B. DES FINANCEURS RÉPONDANT À DES LOGIQUES DIFFÉRENTES, PARMI LESQUELS L'ÉTAT DOIT TROUVER SA JUSTE PLACE

1. Les conseils départementaux sont les principaux contributeurs

Les conseils départementaux , dont les présidents président les GIP MDPH, sont aussi les principaux contributeurs à leur financement.

En 2018 5 ( * ) , ces derniers apportaient 43,1 % des contributions de toute nature aux MDPH, contre 35,6 % pour l'État et 20,4 % pour la CNSA.

La contribution des départements, estimée à 133,3 millions d'euros en 2018 se fait essentiellement en nature (77,2 millions d'euros), via la mise à disposition de locaux, de personnels et de services supports. Ainsi, 88 % des MDPH sont hébergées totalement ou en partie dans les locaux des conseils départementaux . En particulier, 74 % des MDPH mutualisent au moins en partie leurs services juridiques avec ceux du conseil départemental. Cette proportion monte à 97 % s'agissant des services informatiques.

Part respective des contributions de toute nature aux MDPH
par contributeur (2018)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

2. La CNSA : une dotation nationale répartie selon des critères paramétriques

En application de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles , la CNSA verse une dotation annuelle aux conseils départementaux au titre de l'installation et du fonctionnement des MDPH.

Son montant, fixé par la CNSA, est revalorisé en fonction des priorités ou des projets nationaux. Il est passé de 68,2 millions d'euros en 2015 à 76,8 millions d'euros en 2020 .

L'article L. 14-10-7 du même code prévoit que cette dotation soit répartie entre les départements selon des modalités définies par décret 6 ( * ) . Auparavant, les paramètres pris en compte se limitaient à la population adulte du département et à son potentiel fiscal.

Ces modalités ont été réformées à compter du 1 er juillet 2021, avec l'introduction :

- d'une part forfaitaire représentant entre 75 % et 90 % de la dotation totale versée au département, calculée en fonction de la population du département , et de laquelle sont déduites la subvention de la CNSA versée au conseil départemental au titre de la PCH ainsi que la valorisation des personnels mis à disposition par l'État dans le département ;

- d'une part variable , calculée en fonction de critères d'activité des MDPH. Sont ainsi pris en compte le nombre de bénéficiaires de la PCH et des décisions relatives à l'orientation de personnes handicapées vers un établissement médico-social, dossiers qui représentent une charge particulièrement lourde pour les instructeurs 7 ( * ) , ainsi que le nombre de bénéficiaires de l'AEEH, qui concerne les enfants en situation de handicap.

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'introduction de critères d'activité , qui, ayant fait l'objet d'une concertation avec la CNSA, l'association des directeurs de MDPH (ADMDPH) et l'association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements et métropoles (ANDASS), permettent de refléter plus fidèlement les charges auxquelles font face les MDPH.

Ils appellent à ce que les travaux d'appréciation des charges des MDPH se poursuivent afin d'affiner encore la formule de calcul de la part variable de la dotation nationale .

Les critères liés à l'AAH (et singulièrement à l'AAH-2) pourraient être pris en compte, comme le permet d'ailleurs l'article L. 14-10-7 précité. L'introduction d'un critère tel que le nombre de primo-demandeurs pourrait également être étudié, dans la mesure où une demande formulée par une personne non connue de la MDPH demande plus de temps d'instruction.

Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi que la réforme des dotations nationales qui est en cours doit se poursuivre (voir recommandation n° 2) . Ils relèvent toutefois que la question spécifique de la prise en compte des critères de répartition reposant sur l'activité des MDPH, qui suppose la production de données fiables et harmonisées, va de pair avec celle de la réforme du système d'information , dont il est question en deuxième partie du présent rapport.

3. L'État : une dotation de compensation des postes originellement mis à disposition et devenus vacants, dont le sens est désormais à interroger
a) Une dotation désormais versée par la CNSA

La contribution de l'État au fonctionnement des MDPH est prévue par l'article L. 146-4-2 du code de l'action sociale et des familles .

