N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur les enjeux de la mise en application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ,

Par MM. Hervé MAUREY et Didier MANDELLI,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Pascale Bories, MM. Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mmes Françoise Ramond, Esther Sittler, Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

LES CONCLUSIONS DE LA TABLE RONDE
SUR LES ENJEUX DE LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI POUR UN NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE

Un peu plus d'un an après sa promulgation, où en est la mise en oeuvre de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 28 juin 2018 ?

Au cours de la table ronde organisée sur ce thème mercredi 10 juillet 2019 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, plusieurs intervenants ont manifesté leurs inquiétudes concernant l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs . Certains acteurs (notamment les nouveaux entrants) ont identifié des barrières à l'entrée , s'agissant en particulier de la transmission de données. Une autre crainte s'est exprimée concernant l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure . Plusieurs intervenants ont en effet estimé que la nouvelle gouvernance du groupe SNCF
- telle que prévue par l'ordonnance de juin 2019 - méconnaissait l'esprit de la réforme, remettant en cause l'indépendance de SNCF Réseau, condition pourtant indispensable à l'ouverture du secteur à la concurrence.

En outre, les intervenants ont insisté sur l'importance de maintenir les dessertes utiles à l'aménagement du territoire 1 ( * ) . Le Sénat avait en effet introduit plusieurs dispositions lors de l'examen du projet de loi visant à préserver ces dessertes.

Enfin, d'autres interventions ont permis d'évoquer la nécessaire amélioration de la qualité de service du transport ferroviaire ainsi que le besoin de renforcer la sécurité du réseau .

Cette table ronde a permis de faire un point d'étape - à la suite du bilan d'application des lois du Sénat au 31 mars 2019 2 ( * ) - du respect de l'intention du législateur par les mesures d'application et de leurs conséquences concrètes pour les usagers, les salariés, les régions et les entreprises ferroviaires .

I. UNE INDISPENSABLE VIGILANCE QUANT À L'APPLICATION DU NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE

Avec près de 28 200 kilomètres de lignes ferroviaires exploitées en 2018 et plus de 2 800 haltes et gares ferroviaires desservies 3 ( * ) , la France dispose du deuxième plus grand réseau ferroviaire en Europe , derrière l'Allemagne. Le réseau ferré national (RFN) comporte 2 640 kilomètres de lignes à grande vitesse, ce qui en fait le deuxième réseau de lignes à grande vitesse d'Europe derrière l'Espagne.

81 % de la circulation sur le réseau est affectée au transport de voyageurs . En 2018, 1,35 milliard de passagers ont ainsi été transportés sur le réseau ferré national, avec un taux d'occupation moyen de 45 %.

Ce réseau constitue un véritable atout pour la mobilité dans l'ensemble des territoires et une réponse au défi environnemental actuel . Alors que le secteur des transports est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), le ferroviaire ne représentait en effet en 2017 que 1,8 % de la consommation d'énergie liée aux transports (contre 94,7 % pour le transport routier) 4 ( * ) .

Depuis 2014, le transport ferroviaire français a connu de nombreuses transformations . Dans un premier temps, la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire 5 ( * ) a conduit à la mise en place d'un groupe public ferroviaire composé d'un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) dit « de tête » et de deux Epic dits « filles » : SNCF Réseau, le gestionnaire d'infrastructure et SNCF Mobilités, en charge de l'exploitation des services de transport et de la gestion des gares.

La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire 6 ( * ) s'est inscrite dans le cadre d'une refonte plus globale des politiques de mobilité conduisant à faire du ferroviaire « la colonne vertébrale de l'offre de transports » 7 ( * ) . Elle visait notamment quatre objectifs :

- « faire évoluer la SNCF vers une organisation plus efficace et plus unifiée tout en maintenant le caractère public du groupe ;

- mettre en place un nouveau cadre pour l'emploi des salariés du ferroviaire ;

- améliorer la performance de la SNCF, notamment à travers un nouveau projet stratégique d'entreprise ;

- réussir l'ouverture des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence » 8 ( * ) .

Si le projet de loi ne comportait à l'origine presque que des habilitations à légiférer par ordonnance , de nombreuses modifications adoptées par le Sénat ont permis de l'enrichir et d'en préciser le contenu . La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat avait notamment veillé à préserver les dessertes TGV utiles à l'aménagement du territoire , à renforcer les garanties offertes aux salariés transférés et à poser les conditions d'une ouverture réussie à la concurrence .

À ce titre, Gérard Cornu, rapporteur du projet de loi, avait toutefois précisé qu'eu égard au nombre et à l'importance des sujets restant renvoyés à des ordonnances, « l'examen des mesures de ratification des ordonnances prises sur le fondement des habilitations [...] devra s'accompagner d'un débat de fond sur les choix retenus, afin d'examiner leur adéquation aux objectifs de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire national de voyageurs et, si nécessaire, de les modifier » 9 ( * ) .

La loi ainsi votée prévoyait la publication de décrets, d'ordonnances et la remise de rapports. Au moment du bilan réalisé au 31 mars 2019 à l'occasion du bilan annuel de l'application des lois du Sénat, 63 % des décrets prévus avaient été publiés, ainsi que 2 ordonnances. Depuis lors, de nouvelles mesures d'application ont été adoptées, notamment l'ordonnance relative à la gouvernance du groupe SNCF 10 ( * ) .

De ces mesures d'application dépend en grande partie la réussite de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. C'est à ce titre que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a organisé le mercredi 10 juillet 2019 une table ronde relative aux enjeux de la mise en oeuvre de la loi, en présence des principaux représentants des acteurs concernés :

- M. Marc Papinutti, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ;

- M. Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) ;

- M. Frédéric Saint-Geours, président du conseil de surveillance SNCF ;

- M. Claude Steinmetz, président de l'Association française du rail (AFRA) ;

- M. Philippe Tabarot, vice-président de la commission transports et mobilité de Régions de France et vice-président délégué aux transports, à l'intermodalité et aux déplacements de la région Sud.


* 1 Communiqué de presse, « Le Sénat met la réforme sur de bons rails », juin 2018 .

* 2 Rapport d'information n° 542 de Mme Valérie LÉTARD, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle n° 542 (2018-2019) - 4 juin 2019, p. 288.

* 3 Arafer, Le marché français du transport de voyageurs 2018 .

* 4 Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport édition 2019 .

* 5 Loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire .

* 6 Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire .

* 7 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs .

* 8 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs .

* 9 Rapport n° 494 (2017-2018) de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 mai 2018 .

* 10 Ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

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