CHAPITRE VIII |
PRECONISATIONS DES MESURES A PRENDRE
POUR QUE LA
FRANCE DEVIENNE
L'UN DES ACTEURS MAJEURS
DE LA SOCIETE DE
L'INFORMATION
On n'entre pas dans l'avenir à reculons.
En outre, la société de l'information, ce n'est même plus seulement le futur, c'est déjà le présent.
Il faut commencer par ne pas en avoir peur et considérer ses aspects positifs.
Les nouvelles techniques d'information et de communication permettent de retrouver les chemins de la croissance et de l'emploi. Elles sont un instrument de compétitivité indispensable mais elles peuvent être mieux que cela.
Elles sont susceptibles, en effet, de faciliter l'accès du plus grand nombre aux patrimoines culturels et à l'immense capital de connaissances de l'humanité.
Elles offrent, en outre, de nouveaux moyens d'expression, de création et d'échanges.
Enfin, elles peuvent contribuer à réhabiliter la personne, à préserver l'identité culturelle des minorités, à maintenir ou à créer des activités dans des régions isolées, peu peuplées ou défavorisées.
Succédant à un univers fondé sur la standardisation, la production en grande série, la diffusion massive de multiples données, la société de l'information replace le client au point-milieu du processus de l'activité économique, l'élève au centre du système d'éducation et - pourquoi pas ?- le citoyen au coeur du débat démocratique.
Le lien social peut s'en trouver resserré.
Mais un certain nombre d'exigences doivent être respectées :
n adhésion de tous les acteurs (offreurs de technologies, de contenus et d'infrastructures, usagers...) à des valeurs communes d'ouverture, d'échange et de partage, de respect de la personne ;
n confiance dans l'innovation, les vertus de la concurrence et du marché ;
n redéfinition du rôle des pouvoirs publics qui, sans se substituer à l'initiative privée, doivent veiller à la régulation des activités concernées, créer un environnement propice à leur développement, intervenir, au besoin, en tant que garant de l'intérêt général (éducation, service universel) ou national (recherche, négociations sur les normes et les fréquences).
Il importe, tout d'abord, de bien identifier quelles seront les technologies porteuses et les évolutions du marché et de définir, en fonction d'une appréciation lucide de nos atouts et de nos faiblesses, les meilleures façons de nous y adapter.
Pour rattraper le retard de l'entrée de la France dans la société de l'information, il importe de considérer comme primordiales :
n l'éducation (formation des formateurs, des enseignants et des élèves, offre de contenus, équipement des établissements) dans la mesure où l'acquisition de nouveaux savoirs, comme je l'ai développé au chapitre IV, est absolument fondamentale ;
n la multiplication en résultant des internautes , par ailleurs stimulée par les utilisations professionnelles des NTIC et encouragée par des incitations tarifaires, des expérimentations et des opérations de sensibilisation ainsi que par la possibilité de pouvoir accomplir, en ligne, des formalités administratives ;
n enfin, last but not least, l'entreprise , pour laquelle il s'agit d'une nécessité vitale (création de sociétés innovantes, usage des NTIC par les PME, etc...).
Tout en encourageant la création de sociétés innovantes et les initiatives de la base, dans tous les domaines, l'Etat ne doit pas se désengager, pour autant, ni de l'aide de la recherche, ni de certaines actions à mener en matière d'infrastructures.
I. LES INITIATIVES CONCERNANT L'ÉDUCATION
Dans le domaine éducatif, les priorités, comme on l'a vu au chapitre IV, doivent aller à :
n une réflexion d'ensemble établissant le primat, sur le matériel, de la pédagogie et de l'élève, à la fois individu et sujet à socialiser ;
n la formation aux nouvelles techniques de formateurs et des enseignants ;
n la création commune (par les enseignants, des techniciens, des spécialistes de la présentation et des éditeurs) de contenus adaptés ;
n un effort d'équipement qui permette d'accéder à ces contenus dans des conditions satisfaisantes, notamment au niveau de la qualité de l'image (grâce à un réseau académique à larges bandes, donnant accès à des serveurs départementaux, par une liaison numérisée de bout en bout ; chaque établissement, puis chaque salle de classe serait dotée d'un vidéoprojecteur et d'un grand écran).
La formation des élèves-maîtres et des maîtres est donc une priorité absolue.
Il faut que les NTIC :
n soient enseignées tout au long des cursus et valorisent les travaux des élèves ;
n deviennent une matière à coefficient important pour tout établissement formant de futurs maîtres (IUFM ) ;
n fassent l'objet de possibilités de formation continue offertes aux enseignants tout au long de leur carrière ;
n interviennent dans leur notation, quant à la manière dont ils les utilisent dans les cours qu'ils dispensent ;
n donnent lieu à une reconnaissance spéciale (en matière de carrière et de rémunération), manifestée à ceux qui en ont été les pionniers, tout en se prêtant à une utilisation fondée sur le volontariat et non sur la contrainte.
La structure du réseau doit permettre, à terme, de relier tous les terminaux d'une académie à un ou deux serveurs départementaux.
Cet Intranet académique serait régi par un protocole IP, lui permettant d'être ouvert sur le reste du monde.
Ainsi les enseignants éviteraient-ils l'isolement qui serait le leur s'ils se contentaient d'utiliser des CD-ROM « hors ligne ».
Cette approche client-serveur autoriserait, en outre, une tout autre conception des contenus et de leur mise à disposition des enseignants.
Les auteurs et les éditeurs seraient rémunérés selon le mode « pay per view », et non plus, a priori, selon le principe des licences mixtes, ce qui créerait une véritable émulation entre les éditeurs et permettrait de rémunérer les auteurs en prenant directement en considération la qualité de leurs oeuvres (c'est à leur nombre de diffusions que cette qualité se reconnaîtrait).
Du point de vue ergonomique, le choix des contenus par l'enseignant ferait appel aux moteurs de recherche avec les agents intelligents les plus performants.
Un tel réseau de serveurs départementaux interconnectés et reliés aux principaux serveurs de connaissance français (60 ( * )) et étrangers mettrait à la disposition de l'enseignant, très rapidement, d'innombrables programmes de qualité.
Grâce aux moteurs de recherche, il pourrait illustrer ou étayer ses cours, faisant, à l'avance, la sélection des documents qu'il compte utiliser, en ayant la possibilité d'en pré-visionner gratuitement la bande annonce dans son établissement ou à domicile.
L'emploi d'un système crypté (type carte à puce) déclencherait alors le paiement de l'éditeur et de l'auteur, le serveur, après avoir enregistré cette commande, la mettant directement à la disposition de l'enseignant, au jour et à l'heure voulus.
Les NTIC seraient dorénavant utilisées par les établissements scolaires de deux façons bien distinctes :
1°) un usage collectif à partir d'un vidéoprojecteur et d'un grand écran, disposés, d'abord, dans la salle de projection de chaque école, puis, d'ici dix ans, dans chaque classe. Des images de grande dimension et de bonne qualité, avec un son excellent lui aussi, permettraient ainsi de capter beaucoup mieux l'attention des élèves.
2°) un usage individuel , destiné à la formation des élèves aux NTIC, à partir de leur mise à disposition, dans la salle informatique de chaque établissement, d'ordinateurs personnels, de réseaux ou de tous autres terminaux.
Les contenus stockés sur les serveurs seraient accessibles non seulement aux enseignants mais aussi à tout citoyen qui le voudrait dans des lieux publics (médiathèques associées à des bibliothèques...) ainsi qu'aux élèves, soit dans les lieux publics susvisés, soit chez eux.
Utilisateurs adultes et élèves seraient identifiés par des cartes à puce, une nouvelle économie des contenus se créant ainsi, dans la mesure où les services proposés seraient payés (sous forme d'abonnement des élèves ou, à l'acte, à un taux marginal).
Ce n'est qu'en s'appuyant sur ce triptyque (école, lieux publics et domicile) que l'accès au savoir par les NTIC pourrait se généraliser, d'une façon compatible avec la prise en charge d'une part substantielle de l'investissement par les collectivités locales, comme le Gouvernement semble le prévoir.
Il est, en effet, impossible de leur demander d'assumer, seules, de telles dépenses, si les services concernés ne sont utilisés que durant les périodes et dans les établissements scolaires.
