PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE D'UN DÉPLACEMENT

Jeudi 15 septembre 2022 : déplacement dans les Hautes-Pyrénées

Mme Bénédicte MARTINEAU, sous-préfète de Bagnères-de-Bigorre

M. Fabien TULEU, sous-préfet d'Argelès-Gazost

M. Sébastien BALIHAUT, chef de bureau de la réglementation et des collectivités territoriales

M. Jean René NOLF, Directeur Départemental des Finances Publiques

M. Sylvain ROUSSET, Directeur Départemental des Territoires

Mme Isabelle SENDRANÉ, déléguée adjointe ANCT et adjointe au DDT

Mme Viviane ARTIGALAS, sénatrice et présidente de l'association des maires des Hautes-Pyrénées

M. Gérard CLAVÉ, maire de Bartrès et président de l'association des maires ruraux des Hautes-Pyrénées

M. Claude CAZABAT, maire de Bagnères-de-Bigorre

M. Jacques BRUNE, président de la communauté de commune de la Haute-Bigorre

Rencontre avec des accompagnants territoires et chefs de projets recrutés par les collectivités dans le cadre du dispositif « Petites Villes de Demain » :

o Mme Stéphanie BERDET, Direction Départementale du Territoire

o M. Clément AQUILINA, Argelès-Gazost et Cauterets

o M. Timothée BLOURDIER, Communauté de communes de Haute-Bigorre-Bagnères

o M. Philippe LEMOINE, Pays du Val d'Adour

o M. Nicolas GAITS, Pôle d'Équilibre Territorial et Rural Pays du Val d'Adour

o M. Emilien MOGUEN, Mairie de Tournay

o M. Sacha MAINGUY, Arreau et Saint-Lary Soulan

o Mme Chloé MOUTH, Mairie de Castelnau Magnoac

o M. Tanguy FOURRIER, Communauté de communes de Neste Barousse

o Mme Gaëlle BOSSARD, Mairie de Lannemezan

o Mme Nathalie MARCOU, Mairie de Vic-en-Bigorre

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
EN SÉANCE PLÉNIÈRE

COMPTE RENDU DU JEUDI 24 JUIN 2021

1. Auditions sur la situation et l'avenir des services préfectoraux et déconcentrés : M. Gilles Andréani, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et M. Jean-Michel Lair, conseiller-maître de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Nous sommes très heureux de vous écouter aujourd'hui. Depuis longtemps, nous sommes passionnés par le sujet de la déconcentration.

Le Président de la République a indiqué qu'une des priorités de la fin de son quinquennat était la réforme de l'État. Au-delà de la crise territoriale et sociale que nous avons traversée, nous avons observé des révélateurs très puissants de la désarticulation des services de l'État : la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire. Nous sommes face à une obligation d'efficacité, qui passe par davantage de cohérence et une réorganisation.

Dans ce contexte, le Premier ministre a confirmé son souhait d'« amincir l'État central pour remplumer les services déconcentrés ». Nous avons le sentiment objectif que, parallèlement à la déconcentration, l'administration centrale s'est renforcée et travaille peut-être d'un peu trop loin, alors que l'on ne gère bien que de près.

La reprise, à l'été 2020, des directions départementales interministérielles par le ministère de l'intérieur au détriment de Matignon, constitue également une réforme d'ampleur, qu'il convient d'évaluer. Cette réforme se traduit par la mise en place des secrétariats généraux communs aux directions départementales interministérielles (DDI). Certains s'interrogent sur la pertinence d'un rattachement des préfets au ministère de l'Intérieur, et non à Matignon. Le Sénat est très actif sur ce sujet. L'an dernier, nous avons, de façon assez oecuménique, adressé 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales et plaidé pour un renforcement du rôle du préfet de département. Nous réaffirmerons cette position dans le projet de loi 4D, ce qui peut amener des commentaires quant à un éventuel renouveau des départements. Il ne s'agit pas de cela, mais de l'exigence d'efficacité et de proximité. Avec la création des grandes régions, nous constatons que l'espace départemental est souvent un espace de grande efficacité.

Le pertinent rapport « Où va l'État territorial », publié en 2016 par Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont, prend une dimension nouvelle avec la décision du Gouvernement de supprimer le corps des préfets pour fonctionnaliser ces derniers. C'est dans ce contexte que la Délégation aux collectivités territoriales a souhaité poursuivre son enquête et l'actualiser. Nous avons désigné deux rapporteurs, Agnès Canayer et Éric Kerrouche, pour évaluer la situation des services préfectoraux et déconcentrés. Cette mission devrait nous donner des éléments d'actualisation pour la réforme que le Gouvernement entend conduire.

Des questions se posent certainement sur l'organisation de l'État, mais aussi sur la capacité en termes de moyens et de ressources pour l'État d'exercer de façon satisfaisante ses missions dans les territoires. Convier la Cour des comptes à échanger avec nous sur ce sujet nous a paru d'autant plus pertinent que celle-ci a publié en décembre 2017 un rapport intitulé « Les services déconcentrés de l'État : clarifier leurs missions, adapter leur organisation, leur faire confiance » Nous vous attribuons le mérite de la clarté et savons que le point d'équilibre entre un État centralisé et son administration déconcentrée reste difficile à atteindre. Nous faisons également face à un sujet d'ordre culturel, la France ayant parfois des difficultés à déconcentrer véritablement l'État. Des réformes se sont succédées et les initiatives n'ont pas manqué ces dernières années. Ce flux continu peut paraître déstabilisant et ces réformes ne sont peut-être pas toujours évaluées. Nous estimons ne pas avoir atteint le degré d'efficacité nécessaire, il est très important de se donner un objectif, en évitant de tomber dans l'écueil de la crise sanitaire. L'organisation de l'État doit permettre de faire face à tous les temps : la tempête comme le temps calme.

Nous sommes impatients d'entendre votre analyse, l'exigence de stabilité, d'efficacité, les questionnements du préfet, la coordination des services de l'État, etc. Nous serions très intéressés également de vous écouter sur les projets de réformes à venir ou celles qui sont intervenues.

M. Gilles Andreani . - Merci beaucoup, Madame la Présidente, de vos aimables mots de bienvenue. Je souligne que c'est toujours un plaisir et un honneur de venir au Sénat. J'y présenterai la semaine prochaine un rapport sur le bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur. Les réalités locales, l'administration territoriale sont donc au coeur de nos travaux, au sein de la quatrième chambre. Je suis accompagné de Jean-Michel Lair, responsable à la quatrième chambre et à ce titre du contrôle de l'administration générale et territoriale de l'État.

Nous parlerons donc du dernier grand rapport de la Cour sur le sujet, en décembre 2017, Monsieur Lair y ayant directement participé, ce qui n'est pas mon cas.

Je me permets également de faire état des travaux que nous avons menés depuis lors et qui se rapportent à des sujets sur lesquels pourrait se porter votre intérêt. Le premier d'entre eux est un rapport sur les services publics dans les territoires ruraux, effectué à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l'Assemblée nationale. J'y ferai peut-être allusion dans nos échanges. Le deuxième est un rapport sur la réforme portée par le plan préfectures nouvelle génération (PPNG), qui s'est traduit par d'importantes économies de personnel et la dématérialisation de services d'état civil.

En guise d'introduction, je vais vous présenter un rapport de 2017, énorme travail impliquant la plupart des chambres de la Cour. 49 recommandations ont été formulées dans ce rapport et c'est dans les semaines qui viennent que les administrations concernées répondront à nos questionnaires. Nous disposerons donc d'un bilan - que nous pourrons vous communiquer - des suites données à nos recommandations de décembre 2017.

Je voudrais préfacer cette brève présentation par une citation de la loi du 6 février 1992, figurant en tête de ce rapport de 2017 : « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État ». Les réformes de la décentralisation et la réforme régionale touchent les services déconcentrés de l'État et l'évolution de ces derniers n'est pas sans incidence sur le fonctionnement des collectivités territoriales. Ces deux problèmes sont peut-être trop rarement envisagés ensemble. Les réformes de l'administration territoriale et l'extension de la décentralisation sont trop déconnectées. L'une retentit souvent sur l'autre sans qu'on ait le loisir de les articuler.

A la lumière du rapport de la Cour des comptes, que dire des services déconcentrés ? Tout d'abord, ces services ont subi une véritable réforme, au début des années 2010, avec la réforme de l'administration territoriale de l'État (REATE). Cette réforme n'est pas sans incidence sur le plan des effectifs (- 10 % des effectifs au périmètre de la REATE). Hors REATE, les trois principaux réseaux de l'administration de l'État sont l'éducation nationale, la police et gendarmerie, ainsi que les finances publiques. Les deux premiers de ces réseaux n'ont pas été diminués en effectifs, et dans notre rapport sur les services publics en milieu rural, nous constatons que ces réseaux n'ont pas déserté les territoires, y compris les plus éloignés de l'administration centrale. Ces réseaux se sont réadaptés, mais en volume, ils n'ont pas diminué. Il en va autrement du réseau des finances publiques, qui est en cours de décroissance (- 10 % à l'époque de notre rapport, cette décroissance se poursuivant).

Malgré cette réforme, l'administration renvoie une image de stabilité, pour deux raisons principales. Tout d'abord, les préfets restent une image fixe, même si leurs statuts et missions changent. Ensuite, la carte de plusieurs administrations territoriales ne s'est pas beaucoup modifiée : carte des sous-préfectures, réseau judiciaire (37 cours d'appel), etc. Il y a donc une forme de contraste entre une réforme réelle et une apparence de stabilité.

La Cour a délivré trois messages principaux et quatre séries de recommandations. Le premier message consiste à approfondir la réforme pour réaxer les services déconcentrés de l'État sur leurs missions prioritaires. Les réductions ont affecté des missions, en mettant certaines de celles-ci en risque : les missions de contrôle (installations classées, sécurité sanitaire, etc.) et la capacité à faire face aux crises, notamment sanitaires.

Cette réforme s'est beaucoup appuyée sur le levier numérique, qui est toujours assorti de limites, notamment le cloisonnement persistant d'un certain nombre de systèmes d'information de l'État et des collectivités territoriales.

Au-delà de la réforme accomplie, des marges de progrès persistaient dans l'exercice des missions des services déconcentrés. L'administration territoriale se partage entre quatre niveaux, certaines missions pouvant être concentrées au niveau national, notamment les missions de contrôle les plus sensibles.

La Cour a estimé à l'époque de son rapport que le niveau stratégique de l'organisation territoriale entre ces différents échelons nous paraissait être le niveau régional. Il nous semblait essentiel que des plateformes aident à ce niveau : services départementaux, sous-préfectures, etc. Tel était le niveau que nous avions identifié comme devant être renforcé.

Cependant, nous avions noté que l'État ne tirait pas toutes les conséquences de la décentralisation. Nous citions des compétences qui n'étaient plus du ressort de l'État, comme les fonctions de soutien au tourisme des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), prérogatives des collectivités territoriales, ou dans le domaine social, avec un rôle de coordination parfois flou.

Le dernier levier de transformation, en tension avec l'objectif de déconcentration, correspond au transfert de certaines compétences à des établissements publics spécialisés. L'efficience peut recommander une spécialisation de ce type, ce qui peut créer une action locale échappant à la coordination par les préfets.

Le deuxième message constatait que l'État devait s'ajuster aux conséquences des réformes touchant les collectivités territoriales, particulièrement la réforme régionale. Certes, des efforts ont été fournis, mais l'État s'est retrouvé face au même dilemme que les régions : organisation multisites, absence de regroupements des fonctionnaires concernés autrement que sur la base du volontariat, contraintes indemnitaires, etc. La Cour des comptes, dans un rapport sur la réforme régionale, met en exergue ces surcoûts, liés à la dispersion des services. L'État n'a pas échappé à ces critiques. Par ailleurs, le regroupement des régions n'a pas empêché la persistance de découpages dérogatoires, qu'il s'agisse de l'éducation nationale, de la justice, de l'administration pénitentiaire, etc.

Nous avions noté que l'échelon départemental avait été plus affecté que l'échelon régional par les baisses d'effectifs. Cela contrastait avec une situation du réseau infradépartemental qui restait dense et évoluait lentement. L'État demeure fortement présent à cet échelon infradépartemental, mais dans des structures parfois fragilisées. Nous pouvons par exemple citer les 60 sous-préfectures comportant moins de dix agents à présent, ce qui appelle une réflexion. Le réseau administratif de l'éducation nationale nous a également semblé devoir être corrigé.

Le troisième message était relatif à la gestion. Le regroupement de services, la modification de la carte des responsabilités fonctionnelles des services territoriaux de l'État n'ont qu'une portée limitée si les responsables à la tête de ces services ne disposent pas d'une latitude en matière de gestion correspondant au nouveau périmètre de responsabilités qui leur est assigné. Tel est bien le cas des blocages RH très importants. Sur le plan de la gestion des personnels, les regroupements ont laissé perdurer des systèmes de gestion très fortement centralisés, donc des freins à une bonne gestion locale de l'administration territoriale. De même, sur le plan budgétaire, le volume des crédits déconcentrés retranchés des dépenses de personnel, montrait une marge de manoeuvre effective des préfets beaucoup plus réduite qu'imaginé. Pour les fonctions support des services que j'ai mentionnés, nous avions recommandé la création d'un budget opérationnel de programme (BOP) régional unique des fonctions support de services de l'État, notant que d'importants progrès pouvaient être réalisés dans le domaine de l'immobilier et celui du numérique.

