N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 octobre 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques
(1) dressant un
bilan
du titre
I
er
de la
loi Egalim
un
an
après sa
promulgation
,
Par MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot . |
AVANT-PROPOS
Au lendemain de la promulgation de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi Egalim », la commission des affaires économiques du Sénat s'est dotée d'un groupe de suivi des effets de la loi Egalim, présidé par Daniel Gremillet et dont les rapporteurs sont Michel Raison et Anne-Catherine Loisier, rapporteurs au Sénat de la loi Egalim.
L'objectif du groupe de suivi est moins de faire un énième rapport parlementaire que de réaliser une veille effective tout au long de la mise en oeuvre de la loi. Ce dispositif innovant de contrôle de l'application d'une loi témoigne d'une volonté particulière de la commission de veiller à ce que cette loi, qui a suscité tant d'espérances dans nos campagnes, atteigne bien les objectifs poursuivis. Il s'agit non seulement de vérifier que « la montagne n'accouche pas d'une souris », mais également de s'assurer sur le terrain que la loi n'ajoute pas plus de difficultés qu'elle n'en résorbe dans des filières agricoles qui n'ont pas besoin qu'on alourdisse leurs contraintes.
Le groupe sénatorial assure donc un suivi de la mise en oeuvre de la loi d'un point de vue juridique, notamment en veillant au respect du calendrier de publication des textes d'application, et d'un point de vue économique, en mesurant ses effets sur l'ensemble des acteurs, les citoyens, les consommateurs, les distributeurs, les industriels mais aussi et surtout, les agriculteurs.
Son travail a porté, dans un premier temps, en priorité sur le titre Ier de la loi, à savoir celui portant sur les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dans la mesure où l'applicabilité de ce dernier était presque directe. Le groupe de suivi mesurera, à compter de 2020, les effets du titre II de la loi. Ce travail est indispensable afin d'évaluer les charges supplémentaires que l'ensemble des articles votés représentera pour nos agriculteurs.
En moins d'un an, le groupe de suivi a organisé différents types de travaux.
Il a sollicité l'organisation de quatre réunions de commissions plénières : trois réunions pour que les producteurs, industriels et distributeurs puissent rendre compte de leur appréciation de la loi Egalim en janvier et février dernier, et une table ronde réunissant tous les acteurs en juin.
La commission a également reçu la ministre Agnès Pannier-Runacher afin qu'elle présente les résultats des négociations commerciales 2019.
Le groupe de suivi a également mené en parallèle plus de 20 auditions, tant d'acteurs institutionnels que d'entreprises individuelles, dont l'identité demeure secrète pour des raisons évidentes de secret commercial, afin de disposer des avis les plus proches du terrain.
Ce rapport vise à synthétiser l'ensemble des informations recueillies durant cette année.
Le point de départ du groupe de suivi a été le constat que, dans les campagnes, ce texte a suscité une vague d'espérance, la loi proposée incarnant une sorte de remède à l'ensemble des maux dont souffre l'agriculture française.
Est-il besoin de les rappeler ?
L'agriculture et l'alimentation représentaient près de 12 % de l'emploi total en 1980 contre 5,5 % aujourd'hui.
Depuis 1988, le nombre d'exploitations a reculé d'environ 1,1 million à un peu plus de 400 000 1 ( * ) . Mais ce mouvement s'explique bien au-delà de la concentration des activités. La surface agricole dédiée à l'agriculture a chuté en France de - 17 % depuis 1961, soit près de - 60 000 km², c'est-à-dire l'équivalent de la région Grand-Est.
Après avoir fortement progressé entre 1960 et 2000, la production agricole française stagne depuis la fin des années 1990, et recule dans certains secteurs, notamment en viandes bovines. Les rendements plafonnent en grande culture et on assiste à une décapitalisation du cheptel bovin.
L'excédent commercial français a ainsi été divisé par deux depuis 2011, la France accusant même un déficit commercial avec ses voisins européens. Les produits alimentaires importés représentent une part croissante et significative de ce qui se trouve dans les assiettes de nos consommateurs. Comment ne pas regretter qu'un fruit et légume sur deux consommés en France est aujourd'hui importé ?
Cette situation est très préoccupante. Les agriculteurs ploient sous les charges et sous les normes alors que leurs concurrents internationaux en sont exonérés.
Cet état de l'agriculture a été résumé dans un récent rapport d'information sénatorial 2 ( * ) . Il faut toujours garder en mémoire ces éléments pour comprendre le désarroi du monde agricole.
Pour répondre aux attentes des agriculteurs, l'urgence est de faire du revenu agricole une grande cause nationale.