Sachant combien les savoirs nouveaux sont précieux pour faire reculer le chômage, il faut que tous les citoyens soient mis en mesure d'y accéder.
Aussi, un nouveau partage des rôles dans le domaine des NTIC devrait-il se mettre en place dans notre pays.
L'Education Nationale aurait compétence exclusive sur la formation des maîtres, la pédagogie et les contenus.
Les collectivités locales auraient en charge l'ensemble du réseau départemental, les serveurs et les postes clients (c'est-à-dire les terminaux dans les écoles). Elles seraient donc responsables du bon fonctionnement de ce réseau et du renouvellement régulier des matériels et des logiciels d'exploitation.
En contrepartie, elles percevraient le montant d'abonnements, dans des conditions à définir, versés par les établissements connectés, les parents d'élèves et les autres utilisateurs grand public.
Elles devraient aussi pouvoir bénéficier du FCTVA pour tous ces investissements.
Dans les précédents chapitres de cet ouvrage consacrés aux valeurs de la société de l'information (chapitre III) et à la priorité dont l'utilisation des NTIC dans l'éducation doit faire l'objet (chapitre V), j'ai tenu à faire justice de certaines accusations portées à tort contre l'image, dont la suggestivité et le pouvoir émotionnel seraient susceptibles de contrarier la réflexion et la maîtrise des connaissances auxquelles l'écrit, par nature, permettrait d'accéder de façon privilégiée.
J'ai défendu les vertus pédagogiques de l'illustration, complémentaire de l'écrit, et vanté les pouvoirs symbolique, synthétique ou métaphorique de l'image, fixe ou animée, qui la rendent capable d'exprimer l'ineffable.
Mais je ne suis pas dupe pour autant de ses éventuels effets pervers. Ceux-ci sont liés aux manipulations auxquelles elle peut se prêter ou qu'elle peut exercer ainsi qu'au mimétisme qu'elle peut provoquer, de par son caractère fascinant, chez des sujets vulnérables qui assistent, de façon répétée, à la représentation de scènes ou de comportements répréhensibles.
Selon une enquête du CSA de septembre 1995, sur la représentation de la violence dans la fiction à la télévision, 74 % des programmes français concernés contenaient en 1994 au moins une séquence ayant ce caractère, avec une moyenne de près de 10 actes violents par heure.
En outre, dans les fictions, fort nombreuses, d'origine américaine, la violence mise en scène a un caractère répétitif et 40 % des actes criminels présentés apparaissent légitimes.
Au cours d'un colloque sur «télévision et violence» qui s'est déroulé au Sénat le 29 janvier 1996, il a été observé que, malheureusement, les programmes pour enfants, en France comme aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, font partie de ceux qui contiennent le plus d'actes violents. Dans certains dessins animés (Dragon Ball, Conan...), la violence est même utilisée comme une technique de remplissage tendant à combler l'indigence des scénarios.
La diversité des interprétations possibles des effets des images télévisuelles a été soulignée à l'occasion de cette conférence : selon les plus optimistes, le spectacle de la violence offert par les médias permettrait de libérer les émotions refoulées dans le subconscient des téléspectateurs (ce qu'Aristote appelait la catharsis ou « purgation » ).
Mais la plupart des recherches sur la question infirment la thèse de l'innocuité des scènes violentes sur le psychisme et les comportements.
Pour les uns, les effets considérés seraient indirects et limités, mais pourraient néanmoins affecter certaines personnes dans des circonstances particulières.
Selon d'autres, la violence médiatisée, après incubation, exacerberait les tensions et les problèmes de la société dont elle donnerait une image extrême (acculturation).
Des expériences réalisées dans les années soixante par Bandera et Ross montrent que les sujets exposés à des scènes violentes, réelles ou fictives, se montrent plus agressifs et que les enfants ayant pris l'habitude de concevoir la violence comme quelque chose d'acceptable seront, plus tard, plus réceptifs aux incitations à ce type de comportement.
Les différences individuelles d'agressivité seraient ainsi largement déterminées par l'accumulation d'influences enclenchées pendant l'enfance.
Naturellement, ces constatations n'enlèvent rien aux autres potentialités, par ailleurs positives, de la télévision (instrument d'ouverture au monde, de distraction et d'évasion, de diffusion d'informations et de connaissances, vecteur culturel, élément d'intégration sociale...), ni aux interactions entre son impact et d'autres facteurs (chômage, exclusion, éclatement de la cellule familiale, crise des valeurs morales, etc...).
Mais, si les effets de la télévision et des autres médias sont difficiles à cerner et que la violence, qu'ils peuvent contribuer à stimuler, leur est antérieure, ils n'en sont pas moins généralement reconnus comme étant loin d'être anodins.
Ils peuvent stimuler l'agressivité et favoriser la propagation de la violence en la banalisant ou, au contraire, en l'exacerbant, en déclenchant des phénomènes d'imitation, en se surajoutant aux tensions réelles que la fracture sociale crée dans certains milieux (banlieues) ou chez certaines catégories sociales (chômeurs, exclus, drogués...).
Ceci est également vrai des images pornographiques et des violences sexuelles auxquelles elles peuvent indirectement inciter.
Par ailleurs, les manipulations auxquelles l'image peut très facilement se prêter, grâce, notamment, aux techniques numériques, sont susceptibles de faciliter d'autres abus : présentation tendancieuse ou fallacieuse de certains faits pouvant, dans des cas extrêmes, appuyer des tentatives de désinformation ou d'atteinte à la dignité de personnalités...
Dans ces conditions, il semble indispensable, dans l'éducation :
n de réhabiliter l'instruction civique et l'enseignement des valeurs morales indispensables à la vie en société, notamment celles que proclament la déclaration de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946 : Droits et aussi devoirs des citoyens, respect des libertés et des opinions d'autrui, absence de discriminations fondées sur la race, la religion ou les croyances, égalité de l'homme et de la femme, tous principes garantis par la force publique, et non par des moyens individuels, pour l'avantage de tous ;
n d'apprendre comment une image est fabriquée et peut être truquée, de façon à pouvoir l'analyser pour la recevoir avec objectivité et lucidité ;
n de façon générale, développer l'esprit critique afin de permettre à l'élève, futur citoyen, de résister à d'éventuelles tentatives de manipulation ;
n Cette discipline d'apprentissage de l'image, du virtuel et des nouvelles technologies de l'information, tout à fait nouvelle dans son approche, devrait bénéficier d'un coefficient important, de même niveau que les matières fondamentales (Maths, Français, langues, etc...).
n Monsieur le Ministre de l'Education serait particulièrement bien avisé si il voulait profiter de la vaste et profonde réforme des enseignements au Lycée, qu'il a l'ambition de mener à bien, pour enfin enlever toute l'importance qui est réservée à la mémoire dans nos enseignements et ouvrir cette voie nouvelle de formation critique des adolescents sur la réalité du Monde.
Par ailleurs, la protection des mineurs contre la diffusion de contenus pornographiques ou violents, facilitée par l'interactivité et la profusion des canaux, n'en est que plus nécessaire. Aussi, il faut que le CSA sorte de son dogmatisme sur ce problème de la protection des mineurs en pensant qu'une simple signalisation sur les écrans peut faire régresser la vision par les enfants de scènes violentes ou choquantes à la télévision. Seule, comme vient d'ailleurs en convenir le Congrès américain après une longue réflexion, une puce anti-violence (V-chip) activée par une autorité compétente, implantée sur tous les téléviseurs peut faire régresser cet accès à des scènes violentes ou choquantes sur le téléviseur familial si les parents acceptent, enfin, de prendre conscience de leur responsabilité.
Comme le disait le sénateur Cluzel, en conclusion du colloque susvisé, il faut s'élever courageusement contre l'idée, qui peut servir de prétexte à tous les abus, selon laquelle la télévision ne serait qu'un miroir ou ne donnerait au public que ce qu'il demande.
La société de l'information requiert, on l'a vu, l'apprentissage du respect de valeurs de tolérance, d'ouverture, de partage et d'échange, aux antipodes des comportements d'agressivité engendrés par les difficultés de la civilisation industrielle et les excès d'une certaine urbanisation.
