Euro et pacte de stabilité
Jacques Genton
Délégation du Sénat pour l'Union Européenne - Rapport 129 - 1996 / 1997
Table des matières
- INTRODUCTION
-
ANNEXES
- 1. Proposition de resolution déposée le 7 novembre 1996 par M. Xavier de VILLEPIN sur les propositions d'actes communautaires E 719 et E 720
- 2. Amendements présentés par M. Michel CALDAGUÈS
- 3. Communication du Président de la Commission européenne et de M. de SILGUY sur les procédures de convergence renforcées et nouveau mecanisme de change dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire
- INDEX GÉNÉRAL
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le 16 octobre dernier, la Commission européenne a adopté deux
propositions de règlement relatives au pacte de stabilité et deux
autres propositions de règlement relatives à l'euro. Ces quatre
textes ont été soumis au Sénat, en application de
l'article 88-4 de la Constitution, le 23 octobre.
Compte tenu de l'importance du dispositif proposé et du calendrier des
travaux communautaires, la Délégation a commencé,
dès le 29 octobre, d'examiner ces textes.
Afin que la procédure de mise en oeuvre de l'article 88-4 puisse
permettre au Sénat de voter une résolution sur ces textes avant
que le Conseil ne les adopte, la Délégation a, le 6 novembre,
chargé son rapporteur, M. Xavier de Villepin, de déposer
à titre personnel une proposition de résolution ; celle-ci a
été déposée sur le Bureau du Sénat le 7
novembre.
De plus, afin que tous les sénateurs puissent disposer, en un seul
document, des éléments d'information essentiels concernant ces
propositions, elle a publié, le 12 novembre, un rapport d'information de
M. Xavier de Villepin sur
" la mise en place de
l'euro ".
Enfin, elle a chargé son Président de demander l'inscription en
séance publique de la proposition de résolution
déposée par M. Xavier de Villepin.
Saisie par la commission des finances qui lui a demandé, par lettre du
21 novembre, de lui donner son avis sur ces propositions, la
Délégation s'est réunie en toute hâte et a
adopté, le 26 novembre, l'avis qui a été aussitôt
communiqué à la commission des finances.
Malgré toute la diligence dont elle a fait preuve afin de
déclencher, puis de soutenir la procédure qui devait conduire
à l'adoption d'une résolution du Sénat sur ces textes
fondamentaux pour la mise en place de la monnaie unique, la
Délégation n'a pu que constater, le 10 décembre, que non
seulement la proposition de résolution de M. Xavier de Villepin n'avait
pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat du mois
de décembre, mais que, à ce jour, la commission des finances
n'avait encore retenu aucune date pour le premier examen de celle-ci. De ce
fait, le Sénat se trouvera dans l'impossibilité d'adopter une
résolution avant le Conseil européen de Dublin.
Certains membres de la Délégation ont d'autant plus
regretté que le Sénat ne se soit pas prononcé sur ces
textes qu'ils ont craint que l'on puisse interpréter ce silence comme
une acceptation totale et sans nuance des propositions de la Commission
européenne.
C'est pourquoi la Délégation a décidé de publier,
sous la forme d'un rapport d'information, l'ensemble des travaux qu'elle a
menés sur ces propositions depuis le 29 octobre jusqu'au 26 novembre,
date à laquelle elle a adopté l'avis qui constitue à ce
jour la seule expression d'un organe du Sénat sur ces textes.
I. LES RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE
A. RÉUNION DU MARDI 29 OCTOBRE 1996
La réunion a été consacrée
à une première information sur les propositions d'actes
communautaires E 719 et E 720 relatives à la mise en place de l'Euro
(cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de
change).
M. Jacques Genton
, président, a souligné que la
réunion de la délégation portait sur sept textes
communautaires : trois communications de la Commission, trois propositions de
règlement qui devraient être adoptées prochainement par le
Conseil ainsi qu'une dernière proposition de règlement, qui ne
pourra être adoptée formellement par le Conseil qu'en 1998, mais
devrait néanmoins faire prochainement l'objet d'un accord politique. Ces
textes visent tous à permettre la mise en place de la monnaie unique.
Six d'entre eux sont regroupés en deux documents déposés
sur le Bureau du Sénat, en application de l'article 88-4, sous les
numéros E 719 et E 720. Ces deux documents ont été
enregistrés le 23 octobre 1996. D'après la circulaire du Premier
ministre de juillet 1994, la délégation et le Sénat ont
donc jusqu'au 22 novembre 1996 pour faire savoir au Gouvernement s'ils
souhaitent s'exprimer à leur sujet.
M. Jacques Genton a ajouté que M. de Villepin, qui est depuis longtemps
le spécialiste de la délégation du Sénat sur les
questions monétaires, avait en conséquence souhaité que,
sans tarder, la délégation soit le plus complètement
possible informée sur le contenu de ces textes et sur leurs implications.
M. Xavier de Villepin
a alors commenté un tableau mentionnant,
pour chacun des Etats membres, sa situation au regard du respect des
critères de convergence établis par le Traité de
Maastricht. Il a souligné que la France poursuivait son objectif
d'abaissement du déficit budgétaire selon le calendrier qu'elle
s'est fixé, à savoir 5 % du produit intérieur brut (PIB)
en 1995, 4 % en 1996 et 3 % en 1997.
Les propositions en cours d'examen résultent de l'accord intervenu au
cours du Conseil européen de Madrid de décembre 1995 et du
Conseil des ministres de l'économie et des finances qui s'est
déroulé les 20 et 21 septembre 1996 à Dublin. Elles
portent sur :
- le statut juridique de l'Euro ;
- le pacte de stabilité budgétaire auquel devront souscrire les
pays de l'Union européenne qui adopteront une monnaie unique au
1
er
janvier 1999 ;
- le fonctionnement du nouveau système monétaire européen
(SME-bis).
Le pacte de stabilité budgétaire fait l'objet de deux
propositions. La première est un règlement du Conseil relatif au
renforcement de la surveillance et de la coordination des situations
budgétaires ; il est fondé sur l'article 103, paragraphe 5,
du Traité. La seconde est un règlement du Conseil relatif
à l'accélération et à la clarification du
déroulement de la procédure des déficits excessifs ;
il est fondé sur l'article 104 C, paragraphe 14, du Traité.
Le premier règlement définit ce qu'est un " programme de
stabilité ". Il comprend comme objectif l'excédent ou
l'équilibre des finances publiques des Etats membres, les variations
conjoncturelles annuelles du déficit budgétaire ne pouvant
excéder 3 % du PIB. Le second règlement porte sur les sanctions
applicables aux Etats qui ne respectent pas le critère
d'équilibre des finances publiques. Il fixe un délai de dix mois
à chaque pays pour le rétablissement de ses comptes publics,
faute de quoi le Conseil pourra, à la majorité
pondérée des deux tiers des Etats participant à l'Euro -
la voix de l'Etat concerné n'étant pas prise en compte -,
infliger des sanctions à ce pays. La sanction comprendra un montant fixe
égal à 0,2 % du PIB plus un cinquième de
l'écart entre le déficit réel et la valeur de
référence maximale de 3 % fixée par le traité. La
sanction sera néanmoins plafonnée à 0,5 % du PIB.
L'ensemble des quinze Etats membres de l'Union européenne participent
aux négociations et à l'adoption, avant la fin de 1996, du pacte
de stabilité budgétaire. Toutefois les dispositions du
traité précisées par ces deux règlements ne
s'appliqueront qu'aux Etats participant à la monnaie unique :
- à compter du 1
er
juillet 1998 pour les
procédures de surveillance renforcées des déficits publics
;
- à compter du 1
er
janvier 1999 pour l'application des
sanctions de la procédure des déficits excessifs.
M. Xavier de Villepin a indiqué que le cadre juridique de l'utilisation
de l'Euro s'appuyait sur deux propositions de règlements du Conseil. La
première proposition de règlement, qui est relative à
l'introduction de l'Euro, porte sur la confirmation du nom de l'Euro à
la place du terme générique d'écu " employé
dans le traité, sur la date d'introduction des billets et pièces
libellées en Euro (1
er
janvier 2002 au plus tard), sur
la continuité des contrats libellés en écus ou en monnaies
nationales et sur l'équivalence entre l'Ecu panier et l'Euro au taux de
un pour un.
Ce règlement, qui est basé sur l'article 109 L du traité,
ne pourra s'appliquer qu'à compter de 1998, lorsque la liste des pays
participant à la monnaie unique sera connue. Or il semble
nécessaire, dès maintenant, d'établir la
sécurité juridique pour les opérateurs du marché.
C'est pourquoi un second règlement, qui fixe certaines dispositions
relatives à l'introduction de l'Euro, est proposé sur la base de
l'article 235 du traité. Il a le même objet que le premier. Le
rapporteur a souligné que le recours à l'article 235 du
traité pourrait présenter un risque juridique dans la mesure
où la Cour de justice des Communautés, dans son avis 2/94 du 28
mars 1996, avait marqué les limites de l'utilisation de cet article en
déclarant qu'il ne peut ouvrir la voie à une modification du
Traité.
M. Xavier de Villepin a encore indiqué que la mise en place d'un nouveau
SME, demandée notamment par la France - d'abord au Conseil
européen de Madrid de décembre 1995, puis au Conseil des
ministres de l'économie et des finances de Vérone des 12 et 13
avril 1995 - était possible sur la base de l'article 103 § 5 du
traité. A l'heure actuelle, la Commission n'a présenté
qu'une communication, non assortie de propositions de législation
formelle. Cette communication n'a pas été transmise au Parlement
français dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution au motif
qu'elle n'est pas accompagnée de propositions législatives
formelles.
Le nouveau mécanisme de change incitera les Etats membres qui n'auront
pas adopté la monnaie unique à des efforts de convergence et de
discipline ; en ce sens, il devrait régir :
- les relations bilatérales entre l'Euro et les monnaies des Etats
membres non participants, l'Euro étant le point d'ancrage du SME bis ;
- la fixation des taux pivots et des marges de fluctuations dans le cadre d'une
procédure commune associant le Conseil, les gouverneurs de la Banque
centrale européenne et des banques centrales des Etats membres non
participants, ainsi que la Commission.
Les marges de fluctuations seraient larges et l'intervention aux marges serait
automatique, sauf mise en péril de la stabilité des prix. Le
rapporteur a souligné la réticence de la Grande-Bretagne sur ce
dernier point. Il a encore indiqué que l'accord de la Grande-Bretagne
était nécessaire pour l'adoption du règlement sur
l'introduction de l'Euro avant la troisième phase de l'UEM ainsi que
pour celle du règlement sur le pacte de stabilité, puisque ces
textes doivent être pris à l'unanimité des Quinze.
M. Xavier de Villepin a expliqué que ces textes devraient faire l'objet
d'un accord politique lors du Conseil européen des Chefs d'Etat et de
Gouvernement qui se réunira à Dublin les 13 et 14 décembre
prochain. Pour préparer les travaux du Conseil européen, le
Conseil des ministres de l'économie et des finances examinera le 11
novembre prochain la communication de la Commission sur le nouveau
système de change. Le Conseil des ministres des finances examinera le 2
décembre les propositions de règlement sur le statut de l'Euro et
sur le pacte de stabilité financière, étant entendu qu'un
des deux règlements concernant l'Euro (celui basé sur l'article
109 L § 4) ne pourra être formellement adopté par les Etats
qu'à partir du moment où sera connue, en 1998, la liste des Etats
faisant partie de la monnaie unique.
Compte tenu de ce calendrier, M. Xavier de Villepin a conclu que la
délégation et le Sénat ne pouvaient intervenir
efficacement qu'avant la réunion du Conseil européen et du
Conseil des ministres des finances, c'est-à-dire avant le 2
décembre 1996. Devant l'importance de ces textes, il lui a semblé
nécessaire d'ouvrir un débat, d'abord en
délégation, puis ultérieurement en séance publique,
après avoir entendu le ministre de l'économie et des finances le
14 novembre 1996.
M. Christian de La Malène
s'est étonné du recours
à des propositions de règlement du Conseil pour la mise en place
d'un pacte de stabilité budgétaire en Europe. Il s'est
demandé si un engagement d'une telle importance en matière de
finances publiques - qui n'est pas sans implications constitutionnelles pour la
France - pouvait résulter d'un acte communautaire ou s'il
nécessitait un traité international. Il a rappelé que les
parlements nationaux s'étaient constitués dans le passé
pour consentir l'impôt et a souhaité que l'on examine si la
Constitution française permettait de limiter ainsi le pouvoir
budgétaire du Parlement.
M. Paul Loridant
, exprimant son accord avec les propos de
M. Christian de La Malène, a craint que l'entrée
dans l'Union monétaire ne ressemble à l'entrée dans la vie
monacale et que les Etats ne soient enserrés par des règles de
plus en plus contraignantes. Notant que le nouveau mécanisme de change
résultait d'une initiative de la Commission et du Conseil et qu'il
n'était pas prévu par le Traité, il a estimé que le
Parlement devait en être saisi. Le pouvoir exécutif s'est
démuni du pouvoir monétaire en le remettant aux Banques
centrales ; il est en train de s'amputer du pouvoir budgétaire ; il
est temps, a poursuivi M. Paul Loridant, que l'on consulte les
Français soit par la voix de leurs représentants au Parlement,
soit par celle du référendum.