Celui-ci prenait auparavant la forme d'une subvention financée sur les crédits du programme 157. En application des articles 48 de la loi de finances pour 2017 8 ( * ) et 35 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2017 9 ( * ) , celle-ci est depuis 2017 versée directement pour le compte de l'État par la CNSA , qui perçoit en retour une fraction équivalente du prélèvement social sur le capital, qui s'intègre plus largement dans le cadre transferts financiers de l'État à la sécurité sociale. Cette réforme poursuivait un double objectif :

- l'unification, dans un souci de simplification, du versement des dotations nationale aux MDPH ;

- le raccourcissement des délais de versement : en effet, du fait des contraintes liées à la gestion déconcentrée des crédits budgétaires, le premier des deux versements de la dotation n'intervenait qu'entre mars et juillet, parfois au-delà, tandis que le nouveau système permet d'assurer un premier versement au cours du premier trimestre.

b) Une dotation qui vise principalement la compensation des postes originellement mis à disposition et devenus vacants

La subvention ou contribution de l'État aux MDPH, dont le montant et la répartition font l'objet d'un arrêté annuel des ministres en charge des affaires sociales et du budget, comprend :

- un montant forfaitaire annuel correspondant aux moyens consacrés jusqu'en 2005 aux COTOREP, CDES et sites pour la vie autonome ;

- un montant correspondant à la compensation financière des postes mis à disposition par l'État aux MDPH devenus vacants du fait du départ en retraite de certains agents ou de leur demande de réintégration dans leur administration d'origine. Cette composante a vocation à varier chaque année en fonction des mobilités des agents concernés.

Le montant des compensations des postes est encadré par l'instruction n° DGCS/SD3C/2011/132 du 8 avril 2011 relative aux MDPH. Celle-ci fixe un montant forfaitaire de compensation des postes devenus vacants en prenant en compte la catégorie de l'agent et le motif de la mobilité (départ en retraite ou retour à l'administration d'origine).

Trois cas de figures sont à distinguer :

- en cas de départ en retraite, la valorisation est déterminée selon la catégorie à laquelle appartenait l'agent (voir tableau ci-dessous) ;

- en cas de retour dans l'administration d'origine, les postes vacants sont valorisés sur une base forfaitaire de 30 000 euros par an et par poste indépendamment de la catégorie de l'agent parti ;

- pour les contractuels, la compensation est calculée sur la base du montant effectivement payé lors du transfert.

Valorisation des postes mis à disposition par l'État devenus vacants
suite à un départ en retraite

(en euros)

Catégorie

Montant annuel

Catégorie A

62 000

Catégorie B

46 700

Catégorie C

33 000

Source : instruction n° DGCS/SD3C/2011/132 du 8 avril 2011 relative aux MDPH

c) Si le principe d'une contribution de l'État aux MDPH reste indispensable, son sens et partant son mode de calcul doivent être interrogés

Le montant de la contribution de l'État est passé de 67,2 millions d'euros en 2015 à 78,9 millions d'euros en 2020 .

Cette croissance reflète la tendance à la diminution du nombre d'agents mis à la disposition par l'État . Celui-ci a été divisé par cinq entre 2006 et 2019, passant de 1 548 ETP à 228,2 ETP.

Les rapporteurs spéciaux considèrent néanmoins qu'il est nécessaire de s'interroger sur les modalités de calcul de cette dotation , dont les règles de valorisation forfaitaire sont souvent mal comprises par les MDPH et, surtout, dont le sens est de moins en moins évident à mesure que les postes mis à disposition deviennent vacants et que la contribution devient essentiellement monétaire.

Cette logique de compensation au coût historique, avec des modalités de valorisation des postes décorrélées des coûts actuels de recrutement, qui évoque les compensations de transferts de compétences aux collectivités territoriales, semble mal adaptée au financement d'une politique du handicap, et singulièrement d'une politique de l'AAH, dans laquelle l'État s'investit et doit continuer de s'investir, en contribuant à doter les GIP-MDPH - dont il est membre - de moyens suffisants pour être les relais efficaces de son action.

Il resterait à établir comment s'articuleraient, à terme, les deux contributions nationales versées respectivement par l'État et la CNSA. Pourrait par exemple être envisagé un scénario dans lequel un montant global de dotation nationale aux MDPH serait déterminé selon des critères précis, avec une clé de répartition de la charge entre ses deux financeurs .

Recommandation n° 2 : réformer les dotations nationales aux MDPH en remettant notamment à plat la méthode de valorisation des emplois vacants compensés par l'État.


* 5 L'année 2018 a été privilégiée à l'année 2019 car l'échantillon retenu dans l'enquête annuelle de la CNSA était plus important.

* 6 Décret du 29 juin 2021, codifié à l'article R.14-10-34 du code de l'action sociale et des familles.

* 7 C'est particulièrement vrai pour la PCH, qui demande l'établissement d'un plan de compensation personnalisé, impliquant souvent une visite à domicile.

* 8 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

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