II. LES ACTIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT D'INTERNET EN FRANCE
La montée en puissance des modems câbles, offrant plusieurs mégabits, pour un prix forfaitaire acceptable (150 F par mois environ, sans limitation de durée), va accélérer réellement l'utilisation d'Internet.
Cela va obliger France Télécom à réagir.
La réponse la plus pertinente de sa part consisterait à proposer aux internautes un abonnement spécifique, couplant l'utilisation d'une ligne du Réseau Téléphonique Commuté (pour les communications vocales, fax, Minitel, etc.) et celle d'une ligne Numéris, reliée uniquement au fournisseur d'accès à Internet de l'intéressé, dans la même zone de taxes.
Je parle bien du couplage d'une ligne RTC et d'une ligne Numéris et non de deux lignes Numéris auxquelles l'Internaute devrait s'abonner.
Il ne faut pas que France Télécom puisse être accusé de faire un abus de position dominante en imposant à l'Internaute deux abonnements Numéris.
La ligne Numéris réservée à Internet ne doit être considérée que comme une alternative acceptable pour faire face au développement du « modem câble ».
Cette solution permettrait d'utiliser au mieux les équipements actuels de l'opérateur historique (Numéris est l'un des plus importants et des plus modernes réseaux numériques à intégration de services du monde).
Il paraît exclu de forfaitiser l'utilisation des lignes du R.T.C. (Réseau Téléphonique Commuté), sauf à dégrader la qualité du service par encombrement de la bande passante.
Cette ligne Numéris, réservée aux liaisons entre l'internaute et le fournisseur d'accès, pourrait être gérée de façon à n'être mise à contribution que durant les communications client-serveur effectives (consultation, envois de message). Un système de time-out (sur le canal « D » des données) activerait automatiquement la ligne dans ce cas et l'interromprait le reste du temps.
Si l'utilisation de la première ligne RTC, réservée aux communications vocales, continuerait à faire l'objet d'un paiement à la durée, celle de la seconde ligne Numéris, en revanche, serait rémunérée forfaitairement, ce qui permettrait aux internautes de laisser leur micro-ordinateur branché en permanence (leur vigilance serait ainsi continuelle, s'agissant, par exemple, de la réception de messages etc... les derniers modèles comportent des dispositifs de veille allant dans ce sens, avec des économiseurs d'énergie).
Cette ultime avancée répondrait à l'attente de très nombreux internautes, dans notre Pays, et conclurait, au niveau de l'offre, la formule « Avantage Numéris Internet » mise en place par France Télécom en Janvier 1998.
Pour aller jusqu'au bout de cette logique et contrer ainsi l'offensive des modem-câbles, France Télécom aurait certainement avantage, à terme, à installer des routeurs dans ses réseaux, afin d'éviter que ces lignes Numéris locales, dédiées aux liaisons internautes-fournisseurs d'accès, saturent ses autocommutateurs.
Mais, par ailleurs, toutes les technologies alternatives doivent être encouragées (ADSL, MMDS, radiocommunications, numérique hertzien terrestre et satellitaire...).
La France doit participer au déploiement dans l'espace de constellations de satellites à basse altitude permettant des liaisons Internet à large bande (cf. le projet Skybridge d'Alcatel qui s'est vu attribuer à Genève les fréquences qui lui étaient nécessaires, lors de la dernière conférence annuelle mondiale des radiocommunications, grâce à la solidarité de nos partenaires européens et des concurrents américains de Microsoft).
Pour les usagers grand public d'Internet, l'attribution d'une subvention de l'Etat ne me semble plus nécessaire, étant donné la baisse très rapide du coût des matériels (le prix d'un micro-ordinateur communicant est désormais comparable à celui d'un téléviseur couleur avec son magnétoscope).
En revanche, les entreprises doivent pouvoir mettre à la disposition de leurs salariés, à leur domicile, des ordinateurs personnels, dans des conditions comptables et fiscales conformes au droit commun (inscription à l'actif du bilan, même régime d'amortissement et de récupération de la TVA que tout autre investissement).
Les administrations (Etat, collectivités locales, hôpitaux, sécurité sociale, etc...), qui ont tout intérêt à se mettre rapidement en réseau, devraient aussi fournir aux fonctionnaires des micro-ordinateurs à leur domicile.
Dans le prolongement de ce qui a déjà été réalisé sur le site qui permet d'accéder, par Internet, au Journal Officiel et aux diverses décisions officielles, il faut que le Gouvernement tienne son engagement de mettre rapidement en ligne et accessibles à tous gratuitement toutes les informations publiques (Règlements, circulaires, Informations communiquées par les entreprises publiques dont les horaires complets de la SNCF, Délibérations des collectivités, Bilans des entreprises déposés aux Greffes des Tribunaux de Commerce, etc ...).
De même toutes les déclarations (Trésor Public, URSSAF, ASSEDIC, etc.) qui doivent être remplies régulièrement par les administrés et les contribuables (particuliers ou entreprises) doivent gratuitement être accessibles sur le réseau.
Chacun devra pouvoir répondre en ligne, en utilisant le protocole Internet et de plus si il effectue ses règlements sur le réseau par des procédures sécurisées il devrait bénéficier d'une bonification de 5 jours par rapport au délai limite accordé lorsqu'un règlement est envoyé par la voie postale.
Cette seule mesure aurait un effet très fort sur l'effort en investissement d'une micro-informatique connectée réalisé par les petites et moyennes entreprises.
Les engagements pris par les Gouvernements successifs depuis plusieurs années (plusieurs des mesures annoncées récemment étaient déjà dans la Loi Madelin de 1995) dans le domaine des Nouvelles Technologies doivent maintenant être mis en application, sans retard, dès ces prochains mois, car cela fait trop longtemps que certains membres de l'Administration traînent les pieds.
Car répétons-le, le développement d'Internet dépend également de l'exemple donné par nos édiles (responsables politiques, chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires, etc...) qui ne doivent pas se contenter de discourir sur les nouvelles technologies mais les pratiquer personnellement et se doter d'adresses électroniques en s'engageant à répondre personnellement aux messages les plus pertinents qu'ils y reçoivent.
A) IL FAUT QUE LE GOUVERNEMENT PRENNE SANS
TARDER
UNE DÉCISION AUDACIEUSE CONCERNANT
LA CRYPTOLOGIE :
Les décrets sur la cryptologie publiés le 25 Février 1998 vont dans le bon sens.
Toutefois, tout en respectant les règles de prudence nécessaires à la Sécurité de l'Etat, il faut que le Gouvernement français, si il veut que la France conserve, sur Internet, l'avance acquise dans le domaine du Commerce Electronique gràce au Minitel, doit se montrer « moteur » dans l'adoption de règles audacieuses qui devront être acceptées par les principaux acteurs mondiaux dans ce domaine majeur de la cryptologie.
Il faut également résoudre rapidement le problème irritant du « nommage » des adresses Internet qui fait que de plus en plus de français (entreprises et internautes) choisissent des suffixes internationaux (.com, .net, .org) à des moments où nous voulons tous défendre la place de la France sur le réseau Internet qui se reconnaît par le suffixe .fr .
B) MISE EN GARDE POUR METTRE FIN AU PARTICULARISME FRANÇAIS
Si la montée en puissance, très prochaine, surtout en France, d'Internet sur le terminal téléphonique (webphone) et d'Internet sur le téléviseur (WebTV, webbox, Netbox, etc...) est un cheminement astucieux pour faire migrer progressivement les utilisateurs du Minitel et les téléspectateurs vers le monde Internet, il faut toutefois bien veiller à ce que cette démarche ne soit pas une fin en soit mais bien un moyen pour aller plus loin.
En effet, comme je l'ai dit à plusieurs reprises dans cet ouvrage le développement particulièrement fort du fax auprès des particuliers et l'adoption massive du Minitel dans notre Pays, le fax et le Minitel étant deux machines qui n'ont aucune capacité propre de stocker de la mémoire, expliquent en grande partie le retard que nous pouvons encore constater, en France, dans l'usage de la micro-informatique .
Or si le « webphone » et les boîtiers « webbox » à poser sur les téléviseurs facilitent l'accès à des pages Web, ils ont le même défaut que leurs aïeux : ils n'ont pas de mémoire.
