2. DES CONSTRUCTIONS INACHEVÉES
a) La réforme des prélèvements sociaux
Votre commission des finances a déjà examiné dans le détail l'impact du basculement des cotisations sociales "maladie" sur la cotisation sociale généralisée (CSG) ainsi que l'élargissement de l'assiette des deux prélèvements sociaux de 1 % sur les revenus du patrimoine dans le rapport pour avis de notre excellent collègue, Jacques Oudin 11( * ) . On en rappellera ici brièvement les principales observations.
Il est clair tout d'abord que ces mesures vont
bien au-delà du simple "bouclage" du déficit de la
sécurité sociale et constitueraient, si elles étaient
adoptées, un événement majeur dans l'évolution de
notre fiscalité directe : l'institution d'un impôt sur le revenu
bis
dont le produit pour 1998 (316 milliards de
francs) serait supérieur à celui de l'actuel impôt sur le
revenu (296 milliards).
Ce nouvel impôt, de type
cédulaire et proportionnel, aurait un taux (CRDS incluse) de 6,7 %
sur les revenus de remplacement, de 8 % pour les revenus d'activité et
de 10 % pour les produits d'épargne.
Ces mesures auraient pu constituer une réforme
d'ensemble pertinente si toutefois leurs modalités de mise en oeuvre
n'avaient pas été aussi contestables.
En effet, la montée en charge de la CSG est justifiée :
- d'une part, parce qu'elle corrige l'un des défauts majeurs de l'impôt sur le revenu français : l'étroitesse de sa base. Ainsi disparaîtrait l'une des spécificités les plus critiquables de notre système de prélèvements sur les revenus.
- d'autre part, parce que la CSG est un impôt
simple, moderne (assiette large, taux bas) prélevé en grande
partie à la source, relativement bien accepté par les
ménages et qui permet de surcroît une transmission plus rapide des
impulsions de politique fiscale à l'économie.
Toutefois,
cette réforme aurait supposé que, dans le même temps,
soient engagés :
- la réduction des taux de
l'impôt sur le revenu
, sauf à surtaxer les revenus par
une augmentation concomitante des taux et un élargissement de l'assiette
;
- la déductibilité intégrale
du nouveau prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine
; faute de quoi les contribuables continueront de payer un impôt
sur l'impôt ;
- le basculement des cotisations maladie vers la
CSG, sans augmentation de la pression fiscale
;
- la maîtrise effective des décisions
de dépenses d'assurance maladie
qui seule peut mettre fin
à un système profondément
déséquilibré dans lequel les décideurs ne sont pas
les payeurs.
En outre, il eût été sans doute de
meilleure politique de procéder par étapes au lieu de doubler, en
une seule fois, le poids de cet impôt.
Dès lors qu'aucun de ces préalables
n'est respecté, la réforme proposée constitue la
perversion d'une bonne idée et ne fait que refléter
l'incapacité du gouvernement à maîtriser les
dépenses sociales.
b) La problématique du capital-risque
Même si le retour partiel au statu quo ante en matière de fiscalité des stocks options dans les petites et moyennes entreprises va dans le bon sens, la volonté de favoriser une sorte de micro-climat fiscal en faveur du capital risque a peu de chances d'aboutir tant elle s'insère dans un environnement fiscal défavorable à la création de richesses.
Une action efficace des pouvoirs publics en faveur de la
création d'entreprises suppose de prendre en compte l'ensemble des
chaînons du processus économique qui va de l'innovation dans un
laboratoire à la mise en vente sur le marché.
De ce point de vue, le problème majeur de la
création d'entreprises en France réside moins dans l'offre de
capitaux de départ ("
seed capital
") que dans le nombre de
projets innovants (le "
deal flow
") et, au-delà, dans
l'environnement fiscal, juridique et culturel qui entoure la création
d'entreprise.
Comment en effet encourager la création de richesse
en augmentant les prélèvements obligatoires des entreprises ?
Comment faire du droit un instrument de
développement en écartant toute réforme du droit des
sociétés ?
Comment développer les investisseurs nationaux en
enterrant la mise en place des fonds de pension ?