Je vous épargnerai nos 49 recommandations dans le détail. Ces recommandations étaient regroupées en quatre grands chapitres :

- recentrer les services déconcentrés sur les missions prioritaires de l'État et répartir de façon plus efficace l'exercice de ces missions ;

- faire des services publics numériques un levier de transformation des services déconcentrés de l'État ;

- accélérer l'adaptation de l'organisation territoriale des services de l'État ;

- faire davantage confiance aux services déconcentrés dans la gestion mutualisée et décloisonnée de leurs moyens.

Merci beaucoup, Madame la Présidente.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci beaucoup. Avant de passer la parole à nos deux collègues rapporteurs, je voudrais faire un commentaire sur l'évolution des services territoriaux de l'État, en lien avec les réformes d'organisation territoriale. Les différentes lois territoriales du quinquennat précédent ont positionné la région comme une échelle de pertinence pour l'action des services de l'État. Or, si nous avons constaté qu'effectivement, des mutualisations de fonctions support pouvaient être opérées au niveau régional et nourrir l'échelon départemental, toutes les analyses de ce type ont été violemment bousculées par la crise sanitaire, qui a mis en évidence le couple préfet/maire. Ce n'est pas que, soudainement, la commune ait repris de la puissance et le préfet en ait retrouvé, mais de nombreuses politiques sont articulées entre les services de l'État et les collectivités locales, sans suffisamment d'échange ni de coordination. Il s'agit souvent là en l'occurrence de questions de méthodes de travail.

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Effectivement, il est difficile d'envisager la décentralisation sans déconcentration. A l'aube de l'examen de la loi 4D, nous constatons que certaines fragilités persistent, notamment dans l'organisation des services déconcentrés de l'État, que vous avez pointée dans votre rapport de 2017.

Je voulais revenir sur l'efficacité des services déconcentrés et la hiérarchisation des missions dévolues à ces services, que vous prônez. Le 19 avril dernier, le Premier ministre a fait paraître une circulaire, demandant qu'une véritable hiérarchisation soit mise en oeuvre, en lien avec les services territoriaux et les services centraux. Estimez-vous que cela permettrait de renforcer cette efficacité ?

Par ailleurs, vous pointez également le rôle du numérique comme permettant d'améliorer la déconcentration de l'État. S'agit-il vraiment d'une piste d'amélioration ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - Plusieurs réflexions font écho à vos prises de parole. Vous avez évoqué la situation des sous-préfectures, qui n'ont pas été revues depuis 1926, soit depuis près de 100 ans. Vous avez indiqué que certaines d'entre elles comptaient moins de dix agents. Quel est le sens de leur action ? Faut-il procéder à des regroupements au niveau infra-départemental ? Quelle serait la bonne maille ? En France, l'arrondissement du sous-préfet n'a jamais fait sens du point de vue territorial.

En outre, depuis la création des préfets de région en 1964, le rôle de ces derniers est tantôt réaffirmé et tantôt, il cède la place au préfet de département. Faut-il procéder de façon uniforme sur tous les territoires ? Quel est le niveau pertinent ?

Enfin, s'agissant des ressources humaines, vous avez fait état de difficultés de management. Quelles seraient les mesures prioritaires en la matière ?

Merci de vos réponses.

M. Gilles Andreani . - Je propose que Monsieur Lair réponde aux questions de Madame la sénatrice Canayer, puis je répondrai à celles de Monsieur le sénateur Kerrouche.

M. Jean-Michel Lair . - Les feuilles de route ministérielles prévues par la circulaire du Premier ministre d'avril 2021 constituent un dispositif qui semble aller dans le bon sens, car elles visent à définir des priorités, à fixer des objectifs et à mettre en place un dispositif d'évaluation de la mise en oeuvre. Comme point fort de cette entreprise, nous observons une adaptation prévue au plus près des besoins des territoires, avec une coconstruction ascendante, vers l'administration centrale. Ce projet donne également la possibilité au préfet de demander des adaptations des feuilles de route. D'ailleurs, les préfets ont l'obligation de faire un premier point au bout de trois mois avec le ministère de l'Intérieur sur l'avancement de cette démarche.

Il faut également évoquer le souci de la continuité de l'État, puisque la feuille de route s'adresse au préfet titulaire du poste, même si un changement est intervenu.

La feuille de route vise la mise en oeuvre de réformes et de politiques publiques prioritaires, mais aussi de projets structurants, qui peuvent être des projets de transformation des services déconcentrés de l'État.

Dans tous les cas, une évaluation doit être lancée sur la base d'indicateurs accompagnés de cibles à atteindre.

Certes, nous manquons de beaucoup de recul pour apprécier ce dispositif. Plusieurs points devront être spécialement suivis : la priorisation des actions et des projets, le traitement des éléments qui ne sont pas prioritaires, la convergence de l'allocation des ressources avec les objectifs fixés et la portée des évaluations en fin de processus. Des expérimentations étaient prévues dans le courant de l'année 2021, qui devraient donner lieu à quelques précisions.

En ce qui concerne la question de la numérisation, la Cour a abordé ce sujet à l'occasion de l'étude de la dématérialisation de la délivrance de certains titres par les préfectures. Au-delà des difficultés transitoires liées à la mise en place très rapide d'un nouveau dispositif, la dématérialisation et la numérisation ne permettent pas de régler tous les problèmes. Ce processus a été lancé trop rapidement sans doute pour l'adoption de démarches en ligne dès lors qu'une alternative d'accès physique était maintenue. Cela a entraîné une grande difficulté d'accès de certains usagers, en lien avec des problèmes informatiques techniques, qui avaient largement été sous-estimés. Des dysfonctionnements, des coûts supplémentaires ont été générés par la nécessité de revoir le dispositif. Il ne faut pas aller trop vite, mais laisser mûrir ces projets, pour éviter les surcoûts financiers et sociaux. Le travail indispensable de la simplification préalable du dispositif réglementaire n'a pas été mené dans des conditions satisfaisantes, un dispositif de numérisation ayant simplement été greffé dans un deuxième temps.

Il faut également évoquer les difficultés d'accès des populations réfractaires au numérique. Ce problème a sans doute été sous-estimé au départ. Le ministère a créé ultérieurement des points d'accueil numérique en préfecture, qui devaient ensuite se fondre dans les Maisons des services au public (MSAP) devenues ensuite les Maisons France Services. Compte tenu de la très forte demande des usages, ces points d'accueil ont été maintenus, en complémentarité des MSAP. La chambre a constaté que, dans de nombreux départements, il était difficile de recruter des jeunes pour faire vivre ces points d'accueil.

En ce qui concerne les sous-préfectures, nous savons tous qu'elles connaissent des problèmes de gestion de leurs ressources humaines, d'immobilier, d'adaptation à l'évolution des missions du ministère de l'Intérieur, etc. La Cour a formulé quelques propositions à ce propos, tendant à détacher les sous-préfets des arrondissements. Quelques évolutions intéressantes ont été organisées dans certains départements, avec par exemple la création de pôles départementaux. Cette démarche est intéressante et permet de rationaliser le réseau des préfectures et sous-préfectures, à condition qu'elle soit bien pensée en amont.

M. Gilles Andreani . - Un travail de réflexion et de clarification global doit être entrepris sur l'arrondissement, les sous-préfectures, le rôle du sous-préfet, etc. Celui-ci incarne physiquement l'État tout en étant le chef d'un service. Tout cela appelle une réflexion d'ensemble, comme la Cour le recommandait dans son rapport de 2017.

En ce qui concerne les préfets de région, il faut tenir compte de l'instauration d'une répartition fonctionnelle des rôles, mais aussi d'une forme de hiérarchie entre préfet de région et préfet de département. L'échelon des zones de défense se renforce dans la gestion de la lutte contre le terrorisme et dans l'administration de la police. La Cour n'a pas publié sur ce sujet, sur lequel il m'est donc difficile de répondre avec assurance. Nous nous apprêtons cependant à lancer une enquête d'ampleur sur le rôle des préfets. Vos interrogations à ce propos, Monsieur le Sénateur, resteront présentes à notre esprit, en lien avec la problématique de l'adaptation de l'administration aux situations locales. Je souscris à cette réflexion, que nous n'avons pas encore formellement entreprise.

Nous avons des réponses plus précises à vous apporter concernant la gestion des ressources humaines dans l'administration territoriale. En 2017, nous avions fait état de neuf recommandations à ce titre, allant toutes dans le même sens : réduire le nombre de corps, développer des corps interministériels, harmoniser les responsabilités de gestion des ressources humaines au meilleur niveau, etc. Il est tout à fait anormal que des revalorisations indemnitaires aient pu avoir lieu à l'occasion du rapprochement des corps, sans qu'en contrepartie aient été posées des obligations de mobilité.

M. Antoine Lefèvre . - Monsieur le Président, vous avez esquissé un certain nombre de remarques, de critiques, et surtout de propositions d'adaptations. Comme plusieurs de mes collègues l'ont évoqué, nous avons remarqué combien nos sous-préfets ont été à la manoeuvre à l'occasion de la crise sanitaire. Dans des équipes réduites, nos sous-préfets ont parfois dû faire preuve d'une grande imagination.

Je souhaitais revenir sur le thème du numérique : comment améliorer l'expertise et la montée en compétence, au sein même des administrations centrales, pour que, lorsque des outils informatiques sont déployés, nous puissions être le plus pertinents possible ?

M. Charles Guené . - Je partage avec vous l'avis selon lequel l'État est resté bien présent sur les territoires. La question qui se pose est plutôt de savoir s'il y joue toujours le rôle attendu. Vous indiquez qu'il n'a pas toujours su prioriser ses missions et je suis d'accord avec vous concernant les difficultés liées aux mobilités de personnel. Cependant, avez-vous mené un travail prospectif pour apporter aux services de l'État des réponses modernes ? Le numérique ne constitue à ce titre qu'un moyen. Nous constatons que l'échec partiel des Maisons France Services et de la présence de l'État pour accompagner les usagers provoque un transfert de charge en direction des collectivités locales. Allez-vous travailler sur ce point ?

M. Gilles Andreani . - S'agissant de la conduite du changement numérique, nous avons réalisé un rapport pour votre Commission des finances. Il s'agit d'ailleurs du rapport le plus intéressant auquel j'ai eu la chance de participer au sein de la Cour des comptes. Ce rapport est pratique et donne des prescriptions pour bien conduire un projet numérique. Nous avons travaillé avec le souci de délivrer des messages et des recommandations pratiques et opérationnels. Sur ces sujets, c'est l'usager et le service qui doivent être au coeur du projet. Les projets doivent être peu nombreux, conduits rapidement et constituer l'occasion de transformer le service.

Au sénateur Guené, je répondrai que nous n'avons pas mené de travail prospectif sur l'évolution des transferts de charge pouvant résulter de la difficulté pour l'État à maintenir certains services de proximité et le report pouvant opérer en direction des collectivités territoriales. Ce phénomène a été précisément chiffré dans le cadre du PPNG, les services de l'État ayant contracté avec plusieurs mairies pour procéder au recueil des empreintes digitales et les photographies en vue de la délivrance automatisée de documents. Nous devrions nous intéresser davantage à ce problème plus vaste. Généralement, le rapport annuel sur les finances publiques locales porte des éléments sur les transferts de charge, mais j'ignore exactement quel est ce transfert de charge.

Mme Sonia de La Provôté . - Je souhaitais vous poser deux questions, en commençant par cette exigence de proximité et d'adaptation aux diversités territoriales. Comment envisagez-vous une efficacité des politiques publiques si l'on ne réfléchit pas à la subsidiarité entre le préfet de région et le préfet de département ? Ne s'agit-il pas en l'occurrence de deux missions différentes ?

Ma deuxième question porte sur le rôle de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), interlocuteur récent, à l'échelon départemental. Quel est selon vous le rôle de cette fameuse ANCT, présidée par le préfet de département ? Peut-elle apporter une forme de réponse à cette meilleure structuration et cette subsidiarité exigée entre les collectivités territoriales et les différents échelons des services de l'État ?

M. Bernard Delcros . - Tout d'abord, à l'épreuve de la crise sanitaire que nous venons de traverser, nous estimons qu'il faut renforcer les prérogatives des préfets de département, surtout dans les très grandes régions.

Par ailleurs, au moins dans certains territoires, les sous-préfectures ont encore du sens, même si elles doivent évoluer. Nous pouvons nous dire qu'avec le numérique, la proximité physique perd de son sens. Cependant, sur le terrain, notamment dans les vastes territoires ruraux comptant des communes de taille très restreinte, les mairies ne proposent que très peu de services administratifs. La proximité de ces maires avec les services des sous-préfectures est très importante et rassurante dans ces territoires.

Ma question rejoint enfin celle de Sonia de La Provôté. Estimez-vous qu'il soit positif que les préfets de région, qui doivent veiller sur l'ensemble des départements et l'équité entre les départements, soient également les préfets du département dans lequel est implantée la préfecture de région ?

M. Jean-Michel Houllegatte . - Dans vos 49 propositions, un axe vise à tirer toutes les conséquences de la décentralisation. Vous y regrettez la faible appétence des services de l'État à devenir facilitateurs. Or, à l'heure où les appels à projets se multiplient et où les collectivités ont besoin de médiation entre ces appels à projets, pensez-vous que cette proposition soit toujours opportune ?

Je souhaitais également revenir sur l'articulation entre les agences de l'État, très nombreuses, et les services déconcentrés de l'État. Nous constatons par exemple que le préfet va reprendre la main sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), nous constatons l'implication de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans nos territoires, etc. Quelle articulation doit-on viser entre les agences de l'État et leur implication territoriale et les administrations déconcentrées de l'État ?

M. Gilles Andreani . - Pour ce qui est du couple préfet/préfet de région, je dois m'en tenir à ce que la Cour a publié : nous n'avons pas encore arrêté de position sur ce sujet. Dans le rapport que je présente, nous étions conscients de ce problème et suggérions de créer des préfets délégués à certaines tâches d'administration, pour décharger certains préfets de région de la gestion de ces services réorganisés.