Ce handicap pourrait devenir majeur si les grands acteurs français que sont France Télécom et Alcatel voulaient orienter, de façon forte, les usages acquis par les français, grâce au Minitel, vers des machines sans mémoire.
Sans mémoire, on ne peut pas faire de bureautique mais on ne peut même pas archiver les messages reçus par Internet .
Or, toutes les études mondiales le montre, la bureautique et la messagerie sont les deux raisons essentielles qui incitent les particuliers à acquérir des micro-ordinateurs connectés.
Par ailleurs, sans mémoire, ce sont beaucoup d'autres applications quotidiennes, ne serait-ce que tenir un archivage du suivi de son compte en banque, et beaucoup de développements à venir dans le domaine du push-média qui ne seraient pas accessibles à ces « télé-internautes » français.
Aussi, si les opérateurs français affirment une stratégie claire en mettant en évidence que les « webphones » et autres « webtv » ne sont que des systèmes transitoires pour faire migrer plus aisément, grâce à la facilité d'utilisation, les usagers du Minitel vers Internet , je ne peux que partager leur approche.
Pour confirmer leur volonté d'entrer à pleins pieds dans le monde Internet, les dirigeants de France Télécom et d'Alcatel doivent sans retard présenter le « webphone » comme un Network Computer (NC) et préciser que leurs efforts vont se centrer sur des capacités large bande qui seront mises à la disposition de chaque abonné.
Par les avances que ces grandes compagnies de télécommunications ont dans le domaine technologique (ATM, ADSL, optique, etc.) leur démarche devient alors crédible et alors peu importe que les terminaux n'aient pas de mémoire puisque chacun pourra accéder, à très grande vitesse, à un serveur, où sera stockée la mémoire .
C'est ce manque de capacité qu'ont actuellement Sun, Oracle et même IBM de pouvoir disposer de réseaux « large bande » entre leurs NC et leurs serveurs qui malgré l'intérêt conceptuel évident, enlève, pour le moment de la crédibilité à leur démarche.
France Télécom et Alcatel ont, eux, la capacité de disposer de ces réseaux rapides.
Si la démarche initiée par le « webphone » est confortée par cette décision de construire ces réseaux du XXI e siècle, alors ils ont une réelle chance d'emporter le combat qui inévitablement alors les mettrait face aux « majors » de la micro-informatique .
Par contre si l'approche « webphone » est une nouvelle invention sortie de la tête de certains de nos technocrates pour maintenir le particularisme français aussi bien au niveau des paiement des services à la durée et non à l'acte que de la pratique d'Internet qui devient de plus en plus universelle, nos responsables mèneraient alors un combat d'arrière garde qui à terme pourrait coûter cher à notre Pays et serait un vrai gâchis tant les chances de la France sont grandes actuellement si nous savions transformer les 15 millions de français qui actuellement pratiquent le Minitel en usager d'un Internet universel...
Chacun prendrait alors conscience combien pèsent lourds sur la toile mondiale les savoir-faire emmagasinés depuis bientôt 20 ans par les français car acheter des machines est certes un point de comparaison aisé mais l'acquisition d'usages est un bien beaucoup plus précieux qu'il ne nous faut pas galvauder.
III. LES MESURES EN FAVEUR DES ENTREPRISES
A) L'AIDE À LA CRÉATION DE SOCIÉTÉS INNOVANTES
L'acquisition de start-up innovantes est devenue une activité stratégique des plus grands groupes, preuve de leur capacité à effectuer des percées technologiques décisives correspondant aux besoins du marché.
En témoignent le rachat de Web TV par Microsoft ou le passage sous la bannière américaine des françaises Chorus et O2, spécialistes, la première, des systèmes d'exploitation de réseaux intelligents, la seconde, de bases de données objet, acquises, respectivement, par Sun et Unidata.
Favoriser l'émergence et la croissance en France de ce type de sociétés et les y retenir est une priorité absolue.
Il faudrait commencer par en persuader tous les fonctionnaires qui, au sommet ou aux niveaux intermédiaires de leur hiérarchie, sont en contact avec elles.
Sans doute, devrait-on concevoir différemment, dans ce sens, les stages en entreprise des élèves de l'ENA et y assujettir ceux de l'Ecole nationale des impôts, de façon, dans le cas de ces derniers, à ce qu'ils comprennent que les start-up d'aujourd'hui sont les gros contribuables ou cotisants de demain.
Les trois principales déficiences du système français de financement et de développement de sociétés innovantes, après la création de fonds communs de placement spécialisés et du nouveau marché concernent :
- le capital d'amorçage,
- la constitution d'une «seed generation» de «business angels» (semeurs, messagers, parrains, comme on voudra, ou grands frères : ce sont des entrepreneurs ayant déjà réussi dans ce type d'aventures prêts à servir de modèles et à aider leurs émules en leur apportant des ressources financières et un capital d'expériences) ;
- enfin, le recrutement de collaborateurs, par les entreprises, et d'experts, par les institutions financières spécialisées, venant de l'étranger et des Etats-Unis en particulier.
1. Le capital d'amorçage
Concernant le capital d'amorçage , il est souhaitable que des initiatives comme celle de l'INRIA soient encouragées et relayées.
Spécialiste de l'essaimage réussi (23 sociétés ayant créé 800 emplois dont Ilog et O2 en sont issues), l'institut avait envisagé de réinvestir les gains en capital réalisés grâce à ces créations de filiales dans un fonds d'amorçage.
Il faut que les Pouvoirs Publics donnent leur accord définitif à une telle démarche.
Il est à souhaiter non seulement qu'il le reçoive mais que son exemple soit imité par d'autres établissements publics comme le CEA, le CNRS et le CNET.
En outre, il faut créer une Agence Nationale pour le Capital d'Amorçage, finançant le coût supplémentaire que représente, par rapport à un dossier de capital risque ordinaire, l'étude des dossiers correspondants par des investisseurs.
Il faut s'interroger, par ailleurs, sur l'opportunité de doter cette agence d'un fonds doté par l'Etat, qui pourrait être géré par la Caisse des dépôts, dont les interventions se limiteraient à inciter les fonds privés à investir en capital d'amorçage, en assumant une partie du supplément de prise de risque que cela comporte.
- une partie du capital d'amorçage (les premiers fonds nécessaires) provient, traditionnellement, des amis et de la famille de l'entrepreneur ainsi, aux Etats-Unis, que des « Business angels » évoqués ci-dessus.
Il conviendrait, tout d'abord, de faciliter la mobilisation de ces fonds par les entrepreneurs auprès de la famille et des amis, en modifiant les dispositions, complexes et restrictives (61 ( * )), de l'article 199 terdecies OA du code des impôts (réduction d'impôt au titre des souscriptions au numéraire de sociétés non cotées).
Il pourrait être envisagé notamment :
Ø d'élever les limites de déductibilité, en pourcentage des souscriptions et en valeur absolue (par exemple à 50 % et 500.000 F),
Ø de raccourcir la durée obligatoire de détention des parts de FCPI (à 2 ans compte tenu de la rapidité du développement des technologies), avec un régime d'imposition des plus-values favorable en cas de cession,
Ø d'étendre le bénéfice de ces mesures aux sociétés de service qui seraient susceptibles, après quelques années d'activité, de devenir des sociétés de produits.
2. Le parrainage
Concernant les «parrains» (business angels) de la jeune entreprise, ce sont souvent des personnes qui, ayant réussi, sont assujetties à l'ISF.
Leur décision d'aider au démarrage d'une start-up peut les amener, soit à vendre, à un moment défavorable du point de vue fiscal, une partie de leurs biens mobiliers et immobiliers, soit à abandonner leurs fonctions, tout en conservant leur outil de travail pour le mettre au service de la nouvelle société.
Il faudrait éviter qu'ils ne s'en trouvent pénalisés (leur patrimoine se trouvant évalué, quoi qu'il arrive, au 31 décembre, et l'exonération de leurs biens professionnels ne pouvant plus jouer).
Ces aménagements de l'ISF devraient pouvoir bénéficier à toutes les personnes qui contribuent à la naissance d'une société innovante.
