N° 636
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2019 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la politique spatiale de l' Union européenne ,
Par MM. André GATTOLIN et Jean-François RAPIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, Mme Véronique Guillotin, M. Pierre Ouzoulias , vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert . |
AVANT-PROPOS
Madame, Monsieur
Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, a fait de la politique spatiale une politique européenne, en partage avec les États membres. L'article 189 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne énonce ainsi : « Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en oeuvre de ses politiques, l'Union élabore une politique spatiale européenne » .
Cette évolution était inévitable. L'entrée en phase d'exploitation des programmes spatiaux européens, le caractère de plus en plus stratégique de l'accès à l'espace, l'ampleur des investissements nécessaires et la vocation de la politique spatiale qui est d'être au service de tous les Européens sont autant de raisons pour un tel progrès.
La décennie écoulée depuis lors a vu Galileo et Copernicus s'imposer comme des réussites du savoir-faire européen dans le domaine spatial. Elle a aussi vu émerger de nouveaux acteurs, étatiques et privés, aux ambitions diverses et aux méthodes parfois novatrices. Ces nouveaux acteurs, le plus souvent non européens, sont venus bousculer en quelques années un secteur habitué au temps long et aux évolutions plus qu'aux révolutions.
On constate, aujourd'hui, que la compétition que se livrent les deux grandes puissances que sont les États-Unis et la Chine porte de plus en plus sur les technologies clés comme les technologies spatiales. L'Europe ne manque pas d'acteurs du meilleur niveau dans ce domaine, mais ils sont bousculés et contraints à se remettre en cause pour mieux repartir.
2019 est une année charnière pour le spatial européen. Elle va déterminer les grandes orientations pour les dix prochaines années, mettant en jeu la survie du secteur, tant la concurrence et les volontés hégémoniques d'autres acteurs accroissent la menace aujourd'hui. Les récentes difficultés rencontrées par le système de géolocalisation Galileo (interruption du service) et par le lanceur Vega (premier échec après quatorze lancements réussis) montrent que la voie est étroite.
Le présent rapport s'attache à présenter les grands enjeux auxquels l'Europe spatiale doit faire face et les réponses qu'elle peut y apporter. Il dessine aussi une ligne politique qui sera reprise dans une proposition de résolution européenne.
I. LE SECTEUR SPATIAL EUROPÉEN : COMPÉTITIF, COMPLEXE ET BOUSCULÉ
La politique spatiale n'est pas la plus connue des réussites européennes des vingt dernières années, mais certainement une des plus abouties. Ce succès s'appuie sur une organisation pourtant complexe qu'une concurrence accrue oblige à transformer.
A. DES RÉSULTATS PROBANTS EN DÉPIT D'UNE GOUVERNANCE COMPLEXE ET DE FAIBLES FINANCEMENTS
1. Les programmes spatiaux européens : une réussite technologique indéniable
Les grands programmes spatiaux européens que sont Galileo et Copernicus sont le résultat de vingt années de travail des acteurs européens du secteur spatial.
Galileo est le système de géolocalisation le plus précis au monde, reconnu comme bien plus performant que ses concurrents que sont le GPS américain, le Glonass russe et Beidou, le système chinois en cours de déploiement. Sa précision est d'environ un demi-mètre contre une dizaine pour le GPS et une centaine environ pour Beidou. Déployé à partir de 2011 et entré en fonction le 15 décembre 2016, Galileo s'appuie sur 26 satellites et des infrastructures au sol. Enfin, il est un système civil, contrairement au GPS, de nature militaire. Il s'avère interopérable avec les systèmes existants américain et russe. Les téléphones portables de dernière génération en sont équipés.
En complément de la présentation de Galileo, on peut évoquer, EGNOS qui, dans son acronyme anglais, signifie Service complémentaire européen de navigation par satellites géostationnaires. S'appuyant sur un ensemble de stations au sol, il améliore les performances des systèmes de géolocalisation par satellite en utilisant le principe du GPS différentiel, c'est à dire une correction des données par mesure de l'écart entre les données fournies par les satellites et les positions réelles connues. EGNOS améliore ainsi les performances du GPS, de Glonass et même de Galileo.