La question sur l'ANCT rejoint en outre celle qui portait sur les agences. Il s'agit en l'occurrence d'un angle mort de la réflexion sur la déconcentration. En effet, certaines de ces agences disposent elles-mêmes de services déconcentrés, qui souvent échappent à l'autorité du préfet. A chaque agence, en fonction de sa mission, doit correspondre un certain type de relation à organiser avec l'échelon préfectoral. Il ne semble qu'une solution générale doive être préconisée de ce point de vue.

Enfin, en ce qui concerne les sous-préfectures, nous n'avons pas été plus loin que de réfléchir à la délimitation des arrondissements et aux missions des sous-préfets. En effet, dans les territoires ruraux, le sous-préfet est l'interlocuteur privilégié des maires. Néanmoins, il convient de réfléchir davantage à ce qu'est aujourd'hui un sous-préfet. Nous y avons incité le ministère de l'Intérieur dans l'une de nos recommandations.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci, Monsieur le Président. Je veux vous remercier pour votre écoute et cet échange. Les nombreuses questions de nos collègues montrent le niveau de préoccupation du Sénat sur ce sujet, le Sénat étant la chambre des territoires. Nous portons ces sujets, non avec un regard critique, mais en constatant une forme d'urgence à évaluer, proposer, expérimenter. Nous avons expliqué à la ministre que la déconcentration est un outil dont seul l'objectif d'efficacité nous intéresse. Nous devons en effet revenir aux missions et aux services en utilisant comme critère le principe de subsidiarité, garant de l'efficacité. Soyons tous conscients qu'un binôme accomplit l'action publique pour sa plus grande efficacité. Ce binôme doit entretenir un esprit de partenariat. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

2. Audition de Bernadette Malgorn, ancienne préfète de région et ancienne secrétaire générale du ministère de l'intérieur, élue municipale et métropolitaine de Brest

Mme Françoise Gatel, Présidente. - Madame Malgorn, vous êtes aujourd'hui élue locale, municipale et métropolitaine de Brest. Vous avez également été préfète de région et secrétaire générale du ministère de l'intérieur. Vous êtes sans doute à classer dans la catégorie des serviteurs de l'État, puisque vous avez été la première femme préfète de région et de zone de défense et de sécurité. Votre parcours est exemplaire. Je suis très heureuse de vous accueillir. Vous avez également une autre qualité, que nous apprécions particulièrement au Sénat : votre parole est très libre. Pour nous, c'est l'expression d'un courage, d'une audace. Vos analyses sont d'une clairvoyance rare. Nous sommes très heureux d'échanger avec vous sur les services déconcentrés de l'État, sujet marronnier au Sénat. Nous nous y intéressons régulièrement, puisque c'est aussi le coeur de l'efficacité de l'action publique. Nous avons donc lancé une nouvelle mission sur ce sujet, portée par Agnès Canayer et Eric Kerrouche. Au-delà de circonstances révélatrices, comme la crise sanitaire, le Président de la République annonce une réforme très importante, que le Sénat pourra accompagner. Nous venons d'échanger avec des magistrats de la 4ème chambre de la Cour des comptes. Chacun d'entre nous rêve de simplicité, mais les choses sont complexes et diverses, en fonction des territoires. Votre double expérience de grand serviteur de l'État et d'élue constitue pour nous un profil très original. Je vous laisse la parole, Madame la Préfète.

Mme Bernadette Malgorn . - Bonjour et merci de votre accueil.

Je situerai mon introduction dans un contexte qui n'est plus celui des années 2000 et encore moins des années 1980, début de la décentralisation. L'époque actuelle est marquée par la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire de la Covid-19, qui ont conduit nombre d'observateurs et d'acteurs de la vie publique à revenir sur terre. L'explosion de l'économie numérique avait pu donner l'impression que tout devenait virtuel, que l'on choisissait ses communautés d'appartenance, que les GAFAM suffiraient à répondre aux besoins individuels, transcendant les nations et leur disputant la souveraineté, abolissant les corps intermédiaires. Dans de nombreux pays, des mouvements populaires, d'un nouveau type, comme les printemps arabes, les parapluies à Hong-Kong, etc., connaissent souvent une récupération politique, mais ont pour caractéristique commune de vouloir réoccuper l'espace public avec un symbole concret. En France, ce furent les Gilets jaunes, qui ne demandaient au départ ni le référendum d'initiative citoyenne (RIC), ni la suppression de l'ENA, mais s'opposaient à l'augmentation de la taxe sur le gazole. Nous redécouvrons l'espace et le temps.

Lors de ces événements, la gestion du maintien de l'ordre a donné lieu à de nombreuses critiques et certaines leçons en ont été tirées. Il en est une qui reste à affirmer : on ne peut assurer le rétablissement et le maintien de l'ordre que de près, à portée de boulon et de pavé. En face à face, on négocie jusqu'au bout. C'est pourquoi il faut dans chaque département une autorité responsable du fait que force restera à la loi de la République. Jusqu'à présent, cette autorité est celle du préfet.

J'appelle votre attention sur la vigilance à accorder à la réforme des services territoriaux de la sécurité. Il faut qu'il s'agisse d'une autorité administrative, civile qui mette en branle la force publique.

Nul n'a pu nier le caractère chaotique de la gestion de la crise sanitaire. Certes, le virus était inconnu, mais la France disposait d'un plan pandémie interministériel, qui aurait permis une gestion territoriale différenciée sur le terrain, par les préfets, en lien avec les maires et les collectivités territoriales. Ce plan n'a pas été déclenché. Ce choix incompréhensible a été lourd de conséquences. On s'est contenté d'un plan sectoriel, géré par les ARS. Tardivement, le couple maire/préfet a été redécouvert, pour bien vite l'oublier. En réalité, l'efficacité a dépendu de la capacité de coordination entre les différentes autorités, rôle que ni le ministre de la Santé, ni les ARS ne pouvaient jouer.

Non, nous ne sommes pas des avatars dans un monde virtuel. Nous sommes des individus qui se déplacent, ont des besoins vitaux, s'affrontent parfois physiquement, souffrent et meurent parfois. Toutes ces réalités nécessitent une organisation collective sur le terrain : telles sont les missions des services territoriaux de l'État.

J'écarte à ce stade l'hypothèse de la disparition du préfet et de son remplacement éventuel par un élu, ministre, président ou gouverneur. En effet, nous sommes sous le régime de la réforme constitutionnelle de 2003, accompagnée par l'acte 2 de la décentralisation, qui a confirmé l'organisation de type préfectoral, tout en en modifiant le statut. Jusqu'à 2003, l'article 72 de la Constitution parlait d'un délégué du Gouvernement dans une circonscription administrative de l'État. Depuis le 29 mars 2003, le préfet est un représentant dans les collectivités territoriales, envers lesquelles il a des devoirs. Le préfet n'est en effet plus délégué du Gouvernement, même si le côté politique de cette fonction subsiste, puisqu'il est le représentant de chacun des membres du Gouvernement auprès de ces collectivités territoriales.

La rédaction de 2003 ajoute l'expression « représentant de l'État », ce qui entérine une formule déjà bien présente dans les lois et décrets. Je traduirai cette double fonction par cet adage : « le préfet est le représentant sur le territoire de l'État dans sa permanence et des gouvernements dans leur alternance ».

Il est à présent question de la suppression du corps préfectoral. Cela n'est pas un débat corporatiste. L'institution préfectorale remonte au Consulat, mais la création du corps, en 1950, s'inscrivait dans un mouvement de modernisation de l'administration dans l'après-guerre, à la suite de la création de l'ENA en 1945. La littérature nous avait dressé des portraits rarement flatteurs des préfets d'avant-guerre, mondains ou très politiques, etc. La création du corps préfectoral est une rupture. Il s'agit d'une professionnalisation et la reconnaissance d'un métier, qui s'est accompagnée de la définition de modalités de recrutement, mais aussi d'éléments extérieurs. Ces recrutements sont maintenant majoritaires chez les sous-préfets et représentent la moitié des préfets, l'autre moitié étant issus de l'ENA.

Les précédentes réformes touchant le corps préfectoral avaient été menées en cohérence avec des réformes plus larges de la décentralisation et de l'aménagement du territoire. En 1964 est promulguée une réforme du statut accompagnant l'amorce d'une décentralisation, avec la création de directions départementales. Les décrets du 10 mai 1982, instituant les commissaires de la République et les principes de la déconcentration, faisaient suite à la grande loi de décentralisation du 2 mars 1982. La nouvelle modification du décret statutaire des préfets en 2004 se situait dans la droite ligne de l'acte 2 de la décentralisation de 2003. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de réformer le statut du corps préfectoral, mais de le supprimer, sans lien évident avec une grande étape de décentralisation.

Cet impact de la fonctionnalisation permettra le recrutement de préfets complètement extérieurs au service public, dans des proportions non contingentées. Or, les proportions sont importantes. Les préfets ont toujours été nommés et révoqués à la discrétion du Gouvernement. Le pourcentage de préfets complètement extérieurs à l'administration était limité à l'origine au cinquième de l'effectif global, pourcentage porté au tiers en 2009. En tant que gestionnaire du corps, j'ai pratiqué ce recrutement diversifié, qui, à doses maîtrisées, apporte une expérience différente, qui enrichit le métier. Mais si l'on ne veut pas perdre en compétences, il reste difficile à gérer. Une nomination de préfet nécessite de trouver une concordance entre un profil, une collectivité départementale, son terrain, ses caractéristiques, ses élus et des circonstances et des enjeux variables dans le temps. Selon moi, la gestion des corps est très liée à la connaissance structurelle et conjoncturelle du territoire. C'est pourquoi son transfert éventuel à la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) engendrerait une perte de lien avec le territoire.

La fonctionnalisation emporte plusieurs risques, un excès de politisation, une perte de compétences et une mauvaise adéquation aux collectivités territoriales.

Je voudrais m'interroger avec vous sur la notion de « cadres dirigeants » et de « corps intermédiaires ». Dans cette réforme de la haute fonction publique, on voit disparaître la notion de « cadres dirigeants de métier », au profit d'une vaste catégorie d'encadrement supérieur de l'État. Les hauts fonctionnaires de métier sont-ils voués à la simple mise en oeuvre ou sont-ils toujours des fonctionnaires de conception et de direction ? Cet écrasement de la hiérarchie se constate dans les grandes entreprises. Ne procède-t-il pas d'un mouvement de contournement des corps intermédiaires, que les collectivités locales ont pu constater à leur détriment dans la gestion de la pandémie ? Or, les politiques publiques sont très souvent partagées entre l'État et les collectivités locales et ne peuvent être conçues sans associer ceux qui seront chargés de leur mise en oeuvre.

La circulaire du Premier ministre du 19 avril 2021 définit la feuille de route des préfets, avec une dizaine d'indicateurs à choisir parmi 68 politiques prioritaires. Cette méthode strictement descendante est pour moi regrettable. Depuis les années 2000, nous avons envisagé l'élaboration d'un projet d'action stratégique de l'État en régions et dans les départements, permettant au préfet d'élaborer lui-même sa feuille de route, en lien avec les acteurs locaux. Dans les exercices de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, on constate une insuffisance de la phase d'analyse commune des besoins de la collectivité et des populations, pour se résumer parfois à faire entrer les projets locaux dans des cases prédéfinies.

Avec les vagues successives de décentralisation, de nombreuses missions opérationnelles de l'État, pour l'essentiel exercées au niveau départemental, ont été transférées aux collectivités territoriales, notamment aux départements, voire aux communes, comme l'urbanisme. Après plusieurs vagues de transfert, il a fallu recomposer, dans un périmètre réduit.

En 2007, j'avais essayé de fonder la réforme de l'organisation administrative de l'État sur quelques principes directeurs. J'ai proposé que les services régionaux, regroupés dans huit pôles préfigurant les Directions correspondant au bloc ministériel, attirent des expertises spécialisées dont l'État a toujours besoin sur les territoires. A l'époque, on pouvait déjà observer que ces expertises n'existaient plus au niveau départemental. Il fallait aussi éviter les doublons avec les collectivités territoriales. En revanche, il fallait répondre aux besoins de proximité de la population, notamment au regard de l'extension de la numérisation de l'administration et des téléprocédures. Il fallait donc réorganiser les services départementaux de l'État, non sous l'angle des découpages ministériels, mais selon un vécu local.

J'ai également proposé que l'on clarifie la subordination des préfets de département aux préfets de région, s'agissant de l'adaptation et de la mise en oeuvre des politiques publiques. J'ai aussi proposé une responsabilité totale du préfet de département pour la sécurité, la gestion de crise et la gestion de l'immigration. La création des grandes régions a bousculé cet équilibre et appelle sans doute une reconfiguration du réseau.

Pour conclure, l'organisation territoriale de l'État me semble entretenir un lien fort avec celle des collectivités territoriales, mais elle n'est cependant pas séparable de l'évolution de l'État central et de ses opérateurs. Une partie de la réponse réside dans l'architecture de la loi organique relative aux lois de finance (LOLF). Des efforts ont été entrepris pour éviter les silos, mais ces efforts demeurent trop légers.

La judiciarisation de l'action publique constitue un autre déterminant des missions de l'État, faisant encourir un risque personnel à de nombreux agents. Ce processus engendre une inflation des fonctions d'inspection et de contrôle. Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le périmètre même de l'action publique, mais c'est une autre affaire.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . - J'ai beaucoup travaillé sur la socialisation dans le corps préfectoral. Vous avez évoqué un déséquilibre progressif dans le corps, ce qui me paraît la menace que fait planer la réforme. Être préfet ou sous-préfet, c'est apprendre le métier de l'État. L'équilibre est subtil et il semble nécessaire de maintenir une certaine culture préfectorale, qui risque d'être remise en cause dans le temps, déséquilibrant ainsi la gouvernance de nos territoires. La fin du corps préfectoral me semble très problématique, d'autant que celui-ci est déjà grandement ouvert sur l'extérieur.

