cycle de négociation à l'OMC.
Enfin, le niveau significativement plus bas du revenu des actifs agricoles par
rapport aux autres secteurs économiques, s'il est dénoncé
par les organisations agricoles, ne leur permet pas moins de démontrer
que la redistribution par le biais des aides à l'agriculture est loin
d'être excessive.
La compréhension du fonctionnement des institutions allemandes et de la
position allemande sur la réforme de la PAC, suppose que l'on ait en
permanence à l'esprit
le caractère fédéral de
l'Etat allemand
.
Ainsi le ministère fédéral de l'agriculture, de
l'alimentation et de la forêt (également en charge des
pêches maritimes), s'il est le coordonnateur incontesté des
réflexions stratégiques et le porte-parole du secteur agricole au
sein du Gouvernement fédéral, doit très largement compter
avec les ministères de l'agriculture de chaque Land.
La plupart des dossiers liés à l'agriculture relève de la
double compétence de la Fédération et des Länder, ce
qui suppose au plan législatif, que les projets de loi soient
adoptés par le Bundestag (assemblée nationale -
majorité gouvernementale) et par le Bunderast (représentant les
Gouvernements des Länder - majoritairement dans l'opposition). La
recherche de solutions de consensus est donc une nécessité.
Au niveau fédéral, d'autres ministères traitent de sujets
ayant une dimension agricole :
- le ministère fédéral de la santé est
compétent en matière de denrées alimentaires d'origine
animale et suit par conséquent les affaires vétérinaires
relatives à l'hygiène des aliments ;
- le ministère fédéral de la justice gère les
appellations d'origine et les indications géographiques
protégées.
Rappelons que le budget du ministère fédéral de
l'agriculture, après avoir connu une lente croissante à la fin
des années 1980 pour atteindre 10 milliards de deutschmarks en
1990, a été revu à la hausse de 40 % en 1991 pour
tenir compte de la réunification. Actuellement il se monte à
12,1 milliards de deutschemarks pour 1997.
Au niveau des Länder, dans la plupart des cas, la répartition des
compétences entre départements ministériels reprend la
configuration fédérale, avec un ministère de l'agriculture
autonome. Il faut noter le regroupement dans certains Länder des
ministères de l'agriculture et de l'environnement
(Rhénanie-Palatinat, Saxe-Anhalt), des ministères de
l'agriculture et de l'aménagement du territoire (Schleswig-Holsteig),
des ministères de l'agriculture, de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Rhénanie du Nord-Westphalie).
La mission sénatoriale, lors de son déplacement à Bonn,
a pu mesurer l'importance de la question des retours budgétaires pour
l'Allemagne et la difficulté de faire cohabiter, sur un même
territoire, deux agricultures si différentes que celle par exemple de la
Bavière et de la Saxe Anhalt.
En ce qui concerne les propositions de la Commission Européenne
sur la PAC, l'Allemagne n'a pas, du moins pour l'instant, de position
homogène tant au niveau interministériel qu'entre les
différents Länders.
Au sein de la coalition gouvernementale
, le ministre de l'agriculture,
M. Borchert, défend le principe du maintien d'un financement de la
PAC à un niveau élevé. Il estime non convaincantes les
justifications des propositions contenues dans l'Agenda 2000.
Selon lui, l'élargissement peut se faire en respectant les principes et
la réglementation de la PAC actuelle, avec une longue période de
transition.
Par ailleurs, les perspectives sur les marchés mondiaux, de la FAO, de
l'OCDE et des Etats-Unis, la croissance de la population mondiale et de la
demande solvable se révèlent plutôt favorables à
l'Europe.
M. Borchert considère que c'est une mauvaise tactique de
négociation que de revoir la position Européenne, définie
avec succès lors de la réforme de 1992, avant l'ouverture des
négociations à l'OMC. Il importe au contraire, selon la
Commission, de préparer ces négociations de façon à
ne pas se faire dicter la conduite de l'Europe. Il convient de définir
des objectifs et de les défendre de façon offensive. Sans
protection aux frontières, il est impossible de garantir une agriculture
sur tout le territoire et le maintien du monde rural. Pour cela,
M. Borchert estime qu'il faut aller plus loin que négocier
l'accès des marchés et de démantèlement des droits
de douane et faire valoir des standards internationaux en matière
d'environnement, d'hygiène, de protection des animaux qui satisfassent
les consommateurs allemands.