Copernicus , pour sa part, est un programme d'observation de la Terre unique au monde . Il présente déjà des résultats dans six domaines : la surveillance de l'atmosphère, du milieu marin, et des terres, le changement climatique, la gestion des urgences et les services liés à la sécurité. Les premiers satellites ont été lancés en 2014 et la qualité des résultats recueillis a conduit au recours aux données de Copernicus, en temps de crise comme aux États-Unis après le passage de l'ouragan Irma en septembre 2017 et en Indonésie, touchée par un tsunami consécutif à un tremblement de terre en décembre 2018. Le satellite Sentinel-5P, lancé en 2017 a depuis mis en exergue la pollution de l'air dans les grandes villes et sur les routes maritimes.
En 2014, à côté de ses deux programmes phares, l'Union européenne a établi un cadre de soutien à la surveillance de l'espace et au suivi des objets en orbite , auquel participent 11 États membres. Pour prévenir les risques de collision et de fragmentation dus aux rentrées atmosphériques non contrôlées et aux manoeuvres des satellites actifs, il est nécessaire d'identifier et de surveiller les satellites et les débris spatiaux. Ce programme de surveillance et de suivi de l'espace (SST pour Space surveillance and tracking ) s'appuie sur un réseau de senseurs au sol (radars, télescopes et stations lasers) ainsi que sur des capacités d'analyse et de traitement des données en provenance de ces senseurs et également des données américaines.
En outre, la Commission européenne a décidé, en décembre 2013, de se doter d'un programme de communications gouvernementales par satellites, baptisé Governmental Satellite Communications (GovSatCom) . Soutenu par l'Agence européenne de défense (AED) et l'Agence spatiale européenne, l'objectif de ce programme est de fournir, à l'horizon 2020, des services sécurisés de communication par satellite aux pays, organismes et opérateurs d'importance vitale de l'Union .
Parmi les réalisations européenne en matière spatiale, on peut également évoquer la sonde Rosetta, qui a déposé l'atterrisseur Philae sur la comète Churyumov-Gerasimenko dite « Chouri », ou encore la mission SEIS-Insight envoyé sur Mars afin d'étudier sa structure interne avec une technologie du Centre national d'études spatiales (Cnes). Enfin, l'UE participe aux expériences scientifiques menées sur la station spatiale internationale, l'ISS.
Ces réussites font dire à Jean-Yves Le Gall, le président du Cnes que l'Europe spatiale, ce sont « des prouesses scientifiques permanentes, qui permettent de maintenir les universitaires, les chercheurs, les industriels européens au meilleur niveau mondial » .
Vos rapporteurs saluent ces prouesses qui font de l'Europe la deuxième puissance spatiale au monde derrière les États-Unis.
2. L'Europe du spatial : des acteurs multiples et des financements plus faibles qu'ailleurs
a) Des acteurs obligés de coopérer
L'Europe du spatial repose sur plusieurs acteurs qui ont contribué aux succès évoqués. Elle s'est construite en parallèle de l'Union européenne sur la base de la coopération entre États .
En effet, la politique spatiale est en premier lieu, une politique nationale. Élément de souveraineté, elle nécessite l'appui d'une excellence scientifique dont peu disposent . C'est pourquoi, en Europe, seuls quelques pays ont un poids réel dans le secteur spatial. C'est le cas de la France avec le CNES, de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de l'Italie . Les pays du Benelux ont aussi développé certains talents en se spécialisant dans des niches ou des micro-secteurs. La Suède et la Norvège sont aussi présentes. L'Espagne et, dans une moindre mesure, le Portugal montrent des ambitions nouvelles dans le secteur.