M. Gérard Delfau
a déclaré que les questions
formulées par M. Christian de La Malène lui paraissaient
d'une grande importance. Tout en réservant en l'état ses
conclusions, il a craint que le Gouvernement ne se soit imprudemment
avancé et a estimé que le Parlement ne pouvait être
dessaisi. Aussi la délégation du Sénat pour l'Union
européenne doit-elle se saisir de ces propositions et provoquer un
débat en séance publique, sanctionné par un vote. D'ici
là, il convient de s'informer le plus complètement possible. Il
s'est dit choqué de la prise de position récente d'un ministre
allemand mettant en cause les déclarations d'un député
français, ancien Premier ministre, M. Laurent Fabius. Le
débat qui se noue actuellement et qui inquiète certains, a-t-il
conclu, est essentiel et ne saurait être étouffé.
M. Jacques Genton
, président, a souligné que la mise en
place d'un nouveau système monétaire européen avait
été demandée par les Français, et répondait
à une préoccupation exprimée par des groupes
parlementaires du Sénat et des membres de la délégation.
M. Xavier de Villepin
a répondu aux différents
intervenants. De son point de vue, les propositions d'actes proposées
par la Commission européenne s'inscrivent parfaitement dans le cadre
juridique du Traité de Maastricht : elles ne constituent pas une
surprise et s'inspirent directement de l'esprit du traité. Le nouveau
mécanisme de change européen est indispensable pour éviter
de nouvelles dévaluations compétitives comme celles qu'on a connu
en 1992. Le pacte de stabilité est également souhaitable pour une
meilleure efficacité des finances publiques des Etats. Il convient
néanmoins d'examiner les éventuelles difficultés
juridiques qui pourraient se poser et suivre les développements de ces
questions dans les autres Etats membres de l'Union européenne.
La délégation a ensuite entendu M. Jean-Paul Fitoussi,
Président de l'Observatoire français des conjonctures
économiques (OFCE).
Celui-ci a d'abord répondu aux quatre
questions qui lui avaient été posées par M. Xavier de
Villepin.
La première question portait sur l'éventuel effet
récessif que pourrait avoir le pacte de stabilité
budgétaire s'il s'accompagnait d'une politique restrictive de la Banque
centrale européenne.
M. Jean-Paul Fitoussi
a estimé que l'on était
confronté à une incertitude quant au comportement des
autorités monétaires et quant au comportement des
autorités politiques, dans la mesure où l'on ne sait pas encore
quel sera le contrepoids politique à la Banque centrale
européenne. De manière générale, une politique
monétaire restrictive entrave la réduction du déficit
budgétaire, car elle en accroît le coût en termes d'emplois
et d'activités, tandis qu'une politique monétaire expansionniste
facilite la réduction de l'endettement des Etats. Si la politique
monétaire européenne était trop restrictive, les efforts
pour respecter le pacte de stabilité pourraient être d'autant plus
déstabilisateurs pour l'activité et l'emploi que les Etats
arriveront, lors de l'adoption de la monnaie unique, à la limite des
critères. La question fondamentale, a poursuivi M. Jean-Paul Fitoussi,
est de savoir comment un Gouvernement peut agir pour régler les
problèmes quotidiens des populations dont il a la charge lorsqu'il n'a
plus la maîtrise ni de la politique monétaire, ni de la politique
budgétaire ; une bonne politique structurelle ne peut en effet
compenser les effets d'une mauvaise politique macro-économique.
La seconde question concernait les éléments qui devraient
être pris en compte pour influer sur la parité de l'Euro.
Un pays, a expliqué M. Jean-Paul Fitoussi, est dans une situation de
compétitivité satisfaisante si trois conditions sont
simultanément réunies : il doit avoir un taux d'inflation voisin
de celui de ses partenaires ; il ne doit pas avoir de
déséquilibre extérieur important dès lors que le
taux d'intérêt est supérieur à son taux de
croissance ; il doit avoir une situation d'emploi et de croissance similaire
à celle des autres pays. Si les deux premières conditions sont
remplies pour la France et pour l'Europe, en revanche l'Europe - et la France
en particulier - souffrent depuis la fin des années 80 d'un
chômage de masse qui prouve que les conditions d'une bonne
compétitivité économique ne sont pas réunies.
L'explication tient à une surévaluation des monnaies
européennes, notamment du mark, de l'ordre de 20 % par rapport au
dollar. On peut craindre une surévaluation identique de l'Euro. Cette
situation est particulièrement défavorable lorsque l'inflation
est faible ou inexistante, comme c'est le cas actuellement. On inflige alors
aux entreprises une perte de compétitivité qui ne peut être
compensée que par la baisse de la masse salariale (licenciements et
modération salariale).
M. Jean-Paul-Fitoussi a estimé que, pour la future parité de
l'Euro, il était essentiel de prendre en compte ces quatre variables
(différence des taux de chômage, différence des taux de
croissance, différence des taux d'inflation et différence des
déficits extérieurs) qui constituent autant
d'éléments objectifs déterminant les parités
d'équilibre ; il a souligné que cette analyse était
cohérente avec les différentes théories
économiques, qu'elles soient libérales ou interventionnistes.
La troisième question était relative à
l'évolution du cours des devises européennes à l'approche
de la troisième phase de l'Union monétaire.
M. Jean Paul Fitoussi a indiqué que les périodes de transition
sont souvent des périodes de grande instabilité pour les
marchés financiers du fait des opportunités de spéculation
qui se présentent dans ces circonstances. " Peut-on faire l'Euro
autrement que par surprise ? " s'est alors interrogé
M. Jean-Paul Fitoussi, car, à ses yeux, le délai contenu
dans le traité n'est pas fondé en logique économique et il
pourrait refléter, aux yeux des marchés, l'indétermination
des Etats membres qui s'acheminent vers l'UEM " comme à
contrecoeur ". On sait qu'une spéculation peut se nourrir
d'éléments très divers, comme la chute d'une institution
financière, une croissance plus vive dans un pays que dans un autre, la
faiblesse du dollar. Ce sont là autant de phénomènes qui
rendent plus risquée la période de transition.
La quatrième question visait les moyens dont pourraient disposer les
Etats de la zone Euro pour réagir d'un point de vue
macro-économique en cas de choc asymétrique
.
M. Jean-Paul Fitoussi a estimé que, dès lors qu'ils ne
disposeraient ni de la politique monétaire, ni de la politique de
change, ni de la politique budgétaire globale, les Etats
confrontés à un choc asymétrique n'auraient que des marges
de manoeuvre extrêmement limitées, sinon nulles. Tout au plus les
pays participant à la monnaie unique pourraient-ils alors
apprécier si ce choc asymétrique constitue une
" circonstance exceptionnelle " permettant d'accorder une
marge de
manoeuvre plus grande aux pays concernés.
D'après la théorie économique, il y a plusieurs moyens de
réagir à un choc asymétrique dans une zone
monétaire unique. Le premier consiste à compenser partiellement
le choc par l'accroissement du déficit budgétaire. Le second
à faire jouer la solidarité budgétaire entre les pays
européens, ce qui impliquerait l'existence d'un budget
fédéral important. Le troisième à utiliser la
flexibilité des prix et des salaires ; celle-ci ne jouant qu'à
moyen terme, cela impliquerait que le pays concerné soit soumis à
une croissance relative du chômage par rapport à ses voisins
pendant une période qui pourrait durer au moins une décennie. M.
Jean-Paul Fitoussi a conclu qu'il ne semblait pas rationnel d'imaginer que l'on
puisse lier les Gouvernements par un pacte budgétaire en cas de choc
asymétrique et qu'il faudrait alors choisir, soit de nouer davantage les
solidarités européennes, soit de laisser une marge de manoeuvre
budgétaire aux Gouvernements européens.
M. Alain Richard
a alors demandé quelle pourrait être la
réaction de la Banque de réserve fédérale
américaine pour le cas où les autorités monétaires
européennes, convaincues par l'argumentation développée
par l'orateur, chercheraient à faire baisser de quelque 15 % ou
20 % la valeur relative de l'Euro par rapport au dollar.
M. Jean-Paul Fitoussi
a répondu que l'Europe ne pouvait que
gagner en pareil cas. En effet, c'est par la baisse des taux
d'intérêt que l'on peut faire baisser la valeur d'une monnaie.
Même si la baisse des taux d'intérêt en Europe incitait les
Etats-Unis à baisser leurs propres taux d'intérêt, cette
baisse se poursuivrait en Europe, ce qui ne pourrait qu'avoir des effets
positifs, même s'il ne s'ensuivait pas de modification dans la
parité de l'Euro avec le dollar. Il a ajouté que l'Euro
permettrait à l'Europe d'avoir une stratégie de change et qu'il
était lui-même favorable à la création de l'Euro
dans le mesure où l'on utiliserait cette possibilité de
stratégie de change.
M. Alain Richard a demandé à M. Jean-Paul Fitoussi s'il estimait
que la plongée du déficit budgétaire français, qui
est passé de 2 % à 6 % du produit intérieur brut
en 1993-1994, avait aidé la France en termes de croissance.
M. Jean-Paul Fitoussi a répondu que, pour l'ensemble des
économistes, c'était la politique monétaire qui avait
engendré le déficit public en France. La politique
monétaire suivie par notre pays, consistant à appliquer la
même politique monétaire restrictive que l'Allemagne qui devait
alors répondre au choc que constituait l'unification, l'a conduit
à connaître le taux d'intérêt réel court qui
fut à la fois le plus élevé de son histoire (à
l'exception de quatre ans pendant les années trente) et le plus
élevé du monde, et cela alors même que la France ne
connaissait aucun problème d'inflation. Cet accroissement
considérable des taux d'intérêt réels
français, à contrecourant de la conjoncture, a provoqué un
effondrement des taux d'investissement et une baisse de la croissance. Il en
est résulté un effondrement des recettes publiques et, par
là même, une augmentation du déficit budgétaire. Il
eût été préférable, a ajouté M.
Jean-Paul Fitoussi, de réévaluer le mark, ce qui n'aurait mis en
danger ni la construction européenne, ni le système
monétaire européen.
M. Yves Guéna
a souligné la complexité du
problème que pose le niveau de parité entre l'Euro et le dollar ;
d'une part, on souhaite que l'Euro soit une monnaie forte ; mais, d'autre part,
on sait qu'il serait bon que le dollar soit réévalué par
rapport à l'Euro. La question est d'autant plus inquiétante que,
si la Réserve fédérale a son Gouvernement derrière
elle, on ne sait pas quelle autorité politique pourra être aux
côtés de la Banque centrale européenne. Enfin, M. Yves
Guéna a déclaré que, pour lui, un Gouvernement qui ne
maîtriserait ni la politique monétaire, ni la politique
budgétaire, ne serait plus un Gouvernement.
M. Xavier de Villepin
s'est étonné du pessimisme des
propos de M. Jean-Paul Fitoussi et a estimé que les
phénomènes nouveaux, qui ne manqueront pas de suivre la mise en
place de la monnaie unique, auront sans nul doute des effets positifs pour
l'Europe.
M. Paul Loridant
a renouvelé son interrogation quant à la
possibilité de réguler un système monétaire
centralisé en Europe sans cohérence du pouvoir politique.
M. Jean-Paul Fitoussi a précisé que ses critiques portaient sur
la notion même de pacte de stabilité et non sur la monnaie unique
; il a ajouté que l'Europe avait jusqu'à présent
payé des primes de risque excessives parce qu'il y avait des taux de
change intraeuropéens et que l'adoption de la monnaie unique devrait
permettre d'éliminer cette contrainte ; il a estimé en
conséquence que le pire était derrière nous. Quant au
pacte de stabilité, ce sera une contrainte ou non selon le taux de
croissance. Enfin, a-t-il conclu, le vrai problème tient à
l'absence de répondant politique réel à la Banque centrale
européenne.
La délégation a ensuite entendu M. Hervé Hannoun,
sous-gouverneur de la Banque de France.
M. Hervé Hannoun
a répondu aux questions suivantes
posées par M. Xavier de Villepin :
- la Grande-Bretagne a manifesté une certaine réticence lors des
négociations pour l'adoption du nouveau mécanisme de change dans
la troisième phase de l'UEM. Le fait que la Commission européenne
n'a pas déposé de législation formelle en la
matière signifie-t-il que le Royaume-Uni pourrait subordonner son
absence d'opposition sur les mesures du pacte de stabilité à un
fonctionnement minimum du SME-bis ?
- quels éléments devrait-on prendre en compte pour la
détermination de la future parité de l'Euro ?
