B. ANTICIPER LE GRAND SAUT DANS L'INCONNU DE L'APRÈS-JUIN 2026 EN SÉCURISANT DURABLEMENT NOTRE ACCÈS AUX EAUX BRITANNIQUES
La période de transition prévue par la rubrique « pêche » de l'accord de commerce et de coopération court jusqu'au 30 juin 2026. Au-delà de cette date, les Britanniques auront toute latitude pour fixer des négociations annuelles de quotas. Il convient de tirer les leçons de la crise des licences, afin de ne pas aborder 2026 dans le même état d'impréparation que 2021 a été abordé. Pour cela, on peut envisager de :
- confier à l'IFREMER une mission de veille sur la stricte proportionnalité des mesures techniques et des réductions de TAC par rapport aux objectifs scientifiques, afin d'éviter leur instrumentalisation par les Britanniques aux fins d'ériger des barrières à l'entrée destinées à exclure les pêcheurs européens de leurs eaux, et saisir le Comité spécialisé de la pêche dès qu'une mesure non strictement proportionnée est suspectée ;
- s'accorder au niveau européen pour imposer aux Britanniques le principe de négociations pluriannuelles pour les quotas de pêche à partir de juin 2026 , comme cela existe avec d'autres États tiers à l'Union européenne ;
- lier les négociations sur les quotas de pêche dans les eaux britanniques aux négociations sur les quotas dans les zones économiques exclusives de l'UE , par exemple pour la coquille Saint-Jacques en baie de Seine, et plus largement dans notre zone économique exclusive (ZEE) ;
- négocier autant que possible directement avec les quatre nations britanniques (Angleterre, pays de Galles, Écosse, Irlande du Nord), compétentes en matière de pêche, afin de peser plus dans les négociations ;
- se concerter entre États membres et avec les États côtiers tiers pour refuser en bloc l'achat de licences de pêche aux Britanniques par un moratoire, s'ils venaient à commercialiser l'accès à leurs eaux ;
- lancer un appel à projets de recherche en droit de la mer pour trouver les voies d'une reconnaissance des « droits historiques » des pêcheurs français dans certaines zones de pêche britanniques, sur le fondement de l'acceptation de jure par le Royaume-Uni de ces « droits historiques », dans le cadre de la politique commune de la pêche durant 38 ans .
C. GRAND PAYS MARITIME QUI IMPORTE 65 % DE SA CONSOMMATION DE PRODUITS DE LA MER, LA FRANCE DOIT MAINTENIR À LONG TERME SES CAPACITÉS DE PÊCHE
Source : FranceAgriMer, d'après Douane française 32 ( * )
1. Trouver de nouvelles opportunités de pêche pour nos pêcheurs afin de limiter notre dépendance aux importations
On ne peut pas se résoudre à importer toujours plus de poissons et à voir nos ports se vider de toute activité dans les décennies qui viennent. C'est pourquoi il faut explorer de nouvelles opportunités de pêche pour nos pêcheurs en :
- négociant une hausse temporaire des totaux admissibles de capture (TAC) dans les eaux européennes pour les États ayant souffert de restrictions d'accès dans les eaux britanniques, sous le contrôle des scientifiques, tant que toutes les licences demandées aux autorités britanniques n'ont pas été octroyées, afin de permettre un report partiel de l'effort de pêche dans nos eaux ;
- affichant un front uni entre États membres de l'UE pour récupérer des quotas aux Britanniques dans les eaux norvégiennes et islandaises via la recherche d'un accord systématique entre États membres en amont des négociations ;
- demandant un rapport au Gouvernement pour évaluer d'un point de vue économique et écologique les nouvelles opportunités de pêche hors des eaux européennes et britanniques , notamment pour la pêche hauturière, par exemple au large des côtes africaines ou dans l'océan Indien ;
- rendant obligatoire la présence d'organisations professionnelles de la filière pêche dans les syndicats mixtes des parcs naturels marins ;
- veillant à ce que l'avis des communes littorales sur les projets d'implantation de parcs éoliens offshore , introduit par le Sénat dans la loi « Climat et résilience », soit demandé y compris pour les procédures en cours, et en inscrivant dans la loi l'impératif de conciliation de ces parcs avec les activités économiques et la préservation esthétique de ces lieux ;
- envisageant la mise en place de comités de gestion multipartites des parcs éoliens offshore , associant entre autres les organisations professionnelles de pêcheurs.
2. Construire un plan de modernisation de la flotte, pas un « plan de sortie de flotte »
Les commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat ne se résolvent pas à ce que le plan de sortie de flotte soit la seule issue à cette crise. Cela serait donner raison aux britanniques et obérer nos capacités de production pour les décennies à venir. C'est pourquoi elles préconisent :
- d 'abandonner officiellement tout projet de plan de sortie de flotte pour les navires n'ayant pas obtenu de licence, et d'opter plutôt, en cas de besoin, pour l'arrêt indemnisé des navires un à deux mois de l'année en cas de difficultés d'accès aux eaux britanniques, sur le modèle des « arrêts Brexit » et des « arrêts Covid-19 » ;
- d 'allouer les fonds de la Réserve européenne d'ajustement au Brexit réservés à la pêche à des actions de modernisation (sécurité à bord, économies d'énergie, sélectivité des engins de pêche), susceptibles de stabiliser nos capacités de pêche , et de proscrire au contraire leur affectation à des mesures réduisant notre potentiel de pêche, a fortiori quand il s'agit de détruire des navires qui avaient été subventionnés par le FEAMP ;
- de relancer l 'appel à projets « pour une pêche durable et performante » , afin de compenser à long terme l'effet de la hausse du prix de l'énergie, en réduisant les besoins en carburant des navires ;
- de financer un plan de modernisation du secteur du mareyage, pour accompagner ce secteur dans sa transformation écologique (emballages plastiques, transport...) et pour une meilleure valorisation des coproduits de la pêche ;
- de favoriser les partenariats entre les halles à marée et les opérateurs de vente directe, afin de diversifier la clientèle des produits de la mer ;
- de lancer un plan « pêche et produits de la mer » ambitieux, incluant des mesures de nature à ramener notre dépendance aux importations de ces produits de 65 % aujourd'hui à 50 % dans dix ans, via :
• la recherche d'une meilleure valorisation et de meilleurs débouchés pour certaines espèces qui se trouvent en abondance, et même parfois en surabondance (poulpe), dans les eaux françaises mais sont boudées par les consommateurs (tacaud, plie...) ;
• la poursuite de l'amélioration de l'attractivité des métiers de la pêche ;
• le développement de l'aquaculture, et notamment de fermes piscicoles durables.
* 32 https://www.franceagrimer.fr/content/download/67037/document/STA_MER_chiffres_cles.pdf