En effet, comment peut-on, au XXI e siècle, assurer le renouvellement des générations en agriculture quand la promesse de revenus à venir est insuffisante ? C'est, en effet, un défi immense pour la France qui va voir un tiers de ses exploitants partir à la retraite avant 2030.
Force est de constater qu'une exploitation de 200 hectares en grande culture ne suffit plus à elle seule à fournir un revenu suffisant, en procurant au chef d'exploitation un revenu moyen aux alentours de 400 euros par mois dans certains départements. Les chiffres de la mutualité sociale agricole le rappellent chaque année : un tiers des agriculteurs touchent moins de 350 euros par mois.
Pour répondre à l'ensemble de ces maux, une seule loi travaillant sur les relations commerciales entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ne suffira pas. De ce point de vue, la loi Egalim ne pourra répondre à elle-seule à cet enjeu majeur. Et c'est là le grand malentendu issu de cette loi. Car elle ne vise, en effet, qu'une petite partie de ce qui constitue le revenu des exploitants.
Selon l'Observatoire de la formation des prix et des marges, les recettes d'un agriculteur aujourd'hui sont composées à 36 % de la consommation alimentaire, à 27 % des subventions publiques, notamment par le biais de la politique agricole commune (PAC), et à 30 % de l'export.
Déduction faite de la part de la restauration collective dans le budget alimentation des ménages français 3 ( * ) , et considérant que la grande distribution représente près de 70% des ventes directes de produits alimentaires 4 ( * ) , le titre Ier de la loi Egalim entend agir, au mieux, sur moins d'un cinquième des recettes des agriculteurs.
Il faut ajouter qu'à court terme la loi vise plus particulièrement les filières où la contractualisation est récurrente, à savoir principalement la filière laitière .
Comment pourrait-elle dès lors apparaître comme la solution naturelle au problème plus global du revenu agricole en n'agissant que sur une partie aussi infime de ce qui le constitue ? L'affirmer, c'est mentir aux agriculteurs et susciter des espoirs qui seront nécessairement déçus.
Là est sûrement la source du malentendu autour de cette loi qui nourrit, encore aujourd'hui, un sentiment d'abandon du monde paysan lequel se manifeste par le désarroi croissant des agriculteurs et, avec une fréquence accrue, dans des mouvements de contestation partout en France.
Le plus inquiétant est qu'en parallèle, les autres instruments disponibles pour agir de façon certaine et automatique sur les revenus agricoles sont abandonnés par le Gouvernement.
Le budget de la politique agricole commune risque d'être amputé de 15 % en euros constants sur la prochaine programmation, sans que la France n'ait pu infléchir le mouvement depuis deux ans. En coulisses, d'autres pays membres aux intérêts différents profitent de ce silence des autorités gouvernementales françaises pour imposer à nos agriculteurs une cure d'austérité.
La France perd, en outre, des parts de marché sur les marchés internationaux, réduisant ainsi l'effet des exportations dans les comptes de résultat des exploitations agricoles. Notre pays est désormais la troisième puissance agricole européenne sur les marchés internationaux, derrière l'Allemagne et les Pays-Bas.
Surtout, la loi Egalim a prétendu sauver le revenu des agriculteurs en n'agissant qu'hypothétiquement sur une petite partie de recettes, sans jamais s'interroger sur les charges subies par les exploitants. Au contraire, cette même loi a sans doute considérablement alourdi les coûts d'exploitation dans son titre II.
Le groupe de suivi souligne que les débats autour de la loi se focalisent uniquement sur la hausse des tarifs accordés par la grande distribution aux industriels, sans jamais s'interroger sur les modifications des cahiers des charges qu'elle exige en contrepartie.
Seule une action concertée pour augmenter l'ensemble des sources des recettes des agriculteurs tout en diminuant leurs charges, c'est-à-dire, finalement, une politique visant à s'occuper des deux colonnes des comptes de résultat de nos agriculteurs, est de nature à avoir des résultats.
Ainsi, même si la loi Egalim avait des effets positifs pour quelques filières, ce qu'il faut ardemment souhaiter, il faut garder en mémoire que les montants de quelques revalorisations en grandes surfaces ne vont pas résoudre le problème plus global du revenu agricole en France.
Cela étant dit, le groupe de travail a souhaité étudier les effets de cette loi sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, de souligner ce qui fonctionne et a des résultats positifs pour nos agriculteurs et de repérer les effets pervers qu'elle pourrait avoir afin, au besoin, de proposer des ajustements.
C'est cette démarche constructive pour consolider le titre Ier d'une loi qui avait presque fait consensus sur le mécanisme qu'elle entendait mettre en place qu'a voulu suivre le groupe de suivi tout au long de son travail.