LE CNES, AU CoeUR DES SUCCÈS SPATIAUX EUROPÉENS Le CNES est un établissement public créé le 19 décembre 1961. Il succède au Comité de recherche spatiale, fondé deux ans plus tôt. En pleine Guerre froide, la politique d'indépendance du Général de Gaulle implique pour la France de devenir une puissance spatiale, à côté des États-Unis et de l'URSS. Le décollage de Diamant A, premier lanceur français, le 26 novembre 1965, inscrit cette ambition dans la réalité. Dès son origine, le CNES a une vocation européenne et sera le moteur de l'Europe spatiale. Pendant vingt ans, il inventera les éléments indispensables à un programme spatial que sont les lanceurs, les satellites, un centre d'opération et un réseau de stations de contrôle. Il s'appuiera sur le développement, en parallèle d'une industrie spatiale dynamique. À partir des années 80, le CNES inscrit son action au sein de l'Agence spatiale européenne où il développe notamment le projet Ariane, dont le CNES finance les deux tiers et pour lequel il assume la direction industrielle. Le CNES est aujourd'hui un établissement public à caractère industriel et commercial. Il est chargé d'élaborer et de proposer au gouvernement français le programme spatial français et de le mettre en oeuvre. Il est placé sous la tutelle conjointe du ministère de la recherche et de celui des Armées. Le CNES est l'agence spatiale nationale la plus importante des pays de l'Union européenne. En 2018, le budget du CNES était de 2,438 milliards d'euros, en hausse de près de 5 % par rapport à 2017. Avec 38 à 39 euros par habitant par an, la France est le deuxième pays au monde (après les États-Unis) en termes d'investissement dans le spatial. Elle est le plus important contributeur de l'ESA, avec 965 millions d'euros en 2018. |
On notera, cependant, que les pays d'Europe de l'est pèsent très peu dans ce domaine . Historiquement, leur entrée dans l'Union européenne coïncide avec la montée en puissance de l'Union sur le spatial. C'est, en effet, à la fin des années 90 et au début des années 2000 que Galileo et Copernicus ont été lancés. En 2004, alors que l'Union signait un accord-cadre avec l'Agence spatiale européenne, elle s'élargissait à l'est en intégrant les anciens pays du bloc soviétique. Un certain nombre de ces pays sont, toutefois, membres de l'Agence spatiale européenne.
En effet, dès 1975, une organisation intergouvernementale était créée, l'Agence spatiale européenne (ESA) par une convention internationale. L'article 2 énonce que : « l'Agence a pour mission d'assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre États européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiales et de leurs applications spatiales » . Depuis la fin des années 90, l'ESA est devenu un acteur essentiel pour le développement des programmes spatiaux de l'Union européenne puisque c'est en son sein qu'ont été conçus Galileo et Copernicus, même s'ils sont des programmes de l'Union européenne financés par son propre budget.
Aux termes de la convention, l'ESA doit remplir quatre objectifs : élaborer et mettre en oeuvre une politique spatiale européenne à long terme en recommandant aux États membres des objectifs en matière spatiale ; élaborer et mettre en oeuvre des activités et des programmes dans le domaine du spatial ; coordonner le programme spatial européen et les programmes nationaux ; élaborer et mettre en oeuvre une politique industrielle appropriée à son programme.
L'ESA comprend 22 membres qui sont : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède, la République Tchèque et la Suisse. En outre, la Bulgarie, le Canada, Chypre, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, Malte et la Slovaquie ont des accords de coopération avec l'ESA et participent à certains de ses programmes.
Les activités obligatoires de l'ESA (programmes de sciences spatiales et budget général) sont financées par des contributions financières versées par tous les États membres et calculées en fonction du produit national brut de chacun. Pour 2019, l'agence dispose d'un budget de 5,72 Mds€. L'ESA mène en outre un certain nombre de programmes facultatifs, pour lesquels chaque pays décide s'il souhaite participer et à quelle hauteur.
Il convient également de mentionner Eumetsat, l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques, qui est une organisation intergouvernementale fondée en 1986 sur le modèle de l'ESA. Elle a pour objectif de développer et déployer des satellites pour fournir des images météo à ses États membres. Elle est désormais un fournisseur important de données et des services du programme Copernicus.