- quels peuvent être les effets de la disparition du mark comme monnaie
de réserve des Banques centrales nationales et comment peut
évoluer le cours des principales devises européennes à
l'approche de la troisième phase de l'UEM ?
- le projet de règlement relatif au cadre juridique de l'Euro peut-il se
fonder juridiquement sur l'article 235 du Traité, compte tenu des
limites posées par la Cour de justice au recours à cet article ?
- dans le cas où la Conférence intergouvernementale modifierait
la pondération des votes des différents Etats au sein du Conseil,
cette nouvelle pondération serait-elle applicable aux décisions
concernant les sanctions prévues à l'article 104 C, § 11 ?
B. RÉUNION DU MERCREDI 6 NOVEMBRE 1996
La délégation a procédé
à un échange de vues sur les propositions d'actes communautaires
E 719 et E 720 relatives à la mise en place de l'euro (cadre
juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de change).
M. Xavier de Villepin
a tout d'abord rappelé le calendrier
d'examen des propositions d'actes communautaires qui ont été
transmises au Sénat le 23 octobre 1996 dans le cadre de l'article
88 alinéa 4 de la Constitution.
Ces propositions devraient faire l'objet d'un accord politique lors du Conseil
européen des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui se réunira
à Dublin les 13 et 14 décembre prochain. Le Conseil des ministres
de l'économie et des finances examinera le 11 novembre 1996 la
communication de la Commission sur le nouveau système de change. Le
Conseil des ministres des finances examinera le 2 décembre les
propositions de règlement sur le statut de l'euro et sur le pacte de
stabilité financière, étant entendu qu'un des deux
règlements concernant l'euro (celui basé sur l'article 109 L
§4) ne pourra être formellement adopté par le Conseil
qu'à partir du moment où seront connus, en 1998, le nom des Etats
faisant partie de la monnaie unique.
M. Xavier de Villepin a ensuite souligné que, à l'occasion de la
présentation de ces textes devant la délégation le 29
octobre 1996, il avait constaté que l'ensemble des intervenants
estimaient qu'il ne serait pas compréhensible que le Sénat ne se
prononce pas dans le cadre des dispositions de l'article 88 alinéa 4, en
raison même de l'importance de la question abordée et
malgré les différentes appréciations du sujet qui sont
apparues au cours de cette réunion.
Rejoignant la position que M. Alain Lamassoure avait défendue plusieurs
fois devant le Sénat lorsqu'il était ministre des affaires
européennes, M. Xavier de Villepin a indiqué qu'il souhaitait que
le Sénat ait un débat en séance publique sur ce sujet.
Pour qu'il puisse y avoir un tel débat, il faut que la procédure
prévue s'engage rapidement. C'est la raison pour laquelle le rapporteur
a fait savoir qu'il avait préparé, à titre personnel, une
proposition de résolution qui sera transmise, pour examen, à la
commission des finances. Des amendements pourront y être apportés.
Un débat pourra alors s'engager en séance publique si la
Conférence des présidents décide l'inscription à
l'ordre du jour du Sénat de la proposition de résolution.
M. Xavier de Villepin a encore souligné que, à ses yeux, il est
important que les sénateurs disposent des informations
nécessaires pour que chacun puisse se forger sa propre opinion. A cette
fin, il a proposé de préparer, au nom de la
délégation, un rapport d'information qui, à la
différence de sa proposition de résolution, ne se prononcerait
pas sur les textes communautaires qui sont soumis pour examen par le Parlement,
mais qui rassemblerait - aussi objectivement que possible - les
éléments d'information permettant d'éclairer ces textes
difficiles.
M. Robert Badinter
a tenu à attirer l'attention du rapporteur sur
un problème juridique, qui, à ses yeux, est très important
et parfaitement méconnu, à savoir celui de la dénomination
de la monnaie unique sous le vocable de l'euro. Il a rappelé que le
Traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht
avait fixé, le nom de cette monnaie : l'écu. Or cette
dénomination est distincte de la question de la définition de la
monnaie. Cette dénomination est contenue dans plusieurs articles du
Traité. Par exemple l'article 109 F point 3 précise que, en vue
de préparer la troisième phase, l'Institut monétaire
européen (IME) " supervise la préparation technique des
billets de banque libellés en écus ". Il a insisté
sur le fait que, à partir du moment où le traité
précise qu'il s'agit de billets " libellés en
écus ", le Traité de Maastricht a manifestement choisi
l'écu comme nom de la monnaie unique. Il a encore ajouté que le
fait que l'article 109 G indique que " la composition en monnaies du
panier de l'écu reste inchangé ", signifie que la valeur de
la monnaie unique correspond à la pondération actuelle de
l'écu. Il s'est demandé si le changement de dénomination,
invoqué pour des motifs culturels en Allemagne, ne risquait pas d'avoir
des conséquences juridiques importantes à l'égard des
dispositions du traité. Il s'est en particulier demandé si,
à l'occasion du changement de nom décidé de manière
politique par le Conseil européen de Madrid, les négociateurs
avaient pensé aux effets de ce changement de nom sur l'équilibre
juridique contenu dans le traité et si le droit dérivé,
qui est maintenant proposé, était compatible avec le droit
originel des traités.
Insistant sur son adhésion au principe de la monnaie unique,
M. Robert Badinter a cependant expliqué que l'écu est un nom
qui est maintenant parfaitement connu des marchés internationaux de
capitaux. De son point de vue, ce nom, qui a été fixé par
le traité, ne peut être changé par le Conseil des ministres
qui n'a pas la compétence suffisante. Seul un autre traité
pourrait permettre ce changement de dénomination. Il conviendrait donc
de profiter de l'actuelle conférence intergouvernementale pour
procéder à ce changement de nom. Ce problème essentiel est
très précisément posé par l'article 2 de la
proposition de règlement du Conseil concernant l'introduction de l'euro,
qui stipule que " la monnaie des Etats membres participants est
l'euro ".
M. Christian de La Malène
, exprimant son accord avec les propos
tenus par M. Robert Badinter, a déclaré que, si le Conseil
voulait changer le nom de la monnaie unique, il devait alors procéder
dans le cadre d'un traité international soumis à ratification. Il
s'est en outre étonné à nouveau du recours à des
propositions de règlement du Conseil pour la mise en place à la
fois d'un pacte de stabilité budgétaire en Europe et pour la
définition du statut juridique de l'euro. Il s'est encore
interrogé sur l'éventuelle compatibilité de ces textes, en
particulier dans leur dispositif budgétaire et fiscal, avec la
Constitution.
M. Denis Badré
a évoqué la question des sanctions
prévues par le pacte de stabilité budgétaire. Il s'est
demandé s'il était possible d'imaginer que les sanctions
financières qui seront infligées à un groupe d'Etats -
ceux participant à l'euro - qui ne sera pas le groupe des Quinze de
l'Union européenne, soient versées au budget communautaire, qui,
lui, bénéficie aux Quinze Etats, et notamment à ceux des
Etats qui auront refusé la discipline budgétaire de la zone euro.
Le précédent ainsi constitué lui a semblé dangereux
pour la poursuite de la construction européenne dans la mesure où
on pénaliserait financièrement les Etats qui veulent aller plus
vite et plus loin dans des coopérations renforcées au profit
d'autres Etats qui refuseraient ces coopérations.
M. Xavier de Villepin
, tout en confirmant l'analyse de M. Denis
Badré, a indiqué que les pays qui seront en dehors de l'euro ne
pourraient être seulement des observateurs critiques car l'objectif du
dispositif proposé est de créer une cohésion d'ensemble
dans les Quinze pays européens.
A la demande de M. Jacques Genton,
M. Robert Badinter
a accepté
d'étudier de manière plus approfondie la question posée
par le changement de nom de la monnaie unique en vue de la prochaine
réunion de la délégation.
M. Jacques Genton
a alors indiqué qu'il résultait de
l'échange de vues :
- d'une part que le rapporteur allait déposer à titre personnel
une proposition de résolution afin que la procédure de l'article
88-4 puisse s'engager sans tarder, proposition de résolution qui
intégrerait notamment les questions soulevées par MM. Robert
Badinter et Denis Badré ;
- d'autre part que la délégation publierait un rapport
d'information rassemblant les éléments d'information objectifs
disponibles sur ce sujet.
Enfin, la délégation a chargé son président de
demander l'inscription en séance publique de la proposition de
résolution déposée par M. Xavier de Villepin sur les
propositions d'actes communautaires E 719 et E 720.
C. RÉUNION DU MARDI 12 NOVEMBRE 1996
La délégation a examiné le rapport
d'information de M. Xavier de Villepin sur la mise en place de l'Euro :
cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de change
(E 719 et E 720).
Après avoir précisé les thèmes abordés par
le rapport,
M. Xavier de Villepin
a indiqué que celui-ci
était destiné à donner à tous les sénateurs
les principaux éléments d'information au sujet des propositions
d'actes communautaires E 719 et E 720, et qu'il ne prenait pas
position au sujet de ces deux textes.
Le rapporteur a ensuite indiqué que la controverse au sujet du pacte de
stabilité se poursuivait au sein du Conseil, notamment sur les
" circonstances exceptionnelles " permettant à un Etat
membre
de ne pas encourir de sanctions financières alors qu'il ne respecte pas
les dispositions du pacte. L'Allemagne souhaite en effet que la notion de
" grave récession " soit définie
précisément comme un recul du produit intérieur brut d'au
moins 2 % pendant quatre trimestres de suite ou en moyenne annuelle.
Concluant son propos, il a souhaité que les propositions E 719 et
E 720 soient examinées en temps utile par le Sénat dans le
cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution. Il a
rappelé qu'il avait dans ce but déposé, à titre
personnel, une proposition de résolution dont la commission des finances
avait été saisie.
Ainsi qu'il avait été convenu précédemment,
M.
Robert Badinter
a alors apporté certaines informations
supplémentaires concernant la dénomination de la monnaie unique.
Il semble, a-t-il indiqué, que l'on se trouve à cet égard
dans une situation juridique sans précédent. Le terme
" ECU " ou " Écu " a été retenu
à l'origine car il renvoyait à la fois à un sigle
britannique (European currency unit) et au nom d'une ancienne monnaie
française, datant de Saint Louis. Dans la version française du
traité, il est fait référence à
l'" Écu ", qui apparaît dans de nombreux articles, et
notamment à l'article 3 A et à l'article 109 L,
paragraphe 4. Dans cette optique, le mot " Écu " ne renvoie
pas seulement à un instrument de compte, à une définition
de la monnaie, mais apparaît aussi comme étant le nom de la
monnaie elle-même. Dans la version allemande du traité, c'est le
mot " ECU " (en majuscules) qui est utilisé, et le
Gouvernement allemand estime qu'il renvoie seulement à une
définition, sans être également le nom de la monnaie
unique. La version anglaise, comme la version italienne, retiennent le
même graphisme ; la version espagnole, qui retient le pluriel du mot
" écus " (en minuscules), semble par là plus proche de
la version française. On se trouve donc en présence de graphismes
différents, alors que toutes les versions du traité font
également foi. On notera toutefois que l'utilisation d'un sigle, dans
l'ensemble des versions linguistiques du traité, est toujours
précédée d'une référence à ce que ce
sigle recouvre, alors que l'expression ECU, même lorsqu'elle figure en
majuscules, ne fait l'objet d'aucune explication. De plus, les versions
étrangères semblent mentionner le terme ECU comme s'il s'agissait
de la dénomination de la monnaie unique (ainsi, par exemple, dans la
version anglaise, "
a single currency, the ECU...
").
M. Robert Badinter
a ensuite rappelé que le Conseil
européen de Madrid, en décembre 1995, avait tranché en
faveur de la thèse allemande, et décidé que le mot
" écu ", dans le traité, devrait être
considéré comme un " terme générique "
renvoyant à une définition et ne constituant pas une
dénomination. Cependant, a-t-il poursuivi, une décision du
Conseil européen ne peut modifier un traité dûment
ratifié. Si l'on admet que la dénomination
" écu " résulte du traité, celui-ci doit
être révisé pour que le nom de la monnaie unique soit
l'" euro " : la proposition de règlement incluse dans
la
proposition d'acte communautaire E 720 ne peut être un instrument
juridique adéquat.
M. Robert Badinter a ensuite indiqué qu'il s'était entretenu sur
le sujet avec des juristes renommés pour leur connaissance des
institutions européennes. Il semble, a-t-il poursuivi, que l'argument le
plus fort pour considérer que le traité retient le mot
" Écu " comme nom de la monnaie unique figure dans le
libellé de l'article 109 L, paragraphe 4. Ce texte
indique très précisément que l'" Écu ",
dès l'entrée en vigueur de la troisième phase de l'UEM,
sera " une monnaie à part entière ". Or, que signifie
le passage à la troisième phase, sinon la disparition de
l'Écu comme instrument de compte, puisque, après cette date, il
ne fait plus référence à un panier de monnaies ? Le
mot "Écu " s'appliquant à la monnaie unique dans la
troisième phase de l'UEM ne semble donc pas pouvoir jouer d'autre
fonction que celle du nom de la monnaie unique.
