B. LE MILITAIRE BLESSÉ, UNE NOTION LARGE RECOUVRANT TOUS LES MILITAIRES BLESSÉS OU MALADES À L'OCCASION DE LEUR SERVICE
Le terme de militaire blessé peut recouvrir différentes situations. Dans son sens le plus strict, il s'agit du « blessé de guerre », soit un militaire blessé lors d'un affrontement direct et du fait d'une action délibérée de l'ennemi. Ce type de blessure ouvre le droit à la Médaille du blessé et certains droits d'office, comme la carte du combattant et le titre de reconnaissance de la Nation.
Dans un sens plus large, le blessé est un « militaire blessé en service », ce qui correspond à un militaire ayant subi une blessure ou contracté une maladie du fait ou à l'occasion de son service (par exemple lors d'un entrainement). Ce militaire pourra, selon la gravité de la blessure ou de la maladie, prétendre à divers dispositifs de soins et de réhabilitation. Par ailleurs, des droits différents peuvent s'attacher à une même blessure ou maladie en lien avec le service, selon que cette blessure soit intervenue ou non dans le cadre d'une OPEX.
S'agissant des blessures psychiques, la blessure peut se déclarer après que le militaire ait quitté l'institution sans que soit remis en cause ni le statut de militaire blessé, ni les droits qui s'y rattachent, à équivalence d'une blessure physique de la même gravité.
Dans le cadre de ce rapport, le terme de militaire blessé sera entendu au sens large en incluant donc, sauf mention contraire, les blessures stricto sensu et les maladies.
C. UN COÛT GLOBAL DE LA PRISE EN CHARGE DES BLESSÉS DE GUERRE DIFFICILE À ÉVALUER
Le coût budgétaire global de la prise en charge des militaires blessés correspond à l'agrégation de différents dispositifs de soins, de réhabilitation, d'indemnisation et aux coûts de fonctionnement des opérateurs et administrations supportant ces dispositifs.
1. Un coût budgétaire de 865 millions d'euros en 2024 pour le programme 169
Les crédits de la mission « Anciens combattants » destinés à la prise en charge des militaires blessés sont contenus dans le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation »
Ces crédits s'élevaient à environ 865 millions d'euros en 2024 et s'inscrivent dans une trajectoire baissière forte, la principale dépense - les pensions militaires d'invalidité - diminuant d'année en année.
a) 812 millions d'euros pour les PMI et droits rattachés en 2024
La dépense liée aux pensions militaires d'invalidité (PMI) a été exécutée à hauteur de 755 millions d'euros en 2023. La programmation budgétaire pour 2024 prévoyait 690 millions d'euros pour une hypothèse de 144 980 bénéficiaires de PMI.
S'agissant de dépenses dites « de guichet », la programmation budgétaire est directement facteur des prévisions relatives à la démographie des bénéficiaires des PMI. Or, ceux-ci sont en moyenne très âgés et leur nombre diminue chaque année.
Ce mouvement dure depuis plus de 10 ans et les projections actuelles continuent de placer ces crédits sur une trajectoire baissière.
Par ailleurs, il existe des droits annexes liés à la qualité d'invalide :
- gratuité des prestations médicales, paramédicales, chirurgicales, pharmaceutiques et de cures thermales nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension ou appareillage ;
- remboursement des réductions de transport accordées aux invalides ;
- remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides.
Le cout total de ces droits en 2023 s'élevait à 120 millions d'euros, dont 84,2 millions d'euros pour le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides ; 33,7 millions d'euros pour la gratuité des soins ; et 2,1 millions d'euros pour le remboursement des réductions de transport accordées aux invalides.
La programmation budgétaire pour 2024 prévoyait 121,3 millions d'euros pour ces droits, dont 80,8 millions d'euros pour le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides ; 38,8 millions d'euros pour la gratuité des soins ; et 1,7 million d'euros pour le remboursement des réductions de transport accordées aux invalides.
b) Un financement de l'INI à hauteur de 14 millions d'euros
L'Institution nationale des Invalides est un établissement médico-social référent en matière de réhabilitation post-traumatique. Elle est un opérateur de l'État bénéficiant d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 169.
Cette subvention s'élevait à 13,7 millions d'euros en 2023 et 14,4 millions d'euros en 20243(*).