De nombreux travaux portent sur l'externalisation de l'État. Nous constatons un recours à une main-d'oeuvre contractuelle, notamment dans les sous-préfectures. Peut-on faire fonctionner l'État avec des béquilles sur les territoires ? Ces institutions, qui représentent parfois des coquilles vides, ont-elles encore un sens ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Effectivement, l'inquiétude est grandissante au sujet de la disparition du corps des préfets. Les élus locaux se plaignent souvent que ceux-ci font avant tout descendre l'information des ministères, sans toujours jouer un rôle d'accompagnement et de proximité. Ne pensez-vous pas que cette réforme du corps préfectoral va encore amplifier ce phénomène ?

Ma dernière question concerne la représentation dans les territoires. L'efficacité de l'administration territoriale de l'État repose sur la proximité et les liens humains. Aujourd'hui, les Maisons France Services vous paraissent-elles répondre à cet enjeu de proximité ?

Mme Bernadette Malgorn . - Effectivement, on souligne aisément le risque de la politisation, mais moins l'évolution même du métier, qui est un métier de vocation. Ce métier souffre d'un problème d'attractivité. L'accroissement des nominations extérieures signifierait que les sous-préfets en passe d'être nommés préfets n'auraient pas de perspectives de carrière. Selon moi, il ne faut donc pas aller dans ce sens.

En ce qui concerne la question de l'externalisation et du recours aux contractuels, l'État ne peut pas développer en son sein toutes les expertises. La délégation de service public doit être encadrée et l'État doit conserver sa capacité de maîtrise d'ouvrage, pour énoncer le besoin que l'on veut voir couvrir par l'externalisation.

Quant à l'embauche de contractuels pour faire face à un manque d'attractivité de certaines localisations, il s'agit d'un élément devant entrer en ligne de compte lorsque l'on réfléchit à la reconfiguration du réseau territorial.

Certains sujets ont en outre été occultés. La gestion de la poussée de l'immigration a par exemple nécessité de recourir à des contractuels. Les files d'attente aux portes des préfectures et des sous-préfectures sont en effet constituées d'étrangers en attente d'étude de leur dossier. Il a donc fallu recourir à des contractuels pour répondre à ces demandes.

Certes, le préfet est de plus en plus poussé à jouer un rôle descendant. Un cadre dirigeant est-il nécessaire pour faire ce métier ? Avec les réseaux sociaux et internet, chacun peut se rendre compte des décisions du Gouvernement et des débats du Parlement. Nous pouvons relier ce phénomène à une tendance managériale, que l'on constate également dans le monde de l'entreprise, avec le débat sur le malaise des cadres et des hiérarchies intermédiaires. Si ce rôle de préfet se borne à commenter ce dont chacun peut se rendre compte, s'agit-il véritablement d'un métier ? Dans ce cas, des amateurs, proches du pouvoir politique, feraient sans doute de meilleurs commentateurs que les hauts fonctionnaires. Cette tendance n'est pas liée à la centralisation ni à la déconcentration, mais renvoie au fonctionnement interne de l'État. Il s'agit d'une méthode de gouvernance, qui se traduit par un affadissement de la responsabilité administrative et politique, supplantée par la responsabilité pénale. La gestion chaotique de la crise sanitaire peut ainsi s'expliquer par une identification des risques pénaux dans la gestion de ce type de crise. Les décisions ont dès lors été prises par celui qui ne courait pas de risques en la matière, le Président de la République, qui s'est doté d'un Conseil de Défense, sans transparence. Or, pour résoudre une crise, l'efficacité suppose que chacun des acteurs soit conscient de son rôle et de ses relations avec les autres responsables.

Pour répondre à une autre question, s'agissant de la mise en oeuvre des politiques, nous disposons désormais d'outils, tels que les téléprocédures ou l'accès de plus en plus large à des données. A ce titre, des médiateurs sont nécessaires. Plusieurs dispositifs ont été mis en place, avec des résultats qui semblent très variables en fonction des territoires. Ils sont parfois forcément appréciés, alors que parfois, ils demeurent à peine identifiés. Or, pour les citoyens, l'ensemble des services publics forme un tout.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Madame la Préfète, vous êtes également conseillère communautaire. Quel regard portez-vous sur la fonction publique territoriale ? En quoi cette dernière et la fonction publique d'État territorialisée peuvent-elles se rejoindre ? La création d'un corps unique territorialisé vous semble-t-elle envisageable ?

Mme Sonia de La Provôté . - Je souhaitais évoquer les sujets de l'urbanisme et de l'aménagement, domaines de politiques publiques où plusieurs difficultés s'expriment. Dans ces domaines, les élus locaux font face à de multiples interlocuteurs de l'État et parfois à des injonctions contradictoires, engendrant de grandes difficultés. Quel regard portez-vous sur cette situation ? S'ajoutent à ces difficultés des différences d'interprétation d'un territoire à l'autre, d'une région à l'autre, selon les interlocuteurs de l'État et leur vision de la règle ou de la norme. N'y voyez-vous pas une nécessité d'une harmonisation nationale sur la vision que l'État doit avoir de l'interprétation de la règle, avec des possibilités de dérogations locales ?

Mme Bernadette Malgorn . - En ce qui concerne les liens entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'État, j'attache une certaine importance au statut, qui crée une culture commune, une déontologie, soit une base permettant des échanges. Les mobilités entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l'État sont positives, mais des fusions de corps d'administrateurs pourraient ne pas être les plus indiquées. Ces fusions seraient sans doute plus faciles à opérer pour des corps techniques, mais il semble qu'au contraire, dans la fonction publique territoriale, on cherche à rapprocher les administratifs et les techniciens. Pour ce qui est des administrateurs de l'État et des administrateurs territoriaux, il faut étudier les fonctions considérées. Le préfet est par exemple personnellement, politiquement et administrativement responsable, alors que, dans la fonction publique territoriale, même les directeurs généraux des services sont sous la responsabilité de l'exécutif. Les positionnements, les niveaux de responsabilité personnelle, etc., sont très différents, ce qui n'empêche pas cependant qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires des collectivités territoriales soient devenus préfets avec efficacité. Ceux qui y sont parvenus sont ceux qui ont véritablement épousé la fonction.

C'est également sous l'angle de la responsabilité que je répondrai à Madame de La Provôté. Dans notre organisation administrative, on souffre du maintien de tous les principes d'application du droit continental, alors qu'on importe également largement le droit anglo-saxon, la soft law et des normes techniques. Chaque administration examine les projets sous l'angle de son propre code et de l'ensemble de la jurisprudence, pour couvrir les risques. Plutôt que d'envisager des dérogations locales, sans doute faudrait-il simplifier des réglementations. Or, malgré la complexité et l'évolution du monde, les préfets doivent prendre des décisions. C'est d'ailleurs pour ces prises de décision que nous avons besoin de responsables politiques et administratifs. Toutefois, l'action menée sous le regard permanent du monde entier, via les réseaux sociaux, rend l'exercice encore plus complexe. Sans doute s'agit-il là d'une raison supplémentaire pour laisser davantage de marge de manoeuvre.

Mme Françoise Gatel, Présidente . - Merci beaucoup, Madame la Préfète, pour votre regard toujours incisif, très factuel, tourné vers l'efficacité et un horizon très large.

- COMPTE RENDU DU MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

Audition de M. Christophe Mirmand, préfet, président de l'Association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur

Mme Françoise Gatel, présidente . - Monsieur le Préfet, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la délégation. Cette audition s'inscrit dans la continuité de deux précédentes auditions que nous avons menées en juin : celle de votre ancienne collègue en Bretagne, Bernadette Malgorn, et celle du président de la 4e chambre de la Cour des comptes, qui est en charge du suivi des services déconcentrés de l'État.

Notre audition cet après-midi est destinée à nourrir la mission d'information, initiée par la délégation, sur les services déconcentrés et préfectoraux, conduite par nos deux collègues, Agnès Canayer, sénatrice de la Seine-Maritime, et Eric Kerrouche, sénateur des Landes. Chaque élu local sait que les réformes sur l'administration déconcentrée n'ont pas manqué et qu'il s'agit d'un perpétuel mouvement. Un débat est en cours sur la fonction publique d'État. Une réalité a été révélée plus que jamais par la crise sanitaire : l'importance d'une bonne articulation entre l'État et les collectivités, et nos territoires, dans toute leur diversité, ont besoin d'une administration d'État, comme l'État a besoin d'assurer sa présence sur ces territoires. La succession de réformes de l'administration traduit sans doute le caractère imparfait de ces réformes et leur résultat incertain. C'est pour cette raison, Monsieur le Préfet, que votre éclairage est particulièrement attendu, puisque vous avez vécu ces mouvements de l'intérieur. Vous avez occupé des responsabilités extrêmement variées. Celles-ci vous permettent d'avoir une vue d'ensemble des services déconcentrés. Je rappelle que vous avez été secrétaire général de préfecture, préfet, directeur de la modernisation de l'administration territoriale, secrétaire général du ministère de l'Intérieur et enfin préfet de région. Vous avez donc successivement été un inspirateur, un moteur et un acteur de ces repositionnements. Nous serons extrêmement intéressés d'entendre, dans un premier temps, le bilan que vous dressez de ces réformes, en particulier s'agissant de la relation entre l'administration déconcentrée et les collectivités territoriales, sujet au coeur des préoccupations du Sénat, qui est la Chambre des territoires, et dont nous avons longuement parlé dans le cadre récent du projet de loi 4 D. Nous aimerions connaître votre analyse du rôle du préfet aujourd'hui dans les territoires. Nous avons beaucoup parlé, suite à la crise sanitaire, du préfet de région, du préfet de département, mais aussi des sous-préfets, qui jouent dans les territoires un rôle irremplaçable de proximité de l'État. Pensez-vous que nous soyons parvenus à un point d'équilibre satisfaisant ? Nous aimerions aussi nous projeter dans l'avenir et identifier les facteurs clés de réussite, ainsi que des éléments factuels, qui permettent d'envisager une réforme de l'administration d'État territoriale performante et efficace. L'objectif que nous poursuivons au Sénat, qui est également le vôtre, est l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre, dans une relation parfaitement articulée entre l'État et les collectivités. Naturellement, nous écouterons avec beaucoup d'attention votre parole sur la suppression annoncée du corps préfectoral. Vous nous expliquerez sans doute comment l'association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur aborde cette question, qui pourrait aller jusqu'à faire changer la dénomination de votre association.

Au final, ce sujet passionne les élus locaux, en ceci qu'ils attendent de l'efficacité. Ils ont beaucoup d'exigences vis-à-vis de l'État, ce qui est aussi l'expression de la confiance qu'ils ont dans le rôle de l'État et de leurs attentes à l'égard de l'indispensable efficacité d'un binôme État-collectivités. Les questions seront certainement fournies. J'en poserai deux, puis laisserai la parole à mon collègue premier vice-président, Rémy Pointereau, avant de la passer à nos deux collègues rapporteurs. Vous savez que le Sénat a émis en juillet dernier, à l'initiative du Président du Sénat, Gérard Larcher, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Il ne s'agit en aucun cas d'émettre une envie d'autonomie ou de séparatisme des collectivités locales. Ces propositions revendiquent la nécessité de dispositifs différenciés et déconcentrés. Nous avons souhaité remettre au coeur de l'action territoriale de l'État le préfet de département. Ce niveau est en effet extrêmement important, eu égard à la taille de certaines régions. Ma question est double sur ce sujet : comment faire en sorte que le préfet de département puisse exercer de façon efficace sa mission ? Faut-il des moyens supplémentaires ? Faut-il une articulation différente ? Je pense notamment à l'articulation entre le préfet de département et les services de l'État qui sont organisés au plan régional, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ou les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Enfin, que pensez-vous de l'idée évoquée par le Sénat de placer l'ensemble de l'État territorial sous l'autorité du préfet de département et de région, y compris des services qui y échappent aujourd'hui, notamment les autorités régionales de santé (ARS), les directions régionales des finances publiques (DRFIP) et le Rectorat d'académie ? Par analogie, peut-on imaginer un gouvernement dans lequel le Premier ministre n'aurait pas sous son autorité Bercy, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé ?

Je vous renouvelle tous mes remerciements et passe la parole au premier vice-président, Rémy Pointereau, qui complètera ces questions, puis à nos deux rapporteurs.