Pour le ministère de l'agriculture, le modèle Européen
doit donc être défendu à l'intérieur et hors de
l'Union Européenne. M. Borchert estime ainsi globalement qu'une
politique de baisse des prix communautairse ne s'impose pas.
La question du coût des mesures projetées par la Commission est
également particulièrement " brûlante ". En
effet, les propositions du paquet " Santer " conduiraient à
alourdir le coût de la PAC de l'ordre de huit milliards de Deutschmark
par an et surtout la contribution nette de l'Allemagne de 800 millions de
deutschemarks.
Par ailleurs, l'augmentation des primes et la baisse des prix ne sont pas
perçus comme des facteurs améliorant la
compétitivité de l'agriculture Européenne, au contraire.
Ceci dit, une évolution de la PAC est tout de même jugée
nécessaire dans les secteurs de la viande bovine et du lait.
M. Borchert considère déterminant de prendre des mesures qui
garantissent la qualité et l'origine pour répondre à la
demande d'information et de transparence du consommateur, en particulier
l'étiquetage des viandes bovines.
L'intervention permanente doit être ramenée à sa fonction
d'origine et n'être utilisée qu'à l'occasion de crises
exceptionnelles et le stockage privé est jugé inopérant.
Le ministre des finances, M. Waigel
-comme l'opposition
social-démocrate-, met l'accent sur la nécessité de
réduire la contribution allemande au budget communautaire, ce qui
suppose une réduction des dépenses agricoles.
Le ministre des affaires étrangères, M. Kinkel
,
plaide pour une réorientation de l'agriculture vers les marchés
internationaux et pour un démantèlement progressif des aides.
Sur le plan interrégional
, les ministres de l'agriculture des
Länder de l'Est récusent toute idée de plafonnement des
aides qui pénaliserait gravement les grandes structures agricoles
héritières des coopératives de l'ex-RDA. A l'inverse, la
Bavière et le Bade-Wurtemberg approuvent cette perspective de
plafonnement, ou du moins de dégressivité, qui permettrait
d'améliorer le taux de retour financier au profit des petites
exploitations familiales traditionnelles du sud de l'Allemagne.
En conséquence, l'Allemagne adopte pour l'instant une position
très générale
: elle conteste
l'opportunité d'une réforme basée sur une baisse
générale des prix. Seul le
secteur bovin, selon elle,
a
réellement besoin d'être réformé mais cette
réforme ne doit pas pénaliser l'élevage intensif.
L'Allemagne juge que
le contrôle de la production
plutôt que
la baisse des prix permettra d'adapter l'offre à la demande. Concernant
l'OMC, l'Europe ne doit pas se priver d'arguments avant la prochaine
négociation ; elle doit également apprendre à
défendre ses normes qualitatives et de sécurité
alimentaire.
Sur le plan sectoriel
, les Allemands souhaitent, notamment dans le
secteur laitier, renforcer les producteurs dynamiques. La réglementation
des quotas doit être ainsi plus flexible, en particulier en suspendant le
lien des quotas à la surface et faciliter ainsi les transferts de quotas
par le marché.
Tous s'accordent cependant pour estimer que la préservation de la
production laitière dans les zones difficiles doit rester un
élément important de la politique laitière et que la
réglementation des quotas doit y contribuer.
La poursuite du régime des quotas laitiers
après 2006 fait
l'objet de discussions. A la base, la baisse des prix de 15 %
compensée au moins partiellement par une prime proposée par la
Commission a mis en évidence que les quotas n'étaient pas une
garantie contre la baisse des prix même si certains producteurs se
laisseraient pourtant tenter par la prime. De plus, la chute des prix
institutionnels paraît totalement déphasée avec la hausse
actuelle des prix payés aux producteurs allemands, signe que
l'équilibre du marché Européen est enfin atteint. Tout se
passe comme si des signaux contradictoires incitaient les uns et les autres
à prendre position pour ou contre la poursuite du régime des
quotas.