M. Robert Badinter a alors exprimé la crainte que cette incertitude ne
puisse être utilisée par des adversaires de la monnaie unique, en
servant de fondement à un recours devant la Cour de justice des
Communautés européennes, soit directement, soit par la voie d'une
question préjudicielle. Mettant en avant un souci de
sécurité juridique, il a donc souhaité que la
Conférence intergouvernementale consacre l'appellation
" euro ", tout en indiquant que, à titre personnel, il
aurait
préféré que l'on gardât l'appellation
" écu ".
M. Christian de La Malène
s'est étonné que les
Etats membres aient ratifié des traités qui ne sont pas
exactement identiques, et non un même traité. Il s'est
demandé si la Cour de justice se reconnaîtrait compétente
pour un tel litige.
M. Robert Badinter
a précisé que seul le graphisme
distinguait les différentes versions. Mais, a-t-il poursuivi, la
proposition E 720 tranche, quant à elle, d'une manière
uniforme et devrait s'appliquer à tous les Etats membres : on peut
dès lors se demander comment elle pourrait être compatible avec
toutes les versions du traité.
M. Jacques Habert
a estimé que la proposition E 720
n'apportait pas de garanties suffisantes de sécurité juridique et
qu'il était donc souhaitable que le problème soit
réglé par la Conférence intergouvernementale.
M. Jacques Genton
a confirmé que le Conseil européen, tout
en étant l'instance européenne la plus élevée, ne
disposait pas du pouvoir de modifier les traités.
M. Pierre Fauchon
, tout en exprimant une certaine nostalgie pour le mot
" Écu ", a souligné que la construction
européenne était une action politique de portée
historique. En l'occurrence, a-t-il poursuivi, l'essentiel est la
volonté politique de se doter d'une monnaie unique, la question de
l'appellation étant secondaire. Il n'est pas porté atteinte
à la volonté des signataires puisque la modification de la
dénomination s'est faite avec l'accord de tous. Au demeurant, un recours
est impossible puisque, au Conseil européen de Madrid, un accord unanime
s'est dégagé entre les Etats. Si un recours avait
été possible, a-t-il ajouté, il aurait de toute
manière suffi d'appliquer le principe " pas de nullité sans
grief " ou bien de considérer la décision du Conseil
européen comme un " acte de gouvernement " insusceptible de
recours. Concluant son propos, il a estimé que la controverse sur le
pacte de stabilité était plus grave et plus inquiétante
que celle sur le nom de la monnaie unique.
M. Robert Badinter
a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une
question de nullité accessoire, mais d'une question de
compétence : or la Cour de justice est particulièrement
attentive aux questions de compétences. Peut-on modifier le
traité -à supposer que l'introduction du nom " euro "
en soit bien une modification- sur la base de son article 235, alors que
la Cour de justice a récemment affirmé, dans un avis rendu en
1996, que cet article ne pouvait être employé dans ce but ?
Il a ajouté que, de toute manière, la question du changement de
nom de la monnaie ne pouvait être considérée comme mineure.
M. Yves Guéna
s'est déclaré d'accord avec
M. Pierre Fauchon pour ne pas accorder une grande importance au nom de la
future monnaie unique, mais a estimé que le problème ne pouvait
être réglé de manière définitive que par la
Conférence intergouvernementale, l'article 235 du traité ne
pouvant constituer une base suffisante. Que le traité sur l'Union
européenne ait été adopté par
référendum, a-t-il souligné, n'empêche pas de le
modifier par la voie parlementaire.
M. Denis Badré
, tout en convenant que l'élément
politique devait primer, a souligné que cette primauté devait
s'exercer dans des conditions juridiques incontestables. Il convient, a-t-il
poursuivi, de suivre une procédure rigoureuse pour la mise en place de
la monnaie unique, en veillant dans un souci de sécurité
juridique à faire disparaître, autant que possible, tous les
éléments de flou et d'incertitude qui pourraient subsister. Il
est souhaitable de préciser comment la décision du Conseil sur la
liste des Etats participants s'articulera avec le contrôle du Parlement
allemand. Il est également nécessaire de bien préciser la
répartition des compétences entre les formations
plénières du Conseil et celles composées seulement des
Etats participant à la monnaie unique.
M. Jacques Genton
a estimé que les débats de la commission
des finances, puis de la séance publique, pourraient permettre de
dissiper les zones d'ombre.
M. Christian de La Malène
a souhaité que la
délégation soit associée à l'examen des textes et
que celui-ci comporte une procédure écrite permettant d'obtenir
du Gouvernement des réponses écrites. Il s'est par ailleurs
interrogé sur le rôle du Parlement européen dans la
procédure d'adoption de ces textes.
M. Xavier de Villepin
a souligné que la commission des finances
pourrait s'appuyer sur les travaux de la délégation et a
estimé que l'essentiel était de permettre l'expression du
Parlement sur ces propositions importantes et, sur certains points,
controversées.
M. Christian de La Malène
a estimé que l'article 88-4 de
la Constitution avait précisément été introduit
dans ce but.
Le rapport de M. Xavier de VILLEPIN
La mise en place de l'euro
a été publié sous le n° 74 (1996-1997)
D. RÉUNION DU JEUDI 14 NOVEMBRE 1996
La délégation a entendu, en commun avec la
commission des Finances, la commission des affaires économiques et la
commission des affaires étrangères, M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances, sur les modalités du
passage à l'euro.
Dans un propos introductif
, M. Jean Arthuis, ministre de
l'économie et des finances
, a rappelé les principales
étapes qui ont précédé le sommet de Dublin et
rappelé qu'en 2002, l'euro sera utilisé, concrètement, par
tous les Français. Il a insisté sur le fait que le passage
à la monnaie unique constituait une " étape
fondamentale " de la construction européenne et souligné
l'importance de la monnaie européenne pour donner un poids aux ambitions
légitimes des Européens.
Il s'est fait le défenseur des " critères de
Maastricht " qui, selon lui, constituent un code de bonne conduite
destiné à assurer la convergence des politiques
économiques européennes. Il a indiqué que la France
respectait, pour l'instant, quatre des cinq critères et que la
détermination dont elle ferait preuve, alliée aux
résultats obtenus, constituerait le meilleur moyen de faire entendre sa
voix. Il a ajouté qu'avec ou sans les critères de convergence, il
était de toute façon indispensable d'assainir la situation de nos
finances publiques.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a ensuite
indiqué que, forte de sa crédibilité monétaire
retrouvée depuis le sommet de Cannes, la France avait su, avec constance
et sans ostentation, contribuer à la mise en place d'un mécanisme
qui succédera, le moment venu, au système monétaire
européen (SME).
S'agissant du pacte de stabilité, dont il a rappelé que la
paternité revenait à M. Théo Waigel, il a indiqué
que ce pacte constituait, en quelque sorte, le " règlement de
copropriété " de la future Union monétaire.
Concernant le conseil de stabilité, le ministre de l'économie et
des finances a indiqué que cette instance devrait permettre aux
responsables politiques de prendre la place naturelle qui leur revenait dans la
conduite de la politique monétaire européenne, afin de
déterminer la parité externe de la monnaie. Mais il a reconnu que
cette idée ne recueillait pas encore l'assentiment de tous nos
partenaires.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a
émis le souhait que les Français parviennent à une
" conscience collective " européenne sur la
nécessité de la monnaie unique et qu'ils se gardent d'attiser des
" débats théologiques stériles ". L'objectif,
a-t-il indiqué, est avant tout de mettre notre pays en situation de
tirer le plus grand profit du passage à la monnaie unique.
De ce point de vue, il a fait observer que la première
préoccupation du Gouvernement consistait à faire en sorte que nos
entreprises soient en mesure de se préparer, très en amont, au
passage à l'euro car l'anticipation est la clé du succès.
La seconde préoccupation, a-t-il ajouté, est de ne laisser
personne au bord du chemin, car l'euro n'est pas l'affaire des puissants, mais
bien l'affaire de tous. C'est pour cette raison que le Gouvernement a mis en
place un plan de communication et que le ministère des finances a
constitué en son sein une " mission euro " destinée
à assurer la coordination de l'ensemble des administrations
concernées par le passage à la monnaie européenne.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, a indiqué que
l'opinion publique redoutait que les politiques restrictives menées
conjointement par les Etats membres en vue de mettre en place la monnaie unique
n'aient des effets par trop récessifs sur la conjoncture
économique. Par ailleurs, il a estimé que les parlementaires
craignaient une perte de la maîtrise des instruments de la politique
économique dès lors que l'on ne disposera plus ni de la politique
budgétaire ni de la politique monétaire. Puis, il a
demandé si le Gouvernement avait l'intention de proposer une politique
économique européenne qui aille au-delà de la simple
convergence des politiques nationales et qui constitue une véritable
politique coopérative. Enfin, il a interrogé le ministre sur le
rôle du conseil de stabilité.
En réponse, M
. Jean Arthuis, ministre de l'économie et
des finances
, a précisé que la baisse des taux
d'intérêt avait d'ores et déjà permis une
réduction des frais financiers et que la monnaie unique n'aurait pas
pour effet de détruire l'autonomie des politiques budgétaires.
S'agissant du conseil de stabilité, il a indiqué que cette
instance aurait en charge la détermination de la valeur externe de la
monnaie, détermination qu'il n'était pas question de confier
à la future Banque centrale européenne.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires
étrangères,
a rappelé que la délégation
du Sénat pour l'Union européenne s'était penchée
sur les modalités de la mise en place de l'euro et que, à la
suite des réflexions menées au sein de la
délégation, il avait déposé une proposition de
résolution en vue d'un débat public. Il a ensuite
interrogé le ministre sur le nouveau mécanisme de change
européen, qui ne fait actuellement l'objet que d'une communication de la
Commission, et sur la marge de manoeuvre dont disposerait la France dans le cas
où elle serait touchée par un choc économique
asymétrique.
En réponse, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des
finances, a insisté sur l'absolue nécessité d'aboutir
à un cadre monétaire stable afin d'assurer la
prospérité de notre économie. A cet égard, il a
indiqué que, lorsque l'euro entrerait en vigueur, la France serait en
mesure de maîtriser les deux-tiers de " l'aléa
monétaire " pesant sur son commerce extérieur, soit
92 % de son produit intérieur brut. Il a, par ailleurs,
estimé que le " SME bis " ne pourrait être
" formalisé " que lorsque la Banque centrale serait mise en
place. Il a ajouté que le nouveau mécanisme de change reposerait
sur une décision intergouvernementale et qu'il n'y aurait pas
d'adhésion obligatoire. L'incitation à l'adhésion
résulte de la nécessité d'être depuis au moins deux
années dans le mécanisme pour pouvoir participer à l'euro.
Par ailleurs, il s'est montré sceptique quant à la
nécessité de quantifier la gravité de la récession
justifiant les " circonstances temporaires
exceptionnelles " et
permettant d'échapper aux pénalités applicables en cas de
non respect du pacte de stabilité. Il serait très imprudent,
selon lui, d'arrêter un critère de récession unique pour
tout le monde car la gravité de celle-ci peut varier selon les pays ;
les petits pays peuvent ainsi être amenés beaucoup plus vite que
les autres vers des déficits importants. Il a encore indiqué que
l'Allemagne avait évoqué le critère d'une récession
d'au moins 2 % du PIB, mais que la France n'avait jamais connu de
récession d'une telle ampleur depuis la deuxième guerre mondiale.
M. Jacques Genton, président de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne
, a tenu à rappeler le
souhait unanime de la Délégation que la proposition de
résolution déposée par M. Xavier de Villepin fasse l'objet
d'un large débat en séance publique.
M. Maurice Schumann
a constaté que l'euro provoquerait en
fait une mutilation de l'Union européenne et que les dévaluations
compétitives des pays qui ne feront pas partie du SME bis pourraient
continuer de jouer. Il a émis le souhait d'une consultation populaire
sur l'entrée dans la monnaie unique et s'est déclaré
surpris que, dans l'exposé préliminaire du ministre, la question
du chômage n'ait aucunement été abordée. Il a
souhaité savoir comment empêcher la Banque centrale de prononcer
des sanctions contre les pays faisant partie de l'euro qui ne respecteraient
pas les critères de stabilité. Enfin, il a demandé qui
serait compétent pour juger des " circonstances
exceptionnelles ".
M. Denis Badré
a interrogé le ministre sur le pacte de
stabilité dont il a regretté le nom - trop proche de celui
d'austérité - et la teneur, exclusivement budgétaire.
Selon lui, limiter la mise en place de l'euro à un
" règlement de copropriété " constituerait une
erreur. Il s'est également étonné que l'on puisse admettre
que le produit des sanctions infligées aux pays ayant en partage la
monnaie unique puisse bénéficier à des pays ne l'ayant pas
adopté.
M. François Trucy
a interrogé le ministre sur la
force de l'euro par rapport au dollar et au yen.