M. Rémy Pointereau, premier vice-président . - Monsieur le Préfet, Madame la Présidente et mes chers collègues, après les nombreuses questions de ma collègue, je voudrais en poser trois questions supplémentaires. Les services déconcentrés de l'État ont bien sûr besoin d'une administration agile. Pour une meilleure efficacité et une plus grande simplification, il nous faut une gouvernance qui soit plus horizontale. L'une des innovations marquantes de ces dernières années réside dans la création de directions départementales interministérielles (DDI), placées sous l'autorité du préfet et censées améliorer le travail en transversalité des services de l'État. Quel bilan tirez-vous de cette création, du point de vue de la cohérence et de l'unicité de la parole de l'État face aux collectivités territoriales ? Le mouvement « d'agencisation » des politiques publiques ne vient-il pas contrarier cet objectif de cohérence et d'unicité ? Par ailleurs, au regard de l'État territorial, quelles ont été les conséquences les plus notables de la fusion de certaines régions ? L'État s'est-il bien adapté à cette nouvelle donne ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Monsieur le Préfet, nous aurions besoin que vous précisiez un certain nombre de leviers dont disposent aujourd'hui les préfets afin d'appliquer les politiques publiques aux spécificités des territoires. J'interviendrai sur deux sujets particuliers. Le premier concerne le contrôle de légalité. Les services préfectoraux appliquent une stratégie accordant une priorité à certaines matières, notamment les documents budgétaires, la commande publique ou l'urbanisme. Pour moderniser cet accompagnement des collectivités, ne serait-il pas utile de travailler à l'évolution de ce contrôle vers une logique de conseil juridique intervenant plus en amont des décisions et des délibérations, dans un souci d'économie de temps et de véritable partenariat avec les élus locaux ? Le second sujet, récurrent dans les conversations que nous avons avec les élus locaux, est celui de l'assistance en ingénierie territoriale. La disparition de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) a été mal perçue par les élus locaux, qui ont considéré, notamment dans les petites communes, qu'ils perdaient un acteur clé dans le montage de leurs projets. Des départements ont tenté de prendre cette place, en offrant une aide aux communes qui se sentaient délaissées. L'État, de son côté, a mis en place une solution alternative dite de « Nouveau conseil aux territoires ». Pensez-vous, Monsieur le Préfet, que celle-ci répondent aux attentes ? Quel retour avez-vous sur ce nouvel accompagnement des collectivités territoriales, notamment dans votre région ? Je vous remercie.

M. Éric Kerrouche, rapporteur . -Monsieur le Préfet, depuis la loi du 28 pluviôse an VIII, le rôle du préfet est tout à fait particulier au sein de la République française. Cette loi risque d'être remise en cause, au vu des dernières annonces qui concernent la possible fonctionnalisation du rôle de préfet et la disparition du corps préfectoral en tant que tel. De nombreuses évolutions ont vu le jour au fil des siècles, eu égard aux fonctions des préfets. Nous nous étions contentés, en 1982, de le renommer brièvement en commissaire de la République, mais le titre de préfet était revenu, faisant écho à l'importance que conservait la fonction sur le territoire. Désormais, il existe un risque de remise en cause. Les équilibres ont en outre été redéfinis entre le rôle du préfet de département et du préfet de région, qui s'est affirmé depuis 1964, et en conséquence de la transformation des collectivités et l'affirmation de structures de plus en plus fortes, notamment les métropoles.

Comment voyez-vous se redessiner cet équilibre à travers les différents rôles joués au sein du corps préfectoral (préfet d'arrondissement, de département, de région) ? Depuis la décentralisation, une vision consiste à considérer que le préfet est un ensemblier et un généraliste de l'administration locale. Pensez-vous avoir toujours, d'une part, les moyens et, d'autre part, les capacités matérielles et humaines pour jouer ce rôle dans les territoires ? Nous attendons beaucoup de l'intégration locale, réalisée sous l'autorité du préfet, d'une administration caractérisée par un fonctionnement en silos, grâce notamment à des évolutions récentes comme la création des DDI. Les services pourraient avoir tendance à s'autonomiser par rapport au préfet, et l ' agencification de l'État conduit à mettre à mal localement l'autorité du préfet. S'agissant de l'incarnation territoriale, quid de l'avenir des sous-préfets, qu'ils soient thématiques ou territoriaux, avec une carte des arrondissements qui n'a pas été revisitée depuis 1926, alors même que les évolutions démographiques ont été importantes ?

Vous l'avez compris, Monsieur le Préfet, nous souhaitons savoir comment faire en sorte que la proximité de l'État, hors du discours, demeure une réalité tangible aussi bien pour l'État que pour les élus locaux. Je vous remercie.

M. Christophe Mirmand , préfet, président de l'Association du Corps préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du ministère de l'Intérieur . - Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, je voudrais tout d'abord vous remercier de m'accueillir pour cette audition sur des sujets qui touchent à la fois au corps préfectoral et à ses relations avec les collectivités territoriales, et plus largement à l'organisation de l'administration territoriale, dans une période de changements, avec des perspectives de suppression du corps préfectoral, en tout cas sur le plan statutaire.

Comme vous l'avez rappelé, le corps préfectoral est une institution ancienne, qui a toujours été maintenue par les régimes qui se sont succédés, la représentation de l'État au plan territorial et l'administration départementale demeurant sa mission principale jusqu'à la décentralisation, avec d'autres compétences et attributions, notamment des missions régaliennes tenant à la sécurité et à la charge de représenter le gouvernement, tous ministères confondus, y compris pour la partie des administrations déconcentrées échappant à son autorité hiérarchique. Je pense notamment aux services des finances publiques, aux services académiques ou aux militaires, qui ne sont pas placés sous l'autorité du préfet, sauf quand une réquisition intervient dans les cas de crise. Cette permanence des missions s'inscrit néanmoins dans des cadres qui ont été modifiés au fil des années. Les modifications les plus récentes sont celles intervenues depuis le début des années 2000 en ce qui concerne la réorganisation des services de l'État : révision générale des politiques publiques (RGPP), modernisation de l'action publique (MAP), Réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), qui ont mis en place une nouvelle articulation de ces services. Depuis la modification du décret de 2004 par le décret du 17 février 2010, l'autorité des préfets de région sur les préfets de département a sans doute fait évoluer l'équilibre des relations entre ces deux niveaux d'administration locale. Je note que vous n'avez pas évoqué dans vos propos le rôle que joue le préfet de zone en matière de gestion de crise, et qui lui aussi évolue, dans le sens d'un élargissement de ses attributions en matière de coordination. Cette évolution concerne y compris la mise en oeuvre des politiques publiques, qui en théorie ne relève pas de sa responsabilité, en particulier en matière de lutte contre l'immigration, où sa fonction est amenée à prendre de l'importance compte tenu de la capacité des préfets de zone à travailler sur des espaces frontaliers importants, mais également dans la profondeur des territoires, compte tenu de la taille de la plupart des zones de défense et de sécurité.

Aujourd'hui, cette organisation de l'administration préfectorale est articulée principalement sur ce pivot qu'est le préfet de département, dans sa relation avec les départements et le préfet de région. Cette relation a été modifiée par le décret de 2010, qui a créé une forme d'autorité hiérarchique du préfet de région sur le préfet de département. À cette époque, la réorganisation de l'administration territoriale était déployée, avec pour objectif principal de créer ces DDI, dont vous avez rappelé le caractère transversal. Certains ministères avaient exprimé une crainte relative au fait que la cohérence de l'action publique soit diluée dans cette interministérialité de l'organisation des services déconcentrés, et que chaque préfet adapte à sa main les politiques publiques pour les décliner au niveau local. Pour éviter ce risque et rassurer la communauté interministérielle, le Premier ministre a décidé de mettre en place un principe d'autorité hiérarchique des préfets de région sur les préfets de département. Le premier ne participe toutefois pas à la nomination des seconds, mais est amené à les évaluer, notamment au titre de la fixation de leur régime indemnitaire. Cette autorité qui avait été instituée dans le décret de 2010 avait pour objectif de garantir, par les instructions que donne le préfet de région au préfet de département, la cohérence de la mise en oeuvre d'une politique publique à l'échelle d'une région, pour éviter, comme dans certains territoires, la situation de préfets de département délivrant des autorisations au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), alors même que les politiques mises en oeuvre au niveau régional commandaient que ces installations soient plutôt réduites. Pour assurer cette cohérence, il a été prévu que le préfet de région puisse donner des instructions au préfet de département voire, le cas échéant, attraire à son niveau certaines des attributions des préfets de département pour les assumer au niveau régional. Depuis 2010, rares ont été les cas de mise en oeuvre de ces dispositions. La plupart du temps, le rapport collégial du préfet de région avec les préfets de département permet de garantir cette cohérence des politiques publiques et d'éviter que de telles discordances ne justifient que des instructions soient données. Néanmoins, dans les faits, ce nouveau fonctionnement de l'État territorial est inscrit dans les habitudes. Le rythme des comités de l'administration régionale (CAR), qui est en général mensuel, permet aux préfets de région, avec les préfets de département et les chefs de services déconcentrés de l'État, de partager les enjeux de la mise en oeuvre des politiques publiques au niveau local. De fait, cette collégialité fonctionne dans des conditions satisfaisantes et garantit la bonne cohérence des politiques publiques, le préfet étant, aussi bien au niveau départemental que régional, à la charnière de la verticalité des politiques ministérielle et de l'horizontalité des territoires. Le rôle des préfets de région est donc, au-delà de leur rôle d'arbitre dans la répartition des moyens de l'État, de veiller au respect de cette cohérence. Il s'agit de l'une des innovations majeures de la réorganisation de l'administration territoriales de l'État (RéATE), qui perdure et s'est déployée sans difficulté particulière.

Vous évoquiez en outre l'organisation territoriale de l'État. Depuis la RéATE, l'organisation est théoriquement interministérielle au niveau départemental, et ministérielle au niveau régional. Ce schéma, issu des travaux consécutifs à la RGPP et mis en oeuvre entre 2008 et 2010 au titre de la RéATE, a été légèrement déformé par une interministérialisation de fait des directions régionales. Ce nouvel équilibre modifie le rôle des préfectures. Avant ces réformes, les préfets de département et de région incarnaient cette interministérialité au niveau territorial. Désormais, elle est assumée par l'organisation des services déconcentrés de l'État, au niveau départemental comme régional. Plus que jamais, le rôle des préfets, au niveau départemental et plus encore au niveau régional, est de faire vivre cette interministérialité dans un double rapport vertical (vers les ministères) et horizontal (vers les territoires). Cette organisation souple permet à l'État territorial d'assumer les responsabilités qui sont les siennes, en donnant plus d'agilité que l'organisation antérieure, strictement ministérielle.

En ce qui concerne la gestion des moyens de l'État, entre 2010 et 2019, le Premier ministre assumait le pilotage des DDI. Les tensions qui avaient entouré la mise en oeuvre de cette organisation se sont néanmoins apaisées. Ce fonctionnement fluide a permis au Premier ministre, en novembre 2019, de décider de confier au ministère de l'Intérieur la responsabilité de l'administration territoriale et de compléter cette évolution interministérielle par des moyens budgétaires et de gestion des effectifs des DDI. Une des grandes difficultés auxquelles les préfets et les chefs de services déconcentrés de l'État étaient confrontés résidait dans la compartimentation des moyens sur des programmes ministériels qui interdisaient de facto , dans une direction constituée de fonctionnaires venant de plusieurs ministères, de pouvoir faire évoluer un agent de catégorie C d'une fonction de secrétariat vers une autre attribution, lorsque celui-ci relevait de deux ministères différents. Le Premier ministre, en lien avec l'ensemble des ministères, a ainsi décidé de simplifier cette architecture, de confier au ministère de l'Intérieur la gestion de l'administration territoriale et de créer un programme nouveau, le programme 364, sur lequel est gérée aujourd'hui la plus grande masse des moyens de l'État territorial au niveau départemental et régional. Ce programme étant confié au ministère de l'Intérieur, les effectifs des DDI, emplois fonctionnels compris, ont été transférés en 2020 à ce dernier. Cette gestion se fait aujourd'hui en bonne harmonie avec les ministères, dans des conditions qui semblent garantir une plus grande agilité au niveau local. En 2021, une réforme supplémentaire est intervenue, avec la mise en place de secrétariats généraux communs (SGC), dans l'objectif de rechercher des économies dégagées par la mutualisation de structures de gestion au niveau départemental. Ils ont été installés à compter du 1 er janvier 2021. L'organisation territoriale continue d'évoluer de façon classique, avec la création récente de directions régionales des entreprises, de l'emploi, du travail et de la solidarité (DREETS), ce qui a impliqué la révision de certaines DDI et la fusion de directions régionales, comme les directions régionales de la jeunesse, de la santé et de la cohésion sociale (DRJSCS) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). La mise en oeuvre de cette organisation est désormais effective.

Vous évoquiez en outre la question des agences. Nous avons effectivement constaté depuis quelques années une accélération de cette forme de filialisation de l'État territorial. Des organisations comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les ARS ou l'Office de la biodiversité traduisent une évolution qui entend donner à certaines politiques publiques un cadre de mise en oeuvre différent, organiquement distinct des services territoriaux de l'État, avec pour certaines d'entre elles une autorité fonctionnelle plus ou moins affirmée et des relations parfois plus distendues, qui amènent à se poser la question de la cohérence de l'action de l'État, à la fois en termes d'affichage des politiques publiques, de lisibilité du rôle des opérateurs au regard des politiques ministérielles et de cohérence par rapport à l'action qui peut être menée au niveau territorial par les préfets de département ou de région. Une réflexion est ainsi en cours, qui viserait à affirmer de façon plus forte l'autorité fonctionnelle des préfets lorsque ces agences sont amenées à intervenir au niveau départemental ou régional, afin de rendre cette cohérence plus lisible pour les services de l'État et pour ses partenaires. Il semble en effet souhaitable d'affirmer, par une politique de communication et des logos mais également par cette autorité fonctionnelle, que l'État doit être cohérent dans toutes ses composantes.

Dans les relations avec les services centraux, les moyens technologiques ont offert l'occasion à un certain nombre d'administrations de reprendre à leur niveau la mise en oeuvre de certaines politiques publiques et de privilégier des formes d'action passant par des appels à manifestation d'intérêt ou des appels à projets nationaux qui ne sont plus instruits ni décidés au niveau local. Il s'agit d'être vigilant, pour que cette forme d'intervention ne prenne pas un caractère systématique. Cette action doit privilégier la décision et la mise en oeuvre au niveau local, dans un cadre dont la cohérence est garantie par le préfet de région, mais avec le contrôle, l'évaluation et la définition des stratégies au niveau national.

