III. UN PRINCIPE NECESSAIRE PRIVE DE GARANTIE

A. POURQUOI LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ ?

Si le principe de subsidiarité a été inscrit dans le traité sur l'Union européenne, c'est, semble-t-il, d'abord pour répondre aux inquiétudes des opinions dans certains Etats membres, où se répandait le sentiment d'un interventionnisme excessif de la Communauté.

Mais le principe de subsidiarité correspond, pour la construction européenne, à une nécessité plus profonde.

1. L'intensité de la réglementation : un problème plus apparent que réel ?

Il est fait souvent grief à la Communauté d'une tendance à des réglementations exagérément tatillonnes, et, à la lecture de certains textes, on peut effectivement se demander s'il était nécessaire de descendre aussi loin dans le détail.

Par exemple, la directive " concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux rétroviseurs des tracteurs agricoles ou forestiers à roues ", dispose, à son chapitre " emplacement " que " le rétroviseur extérieur doit être placé de manière à permettre au conducteur, assis sur son siège dans la position normale de conduite, de surveiller la portion de route définie au point 2.5 ", lequel point 2.5 dispose que " le champ de vision du rétroviseur extérieur gauche doit être tel que le conducteur puisse voir vers l'arrière au moins une portion de route plane jusqu'à l'horizon, située à gauche du plan parallèle au plan vertical longitudinal médian tangent à l'extrémité gauche de la largeur hors tout du tracteur isolé ou de l'ensemble tracteur remorque ".

On est tout de même ici assez loin de la notion de directive, que l'article 189 du traité définit comme un texte qui lie l'Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, " tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ".

La directive relative aux essuie-glaces des mêmes engins précise, quant à elle, que, " si le tracteur est muni d'un pare-brise, il doit également être équipé d'un ou plusieurs essuie-glaces actionnés par un moteur. Leur champ d'action doit assurer une vision nette vers l'avant correspondant à une corde de l'hémicycle d'au moins 8 m à l'intérieur du secteur de vision ". Elle ajoute que " la vitesse de fonctionnement des essuie-glaces doit être d'au moins 20 cycles par minute ".

On épargnera au lecteur les dispositions des directives concernant la " prise de courant ", ou le " siège du convoyeur " des mêmes tracteurs.

Il est effectivement difficile de croire que pareille minutie était indispensable au fonctionnement du marché intérieur, mais, pour votre rapporteur, là n'est pas la véritable justification du principe de subsidiarité. La " furie réglementaire " de la Commission, pour reprendre l'expression du Chancelier KOHL, n'est pas le phénomène le plus préoccupant au regard de ce principe : en réalité, les travers de la réglementation communautaire sont ceux de bien des réglementations nationales, et, dans de nombreux cas, celle-là est en réalité une synthèse de celles-ci. Or, à tout prendre, s'il doit exister une réglementation technique minutieuse, ne vaut-il pas mieux que ce soit une réglementation communautaire plutôt que quinze réglementations nationales ?

En d'autres termes, c'est souvent parce que les réglementations nationales sont déjà pointilleuses que la réglementation communautaire l'est aussi ; et, dès lors, une réglementation communautaire même trop détaillée peut constituer par elle-même une simplification.

Il est vrai que, dans certains cas, la volonté de la Commission européenne d'introduire une réglementation communautaire à la place des réglementations nationales découle d'une priorité accordée à l'objectif de libre circulation au détriment d'autres considérations, ou procède d'une volonté d'étendre le champ d'intervention de la Communauté. Mais, dans bon nombre de cas, c'est à la demande d'un ou plusieurs Etats membres que la Commission présente un projet, les Etats demandeurs cherchant soit à obtenir une égalisation des conditions de concurrence, soit à supprimer la gêne que constituent pour leurs exportations certaines réglementations d'autres Etats membres. Par ailleurs, les enjeux de la normalisation en termes de commerce international ne doivent pas être sous-estimés.

Il convient d'ajouter que les excès réglementaires de la Commission portent le plus souvent sur des domaines où les " identités nationales " que le principe de subsidiarité est destiné à préserver ne sont pas en jeu.

La raison d'être principale du principe de subsidiarité est donc ailleurs ; plus que les excès réglementaires, ce sont les débordements de compétence et surtout la multiplication des programmes d'actions communautaires qu'il doit conduire à critiquer. En d'autres termes, le reproche que l'on peut faire à la Communauté sous cet angle, c'est moins d'intervenir trop lorsqu'elle doit intervenir (même si le problème existe) que d'intervenir dans presque tous les domaines, y compris ceux dans lesquels elle ne devrait pas intervenir.

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