II. EUROFOR ET EUROMARFOR : DES CAPACITÉS EUROPÉENNES EN MÉDITERRANÉE
A. L'AMBITION EUROPÉENNE D'UNE CAPACITÉ TERRESTRE ET AÉROMARITIME
1. Une force régionale adaptée aux nouvelles missions
C'est le 15 mai 1995, à Lisbonne, que les ministres des
affaires étrangères et les ministres de la défense de
l'Espagne, de la France et de l'Italie ont décidé de créer
une
force multinationale du niveau d'une division,
dénommée "Euroforce opérationnelle rapide" (Eurofor).
Parallèlement à cette unité terrestre, fut
simultanément décidée la mise en place d'une
force
maritime multinationale, préstructurée et non permanente
,
avec des capacités aéronavales et amphibies : la Force maritime
européenne (Euromarfor). Un protocole annexe, joint à la
déclaration de Lisbonne, a pris acte du souhait du Portugal de
participer à ces deux forces, qui fut entériné le 7 mai
1996 à Birmingham, lors d'une réunion des ministres -affaires
étrangères et défense-, de ces quatre pays.
La coopération militaire entre l'Italie, l'Espagne et la France est, au
demeurant, antérieure à ces initiatives. Celles-ci sont en
quelque sorte l'aboutissement de plusieurs exercices effectués en commun
depuis de nombreuses années ainsi que de participations communes
à des engagements extérieurs.
La création des euroforces est directement liée à la
volonté exprimée par l'UEO, lors de la réunion
ministérielle de Petersberg en 1992, de pouvoir faire appel à des
unités militaires, dans un ensemble varié de situations, et de
donner ainsi un premier contenu concret à l'identité
européenne de sécurité européenne de
défense.
La déclaration franco-italo-espagnole de Lisbonne relative à la
création des euroforces précise que celles-ci " agissant
indépendamment ou de manière combinée avec d'autres
forces, peuvent être employées pour :
- des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants,
- des missions de maintien de la paix,
- des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des
opérations de rétablissement de la paix ".
Cette référence explicite aux missions définies dans la
déclaration de Petersberg illustre le lien fort entre les euroforces et
l'UEO, dont elles relèvent en priorité, ce qui n'exclut pas pour
autant la participation aux initiatives d'autres organisations internationales
dans le domaine du maintien de la paix et du développement de la
sécurité.
Toutefois, l'accomplissement de ces missions ne doit pas compromettre la
participation des unités des euroforces au devoir de défense
mutuel en application des traités de l'UEO et de l'Atlantique-Nord.
Ainsi, la création de ces forces ne saurait amoindrir le niveau des
engagements pris par les Etats participants au titre de la défense
commune, afin de ne pas réduire les capacités
opérationnelles de l'OTAN et de l'UEO.
La déclaration n'assigne aucune limite à la zone
géographique d'action des euroforces, celle-ci étant
définie, pour chaque opération, en fonction de l'origine des
crises. De par les préoccupations communes aux trois pays fondateurs,
leur vocation méditerranéenne est évidente mais leur
champ d'intervention ne se limite pas à la
Méditerranée.
2. Un cadre d'emploi souple
L'emploi des euroforces, quel que soit leur cadre ou le type
de mission, ne peut résulter que d'une
décision commune des
Etats participants.
Sous réserve de ce préalable, plusieurs cadres d'emploi sont
envisagés par la déclaration de Lisbonne. Si l'on ne peut exclure
l'emploi de la force dans un cadre purement quadrilatéral, à
l'initiative des seuls Etats participants, telle n'est cependant pas
l'hypothèse privilégiée. Les euroforces ont en effet
principalement vocation à agir au profit d'organisations
internationales, et en premier lieu de l'UEO ainsi que de l'OTAN.
Comme indiqué dans la déclaration de Lisbonne, les euroforces ont
été déclarées
" forces relevant de
l'UEO "
et seront
employées prioritairement dans ce
cadre
.