M. Paul Loridant
a indiqué que le pouvoir politique avait
déjà renoncé au pouvoir monétaire au profit de la
banque centrale, et qu'avec le pacte de stabilité, il était en
train de renoncer au pouvoir budgétaire et même de satisfaire le
souhait ancien de M. Valéry Giscard d'Estaing d'inscrire dans la
Constitution l'équilibre de la loi de finances. Il s'est
interrogé sur la finalité de l'euro - s'agit-il d'un projet
économique ou d'un projet politique - et sur le rôle d'une
Banque centrale - stabilité des prix ou contribution au bien-être
social ? Il a encore demandé si la conversion en euros des
prêts contractés en monnaie nationale donnerait lieu, au profit
des banques, à des frais de dossier. Enfin, il a souhaité que le
Parlement français soit consulté sur le passage à la
troisième phase de l'union monétaire, à l'instar du
Parlement allemand.
M. Roland du Luart
a demandé s'il était envisageable, une
fois la monnaie unique mise en place, de laisser flotter l'euro par rapport au
yen et au dollar.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a souligné le
" déficit démocratique " des décisions
concernant la monnaie unique. Elle a interrogé le ministre sur la
composition et les pouvoirs du conseil de stabilité.
M. Christian de la Malène
a douté de la
capacité de la France à conserver une politique économique
autonome après la mise en place de la monnaie unique. Il a estimé
qu'il ne pourrait y avoir de monnaie sans lien étroit avec le politique
et que, si l'on voulait la monnaie européenne, il faudrait faire un
pouvoir européen et un Etat européen.
M. Michel Caldaguès
a souhaité savoir quels seraient,
au-delà des " formules incantatoires ", les apports concrets
de l'euro. A cet égard, il a reconnu que la maîtrise de
l'aléa monétaire constituait indiscutablement un apport concret.
Mais en quoi l'euro constituera-t-il une réponse à la
mondialisation ? Et, pour le rapport de parité de l'euro avec le dollar,
en quoi une monnaie forte permettra-t-elle de lutter contre une monnaie qui
n'est pas assez appréciée ? Enfin, il s'est
déclaré surpris qu'aucune réponse n'ait été
donnée aux propositions de M. Alain Peyrefitte en faveur du
maintien des monnaies nationales pour les échanges intérieurs.
M. Robert Badinter
a fait remarquer que, dans la version
française du Traité de Maastricht, et notamment dans son
article 3 A, l' " écu " représentait non
seulement la future unité de compte européenne, mais aussi le nom
de cette unité, alors que, dans la version allemande, la
référence à l' "ECU" ne préjugeait en rien de sa
dénomination. Or, a-t-il poursuivi, si l'écu est
véritablement la dénomination de la monnaie unique, un simple
règlement ne suffira pas à modifier celle-ci et il faudra avoir
recours à une modification du traité. Il a encore indiqué
qu'on ne saurait être trop prudent sur cette question, compte tenu de la
volonté de certains Etats de différer le passage à la
monnaie unique.
M. Yves Guéna
a demandé si les Allemands
étaient vraiment partisans du passage à l'euro et si le pacte de
stabilité n'était qu'une " proposition allemande " ou
déjà une décision communautaire. Il a encore
indiqué que le prix à payer pour l'euro lui semblait être
une quasi-stagnation et qu'il aurait été souhaitable de disposer
de plus de temps pour réduire les déficits publics. Il a craint
que la monnaie unique ne se traduise par une perte de souveraineté dans
la conduite de la politique économique. Enfin, établissant un
parallèle historique entre le passage à la monnaie unique et
l'unification allemande au XIX
e
siècle, qui est née du
"
Zollverein
" et où la Prusse a joué le
rôle de fédérateur, il s'est demandé si l'Allemagne
était appelée à jouer le rôle de
fédérateur de la construction européenne.
Mme Marie-Claude Beaudeau
a souhaité qu'un vaste
débat s'engage sur la monnaie unique et qu'un référendum
soit organisé sur le passage à la troisième phase de
l'union monétaire.
M. Maurice Blin
a insisté sur la nécessité de se
doter d'un euro capable de rivaliser avec le dollar.
M. Hubert Durand-Chastel
s'est inquiété d'un risque
de surévaluation de l'euro par rapport au dollar.
M. José Balarello
a rappelé que M. Jacques
Delors avait lancé la proposition d'effectuer de grands travaux à
l'échelle européenne et a estimé qu'il était temps
de relancer cette idée, même s'il fallait pour cela modifier les
critères de convergence.
Enfin,
M. Christian Poncelet, président
, s'est
interrogé sur la volonté réelle de l'Allemagne d'accepter
que sa monnaie soit fondue dans la monnaie unique.
Le ministre a alors répondu à l'ensemble des orateurs.
E. RÉUNION DU MARDI 26 NOVEMBRE 1996
La délégation a examiné le projet
d'avis de la délégation sur les propositions d'actes
communautaires E 719 et E 720 relatives à la mise en place de
l'euro (cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de
change), présenté par M. Denis Badré.
M. Denis Badré
, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la
commission des finances, saisie de la proposition de résolution n°
71 (1996-1997) de M. Xavier de Villepin, avait demandé
à la délégation de lui donner un avis sur les propositions
d'actes communautaires E 719 et E 720, cette demande d'avis
étant assortie d'un questionnaire. Il a indiqué que la commission
des finances avait désigné le rapporteur général du
budget comme rapporteur de la proposition de résolution de
M. Xavier de Villepin, preuve de l'importance qu'elle attache
à l'examen de cette proposition de résolution.
M. Denis Badré a souligné que les recommandations du Sénat
devaient avoir pour objet de réduire les incertitudes que pouvaient
susciter les propositions d'actes communautaires présentées par
la Commission pour la mise en place de l'euro. Le passage à la monnaie
unique est un acte historique ; un incident dans la procédure qui
doit y conduire présenterait un caractère dramatique : c'est
pourquoi l'attention du Gouvernement doit être attirée sur les
risques que pourraient comporter les modalités de la mise en place de
l'euro en cours de négociation.
Abordant l'examen de la proposition E 719, M. Denis Badré a
indiqué que le texte prévoyait une " surveillance
multilatérale " entre les Etats membres et une procédure
destinée à empêcher les déficits excessifs. Dans un
premier temps au moins, tous les Etats membres ne participeront pas à
l'euro. Les propositions de la Commission mettent donc en place un
système où les décisions seront prises tantôt par
tous les Etats membres, et tantôt par les seuls pays participant à
l'euro. Un tel système présente des risques d'incohérence.
Pour limiter ces risques d'incohérence, il conviendrait que tous les
Etats membres, qu'ils soient dans ou en dehors de la monnaie unique,
participent à l'effort de convergence et que, le plus tôt
possible, le plus grand nombre possible d'Etats membres participent à
l'euro.
Par ailleurs, la proposition E 719 prévoit des dispositions qui
vont au-delà d'une simple application du traité et qui tendent
à lier le Conseil, notamment pour l'application des sanctions à
l'égard des Etats qui ne respecteraient pas la procédure relative
aux déficits excessifs. Le rapporteur a estimé qu'il fallait au
contraire conserver la plus grande marge possible d'appréciation pour le
Conseil et qu'il convenait donc de refuser toute automaticité.
Sur la question posée par la commission des finances au regard de la
constitutionnalité du pacte de stabilité budgétaire, M.
Denis Badré a rappelé le contenu de l'article 88-2 de la
Constitution qui a précisé qu'un transfert de compétences,
rendu nécessaire pour réaliser l'Union monétaire, doit
être effectué " sous réserve de
réciprocité et selon les modalités prévues par le
traité ".
La proposition de la Commission prévoit une procédure de
surveillance renforcée à l'égard des seuls pays ayant
adopté la monnaie unique ; or le traité n'a prévu de
surveillance qu'à l'égard de tous les Etats membres. Le texte du
règlement ne satisfait donc pas à la condition de
réciprocité et ne se soumet pas aux modalités
prévues par le traité. Il reste encore à savoir si la
proposition de règlement met en place véritablement un transfert
de compétences, ce qui n'est pas certain dans la mesure où il ne
s'agit que d'un pouvoir de surveillance. S'il ne s'agit pas d'un
véritable transfert de compétences, alors il n'y a aucun
problème de constitutionnalité. Si, en revanche, il s'agit d'un
transfert de compétences, il conviendrait que le Gouvernement obtienne
l'extension des dispositions du règlement afin qu'elles soient
applicables à tous les Etats membres. Ce n'est qu'à cette
condition que les problèmes de constitutionnalité seraient
résolus.
La proposition de règlement qui définit la procédure
concernant les déficits excessifs pose un problème de
constitutionnalité identique. Le traité prévoit pour le
Conseil une marge de manoeuvre et une faculté d'appréciation
certaines pour ce qui touche aux sanctions ; or la proposition de
règlement restreint, voire supprime, ce pouvoir d'appréciation.
En cela, elle ne respecte pas " les modalités prévues par le
traité sur l'Union européenne " et, comme il paraît
peu contestable que ce pouvoir de sanction constitue un " transfert de
compétences ", elle ne satisfait pas aux exigences posées
par l'article 88-2 de la Constitution.
M. Michel Caldaguès
, après s'être
déclaré en accord avec l'idée centrale exprimée par
le rapporteur d'un maintien de la marge d'appréciation du Conseil, a
indiqué qu'il avait l'intention de déposer deux amendements
à la proposition de résolution déposée par
M. Xavier de Villepin, lorsque celle-ci serait examinée par la
commission des finances, afin d'en renforcer le contenu. Le premier amendement
a pour objet d'obtenir que " soient inséparables "
l'ensemble
des mesures du pacte de stabilité budgétaire, d'une part, et les
décisions relatives au nouveau mécanisme de change, d'autre part.
Le second amendement porte sur la sauvegarde des " impératifs
touchant aux intérêts vitaux de la France ". M. Michel
Caldaguès a souligné qu'il était nécessaire que la
possibilité d'acceptation d'un dépassement de la valeur de
référence fixée pour le déficit public ne se
réfère pas seulement à un " événement
échappant au contrôle de l'Etat membre concerné ",
selon les termes de la proposition de règlement, mais qu'elle laisse
aussi place à une initiative délibérée de l'un des
Etats lorsque ses impératifs nationaux sont en jeu. Il a fait valoir en
ce sens que la France, compte tenu de la configuration pluricontinentale de la
République Française et de ses engagements particuliers sur le
continent africain, devait pouvoir prendre des initiatives relevant de son
libre arbitre, en particulier dans le domaine de la défense nationale.
M. Xavier de Villepin
a manifesté son accord avec le rapporteur
sur le rôle du Conseil et sur le plus grand nombre d'Etats membres devant
participer à la monnaie unique. Il est de l'intérêt de la
France que l'Espagne et l'Italie participent à l'euro afin
d'éviter, à l'avenir, de nouvelles dévaluations
compétitives. Rejoignant la préoccupation de M. Michel
Caldaguès au regard de la préservation des intérêts
vitaux de la France, il a estimé que les amendements
évoqués par celui-ci auraient pour effet de renforcer le contenu
de sa proposition de résolution.
M. Paul Loridant
, s'exprimant à titre d'ancien praticien des
marchés financiers, s'est inquiété de la
spéculation qui pourrait intervenir à l'approche de la date
annoncée de mise en place de la monnaie unique tant que n'auront pas
été arrêtées les parités définitives.
Il a souhaité que la délégation attire l'attention de la
commission des finances sur ce point.
M. Christian de La Malène
a estimé qu'il était
impossible de séparer le débat sur les propositions d'actes
communautaires portant sur le pacte de stabilité budgétaire des
règles qui s'imposeront ultérieurement dans le domaine de la
fiscalité, comme du budget, dès lors que s'enclenchera la
" mécanique " de la monnaie unique. Refuser de voir que la
mise en place de la monnaie unique impliquera d'aller plus loin dans le
transfert du pouvoir budgétaire et fiscal à l'Union
européenne, parallèlement au transfert du pouvoir
monétaire, reviendrait à se voiler la face. Déjà il
apparaît que les propositions qui constituent le pacte de
stabilité vont au-delà d'une simple application du traité,
notamment en ce qu'elles tendent à rendre presque automatiques des
sanctions que le traité laissait à la libre appréciation
du Conseil. M. Christian de La Malène a alors
déclaré que, pour lui, le dessaisissement du pouvoir
budgétaire des Parlements nationaux, qui est la conséquence de
ces propositions communautaires, ne devrait pas être opéré
par des règlements européens et que la base juridique de ceux-ci
était insuffisante et contestable. Si l'on veut lever les
éléments d'inconstitutionnalité contenus dans le pacte de
stabilité budgétaire, il ne suffit pas d'élargir le nombre
des participants à la monnaie unique - ce qui risquerait de jouer contre
les critères du traité - mais il faut prendre l'initiative de
mettre en place un véritable pouvoir politique européen ;
seul ce dernier pourrait valablement et légitimement exercer un pouvoir
budgétaire et fiscal européen.