Vous m'avez également interrogé sur le rôle des sous-préfets. Il me semble qu'il s'agit d'un élément d'efficacité de l'État et de sa capacité à s'adresser à ses partenaires, dans la profondeur des territoires, à commencer par les collectivités territoriales, à l'avenir desquelles il importe de veiller. Les sous-préfets d'arrondissement correspondent à une réduction du rôle de la préfecture à l'échelle de l'arrondissement, et les 240 arrondissements au niveau national maillent un territoire dont la carte n'a pas évolué depuis la réforme Poincaré en 1926, qui a été complétée par la création d'arrondissements urbains ou périurbains. Ce périmètre peut être modifié à la main des préfets de région pour tenir compte de la carte des intercommunalités. Ces arrondissements sont aujourd'hui indispensables, bien que les moyens qui leur sont confiés soient très limités, sauf pour les sous-préfectures très importantes. Le sous-préfet, quant à lui, a la responsabilité de dénouer la complexité des politiques publiques et d'incarner la profondeur de l'État dans les territoires. Ce rôle doit être maintenu.

Depuis le début des années 2000, tous les services de l'État ont été confrontés à la difficulté de la réduction de leurs moyens, qui peut être estimée entre 25 et 30 %, avec non pas une suppression significative du nombre de missions, mais une évolution des conditions dans lesquelles elles sont remplies. Le numérique et l'efficience plus importante des systèmes d'information ont certainement permis de compenser, dans une certaine mesure, les diminutions d'effectif. Les services de l'État ont une préoccupation constante de maintien d'une capacité d'expertise au niveau territorial pour accompagner les projets des collectivités locales. Cette fonction de conseil auprès des élus est essentielle et difficile à quantifier, puisqu'elle n'est pas dévolue à un service particulier mais largement mise en oeuvre au quotidien par les préfets, sous-préfets et services de l'État.

Vous me posiez la question, Madame la Sénatrice, de la disparition de l'ATESAT. Celle-ci correspondait d'abord à des missions de maîtrise d'oeuvre qui peuvent être assez aisément externalisées par les communes auprès d'un certain nombre de prestataires privés, si elles n'ont pas été assumées par des agences départementales, comme l'ont fait certains départements. Le rôle de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est aussi d'accompagner les collectivités dans des projets complexes. Enfin, cette contrainte a été rendue nécessaire par l'amoindrissement des moyens de l'État. Nous n'avons pas, au niveau départemental, la capacité de poursuivre des missions d'assistance technique en maîtrise d'oeuvre compte tenu de l'attrition des moyens. En revanche, la fonction de conseil et d'appui se poursuit sur les sujets complexes. C'est pourquoi les préfets et sous-préfets ont un rôle à jouer, en partenariat étroit avec les maires et les conseils départementaux et régionaux.

Vous m'avez en outre interrogé sur le contrôle de légalité. Celui-ci correspond à la faculté confiée à tout citoyen qui a intérêt à agir, à titre individuel ou collectif, de former un recours contre une délibération après avoir, le cas échéant, formé un recours gracieux contre les décisions prises par une collectivité. La transmission de la délibération à la préfecture permet sa mise en oeuvre effective. Le préfet dispose ensuite d'un délai de deux mois pour réaliser le contrôle de légalité correspondant et, le cas échéant, saisir le tribunal administratif. Dans l'organisation des préfectures, cette fonction n'occupe pas un grand nombre de fonctionnaires (de l'ordre de 4 % des effectifs en ce qui concerne les Bouches-du-Rhône). Pour autant, la fonction de conseil n'est pas réduite à ces effectifs, ce conseil étant mis en oeuvre à tous les niveaux.

Le rôle du préfet de zone est également important, même s'il se déploie sur des zones territoriales très vastes, qui lui donnent une responsabilité en matière de répartition des moyens qui sont délégués en appui au préfet de département. Ils ne donnent pas de responsabilité particulière au préfet de zone en matière de pilotage des crises, sauf lorsque celles-ci excèdent, par leur ampleur, la responsabilité d'un préfet de département. Le préfet de zone a, depuis quelques années, une responsabilité de coordination générale en matière de politique migratoire. En effet, le ministre de l'Intérieur lui demande aujourd'hui d'assurer une régulation des placements dans les centres de rétention administrative (CRA) pour optimiser les conditions d'occupation de ces structures.

S'agissant de l'avenir et de la relation du corps préfectoral avec les territoires, depuis 1800, l'institution préfectorale a toujours conservé des fonctions de représentation et d'incarnation de l'État au niveau territorial, le préfet étant le seul fonctionnaire dont les missions sont définies dans la Constitution. Ces fonctions ont vocation à perdurer, de même que cette relation singulière avec les élus locaux et les collectivités territoriales, qui participent de l'efficacité de la mise en oeuvre des politiques publiques.

En termes de points d'attention, vous m'avez interrogé sur la mise en oeuvre d'un principe d'autorité hiérarchique, en particulier sur des directions ou services de l'État qui ne sont pas placés sous l'autorité directe du préfet, comme les directeurs départementaux ou régionaux des finances publiques ou les recteurs et directeurs académiques. Cette question peut être soulevée par souci de cohérence de l'État territorial. Un principe doit à mon sens être rappelé : l'unicité du commandement de l'État territorial, comme de l'État national, en situation de crise. Celle-ci doit être fermement réaffirmée dans la mise en oeuvre des moyens confiés aux préfets au niveau départemental puis zonal, et également dans le principe de déconcentration. La tentation peut être grande, du fait des possibilités offertes par les systèmes d'information, de piloter la crise depuis le niveau national. Le pilotage opérationnel de la crise doit en l'occurrence être au plus près du lieu où elle se produit, soit le niveau départemental. Cette responsabilité doit demeurer celle du préfet et de l'autorité civile qui a la responsabilité de la direction des forces de l'ordre. Il semble important d'en faire un principe intangible de l'organisation de l'administration déconcentrée.

Enfin, des perspectives de réforme du corps préfectoral se font jour. Cette institution est relativement récente, puisque si la fonction préfectorale est plus que bicentenaire, les corps n'existent que depuis l'immédiat après-guerre. Cette réforme vise à supprimer la notion de corps, au sens statutaire, tout en maintenant les fonctions de représentant de l'État incarnées par le préfet ou le sous-préfet. Cela n'emporte d'ailleurs pas nécessairement de modification du nom de l'association. Il importera de garantir deux éléments. D'abord, il s'agira de garantir le professionnalisme des sous-préfets et des préfets amenés à exercer ces fonctions sur le territoire, ce qui suppose de veiller, dans l'organisation des carrières, à garantir l'acquisition d'un savoir-faire relatif à l'entretien des relations avec l'ensemble des partenaires locaux. Cette acclimatation à l'administration territoriale n'est pas antagoniste de la diversité des recrutements. De tous les corps de la haute fonction publique, le corps préfectoral est ainsi peut-être le plus accueillant, puisque le recrutement par l'ENA est largement minoritaire. La majorité du corps est aujourd'hui recrutée par détachement ou par intégration de fonctionnaires venant d'autres horizons ministériels et d'autres fonctions publiques, voire de personnes qui ne sont pas originaires de la sphère publique. Par ailleurs, l'association a exprimé la préoccupation d'une animation qui soit encore assurée par le ministère de l'Intérieur, considérant que cette dualité de missions incombant au corps préfectoral (être le représentant de l'État et du gouvernement d'une part, et être l'incarnation de l'interministérialité de l'État au niveau territorial et celui qui détient l'autorité civile sur les services chargés de la sécurité de nos concitoyens d'autre part) doit être garantie, quelle que soit la nouvelle organisation. Le ministère de l'Intérieur, qui a la double responsabilité d'être le ministère des sécurités et de l'administration territoriale, doit garantir le maintien de cette dualité.

Cette réforme importante ne doit pas altérer les principes sur lesquels a été construite cette incarnation symbolique du rôle du préfet pour dialoguer avec les acteurs au niveau local et de cette continuité de l'action publique au niveau territorial. Les préfets et les sous-préfets n'ont ni droit de grève, ni droit syndical et sont soumis à une stricte obligation de loyauté, donc à un devoir de réserve renforcé. Tous ces éléments doivent se retrouver dans le futur statut d'emploi, dont l'élaboration est actuellement en cours entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Fonction publique.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup, Monsieur le Préfet, pour la qualité et la précision de vos réponses. Je passe la parole à mon collègue, Pascal Martin, sénateur de la Seine-Maritime.

M. Pascal Martin. - Ma question concerne le fonctionnement, après plus de 25 ans, des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) suite aux lois de départementalisation votées dans les années 90. Ceux-ci sont des établissements publics administratifs départementaux placés sous une double autorité : d'une part une partie fonctionnelle, administrative et financière sous l'autorité du président du conseil départemental et d'autre part la partie opérationnelle, placée sous l'autorité du préfet du département concerné. Quel bilan tirez-vous de cette organisation atypique, qui contredit le principe général « qui paie commande » ? En matière de sécurité civile, le principe général consiste à confier au maire la direction des opérations de secours sur son territoire. Le préfet du département devient le directeur des opérations de secours lorsque le sinistre dépasse les limites d'une seule commune. Au quotidien, dans le fonctionnement de l'établissement public, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), arrêté par le préfet du département, consiste à analyser dans le temps l'évolution des risques du département et d'y appliquer une couverture de moyens humains, matériels et de casernes adéquate. Ce document est présenté au conseil d'administration du SDIS, ses conséquences sont non seulement opérationnelles, mais également budgétaires et financières. Je souhaitais connaître votre sentiment sur le fonctionnement de ces SDIS.

Un exemple a fait couler beaucoup d'encre ces derniers mois : la politique de défense extérieure contre l'incendie (DECI). Un arrêté ministériel fixe la doctrine générale, qui est ensuite déclinée par arrêté départemental. Il existe aujourd'hui une certaine incohérence dans le fonctionnement des SDIS, dont le financement est assuré pour l'essentiel par la contribution des départements et par les cotisations communales et intercommunales. L'État ne finance plus les SDIS. Au regard de votre expérience, voyez-vous des évolutions à apporter au fonctionnement des SDIS ?

M. Christophe Mirmand. - Merci, Monsieur le Sénateur, pour votre question qui est importante. Les SDIS reposent sur un mode d'organisation singulier, qui voit les collectivités territoriales jouer un rôle majeur depuis la départementalisation des corps de sapeurs-pompiers. L'organisation confie la gestion, l'administration, l'équipement et l'investissement aux collectivités, tandis que l'État assume la responsabilité de directeur des opérations de secours. Je ne voudrais pas laisser penser que l'État ne participe pas à la sécurité de nos concitoyens. Les moyens nationaux de la sécurité civile sont engagés pour le bénéfice des territoires, y compris pour la lutte contre les incendies, lorsque la solidarité le nécessite. Ces moyens conséquents permettent d'appuyer significativement l'efficacité de l'action conduite au niveau du terrain par les sapeurs-pompiers.

Je ne suis pas certain que ce système doive évoluer. Il me semble important d'éviter la confusion des responsabilités. S'il n'y a pas de confusion de cette nature et si le rôle de chacun est respecté, avec un travail conjoint entre le président du conseil d'administration du SDIS et le préfet, pour suivre les affaires de l'établissement public ou encore adopter le SDACR dans des conditions de complémentarité d'intervention et de contraintes d'investissement et d'armement, il n'y a, selon moi, pas de difficulté systémique qui nous amènerait à reconsidérer cette situation. Il importe de continuer d'oeuvrer dans une logique d'économie de moyens entre l'État et les collectivités territoriales. Le couple que forment le maire et le préfet se décline à d'autres niveaux de collectivités territoriales, et ce rôle d'ensemblier du préfet participe de l'efficacité de l'action collective au niveau local.

M. Laurent Somon. - Monsieur le Préfet, merci pour cet exposé très clair. Je souhaiterais revenir sur le principe de l'autorité hiérarchique fonctionnelle, par rapport aux préfets de département et aux services de l'État déconcentrés qui sont gérés par des agences. Comme vous l'avez indiqué, il ne doit pas y avoir de distorsion, notamment en période de crise. Pour autant, cela devrait aussi être le cas en période ordinaire, où malgré tout se font jour des difficultés avec un certain nombre d'organismes. Si la possibilité de différenciations voire d'expérimentations est actée, comment les préfets de département pourront-ils les mettre en oeuvre s'ils ne disposent pas de l'autorité hiérarchique et fonctionnelle vis-à-vis de ces agences ?

Mme Patricia Schillinger. - Avez-vous connaissance du nombre de préfets en attente de mutation ? Par ailleurs, pendant la période de la crise sanitaire, dans les régions frontalières, les préfets avaient beaucoup de peine à travailler avec les pays frontaliers. Dans le Haut-Rhin, lors d'une déclaration de fermeture de douane, les trois pays n'étaient pas en harmonie, ce qui pose une difficulté particulière pour les travailleurs frontaliers. Un sous-préfet dédié à ces sujets dans ces régions frontalières serait-il utile ?

M. Christophe Mirmand. - Merci, Monsieur le Sénateur et Madame la Sénatrice. S'agissant des relations frontalières, il est exact que le travail est parfois complexe avec nos voisins, dont l'organisation administrative ou politique n'est pas toujours en adéquation avec notre organisation nationale centralisée. Néanmoins, cette préoccupation a été partagée par un travail réalisé entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Depuis quelques années, des conseillers diplomatiques sont par ailleurs nommés auprès des préfets de région. Leur rôle est justement de créer des liens bilatéraux, qui reposent souvent sur la relation personnelle entre interlocuteurs, pour fluidifier les relations et permettre de régler un certain nombre de difficultés. J'ai pu constater à quel point cette relation personnelle pouvait influer sur le partenariat avec nos homologues ou avec les autorités des pays avec lesquels nous partageons une frontière.