En résumé, analyser à froid et à moyen terme les effets de la loi afin de tout mettre en oeuvre pour qu'elle soit une réussite, au besoin en modifiant son contenu.
I. UNE AUGMENTATION DES PRIX POUR LE CONSOMMATEUR QUI NE SE RETROUVE PAS DANS LES REVENUS DES AGRICULTEURS
A. LA LOI EGALIM : APRÈS LA CASCADE, LE RUISSELLEMENT
L'encadrement des promotions et le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) pour les denrées alimentaires destinées à la revente en l'état aux consommateurs sont deux des engagements phares des États généraux de l'alimentation destinés à redonner une marge de rémunération suffisante aux producteurs.
Ces deux mesures entendent à la fois éviter que les produits alimentaires ne soient bradés dans le cadre de campagnes promotionnelles agressives, dans le but de leur redonner une valeur aux yeux des consommateurs, et augmenter la marge financière lors de la revente de certains produits par le distributeur, afin qu'elle permette à ce dernier de mieux rétribuer son fournisseur par péréquation des marges.
La grande distribution vend un produit à son prix d'achat effectif, à savoir ce qu'on appelle le « seuil de revente à perte » en deçà duquel elle ne peut aller, afin d'en faire un produit d'appel sur lequel elle accepte de perdre de l'argent compte tenu de ses frais fixes mais qui lui permet de proposer au consommateur d'autres produits plus margés.
Prise sur le fondement de l'article 15 de la loi Egalim, l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires a, par son article 2, affecté d'un coefficient de 1,10 le prix d'achat effectif des denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur.
Ce relèvement du seuil de revente à perte de 10 % ne signifie pas que la grande distribution va devenir bénéficiaire nette sur ces produits unitaires. En pratique, un produit est rentable pour la grande distribution dès lors qu'il couvre à la fois le prix d'achat effectif (ou seuil de revente à perte) et les frais de mise en distribution (logistique, stockage, mise en rayon...) qui sont estimés entre 20 et 30 % du prix d'achat effectif selon les distributeurs. Le relever de 10 % ne permet donc pas de couvrir l'ensemble des coûts de ces produits phares.
L'esprit de la loi Egalim était de permettre une meilleure redistribution vers les fournisseurs et, partant, les producteurs en incitant les distributeurs à réaliser une péréquation des marges.
En appliquant un SRP majoré de 10 % sur les produits d'appel dont l'élasticité-prix est plus faible que sur d'autres produits, la grande distribution bénéficie d'un surcroît de marges sur ces produits où elle avait l'habitude d'en perdre grâce à une légère inflation imposée au consommateur. Il serait donc moins nécessaire pour elle de dégager de la marge sur d'autres produits alimentaires (MDD et produits de PME notamment). Elle pourrait donc réduire sa marge sur ces derniers afin d'augmenter le prix d'achat de ces produits à ses fournisseurs qui pourraient, in fine , augmenter le retour aux agriculteurs.
Lors des débats, cet effet de « ruissellement » attendu allait de pair avec une construction du prix en « cascade ». Les prix des contrats agricoles passés entre un fournisseur et un producteur devaient tenir compte d'indicateurs de prix de marché et de coûts de production et être indiqués dans les contrats entre un fournisseur et un distributeur.
Si le distributeur ne prend pas suffisamment en compte les indicateurs mentionnés, sa responsabilité pour « prix abusivement bas » peut être engagée. L'ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l'action en responsabilité pour prix abusivement bas, prise sur le fondement de l'article 17 de la loi Egalim, a par ailleurs systématiser la faculté pour un fournisseur de produits agricoles ou de denrées alimentaires d'engager la responsabilité de l'acheteur s'il impose un tel prix. Auparavant, cette option n'était possible que dans des « situations de crise conjoncturelle 5 ( * ) ». En outre, le juge pourra fonder son jugement sur les indicateurs de coûts de production mentionnés dans l'ensemble des contrats.
Toutefois, le mécanisme n'assure pas en lui-même une obligation de prise en compte ou de couverture des coûts de production. D'une part, la construction des formules de prix demeurent, fort heureusement, du ressort de la pleine liberté contractuelle et l'équilibre d'un contrat s'apprécie au regard de toutes ses composantes. D'autre part, le rapport de force demeurant en faveur de la grande distribution et, sur certains produits, de certaines très grandes marques, la probabilité de porter à l'appréciation du juge la construction du prix dans un contrat est très faible, notamment compte tenu des risques de représailles commerciales.
En résumé : la loi Egalim ne garantit en rien à l'agriculteur un revenu couvrant au minimum son coût de revient.
Sur cet engagement, la seule garantie de la loi Egalim, c'est de proposer de conserver l'esprit des États généraux de l'alimentation où l'ensemble des acteurs s'étaient engagés à traiter la question du revenu agricole au regard du coût de revient.