3. Le recrutement de collaborateurs étrangers
Concernant le besoin de collaborateurs étrangers de qualité (surtout américains), associés à la gestion, soit des entreprises elles-mêmes, soit des fonds communs, soit du nouveau marché, leur recrutement dépend bien sûr de la rémunération, nette d'impôts , susceptible de leur être offerte.
Le meilleur moyen, pour des entreprises de croissance, d'attirer des collaborateurs étrangers (ou pourquoi pas des Français expatriés ?) demeure le régime de stock-options (options de souscription ou d'achat d'actions) qu'elle peut leur proposer.
Les plus-values, encaissées à l'occasion des levées d'option sur la vente de titres correspondants, récompensent le risque pris par des personnes qui ont abandonné un poste de responsabilité, bien rémunéré, dans une société solide, pour se lancer dans une activité nouvelle.
« Vouloir considérer les gains réalisés ainsi comme un salaire - souligne le livre blanc de croissance plus - introduit une injustice flagrante entre le traitement fiscal des plus-values mobilières réalisées par les autres actionnaires (fondateurs, institutions de capital risque...) et celles bénéficiant aux collaborateurs de l'entreprise ».
Or l'avantage tiré de la levée de l'option, lorsque le bénéficiaire vient à céder ses titres (différence avec le prix d'acquisition) est imposable à l'impôt sur le revenu soit comme plus-value sur valeurs mobilières, au taux spécial de 30 %, soit comme un salaire, sur option de l'intéressé.
La fraction des rabais (différence entre le prix d'option et la valeur du titre) qui dépasse 5 % est soumise à l'impôt sur le revenu comme salaire.
Même lorsque le régime des plus-values de cession mobilières s'applique, les gains sont assujettis au prélèvement social de 1 %, à la CRDS et à la CSG, ce qui porte le taux d'imposition réel à 34,9 %.
En outre, l'intégralité des charges sociales sur les salaires est prélevée, dans le cas où la cession survient moins de cinq ans après l'attribution de l'option.
Cependant, l'article 50 de la loi de finances pour 1998 a mis en place un régime, plus favorable d'imposition au taux privilégié de 16 % des gains réalisés à l'occasion de la cession de nouveaux bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises.
Cette disposition s'applique à des salariés ayant au moins trois ans d'ancienneté, dans une entreprise existant depuis moins de sept ans, créée à compter du 1 er janvier 1998.
Une exonération de charges sociales s'y ajoute.
Le bénéfice en a, en outre, été étendu aux sociétés issues d'un essaimage, ce qui constitue une excellente disposition.
Il apparaît toutefois souhaitable :
n pour les plans antérieurs à 1998, d'abroger l'assujettissement aux charges sociales tel qu'il résulte de la loi sur le financement de la Sécurité sociale du 27 décembre 1996 et de la loi de finances rectificative pour 1996 ;
n pour le dispositif de la loi de finances de 1998, de pouvoir en faire bénéficier à la fois des entreprises plus anciennes qui, étant encore en période de maturation, ont toujours besoin d'attirer des collaborateurs, notamment étrangers, de qualité, et les salariés embauchés depuis au moins un an, à charge pour chaque société de fixer elle-même ses règles de levée d'options.
Un autre moyen de pouvoir recruter des collaborateurs étrangers de qualité, non plus dans les sociétés innovantes elles-mêmes, mais en tant que gestionnaires de fonds de capital risque, consiste à être en mesure de leur offrir l'équivalent des « carried interest » américains. Il s'agit de compléments de salaires, sous la forme d'une participation à un certain pourcentage (généralement 20 %) des gains réalisés par le fonds, considérée, fiscalement, aux Etats-Unis comme une plus-value mobilière.
S'agissant de fonds immatriculés hors de France, ces sommes sont considérées comme des salaires, soumis à l'impôt sur le revenu et aux charges sociales, ce qui, évidemment, freine les implantations en France d'agences ou de filiales d'institutions étrangères de capital risque.
4. Les FCPI
Concernant les Fonds communs de placement dans l'innovation, créés par la loi de finances pour 1997, certaines de leurs dispositions ne correspondent pas à la pratique des sociétés innovantes et devraient donc être revues, par exemple :
n l'obligation de détention de 50 % au minimum du capital des sociétés concernées par des personnes physiques (62 ( * )) qui ne tient pas compte de la dilution réelle des Fondateurs ;
n la nécessité d'investir 60 % des fonds durant l'exercice même de leur levée (alors qu'il faut 4 ans, en moyenne).
Les plafonds de déductibilité (25 % du montant investi dans la limite de 75.000 F par personne) pourraient être élargis et une sortie de l'assiette de l'ISF des dépenses correspondantes consentie.
Comme cela a été rappelé dans le précédent chapitre de cet ouvrage, les dispositifs précédents d'incitation à l'investissement outre-mer, dans le cinéma et l'audiovisuel, ou les chantiers navals, étaient beaucoup plus généreux (le soutien fiscal aux quirats de navire coûtait ainsi à l'Etat le double du montant total annuel des investissements des Fonds de capital risque français).
Or, l'aide fiscale à la création d'entreprises de croissance risque de payer en retour bien davantage l'Etat et la Sécurité sociale.
5. La valorisation de la recherche publique
Par ailleurs, comme le souligne Croissance plus, « de nombreux travaux originaux dans les laboratoires publics français ne débouchent sur aucune forme d'industrialisation par manque de filière structurée. Les chercheurs détenteurs d'une innovation majeure devraient être incités fortement à lever des fonds auprès des fonds de capital risque alors qu'aujourd'hui, ils sont pénalisés s'ils créent une entreprise parce que cela est incompatible avec leur statut de fonctionnaire ».
Il importe de reprendre les dispositions du précédent projet de loi, inspirées d'exemples étrangers et avalisées par le Conseil d'Etat, tendant à permettre à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes (mon collègue Pierre Laffitte a déposé une proposition de loi en ce sens).
Les laboratoires devraient aussi être incités à participer à cet effort, en entrant au capital des sociétés ainsi créées, afin de rentabiliser leur investissement de recherche, qui vient de trouver un débouché, et ne pas laisser le chercheur et les investisseurs privés en tirer seulement profit. Les gains réalisés à travers ces investissements seraient alors réinvestis dans de nouveaux projet.
Ces recommandations s'inscrivent dans la ligne de la priorité à accorder à l'essaimage, y compris celui du secteur privé (cf. DassaultSystèmes) et au capital d'amorçage.
Il faut, par ailleurs, favoriser la prise de brevet par les chercheurs français (l'office européen ne leur en a délivré, en 1995, que 3.464 contre 8.797 à des déposants allemands).
Dans un article publié dans la Recherche, en septembre 1996, le Directeur scientifique de l'Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielle (ESPCI) de Paris rappelle les obstacles (63 ( * )) qui peuvent contrarier cet objectif sur les plans juridique (décrets de création ou règlements intérieurs contraignants des établissements), financiers, ou culturels (le chercheur qui réussit financièrement est peu ou mal reconnu et suscite une espèce de jalousie).
Il rappelle également que certains brevets nécessitent des investissements trop importants pour pouvoir être valorisés par une PME et qu'il est préférable, dans ce cas, de chercher un partenaire industriel et de conclure un accord de licence.
Le statut de la Fonction publique doit évoluer :
n désormais certains salariés auteurs d'une invention ou créateurs de logiciels bénéficient d'une rémunération supplémentaire (en vertu de deux décrets du 2 octobre 1996, relatifs à l'intéressement de certains fonctionnaires et agents de l'Etat, ou établissements publics, auteurs d'une invention ou d'une découverte) ;
n mais demeure interdite la prise d'intérêts par des chercheurs, enseignant-chercheurs ou techniciens de recherche, dans une entreprise qui entretient des liens avec leurs laboratoires (64 ( * )) d'où les difficultés, évoquées ci-dessus, rencontrées par Georges Charpak , concernant le subventionnement des travaux menés pour le compte de la société Biospace , qu'il avait créée, par un laboratoire de l'ESPCI (Ecole de Physique et de Chimie de Paris).