S'agissant du nombre de préfets en affectation, être préfet suppose à la fois d'être membre d'un corps et d'occuper une fonction territoriale. Un sureffectif pourrait ainsi apparaître dans le corps préfectoral ; il n'en est en réalité rien. 131 postes de préfets et 101 postes de préfets territoriaux, délégués ou, le cas échéant, de préfets adjoints, sont décomptés. Certaines fonctions sont assumées par des préfets de corps, mais dans des fonctions d'administration centrale. Les préfets en instance d'affectation sont en nombre très réduits, puisque la plupart des collègues en administration centrale ont une mission ou une affectation.

Enfin, en ce qui concerne l'autorité fonctionnelle ou hiérarchique, ce principe me semble devoir être rappelé. Je suis personnellement convaincu de la nécessité de renforcer la visibilité de la cohérence des politiques publiques en affirmant clairement cette autorité hiérarchique du préfet de département sur les services déconcentrés de l'État, l'autorité du préfet de région sur les préfets de département, qui s'applique dans la plupart des cas dans la collégialité de la décision, et enfin l'autorité fonctionnelle sur les opérateurs de l'État.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci, Monsieur le Préfet. Il m'appartient de vous adresser, en mon nom personnel et au nom de la délégation, mes remerciements. Votre intervention était d'une grande qualité et extrêmement complète. Elle répond à la préoccupation qui est la nôtre d'inventer l'avenir avec l'État d'une manière pertinente. Il ne s'agit pas de bloquer les évolutions nécessaires mais, en tant que Chambre des territoires, de nous assurer de la pertinence et de la performance de la réforme. Vous avez parfaitement décrit le rôle d'un préfet. Nous avons retrouvé la fonction d'ensemblier qui est la vôtre sur tout un territoire, dans la relation avec les élus mais également avec tous les acteurs économiques.

Au fil des travaux du Sénat, lors des missions de suivi de la crise sanitaire, je me suis interrogée sur la cohérence entre l'exigence de visibilité et de clarté et le rattachement des préfets au ministère de l'Intérieur. J'estime que celui-ci ne facilite guère l'intelligence de fonctionnement et la porosité des ministères. Pourquoi un préfet n'est-il pas rattaché au Premier ministre ?

M. Christophe Mirmand. - Cette question est ancienne, puisque depuis bien longtemps, notamment dans la préparation et la mise en oeuvre des réformes que j'évoquais plus tôt, elle a été adressée au ministère de l'Intérieur, suspecté au moment de la mise en place des DDI de chercher à capter les économies d'emploi qui pourraient résulter de ces mutualisations. Plus généralement, le fait que le ministère de l'Intérieur incarne cette interministérialité peut être interrogé, alors qu'il est de plus en plus assimilé à un ministère de la sécurité, au mépris du rôle qui est le sien en matière d'administration du territoire, quand bien même que cette attribution figure dans le décret d'attribution du ministre de l'Intérieur. La défiance systémique des autres ministères a été très largement apaisée par le travail collectif conduit depuis 2010. Cette situation que vous évoquez existe, mais n'est pas nécessairement l'hypothèse générale du fonctionnement de l'État. Sur le terrain, dans la relation du préfet avec les directeurs régionaux ou départementaux, elle n'est pas, de fait, constatée. Ce fonctionnement de l'État est en effet plutôt fluide. Dans les circonstances exceptionnelles, le préfet doit être perçu comme le représentant de chacun des ministres, mais également du Premier ministre. Cette coordination de la crise au niveau local doit lui incomber naturellement, sans souffrir aucune exception ni remise en cause. Cette organisation est compatible avec un rattachement du corps préfectoral au ministère de l'Intérieur. Un rattachement à une autre structure, comme le Premier ministre, pourrait poser la question de l'autorité effective du représentant de l'État sur les services chargés de la sécurité au plan local.

Mme Françoise Gatel, présidente . - Merci beaucoup Monsieur le Préfet. Je suis certaine que mes collègues seront très heureux de vous transmettre leur rapport, qui est annoncé pour la fin de l'année ou début janvier.

COMPTE RENDU DU JEUDI 14 OCTOBRE 2021

Audition de M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique

M. Rémy Pointereau, président . - La délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) est le bras armé du gouvernement en matière de simplification au service des collectivités territoriales. Or, cette action de l'État n'apparaît pas avec une grande évidence.

Certes, le pouvoir de dérogation aux normes accordé aux préfets aurait concerné 101 projets de collectivités. Mais en quatre ans d'application, cela n'est pas si considérable. Quelques éléments du projet de loi « 3DS » sont susceptibles d'avoir une dimension simplificatrice (la différenciation, le pouvoir réglementaire local). Mais ce texte reste en navette. Lors de son examen au Sénat, nous n'avons pas senti d'appétence simplificatrice évidente de la part du gouvernement, lequel s'est opposé à la création d'une conférence de dialogue État-collectivités territoriales. Une telle conférence s'avère pourtant essentielle en matière de simplification, car elle permettrait d'unifier la parole de l'État alors que trop de collectivités restent ballottées d'un service à l'autre.

Nous serions donc heureux de vous entendre sur les actions de la DITP en direction des collectivités territoriales. Quels projets de simplification normative relatifs aux collectivités territoriales sont en cours ou achevés ? Quels pilotes les animent ou les coordonnent ?

Le Premier Ministre avait prévu, dans la circulaire du 12 janvier 2018 relative à la simplification du droit et des procédures en vigueur, que chaque directeur d'administration centrale définisse un plan de simplification du droit et des procédures en vigueur relevant de son champ de compétences. Quels volets de ces plans concernent les collectivités ? Quelles principales mesures sont envisagées ? Je rappelle qu'au terme de la circulaire de janvier 2018, la DITP est chargée de suivre et de coordonner ces plans ministériels.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, 88 millions d'euros sont spécifiquement dédiés à la transformation numérique des collectivités territoriales. Pourriez-vous nous informer de la destination et de la consommation de ces crédits ?

M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique . - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de vous présenter la DITP et les actions que nous entreprenons.

La DITP met en oeuvre le programme de transformation publique de l'État défini par les orientations données par le président de la République et les décisions prises par le gouvernement dans le cadre du comité interministériel de transformation publique (CITP) -- dont j'assure le secrétariat.

La DITP est placée sous l'autorité de Madame Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, et partage le ministère avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction du numérique (DINUM). L'ensemble des directions interministérielles les plus concernées par la transformation publique sont ainsi placées sous l'autorité d'un même ministre.

Un cadre nouveau a donc été donné à la transformation, un process dont l'objectif a été clair dès le début du quinquennat, renforcé à l'issue du grand débat national et corroboré par l'analyse de la crise sanitaire. Cet objectif consiste en une action publique plus proche, plus simple et plus efficace. En effet, le Président de la République et le Premier Ministre ont toujours affirmé que la territorialisation et la proximité constituent le principal levier de simplification et d'efficacité. Jean Castex a indiqué, lors du CITP de Vesoul, que la modernisation de l'État réside dans la territorialisation de l'action publique. Elle se trouve donc au coeur de notre activité.

Elle repose d'abord sur la confiance accordée aux acteurs de terrain. En effet, dans un contexte complexe marqué par de grandes transitions (écologiques, géopolitiques, sociétales et sanitaires), les acteurs de terrain apparaissent légitimes pour arbitrer et prendre des décisions, car ils connaissent les usagers, les citoyens, les territoires et leur métier.

Cette confiance guide l'action du gouvernement. Elle se concrétise dans plusieurs démarches qui visent à fixer des objectifs, mesurer les résultats et confier l'allocation des ressources aux acteurs de terrain dans un cadre pluriannuel. Le CITP a notamment pris des décisions énergiques sur la déconcentration des décisions individuelles.

La loi ASAP a permis de déconcentrer certaines décisions. Nous n'avons conservé au niveau central que quelques décisions techniquement complexes et suffisamment rares pour que le développement d'une technicité au niveau local ne soit pas justifié. Le droit commun veut que la décision se prenne localement.

Au mois de février, le CITP de Mont-de-Marsan a également pris des décisions importantes qui concernent la déconcentration budgétaire et de la gestion des ressources humaines (RH). Elles ont été approfondies lors du CITP de Vesoul et consolidées dans une circulaire du Premier Ministre. Nous avons donné aux préfets la capacité d'avoir cette latitude de terrain. Nous les avons notamment autorisés à redéployer jusqu'à 3 % de leurs effectifs. Cette souplesse est significative, car les préfets sont aujourd'hui très contraints dans l'affectation des ressources.

Le Premier Ministre a également décidé d'encourager l'action des territoires, notamment en les dotant d'effectifs, car l'administration territoriale a perdu 35 % de ses effectifs dans les douze dernières années. Par ailleurs, le gouvernement a donné un mandat clair de responsabilité générale aux préfets afin de leur donner un rôle d'arbitrage et d'uniformiser la communication. Les feuilles de route transmises cet été par le Premier Ministre reprennent les objectifs des préfets et les projets (étatiques et territoriaux) retenus. Elles seront évaluées.

Nous infléchissons donc significativement les modalités de pilotage des services déconcentrés. Nous affirmons également le préfet comme entrepreneur de l'intérêt général : il doit accepter la différenciation sans rompre le principe d'égalité. Le préfet est également intégrateur : la question du couple préfet-maire est apparue pendant le déconfinement. Dans le cadre de sa déclaration de politique générale, le Premier Ministre a rappelé le rôle principal de cette intelligence collective du terrain en matière d'efficacité et de simplicité. Madame de Montchalin souligne régulièrement que l'action publique se déploie au-delà de l'État et des collectivités : il est important que les acteurs locaux, les associations et les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) réfléchissent ensemble à orienter leur action vers la plus grande efficacité de l'action publique en général pour les usagers.

Dans le cadre du projet Démat.ADS, qui vise à dématérialiser l'application du droit des sols, l'État et les collectivités territoriales sont associés pour partager efficacement un même process et un même outil.

Dans le cadre des laboratoires d'innovation territoriale, l'État et les conseils régionaux, les conseils départementaux ou les métropoles partagent les talents, les ressources et l'énergie pour trouver des solutions à taille humaine inspirées des besoins des usagers dans les territoires pour que les services publics soient toujours plus simples et plus efficaces. À Rennes, le conseil régional et la préfecture de région partagent un laboratoire et travaillent avec plusieurs métropoles pour apporter des solutions à l'insertion des jeunes. Il est important que tous les acteurs concernés définissent ensemble un plan d'action cohérent et efficace.

La Ministre de la transformation et de la fonction publiques a étendu le dispositif France Expérimentation, initialement réservé aux entreprises innovantes, pour permettre aux préfets de saisir l'administration centrale afin d'obtenir des arbitrages très rapides sur l'expérimentation ou l'application définitive d'un changement de réglementation. La loi « 3DS » sera utilisée dans ce cadre.

Je voudrais également insister sur la culture du résultat et la culture du dernier kilomètre, car, traditionnellement, l'administration exerce son pilotage au moyen de la norme et du budget. Or, nous ne sommes pas sûrs que les Français voient l'impact d'une loi lorsqu'elle est votée. La DITP a donc créé, à la demande du Président de la République et du Premier Ministre, un outil qui permet de mesurer l'impact réel de l'action publique sur les territoires. L'enjeu est de s'assurer qu'une décision politique se concrétise dans la vie de nos concitoyens.

Suite à la remise du rapport de Messieurs Taquet et Serres, lequel a mis en évidence les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap pour effectuer leurs démarches, le gouvernement a pris deux décisions importantes : la réduction du délai d'accès aux allocations dédiées aux adultes handicapés et le droit à vie.

Dans les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), les personnes handicapées devaient faire vérifier leurs droits régulièrement alors que certains handicaps n'évoluent pas. Le droit à vie a donc été créé, mais, aujourd'hui, il n'est pas garanti partout sur le territoire. C'est pourquoi nous en mesurons l'application dans chaque MDPH. Il revient ensuite au préfet de solliciter éventuellement le président du conseil départemental.

Dans cette nouvelle approche, l'impact concret des lois et des décisions politiques prime sur les normes et le budget. Une partie de ce système de pilotage est publié dans le baromètre des résultats de l'action publique, car il est important que les objectifs fixés par le Parlement se retrouvent dans un système de pilotage qui garantit que la décision atteint effectivement le dernier kilomètre.

Enfin, je vous sais très attachés à l'efficacité opérationnelle. Elle représente finalement l'enjeu de simplification, car la simplification normative par le haut est créatrice de normes. Nous avons donc choisi une approche centrée sur l'usager.

• La complexité est d'abord appréhendée par les Français en matière de délais. Les procédures et les services doivent donc être organisés pour que le service public soit rendu plus rapidement. Pour ce faire, nous développons le lean management avec une équipe de consultants et nous avons doté le fonds de transformation de l'action publique (FTAP) de 40 millions d'euros.

• Le numérique reste insuffisant. Le programme de France Services, développé par l'Agence nationale de la cohésion territoriale (ANCT), représente un outil de reconquête du territoire et des quartiers de politique de la ville (QPV). À Rouen, la mairie, les associations, les organismes de service public et l'État collaborent pour apporter une réponse à l'usager.

Le téléphone a été sous-estimé ces dernières années. Or, les Français ne le souhaitent pas : la présence humaine au téléphone reste importante pour rassurer l'utilisateur lorsqu'il suit les procédures administratives.

Nous travaillons également pour rendre les démarches numériques plus accessibles.

Enfin, le programme « Services Publics + » vise l'efficacité opérationnelle. Il définit plusieurs engagements dont les résultats sont ensuite mesurés et publiés sur une plateforme. Il donne également la possibilité aux usagers de partager directement et publiquement leur retour d'expérience.