Certains auditionnés ont fait état d'un état d'esprit qui pouvait perdurer, dans une vision optimiste, dans quelques filières mais qui pourrait avoir disparu dans d'autres.
Dans une vision plus pessimiste, certaines personnes entendues par le groupe de suivi regrettent que l'état d'esprit EGA n'ait pu être qu'un voile dissimulant la réelle ambition du mécanisme proposé dans la loi : donner de l'air à une grande distribution confrontée à une déconsommation tendancielle et résoudre des tensions concurrentielles entre grands distributeurs. Dans cette hypothèse, la question de la couverture du coût de revient de l'agriculteur apparaît lointaine.
Synthèse du mécanisme de péréquation selon le Gouvernement
Source : Autorité de la concurrence
Le seuil de revente à perte (SRP) Depuis l'article 1 er de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances pour l'année 1963, la revente à perte est interdite en France. Un commerçant ne peut donc pas revendre ou annoncer la revente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif. Cette mesure est au coeur de la protection des petits commerces face aux pratiques concurrentielles des grandes surfaces en contraignant leur faculté à recourir à des prix d'appel très bas sur certains produits pour faire entrer la clientèle dans leur magasin, ce qu'un petit commerçant ne peut se permettre de faire. Elle contribue aussi à protéger les producteurs dans la mesure où chaque distributeur exerce une pression à la baisse sur les prix payés à son fournisseur afin qu'il puisse aligner ses prix de vente sur ceux du distributeur vendant à perte. Le prix d'achat effectif constituant le seuil de revente à perte (SRP) en deçà duquel le commerçant n'est pas autorisé à fixer un prix de vente au consommateur, sa définition a fait l'objet de nombreuses discussions pour éviter toutes manoeuvres de contournement des grandes surfaces. Le seuil de revente à perte (SRP) est aujourd'hui défini à l'article L. 442-5 du code de commerce comme le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat minoré du montant des autres avantages financiers consentis par le vendeurs et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. Les « avantages financiers consentis par les vendeurs » correspondent aux « marges arrières », à savoir un système de remises différées versées par le fournisseur au distributeur pour services rendus ou pour de la coopération commerciale. La loi n° 96-588 du 1 er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi « Galland », avait exclu les rabais, remises, ristournes et autres avantages financiers de la définition du SRP. Cette interdiction avait eu un double effet sur les marges des distributeurs, dans la mesure où elle empêchait les prix de baisser tout en offrant aux distributeurs la possibilité de bénéficier de marges arrière. Dans le sillage de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite « Dutreil », qui donnait la possibilité aux distributeurs d'intégrer dans le seuil de revente à perte une partie des « marges arrières », la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi « Chatel », a intégré l'intégralité des « autres avantages financiers consentis par le vendeur » au SRP. L'article L. 442-5 (ancien L. 442-2) du code de commerce sanctionne le fait pour tout commerçant de revendre un produit à un prix inférieur au seuil de revente à perte tel que défini à ce même article d'une amende de 75 000 euros, voire à la moitié du montant de l'annonce publicitaire ayant servi de support à la communication d'un prix de vente inférieur au prix d'achat effectif. Une personne morale méconnaissant cet article encourt les sanctions prévues à l'article 131-39 du code pénal, notamment la dissolution et la fermeture définitive des établissements concernés. L'article L. 442-5 du code de commerce mentionne toutefois sept exceptions : - les ventes motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale ; - les produits saisonniers pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente ; - les produits qui sont obsolètes techniquement ou démodés ; - les produits, aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué à un prix plus bas ; - les produits alimentaires si dans une même zone d'activité un autre commerçant pratique des prix plus bas légalement ; - les produits dont la date de péremption expire prochainement ; - les produits soldés. Une autre exception existe pour les grossistes qui distribuent des produits à des professionnels indépendants puisqu'ils se voient appliquer un coefficient particulier de 0,9 au seuil de revente à perte normalement défini. |
* 1 Agreste
* 2 Rapport d'information n° 258 (2018/2019) fait au nom de la commission des affaires économiques par le groupe d'études « Agriculture et alimentation », sur la place de l'agriculture française sur les marchés mondiaux
* 3 Environ ¼ selon l'INSEE (Cinquante ans de consommation alimentaire : une croissance modérée, mais de profonds changements, octobre 2015)
* 4 Source : FranceAgrimer, évolution des dépenses alimentaires des ménages dans les circuits de distribution de 2008 à 2017, septembre 2018
* 5 Caractérisées, aux termes de l'article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, « lorsque le prix de cession de ces produits par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes, à l'exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé. »