B. LA PHASE DE TRANSITION NE S'EST PAS ACCOMPAGNÉE D'UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION SUR LA NATURE DE LA COLLECTIVITÉ AINSI CRÉÉE
Bien menée sur le plan technique, la phase de transition a été toutefois source d'incompréhensions institutionnelles et politiques, dont les effets perdurent à ce jour.
Les propos recueillis par la mission d'information aussi bien de la part des maires des communes situées sur le territoire de la métropole, que des groupes politiques du conseil de la métropole, révèlent ainsi la persistance de la logique intercommunale comme référentiel , qui fait obstacle à l'appréciation de la métropole comme collectivité territoriale à statut particulier. À l'image de l'ancienne COURLY, la métropole de Lyon est conçue, pour la plupart des acteurs locaux, comme un outil de mutualisation et un organe de représentation de l'ensemble des communes situées sur le périmètre métropolitain, et non comme le département exerçant des compétences communales qu'il a vocation à être depuis la loi « MAPTAM ».
Corrélativement à la prégnance du modèle intercommunal, le manque de légitimité territoriale des élus métropolitains a été systématiquement mis en avant par les maires et certains groupes politiques entendus dans le cadre de la mission d'information. Sont ainsi regrettés le fait que le président du conseil de la métropole ne puisse être lui-même maire, alors qu'une telle incompatibilité n'existe pas pour le président d'une métropole de droit commun ; le fait qu'un tiers des conseillers métropolitains n'aient pas de mandat local ; ou encore, le fait que l'ensemble des maires des communes se trouvant sur le territoire de la métropole ne siègent pas au conseil de la métropole 162 ( * ) . De façon générale, la perte du lien entre la métropole et les communes de son territoire par rapport à la situation antérieure de la COURLY est vivement dénoncée, en particulier par les maires.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le décalage constaté entre les attentes des acteurs politiques locaux et la nature réelle de la métropole.
Tout d'abord, la persistance d'un fonctionnement intercommunal pendant la période de transition a certes préservé la continuité de l'administration de la collectivité, mais n'a pas permis aux élus de s'approprier la forme départementale de la collectivité nouvellement créée.
En outre, la campagne électorale de 2020 n'est pas étrangère aux difficultés évoquées ci-dessus, en raison tant de ses modalités structurelles que de ses circonstances particulières.
D'une part, l'organisation, le même jour, de deux scrutins distincts, sur des circonscriptions différentes , a pu nuire à la compréhension des enjeux par les électeurs, d'autant que la campagne d'information déployée ne semble pas avoir été suffisante pour distinguer clairement les deux scrutins. De plus, alors même que les élections métropolitaines sont parfaitement indépendantes des élections municipales, des personnes auditionnées ont regretté que la campagne métropolitaine de 2020 ait été dominée par des enjeux communaux , et n'ait donc pas permis de mettre en avant les enjeux propres à l'élection métropolitaine.
Pourtant, de l'avis de certains universitaires, l'élection métropolitaine offre en théorie des atouts de choix pour intéresser et mobiliser les électeurs. Si Christophe Chabrot, maître en conférences en droit public, reconnaît « une charge affective plus importante » aux élections municipales, il estime néanmoins que les élections métropolitaines pourraient à terme, et à condition de gagner en visibilité, devenir « plus gratifiantes 163 ( * ) » pour les électeurs que celles-ci, par leur portée directe sur les politiques menées par la métropole. En pratique, toutefois, les élections métropolitaines de 2020 ont été marquées par un taux d'abstention particulièrement élevé, avec moins de 36 % de participation au premier tour et moins de 32 % au second tour.
D'autre part, les conditions matérielles de la campagne électorale ont assurément été compliquées par l'épidémie de covid-19, qui a pendant plusieurs mois rendu difficile la tenue de réunions politiques traditionnelles et a limité les échanges directs entre les électeurs et les candidats.
Par conséquent, ni la période de transition, ni la campagne électorale n'ont permis de préparer les élus à l'avènement institutionnel de la métropole de Lyon telle qu'elle résulte des élections de 2020. Si un vernis intercommunal avait pu perdurer entre 2015 et 2020, celui-ci ne résiste pas à l'affirmation d'un mode inédit de gouvernance. Ce nouveau fonctionnement ne fait certes que découler de la véritable nature juridique de la métropole depuis la loi « MAPTAM », à savoir, une collectivité territoriale exerçant des compétences départementales et intercommunale sur l'ancien territoire de la COURLY ; mais il s'est révélé avec d'autant plus de force que le changement institutionnel s'est doublé d'une alternance politique 164 ( * ) .
À l'incompréhension ressentie par les communes à l'égard de la métropole, s'est dès lors mêlée une dose de défiance, si bien que la relation entre la métropole et les communes semble aujourd'hui devoir s'appréhender sous l'angle du face à face.
* 162 Seuls vingt-quatre maires sur les cinq-neuf maires des communes du territoire siègent au conseil de la métropole.
* 163 Réponse au questionnaire des rapporteurs.
* 164 Le groupe « Maintenant la Métropole pour nous - Europe Écologie Les Verts » ayant remporté 22,55 % des voix et 58 sièges au conseil de la métropole, ainsi que la présidence.