M. Denis Badré
a estimé que le Gouvernement devrait
veiller à ce que les pouvoirs d'appréciation restent dans les
mains du Conseil, comme l'a précisé le traité de
Maastricht ; il a ajouté que les dispositions du traité ne
devraient pas être dévoyées par une procédure de
nature technocratique.
Soutenu dans sa démonstration par M. Paul Masson, qui s'est
montré très sensible aux observations du rapporteur relatives
à la constitutionnalité des propositions de règlement, M.
Lucien Lanier, rejoignant l'analyse du rapporteur, a estimé qu'il
convenait que le plus grand nombre possible d'Etats membres participent
à la monnaie unique et que le Conseil garde la plus large
compétence d'appréciation. Il a estimé que le risque
d'inconstitutionnalité des propositions actuelles ne serait
écarté que lorsque ces deux conditions seraient satisfaites.
M. Pierre Fauchon
a déclaré qu'il souscrivait aux
observations du rapporteur de la délégation, aussi bien sur les
questions de constitutionnalité des textes que sur la
nécessité de la participation du plus grand nombre possible
d'Etats à la monnaie unique. Il n'est pas concevable que les Etats qui
ne seront pas dans la zone de l'euro fassent la discipline pour ceux qui seront
dedans et qui se plieront à cette discipline ; de même qu'il
n'est pas admissible qu'ils puissent bénéficier du produit des
amendes touchant les Etats ayant adopté la monnaie unique. Il a
également ajouté qu'il pouvait accepter les amendements
exposés par M. Michel Caldaguès, justifiés par la
nécessité de préserver les impératifs vitaux de la
France.
La délégation a alors adopté à l'unanimité
l'avis de la délégation sur les propositions d'actes
communautaires E 719 et E 720 relatives à la mise en place de
l'euro (cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de
change). Cet avis tend notamment à établir un lien politique
entre la mise en place de l'euro et le nouveau mécanisme de change,
à lever les incertitudes juridiques pesant sur la dénomination de
la monnaie unique et à maintenir le pouvoir d'appréciation du
Conseil dans la mise en oeuvre du pacte de stabilité. Il répond
en outre aux questions de la commission des finances sur la
constitutionnalité des propositions de règlement et sur l'impact
économique du dispositif proposé.
II. AVIS DE LA DELEGATION
A. LETTRE DE SAISINE DE LA COMMISSION DES FINANCES
Liste des questions relatives
aux propositions d'actes communautaires E 719 et E 720
sur lesquelles la commission des finances
souhaiterait plus particulièrement recueillir l'avis
de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne
Aspects juridiques :
Les propositions transmises sont-elles conformes à nos principes
constitutionnels ?
La substitution à la référence à l'ECU de la
référence à l'EURO introduit-elle un élément
de fragilité juridique des opérations de passage à la
monnaie unique et, dans cette hypothèse, quels seraient les moyens
appropriés pour résoudre le problème ainsi posé ?
Aspects économiques :
La réserve de l'application du dispositif projeté en
matière de "programme de stabilité" aux seuls Etats ne faisant
pas l'objet d'une dérogation ainsi que la définition et la
dénomination même du "programme de stabilité" visé
à l'article 1er , point 2 de la proposition de la commission en vue d'un
réglement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la
coordination des situations budgétaires semblent-elles pertinentes
à la délégation ?
A quelles valeurs de référence précises concernant leur
solde budgétaire ou l'endettement de l'Etat serait soumise la
définition de leurs programmes de stabilité par les Etats membres?
Les mécanismes prévus par la proposition de réglement du
conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre
de la procédure concernant les déficits excessifs semblent-ils
adaptés à la Délégation ?
En ce qui concerne la proposition E 720, la Délégation
souhaite-t-elle formuler un avis sur l'impact économique de son
dispositif et, en particulier, sur le contexte de la mise en oeuvre de la
monnaie unique ?
B. AVIS DE LA DELEGATION POUR L'UNION EUROPEENNE SUR LES PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES E 719 ET E 720
La délégation du Sénat pour l'Union
européenne,
- Saisie en application de l'article 73 bis, alinéa 4 du
Règlement du Sénat, par la commission des Finances, du
Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la
Nation, qui lui a demandé, par lettre du 21 novembre 1996, de lui
donner son avis sur les propositions d'actes communautaires E 719 et
E 720,
- Vu les propositions de règlements du Conseil sur le renforcement de
la surveillance et de la coordination des situations budgétaires, et
visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la
procédure concernant les déficits excessifs (Com (96) 496),
- Vu les propositions de règlements du Conseil sur l'introduction de
l'euro et sur certaines dispositions y afférentes (Com (96) 499),
- Vu la communication de la Commission européenne du 16 octobre
1996 : "
Procédures de convergence renforcées et
nouveau mécanisme de change dans la troisième phase de l'Union
économique et monétaire
",
- Vu le rapport d'information n° 74 (1996-1997) de M. Xavier
de Villepin, au nom de la délégation pour l'Union
européenne, sur "
la mise en place de l'euro : cadre
juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de
change
",
- Vu la proposition de résolution n° 71 (1996-1997) de
M. Xavier de Villepin,
a adopté, le 26 novembre 1996, sur le rapport de M. Denis Badré,
l'avis suivant :
La délégation considère que la mise en place de la monnaie
unique, selon les modalités définies par le traité sur
l'Union européenne, est un acte majeur de la construction
européenne, qui a pour objet de permettre à l'avenir
d'éviter les perturbations du fonctionnement du marché
intérieur entraînées par les fluctuations des monnaies des
Etats membres, et de donner à l'Europe le moyen de peser davantage dans
l'équilibre des relations monétaires internationales.
Elle constate par ailleurs que le processus d'union monétaire suscite
des inquiétudes et des réserves, si bien que tout
élément de nature à rendre ce processus contestable risque
d'être utilisé pour l'entraver ou le retarder.
En conséquence, elle estime que le Gouvernement doit, dans son action au
sein du Conseil, veiller :
- à créer les conditions permettant à l'Union
monétaire d'atteindre pleinement son objectif concernant le
fonctionnement du marché intérieur,
- à faire disparaître toute incertitude juridique pouvant
entourer les propositions d'actes communautaires E 719 et E 720.
A cette fin,
la délégation
estime que le Sénat
devrait adopter en séance publique, avant le Conseil européen de
Dublin, une résolution précisant les demandes qu'il adresse au
Gouvernement et qui devraient porter sur :
- le lien politique entre la mise en place de l'euro et le nouveau
mécanisme de change,
- la levée des incertitudes juridiques pesant sur la
dénomination de la monnaie unique,
- le maintien du pouvoir d'appréciation du Conseil dans la mise en
oeuvre du pacte de stabilité.
I - En ce qui concerne
le
nouveau mécanisme de change
.
La délégation observe que, comme l'indiquent les conclusions du
Conseil européen de Florence (21 et 22 juin 1996), la participation
à ce mécanisme restera facultative et que le Gouvernement du
Royaume-Uni vient d'indiquer à nouveau à la Chambre des Communes
sa volonté de ne pas y participer.
La délégation estime cependant que le Gouvernement doit
s'efforcer d'établir un lien politique entre la mise en place de l'euro
et l'adhésion au nouveau mécanisme de change du plus grand nombre
possible d'Etats parmi ceux qui ne participeront pas à la monnaie
unique.
Elle approuve, en ce sens, l'avant-dernier paragraphe de la proposition de
résolution n° 71.
II - En ce qui concerne le statut de l'euro
.
La délégation souligne les incertitudes pesant sur la base
juridique retenue par la proposition E 720 pour la dénomination de
la monnaie unique et de ses subdivisions.
Approuvant l'antépénultième paragraphe de la proposition
de résolution n° 71,
la délégation souhaite
donc que le Gouvernement vérifie que le remplacement de la
référence à l'" écu " par la
référence à l'" euro " peut s'effectuer sur la
base de l'article 235 du traité instituant la Communauté
européenne ;
en cas de doute, elle considère que le seul
moyen d'assurer la sécurité juridique est de consacrer la
dénomination de la monnaie unique dans le projet de traité que
prépare la Conférence intergouvernementale.
III - En ce qui concerne le pacte de stabilité.
1) Constatant que les deux propositions constituant le pacte de
stabilité, tout en se situant dans la logique du traité sur
l'Union européenne, vont au-delà d'une simple application de
celui-ci, notamment en ce qu'ils tendent à rendre presque automatiques
des sanctions que le traité laisse à la libre appréciation
du Conseil, la délégation souhaite que le Gouvernement veille
à éviter qu'une législation plus rigide que ne l'exige le
traité ne fasse disparaître les marges d'action nécessaires
pour que les politiques budgétaires puissent faire prévaloir
l'objectif d'une croissance régulière.
La délégation souhaite donc que le Gouvernement s'oppose aux
demandes formulées en vue de chiffrer l'importance de la
récession constituant une circonstance exceptionnelle. Elle estime en
outre qu'il serait préférable de faire disparaître de la
proposition de règlement l'exigence d'une durée d'un an pour
cette récession.
2) La délégation observe que l'article 103
paragraphe 5, qui constitue la base juridique de la proposition de
règlement " relatif au renforcement de la surveillance et de la
coordination des situations budgétaires ", concerne la surveillance
multilatérale
applicable à l'ensemble des Etats membres
.
Elle souhaite en conséquence :
-
que le Gouvernement vérifie si cette base juridique est
adaptée à une proposition de règlement concernant les
seuls Etats participant à la monnaie unique,
-
qu'il veille en tout état de cause à ce que,
conformément au treizième considérant de cette proposition
de règlement, la Commission européenne propose des dispositions
complémentaires définissant " des modalités
similaires pour les programmes et la surveillance des autres Etats
membres ".
3) La délégation constate que, pour l'application du pacte de
stabilité, le Conseil se trouve tantôt composé des
représentants des seuls Etats participant à la monnaie unique, et
tantôt de ceux de tous les États membres. Lors de la
rédaction du Traité, l'hypothèse retenue était
celle de la participation de presque tous les Etats membres à la monnaie
unique dès la mise en place de celle-ci, ce qui ne peut plus être
aujourd'hui tenu pour probable. Il convient cependant d'éviter qu'un
Conseil formé de représentants de l'ensemble des Etats membres ne
prenne des décisions de grande importance ne concernant qu'une
minorité de ceux-ci.
La délégation souhaite en conséquence que le
Gouvernement :
- s'efforce d'obtenir que le Conseil, lorsqu'il arrêtera quels sont les
Etats membres qui remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption
d'une monnaie unique, retienne, dans le respect du traité, le plus grand
nombre d'Etats possible.
- s'attache à mettre en place une coopération renforcée
entre les Etats participant à l'euro
, afin de favoriser la
cohérence du processus de décision et de former un contre-pouvoir
politique vis-à-vis de la Banque centrale européenne pendant la
période où tous les Etats membres ne participeront pas à
l'euro.
4) La délégation est opposée à ce que les
amendes prévues par la procédure concernant les déficits
excessifs soient versées au budget communautaire
, ce qui aurait pour
effet d'en faire bénéficier les Etats membres qui ne seraient pas
astreints au pacte de stabilité budgétaire du fait qu'ils ne
participeraient pas à la monnaie unique.
Elle soutient en ce sens le dernier paragraphe de la proposition de
résolution n° 71 et précise qu'à son avis le
produit des amendes devrait être versé à la Banque centrale
européenne.
Sur les questions relatives aux propositions E 719 et E 720 sur lesquelles
la commission des finances souhaiterait plus particulièrement recueillir
l'avis de la délégation :
1) " Les propositions transmises sont-elles conformes à nos
principes constitutionnels ? "
Vu l'article 88-2 de la Constitution qui dispose que
" sous
réserve de réciprocité et selon les modalités
prévues par le traité sur l'Union européenne signé
le 7 février 1992, la France consent aux transferts de
compétences nécessaires à l'établissement de
l'union économique et monétaire européenne... ",
a) La délégation estime que les deux propositions relatives
à l'euro (E 720) ne semblent pas soulever de problème de
conformité à la Constitution.
b) Elle observe que la proposition relative au
" renforcement de la
surveillance et de la coordination des situations budgétaires "
(E 719) élargit et renforce la procédure de surveillance
multilatérale à l'égard des seuls pays ayant adopté
la monnaie unique, alors que le traité sur l'Union européenne ne
prévoit, en son article 103, qu'une surveillance multilatérale
s'exerçant sur l'ensemble des Etats membres. Si, aux yeux de la
commission des finances, l'exercice de cette surveillance multilatérale
constitue un
" transfert de compétences "
, la
délégation considère que ce transfert ne s'opère
pas
" sous réserve de réciprocité et selon les
modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne "
, ainsi que l'exige l'article 88-2 de la
Constitution.
c) Elle observe en outre que le traité sur l'Union européenne met
en place, en son article 104 C, une procédure concernant les
déficits excessifs qui distingue les décisions qui s'imposent au
Conseil et celles qui sont laissées à son appréciation. Le
traité prévoit ainsi que le Conseil
" décide "
s'il y a ou non un déficit excessif
et qu'il
" adresse "
des recommandations à l'Etat
membre concerné ; mais il mentionne que le Conseil
" peut rendre
publiques "
ses recommandations, qu'il
" peut
décider "
de mettre en demeure l'Etat concerné et
surtout qu'il
" peut décider "
d'appliquer des
mesures,
au nombre desquelles figurent des amendes éventuelles.