6. Les autres mesures souhaitables
Pour en revenir aux fonds communs de placement à risque (dont les FCPI sont une variante), la règle de l'exclusivité de leur objet social (qui doit se limiter à la gestion, à l'exclusion de toute activité de conseil auprès de sociétés extérieures) paraît inadaptée aux cas particuliers de projets d'acquisition qui nécessitent l'étude de la société cible (cf. La Tribune du 11 septembre 1997).
Une réforme, tant de la Directive européenne que de la législation française applicables, s'impose sur ce point.
D'autres mesures, de nature juridique ou fiscale, susceptibles de faciliter la création d'entreprises innovantes, sont souhaitables :
n on ne voit pas, par exemple, pour quelles raisons a été limitée à deux ans l'application du report d'imposition, prévu par la loi de finances pour 1998, des plus-values de cession de droits sociaux réalisées par les dirigeants de sociétés qui les réinvestissent dans des sociétés nouvelles créées depuis moins de cinq ans ;
n l'éventualité de l'ouverture aux « Start-up » du régime, très souple, des sociétés par actions simplifiées (article 262-1 et suivant de la loi de 1966) pourrait être mise à l'étude ;
n J'ai par ailleurs signé avec mon collègue Pierre LAFFITTE une proposition de Loi tendant à créer des entreprises à partenariat évolutif afin de pouvoir réévaluer, au cours de leur vie, les apports immatériels de capital compétence (innovations, inventions...) dont elles ont bénéficié initialement (ces apports, dont le droit français, de nature patrimoniale, ne tient compte que très imparfaitement, sont évalués, une fois pour toutes, à la création d'entreprise) ;
7. Pourquoi l'échec est-il fatalement frappé d'opprobre en France ?
N'est-il pas légitime de considérer l'absence de droit à l'échec comme l'une des principales entraves à la création d'entreprises en France ?
Alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, un créateur d'entreprise ayant connu un échec bénéficie d'un a priori favorable pour créer une nouvelle entreprise, il est très regrettable qu'en France, un entrepreneur ayant été obligé par le marché ou par un manque de financement de déposer le bilan de son entreprise soit frappé d'« opprobre » par l'« establishment » alors que très souvent ces chefs d'entreprise ont acquis dans cette épreuve douloureuse un savoir-faire et une vigilance qui leur seraient précieuses pour mener à bien une nouvelle aventure.
C'est devant de tels comportements culturels que nous prenons conscience du fossé qui sépare une société de défiance d'une société de confiance...
Dans cette démarche de confiance, l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises, considérablement restreinte, à partir de 1995, malgré le nombre croissant de candidats, mériterait-il d'être réactivée au profit de ceux qu'un échec, dans le domaine de l'innovation peut avoir rendus plus expérimentés. On pourrait envisager également d'associer les licenciés économiques aux bénéfices des stocks options de leur entreprise.
B) L'ORIENTATION DE L'ÉPARGNE LONGUE
Le capital risque, on l'a vu, doit être un capital patient. Ce n'est qu'à long terme que les gains par ici compensent, à coup sûr, et au-delà, les inévitables pertes essuyées par là.
Il importe donc :
- de lever les obstacles réglementaires qui ne permettent pas aux fonds d'assurance-vie (qui gèrent environ 2.500 milliards de francs) d'investir dans les fonds de capital risque.
L'essentiel des sommes collectées est placée, en effet, pour le moment, en titres obligataires.
L'impact psychologique des mesures fiscales limitatives prises récemment par les gouvernements successifs risque d'avoir été globalement négatif malgré l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficient les produits des contrats investis en titres non cotés ou cotés sur le nouveau marché (étendue, par la suite, aux actions constituant 50 % au moins du placement de contrats comprenant par ailleurs au minimum 5 % de titres de capital risque) ;
n on attend, par ailleurs, avec impatience, le projet de loi, qui, réformant la loi Thomas (dans quel sens ?), devrait enfin aboutir - du moins on l'espère - à la création de fonds de pension à la française.
Il s'agit d'une évolution que les contraintes démographiques de notre pays rendent, en tout état de cause, absolument inéluctable et dont les conséquences sur le financement de l'innovation nationale pourraient être très positives (à condition que les produits de cette épargne soient orientés dans ce sens, comme il est souhaitable).
C) L'ENGAGEMENT DES BANQUES
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, notamment les Etats-Unis, la Grande Bretagne, et l'Allemagne, le système bancaire est en France peu impliqué dans le financement d'activités à risque.
Quatre projets seulement de créations de FCPI ont été à ce jour annoncés (65 ( * )).
Il semble que des dispositions inhibitrices de notre droit, telles que celle du «soutien abusif» (qui peut conduire les banques à combler le passif de l'entreprise) devraient être revues.
Des mécanismes pourraient notamment permettre d'éviter le dépôt de bilan d'entreprises, que les banques refusent de soutenir, quand elles rencontrent des problèmes liés à la rapidité de leur développement. Ces entreprises sont en quelque sorte victimes de leur succès : alors qu'elles sont en pleine croissance et que leur carnet de commandes est bien garni, elles se heurtent à des problèmes liés à la sous-estimation des coûts de développement ou des frais de lancement d'un produit ou tout simplement de leurs besoins en fonds de roulement (il faut payer les fournisseurs et financer la production avant que les factures des clients soient réglées).
D) LA SITUATION DES SOCIÉTÉS EXISTANTES
Le dynamisme de la création des NTIC provient pour une bonne part de la création de sociétés innovantes mais pas exclusivement. L'activité d'entreprises bien établies ou de grands groupes importe également.
Or :
n dans le domaine stratégique et créateur d'emplois, des semi-conducteurs, la France peine à attirer les investissements étrangers, en raison non seulement d'un différentiel défavorable en matière d'impôt sur les sociétés (de deux ou trois points) mais surtout d'un écart considérable (de 5 à 10) concernent les impôts locaux.
Il est indispensable de revoir, pour les entreprises de ce secteur, le plafonnement des crédits d'impôt recherche (qui n'est pas adapté aux montants des dépenses nécessaires) et surtout les mécanismes de calcul de la taxe professionnelle (qui pénalisent l'accroissement, souvent très important, du montant des investissements des entreprises concernées).
n concernant la surtaxe des plus-values financières des entreprises, décidée par la loi de 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, il paraît particulièrement regrettable d'avoir fait passer sous le régime du droit commun (taux de l'impôt sur les sociétés, majoré pour toutes celles réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires) les plus-values, auparavant taxées à taux réduit, relatives aux produits de la propriété industrielle et à la cession des brevets (selon M. Mercier, du bureau Francis Lefebvre, cette dernière disposition pourrait conduire bon nombre d'entreprises à délocaliser à l'étranger leurs départements de recherche).
Il est urgent de corriger les effets les plus nocifs de cette décision.
E) LES AIDES AUX TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE
ET
À LA VALORISATION DE LA RECHERCHE
Concernant les transferts de technologie, il importe, tout d'abord, de mettre de l'ordre dans le dispositif foisonnant actuel, et, à tout le moins, d'en mieux coordonner les actions (comme cela a été tenté, en ce qui la concerne, par la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur avec la mise en place de la « route des hautes technologies »).
La différence entre création et utilisation de technologies nouvelle s'estompe, on l'a vu, l'innovation devenant, de plus en plus, le résultat d'un processus de création collective, sous l'effet, notamment, du développement des réseaux.
Il faut encourager cette tendance.
Autre préoccupation : orienter davantage les aides commu-nautaires (66 ( * )) vers les PME et, plus particulièrement les plus innovantes d'entre elles, qui ne sont pas nécessairement les plus douées pour la chasse aux subventions.
Comme le souligne mon collègue Pierre Laffitte : « Les procédures lourdes et bureaucratiques consécutives aux systématiques appels d'offres sur les thèmes définis par la Commission de Bruxelles, s'opposent à la souplesse des procédures Eurêka ».
Seules les PME qui ont su trouver les formules de lobbying appropriées peuvent espérer un retour sur les dépenses qu'occasionne pour elles la présentation d'un dossier.
Concernant la valorisation de la recherche française, elle reste insuffisante, si on en croit le dernier rapport de l'Observatoire des Sciences et Techniques, malgré le bon travail de terrain et de coopération européenne (dans le cadre d'Eurêka), réalisé par l'ANVAR.