Ce lien privilégié avec l'UEO implique l'association d'Eurofor et
d'Euromarfor au processus de planification de l'UEO. Des liaisons
étroites sont ainsi établies entre le commandant de chaque force
et la cellule de planification de l'UEO. Elles ont pour but de définir
les capacités susceptibles d'être mises à la disposition de
l'UEO mais aussi d'harmoniser et de coordonner la préparation des
exercices et les structures de commandement.
En cas d'opération conduite sous l'égide de l'UEO, le
commandement opérationnel, ou le contrôle opérationnel des
unités, sera assuré soit par le commandant de chacune des deux
forces si l'UEO en décide ainsi, soit par le commandant de
l'opération désigné par l'UEO.
Les euroforces pourront également être employées
dans le
cadre de l'OTAN
pour renforcer le pilier européen de l'Alliance,
sur décision des Etats participants
. Dans ce cas, les conditions
de la participation des euroforces sont définies par le comité
interministériel de haut niveau (CIMIN), après échange
d'informations avec le Conseil de l'Atlantique Nord. L'évaluation des
capacités militaires, l'élaboration des options militaires
envisageables et la définition de la structure de commandement
adaptée résulteront de contacts au niveau militaire entre les
autorités militaires des Etats participants (incluant
éventuellement les commandants de l'une ou l'autre euroforce) et les
autorités militaires de l'OTAN. Il est prévu que les Etats
participant aux euroforces soient associés dès le départ
à la planification des opérations, la planification
opérationnelle finale étant approuvée d'un commun accord
entre le Conseil de l'Atlantique Nord et le CIMIN. Le
principe
d'unicité de commandement
devant être respecté, le
commandant de l'Euromarfor et/ou celui de l'Eurofor assumera ses
responsabilités opérationnelles définies dans le plan
d'opération et, le cas échéant, il exécutera les
transferts d'autorité opportuns vers les commandants qui auront
été désignés. En tout état de cause, la
définition du volume de la force engagée, la nature de son
articulation avec les forces de l'OTAN et les conditions d'emploi des
euroforces
sont décidées en dernier ressort par les Etats
participants.
La possibilité de participer à une action de l'OTAN implique une
interopérabilité totale des euroforces avec l'ensemble des
unités de l'Alliance
. Celle-ci est d'ores et déjà
garantie pour Euromarfor par l'emploi ancien des procédures et des
standards de l'OTAN par les marines concernées, y compris par la Marine
française.
En dehors de l'UEO et de l'OTAN, les euroforces pourront également
être employées en application des résolutions du Conseil de
sécurité de l'ONU et des décisions de l'OSCE ou,
éventuellement, d'autres organisations internationales.
3. Le Comité interministériel de Haut niveau (CIMIN)
C'est en effet à cette instance, réunissant des
responsables des affaires étrangères et de la Défense de
chacun des Etats participants qu'il revient :
- d'assurer la coordination politico-militaire,
- de fixer les conditions d'emploi de la force,
- de donner les directives à son commandant.
De même, sera-t-il chargé de définir les conditions
d'emploi de la force par l'UEO, l'OTAN et les autres organisations
internationales.
Le Comité interministériel est composé des chefs
d'état-major des armées et des directeurs politiques des
ministères des affaires étrangères des Etats participant
aux forces. Il siège une fois par an, en même temps que se tient
le Conseil des Ministres de l'UEO. Par ailleurs, il peut se réunir
à la demande d'au moins un Etat participant. Sa présidence est
exercée par rotation, d'une durée d'un an, entre les 4 Etats
participants.
Le Comité interministériel dispose pour préparer et
exécuter ses décisions, d'un groupe de travail
politico-militaire, composé de représentants des
ministères des affaires étrangères et de la défense.
Ce groupe de travail est également chargé d'effectuer la
synthèse des activités de trois sous-groupes de mise en oeuvre :
le sous-groupe Eurofor, le sous-groupe Euromarfor et le sous-groupe des experts
juridiques