II. LES RAISONS DU SUCCES DES PORTS DU BENELUX
A. UN EFFET DE MASSE
Bien plus que dans leur organisation technique et commerciale, le secret de la compétitivité des ports du Benelux réside d'abord dans leur gigantisme. En effet, la logique du secteur des transports favorise les effets de masse.
1. Des économies d'échelle substantielles
La capacité annuelle de manutention du port de
Rotterdam est actuellement de 4,5 millions de conteneurs et devrait doubler
d'ici au début du siècle prochain. Les terminaux à
conteneurs les plus récents, complètement automatisés,
permettent de charger les "boîtes" à bord des navires sur
18 largeurs, tandis que des trains routiers de cinq remorques font la
navette entre les portiques et les parcs.
Le terminal charbonnier et minéralier du port de Rotterdam a une
capacité de déchargement de 140.000 tonnes par jour, les godets
de ses portiques pouvant engloutir en une fois 85 tonnes. Les navires
reçus par ces installations sont à la mesure de leur gigantisme.
Les méga porte-conteneurs peuvent charger jusqu'à
6.000 conteneurs EVP (équivalent vingt pieds) et les vraquiers
peuvent atteindre 350.000 tonnes de port en lourd.
Cet effet de taille permet de réduire considérablement le
coût unitaire du traitement de la marchandise. Ainsi, une étude du
port de Rotterdam a établi que le compte d'escale d'un porte-conteneurs
s'élève en moyenne à 60.359 florins à Rotterdam,
53.330 à Anvers et 52.032 florins seulement au Havre. Le plus faible
compte d'escale est donc celui du Havre, mais c'est aussi dans ce port que le
diviseur, c'est-à-dire le nombre de conteneurs manutentionnés au
cours d'une escale, est le plus bas.
A ces économies d'échelle d'ordre technique, s'ajoute un effet de
masse de nature commerciale. Le volume et la variété des
marchandises traitées dans des ports tels qu'Anvers ou Rotterdam
garantissent à tout armateur qu'il pourra y compléter une
cargaison.
Cet effet de masse joue également pour la desserte terrestre : tous les
camions ou les trains qui viennent apporter des marchandises dans ces ports
sont assurés de ne pas en repartir à vide. L'économie des
transports repose sur la recherche de ce qu'il est convenu d'appeler la
"massification des flux"
. Cette logique ne peut que jouer en
faveur des
ports qui se trouvent déjà en situation dominante.
2. Une politique tarifaire lucrative
L'attrait des économies d'échelle pour les
utilisateurs est tel que les ports du Benelux peuvent se permettre de pratiquer
des tarifs par navire relativement élevés. Le tableau ci-dessous,
issu d'une enquête effectuée par l'association européenne
des armateurs, montre que les ports français sont comparativement moins
chers, pour une même escale, que leurs voisins du Nord.
Source : UPACCIM
Toutefois, compte tenu de la taille supérieure des navires, les frais
d'escale ramenés à la tonne de marchandise restent
inférieurs dans les ports du Benelux.
De même, la demande des entreprises pour s'installer dans les zones
industrielles des ports du Benelux est si forte que ceux-ci peuvent pratiquer
des tarifs élevés pour la location des terrains. Une
récente étude comparative des recettes domaniales portuaires par
mètre carré loué montre que, si Le Havre est pris comme
base 100, ces recettes s'élèvent à 131 à Anvers et
atteignent 205 à Rotterdam.
3. Des flux multiplicateurs d'investissements privés
L'effet de masse permet aux ports du Benelux d'avoir un
équilibre entre investissement public et investissement privé
bien différent de celui des ports français.
Ces ports dépendent des municipalités, le port de Rotterdam
étant une simple régie municipale, tandis que celui d'Anvers a
acquis depuis le début de 1997 son autonomie financière. Ils
autofinancent la construction et l'entretien des voies d'accès, des
écluses, des bassins et des quais, grâce à leurs revenus
provenant des taxes portuaires et d'occupation des quais, ainsi que de la
location des sites et entrepôts industriels.
Les ports du Benelux ne s'occupent que des infrastructures, qui sont ensuite
confiées à des concessionnaires privés chargés de
l'équipement et de l'exploitation des quais, ainsi que de la gestion des
entrepôts. La durée des concessions, de nature
emphytéotique (99 ans) laisse largement le temps aux investisseurs
privés d'amortir leurs investissements.
Les gestionnaires des ports du Benelux estiment ainsi que pour 1 franc
d'investissement de leur part, la mise des investisseurs privés est de 5
à 6 francs.