Mais c'est surtout le régime de transfert de quotas et le coût des
droits à produire qui fait l'objet de contestations. Le coût des
quotas, ainsi que les systèmes de fermage, de location et de leasing
fortement développés Outre-Rhin, sont accusés de
bénéficier de plus en plus à des non agriculteurs et de
faire " grimper " les prix des quotas. Quant au lien à la
surface officiellement en vigueur en Allemagne, il est dans les faits largement
contourné par un marché des quotas à l'intérieur
des frontières de chaque région.
On peut cependant estimer qu'une majorité d'agriculteurs est favorable
au maintien des quotas et à la mise en place d'un marché
régionalisé des droits à produire, de façon
à éviter l'évasion de la production en dehors du
territoire des länders.
En matière de grandes cultures,
le principe même d'une
nouvelle réduction de prix est rejeté. En outre, la situation et
la compétitivité de la production d'oléagineux ne semblent
pas devoir être appréciées de façon aussi
négative de ce côté-ci du Rhin qu'en France. En revanche,
la question du plafonnement des aides ou de leur modulation est très
" sensible " même si le principe d'une solution flexible
permettant notamment de tenir compte des coûts de production et
évitant les distorsions entre secteurs de production, n'est pas
écarté.
En ce qui concerne la viande bovine
, curieusement, les responsables
allemands laissent entendre que le régime des primes bovines
proposé par la Commission est discriminatoire à l'encontre de
l'élevage intensif. Toutefois, l'orientation générale
convient à l'Allemagne : elle pourrait accepter une baisse du prix
d'intervention en raison du caractère jugé coûteux (sur le
plan budgétaire) et inefficace (sur les marchés) du régime
d'intervention. On peut toutefois s'attendre à une négociation
difficile concernant l'équilibre entre les différents types de
primes.
Pour la politique de développement rural
, l'Allemagne est
favorable au statu quo. Elle demande que les zones rurales ne relèvent
pas de l'objectif 2, qu'un financement par le FEOGA-Orientation soit
maintenu à l'intérieur des fonds structurels, et qu'un objectif
spécifique soit créé pour le développement rural
afin d'éviter la concurrence avec les zones urbaines et industrielles.
La mission sénatoriale a rencontré longuement le Deutsher
Bauernverband (DBV). Celui-ci reconnaît que des réflexions
stratégiques sont nécessaires du fait du prochain cycle de l'OMC
et de l'élargissement aux PECO, mais il souligne que les agriculteurs
allemands ont besoin de perspectives d'entreprise et qu'ils veulent recueillir
leur part de l'évolution générale des revenus.
Le DBV considère que les propositions agricoles de l'Agenda 2000 auront
des conséquences négatives sur les intérêts des
agriculteurs allemands et il reste très sceptique sur l'approche de la
Commission. Le DBV estime que les propositions de baisse de prix de la
Commission auront pour conséquence
une baisse du revenu des
agriculteurs allemands de 15 à 20 % en termes réels
. Il
réclame donc une
compensation
pour cette perte de revenu.
Les propositions risquent également, selon le DBV, d'affaiblir la
position de l'Union Européenne lors des négociations dans le
cadre de l'OMC et de compromettre des instruments d'une politique agricole
commune spécifique à l'Union Européenne.
En matière budgétaire,
le DBV s'inquiète du financement
par le FEOGA-Garantie de mesures de type structurel
et d'une partie des
coûts liés à l'élargissement.
Le DBV souligne le risque d'une dépendance croissante des agriculteurs
compte tenu de l'augmentation du poids des aides et des incertitudes qui
pèsent quant à leur pérennité.
Le plafonnement des aides et la possibilité d'établir un lien
entre ces aides et des exigences environnementales sont, selon le DBV, des
facteurs d'iniquité en terme de partage du soutien.