Nos résultats s'améliorent quant aux publications, mais se dégradent en terme de brevets, particulièrement, s'agissant des TIC, en électronique et en sciences pour l'ingénieur.
Paris, l'Essonne et les Hauts-de-Seine, apparaissent, dans les deux cas, comme les plus souvent cités au niveau international, ce qui n'est guère satisfaisant sur le plan de l'aménagement du territoire et de la décentralisation de la recherche.
Dans ces conditions, le crédit d'impôt recherche, régionalisé, devrait être, plus que jamais, pérennisé, sans être dénaturé par l'abus de contrôles fiscaux exercés auprès de ses bénéficiaires.
Une mission d'évaluation de l'ensemble du dispositif français de valorisation de la recherche a été confiée à l'ancien PDG de l'ANVAR, Henri Guillaume, qui devra s'interroger, notamment sur le point de savoir s'il est satisfaisant qu'un tiers seulement des interventions de l'agence s'effectuent dans les hautes technologies et que 80 millions de francs, à peine, de son budget, soient consacrés, en 1997, à la création d'entreprises innovantes.
Concernant la valorisation de la recherche publique, le modèle de FIST (France Innovation Scientifique et Transfert), mériterait de faire école. Il s'agit d'une société anonyme, destinée à sélectionner, protéger, évaluer et négocier les projets d'innovation technologique issus du CNRS (et aussi d'autres organismes académiques et de PME).
70 % du capital devrait en être détenu par le CNRS et 30 % par l'ANVAR. Après s'être efforcé, dans un premier temps, de faire face à l'augmentation des dossiers de valorisation issus du Centre National, FIST s'efforce de prospecter de nouvelles clientèles, notamment les universités et les PME.
F) LE RÔLE DE L'ETAT
Il semble désormais tout à fait exclu que l'Etat prétende gérer lui-même des entreprises du secteur concurrentiel et se livrer, comme il l'a fait par le passé, à des parties de mécano industriel tendant à constituer des « champions nationaux » ou à restructurer de grands groupes.
Les politiques dirigistes de l'offre ne sont plus, on l'a vu, adaptées à un contexte marqué par l'accélération des évolutions techniques et commerciales et par l'intensification de la concurrence à tous les niveaux (national, européen, mondial) et dans tous les domaines.
Mais l'Etat, garant des intérêts supérieurs de la Nation et de l'intérêt général, de même, pour l'Union européenne et par application du principe de subsidiarité, que les autorités communautaires, ne peuvent se désintéresser de tout ce qui concerne :
n l'Education :
n la Recherche ;
n la Prospective (par-delà les évolutions à court terme du marché, dictées par les intérêts particuliers des compétiteurs) ;
n le Service Public Universel et l'égalité d'accès au NTIC ;
n Leur environnement normatif et juridique (standards, droit de la concurrence, régulation des contenus, attribution de fréquences, fiscalité...) ;
n Enfin, les infrastructures.
Concernant plus particulièrement les entreprises, qui nous intéressent ici, j'insisterai plus particulièrement sur :
n leur environnement fiscal et administratif qui doit être rendu plus favorable (cf. considérations qui précèdent) ;
n les infrastructures qui font l'objet de la sollicitude des Gouvernements japonais et américains (67 ( * )), tandis que, comme le note « Usine Nouvelle du 13 novembre 1997 », l'Europe risque d'être le parent pauvre d'Internet 2, avec les 34 Megabit/s de son réseau TEN-34 (Trans European Network) qui connecte les grands centres de recherche du vieux continent (son successeur Quantum, devrait, cependant, approcher les 155 mégabits/s, mais à quelle échéance ?) ;
- enfin, la recherche, l'intensification de la concurrence dans le secteur des télécommunications peut laisser craindre un pilotage de celle-ci par l'aval et une remise en cause du rôle éminent du CNET qui pourrait être tenté par un repli sur soi.
On doit à cet établissement beaucoup des acquis scientifiques et industriels français mais une trop grande dépendance à son égard de l'ensemble des acteurs de la filière, notamment des PME, constitue aujourd'hui un point faible. Des modalités plus souples et spécifiques de recherche associative, se substituant partiellement aux « grands projets » seraient nécessaires.
Le rapport de MM. Lombard et Kahn sur l'avenir de la recherche et développement française dans le secteur des télécommunications a préconisé, notamment :
n la fédération, en amont, des pôles de compétence en un réseau national de recherche (CNET, INRIA , CNRS , CEA , universités et écoles...) ;
n dans le domaine des applications, des coopérations entre opérateurs, chercheurs du secteur public et équipementiers, en veillant à y associer les PME, et avec le soutien des pouvoirs publics à de grands projets à forts enjeux de société (éducation, santé).
Je souscris à ces recommandations tout en estimant que ce rapport traite insuffisamment :
n des télécommunications spatiales (pour lesquelles un renforcement des compétences du CNES est absolument nécessaire) ;
n des implications de la convergence entre les télécommunications (notre point fort essentiel) et l'informatique (notre principal point faible) ;
n du rôle stratégique et industriel essentiel des composants.
La France pourra-t-elle demeurer un des seuls grands pays industriels dans lesquels l'Etat n'aide pas directement la R & D en télécommunications, les opérateurs étant déjà mis à contribution pour la péréquation géographique ?
Ne sommes-nous pas handicapés par l'insuffisante mobilité de nos chercheurs (entre laboratoires, du public au privé, vers les PME innovantes) ? ou par le fait que des coopérations naturelles en d'autres lieux (comme la Silicon Valley) laissent, chez nous, à désirer ?
Par ailleurs, la force de nos positions dans les télécommunications peut se trouver menacée par la faiblesse de celles que nous occupons en informatique La convergence, entre les deux, risque de s'effectuer au profit de cette dernière, dont le taux de croissance est beaucoup plus rapide et qui prend de plus en plus d'importance.
Deux domaines me semblent particulièrement cruciaux.
Le logiciel (qui permet de relever les défis de la surabondance de données accessibles et de la complexité engendrée par la diversification des techniques, des réseaux et des normes) ;
les composants et, plus particulièrement, les « média-processeurs » qui seront au coeur des multiples terminaux multimédia de demain (PC, décodeurs TV, mobiles...).
Le traitement des signaux multimédia, l'intégration dans le silicium des fonctions correspondantes, le génie logiciel susceptible d'améliorer la convivialité et l'interopérabilité des différents systèmes, me paraissent des priorités absolues. Or, dans ces domaines, le niveau d'investissement en R & D des géants américains (Microsoft et Intel) est particulièrement difficile à égaler.
Mais, d'une façon générale, je préfère à la subvention tout ce qui peut contribuer à améliorer l'environnement fiscal et administratif des entreprises et à donner leur chance aux jeunes sociétés innovantes.
Le Gouvernement vient d'annoncer 37 mesures de simplification administratives qui vont dans le bon sens (déclaration unique d'embauche généralisée, inscription en un jour au lieu de cinq d'une entreprise au registre de commerce, bulletin de paie allégé pour les sociétés de moins de 10 salariés...).
D'autres dispositions seraient souhaitables, notamment pour faciliter les procédures d'exportation ou en ce qui concerne les marchés publics d'un montant de moins de un million de francs ne donnant pas lieu à appel d'offres...
Mais, il reste surtout à mettre en oeuvre le fameux guichet unique concernant les aides et les transferts de technologie aux entreprises à un échelon qui demeure à déterminer (région, organismes consulaires, services régionaux du ministère de l'industrie ?..).
Des mesures fiscales spécifiques d'encouragement à l'utilisation de micro-ordinateurs en réseaux pourraient être envisagées à destination des très petites entreprises souvent exclues des dispositifs d'aide actuels (particulièrement dans le secteur des services et pour des investissements de faible montant).
Un rapport du Plan avait proposé d'accorder à celles nouvellement créées une aide généralisée d'environ 50.000 F, dans la limite de 50 % des capitaux engagés (sous la forme, par exemple d'une subvention remboursable à partir de la troisième année). Cette aide pourrait être adaptée à l'acquisition de matériels informatiques pour les petites entreprises nouvellement créées.
IV. LES OPPORTUNITÉS POUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Comme cela a déjà été souligné dans cet ouvrage, les nouvelles techniques d'information et de communication offrent à l'aménagement du territoire des opportunités certaines dont l'exploitation suppose cependant un effort particulier des collectivités concernées, avec l'aide de l'Etat.
