II. UNE LARGE PRISE EN COMPTE DES POSITIONS DU SÉNAT PAR LES TEXTES EUROPÉENS
1. Rappel sur les propositions de résolution européenne
L' article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union.
À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union » , par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.
La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'acte de l'Union soumis au Sénat par le Gouvernement afin de déterminer ceux d'entre eux qui ont un enjeu important et soulèvent d'éventuelles difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, ou de la séance plénière du Sénat.
LA RÉSERVE D'EXAMEN PARLEMENTAIRE Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées , des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire » . Ce mécanisme assure au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un délai de huit semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte. |
À titre d'illustration, sur la période allant du 1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019, la commission des affaires européennes a été saisie de 851 textes européens, et en a traité 40 de plus, qui avaient été déposés lors de la session précédente, soit 891 textes au total. Parmi ceux-ci, 377 (42,3 %) relèvent d'une procédure de levée automatique de la réserve parlementaire 9 ( * ) , sauf décision de la commission de les examiner dans un délai de 72 heures. Par ailleurs, 514 textes (57,7 %) se situent en dehors de cette procédure, dont 327 textes (36,7 % du total) ont été soit examinés en commission, soit traités en procédure écrite.
Ces différents chiffres sont récapitulés dans le tableau ci-après :
Textes traités sur la session 2018-2019 |
891 |
|
Procédure 72 h |
Nominations |
176 |
PESC |
160 |
|
Virements |
22 |
|
TVA |
15 |
|
Fonds européen d'ajustement à la mondialisation |
4 |
|
377 |
||
Levée tacite hors PESC |
187 |
|
Procédures écrites/textes examinés en commission |
327 |
|
514 |
Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement , en lui indiquant des objectifs à poursuivre pour la négociation au sein du Conseil.
Mais que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?
Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l'élaboration de la législation européenne, laquelle, du fait de l'applicabilité directe des règlements et de la transposition des directives, a des incidences évidentes sur la législation française.
2. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat
Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues , dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.
Du reste, les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.
Enfin, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus général, par exemple lorsqu'il s'agit de se positionner dans un débat public. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.
D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.
a) Le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans presque la moitié des cas
Sur les quinze résolutions européennes analysées dans le présent rapport, sept, soit près de 47 % , c'est-à-dire dix points de moins que l'année dernière, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.
• Le sujet de la responsabilisation partielle des hébergeurs de contenus numériques donne lieu à de nombreux débats, non seulement techniques, mais aussi de nature politique, voire « philosophique ». Il est loin d'avoir complétement abouti au Conseil, mais ses avancées vont, jusqu'à présent, dans le sens des préoccupations sénatoriales.
Dans sa communication d'avril 2018 sur la lutte contre la désinformation en ligne, la Commission propose un ensemble de mesures et d'instruments d'autorégulation, notamment un code européen de bonnes pratiques contre la désinformation.
La résolution sénatoriale vise plus particulièrement le statut d'hébergeur, tel que défini par la directive n° 2000/31/CE, dite directive « e-commerce », qui n'est plus adapté aux nouveaux défis, notamment en ce qui concerne le risque des campagnes de désinformation en période électorale. Elle estime donc nécessaire de réviser le régime de responsabilité allégée et d'introduire un statut intermédiaire entre celui d'hébergeur et celui d'éditeur, spécifiquement dans le cas d'une hiérarchisation par un algorithme des informations présentées à l'utilisateur du service.
Au stade actuel des discussions préliminaires engagées par la Commission, les autorités françaises ont défendu plusieurs points prioritaires qui sont en phase avec cette résolution :
- d'abord, une responsabilisation des plateformes de contenus, qui jouent un rôle indéniable dans la diffusion de contenus illicites ou dangereux ;
- ensuite, une régulation économique des plateformes structurantes. La mise en place d'une régulation ciblée sur ces dernières doit ainsi permettre de définir des obligations ex ante renforcées pour ces acteurs, parfois plus adéquates que la seule sanction ex post de pratiques anticoncurrentielles, et de promouvoir la concurrence et l'innovation en stimulant le développement d'acteurs émergents et compétitifs ;
- enfin, un régime de responsabilité accru pour les opérateurs de plateformes numériques, notamment les places de marché, afin de pouvoir lutter efficacement contre les pratiques illicites et contre la commercialisation de produits dangereux.
Par ailleurs, les autorités françaises défendent la nécessité de concevoir une réglementation proportionnée et souple afin de ne pas entraver l'innovation, ce qui passe par trois axes :
- un principe de « devoir de diligence », assorti de sanctions : son application devrait prendre en compte la taille de l'acteur et le risque qu'il fait effectivement peser en matière de diffusion des contenus, particulièrement en matière de contenus haineux et de diffusion de fausses informations ;
- au-delà d'un socle de responsabilités proportionnées applicable à tous les acteurs, les plus grands d'entre eux pourraient faire l'objet de contraintes spécifiques et complémentaires, notamment en matière de transparence ;
- le statut des hébergeurs « industriels » ne devrait pas être modifié afin qu'il reste attractif et permette le développement de centres de données en Europe pour les services numériques ( cloud , big data ou intelligence artificielle made in Europe ).
Enfin, face aux risques de manipulation de l'information en ligne lors des processus électoraux, les autorités françaises proposent la création d'une Agence européenne de protection des démocraties. Cette nécessité de mieux protéger nos processus démocratiques de toute manipulation par des pays tiers ou des intérêts privés était déjà évoquée par le Président Juncker dans son discours sur l'état de l'Union en 2018.
Pour la nouvelle mandature, la Commission a annoncé un nouvel acte législatif sur les services numériques, le Digital Services Act . Lors d'une première présentation en groupe de travail du Conseil, elle a fait état de consultations pour le premier trimestre 2020 et d'une proposition de texte législatif pour fin 2020.
• La résolution du Sénat sur le suivi des conclusions de la commission d'enquête sur l'espace Schengen a été très largement suivie d'effet.
À la suite des travaux de sa commission d'enquête sur l'espace Schengen, le Sénat a de nouveau pris position, par une résolution européenne, sur cette question sensible, dans un contexte marqué à la fois par la persistance de la menace terroriste et par les conséquences de la crise migratoire de 2015-2016. Il s'agit pour lui de mieux connaître les suites qui ont été données à ses propositions et les développements futurs que la nouvelle Commission entend donner à ces sujets importants.
Il convient tout d'abord de relever que plusieurs dossiers traités dans la résolution ont connu des avancées depuis le rapport de la commission d'enquête.
Tel est le cas du « paquet interopérabilité », adopté par le Conseil le 14 mai 2019 et entré en vigueur le 11 juin suivant. L'interopérabilité des systèmes d'information de l'Union européenne doit permettre la consultation automatique de six fichiers centraux (SIS II, SES, ETIAS, VIS, Eurodac et ECRIS-TCN) afin d'harmoniser les contrôles aux frontières, faciliter les contrôles d'identité et contribuer à la prévention et la détection de certaines infractions graves comme le terrorisme. Le dispositif comprend notamment la création d'un service partagé de mise en correspondance des données biométriques de tout type et provenant de tout système. Les actes d'exécution des règlements adoptés sont actuellement discutés au sein du Comité « Interopérabilité », selon un rythme soutenu. Selon le calendrier prévisionnel annoncé par la Présidence, 2020 serait l'année du passage du marché public et 2021, celle de la mise en oeuvre technique du chantier, ce qui correspond aux échéances initiales.
Pour ce qui concerne la transposition de la directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR), qui devait être achevée au 25 mai 2018, les États membres en retard de transposition bénéficient du soutien de la Commission qui organise tous les trimestres la réunion d'un groupe de contact destiné à éclairer les délégations sur les dispositions de la directive et à échanger sur les sujets opérationnels. Ils disposent ainsi d'un appui normatif et d'un appui financier complémentaire de 70 millions d'euros entre 2017 et 2020 via le Fonds de sécurité intérieure pour faciliter la création des unités d'information passagers (UIP) et l'échange d'informations entre elles. À ce stade, 26 États membres sur 27 ont notifié leur dispositif de transposition de la directive, et 20 États membres sont opérationnels pour échanger entre UIP.
La révision du code communautaire des visas a été formellement adoptée le 20 juin 2019. Ce nouveau code, applicable en février 2020, facilite, simplifie et sécurise les procédures de demandes de visa, et érige la politique de visas en un outil d'amélioration de la coopération en matière de réadmission. Le levier ainsi consacré est susceptible de moduler, favorablement ou défavorablement, la délivrance de visas Schengen en fonction du niveau de coopération d'un pays tiers avec les États membres, comme le demandait le Sénat.
Au titre du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, la Commission a proposé d'établir deux nouveaux dispositifs financiers : le Fonds « Asile et migration » (FAMI) et l'Instrument de soutien financier dans le domaine de la gestion des frontières et des visas (IGFV), dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières. Les projets de règlements afférents sont en phase de trilogue politique, à l'exception notamment de leur annexe 1 respective relative aux clefs de répartition. Sur le premier fonds, les autorités françaises sont particulièrement vigilantes à trois enjeux : la dimension de l'intégration, qui est à appréhender en lien avec le FSE + et le FEDER, l'adossement des règles de gestion au règlement portant dispositions communes, qui devra prendre en compte les spécificités des fonds relevant du secteur Justice et affaires intérieures (JAI), et le financement de la dimension externe des migrations, qui doit être principalement pris en charge par le nouvel Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale ( NDICI en anglais) et, de façon plus résiduelle, par les fonds JAI. Sur le second fonds, elles veillent à prendre en compte trois enjeux : ici aussi, le financement de la dimension externe des migrations, l'importance du rôle des agences qui devront être en capacité de remplir leur mandat et la nécessité de préserver une certaine flexibilité dans le financement des actions visées par le fonds (taux de cofinancement, répartition facilité thématique/programmes nationaux). Enfin, la politique migratoire et la gestion intégrée des frontières extérieures de l'Union européenne demeurent une priorité des autorités françaises dans les négociations du futur cadre financier pluriannuel : la proposition de compromis formulée par la Présidence finlandaise se traduit par un montant de 9,2 milliards d'euros sur la période 2021-2027 pour le FAMI, soit environ 2,6 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la période actuelle (+ 38 %), et par un montant de 5,5 milliards d'euros pour l'IGFV, soit environ 2,8 milliards d'euros supplémentaires (+ 101 %).
Pour ce qui concerne Frontex, son nouveau mandat, entré en vigueur le 4 décembre dernier, prévoit un corps permanent composé d'experts nationaux détachés et d'agents mobilisables dans le cadre d'interventions rapides. L'objectif est d'atteindre un effectif de 10 000 agents d'ici à 2027. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a toutefois plaidé pour un avancement du calendrier à 2024. Ce nouveau mandat a également doté l'agence de prérogatives renforcées, notamment dans le domaine du retour, de la coopération avec les pays tiers, de l'échange d'informations ou encore de l'action en mer.
Les travaux sur les deux « paquets asile » ont permis d'aboutir à un accord au niveau du Conseil et à des trilogues avancés avec le Parlement européen sur quatre textes : la directive accueil et les règlements qualifications, Eurodac et réinstallation. Le cinquième texte vise à transformer le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) en une véritable Agence de l'asile dont le rôle serait renforcé, en lien avec le concept de « centre contrôlé » proposé par le Conseil européen de juin 2018. Ces cinq textes sont presque finalisés, mais la conclusion des trilogues n'a pu aboutir à ce stade, se heurtant, à l'approche des élections européennes de mai 2019, à la constitution d'une minorité de blocage de circonstance entre des États de première entrée et les pays du groupe de Viegrad. Par ailleurs, le Conseil n'est pas parvenu à adopter une position commune sur les deux autres textes, la révision du règlement de Dublin et celle du règlement « procédures », pourtant considérés comme prioritaires.