Cette plateforme nous permettra d'échanger avec les citoyens et de comprendre les grands irritants récurrents, car les agents sont portés par des engagements partagés (droit à l'erreur, confiance, empathie, délais). Nous souhaitons que toutes les parties prenantes (agents, usagers, élus) s'engagent dans un process d'amélioration continue pour installer la confiance au niveau territorial.

M. Philippe Pemezec . - Je vois que l'État est chaque jour plus ventripotent. J'estime qu'il faudrait dégraisser ses effectifs plutôt qu'en renforcer certains services. La réalité est bien différente de vos propos lorsque vous évoquez la simplification ou l'efficacité. Nous venons notamment de découvrir la Haute Autorité environnementale qui semble nous contraindre davantage et sur laquelle le préfet semble n'avoir aucun contrôle. Les maires bâtisseurs sont freinés dans leurs projets de construction.

Vous opérez une déconcentration au détriment de la décentralisation. Or, nous sommes des élus attachés aux prérogatives de nos communes, lesquelles fonctionnaient efficacement sans les services de l'État (préfectures et sous-préfectures). Je suis favorable à la décentralisation plutôt qu'à la déconcentration.

Vous engagez une reconquête territoriale au détriment des élus locaux qui ont la compétence pour agir. Nous avons été déshabillés financièrement, étranglés, asphyxiés. L'État tente désormais de se recomposer, car il n'accepte pas la décentralisation mise en place depuis plusieurs années. Nous sommes chaque jour davantage étouffés par les normes. La réalité est très éloignée de la simplification que vous évoquez et votre implication risque de compliquer encore la situation. Je suis très réservé et sans aucune illusion.

Mme Patricia Schillinger . - Les Maisons France Services commencent à apparaître sur les territoires, notamment dans le Haut-Rhin. Cet outil est efficace, il doit être promu et valorisé. J'estime que le service des passeports et des cartes nationales d'identité (CNI) pourrait y être rattaché, car le site internet ne permet pas de réaliser facilement les démarches.

En outre, les préfets ont besoin d'être accompagnés, car ils n'ont ni assez de moyens ni assez de personnels alors que leur champ de compétences s'élargit. Aujourd'hui les outils sont nouveaux. J'estime important que les parlementaires puissent participer aux projets d'installation, notamment en assistant aux inaugurations des Maisons France Services et en bénéficiant d'un suivi régulier.

M. Laurent Somon . - « L'enfer est pavé de bonnes intentions ». La simplification est souvent évoquée, mais chaque nouvelle réforme complexifie la vie précédente. J'approuve la nécessaire déconcentration des services de l'État, notamment au niveau départemental. Je m'interroge toutefois sur vos capacités à la mettre en oeuvre dès lors que les préfets n'ont pas autorité sur un certain nombre d'agences ou de directions, comme la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et l'Office français de la biodiversité (OFB).

Les Maisons France Services sont une bonne initiative, car elles permettent de regrouper les services publics. Il a fallu quatre ans pour comprendre que les Maisons de service au public (MSAP) ont essuyé un échec total, car elles se concentraient sur le respect d'une injonction politique plutôt que sur les besoins du terrain identifiés par les binômes maire-préfet.

Quelle est la réelle volonté de décentralisation ? Elle est nécessaire pour redonner la possibilité de se différencier. Comment le préfet pourra-t-il autoriser ou faire appliquer une loi de différenciation alors qu'il n'a pas autorité sur les agences ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur . - Nous menons, avec Eric Kerrouche, une mission sur l'État déconcentré pour la délégation aux collectivités territoriales. Nos premières auditions font apparaître :

• la complexité de l'État territorial, notamment en raison de l'agencification et de l'appauvrissement de l'État dans les territoires ;

• la nécessité de recentrer l'État sur ses missions ;

• l'insuffisance d'accompagnement des élus locaux, lesquels font appel à l'État lorsqu'ils subissent un contrôle de légalité poussé plutôt que pour anticiper leurs projets.

Vous avez évoqué l'accès à l'État territorial et les difficultés que rencontrent les élus locaux pour contacter la préfecture. Un enjeu primordial est de faciliter cet accès aujourd'hui quasiment impossible.

Je suis par ailleurs très investie dans l'insertion des jeunes, que vous avez évoquée à travers les missions locales. Aujourd'hui, nous nous heurtons à la difficulté majeure de contacter un référent ou un responsable de la coordination. Au niveau de l'État, la réorganisation permanente (avec encore récemment la création des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - DREETS - et des directions départementales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - DDEETS -) brouille les cartes et freine la concrétisation des politiques locales. Les interlocuteurs et le contour de leurs missions ne sont pas toujours bien identifiés. Or, nous avons besoin d'un environnement simplifié et stabilisé.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Issu du département de la Manche, je constate que le couple maire-préfet fonctionne très bien grâce à toutes les procédures d'aide mises en place (plan de relance et procédures d'aide aux entreprises) et aux outils utilisés ( reportings et workflows ). L'attribution des aides s'est avérée fluide et efficace.

Nous rencontrons pourtant des difficultés et de l'incompréhension dans nos missions classiques d'élus locaux, car les normes sont parfois soumises à interprétation. Elles le sont d'autant plus qu'il existe parfois des injonctions contradictoires, notamment en matière d' « interopérabilité » des normes.

L'exemple de la loi du littoral et des bergeries illustre mon propos. Les bergeries permettent d'accueillir des moutons qui luttent contre les espèces invasives. Le littoral doit-il être protégé envers et contre tout ? Faut-il au contraire lutter contre les espèces invasives au titre du respect de la biodiversité ? Certaines interprétations apparaissent plus ou moins restrictives selon les territoires. J'estime nécessaire d'harmoniser les décisions au niveau national pour éviter l'arbitrage des tribunaux.

M. Rémy Pointereau, président . - Ces sujets restent compliqués, car le fonctionnement du couple maire-préfet dépend de la qualité du préfet. Les préfets demeurent très réservés dans l'utilisation de leur pouvoir de dérogation. Très peu de dérogations ont été formulées ces dernières années.

Par ailleurs, en France, nous votons plus de cinquante textes de loi par an et nos études d'impacts restent insuffisantes. Nous souhaitons de l'efficacité pour nos territoires et nos concitoyens. Essayez de nous convaincre, Monsieur le Délégué, de l'efficacité des prochaines décisions.

M. Thierry Lambert . - La réalité nous montre que certains sujets ont avancé, car la satisfaction des usagers s'est améliorée de quelques points. Les personnes en situation de handicap ont certainement mesuré l'impact des plans réalisés avec les conseils départementaux sur les MDPH.

Nous avons jugulé la production de normes de l'État dans les décrets autonomes, car la création d'une norme s'accompagne de la suppression de deux autres normes. En revanche, les décrets d'application liés aux lois ne sont pas concernés par cette mesure.

Il est vrai que les études d'impact ne précèdent pas nécessairement la création d'une norme. À la différence d'une entreprise privée, le service public ne choisit ni ses clients ni ses produits. L'idée doit donc être confrontée à la réalité.

Dans la relation maire-préfet, les personnalités sont évidemment importantes. Dans les Hautes-Pyrénées, un préfet a mobilisé tous ses services pour traiter en parallèle tous les dossiers relatifs au plan de relance. Quand bien même de nombreuses signatures sont requises, l'organisation de l'État peut garantir une réponse rapide. Les utilisateurs sont satisfaits, car le préfet, en tant qu'interlocuteur unique identifié, garantit la prise de décision. Il rencontre les parties prenantes sur le terrain avant de statuer.

Ces questions sont très concrètes, car il peut suffire de réunir les différents services pour aligner les objectifs dans une décision non dérogatoire. Nous identifions donc une solution managériale, car le droit de déroger relève aussi d'un état d'esprit. Un préfet peut arbitrer même lorsque les injonctions contradictoires sont fortes, notamment entre le développement économique et les enjeux environnementaux. Nous considérons qu'il est plus facile de trouver des solutions en travaillant avec les acteurs de terrain. Nous encourageons donc cette démarche que nous estimons simplificatrice. J'espère que certains maires constateront l'impulsion que nous donnons en changeant les règles et les cultures.

Concernant la décentralisation, mon expérience industrielle m'a appris que les grandes décisions de simplification fonctionnent rarement. Elles sont parfois structurantes, mais une culture d'amélioration continue reste nécessaire. Nous essayons de la mettre en place dans nos services de production. Dans une direction régionale des affaires culturelles (DRAC), nous avons récemment réussi à libérer sept emplois temps plein (ETP) pour les déployer afin de travailler à des délais plus rapides et à une meilleure présence sur le terrain. S'il demeure nécessaire de revoir certaines normes par le haut, les complexités perçues par les Français relèvent de questions très opérationnelles.

Concernant les simplifications systémiques, la communication administrative devient un sujet très important. J'ai récemment visité une Maison France Services avec une association oeuvrant dans l'insertion. J'ai constaté que la compréhension des formulaires, papier ou en ligne, est impossible.

Nous avons donc décidé d'engager un travail de fond sur le langage administratif et de modifier cent formulaires d'ici la fin du cycle -- nous en avons revu cinquante. Cette révision n'est pas aisée : le Cerfa est très efficace pour l'Administration, car il permet de rassembler toutes les informations. En revanche, il ne parle pas à l'usager. Nous faisons donc appel à des docteurs en sciences comportementales pour essayer de renverser la compréhension du document. Cette démarche conduit à reprendre des mots parfois, des textes souvent. Toute la conception du dispositif doit donc être repensée.

Finalement, il est toujours compliqué de faire simple, car la complexité administrative est une simplicité pour l'administration, laquelle ne se met pas dans la peau de l'utilisateur. La question de l'expérience de l'usager avec le service public impose l'internalisation de la complexité, laquelle requiert des ressources complémentaires. Le numérique nous aide, car il nous permet d'être plus efficaces dans le partage d'informations. Il nous offre des perspectives très intéressantes pour simplifier la relation à l'usager et réduire les non-recours, car les personnes les plus fragiles subissent cette complexité. Nous souhaitons devenir une administration proactive, conformément au projet de Madame de Montchalin, pour modifier la perception de nos concitoyens.

Nous évoquerons votre feed-back sur les Maisons France services à l'ANCT. Je précise que le programme « Services Publics+ », qui a été décidé au CITP de Vesoul, vise à réunir au moins une fois par an les élus, les agents et les usagers de chaque service public.

Enfin, pour les passeports et les cartes d'identité, l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est consciente des blocages constatés. Nous suivons l'avancement de ses travaux.

M. Rémy Pointereau, président . - Obtenir une carte grise par internet relève du parcours du combattant. La dématérialisation doit être performante et efficace.

M. Thierry Lambert . - En réalité, nous travaillons avec peu de moyens par rapport au secteur privé. Les agents très dévoués font de leur mieux. Ils ne sont pas rémunérés comme dans le privé.

M. Rémy Pointereau, président . - Pourriez-vous aborder la consommation des crédits - 88 millions d'euros dédiés à la transformation numérique - ?

M. Thierry Lambert . - La DINUM gère la relation avec les collectivités locales aux côtés de l'ANCT. Nous disposons d'un peu plus de 34 millions d'euros. Nous avons affecté 300 000 euros par département pour les petites et moyennes communes : les préfets ont reçu 300 000 euros chacun pour financer des actions de formation. Actuellement, nous avons reçu des demandes pour 52 millions d'euros. Chaque préfet décide de l'utilisation de ces crédits. Certains ont distribué cette enveloppe à des syndicats.

M. Rémy Pointereau, président . - Ce budget s'ajoute à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

M. Thierry Lambert . - Nous avons également doté les laboratoires d'innovation territoriale de quatre millions d'euros.

M. Rémy Pointereau, président . - Nous ignorons ces mesures.

M. Thierry Lambert . - Nous travaillons avec les collectivités locales, car nous souhaitons que l'innovation émane des territoires et encourage le partage des compétences ( design , numérique, intelligence collective). Dans la région Grand Est, ces financements ouvriront la collaboration avec la région. En Bretagne et en Loire-Atlantique, ce dispositif fonctionne bien.

Nous avons également mis en place un guichet « Démat.ADS » pour permettre aux communes de se raccorder aux nouveaux logiciels.

M. Rémy Pointereau, président . - Je découvre ces sujets. Ont-ils fait l'objet d'une communication ?

M. Thierry Lambert . - Ces dispositifs ont été envisagés en collaboration avec les associations représentant les élus (petites communes, AMF, conseils régionaux). Les régions disposent de 400 000 euros qui peuvent être abondés. Ces budgets donnent une certaine liberté d'action aux communes qui peuvent engager des projets de développement.

Le guichet « Démat.ADS » peut encore être sollicité, mais le raccordement se fera au 1 er janvier 2022. L'enveloppe peut atteindre 16 000 euros : 4 500 euros sont attribués aux centres instructeurs et 400 euros aux communes participantes. Elle permet de financer l'achat du logiciel, son déploiement et des formations. Ce guichet reste ouvert, car le projet est prioritaire. Il permettra une simplification significative pour les services et un meilleur service pour les usagers.

Le projet « Démat.ADS » consiste en la dématérialisation complète de l'instruction des demandes d'autorisation du sol. Il est extrêmement important pour les communes et pour l'État.

M. Rémy Pointereau, président . - Je vous remercie pour tous ces éléments. Nous souhaiterions disposer d'un document synthétisant les financements pour communiquer auprès des élus.

M. Thierry Lambert . - Nous vous transmettrons notre dossier de presse.

M. Rémy Pointereau, président . - Nous constatons qu'il existe encore des marges pour progresser dans la simplification.

M. Thierry Lambert . - Ce travail est permanent, en effet.

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