B. CAPITALISER SUR LES AVANCÉES PERMISES PAR LA CRISE ET GÉRER LA DÉLICATE SORTIE DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN EXCEPTIONNELS
1. La crise a provoqué un « choc de coordination » sur lequel il conviendrait de capitaliser
Aux niveaux national comme régional, la crise a suscité la mise en place de structures de coordination de la filière qui ont prouvé leur efficacité . L'enjeu est aujourd'hui de ne pas perdre cet acquis et de s'appuyer sur l'expérience de la crise pour construire des espaces de coordination renforcés .
Au niveau national, le comité de suivi créé dès le mois de mars 2020 a rapidement été complété par une task force qui a noué des contacts étroits et permanents avec les représentants de l'État. Elle a participé à la conception du plan de soutien et a constitué un observatoire des risques de la filière.
Au niveau régional, la coordination entre l'ensemble des acteurs de la filière ainsi que leurs relations avec les pouvoirs publics se sont grandement fluidifiés. La chambre régionale des comptes d'Île-de-France note tout particulièrement ce phénomène s'agissant de la région Île-de-France. Elle « considère comme nécessaire de renforcer la coordination opérationnelle entre acteurs institutionnels et représentants de la filière en prolongeant la gouvernance ad hoc mise en place à l'occasion de la crise » .
La Cour des comptes a également souligné l'efficacité de la coordination qui s'est établie entre les différents services de l'État ainsi qu'entre ces derniers et les régions au coeur de la crise.
Néanmoins, alors que l'activité reprend et face à l'accumulation complexe de dispositifs aux échelons nationaux et régionaux, la Cour des comptes craint que les bonnes pratiques de coordination puissent s'estomper à mesure que s'éloigne la période la plus critique de crise.
Les relations entre les donneurs d'ordre et leurs sous-traitants ont également évolué à la faveur de la situation de crise. Une charte d'engagement a été signée pour améliorer ces rapports. Les bénéfices réels et concrets de cette initiative apparaissent néanmoins fragiles et le comité de suivi de la charte a d'ores et déjà identifié un certain nombre d'axes d'améliorations.
Aujourd'hui, il apparaît nécessaire au rapporteur spécial de ne pas perdre les acquis de cette évolution stimulée par l'urgence de la crise. Il convient ainsi de faire vivre sur le long terme l'esprit comme la lettre de cette charte.
2. Anticiper et accompagner la sortie des dispositifs de soutien exceptionnels
Déjà avant la crise, le bilan de certaines entreprises et la situation de leur trésorerie étaient fragiles en raison du développement rapide de l'activité. Celui-ci avait exigé des investissements conséquents, partiellement financés par un accroissement de l'endettement des entreprises de la chaîne d'approvisionnement (la supply chain ). En parallèle, leurs stocks s'étaient sensiblement accrus . Dans un contexte concurrentiel exacerbé et à la demande des donneurs d'ordre, ces entreprises sous-traitantes avaient également eu à mettre en oeuvre des efforts de productivité significatifs . Largement mobilisé par le secteur, le dispositif des PGE a eu pour conséquence d'accroître encore l'endettement des entreprises aéronautiques.
Comme le souligne la Cour des comptes, le rapporteur spécial note que la sortie des dispositifs de soutien exceptionnel doit être gérée avec prudence compte-tenu des risques qu'elle comporte, notamment pour les entreprises les plus fragiles. En effet, la reprise du secteur et la hausse des cadences de productions qui l'accompagne suppose des investissements conséquents pour les entreprises sous-traitantes de la filière ainsi que de nouveaux gains de productivité . Or, la filière devra relever ces défis alors même que les dispositifs de soutien exceptionnels s'éteignent et qu'elle va devoir faire face à l'échéancier de remboursement des PGE .
Le risque se trouve renforcé par le fait que la reprise s'annonce contrastée . Ainsi, si le secteur de la défense a été plus résilient et affiche des perspectives prometteuses, que les courts et moyens courriers semblent reprendre rapidement, le segment des longs courriers pourrait souffrir d'une baisse d'activité durable . Il est à souligner qu'avant même la crise, le segment des avions longs courriers était déjà moins dynamique que le reste du secteur.
La Cour des comptes relève que des contraintes financières significatives pourraient peser sur le secteur au moins jusqu'en 2024-2025.
A minima, comme le suggère la Cour des comptes, le rapporteur spécial confirme la nécessité de maintenir les conditions d'un suivi individualisé très régulier des entreprises du secteur les plus susceptibles de rencontrer des difficultés, afin, le cas échéant, de leur proposer des dispositifs de soutien sur mesure.
L'État a annoncé la mise en oeuvre, dès 2022, d' un dispositif d'accompagnement des 150 PME les plus fragilisées par la crise. Mis en oeuvre par le GIFAS, ce qui constitue un gage de connaissance fine de la filière, ce dispositif peut néanmoins apparaître limité tant par son périmètre que par son enveloppe de 3 millions d'euros.