Ensuite, la Présidente von der Leyen a annoncé d'importantes initiatives pour mars 2020, en particulier la présentation d'un nouveau Pacte sur l'immigration et l'asile. Comme l'a dit Mme Amélie de Montchalin devant la commission des affaires européennes, « nous espérons beaucoup du nouveau Pacte sur l'immigration et l'asile [...]. Il permettra de discuter de la refonte du régime d'asile européen qui constitue l'un des objectifs de la présidence allemande. Il s'agira d'un test important pour la crédibilité politique de l'Union européenne ».
Il s'agira en particulier de réengager les discussions sur l'asile et, plus généralement, d'envisager une véritable refondation de Schengen, appelée de leurs voeux par les autorités françaises, étant entendu que, selon les mots de la secrétaire d'État chargée des affaires européennes, « nous sommes très attachés à la libre circulation dans l'espace Schengen, que nous devons optimiser et préserver ». C'est aussi le point de vue de la commission des affaires européennes. Pour la France, le nouveau pacte devra comprendre certaines garanties en termes à la fois de responsabilité (procédure à la frontière obligatoire, durée de responsabilité raisonnable, retour effectif des personnes déboutées du droit d'asile, octroi des conditions matérielles d'accueil dans le seul État responsable) et de solidarité (mécanisme de solidarité en cas de pression disproportionnée ou de débarquement faisant suite à une opération de sauvetage en mer dans un cadre établi par l'Union, efforts de réinstallation), tout en assurant la nécessaire convergence des systèmes d'asile nationaux. Sous réserve, naturellement, de l'examen approfondi des propositions législatives qui seront faites par la Commission, ces orientations générales sont conformes à la résolution européenne du Sénat.
Les autorités françaises entendent également se montrer vigilantes sur plusieurs aspects de futures propositions de la Commission, qui avaient été mis en évidence par le Sénat :
- la dimension externe des migrations, qui requiert l'intensification de la coopération avec les pays tiers dans la lutte contre la traite des êtres humains, l'immigration irrégulière et la criminalité transfrontalière ;
- le contrôle et la protection des frontières extérieures : la France a déjà contribué activement à la montée en puissance de Frontex, dont le nouveau mandat devrait permettre de parvenir in fine à la création d'une véritable police aux frontières européenne, comme le souhaite le Sénat. D'ici 2021, la France est tenue de déployer 46 agents au titre des détachements de longue durée et 408 agents au titre des détachements de courte durée. Elle est également favorable à la reprise des discussions sur les bases de données qui n'ont pas encore été réformées, à savoir VIS et Eurodac, afin de pouvoir finaliser le chantier de l'interopérabilité. Ainsi a-t-elle veillé, au cours des négociations, à la suppression de la procédure d'accès en cascade aux bases de données, tout en respectant les conditions d'accès des services répressifs. Europol disposera désormais d'un accès aux bases de données sous-jacentes comme le SIS. La France a également porté une attention particulière à la nécessité de ne pas retarder le temps de passage aux frontières et fait part de la nécessité pour les États membres, en lien avec l'agence eu-LISA, d'investir dans des équipements technologiques comme les bornes PARAFE. Par ailleurs, une possible extension du champ d'application de la directive PNR à d'autres modes de transport, en visant notamment le transport maritime et le transport ferroviaire (trains à grande vitesse), est envisagée, les acteurs du terrorisme et de la criminalité organisée pouvant utiliser l'ensemble des moyens de transport, et pas seulement les transports aériens. Lors du Conseil JAI de décembre 2019, les ministres ont adopté des conclusions sur la question du PNR multimodal afin de lancer une étude d'impact par les services de la Commission. Enfin, les autorités françaises ont beaucoup oeuvré pour une refonte ambitieuse de la directive « retour » : l'enjeu est de faire en sorte que les diverses procédures à la frontière s'articulent au mieux et répondent aux impératifs de rapidité et d'efficacité nécessaires au traitement des demandes et à l'éloignement des personnes non-éligibles à la protection internationale ;
- la dimension interne au niveau de l'Union européenne : outre la reprise rapide des négociations sur le régime européen commun d'asile, la France poursuit l'objectif de parvenir à instituer une véritable Agence de l'asile. Comme le demande la résolution sénatoriale, le principe de pays tiers sûr conserve, dans la dernière proposition sur le texte « procédures », son caractère facultatif, à la demande de la France. Il convient de rappeler que les contrôles aux frontières intérieures, réintroduits par la France le 13 novembre 2015, et qui devraient perdurer au moins jusqu'à la fin avril 2020, sont fondés sur l'état de la menace terroriste, au titre de l'article 25 du code frontières Schengen. La révision ciblée de ce code pourrait ne pas être à la hauteur des ambitions initiales ; c'est pourquoi le texte en cours de négociation pourrait être retiré au profit d'un nouveau projet plus vaste permettant une réforme profonde du fonctionnement de l'espace Schengen.
Troisièmement, la politique d'asile et d'immigration représente également un défi majeur. Il s'agit, pour l'Europe, d'assurer la libre circulation des personnes dans un cadre maîtrisé. Il convient de ne pas bâtir une Europe forteresse, mais d'organiser notre politique d'accueil. En 2019, l'Europe a comptabilisé 139 000 entrées irrégulières sur son territoire, soit le niveau le plus bas depuis six ans. Nous devons toutefois être en mesure de faire face à une crise migratoire comme celle de 2015. C'est pourquoi la France porte une proposition de refondation de l'espace Schengen.
• La résolution sur le nouveau programme d'investissement pour l'Europe ( InvestEU ) a été très largement prise en compte lors des négociations au Conseil.
En dépit des réformes structurelles menées par les États membres et des actions menées dans le cadre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) établi au titre du plan d'investissement pour l'Europe, dit « plan Juncker », le déficit d'investissement reste important dans l'Union européenne. Dans la continuité du plan Juncker, la Commission a proposé d'instituer le programme InvestEU au sein du cadre financier pluriannuel 2021-2027, de manière à regrouper en une structure unique tous les financements du budget européen sous la forme de prêts et de garanties : avec une contribution budgétaire de 15,2 milliards d'euros, InvestEU serait doté d'un fonds de garantie de 38 milliards permettant de mobiliser, grâce à un effet de levier déjà mis en oeuvre par le plan Juncker, des investissements supplémentaires à hauteur de 650 milliards d'euros sur la période 2021-2027.
InvestEU , qui regroupera 14 instruments financiers existants, a fait l'objet d'un accord politique partiel avec le Parlement européen, le 20 mars 2019. Cet accord porte sur les principaux points du dispositif, à l'exception des dispositions qui seront adoptées au cours des négociations sur le prochain CFP, plus particulièrement le montant global de la garantie, les dispositions sur les pays tiers et l'objectif climatique. InvestEU financera des investissements dans quatre secteurs, selon une clef de répartition indicative : infrastructures durables (30 %), recherche, innovation et numérisation (30 %), PME (30 %) et investissements sociaux (10 %). Comme l'a dit Mme Amélie de Montchalin lors de son audition, « le nouveau programme jouera aussi un rôle majeur dans la mise en oeuvre du Pacte vert ». Pour autant, la définition du programme devra être précisée par le nouveau Parlement européen.
Cet accord partiel reprend plusieurs priorités françaises exprimées lors des négociations, notamment sur la gouvernance du programme, qui repose sur un partenariat spécifique entre la Commission et la Banque européenne d'investissement (BEI). Un comité de pilotage associant quatre représentants de la Commission, trois de la BEI, deux des autres partenaires, ainsi qu'un expert indépendant sans droit de vote nommé par le Parlement européen, sera mis en place. En outre, un comité consultatif appuiera la Commission et le comité de pilotage ; il sera composé d'un représentant de la BEI et des banques nationales de développement impliquées, et de chaque État membre, d'un représentant du Comité économique et social européen et d'un représentant du Comité des régions.
Alors que la Commission entendait recourir aux actes délégués pour déterminer les lignes directrices d'investissement, les autorités françaises ont obtenu, comme l'avait demandé le Sénat, l'intégration dans le règlement d'une majeure partie des dispositions idoines. Ainsi la définition des notions d'additionnalité, de défaillance de marché et de situations d'investissements sous-optimales est-elle désormais prévue à l'annexe 5, de même qu'une série de critères qui permettront une évaluation des futurs projets plus objective.
Les dispositions relatives à la prise en compte des contributions volontaires nationales à la garantie de l'Union ont été longuement débattues car elles divisaient les États membres. Le texte agréé en trilogue prévoit qu'une déclaration de la Commission, insérée dans les considérants du texte, sera faite lors de son entrée en vigueur. Cette déclaration devrait prévoir que la Commission examine dans quelle mesure InvestEU pourrait être traité de la même manière que le plan Juncker au regard de la mise en oeuvre du Pacte de stabilité et de croissance, en particulier pour le calcul du déficit ou de la dette publique. Ce point avait été demandé, quoique de façon plus ferme, par la résolution.
Le rôle des banques nationales de développement sera renforcé par rapport à celui qui était le leur dans le FEIS, dès lors qu'elles pourront gérer directement une partie de la garantie européenne. La disposition prévoyant l'obligation pour une banque nationale de développement que son activité couvre au moins trois États membres pour gérer la garantie européenne a été supprimée, ce que demandait également le Sénat.
De même, la résolution a obtenu satisfaction sur le meilleur ciblage des investissements vers des projets plus petits, répondant mieux aux besoins des acteurs locaux et dans des secteurs jusqu'alors peu couverts par les instruments existants, tels que la culture, l'éducation et les infrastructures sociales. Le texte précise que la BEI restera le principal partenaire, à hauteur de 75 %, les autres acteurs se répartissant les 25 % restants. Ce point figurait dans la résolution.
Enfin, chaque volet d'investissement est composé d'un compartiment « Union européenne » et d'un compartiment « État membre ». Ce dernier doit permettre d'affecter de manière volontaire une partie des fonds structurels, soit 5 % au maximum, au provisionnement d'une garantie supplémentaire de l'Union. Sur ce point particulier, un groupe de travail a été mis en place entre les autorités nationales et régionales afin d'établir un cadre de réflexion partagé sur l'opportunité d'un compartiment « France » au sein d' InvestEU . Pour les autorités françaises, la mise en oeuvre directe d' InvestEU par plusieurs partenaires est un facteur clef pour promouvoir des solutions sur mesure et adaptées localement. Ce sera une occasion pour examiner les priorités françaises, renforcer encore le caractère additionnel d' InvestEU et couvrir des investissements qui ne l'étaient jusque-là que peu, surtout pour des raisons de taille du projet.
• La position sénatoriale exprimée dans la résolution européenne sur l'adaptation des corridors de transport dans l'Union européenne , qui visait au retrait de la proposition de la Commission en cas de Brexit sans accord, a obtenu gain de cause.