Les opportunités des NTIC, du point de vue de l'aménagement du territoire, résultent des interactions vertueuses qu'elles permettent d'établir entre maintien ou localisation, dans des zones défavorisées, de populations et d' activités vitales.
Téléservices et télétravail se confortent mutuellement.
n Les téléservices (enseignement, santé, culture, adminis-tration...) améliorent la mobilité géographique des personnes actives et incitent au maintien sur place ou à l'installation de retraités (fraction croissante de la population de l'ensemble du pays et clientèle importante des commerces ou des autres services locaux).
n le télétravail qui, de son côté, peut entraîner l'installation, dans les mêmes régions en difficulté, d'activités spécifiques [travail d'arrière guichet (back office), télémaintenance, traitement à distance d'informations...], s'en trouve favorisé dans la mesure où il garantit aux personnes concernées et à leurs enfants l'accès à distance à des prestations de qualité notamment dans les domaines des soins et de l'éducation.
n Si les téléservices encouragent ainsi le télétravail, la réciproque existe : le télétravail consiste en grande partie en téléservices.
Le télétravail peut prendre plusieurs formes présentant chacune des avantages appréciables non seulement du point de vue de l'aménagement du territoire, mais aussi eu égard aux intérêts des entreprises et des administrations et à la satisfaction de leurs clients ou usagers :
n réduction des surfaces de bureaux donc des coûts immobiliers, le télétravail à temps partiel à domicile ou pendant les déplacements, entraînant l'utilisation collective et partagée, et non plus individuelle, des espaces correspondants (68 ( * )).
n gains de productivité du fait d'économies sur les temps de transports et du raccourcissement des délais nécessaires à l'accomplissement de certaines tâches (transmission de rapports de missions, établissements de contrats de ventes chez les particuliers...).
n décentralisation, pour mieux satisfaire la clientèle, de certaines activités (maintenance, services de proximité...) ou de tâches d'arrière guichet («back office» par opposition à «front office») pour revitaliser des zones dépeuplées ou défavorisées.
- développement de nouvelles formes d'organisation du travail (à temps partiel, en alternance sur plusieurs sites) susceptibles, par leur souplesse, de favoriser l'emploi local.
Mais ce n'est pas seulement à travers le développement du télétravail indépendant ou salarié que l'aménagement du territoire se trouve encouragé par les NTIC, mais aussi grâce aux possibilités qu'offrent ces dernières de s'affranchir de certaines contraintes géographiques (proximité de la clientèle, des donneurs d'ordre ou des sous-traitants, des partenaires...) dans l'implantation d'industries ou de services.
Ceci est particulièrement vrai des productions immatérielles (logiciels, télégestion...).
Rien n'est cependant acquis et le développement des NTIC n'entraînera pas ipso facto la localisation ou le maintien d'activités dans les zones en difficulté.
Les technologies de l'information, en effet :
n accroissent la concurrence de ce point de vue entre municipalités, pays, régions, Etats en même temps qu'elles leur donnent à tous de nouvelles chances.
n ne suppriment pas le besoin chez l'homme de contacts enrichissants et diversifiés, qui ne soient pas seulement virtuels, tels qu'il s'en établit dans des grandes métropoles ou des communautés comme la Silicon Valley.
n peuvent aboutir à accentuer la centralisation de certaines activités tertiaires (en ce qui concerne, par exemple, les réservations de billets d'avions ou les succursales de banques américaines en Europe, tentées de n'ouvrir qu'une seule agence à Londres, du fait du marché unique, plutôt qu'une dans chaque capitale européenne...).
Une politique volontariste, reposant sur les initiatives de la base (collectivités, entreprises, système éducatif) mais appuyée par l'Etat demeure donc indispensable. Rien ne se fera spontanément sans elle.
Elle doit tendre à :
n accorder aux investissements relatifs aux NTIC (enseignement et infrastructures) la même considération qu'aux transports terrestres (pour lesquels environ 100 milliards de francs sont dépensés chaque année), sans négliger pour autant ces derniers.
n encourager la mobilité professionnelle par le développement de téléservices également accessibles sur tout le territoire (soins et enseignement de qualité, services administratifs...).
n favoriser le télétravail, notamment dans les services publics (éducation, enseignement supérieur, recherche...) et en dotant les télétravailleurs indépendants d'un statut juridique et fiscal approprié.
n partir des atouts réels des territoires concernés (leur potentiel économique, environnemental, culturel...) sans succomber, au niveau national, au saupoudrage des moyens et à la dispersion de nos forces, ni privilégier, au niveau local, les créations d'activités nouvelles au détriment du renforcement des tissus régionaux existants, dans leurs composantes encore viables.
n laisser émerger les initiatives locales (qu'elles viennent des entreprises, des collectivités ou du système d'éducation et de formation professionnelle...), les fédérer et les appuyer.
n recourir à des expérimentations concrètes qui sont autant de moyens de sensibilisation des usagers.
n rationaliser les dispositifs de transferts de technologies vers les PME-PMI régionales ou locales.
Les NTIC, au fur et à mesure qu'elles se banalisent, deviennent en même temps un moyen de plus en plus déterminant mais aussi de moins en moins discriminant, de localisation des activités économiques.
Il ne faut donc pas tout miser sur elles et jouer aussi sur d'autres facteurs : la qualité de la vie et des hommes, l'environnement culturel.
En même temps que s'étendent les réseaux se renforce le besoin d'identification des hommes à un territoire et c'est tant mieux. Cela peut créer une forte motivation des acteurs concernés afin d'exploiter au mieux, grâce aux NTIC, les atouts de leurs régions.
Dans un monde de plus en plus exposé à la concurrence internationale, l'aménagement du territoire doit se servir des nouvelles techniques d'information de deux manières :
- en les utilisant, de façon diffuse, sur tout le territoire,
- en regroupant leurs moyens de conception et de développement dans des pôles compétitifs, nécessairement peu nombreux à l'échelon national (sortes de Silicon Valley à la Française) où peuvent s'effectuer les mêmes fertilisations croisées et se créer des synergies bénéfiques à l'ensemble du territoire.
* (60) BPS, Cité des Sciences, CNED, INA, etc...
* (61) Limitation à 25% des souscriptions en numéraire
n à 75.000 F par personne et 150.000 F des fonds versés
n en cas de souscription de parts de FCPI, elles doivent être conservées pendant 5 ans
n la société doit exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale.
* (62) Cette obligation a été assouplie par la loi de finances rectificative pour 1997, en ce qui concerne les participations des sociétés de capital risque, de développement régional, des société financières d'innovation ou d'autres FCPI.
* (63) Coût d'un brevet : 50.000 F (sur cinq ans), en France, 200.000 F pour les extensions à l'étranger, sans compter l'Europe. La liberté du chercheur en la matière est souvent entravée par les responsables d'établissements. Au CNRS, un régime de collectivisation, proche du privé, est pratiqué. Quand il a créé Biospace, Georges Charpak s'est vu refuser, dans un premier temps, que les subventions qu'il devait recevoir bénéficient à son laboratoire de l''ESPCI.
* (64) Loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et article 432-13 du code pénal.
* (65) Banques populaires, ABN, Amro, CDC, « Innova France » (groupe Banque Hervet)
* (66) Les négociations en cours sur le cinquième « programme cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998/2002) » doivent aboutir prochainement.
* (67) Internet 2 vise une ossature à 500 Megabits/s et des bandes passantes de l'ordre de 155 Megabits/s. Le projet NGI et ses ossatures à plusieurs gigabits/s, devrait mobiliser 100 millions de dollars par an, pendant cinq ans, pour multiplier par 1.000 la vitesse de transmission des données du réseau actuel.
* (68) Cf. Andersen Consulting ou IBM en région parisienne. Dans certains métiers commerciaux et de conseil, un salarié ne reste assis à son bureau que 20 % maximum de son temps de travail. Les concepts de « hot desking », « in time office » ou « unitel » (locaux à mi chemin entre l'université et l'hôtel) permettent d'envisager de réduire les surfaces de bureaux de 30 à 40 %.