b. Instaurer un dispositif législatif spécifique aux ingérences étrangères, à l'instar de ce qui existe dans certains pays

Plusieurs pays ont adopté ou débattent actuellement de législations visant à assurer une meilleure visibilité à la prévention des ingérences étrangères, qui reposent sur la création d'un registre des agents étrangers conduisant des actions d'ingérence dans la vie publique. C'est notamment le cas des États-Unis, de l'Australie, du Canada et du Royaume-Uni. La Commission européenne a également annoncé la présentation prochaine, vraisemblablement à l'automne 2023, d'un « paquet législatif » sur la

« Défense de la démocratie ».

Si la France dispose, depuis la loi Sapin 2, d'un dispositif de transparence des représentants d'intérêt, ce régime apparaît insuffisant dès lors qu'il a été conçu pour viser principalement les activités de lobbying économique et se révèle insuffisamment adapté aux spécificités de l'action d'influence étrangère. Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre du 11 octobre 2021, relative au renforcement de la transparence des actions d'influence étrangère conduites auprès des agents publics de l'Etat, ne couvre pas non plus l'intégralité des actions d'ingérence menées dans la vie publique.

C'est pourquoi l'adoption d'un dispositif de transparence ad hoc, spécifique aux ingérences étrangères, aurait le mérite :

- De distinguer clairement la problématique du lobbying économique et celle de l'influence étrangère.

- D'espérer attraire dans le champ du nouveau registre un nombre plus important d'agents d'influence que ceux qui relèvent du champ du registre actuel de la loi Sapin 2.

- D'envoyer un signal politique fort dans un contexte géopolitique marqué par la résurgence des ingérences étrangères.

Un tel dispositif ad hoc aurait pour objet de rendre obligatoire l'enregistrement des acteurs influant sur la vie publique française pour le compte d'une puissance étrangère et de les soumettre à une série d'obligations déontologiques. La finalité d'un tel enregistrement serait double : d'une part, limiter les tentatives d'influence, voire d'ingérence étrangère sur l'action publique française et d'autre part, renforcer l'information des responsables publics et des élus sur la nature de leurs interlocuteurs étrangers.

L'obligation de déclaration s'imposerait à toute personne physique ou morale qui, de manière cumulative :

- Conduirait une activité d'influence sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire, sur la conduite des politiques publiques ou sur un processus électoral.

- Conduirait cette activité pour le compte, sous la direction ou le contrôle d'une puissance étrangère, aux fins de promouvoir les intérêts de cette puissance étrangère.

À l'instar du régime des représentants d'intérêt, la gestion de ce régime déclaratif pourrait être confiée à la Haute autorité de contrôle de la vie publique (HATVP). Un régime de sanctions pénales serait instauré en cas de non- respect de l'obligation de déclaration.

Alors que la Commission européenne travaille à la présentation d'un train de mesures européennes visant à lutter contre les ingérences étrangères, la mise en place en France d'un dispositif ad hoc pourrait aussi préfigurer la création d'un « FARA » européen. (Recommandation n° 13)

LE NATIONAL SECURITY BILL :

Une adaptation majeure du cadre juridique anglais pour lutter contre les ingérences étrangères

En mai 2022, le Parlement britannique a été saisi d'un projet de loi qui vise à moderniser substantiellement la loi de contre-espionnage datant de 1911 pour l'orienter vers une stratégie de contre-ingérence. Le National Security Bill, est entré en vigueur le 11 juillet 2023.

Ce projet de loi comprend trois principaux volets :

1. Le renforcement du champ infractionnel et des pouvoirs d'investigation en matière de contre-espionnage et de contre-ingérence avec la création de nouvelles infractions en matière de contre-espionnage, comme par exemple le fait de conduire des activités de sabotage pour le compte d'une puissance étrangère. Le National Security Bill crée également de nouvelles infractions spécifiques à la lutte contre les ingérences étrangères : une infraction générale réprimant les actions d'ingérence dès lors que certaines conditions sont réunies, une infraction spécifique à l'ingérence dans les élections politiques du Royaume- Uni (en réprimant notamment l'utilisation de fausses identités dans une campagne électorale pour promouvoir les intérêts d'une puissance étrangère). Le texte crée également une infraction préparatoire réprimant les personnes engagées dans la conduite préparatoire à la commission d'une infraction en lien avec une ingérence étrangère.

2. La mise en place de mesures administratives restrictives à l'encontre d'individus soupçonnés de conduire des actions d'ingérence, telles que l'assignation à résidence, des restrictions d'accès à certains lieux, l'interdiction de quitter le Royaume-Uni, l'obligation de se présenter à un poste de police, etc.

3. La création d'un registre des agents de l'étranger (Foreign Influence Registration Scheme - FIRS), qui s'inspire des dispositifs américains (FARA, adopté en 1938) et australien (Foreign influence transparency scheme - FITS, adopté en 2018). Il s'agit d'un dispositif visant à rendre obligatoire l'enregistrement dans un registre dédié de personnes agissant pour le compte d'une puissance étrangère à des fins d'influence de la vie publique.

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