Le règlement (UE) n° 1316/2013 établit le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), qui est un instrument de financement destiné à préparer et mettre en oeuvre des projets d'intérêt commun relevant des réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports, des télécommunications et de l'énergie. La partie I de l'annexe I de ce règlement établit une liste de neuf corridors du réseau central, qui répondent aux objectifs d'intégration modale, d'interopérabilité et de développement coordonné des infrastructures. Le Royaume-Uni fait partie du corridor du réseau central mer du Nord - Méditerranée, qui comprend des liaisons entre Belfast, Dublin et Cork en Irlande, ainsi que des liaisons en Grande-Bretagne depuis Glasgow et Édimbourg au nord, jusque Folkestone et Douvres au sud.
À l'issue de la période de transition prévue par l'accord de retrait du Royaume-Uni, qui est entré en vigueur le 1 er février 2020, le Royaume-Uni ne sera plus membre du corridor mer du Nord - Méditerranée. Compte tenu du degré d'intégration entre les économies irlandaise et britannique et de la situation géographique de l'Irlande à la périphérie de l'Union, le Brexit aura des incidences notables pour l'économie irlandaise. Sur le plan des liaisons de transport entre l'Irlande et le continent, le Royaume-Uni constitue un point de passage vital. C'est pourquoi la Commission a proposé de revoir le tracé du corridor mer du Nord - Méditerranée afin d'éviter qu'il ne soit scindé en deux parties distinctes et ainsi de couper l'Irlande de la partie continentale de l'Union : de nouvelles liaisons maritimes sont ajoutées entre, d'une part, Dublin et Cork, ports irlandais du réseau central, et, d'autre part, les ports du corridor mer du Nord - Méditerranée situés en Belgique (Zeebrugge et Anvers) et aux Pays-Bas (Rotterdam).
Les négociations, conclues par l'adoption du règlement modificatif, ont permis d'obtenir : l'intégration des ports français de la Manche (Calais, Dunkerque, Le Havre) au tracé du corridor Mer du Nord - Méditerranée ; la possibilité de faire financer des aménagements liés au rétablissement des contrôles aux frontières de l'Union ; la révision dès 2021, et non en 2023 comme initialement prévu, du règlement de 2013 définissant l'inclusion ou non d'une infrastructure dans le réseau global ou central afin de pouvoir tenir compte des possibles évolutions de trafic consécutives au Brexit ; l'ajustement du tracé des corridors RTE-T visant à s'adapter aux évolutions éventuelles dans la classification des ports au sein du réseau global ou du réseau central ; le retrait des sections britanniques du corridor Mer du Nord - Méditerranée.
Par ailleurs, la demande du Sénat de renforcer les autoroutes de la mer a été portée par les autorités françaises et prise en compte au cours des négociations sur le futur règlement MIE couvrant la période 2021-2027, avec un accent mis sur les liaisons transfrontalières.
• Bien que ce sujet important pour l'avenir en soit à une phase encore prospective - il fait l'objet d'une communication de la Commission -, la résolution européenne sur les investissements dans l'intelligence artificielle en Europe a, pour l'instant, obtenu des suites tout à fait positives.
La stratégie européenne sur l'intelligence artificielle proposée par la Commission en avril 2018 repose sur trois piliers : renforcer la capacité industrielle et technologique de l'Union européenne et susciter l'adhésion des partenaires publics et privés, se préparer aux changements économiques et sociaux, garantir un cadre éthique et juridique approprié. Sur cette base, la Commission a mis en place un groupe d'experts de haut niveau réunissant 52 personnalités issues du monde académique, de la société civile et de l'industrie, dans le but de réfléchir aux deux volets de son action : un plan d'action coordonné pour renforcer les capacités industrielles européennes et l'élaboration de lignes éthiques pour le développement de l'intelligence artificielle en Europe. Ce plan coordonné, publié en décembre 2018, détaille les actions à engager en 2019-2020 et présente des pistes pour l'avenir.
Le Conseil Compétitivité du 18 février 2019 a adopté des conclusions sur le plan coordonné dans le domaine de l'intelligence artificielle, qui accueillent favorablement la communication de la Commission. En avril suivant, le groupe d'experts de haut niveau a présenté, d'une part, des lignes directrices en matière d'éthique pour une intelligence artificielle digne de confiance - une version révisée devrait être publiée début 2020 - et, d'autre part, des recommandations pour les politiques et les investissements dans ce domaine. Ce point figurait dans la résolution du Sénat. Il convient de rappeler que la nouvelle Commission a annoncé des propositions sur l'intelligence artificielle pour le premier trimestre 2020.
Lors des négociations préparatoires au Conseil Compétitivité de février 2019, les autorités françaises avaient défendu des positions très proches de celles de la résolution sénatoriale, en particulier :
- le défi pour l'Union européenne de faire émerger un ou plusieurs leaders européens de l'intelligence artificielle (producteurs ou utilisateurs), ce qui pose la question de l'adaptation du droit de la concurrence à l'économie numérique, sujet auquel la commission des affaires européennes est très attentive ;
- la mutualisation des données entre acteurs, publics et privés, pour faire face à la rareté des ressources pour les acteurs européens, contrairement aux acteurs nord-américains et chinois ;
- la formation et la rétention de talents en matière d'intelligence artificielle comme enjeux clefs pour assurer l'indépendance technologique de l'Europe à l'égard des acteurs extra-européens ;
- la confiance dans les algorithmes d'intelligence artificielle comme question centrale pour une appropriation massive de l'intelligence artificielle par les citoyens et les entreprises ;
- des initiatives fortes avec la définition et la prise en compte de principes éthiques dans la conception, et l'usage de l'intelligence artificielle, sans pour autant négliger l'impact sur d'autres applications industrielles ;
- le fait que des réflexions engagées au niveau européen ne doivent pas conduire à des interdictions de principe, qui pourraient freiner le développement à venir de l'industrie européenne.
Au cours de son audition, Mme Amélie de Montchalin a apporté des informations complémentaires sur ce dossier important pour l'avenir : « Soyons lucides sur la faiblesse actuelle de nos moyens sur l'intelligence artificielle, comparés à ceux d'autres puissances. Nous partageons votre position et il s'agit d'une grande priorité sectorielle, de même niveau que les enjeux climatiques. [...] Il ne s'agit pas de verser des aides d'État, mais de mettre des ressources publiques et privées au service d'une ambition partagée et tous les acteurs doivent être mobilisés : la Commission, les États membres et les industriels, sur le modèle de ce que nous avons fait pour les batteries - en regroupant sept pays et dix-sept entreprises de toutes tailles. Nous y réfléchissons actuellement. [...] Sur l'éthique et la transparence des algorithmes, des experts travaillent actuellement auprès de la Commission européenne. Thierry Breton a publié hier un article dans lequel il répond largement à vos questions. Nous ne sommes pas en retard, mais nous devons créer une réserve de données non personnelles afin de favoriser l'innovation. C'est ce qu'il appelle le hub européen des données, qui seraient accessibles aux PME, aux acteurs industriels et aux centres de recherche. Nous avons avec le RGPD une stratégie pour les données personnelles, il faut maintenant que nous ayons une stratégie pour les données non personnelles : c'est bien ce que propose Thierry Breton, il s'agit donc bien d'une stratégie éthique des données économiques et industrielles. Sur l'idée d'un cloud européen, nous devons nous assurer que les données produites par les Européens bénéficient aux entreprises européennes. La plupart de nos données sont stockées dans les terminaux, nous aurons donc besoin de la 5G et d'édicter d'exigeantes conditions de sécurité. Nous avons des fournisseurs européens - Nokia ou Ericsson qui vient de faire un investissement majeur à Massy pour travailler avec l'écosystème français. Thierry Breton considère que l'hydrogène et l'internet des objets sont aussi des secteurs-clefs. Aujourd'hui, en France, 80 000 postes demeurent non-pourvus dans le domaine du numérique : l'enjeu de la formation est immense. Nous avons notamment besoin de qualifications intermédiaires sur le traitement des données. La création d'un label européen sur les formations devrait permettre de créer un véritable marché commun des compétences. Votre résolution est donc bien dans l'esprit du Gouvernement et de notre commissaire européen ».
• Le Sénat a obtenu satisfaction sur sa résolution relative aux normes sociales européennes applicables au secteur des transports .
Dans le secteur du transport routier international de marchandises, la Commission a proposé, en mai 2017, une révision des principaux textes de ce secteur - il s'agit du « paquet mobilité 1 ». La France avait accueilli favorablement certaines de ces propositions, par exemple le renforcement de la coordination entre États membres en matière de contrôle, mais avait aussi émis des critiques sur d'autres, en particulier le fait d'exempter des règles du détachement, au cours des trois premiers jours d'activité transfrontalière, un chauffeur routier salarié dans un autre État membre que l'État d'établissement de son entreprise. Malgré un début de négociations difficile, un projet d'accord interinstitutionnel a été trouvé à l'issue du trilogue du 12 décembre dernier, mais reste à confirmer au Parlement européen. Ce texte constitue une avancée importante pour une concurrence plus équitable dans le secteur et une meilleure protection des chauffeurs routiers. Ces derniers disposeront désormais du droit de retourner chez eux toutes les trois ou quatre semaines. Ils pourront également se prévaloir de l'interdiction expresse du repos hebdomadaire en cabine. Comme le demandait la résolution, les règles de détachement s'appliqueront dès le premier jour d'une opération internationale, à l'exception des opérations bilatérales et dérogations autorisées.
Pour le secteur aérien, la stratégie de l'aviation pour l'Europe, de décembre 2015, fixe comme objectif de renforcer l'agenda social et de créer des emplois de haute qualité dans l'aviation. Lors du Conseil des ministres Transport du 8 juin 2017, les Pays-Bas, soutenus notamment par la France, ont abordé la dimension sociale dans le transport aérien et invité la Commission à présenter un agenda social pour le secteur de l'aviation. Cette-ci a publié, le 1 er mars 2019, un rapport sur le maintien et la promotion de conditions sociales élevées dans l'aérien. Ce rapport indique que, si les règles en matière sociale et de travail restent essentiellement nationales, une législation et des procédures existent désormais au niveau de l'Union européenne pour protéger le personnel navigant, tout en garantissant leur liberté de circuler et de travailler dans l'Union. Il invite à une meilleure application des règles européennes et nationales, essentielle dans toutes les formes d'emploi du personnel navigant, dans la mesure où la question relève essentiellement des États membres, de leurs autorités compétentes et des juridictions nationales. L'Agence européenne du travail pourra intervenir en appui des États membres et faciliter la bonne mise en oeuvre du droit européen. Cette bonne application des règles est cruciale afin d'éviter le faux travail indépendant et d'autres pratiques qui constituent une violation ou un contournement du droit applicable, et de garantir des conditions égales pour tous. La Commission a également mis en place un groupe ad hoc composé d'experts nationaux du domaine de l'aviation et du droit du travail, chargé de recenser les meilleures pratiques garantissant des conditions de travail égales et de qualité, de faire le bilan des actions énumérées dans le rapport du 1 er mars 2019 et d'informer la Commission et les États membres de la manière dont le droit du travail peut être correctement appliqué dans le secteur de l'aviation.
