III. DÉBLOQUER LES LICENCES DUES AUX PÊCHEURS FRANÇAIS ET LEUR OFFRIR DE NOUVELLES PERSPECTIVES
À court terme, le Sénat préconise de refuser le fait accompli britannique et de :
- Co-décider des mesures d'application de l'accord (licences temporaires systématiques en attente du traitement du dossier, transparence des Britanniques sur leurs critères d'éligibilité, indulgence pour les navires ayant le nombre de jours requis sur 3 ans mais pas sur une année à cause de circonstances exceptionnelles, comme des travaux ), mieux exploiter l'ensemble des données à notre disposition et cesser l'autocensure.
- Fluidifier les échanges avec les Britanniques en mobilisant l'Europe et les régions (réaffirmer le mandat clair de la Commission pour les licences, demander à l'Union une habilitation pour négocier, à titre exceptionnel, de façon bilatérale des « accords de Granville II » avec le Royaume-Uni , favoriser les contacts directs de nos régions avec les îles anglo-normandes et « nations » du Royaume-Uni, compétentes en matière de pêche).
- Pousser l'UE à prendre, graduellement, les trois types de « mesures correctives » prévues par l'accord : i) suspendre l'accès à nos eaux et le traitement tarifaire préférentiel pour les navires et les produits de la pêche britanniques, si les mareyeurs, qui dépendent des importations, sont aidés et si les autres États membres l'appliquent aussi ; ii) suspendre l'exonération de droits de douane accordée à d'autres marchandises que les produits de la pêche, c'est-à-dire appliquer des rétorsions « croisées », ce qui reste l'option préférable, mais implique de convaincre les autres États membres de leur nécessité ; iii) dénoncer la rubrique « pêche » de l'accord pour les îles anglo-normandes - mais une clause liant le volet pêche au volet commercial pour le Royaume-Uni, ce n'est pas envisageable pour ce dernier, en raison des répercussions économiques que cela emporterait.
- Proposer d'ajouter Jersey et Guernesey à la liste de l'UE des territoires non coopératifs en matière fiscale .
À moyen terme, il faut anticiper le grand saut dans l'inconnu de 2026 et préparer les négociations difficiles qui s'annoncent avec les Britanniques sur les quotas : faire front uni au sein de l'UE pour imposer aux Britanniques la pluriannualité des quotas après 2026 et refuser en bloc toute commercialisation des licences par un moratoire . Pour ce faire, lier les négociations pour l'accès à leurs eaux à leur accès à nos ports pour les débarquements de poissons.
À long terme, pour le Sénat, il importe de maintenir nos capacités de pêche :
- La France, grand pays maritime mais qui importe 2/3 de sa consommation de produits de la mer, doit obtenir de la Commission un report partiel et temporaire de l'effort de pêche dans les eaux communautaires , mais aussi récupérer des quotas aux Britanniques dans les eaux norvégiennes et islandaises, et limiter le mitage de ses zones de pêche par l'éolien offshore en associant davantage les pêcheurs à leur implantation et à leur gestion.
- Préférer au « plan de sortie de flotte » un plan de modernisation de la flotte (sécurité à bord, économies d'énergie, engins de pêche plus sélectifs) et de l'aval (transition écologique du mareyage) financé par la Réserve d'ajustement au Brexit.
- Ramener de 65 % à 50 % notre dépendance à l'import en produits de la mer en 10 ans : développer l'aquaculture durable, mieux valoriser les coproduits de la pêche , trouver de meilleurs débouchés pour des espèces en abondance (tacaud, plie) voire en surabondance (poulpe) dans nos eaux et boudées par les consommateurs .