N° 4202

N° 643

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE 2020 - 2021

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la présidence du Sénat

Le 27 mai 2021

Le 27 mai 2021

RAPPORT

au nom de

L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

LA RECHERCHE FRANÇAISE EN MILIEU POLAIRE : REVENIR DANS LA COUR DES GRANDS

PAR

Mmes Huguette TIEGNA, députée, et Angèle PRÉVILLE, sénatrice

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Cédric VILLANI,

Président de l'Office

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Gérard LONGUET,

Premier vice-président de l'Office

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques

Président

M. Cédric VILLANI, député

Premier vice-président

M. Gérard LONGUET, sénateur

Vice-présidents

M. Didier BAICHÈRE, député

Mme Sonia de LA PRÔVOTÉ, sénatrice

M. Jean-Luc FUGIT, député

Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice

M. Patrick HETZEL, député

Mme Catherine PROCACCIA, sénateur

DÉPUTÉS

SÉNATEURS

M. Julien AUBERT

M. Philippe BOLO

Mme Émilie CARIOU

M. Jean-François ELIAOU

Mme Valéria FAURE-MUNTIAN

M. Claude de GANAY

M. Thomas GASSILLOUD

Mme Anne GENETET

M. Pierre HENRIET

M. Antoine HERTH

M. Jean-Paul LECOQ

M. Gérard LESEUL

M. Loïc PRUD'HOMME

Mme Huguette TIEGNA

Mme Laure DARCOS

Mme Annie DELMONT-KOROPOULIS

M. André GUIOL

M. Ludovic HAYE

M. Olivier HENNO

Mme Annick JACQUEMET

M. Bernard JOMIER

Mme Florence LASSARADE

M. Ronan Le GLEUT

M. Pierre MÉDEVIELLE

Mme Michelle MEUNIER

M. Pierre OUZOULIAS

M. Stéphane PIEDNOIR

M. Bruno SIDO

CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE SUR LA RECHERCHE EN MILIEU POLAIRE MENÉE PAR LA FRANCE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

La France va présider en juin 2021 la 43 e Réunion Consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA) et la 23 e Réunion du Comité pour la protection de l'environnement antarctique (CPE) mis en place par le Protocole de Madrid de 1991 qui a ajouté, à l'initiative de la France et de l'Australie, un volet environnemental au Traité sur l'Antarctique. Sollicité par la communauté scientifique, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a saisi cette opportunité pour organiser le 6 mai 2021 une audition publique consacrée à la recherche en milieu polaire menée par la France, diffusée en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Cette audition publique s'est déroulée sous la forme de deux tables rondes.

La première, présidée par Huguette Tiegna, députée, a traité de la logistique mise au service de la recherche en milieu polaire et du rôle de la coopération internationale.

Sont intervenus :

- Jérôme Chappellaz, directeur de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), directeur de recherche au CNRS ;

- Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises ;

- Olivier Lefort, directeur de la Flotte océanographique française (Ifremer) ;

- Kim Ellis, directeur de l' Australian Antarctic Division (ADD) ;

- Uwe Nixdorf, sous-directeur de l'Institut Alfred Wegener (AWI) ;

- Roberta Mecozzi, cheffe du service Recherche, Innovation, Technologie et Protection de l'environnement (RIA) à l'Agence nationale pour les nouvelles technologies, l'énergie et le développement économique durable (ENEA).

La seconde table ronde, présidée par Angèle Préville, sénatrice, a porté sur le rôle clé de la recherche polaire pour la compréhension des enjeux de la planète.

Sont intervenus :

- Catherine Ritz, directrice de recherche au CNRS, rattachée à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE) ;

- Marie-Noëlle Houssais, directrice de recherche au CNRS, rattachée au laboratoire d'océanographie et du climat (LOCEAN) ;

- Yan Ropert-Coudert, directeur de recherche au CNRS, rattaché au Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC) ;

- Yvon Le Maho, président du conseil d'administration de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), membre de l'Académie des sciences ;

- Alexandra Lavrillier, directrice adjointe du laboratoire « cultures, environnements, Arctique, représentations, climat » (CEARC), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ;

- Sabine Lavorel, maître de conférences habilitée à diriger des recherches en droit public, Université Grenoble Alpes.

L'organisation de cette audition publique se justifiait à plusieurs titres.

Les pôles font l'objet d'un regain d'intérêt compte tenu de leur rôle clé dans le système climatique et la protection de la biodiversité. Le réchauffement climatique ouvre de nouvelles perspectives économiques au pôle nord qui attisent les convoitises tout en créant de nouvelles menaces sur ces écosystèmes particulièrement vulnérables, menaces qui affectent à leur tour l'ensemble de notre planète.