Les autorités françaises sont très favorables au renforcement des normes communautaires sociales dans le secteur aérien. Elles estiment qu'à l'avenir, la lutte contre les conditions de travail précaires et la défense des droits des salariés dans le transport aérien devront s'articuler autour de :
- l'introduction dans la législation européenne de la notion de base d'exploitation dans le transport aérien, qui permettrait d'éviter les fraudes au détachement fictif, au travail dissimulé et aux obligations fiscales et sociales des employeurs. En France, la base d'exploitation constitue un ensemble de locaux ou d'infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien, avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle, et détermine le droit du travail applicable ;
- la priorité française pour l'agenda social est d'assurer les conditions d'une concurrence loyale entre compagnies aériennes, y compris par rapport aux pays tiers, ainsi qu'un traitement équitable de tous les travailleurs de ce secteur. Les autorités françaises proposent pour cela de parvenir à des définitions communes afin de faciliter le contrôle par les autorités nationales compétentes et d'éviter le contournement des règles par les faux détachements, les faux indépendants, le pay-to-fly 10 ( * ) et le recours croissant à des sociétés de main-d'oeuvre, européennes ou extra européennes, pour recruter le personnel navigant.
Le règlement instituant une Autorité européenne du travail a été adopté en juin 2019 et est entré en vigueur le 31 juillet suivant. L'Autorité, inaugurée le 16 octobre 2019 à Bruxelles, son siège provisoire, poursuivra les objectifs suivants : faciliter l'accès aux informations relatives aux droits et obligations en matière de mobilité des travailleurs dans l'ensemble de l'Union, ainsi qu'aux services correspondants ; faciliter et renforcer la coopération entre les États membres pour le respect du droit pertinent dans l'ensemble de l'Union, notamment en facilitant l'organisation d'inspections concertées et communes et en luttant contre le travail non déclaré ; jouer le rôle de médiateur et apporter des solutions en cas de difficultés transfrontières. Ce nouveau cadre de coopération et d'échanges entre États membres constitue une réponse opportune dans la lutte contre les sociétés « boîtes aux lettres », que le Sénat appelait de ses voeux.
En revanche, les négociations sur la révision des règlements relatifs à la coordination des systèmes de sécurité sociale n'ont pas permis, à ce stade, de trouver un accord, mais les autorités françaises estiment que la lutte contre les fraudes et le renforcement de l'efficacité des contrôles, y compris en faisant une plus grande part à la digitalisation, reste centrale parmi les préoccupations des colégislateurs.
• Les positions exprimées par la résolution européenne du Sénat sur la politique spatiale de l'Union européenne ont été très largement reprises.
La proposition de règlement de la Commission établit le programme spatial de l'Union sur la période 2021-2027 en réunissant en un texte unique l'ensemble des programmes spatiaux européens existants. Les objectifs généraux de la politique spatiale européenne se déclinent autours de trois grands principes : maximiser les avantages que peuvent présenter les solutions spatiales pour la société et l'économie, par exemple avec l'émergence d'une nouvelle économie s'appuyant sur le développement d'applications utilisant des données spatiales désormais disponibles, telles que Galileo ; renforcer la compétitivité et l'innovation du secteur spatial européen, dans un contexte de forte concurrence mondiale ; assurer l'autonomie européenne pour l'accès et l'utilisation de l'espace, compte tenu du caractère stratégique de ce secteur.
Le programme spatial européen permettra de soutenir des investissements dans des infrastructures au service d'objectifs spécifiques tels que Galileo et EGNOS (services de géolocalisation, de navigation par satellite et de mesure du temps, etc.), Copernicus (données et informations d'observation de la Terre, pour l'environnement, le changement climatique, l'agriculture et le développement rural, la protection civile, la sûreté et la sécurité, l'économie numérique, etc.), la surveillance de l'espace, Govsatcom (disponibilité à long terme de services de télécommunications sécurisés par satellite pour la protection des frontières, les réseaux diplomatiques, les transactions bancaires, la protection civile et les interventions humanitaires) ou encore l'accès à l'espace et l'indépendance stratégique (soutien aux infrastructures de lancement, à la recherche et l'innovation). Comme l'a rappelé Mme Amélie de Montchalin au cours de son audition, « il est indispensable que les opinions publiques comprennent les retombées quotidiennes de ces programmes. Nous comptons déjà un milliard d'usagers de Galileo, mais qui le sait ? Les applications de Galileo et de Copernicus sont multiples, notamment dans le domaine agricole de précision ».
Les négociations sur ce texte ont débuté en novembre 2018 et ont abouti à l'adoption d'une orientation générale partielle lors du COREPER du 13 mars 2019. Les conclusions de cette négociation répondent, pour l'essentiel, aux attentes de la France. Ainsi de nombreux points importants ont-ils été adoptés tels que l'objectif d'autonomie d'utilisation et d'accès à l'espace, soutenue par l'agrégation des services de lancement pour les besoins du programme, le projet de signer une convention financière de partenariat-cadre entre la Commission, la future Agence spatiale de l'Union (EUSPA) et l'Agence spatiale européenne (ESA), la mise en place de configurations spécifiques (Galileo, EGNOS, Copernicus, SST, Govsatcom et sécurité) pour le comité de programme. Il convient de noter que le montant de 16 milliards d'euros proposé par la Commission pour ce programme spatial (9,7 milliards pour Galileo et EGNOS, 5,8 milliards pour Copernicus, 0,5 milliard pour le SST et Govsatcom) reste subordonné aux négociations sur le CFP 2021-2027 ; il est donc exclu de l'orientation générale partielle adoptée et susceptible d'évoluer. Néanmoins, les autorités françaises plaideront pour préserver la proposition initiale d'un budget spatial européen de 16 milliards d'euros, et pour un budget de recherche spatiale dans « Horizon Europe » de plus de 2,5 milliards - le Sénat demandait 4 milliards dans sa résolution. Sur ce point, la secrétaire d'État a précisé au cours des auditions : « Nous avons plaidé pour un budget ambitieux en faveur du programme spatial européen et pour que le budget de recherche prévu dans « Horizon Europe » soit en ligne avec ce que nous avions dans « Horizon 2020 ». Je me suis donc opposée aux propositions de coupes budgétaires dans le programme spatial et Thierry Breton a annoncé qu'il serait intraitable sur cette question. En matière de recherche, notre objectif est de préserver la part du spatial dans « Horizon Europe », avec un minimum de 2,5 milliards d'euros - alors que la proposition finlandaise était de 1,5 à 2 milliards ».
Par ailleurs, il restera à négocier la gouvernance du programme spatial européen, qui devrait prendre la forme d'une convention tripartite entre l'Union européenne, l'ESA et l'EUSPA, ainsi que les dispositions relatives à la participation des pays tiers et organisations internationales. Cette négociation débutera dès le retrait effectif du Royaume-Uni. Mais il conviendra de veiller à ce que les points déjà actés dans l'accord partiel ne soient pas ré-ouverts lors des négociations finales en 2020.
Au cours des négociations conduites jusqu'à présent sur un sujet aussi stratégique, qui a des conséquences sur de nombreux enjeux d'avenir, les autorités françaises se sont fortement impliquées et les points d'attention de la résolution sénatoriale ont été pris en compte. Les autorités françaises ont notamment obtenu l'inscription dans le programme spatial de la capacité autonome d'accès à l'espace de l'Union et de ses États membres, l'agrégation des services de lancement pour les besoins du programme et une préférence européenne, ainsi que le soutien à la base de lancement de Kourou en tant que port spatial européen. Malgré des négociations difficiles, elles ont également obtenu l'inscription dans le règlement lui-même de l'objectif d'autonomie et de capacité autonome d'accès à l'espace de l'Union de ses États membres.
La future organisation du domaine spatial au niveau de l'Union européenne sera non seulement liée à la finalisation du texte du règlement, mais également à l'architecture de la nouvelle Direction générale Industrie de défense et espace (DEFIS), qui pilotera à la fois le travail de la future agence EUSPA et les relations avec l'ESA. L'objectif des autorités françaises est de parvenir à un travail coordonné, complémentaire et efficace de ces trois acteurs. Cet enjeu est important, l'expérience de Galileo ayant démontré l'existence de difficultés de gouvernance.
Sur le partage de l'ambition spatiale européenne par les opinions publiques, au-delà des activités habituelles de communication du CNES, de l'ESA et de la Commission, sur lequel la résolution insistait, l'image positive du spatial sera dorénavant portée par la multiplication des usages des données spatiales, permise par la création de nombreuses start-ups répondant à des besoins sociétaux (une ou deux start-ups dans le domaine spatial créées en 2014, mais une cinquantaine en 2019).
b) Le Sénat a été partiellement suivi dans 40 % des cas
Sur les quinze résolutions européennes devenues définitives entre le 1 er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, six, soit 40 %, n'ont été que partiellement prises en compte , soit parce que le Gouvernement n'a pas partagé les positions du Sénat, soit, le plus souvent, parce que des divisions au Conseil ont conduit à des compromis éloignés des résolutions sénatoriales.
• Les positions défendues par le Sénat dans sa résolution européenne portant sur l'extraterritorialité des sanctions américaines ont été partiellement défendues par les autorités françaises. Certains points de la résolution n'ont pas encore prospéré, tandis que d'autres n'ont pas été pris en compte, en particulier sur le renforcement du rôle international de l'euro (parachèvement de l'Union économique et monétaire, mise en place d'une capacité budgétaire de la zone euro, système européen de garantie des dépôts ou encore supervision unique des marchés de capitaux). Néanmoins, comme l'a fait observer Mme Amélie de Montchalin lors de son audition, « la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, a chargé son vice-président Valdis Dombrovskis d'une mission pour améliorer la résilience de l'Union européenne aux sanctions extraterritoriales, en lien avec Josep Borell : la prise de conscience est donc très forte ».
Le règlement (CE) n° 2271/96 du 22 novembre 1996, dit règlement « de blocage », a pour but d'assurer une protection contre l'application extraterritoriale de certaines lois, ainsi que de règlements et autres instruments législatifs, et contre les actions fondées sur eux, ainsi que d'en contrecarrer les effets, lorsque cette application porte atteinte aux intérêts des personnes visées, qui effectuent des opérations de commerce international et/ou des mouvements de capitaux et des activités commerciales connexes entre l'Union européenne et des pays tiers. Or, les États-Unis ont adopté des lois et règlements qui ont pour effet de réglementer les activités de personnes physiques ou morales relevant de la juridiction des États membres. Par leur application extraterritoriale, ces lois, règlements et autres instruments législatifs américains violent le droit international et empêchent la réalisation de l'objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, et notamment la suppression de toute restriction aux investissements directs, y compris les investissements immobiliers, à l'établissement, à la prestation de services financiers ou à l'admission de titres sur les marchés des capitaux.
Dès lors, la Commission a proposé de réviser le règlement de 1996 pour clarifier les modalités de recours en réparation pour les personnes ayant subi un dommage du fait de l'application de sanctions extraterritoriales américaines. En juin 2018, elle a adopté deux actes délégués visant à protéger les intérêts des entreprises européennes qui investissent en Iran et signifier de nouveau l'engagement de l'Union envers l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien de juillet 2015 : d'une part, un acte mettant à jour l'annexe du règlement de 1996 pour en étendre l'application aux lois américaines prévoyant des sanctions à portée extraterritoriale à l'encontre de l'Iran et, d'autre part, un acte élargissant le mandat externe de la Banque européenne d'investissement (BEI) pour lui permettre de financer des activités en Iran. Néanmoins, l'élargissement des pays d'intervention de la BEI à l'Iran ne permettrait pas d'assurer des paiements entre l'Europe et l'Iran car la BEI n'est pas une banque commerciale. Une révision en profondeur du corps du règlement sera donc nécessaire ; elle ferait partie des travaux de la nouvelle Commission.