Dans l'ensemble, le DBV souhaite conserver le principe de la maîtrise de
la production.
S'agissant du
secteur laitier
, le DBV soutient l'introduction d'une
prime directe à la vache laitière, qui devrait enrayer les
évolutions négatives des prix et des revenus dans ce secteur. En
revanche, il estime que la baisse de prix et la suppression de la protection
extérieure constituent les prémices d'une sortie du régime
des quotas laitiers auquel le DBV est très attaché.
Le 30 mars dernier, M. Jochen Borchert, a annoncé qu'il
opposerait une " résistance absolue " aux propositions de la
Commission
. " L'Agenda 2000 pèse sur les contribuables et
les paysans " a-t-il estimé, affirmant que celui-ci provoquerait
à la fois une chute du revenu agricole de 10 % en moyenne, et
même 20 % dans certains cas, et une augmentation de
1,2 milliard de marks des paiements nets de Bonn à la
Communauté, qui atteignent 10 milliards.
"
Au lieu de diminuer les prix, il vaudrait mieux, comme ces
dernières années, limiter les quantités
produites
", selon M. Borchert, qui explique aussi que le fait de
limiter les compensations pour la viande bovine à 90 animaux par
exploitation va pénaliser les entreprises performantes, en particulier
celles des Länder de l'Est. Enfin, le ministre de l'agriculture
désapprouve l'idée de lier les aides directes au respect de
l'environnement, considérant que les efforts consentis en la
matière doivent être payés en sus.
Au mois d'avril dernier, l'Allemagne a dénoncé une nouvelle fois
les conséquences du projet de Bruxelles : augmentation des
dépenses avec des " effets très importants " sur le
contribution nette de Bonn au budget communautaire, diminution du revenu,
aggravation de la situation dans les zones rurales, blocage de la
compétitivité, accroissement de la technostructure et
dépendance de plus en plus forte à l'égard des aides
publiques.
Avec une production agricole fortement dominée par les élevages
bovin et laitier, un taux de couverture agro-alimentaire record au sein de
l'Union (278 %), une production bovine exportée à 90 %,
une place prépondérante de l'agriculture extensive dans
l'économie et sur le territoire, les orientations suivies par
l'Irlande
au niveau communautaire sont claires : le pays se
satisfait de la réforme de la PAC de 1992 qui lui attribue 23 % des
crédits de l'OCM bovine (pour un cheptel qui représente 8 %
du cheptel communautaire) et qui a institué des primes à la vache
allaitante et à l'extensification correspondant bien à ses
spécificités nationales. Il est très attentif à ce
qu'un changement de cet équilibre ne se produise pas à ses
dépens.
Bénéficiant de coûts de production relativement bas,
l'Irlande est cependant dépendante de soutiens communautaires
pour assurer le revenu de ses agriculteurs. Le gouvernement est donc
particulièrement attentif au maintien de ses retours budgétaires
communautaires (1,7 milliard d'Ecu au titre du FEOCA-Garantie, auxquels
s'ajoutent les fonds au titre de l'objectif 1 des fonds structurels), pour
une contribution de 700 Mecu en 1996) qui ont permis le
développement économique et agricole irlandais
.
L'Irlande juge une nouvelle réforme de la PAC
nécessaire. Si l'Irlande accepte une certaine baisse des prix de
soutien, elle demande que ces mesures ne se traduisent pas par une perte de
revenu des agriculteurs.
Ainsi, l'Irlande souhaite que cette baisse de prix
soit intégralement compensée.
S'estimant bien placée pour bénéficier du marché
mondial,
l'Irlande
exige néanmoins que les
spécificités
de l'élevage irlandais (cheptel allaitant
extensif)
soient prises en compte
. Pour le lait, la même logique
de compensation intégrale est avancée.
Les organisations agricoles irlandaises
(Irish Famer's Association
(IFA) et Irish Creamery Milk suppliers Association (ICMSA) affichent des
positions divergentes.
Si l'IFA souligne les dangers que représentent les orientations
proposées pour la PAC, au contraire, l'ICMSA semble satisfaite des
propositions de la Commission.