Elle représente environ 1/3 des ressources de l'INI, qui bénéficie également d'une dotation annuelle de financement de 14,4 millions d'euros, allouée par le ministère de la santé et de la prévention pour financer la part des dépenses prises en charge par le régime d'assurance maladie, et d'une dizaine de millions d'euros de revenus propres.
Si ces crédits sont nécessaires au fonctionnement de l'INI, ils n'apparaissent pour autant pas dans la mission « Anciens combattants ».
c) Les dépenses indirectes en faveur des militaires blessés d'environ 40 millions d'euros
Certains droits portés par la mission « Anciens combattants » et visant principalement les anciens combattants bénéficient également aux militaires blessés.
Il en va ainsi de l'allocation de reconnaissance du combattant, une pension viagère versée à tout titulaire de la carte du combattant de plus de 65 ans. Tout militaire blessé n'est pas nécessairement titulaire de la carte du combattant de la même manière que tout titulaire de la carte du combattant n'est pas nécessairement un militaire blessé. Néanmoins, une proportion importante de blessés de guerre est titulaire de la carte du combattant, qui est notamment attribuée aux militaires ayant totalisé 112 jours de service en OPEX, aux blessés de guerre (au sens strict du terme) et aux militaires ayant dû être évacués pour une blessure reçue ou une maladie contractée pendant le service dans une unité reconnue comme combattante en OPEX.
Selon les données du ministère des Armées, 27 % des bénéficiaires ayants-droits militaires d'une PMI (soit 41 100 pensionnés) bénéficiaient également de l'allocation de reconnaissance du combattant. Cette proportion s'élevait à 38 % en 2015, la baisse s'expliquant par le rajeunissement global de la population des pensionnés militaires d'invalidité du fait de la disparition des pensionnés les plus âgés.
L'allocation de reconnaissance du combattant s'élevant à 812,76 euros en 2023, le budget total consacré en faveur des pensionnaires militaires d'invalidité s'élevait ainsi à environ 33,3 millions d'euros.
Selon la même logique, l'aide sociale de l'ONaCVG bénéficie en partie a des blessés. Elle s'élève à 15 millions d'euros annuels et est versée à tous les ressortissants de l'Office, dont notamment les titulaires de la carte du combattant, les victimes civiles de guerre et d'acte de terrorisme et les pupilles de la Nation et de la République. Le financement des mesures liées au « plan blessé » mises en oeuvre par l'Office s'élève à 5,4 millions d'euros en 2024.
d) Des avantages fiscaux importants renchérissant l'effort en faveur des blessés militaires
Le programme 169 porte 3 exonérations fiscales qui représentent un volume budgétaire particulièrement important au regard des crédits portés par la mission. Ces exonérations bénéficient à la fois aux anciens combattants et aux blessés de guerre. Il s'agit :
- d'une demi-part fiscale pour les titulaires de la carte du combattant de plus 74 ans ou pour leur conjoint survivant de 74 ans ou plus, dont peuvent bénéficier les militaires blessés titulaires de la carte du combattant (ou leur conjoint survivant). Cette exonération était estimée à 489 millions d'euros en 2023 ;
- de l'exonération de toute imposition des pensions versées au titre code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (dont notamment les PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant). Le coût de cette exonération était de 105 millions d'euros en 2023 ;
- de la déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant, estimée à 27 millions d'euros en 2023.
2. Une majorité des crédits de la politique d'accompagnement des blessés non évaluée et portée par la mission « Défense »
Interrogé sur le coût budgétaire agrégé de la politique d'accompagnement des militaires blessés supporté par la mission « Défense », le ministère des Armées a indiqué qu'une telle évaluation n'existe pas.
Néanmoins le seul service de santé des armées (SSA) bénéficie d'un financement s'élevant à 1,6 milliard d'euros, sans prise en compte du coût que représente les différentes administrations mobilisées dans le parcours d'accompagnement des blessés (action sociale des armées, cellules d'accompagnement des blessés, défense mobilité, etc.). Aussi, la majorité du coût de la prise en charge des blessés est supporté par la mission « Défense ».
* 3 En AE (autorisation d'engagement), les crédits en CP (crédits de paiement) étaient plus élevés du fait de l'engagement d'important travaux de rénovation de l'INI qui entrainent le versement de 9 millions d'euros de subvention d'investissement.