Les autorités françaises ont défendu, au cours des négociations, les mesures financières de blocage ou de neutralisation des sanctions extraterritoriales proposées dans la résolution. Le mécanisme souverain de compensation, dit SPV ( Special Purpose Vehicule ), créé en janvier 2019 par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni sous le nom d'INSTEX ( Instrument in Support of Trade Exchanges ) devrait permettre d'assurer des transactions commerciales avec l'Iran, évitant de dépendre de flux financiers transfrontaliers exposés aux sanctions extraterritoriales américaines. Ce véhicule, dont le capital est très modeste, permet d'inscrire en recettes (en euros) les exportations de produits iraniens (pétrole, produits agricoles notamment), créant ainsi des droits à acheter des biens en provenance des pays impliqués dans le dispositif et ouvrant des capacités d'exportation d'entreprises de pays tiers vers l'Iran, sans échanges financiers. Pour fonctionner, il fallait un véhicule « miroir » iranien : il a été mis en place en avril 2019. Il faut également s'assurer de la régularité des opérations d'achat de produits iraniens afin de prévenir les risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Les trois États membres précités poursuivent leurs travaux pour rendre opérationnel ce dispositif. Dans une déclaration commune du 29 novembre 2019, la Belgique, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont annoncé qu'ils étaient « en passe de devenir actionnaires d'INSTEX sous réserve de l'accomplissement des procédures nationales ». La secrétaire d'État chargée des affaires européennes a apporté les précisions suivantes au cours de son audition : sur INSTEX, « les premières transactions sont identifiées, mais nous sommes maintenant en attente des autorisations iraniennes. Ce mécanisme pourrait être aussi développé avec Cuba et la Russie, où les échanges européens sont entravés par des comportements de sur conformité bancaire liés au rôle du dollar ».
Les mesures juridiques proposées dans la résolution, notamment sur l'actualisation du règlement « de blocage » devraient être prises en compte par la nouvelle Commission européenne. Après l'adoption des deux actes délégués, à l'été 2018, la France souhaite poursuivre la réflexion engagée afin de rendre ce règlement plus crédible et dissuasif, notamment en mettant en place un mécanisme d'indemnisation efficace pour les entreprises sanctionnées par l'administration américaine. Des réflexions sont en cours au niveau interministériel afin de porter le débat au niveau européen. En revanche, sur la proposition du Sénat de créer, auprès du Conseil, de la Commission ou du SEAE, un organisme transversal sur les sanctions, le SGAE indique que « la position française n'est pas arrêtée à ce jour ».
Le Sénat appelait également à la conduite de démarches politiques en soutien aux positions européennes sur l'extraterritorialité des sanctions américaines, notamment dans le cadre des négociations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis. La France a mené plusieurs démarches diplomatiques aux États-Unis pour aborder la question des sanctions extraterritoriales. Elle a également soutenu les contacts entre l'Union et les États-Unis visant à requérir la levée des mesures à portée extraterritoriale et les prises de position afférentes - la déclaration commune, du 17 avril 2019, de Federica Mogherini et de Cecilia Malmström sur la décision américaine de réactiver le titre III de la loi Helms-Burton va dans le même sens. Ces démarches et contacts se poursuivront jusqu'à ce qu'une solution satisfaisante soit trouvée. La secrétaire d'État a indiqué devant la commission des affaires européennes que « nous sommes favorables à la désignation d'un Haut Représentant de l'Union pour les sanctions, qui puisse engager un dialogue avec l' Office of Foreign Assets Control (OFAC) afin que nous disposions d'un négociateur en chef ».
• Les positions exprimées par le Sénat dans sa résolution portant sur la promotion de l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d'intermédiation en ligne n'ont été que partiellement reprises.
Au cours de son audition, Mme Amélie de Montchalin a en effet expliqué que ces négociations « furent difficiles » : « le maniement de l'argument du secret des affaires a limité nos ambitions », mais « de nouvelles initiatives dans le champ du numérique seront prochainement proposées dans le cadre d'un futur Digital Services Act . Thierry Breton est très mobilisé sur ce sujet ».
Ce règlement, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 11 juillet 2019, établit un cadre juridique visant à garantir la transparence des modalités et conditions générales pour les entreprises utilisatrices de plateformes en ligne et les utilisateurs de sites Internet d'entreprise en relation avec des moteurs de recherche, ainsi que des possibilités de recours efficaces lorsque ces modalités et conditions générales ne sont pas respectées par les plateformes en ligne.
La résolution souhaitait tout d'abord que le champ d'application du règlement soit élargi aux services de médias sociaux qui agissent comme des plateformes techniques pour l'achat programmatique de publicité, aux services d'assistance vocale et applications mobiles, ainsi qu'aux moteurs de recherche, pour qu'ils soient soumis aux mêmes obligations de traitement équitable que les plateformes en matière de justification de la pondération des paramètres de classement de transparence. Les autorités françaises ont défendu, avec succès, l'inclusion des moteurs de recherche en ligne lors des négociations. En revanche, l'extension aux contrats négociés des règles concernant la définition des conditions générales d'utilisation par les entreprises, préconisée par la résolution, et qui n'a pas été reprise par la France, n'a pas été retenue, alors que la capacité de négociation des entreprises est très réduite en pareil cas. Par ailleurs, le Sénat avait estimé que les États membres devaient conserver la possibilité d'appliquer des règles nationales plus protectrices sur certains points, notamment en matière de préavis en cas de modification des termes et conditions du contrat, position soutenue par la France lors des négociations et qui a conduit à l'introduction de la précision selon laquelle le règlement est sans préjudice des règles nationales en matière de pratiques déloyales.
Sur l'encadrement des relations contractuelles entre les plateformes et les entreprises utilisatrices, la résolution européenne préconise que les modalités et conditions d'utilisation de la plateforme par l'entreprise soient non seulement rédigées de manière claire et non ambiguë, mais qu'elles soient également équitables et proportionnées afin de corriger l'asymétrie relationnelle, une annexe listant les pratiques susceptibles d'être considérées comme telles. Cette exigence, pleinement soutenue par les autorités françaises, n'a pas été introduite dans le règlement. La résolution demande également un encadrement plus précis pour les modifications unilatérales du contrat et des conditions du service fourni par la plateforme, en établissant une distinction entre les différentes situations et en les assortissant de délais et conditions adaptées. Le règlement a finalement allongé le délai de préavis, sauf motif d'ordre public ou en cas de méconnaissance de ses obligations par l'entreprise.
La résolution appelle à un renforcement de l'information du consommateur sur les critères de classement des entreprises et leur pondération, ainsi que les éléments de traitement différencié, en particulier lorsque les produits des entreprises liées à la plateforme sont également proposés ou quand une amélioration du rang de classement peut être achetée par l'entreprise. La résolution appelle, par ailleurs, à assurer la maîtrise par les entreprises de leurs données, de celles de leurs clients et de leurs marques, et met l'accent sur la nécessité du recueil préalable du consentement du client en cas de transfert et de réutilisation de ses données. La France a demandé un renvoi à cet égard au règlement général sur la protection des données (RGPD).
Sur le traitement interne des plaintes et la médiation, la résolution préconise d'imposer la mise en place d'un système interne de gestion des plaintes à toute plateforme dont la présence numérique est significative et non en fonction du nombre de salariés, mais le règlement a conservé ce dernier critère. Elle souhaite par ailleurs que le médiateur ne soit pas choisi par la plateforme, dans la mesure où cela ne garantit pas son indépendance. Les autorités françaises ont soutenu l'introduction des critères d'indépendance et d'impartialité, qui figurent dorénavant dans le règlement aux côtés de critères d'accessibilité. En ce qui concerne la prise en charge des coûts de la médiation, la résolution considère qu'ils devaient être supportés par l'entreprise, sauf si l'utilisateur n'est pas de bonne foi. Ce critère a été repris de manière plus large pour faire supporter, le cas échéant, des coûts « raisonnables » au plaignant. Quant à l'association des associations de consommateurs à l'élaboration des codes de conduite, à laquelle invitait la résolution, elle n'a pas été retenue.
• Le Sénat a également été en partie suivi sur sa résolution relative à la réforme de l'Autorité européenne de sécurité des aliments .
L'évaluation des risques en matière alimentaire au niveau européen est effectuée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Or, une demande accrue de transparence et de lutte contre les conflits d'intérêts a conduit la Commission à proposer de réexaminer la législation applicable, soit plusieurs actes législatifs qui concernent la chaîne alimentaire.
Il s'agit à la fois : d'assurer une plus grande transparence en garantissant l'accès des scientifiques et des citoyens aux informations relatives à la sécurité, qui sont examinées par l'EFSA à un stade précoce de l'évaluation des risques ; de renforcer la confiance des citoyens dans la crédibilité des études scientifiques par une série de mesures (création d'un registre européen des études commandées sur les substances soumises au système d'autorisation de la législation alimentaire, procédure publique de conseil de l'EFSA, consultation de tiers permettant de connaître l'existence d'éventuelles autres données scientifiques ou études pertinentes, réalisation de contrôles et d'audits par des inspecteurs de la Commission, possibilité pour la Commission de demander à l'EFSA de commander des études dans des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de controverses, à des fins de vérification) ; de mieux associer les États membres à la structure de gouvernance et aux groupes scientifiques de l'EFSA sans affecter son indépendance ; de renforcer la communication sur les risques, de façon complète et continue tout au long du processus d'analyse des risques en associant les évaluateurs et les gestionnaires des risques.
Un accord entre les trois institutions a été trouvé, en février 2019, sur la révision de la législation alimentaire générale portant réforme de l'EFSA ; le nouveau règlement relatif à la transparence et à la pérennité de l'évaluation des risques de l'Union dans la chaîne alimentaire a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 6 septembre 2019.
Plusieurs préoccupations du Sénat ont trouvé une réponse dans ce nouveau texte. C'est le cas en matière de transparence du processus d'analyse du risque et de qualité des études. Un registre de toutes les études programmées par les industriels demandant l'autorisation d'une substance, y compris les études réalisées en dehors du sol européen, est mis en place. Et l'ensemble des données relatives aux demandes d'autorisation sur le marché européen, à l'exception des éléments confidentiels relevant de la propriété intellectuelle, sont publiées sur le site Internet de l'EFSA. Sont également introduites la possibilité de demander à l'EFSA de réaliser des études complémentaires sur une substance donnée dans des circonstances exceptionnelles et celle d'étendre les contrôles aux laboratoires situés dans les pays tiers réalisant des études scientifiques à l'appui des dossiers déposés devant l'EFSA. En matière de nomination des experts, les dispositions prévues pour mieux impliquer les États membres devraient bénéficier à l'expertise scientifique réalisée par l'EFSA. Enfin, la réforme prévoit que le plan général relatif à la communication sur les risques devrait établir les mécanismes appropriés de coordination et de coopération entre les évaluateurs des risques et les gestionnaires des risques, au niveau tant de l'Union que national. Les évaluateurs et les gestionnaires interviennent dans le processus d'analyse des risques, en particulier lorsque plusieurs agences européennes fournissent des productions scientifiques sur les mêmes thèmes ou des thèmes liés, pour assurer une communication cohérente sur les risques et un dialogue ouvert entre toutes les parties intéressées.
La résolution du Sénat a également obtenu satisfaction sur l'augmentation des moyens de l'EFSA. Ainsi, il est prévu que cette agence puisse commander des études complémentaires en cas de controverse scientifique. De manière générale, la réforme prévoit une hausse du budget prenant la forme d'une montée en puissance sur trois ans, soit 25 millions d'euros supplémentaires en 2020, 44 millions en 2021 et 62,5 millions en 2022, ainsi qu'une augmentation de 106 équivalents temps plein.