Or la proposition de règlement
" visant à
accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure
concernant les déficits excessifs "
(E 719) dispose que le
Conseil
" décide "
de rendre publiques ses
recommandations, qu'il
" décide normalement d'infliger des
sanctions "
et qu'il
" exige en principe que l'Etat
membre
concerné effectue un dépôt non porteur
d'intérêts ".
De manière plus
générale, toute disposition du règlement visant à
définir la notion de
" circonstances exceptionnelles et
temporaires "
(article 1
er
, alinéa 2) ou le
montant des amendes que doit décider le Conseil (article 8) a pour
effet de lier ce dernier et de restreindre, voire de supprimer, son pouvoir
d'appréciation.
Ce pouvoir de sanction constituant un
" transfert de
compétences "
, la délégation considère que
ce transfert ne s'opère pas
" selon les modalités
prévues par le traité sur l'Union européenne "
ainsi que l'exige l'article 88-2 de la Constitution.
2) " La substitution à la référence à l'ECU
de la référence à l'EURO introduit-elle un
élément de fragilité juridique des opérations de
passage à la monnaie unique et, dans cette hypothèse, quels
seraient les moyens appropriés pour résoudre le problème
ainsi posé ? "
La délégation estime que la substitution du mot
" euro "
au mot
"écu "
causerait une grave
insécurité juridique dans le cas où la Cour de justice des
Communautés européennes considèrerait que le traité
sur l'Union européenne a retenu le mot
" écu "
pour la dénomination de la monnaie unique.
Elle constate que le mot
" écu "
figure en minuscules
dans six versions linguistiques du Traité et en majuscules dans les cinq
autres versions ; que, même dans les versions linguistiques
où il figure en majuscules, le mot ECU ne fait l'objet d'aucune
référence à sa signification alors que l'utilisation d'un
sigle dans le traité est toujours précédé d'une
référence à ce que ce sigle recouvre ; enfin que, dans
toutes les versions linguistiques, le terme écu ou ECU est
utilisé à plusieurs reprises comme s'il s'agissait de la
dénomination de la monnaie unique.
Elle observe que des informations parues dans la presse ont déjà
laissé entendre qu'une action allait être intentée devant
la Cour de justice sur ce fondement.
Elle considère que le moyen approprié pour faire
disparaître toute insécurité juridique consiste à
introduire la dénomination
euro
dans le traité.
3) " La réserve de l'application du dispositif projeté en
matière de " programme de stabilité " aux seuls Etats
ne faisant pas l'objet d'une dérogation ainsi que la définition
et la dénomination même du " programme de
stabilité " visé à l'article 1
er
, point 2
de la proposition de la commission en vue d'un règlement du Conseil
relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations
budgétaires semblent-elles pertinentes à la
délégation ? "
a) Sur le fait que les programmes de stabilité prévus par la
proposition relative au renforcement de la
" surveillance et de la
coordination des situations budgétaires "
ne s'appliquent
qu'aux Etats participant à la monnaie unique, la
délégation estime que la réponse figure au point III,
paragraphe 2) de son avis ci-dessus.
b) La dénomination " programmes de stabilité " et la
nature des éléments devant figurer dans ces programmes
n'appellent pas d'observations particulières de la part de la
délégation.
4) " A quelles valeurs de référence précises
concernant leur solde budgétaire ou l'endettement de l'Etat serait
soumise la définition de leurs programmes de stabilité par les
Etats membres ? "
Les programmes de stabilité que devront présenter les Etats
participant à l'euro au titre de la surveillance multilatérale
prévue à l'article 103 du traité devront prévoir
à moyen terme une situation budgétaire proche de
l'équilibre ou en excédent. Cette règle concerne
uniquement le déficit public, au sens qui lui est donné à
l'article 2 du Protocole n° 5 annexé au traité sur l'Union
européenne.
En tout état de cause, ces mêmes Etats auront à respecter
les valeurs de référence fixées à l'article premier
du Protocole n° 5 annexé au traité sur l'Union
européenne qui concernent, d'une part le déficit public (3 % au
maximum du PIB), et d'autre part la dette publique (60 % au maximum du
PIB). A défaut, ils relèveront de la procédure concernant
les déficits excessifs.
5) " Les mécanismes prévus par la proposition de
règlement du Conseil visant à accélérer et
clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les
déficits excessifs semblent-ils adaptés à la
Délégation ? "
La délégation estime que la réponse à cette
question figure au point III, paragraphes 1), 3) et 4) de son avis ci-dessus.
6) " En ce qui concerne la proposition E 720, la
Délégation souhaite-t-elle formuler un avis sur l'impact
économique de son dispositif et, en particulier, sur le contexte de la
mise en oeuvre de la monnaie unique ? "
Au sujet des aspects économiques liés à la mise en place
de l'euro, la délégation :
- ayant entendu le 29 octobre M. Jean-Paul Fitoussi, président de
l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et M.
Hervé Hannoun, sous-gouverneur de la Banque de France, et, le 14
novembre, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances,
a) souligne l'importance du respect des critères fixés à
l'article 109 J du traité sur l'Union européenne pour favoriser
une convergence durable des économies des Etats membres ;
b) estime que l'assainissement, actuellement engagé, de la situation des
finances publiques nationales s'impose indépendamment des contraintes
liées à la mise en oeuvre du traité sur l'Union
européenne ;
c) considère qu'une gestion rigoureuse des finances publiques est une
des conditions du retour à une croissance régulière
soutenue, permettant une amélioration de la situation de l'emploi ;
d) observe toutefois que les effets bénéfiques de l'effort de
réduction des déficits publics ne pourront être pleinement
atteints que si les autres composantes de la politique économique, et
notamment la politique monétaire et la politique de change, sont
parallèlement utilisées par les Etats membres dans un sens
favorable à une croissance saine et durable ;
e) considère que, au moment où les 15 sont engagés en
même temps dans leur effort de réduction des finances publiques,
la sous-évaluation du dollar par rapport aux monnaies européennes
peut freiner le redressement des économies des Etats membres.
ANNEXES
1. Proposition de resolution déposée le 7 novembre 1996 par M. Xavier de VILLEPIN sur les propositions d'actes communautaires E 719 et E 720
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de la Commission en vue d'un règlement du Conseil
relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations
budgétaires et la proposition de règlement (CE) du Conseil visant
à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la
procédure concernant les déficits excessifs (E 719),
Vu sur les propositions de règlements du Conseil fixant certaines
dispositions relatives à l'introduction de l'euro et concernant
l'introduction de l'euro (E 720),
Vu la communication de la Commission du 16 octobre 1996 relative au nouveau
mécanisme de change,
Considérant que les propositions E 719 et E 720 ainsi que la
communication de la Commission visant à la mise en place d'un nouveau
mécanisme de change répondent aux nécessités de la
mise en place de la monnaie unique,
Considérant que la monnaie unique n'atteindra en effet les objectifs
recherchés par le traité sur l'Union européenne que dans
la mesure où elle assurera la stabilité monétaire non
seulement dans les Etats membres participant à la monnaie unique, mais
aussi dans ceux qui ne participeront pas à celle-ci dès le
1
er
janvier 1999,
Considérant que le mécanisme de sanctions figurant dans le pacte
de stabilité budgétaire, demandé à l'origine par la
France, doit permettre d'atteindre cet objectif pour les pays participant
à la monnaie unique,
Considérant que le nouveau mécanisme de change doit permettre
d'atteindre cet objectif pour les pays qui ne participeront pas à la
monnaie unique dès le 1
er
janvier 1999,
Considérant toutefois que la France doit être certaine de pouvoir
mettre en oeuvre, en tant que de besoin et le moment venu, les
mécanismes budgétaires appropriés pour faire face à
un événement inhabituel ayant une incidence considérable
sur la situation financière de ses administrations publiques ;
Considérant qu'il y a lieu de vérifier que le recours à
l'article 235 du traité, en particulier pour le remplacement de la
référence à l'écu au sens de l'article 109 G du
Traité par la référence à l'euro, ne
présente aucun risque juridique compte tenu de l'avis 2/94 de la Cour de
Justice des Communautés européennes du 28 mars 1996 ;
Considérant que les mesures du pacte de stabilité
budgétaire en Europe et celles portant sur l'introduction de l'euro ne
peuvent être séparées des décisions relatives au
nouveau mécanisme de change en Europe ;
Considérant qu'il serait illogique que les amendes prévues par la
procédure concernant les déficits excessifs soient versées
au budget communautaire ; que cela aurait en effet pour conséquence de
profiter indirectement aux pays qui ne seraient pas astreints au pacte de
stabilité budgétaire du fait qu'ils ne participeraient pas
à la monnaie unique ;
Demande au gouvernement :
- de veiller à ce que la France dispose des moyens nécessaires et
suffisants pour remédier à une situation inhabituelle qui aurait
une incidence considérable sur la situation financière de ses
administrations publiques ;
- de vérifier que le remplacement de la référence à
l'écu par la référence à l'euro, par le recours
à l'article 235 du Traité, présente toutes les garanties
de sécurité juridique ;
- d'obtenir la mise en place conjointe de l'ensemble des mesures
nécessaires au bon fonctionnement de la monnaie unique, et notamment du
nouveau mécanisme de change européen.
- de veiller à ce que le produit des amendes prévues par la
procédure concernant les déficits excessifs ne puisse
bénéficier aux pays qui ne sont pas astreints aux règles
du pacte de stabilité budgétaire.
2. Amendements présentés par M. Michel CALDAGUÈS
AMENDEMENT
A la proposition de résolution n° 71
de M. Xavier de VILLEPIN
présenté par
M. Michel CALDAGUES
Compléter comme suit le premier alinéa :
- notamment afin de satisfaire à des impératifs touchant ses
intérêts vitaux.
Exposé des motifs
Cette adjonction, qui va dans le sens de la proposition de
résolution, tend à lui donner une force accrue.
Il paraît en effet souhaitable que la possibilité de prise en
compte d'un dépassement de la valeur de référence
fixée pour le déficit public ne se réfère pas
seulement à un " événement échappant au
contrôle de l'Etat membre concerné " selon les termes
mêmes de la proposition de règlement n° E-719, mais laisse
également place à une initiative délibérée
de l'un des partenaires lorsque ses impératifs propres sont en jeu.
Ainsi pourrait-il en être de notre pays, dont les vocations
spécifiques eu égard notamment à la configuration
pluricontinentale de la République Française et à ses
engagements particuliers sur le continent africain peuvent être de nature
à justifier des initiatives relevant de son libre arbitre.
Faute de pouvoir y satisfaire sans s'exposer à d'éventuelles
sanctions financières en application du pacte de stabilité
budgétaire, la France risquerait d'éluder l'aspect national de sa
défense. Une telle perspective doit être soigneusement
pesée.
AMENDEMENT
A la proposition de résolution n° 71
de M. Xavier de VILLEPIN
présenté par
M. Michel CALDAGUES
Au 3ème alinéa :
remplacer le membre de phrase " d'obtenir la mise en place conjointe
de
l'ensemble... " par la rédaction suivante : " d'obtenir que
soient inséparables l'ensemble... "
Exposé des motifs
Cette adjonction, qui va dans le sens de la proposition de résolution, tend à lui donner une force accrue. Elle est d'ailleurs cohérente avec l'avant-dernier des considérants, selon lequel " les mesures du pacte de stabilité budgétaire... ne peuvent être séparées des décisions relatives au nouveau mécanisme de change en Europe ".
3. Communication du Président de la Commission européenne et de M. de SILGUY sur les procédures de convergence renforcées et nouveau mecanisme de change dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire
COM(96)498
PROCEDURES DE CONVERGENCE RENFORCEES
ET NOUVEAU MECANISME DE CHANGE
DANS LA TROISIEME PHASE
DE L'UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE
Communication de M. le Président et M. de Silguy
Bruxelles, 16 octobre 1996
1. Introduction
1.1
Le Conseil européen de Madrid de
décembre 1995 a demandé au Conseil Ecofin d'étudier, en
coopération avec la Commission et l'Institut Monétaire
Européen (IME), dans leurs domaines de compétence respectifs, les
diverses questions qui se posent du fait que certains pays pourraient ne pas
participer à la zone euro dès le départ et, en
particulier, les problèmes liés à la stabilité
monétaire. La réflexion sur les relations entre les Etats membres
qui participeront dès le départ à la zone euro et les
États membres non participants a porté plus
particulièrement sur la nécessité d'établir un
système de change approprié et volontaire entre l'euro et les
monnaies nationales restantes.