La France a été à la pointe de l'exploration et de l'étude des terres du Grand Nord et du Grand Sud. Elle fait partie des rares nations scientifiques à être présente dans les pôles des deux hémisphères ainsi que dans les territoires subantarctiques et compte parmi les grands acteurs polaires. Néanmoins, son statut est menacé en raison d'un sous-investissement chronique à la fois dans la recherche et dans les opérations logistiques que cette recherche nécessite, mais également faute d'une stratégie globale à long terme.

L'Office s'est intéressé à ce sujet à plusieurs reprises dans le passé. En 2007, il a publié un rapport sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire 1 ( * ) . Il a également organisé plusieurs auditions publiques sur cette question en 2007, 2008 et 2011 2 ( * ) .

Dix ans après ses derniers travaux, l'Office a souhaité, à travers cette audition publique, actualiser ses connaissances sur l'état de la recherche française en milieu polaire et évoquer ses perspectives.

I. LES PÔLES, DES TERRITOIRES CONTRASTÉS ET DES ENJEUX MAJEURS

A. LES PÔLES SONT DES TERRITOIRES TRÈS CONTRASTÉS

• Des caractéristiques géographiques opposées

Si les milieux polaires se caractérisent par des conditions climatiques extrêmement dures, ils sont néanmoins très différents comme l'a rappelé Marie-Noëlle Houssais.

L'Antarctique est un continent plus grand que l'Europe entouré d'un océan , l'océan Austral, ouvert sur le large. Une banquise saisonnière se forme en hiver mais disparaît l'été. Il s'agit d'un continent inhabité à l'exception de la présence ponctuelle de quelques centaines à quelques milliers de chercheurs en fonction de la saison, auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines de milliers de touristes participant à des croisières.

Carte de l'Antarctique

Source : Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV)

Au contraire, l'Arctique est un océan entouré de continents , donc relativement fermé 3 ( * ) . Cinq États sont riverains de l'océan Arctique : les États-Unis par le biais de l'Alaska, le Canada, le Danemark par le biais du Groenland, la Norvège et la Fédération de Russie. Il est couvert d'une banquise pérenne et compte 4 millions d'habitants.

Carte de l'Arctique

Source : Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV)

• Des statuts juridiques spécifiques

L'Antarctique fait l'objet d'une gouvernance unique au monde : dans le cadre du Traité sur l'Antarctique signé en 1959, les sept pays 4 ( * ) ayant émis des revendications territoriales avant cette date se sont engagés à les taire provisoirement au profit d'une forme de cogestion. Le traité confie la gestion des activités humaines à la Réunion Consultative du Traité sur l'Antarctique (RCTA) qui regroupe à ce jour 54 États membres. Il opère une distinction entre 29 États « Parties consultatives » qui peuvent prendre part à la prise de décision en raison de l'importance de leurs activités de recherche scientifique en Antarctique et 25 États dits « Parties non consultatives». Le droit d'un État à participer à la prise de décision repose donc sur sa présence et sur son investissement dans la recherche scientifique , qui sont mesurés concrètement à partir du nombre de bases établies et du nombre d'expéditions scientifiques réalisées chaque année.

L'Arctique est géré par le conseil de l'Arctique qui regroupe huit États riverains des régions arctiques : le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Russie et la Suède. Participent également à cette instance sept organisations représentant les peuples autochtones, treize États dits observateurs (dont la France) qui peuvent assister aux débats mais n'ont pas de droit de vote, et une vingtaine d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales, également observatrices.


* 1 Rapport de Christian Gaudin, sénateur : « La place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l'Antarctique » - Assemblée nationale n° 3702 (12 e législature), Sénat n° 230 (2006-2007).

* 2 Rapports de Christian Gaudin, sénateur : « Les pôles, témoins pour les hommes (ouverture de l'année polaire) » - Assemblée nationale n° 3814 (12 e législature), Sénat n° 362 (2006-2007) et « Faut-il créer un observatoire de l'Arctique ? » - Assemblée nationale n° 1140 (13 e législature), Sénat n° 503 (2007-2008) ; rapport de Claude Birraux, député : « L'évaluation de la présence française dans les îles subantarctiques » - Assemblée nationale n° 4101 (13 e législature), Sénat n° 208 (2011-2012).

* 3 Marie-Noëlle Houssais a parlé d'une « quasi-Méditerranée ».

* 4 L'Argentine, l'Australie, le Chili, la France, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.

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