En revanche, les positions sénatoriales sur la gestion des conflits d'intérêts, pourtant défendues lors des négociations, n'ont pas prospéré. C'est le cas, par exemple, de la création d'un comité de déontologie, composé d'experts et de représentants de la société civile, à l'EFSA, ou encore de l'harmonisation entre les agences des règles relatives aux conflits d'intérêt.
• Les positions exprimées par le Sénat dans sa résolution relative au futur programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » ont été, en majorité, portées par les autorités françaises et largement prises en compte au cours des négociations. Il convient néanmoins de rester vigilant sur ce sujet dont la dimension prospective est importante et qui fait l'objet de négociations encore en cours.
Le programme-cadre proposé par la Commission prend la forme de deux textes : une proposition de règlement et une proposition de décision.
La proposition de règlement vise à établir le programme-cadre « Horizon Europe » pour la période 2021-2027 et à définir les règles de participation et de diffusion des résultats applicables aux actions indirectes menées au titre du programme. Celui-ci s'articulerait autour de trois piliers interconnectés : le pilier I « Science ouverte » continuerait de favoriser l'excellence scientifique, notamment à travers le Conseil européen de la recherche ; le pilier II « Problématiques mondiales et compétitivité industrielle » ferait progresser les problématiques de société et les technologies industrielles, selon cinq pôles (santé, société inclusive et sûre, numérique et industrie, climat, énergie et mobilité, et alimentation et ressources naturelles) ; le pilier III « Innovation ouverte » consisterait à accroître l'ampleur de l'innovation radicale et créatrice de marchés grâce à la création d'un Conseil européen de l'innovation, à favoriser le renforcement des écosystèmes européens de l'innovation et à continuer à soutenir l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT). Par ailleurs, ce programme-cadre serait structuré par des éléments transversaux tels que le renforcement de la coopération internationale, l'ouverture de l'accès aux publications et aux données dans un souci de valorisation des résultats, la rationalisation du nombre de partenariats cofinancés par l'Union européenne ou encore le renforcement de la synergie avec d'autres programmes européens. Enfin, les règles de participation financière et de diffusion des résultats seraient simplifiées et modernisées.
Quant à la proposition de décision, elle a pour objet de fixer les objectifs opérationnels et les activités des parties du programme « Horizon Europe », d'arrêter son budget global pour la période 2021-2027 et de définir les règles de mise en oeuvre du programme et les activités à mener à ce titre. Elle établit les dispositions spécifiques de programmation et de mise en oeuvre du programme-cadre, en particulier pour : les missions décidées et conçues dans le cadre du processus de planification stratégique d' « Horizon Europe » par des groupes d'experts appelés comités de missions ; le Conseil européen de la recherche, institué pour mettre en oeuvre les actions relevant du pilier I ; le Conseil européen de l'innovation ; le programme de travail ; la procédure du comité assistant la Commission dans la mise en oeuvre d' « Horizon Europe ».
Les négociations de ces deux textes ont abouti à un accord interinstitutionnel partiel validé par le Conseil et le Parlement européen en mars et avril 2019, qui porte sur l'essentiel des dispositions, à l'exception du budget et de la ventilation budgétaire entre les différentes parties du programme, ainsi que des modalités relatives à la coopération internationale, en particulier celles sur les pays tiers éventuellement associés au programme. Au second semestre 2019, les négociations ont abouti à l'adoption d'une orientation générale partielle par le Conseil sur les considérants et l'annexe IV du règlement, qui concerne les synergies entre « Horizon Europe » et les autres programmes européens. Les trilogues sur ces parties du texte, ainsi que les négociations sur le budget et la coopération internationale auront lieu en 2020. Au cours des négociations, la structure du programme-cadre a quelque peu évolué : outre le changement d'intitulé des piliers I et III - mais les objectifs n'ont pas été modifiés -, le pilier II comporte désormais six pôles au lieu de cinq (santé ; culture, créativité et société inclusive ; sécurité civile pour la société ; numérique, industrie et espace ; climat, énergie et mobilité ; alimentation, bio-économie, ressources naturelles, agriculture et environnement).
De nombreuses dispositions de la résolution du Sénat ont été prises en compte lors des négociations et se retrouvent, en grande majorité, dans les textes ayant fait l'objet de l'accord interinstitutionnel partiel début 2019. Il est possible de citer :
- le soutien à l'ensemble de la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale à l'innovation ;
- le soutien continu au Conseil européen de la recherche, ainsi que ses modalités de financement et de mise en oeuvre visant à soutenir l'innovation de rupture - les autorités françaises ont été vigilantes sur ce sujet, les négociations ayant été particulièrement ardues ;
- le renforcement des synergies avec les autres programmes européens, notamment avec les fonds structurels ;
- l'éligibilité des régions ultrapériphériques (RUP) au programme « Élargissement », qui devrait permettre aux entités de ces régions de porter et coordonner des projets ayant pour objectif d'améliorer leur niveau de recherche et innovation. Les autorités françaises ont défendu une référence explicite à l'article 349 du TFUE, qui constitue le cadre juridique de la prise en compte des RUP au niveau européen. Elles veilleront également à faciliter l'accès des RUP aux actions mises en oeuvre au titre du futur programme-cadre ;
- le soutien à des filières stratégiques industrielles, notamment par le biais des partenariats industriels et des entreprises conjointes.
En revanche, pour ce qui concerne la priorité à accorder aux acteurs européens, les autorités françaises ont défendu le principe de première exploitation commerciale en Europe, ainsi d'ailleurs que le Parlement européen. Mais cette position n'a pas été soutenue par de nombreux États membres, de telle sorte qu'elle ne figure pas dans le règlement, même si celui-ci indique que l'exploitation des résultats doit être maximisée « en particulier dans l'Union ».
Alors que la résolution insistait pour que la liste des missions du pilier II ne soit pas limitative dans un souci d'adaptation, ces missions seront bien, au cours des quatre premières années d' « Horizon Europe », limitées aux cinq domaines identifiés (adaptation au changement climatique et transformations sociétales ; cancer ; océans, mers eaux côtières et continentales en bonne santé ; villes neutres en carbone et intelligentes ; santé des sols et alimentation) et inclus en annexe du règlement ; la liste de ces domaines pourra toutefois être révisée à mi-parcours du programme-cadre, dans le contexte de la seconde planification stratégique.
Le processus de planification stratégique, actuellement en cours d'élaboration entre la Commission, les États membres, le Parlement européen et les parties prenantes à diverses consultations publiques, devrait aboutir à un plan stratégique, limité d'abord à la période 2021-2024, prenant la forme d'un acte d'exécution soumis au vote des États membres au titre de la comitologie, et non d'une simple communication comme la Commission l'avait initialement envisagé.
Les autorités françaises ont défendu l'ajout d'un pôle dédié à l'espace au sein du pilier II, comme le demandait la résolution, mais n'ont obtenu ni le soutien d'un nombre suffisant d'États membres, ni le soutien du Parlement européen, pour modifier le texte. En revanche, l'espace apparaît dorénavant de manière explicite dans le titre du pôle « industrie, numérique et espace », et il est également indiqué en annexe du programme spécifique que ce domaine pourra faire l'objet d'un groupe ad hoc dédié dans le cadre du comité de programme « Horizon Europe ». Les autorités françaises ont également obtenu l'ajout d'un considérant indiquant que le budget dédié à l'espace dans « Horizon Europe » doit être au moins similaire en proportion à celui prévu pour « Horizon 2020 », de façon à garantir un budget minimal pour ce domaine stratégique. Enfin, elles soutiennent la mise en place, dans le cadre d' « Horizon Europe », d'un partenariat opérationnel sur les systèmes spatiaux, associant les secteurs industriels et de recherche, ainsi que les agences nationales et les États membres.
La résolution demandait qu'un programme dédié à l'éducation à la science figure explicitement dans le pilier transversal destiné au renforcement de l'espace européen de recherche, mais ni le Conseil ni le Parlement européen n'ont demandé à réintégrer un tel programme, qui existait dans « Horizon 2020 », dans « Horizon Europe ». En revanche, des actions de soutien à ces thématiques sont prévues dans la partie transversale du programme-cadre, mais le budget alloué à ces actions n'est pas encore déterminé.
Enfin, concernant la participation française au programme-cadre, et alors que la résolution soulignait la trop faible participation de notre pays à « Horizon 2020 », un plan d'action national pour améliorer la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche et de l'innovation, notamment au programme-cadre pour la recherche et l'innovation, a bien été mis en place. Il est piloté par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et implique en particulier les ministères concernés, les régions, mais aussi des acteurs nationaux. Ce plan a fait l'objet d'une validation interministérielle via le SGAE. Une coordinatrice dédiée, nommée auprès du directeur général de la recherche et de l'innovation du ministère, est chargée du suivi de sa mise en oeuvre, l'ensemble des actions devant être finalisées au plus tard le 31 décembre 2020.
• La mise en oeuvre de la résolution européenne sur l'appui de l'Union européenne à la mise en place d'un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak est rendue difficile dans le contexte très dégradé que connaît ce pays.
En effet, deux ans après la proclamation de sa victoire contre Daech , l'Irak voit sa fragile stabilisation gravement menacée par les tensions à la fois intérieures et régionales. Sur le plan intérieur, il est confronté, depuis début octobre 2019, à un vaste mouvement de protestations, à Bagdad et dans le Sud chiite du pays, qui voit des centaines de milliers de manifestants demander la fin du régime, et qui fait l'objet d'une violente répression (près de 500 morts et 20 000 blessés). Ces protestations spontanées agglomèrent des revendications sociales et politiques, dénonçant le confessionnalisme qui mine la fragile démocratie irakienne, la corruption, la faiblesse de l'État et les difficultés socio-économiques. Le Premier ministre Adel Abdel-Mahdi a présenté sa démission le 29 novembre dernier, mais continue d'expédier les affaires courantes faute d'alternative faisant consensus. Par ailleurs, depuis le 27 décembre 2019, l'Irak est le théâtre d'une grave escalade des tensions entre l'Iran et les États-Unis, marquée en particulier par l'attaque américaine par drone, le 3 janvier suivant, ayant tué plusieurs personnes, dont le général iranien Qassem Soleimani, figure importante du régime. Le 8 janvier, en représailles, l'Iran a tiré une vingtaine de missiles contre les deux bases irakiennes abritant des soldats américains d'Aïn al-Assad et d'Erbil, sans toutefois faire de victimes. Auparavant, le Parlement irakien, réuni en session extraordinaire le 5 janvier 2020, avait voté, à une courte majorité, une résolution en faveur du retrait des forces étrangères d'Irak.
Ce contexte n'est assurément guère propice à la prise en compte de la résolution sénatoriale. De surcroît, les autorités irakiennes sont opposées à la mise en place d'un mécanisme ad hoc de justice transitionnelle à dimension internationale. Soucieuses de leur souveraineté, elles entendent juger elles-mêmes, selon les procédures prévues par leur droit et par des magistrats irakiens, les combattants de Daech détenus sur le territoire irakien, ou, pour les ressortissants étrangers, les renvoyer dans leur pays d'origine.