1.2
Dans un premier temps, le Conseil Ecofin a étudié la
question du nouveau système de change lors de sa réunion
informelle des 12 et 13 avril 1996 à Vérone ; des rapports
sur l'avancement des travaux ont été présentés au
Conseil européen de Florence des 21 et 22 juin 1996 par le Conseil
Ecofin, l'IME et la Commission. Sur la base du consensus dégagé
à Florence, le Conseil Ecofin a arrêté dans les grandes
lignes des principaux éléments d'un nouveau mécanisme de
change- dérivé du mécanisme actuel- au cours de sa
réunion informelle du 20 et 21 septembre 1996, à Dublin.
1.3
La Commission est convaincue de la nécessité de mettre
en oeuvre un nouveau mécanisme de change dans la troisième phase
afin de permettre la participation de tous les États membres à la
zone euro et de protéger le marché unique. Le nouveau
mécanisme démontrera la solidarité monétaire
à l'intérieur de l'Union et incitera les États membres non
participants à des efforts de convergence et de discipline en
matière de change. Dans ce contexte, la Commission salue l'accord
dégagé sur les principaux éléments de ce nouveau
mécanisme, qui peut être résumé comme suit.
Le nouveau mécanisme de change sera composé de relations
bilatérales entre l'euro et les monnaies des États membres non
participants. Ce modèle "
hub and spokes
" fera
expressément de l'euro le point d'ancrage du système et en axera
le fonctionnement sur la nécessité de tendre vers le haut niveau
de stabilité macroéconomique de la zone euro.
Les taux pivots et les marges de fluctuation seront fixés dans le cadre
d'une procédure commune associant le Conseil des ministres, les
gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (BCE) et des banques
centrales des États membres non participants ainsi que la
Commission ; les marges de fluctuation seront larges, mais elles
n'excluront pas la possibilité de liaisons plus étroites entre
l'euro et les monnaies des Etats membres non participants, définies sur
la base des progrès accomplis sur le plan de la convergence et dans le
cadre de la même procédure commune.
L'intervention aux marges accompagnée du déblocage de
facilités financières adéquates, sera automatique, mais la
BCE ou les banques centrales concernées auront le droit de suspendre
l'intervention si leur objectif premier de stabilité des prix est mis en
péril. Des moyens pratiques de limiter les fluctuations entre les
monnaies des Etats membres non participants à l'intérieur des
marges normales sont également envisagés.
Des réalignements devront être opérés en temps
opportun, en appliquant une procédure commune ; toutes les parties
impliquées dans la procédure commune auront le droit de
déclencher une procédure pouvant conduire à un
réalignement.
2.
Le rôle des procédures de convergence renforcées
dans le nouveau mécanisme de change
2.1
La Commission note que la stabilité des taux de change que l'on
connaît depuis le printemps 1995 est le reflet des progrès
substantiels accomplis par tous les Etats membres sur le plan de la
convergence. Le succès des efforts de convergence -attesté de
manière évidente à la fois par le ralentissement de
l'inflation et par l'amélioration des résultats
budgétaires- est de bon augure pour le fonctionnement du nouveau
mécanisme de change. En outre, les progrès réalisés
à ce jour en matière de convergence confirment le point de vue de
la Commission, qui estime que le statut de " pré-in " sera
purement transitoire pour les Etats membres concernés à partir du
1
er
janvier 1999. Le nouveau mécanisme de change doit
donc être perçu comme un cadre destiné à soutenir
les Etats membres non participants dans les derniers efforts à consentir
avant leur intégration dans la zone euro.
2.2
Les enseignements du passé montrent que la stabilité
des changes dépend avant tout d'une gestion macroéconomique
saine. Les progrès réguliers des États membres non
participants dans la voie d'une convergence étroite et durable seront le
reflet de la qualité de leur gestion macroéconomique. Par
conséquent, la mise en oeuvre réussie d'un programme de
convergence crédible devrait réduire au minimum le risque de
faiblesse durable du taux de change d'un Etat membre non participant. C'est la
raison pour laquelle la Commission propose de renforcer les procédures
de convergence existantes pour ces pays.
2.3
Compte tenu de la corrélation entre stabilité des
changes et convergence, la Commission considère que des programmes de
convergence renforcés pourraient jouer un rôle dans la gestion du
nouveau mécanisme de change. Par exemple, les progrès accomplis
par un Etat membre non participant sur le plan de la convergence pourraient
être pris en considération pour décider du maintien ou non
de ses taux pivots. Les bons résultats obtenus sur ce plan pourraient
constituer un argument supplémentaire pour soutenir la monnaie non
participante concernée en cas de tensions spéculatives.
Toutefois, la référence aux programmes de convergence dans le
cadre du nouveau système ne porterait pas atteinte au droit de la BCE de
sauvegarder l'objectif de stabilité des prix qui lui a été
assigné par rapport à ses obligations en matière
d'intervention. Cette approche axée sur la convergence de la gestion du
nouveau mécanisme de change en préserverait la flexibilité
tout en garantissant une discipline adéquate en matière de
changes. Dans la mesure où elle s'appuie sur une stratégie plus
" préventive " que " correctrice ",
cette approche
semble, en outre, adaptée aux besoins des Etats membres appelés
à participer ultérieurement à la zone euro.
1. Procédures de convergence renforcées
3.1
Les efforts de convergence des États membres
non participants devront être soutenus pendant la troisième phase
pour assurer la participation de tous à la zone euro dans les plus brefs
délais. En particulier, il est déjà admis que la
présentation au Conseil de programmes de convergence devrait devenir une
obligation officielle pour les États membres non participants, à
l'instar de la présentation de programmes de stabilité pour les
États membres participants. Les États membres concernés
seraient invités à présenter, avant le
1
er
janvier 1999, date de démarrage de la
troisième phase, leurs nouveaux programmes de convergence
(destinés à remplacer les programmes actuels) ; ces
programmes auraient la même structure et le même contenu de
façon à ce qu'on puisse les comparer et évaluer les
résultats.
3.2
Les programmes de convergence fixeraient les objectifs en termes de
taux d'inflation, de déficit budgétaire et de ratio
d'endettement, et contiendraient également un calendrier précis
des ajustements nécessaires pour atteindre ces objectifs. Les
perspectives en matière de taux de change et de taux
d'intérêt à long terme y seraient également
abordées, de sorte que tous les critères de convergence
définis dans le Traité soient pris en considération. Les
mesures prises ou envisagées pour atteindre les objectifs de convergence
seraient décrites et les mesures supplémentaires à prendre
en cas de dérapage important seraient elles aussi indiquées. Les
principales hypothèses économiques qui sous-tendent la
stratégie de convergence -y compris, peut-être, une analyse de
sensibilité- seraient précisées, afin qu'on puisse
comprendre les conditions dans lesquelles cette stratégie serait mise en
oeuvre et en apprécier le caractère réaliste.
3.3
L'horizon temporel des nouveaux programmes de convergence devrait,
en principe, être très court, compte tenu du degré de
convergence que les Etats membres non participants auront probablement
déjà atteint le ler janvier 1999. Néanmoins, il
conviendrait de fixer des échéances à moyen terme
notamment pour l'objectif de déficit public inférieur à
3 % du PIB -pour faciliter la transformation des programmes de convergence
en programmes de stabilité dès que les Etats membres non
participants concernés rempliront les conditions d'intégration
à la zone euro. Les programmes de convergence seraient actualisés
chaque année. Cette actualisation comporterait une évaluation de
la mise en oeuvre du programme, une confirmation des objectifs de convergence
et des calendriers d'ajustement et, en cas de dérapage, une description
des mesures complémentaires à prendre. Les hypothèses
macroéconomiques sur lesquelles repose le programme seraient elles aussi
réexaminées et les implications des révisions
éventuelles seraient pleinement prises en considération dans la
stratégie de convergence.
3.4
Le renforcement des procédures de convergence au niveau
communautaire est également envisagé. Sans préjudice de la
primauté des États membres en matière de convergence, le
Conseil et la Commission exploiteraient au maximum les procédures de
surveillance prévues à l'article 103 du Traité. Le
Conseil disposerait d'un délai de deux mois pour achever l'examen d'un
programme de convergence et aurait le pouvoir d'approuver le programme sur
recommandation de la Commission et après consultation du comité
monétaire/du comité économique et financier. Ce
système traduirait un engagement mutuel ; celui des Etats membres
non participants d'avancer rapidement vers les conditions nécessaires
pour l'adoption de l'euro, et celui de l'Union européenne de soutenir
ces États dans leurs efforts.
3.5
La mise en oeuvre de la stratégie de convergence serait
contrôlée régulièrement au niveau communautaire.
Dès qu'un dérapage important par rapport aux objectifs serait
constaté, des recommandations seraient adressées aux Etats
concernés pour les inviter à prendre des mesures correctrices au
plus tard pour la prochaine réactualisation du programme. En outre, les
objectifs budgétaires fixés dans les programmes de convergence
serviraient de base à la fois aux recommandations à formuler dans
le cadre de la procédure de contrôle des déficits excessifs
et à l'évaluation de l'application de ces recommandations.
p.m. La base juridique des procédures de convergence
renforcées
La base juridique du renforcement des procédures de convergence
existantes est l'article 103 paragraphe 5, qui habilite le Conseil
à "
arrêter les modalités de la procédure de
surveillance multilatérale "
. Une législation
dérivée peut être adoptée afin de renforcer les
aspects de la surveillance multilatérale se rapportant à la
convergence, à l'instar de ce qui se fera pendant la troisième
phase dans le cadre du contrôle de la discipline budgétaire.
ACCELERATION DE LA PROCEDURE CONCERNANT LES DEFICITS
EXCESSIFS
(Proposition de règlement visant à accélérer et
clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les
déficits excessifs - E 719)
Etapes successives de la procédure |
Article du règlement |
Mode d'intervention de la Commission |
Composition du Conseil |
Majorité requise |
Le Conseil décide s'il y a ou non un déficit excessif |
Article 1 er § 1 |
Recommandation |
Conseil des 15 |
Majorité qualifiée |
Le Conseil adresse des recommandations |
Article 1 er § 1 |
Recommandation |
Conseil des 15 |
Majorité des 2/3, l'Etat membre concerné ne votant pas |
Le Conseil décide de rendre publiques ses recommandations |
Article 2 § 1 |
Recommandation |
Conseil des 15 |
Majorité des 2/3, l'Etat membre concerné ne votant pas |
Le Conseil met en demeure l'Etat concerné de prendre des mesures visant à réduire le déficit |
Article 3 |
Recommandation |
Conseil " Euro " |
Majorité des 2/3, l'Etat membre concerné ne votant pas |
Le Conseil inflige à l'Etat concerné des sanctions |
Article 4 |
Recommandation |
Conseil " Euro " |
Majorité des 2/3, l'Etat concerné ne votant pas |
Le Conseil abroge les sanctions |
Article 10 |
Recommandation |
Conseil des 15 |
Majorité des 2/3, l'Etat membre concerné ne votant pas |
Toutes les décisions sont prises avec une pondération des voix, conformément à l'article 148 § 2 du traité.
INDEX GÉNÉRAL
----
--B--
Banque Centrale Européenne 47; 48; 49
base juridique 7; 13; 19; 27; 35; 36; 43; 50
--C--
circonstances exceptionnelles 16; 22; 38
constitutionnalité 3; 7; 8; 13; 15; 16; 19; 23; 25; 26; 27; 28; 37; 38;
42
critères de convergence 5; 9; 20; 22; 24; 27; 40; 49
--D--
déficits excessifs 2; 6; 10; 22; 24; 25; 26; 31; 33; 36; 37; 38; 39; 40; 42; 43; 50; 52
--E--
Ecu 6; 14; 15; 17; 18; 23; 35; 38; 43
emploi 9; 10; 11; 22; 40
Euro 3; 13; 14; 15; 17; 18; 19; 20; 21; 22; 23; 24; 25; 27; 28; 33; 34; 35; 36;
37; 38; 39; 42; 43; 47; 48; 49; 50
--F--
finances publiques 6; 8; 9; 20; 40
--I--
inflation 10; 12; 48; 49
--M--
mécanisme de change 6; 7; 9; 12; 13; 20; 22
monnaie unique 4; 5; 6; 7; 8; 9; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17; 18; 19; 20; 21;
22; 23; 24; 25; 26; 27; 28; 31; 33; 34; 35; 36; 37; 38; 39; 42; 43
--P--
pacte de stabilité 3; 5; 6; 7; 8; 9; 12; 13; 15; 16; 18;
20; 22; 23; 24; 25; 26; 27; 28; 33; 34; 35; 36; 42; 43; 44; 45
parités monétaires 10; 11; 12; 13; 21; 23; 24
politique économique 10; 11; 12; 35; 40
--S--
statut juridique de l'euro 5; 6; 9; 13; 15; 16; 25; 28; 33
surveillance multilatérale 25; 36; 37; 39; 50