Néanmoins, comme l'indique la fiche de suivi, « la France poursuit ses efforts en vue de favoriser la lutte contre l'impunité des crimes de Daech en Irak, en lien avec ses partenaires européens, convaincue qu'il ne peut y avoir ni reconstruction, ni réconciliation sans justice ». Ainsi, les autorités françaises soutiennent le renforcement des capacités de la justice irakienne, grâce en particulier à des programmes de formation de magistrats irakiens, centrés sur la réponse judiciaire au terrorisme. La France contribue ainsi à 20 % des formations de magistrats assurées par l'Union européenne dans le cadre de la mission EUJUST LEX Irak. Elle soutient également des projets de documentation des crimes commis par Daech , notamment à l'encontre des populations yézidies. Par exemple, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a financé un rapport de la Fédération internationale des droits de l'Homme sur les crimes sexuels commis par des djihadistes étrangers contre cette population. Par ailleurs, notre pays contribue au renforcement de la justice irakienne par son action aux Nations Unies, par exemple en soutenant le travail de l'UNITAD, équipe d'enquête sur les crimes commis par Daech en Irak, dont la création, par la résolution 2379 du Conseil de sécurité, a été coparrainée par la France, et à laquelle des experts français ont été mis à disposition en 2019. Cette structure ne se substitue pas aux tribunaux irakiens, mais aide à recueillir et stocker des preuves de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de crimes de génocide perpétrés par Daech afin qu'elles puissent être utilisées dans le cadre de procédures judiciaires en Irak, ainsi que dans des pays tiers, avec l'accord des autorités irakiennes.
La France mobilise également ses partenaires européens en faveur de la lutte contre l'impunité en Irak. C'est à l'initiative de la France que le Conseil de l'Union européenne a adopté, en juillet 2019, des conclusions relatives à l'Irak, qui font du « renforcement de l'État de droit [...], de la justice et de la police » une priorité de l'action européenne en Irak, indiquent que l'Union européenne « soutient pleinement le travail conduit par UNITAD [...], réaffirme son opposition de principe à la peine de mort » et que « le progrès en matière de lutte contre l'impunité, de procès équitable et de respect des droits de l'Homme pour les individus qui ont commis des crimes en Irak, y compris les combattants terroristes étrangers, est une priorité ». Les autorités françaises se disent attentives à ce que ces priorités se reflètent effectivement dans les programmes de coopération et de développement engagés par l'Union européenne au bénéfice de l'Irak.
Enfin, la France poursuit ses efforts en faveur des victimes de Daech , en particulier les communautés les plus systématiquement persécutées, au travers de son Fonds de soutien aux victimes de violences ethniques et religieuses, de l'action de l'Agence française de développement, qui a initié en 2019 un projet de soutien à la relance agricole dans la plaine de Ninive, principal foyer des minorités, et de la mise en oeuvre des engagements du Président de la République auprès de la Prix Nobel de la Paix, Nadia Murad. Ainsi, en 2019, ont été accueillies en France une centaine de femmes yézidies victimes de Daech et leurs familles, pour les aider à se reconstruire, tandis qu'une contribution a été versée au Fonds pour la reconstruction de Sinjar (foyer des yézidis), initié par Mme Murad.
• Le Sénat a été suivi sur sa résolution concernant la coopération judiciaire en matière pénale et la mise en oeuvre du Parquet européen , mais les informations transmises par le SGAE sur ce dossier sont succinctes, de telle sorte qu'il est difficile de porter une appréciation globale.
Il convient de rappeler que les modalités de fonctionnement du Parquet européen, dont la création, sous la forme d'une coopération renforcée, est prévue par les traités, sont fixées par un règlement adopté en 2017. Ce Parquet européen, institué sous la forme d'un organe de l'Union, fonctionnera comme un parquet unique pour les 22 États membres participants et aura la personnalité juridique. Il sera compétent pour rechercher, poursuivre et traduire en justice les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. À cet égard, il mènera des enquêtes, engagera des poursuites et exercera l'action publique devant les juridictions compétentes des États membres jusqu'à ce que l'affaire ait été définitivement jugée. Il devra agir en toute indépendance dans l'intérêt de l'Union. Il aura le pouvoir d'enquêter sur des infractions portant atteinte au budget de l'Union et des cas de fraude à la TVA, tels que les cas de fraude portant sur des fonds européens d'un montant supérieur à 10 000 euros ou de fraude transfrontière à la TVA pour des montants supérieurs à 10 millions d'euros ; il sera également compétent lorsque les infractions impliquent une organisation criminelle. En revanche, il ne sera pas compétent pour des infractions pénales portant sur les impôts nationaux directs.
Le règlement prévoit un système de compétences partagées entre le Parquet européen et les autorités nationales : tant le Parquet européen que les autorités nationales compétentes devront s'aider et s'informer mutuellement dans le but de lutter contre les infractions relevant de sa compétence. Dès qu'un soupçon d'infraction est signalé au Parquet européen, toutes les autorités nationales et les organes et organismes compétents de l'Union, dont Eurojust, Europol et l'OLAF, devront soutenir activement les enquêtes et les poursuites menées par le Parquet européen et coopérer avec ce dernier. Le Parquet pourra aussi désigner des points de contact dans les États membres non participants.
Il sera organisé à un double niveau : central (chef du Parquet européen et ses adjoints, et un procureur européen par État membre, chambres permanentes et directeur administratif) et décentralisé (procureurs européens délégués établis dans les États membres, chargés de la conduite quotidienne des enquêtes et des poursuites pénales conformément au règlement et à la législation de l'État membre concerné).
En octobre 2019, le Parlement européen et le Conseil se sont mis d'accord pour nommer la procureure roumaine Laura Kövesi, première cheffe du Parquet européen. Son mandat, non renouvelable, sera de sept ans. Les procureurs européens - qui constitueront le collège - seront choisis par le Conseil parmi trois candidatures soumises par chaque État membre et nommés pour un mandat non renouvelable de six ans commençant début 2020, le Parquet devant être opérationnel à compter de novembre de cette année. Le collège installé, il devra adopter son règlement intérieur, et les États membres les modalités de raccordement techniques au Parquet européen, ainsi que les nécessaires adaptations du droit interne.
Il est prévu que l'institution entretienne des liens étroits avec le Parquet national financier français.
Sur l'extension du champ de compétences du Parquet européen aux infractions terroristes transfrontières, annoncée par la Président de la République dans son discours de La Sorbonne, en septembre 2017, et sur laquelle la résolution sénatoriale s'était montrée circonspecte, le SGAE a indiqué qu' « elle ne pourra cependant être envisagée en pratique qu'une fois l'institution devenue opérationnelle sur son champ de compétence originel », ce qui correspond à la résolution. « L'extension du champ de compétences du Parquet européen au-delà de la fraude aux intérêts de l'Union - terrorisme, criminalité transfrontalière - est actuellement en débat ; c'est un objectif de moyen terme », a d'ailleurs déclaré Mme Amélie de Montchalin devant la commission des affaires européennes. Par ailleurs, l'adoption du document La voie à suivre dans le domaine de la reconnaissance mutuelle en matière pénale , lors du Conseil JAI des 6 et 7 juin 2019, contribue à prendre en considération les préoccupations du Sénat relatives à la formation relative aux instruments de coopération judiciaire en matière pénale.
La secrétaire d'État a apporté plusieurs précisions lors de son audition. D'une part, « en matière de cybercriminalité, il existe une coopération forte avec Europol et il existe un réseau européen de transmission d'informations. Nous souhaitons créer un centre européen dédié afin de faciliter leur traitement. La sécurité du réseau 5G sera ici essentielle ». D'autre part, « n'oublions pas non plus la question des ingérences dans les élections : le Président de la République défend la création d'une Agence européenne de la démocratie. La protection des institutions européennes contre les attaques est également un enjeu majeur car s'y concentrent de nombreuses données stratégiques ».
c) Le nombre limité de résolutions européennes n'ayant reçu aucune suite ou presque
Dans deux cas seulement, une résolution européenne du Sénat n'a, au moins jusqu'à présent, connu aucune suite effective ou quasiment aucune.
• Le Sénat n'a pas obtenu satisfaction sur sa résolution européenne relative au retour à un taux réduit de TVA pour la filière équine .
La Commission a proposé de modifier la directive TVA de 2006 dans le sens d'une flexibilité accrue pour les États membres afin qu'ils puissent bénéficier des taux réduits ou nuls en vigueur dans d'autres États membres. Les États membres seraient ainsi autorisés à appliquer au maximum deux taux réduits d'au moins 5 % et pourraient aussi appliquer un autre taux réduit inférieur à 5 % ou une exonération avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur.
Au cours des discussions techniques, les autorités françaises ont exprimé leur opposition à la proposition de la Commission, qui, selon le SGAE, ne permet pas, en l'état, de répondre à la demande d'une réduction des taux de TVA au secteur des équidés, que le Gouvernement dit soutenir. Elles considèrent du reste que la flexibilité octroyée aux États membres porterait atteinte à l'unité du marché intérieur. En outre, les critères cumulatifs de bénéfice du consommateur et de motif d'intérêt général, nécessaires à l'application d'un taux réduit, sont difficilement interprétables ; ils ne permettraient ni d'appliquer les taux réduits au secteur des équidés ni d'éviter les distorsions de concurrence. La France, avec d'autres États membres tels que l'Espagne, le Danemark, la Slovénie, l'Allemagne, la Hongrie, l'Autriche, le Portugal ou encore la Slovaquie, a soutenu le principe d'une liste de services et biens éligibles aux taux réduits, élargie à d'autres domaines, notamment la filière équine. Il n'en demeure pas moins qu'aucune avancée n'a été observée sur ce dossier eu égard à la position affirmée par la résolution du Sénat.
• Comme l'année dernière, les positions du Sénat, formalisées dans sa résolution sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) , n'ont pas été prises en compte.
La réforme de la PAC envisagée par la Commission comporte trois propositions de règlements, publiées le 1 er juin 2018 : un règlement relatif aux plans stratégiques PAC, qui vise à établir les règles concernant les objectifs à réaliser au moyen de mesures d'aide de l'Union financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), premier pilier de la PAC, et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), son second pilier, ainsi qu'à définir le nouveau modèle de mise en oeuvre, reposant sur les paiements directs aux agriculteurs, le soutien au développement rural et les programmes de soutien sectoriels ; un règlement horizontal ayant pour objectif de moderniser et simplifier les règles relatives au financement et au contrôle de la mise en oeuvre de la PAC après 2020 ; un règlement dit « omnibus », qui poursuit l'objectif de moderniser et de simplifier plusieurs dispositions des règlements encadrant l'organisation commune des marchés, les signes de qualité, les vins aromatisés et les aides à l'agriculture dans les outre-mer (programme POSEI).
Ces textes comportent quatre principales évolutions :
- un nouveau mode de gouvernance, de manière à accorder plus de souplesse aux États membres pour adapter la PAC à leurs besoins. Ces derniers devront élaborer un plan stratégique couvrant l'ensemble de la période 2021-2027, que la Commission devra approuver ;
- une répartition des soutiens se voulant plus équitable : les paiements directs seront réduits au-delà de 60 000 euros et un plafond sera appliqué aux paiements supérieurs à 100 000 euros par exploitation, après prise en compte de la main-d'oeuvre ; la convergence interne sera maintenue pour les États membres ne souhaitant pas retenir un paiement uniforme à l'échelle nationale (ou régionale) ; la convergence externe sera poursuivie ;
- une plus grande ambition environnementale et climatique : chaque État membre devra mettre en place un programme écologique, dit ecoscheme , financé sur le premier pilier ; au moins 30 % de la dotation destinée au développement rural seront consacrés à des mesures environnementales et en faveur du climat et 40 % du budget de la PAC devront contribuer aux objectifs climatiques ; les États membres auront également la possibilité de transférer 15 % du premier pilier vers le second pour couvrir des dépenses relatives aux mesures environnementales et en faveur du climat (sans cofinancement national) ;
- le renforcement de la réserve de crise intégrant un fonctionnement pluriannuel, déconnecté des aides directes.
Ces propositions législatives, présentées lors du Conseil Agriculture et pêche du 18 juin 2018, ont donné lieu à de nombreuses réunions de négociations qui n'ont toutefois pas abouti jusqu'à présent, en dépit de trois rapports de progrès rendant compte de l'état des discussions, présentés au Conseil en décembre 2018, juin 2019 et décembre 2019. La commission AGRI du Parlement européen a adopté ses rapports en avril 2019, mais la nouvelle mandature a rouvert certains articles. Un vote en plénière est prévu mi-2020.
La suite des négociations est marquée par deux éléments nouveaux, introduits fin 2019 : le « pacte vert pour l'Europe », présenté par la nouvelle Commission européenne, le 11 décembre 2019, et l'annonce de sa stratégie dite « de la ferme à la table », qu'elle dévoilera au printemps 2020. Ces éléments devront être pris en compte dans les plans stratégiques nationaux, notamment pour la diminution de l'usage des pesticides chimiques et des risques qui y sont associés, ainsi que du recours aux engrais et aux antibiotiques. Compte tenu du retard pris dans la négociation et du temps nécessaire pour que les États membres établissent leur plan stratégique national, une année de transition est désormais prévue : en 2021, les règles actuelles de la PAC s'appliqueront, alors même que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 sera entré en vigueur. Deux règlements de transition sont en discussion afin d'encadrer cette période.
Sur le budget de la PAC pour la période 2021-2027, la Commission a établi ses propositions dans un contexte marqué par le retrait du Royaume-Uni : elle propose de consacrer à la PAC 365 milliards d'euros, ce qui représente 28,5 % du budget total de l'Union européenne, contre 36,1 % pour la période 2014-2020, dont 286 milliards au titre du premier pilier (FEAGA) et 79 milliards au titre du second (FEADER). Cette proposition représente, déduction faite des retours du Royaume-Uni, une diminution de 2,8 % par rapport au budget 2014-2020, ce que le Sénat a considéré à plusieurs reprises comme inacceptable. Le montant des aides directes à la France s'établirait à 50 milliards d'euros, contre 52 milliards pour la période actuelle, soit une réduction de 3,9 % en valeur, tandis que le montant des aides au développement rural s'établirait à 8,46 milliards, contre 9,99 milliards pour la période actuelle, soit une réduction de 15,3 % en valeur. Dans ces conditions, les discussions sur le CFP au Conseil européen n'ont pas abouti en 2019 ; elles se poursuivront dans l'objectif d'obtenir un accord sous Présidence croate au premier semestre 2020. Fin 2019, la Présidence finlandaise a présenté une nouvelle proposition de budget comportant une revalorisation de la PAC de 10 milliards d'euros, sur le second pilier uniquement.
Les positions exprimées par le Sénat dans sa résolution européenne n'ont guère prospéré au cours des négociations, du reste au point mort.
Pour ce qui concerne les aspects budgétaires, le Gouvernement dit partager les préoccupations émises par le Sénat sur la diminution du budget alloué à la PAC dans la proposition de la Commission. Ainsi la France fait-elle valoir qu'une telle diminution dans un budget européen pourtant en forte expansion ne peut être acceptée et qu'elle n'est pas cohérente avec les enjeux auxquels les agriculteurs européens doivent répondre, tout en pouvant vivre de leur travail. La France demande donc que le budget de la PAC soit maintenu en euros courants au niveau du budget d'une Union à 27 de la période en cours. C'est la position que notre pays a fait valoir dès le Conseil Agriculture du 31 mai 2018, à Madrid, dans un mémorandum, désormais soutenu par 20 États membres. Lors de son audition, Mme Amélie de Montchalin a indiqué : « Je comprends la logique de ceux qui réclament un maintien en euros constants, mais cette exigence ne me semble pas réaliste. La France, sur ce sujet, est soutenue par la majorité des États membres ». Les autorités françaises chercheraient également à ne pas opposer les politiques traditionnelles telles que la PAC et les nouvelles priorités européennes. Le Gouvernement considère que la proposition de la Présidence finlandaise, le 2 décembre 2019, d'augmenter de 10 milliards d'euros la proposition initiale de la Commission n'est pas satisfaisante car elle ne concerne que le second pilier, la France demandant le ciblage de cette augmentation sur le premier pilier.
Au sujet du nouveau modèle de mise en oeuvre, le Gouvernement partage les réserves du Sénat sur la simplification proposée par la Commission et reste très vigilant pour que la future PAC conserve un niveau d'exigence commune européenne élevé. Les autorités françaises ont indiqué être favorables au nouveau modèle de mise en oeuvre, qui, selon elles, ne crée pas en lui-même de distorsion de concurrence, mais offre l'opportunité d'intégrer dans une stratégie européenne globale les choix des États membres. Toutefois, elles considèrent que ce modèle ne doit pas engendrer un surplus de complexité. La plus grande subsidiarité accordée aux États membres pour la future PAC doit également être assortie de garanties sur sa bonne gestion dans l'ensemble de l'Union et sur la protection des intérêts financiers de l'Union.
Le Gouvernement estime que les démarches de simplification doivent être soutenues à tous les niveaux. Dans les négociations, la France mène un travail de simplification de la proposition de la Commission, par exemple pour le mécanisme d'examen de la performance, et soutient la reconnaissance d'un « droit à l'erreur ». Les autorités françaises partagent l'intérêt porté par le Sénat à l'utilisation des nouvelles technologies comme source de simplification.
Sur les règles de concurrence et les pratiques commerciales déloyales, le Gouvernement rappelle les avancées, selon lui majeures, obtenues au niveau national au travers de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, issue des États Généraux de l'alimentation. Il partage l'ambition du Sénat de poursuivre les travaux engagés au niveau européen dans le cadre du règlement « omnibus » de 2017 pour sécuriser les revenus des agriculteurs et rééquilibrer les relations commerciales au travers notamment des organisations de producteurs. Pour autant, les demandes françaises sur ce point n'ont pour l'instant pas été prises en compte au Conseil. Par ailleurs, la France a soutenu le projet de directive visant à définir et règlementer les pratiques commerciales déloyales à l'échelle européenne, notamment l'extension de son champ d'application. Ce texte a fait l'objet d'un accord, fin décembre 2018, que le Gouvernement juge satisfaisant : selon lui, ce texte contribuera à rééquilibrer les relations commerciales au sein de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Il se dit également favorable à une réglementation européenne sur la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, dès lors qu'elle respecterait les prérogatives des États membres. La France est par ailleurs satisfaite des dispositions retenues sur la détermination de l'autorité compétente en matière de litige, qui constituait sa principale inquiétude : le texte prévoit que l'autorité compétente sera celle auprès de laquelle le fournisseur choisit d'adresser une plainte, qu'elle soit celle de l'État membre où est situé le fournisseur ou celle de l'État membre où est situé l'acheteur. Cela permet de conserver aux autorités françaises la même compétence à agir, dès lors que les entreprises s'adressent à elles.
Pour ce qui concerne les outils de gestion des crises et les outils de gestion des risques, le Gouvernement partage l'idée que les outils existants doivent être défendus et modernisés pour être plus simples et plus réactifs. Ainsi la France demande-t-elle le renforcement et la généralisation des observatoires des marchés et l'instauration d'un seuil d'alerte qui conduirait à l'élaboration par la Commission de propositions à présenter au Conseil et au Parlement européen. De plus, elle estime que le recours systématique aux adjudications en cas d'intervention publique pour les secteurs qui peuvent en bénéficier actuellement permettrait d'éviter certains comportements d'anticipation qui amplifient la crise et rendent difficile d'en sortir. Enfin, elle demande que soit mentionnée explicitement, dans les mesures de crise mobilisables, la possibilité de mettre en place une aide à la réduction volontaire des volumes. Sur les outils de gestion des risques au niveau des agriculteurs, tels que des assurances et fonds de mutualisation, la France demande qu'ils soient modernisés pour faire face efficacement aux aléas et mieux prendre en compte leur fréquence. Elle demande en particulier que le cadre juridique permettant aux États membres de prendre des dispositions fiscales encourageant la constitution d'une épargne de précaution face aux aléas soit sécurisé. Pour autant, sur ces différents points, les positions françaises n'ont jusqu'à présent pas abouti. Enfin, la France est favorable à la création d'une réserve de crise spécifique au secteur agricole, qui soit européenne, pluriannuelle et réactive, et dont le ré-abondement en cours de période se fasse en priorité par les crédits reportés puis par les crédits non consommés et disponibles au titre du FEAGA (premier pilier) et, en dernier recours, par d'autres sources de financement.
Le Gouvernement dit partager l'attachement du Sénat à la reconnaissance des handicaps naturels afin de permettre le maintien de l'agriculture sur l'ensemble du territoire. Dans les négociations, il défend les indemnités compensatoires de handicap naturel (ICHN), qui constituent une aide essentielle au maintien de l'activité agricole sur les territoires les plus fragiles, et souhaite pouvoir les cibler vers les exploitations les plus durables et les mieux adaptées à l'entretien de ces zones. Il demande également que, compte tenu de leur vocation environnementale, les dépenses au titre des ICHN en faveur du maintien de l'élevage herbager extensif soient comptabilisées au titre des dépenses en faveur de l'environnement.
Par ailleurs, le Gouvernement défend aussi le maintien du budget du programme POSEI en faveur des outre-mer, et demande que soit reconnue dans la PAC la spécificité de ces territoires, soumis à des contraintes particulières, alors qu'ils contribuent à la richesse et à la diversité de l'Union européenne.
En matière d'environnement, la France exprime une position favorable à l'architecture en trois niveaux, proposée par la Commission : une conditionnalité englobant les règles actuelles du verdissement, socle commun des pratiques pour tous les agriculteurs européens, un ecoscheme obligatoire pour les États membres et facultatif pour les agriculteurs, et des mesures agro-environnementales et climatiques sur le second pilier. Le Gouvernement partage le souci exprimé par le Sénat que les agriculteurs bénéficient d'une rémunération mieux conçue et plus simple. La France demande ainsi que l'ecoscheme puisse prendre la forme d'un paiement forfaitaire et que son niveau de rémunération soit incitatif, en allant au-delà de la seule compensation des surcoûts et manques à gagner.
Ainsi, alors que le Gouvernement prétend partager nombre des positions sénatoriales sur la réforme de la PAC, il convient de constater que le dossier n'avance quasiment pas et que ces positions ne sont pas prises en compte. Ce constat est malheureusement établi chaque année depuis le début des négociations.
* 9 Plusieurs catégories de textes spécifiques comme les nominations, les virements ou les textes PESC font l'objet d'une procédure d'accord tacite négociée entre les deux assemblées et le SGAE. Une fois passé un délai de 72 h après leur dépôt, la réserve d'examen des textes relevant de ces catégories est considérée comme levée.
* 10 Pratique, dans le transport aérien, selon laquelle le pilote professionnel paie pour exercer la fonction de pilote sur un vol commercial dans l'objectif d'atteindre son quota d'heures de vol.