EUMETSAT EUMETSAT est l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques. Elle fut fondée en 1986. C'est une organisation intergouvernementale qui rassemble 30 États européens (26 États membres de l'Union - seuls Malte et Chypre n'y adhèrent pas - ainsi que la Suisse, la Norvège, l'Islande et la Turquie). Les services météorologiques de ces pays financent l'organisation, sur une base proportionnelle du revenu national brut de chaque État. Sa mission consiste à recueillir en continu des données satellitaires précises et fiables sur la météorologie, le climat et l'environnement et à les transmettre à ses États membres et coopérants, ainsi qu'à ses partenaires internationaux et à la communauté mondiale des utilisateurs. Pour cela, EUMETSAT exploite des systèmes de satellites météorologiques qui observent l'atmosphère, les océans et les terres émergées, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Les informations que l'agence fournit sont vitales pour la sécurité du transport aérien, maritime et routier, et essentielles pour de nombreux autres secteurs d'activité comme l'agriculture et la construction. EUMETSAT assure la mise en place, la maintenance et l'exploitation des systèmes européens de satellites météorologiques. Elle est responsable du lancement et des opérations des satellites, ainsi que de l'acheminement des données aux utilisateurs finaux. Elle exploite actuellement une flotte de 4 satellites géostationnaires réunis dans le programme METEOSAT et un satellite circumpolaire, METOP, lancé le 19 octobre 2006 et développé en collaboration avec l'Agence spatiale européenne. Le programme Jason assure pour sa part la surveillance des océans en mesurant notamment la taille des vagues, la vitesse des vents et la topographie de la surface des océans. EUMETSAT est un acteur essentiel dans le programme de l'Union européenne d'observation de la Terre, Copernicus. Elle fournit des données, des produits et des services de soutien aux services d'information et aux communautés d'utilisateurs de Copernicus, en mettant l'accent sur le milieu marin, l'atmosphère et le climat. EUMETSAT a commencé à préparer avec l'ESA les futurs systèmes de satellites géostationnaires et en orbite basse de la Terre qui assureront la fourniture et l'amélioration des observations à l'horizon 2020-2040. Les objectifs stratégiques d'EUMETSAT sont : 1. Fournir des services répondant aux besoins évolutifs des utilisateurs, grâce à l'intégration continue de la meilleure science et à des infrastructures et des opérations économiques 2. Optimiser la durée de vie des systèmes de satellites actuels pour assurer le meilleur retour sur investissement des États membres et une transition sûre vers les systèmes de nouvelle génération 3. Planifier, développer et déployer la prochaine génération de systèmes de satellites d'EUMETSAT pour assurer le meilleur bénéfice possible aux États membres 4. En partenaire de la politique spatiale européenne, établir et exploiter les missions Copernicus en synergie avec ses propres missions, au profit des États membres d'EUMETSAT et de l'UE 5. Coopérer avec d'autres opérateurs de satellites pour satisfaire des besoins supplémentaires des États membres 6. Élargir la communauté des utilisateurs de données, de produits et de services d'EUMETSAT au sein de ses États membres et des membres de l'Organisation météorologique mondiale 7. Être partie prenante des partenariats globaux pour la surveillance du temps, du climat et de l'environnement depuis l'espace 8. Améliorer continument les processus de management et de gestion des risques 9. Entretenir un capital humain constitué de femmes et d'hommes compétents, motivés et engagés Source : www.eumetsat.int. |
La montée en puissance de l'UE dans le spatial a connu une nouvelle étape avec le traité de Lisbonne qui, en 2009, fit de la politique spatiale un champ d'action partagée entre l'Union et ses États membres. L'Union européenne est devenue un acteur avec lequel il faut désormais compter : elle est le premier pourvoyeur de fonds de l'ESA, Galileo et Copernicus sont des programmes propres à l'Union et elle vient d'adopter un règlement unique pour le programme spatial 2021-2027, signe d'une ambition désormais affichée.
Face à cette multitude d'acteurs institutionnels, il y a peu d'acteurs privés dans le domaine, mais des acteurs de poids . En premier lieu, on trouve le fleuron européen Airbus, présent dans le spatial civil et militaire. Il s'agit aussi des industriels construisant des lanceurs (ArianeGroup et ArianeEspace et l'italien Avio pour le lanceur Vega) et surtout de l'industrie du satellite, au sein de laquelle on retrouve Airbus, mais aussi Thalès, Eutelsat et l'allemand OHB, ainsi que beaucoup de petites structures indépendantes ou sous-traitantes.
Cet écart entre un secteur privé consolidé (Airbus a rassemblé la quasi-totalité des constructeurs français, allemands et espagnols, et Thalès est né du rapprochement des anciens fleurons français Alcatel, Thomson CSF et Dassault électronique) et un secteur public à plusieurs têtes n'est pas sans poser question. L'industrie demande régulièrement une simplification de la gouvernance de la politique spatiale en Europe, là où les États, qui restent les vrais ordonnateurs, sont plus réticents à transférer leur pouvoir.
b) Un soutien institutionnel à renforcer
L'Union européenne a fait le choix de favoriser le marché au détriment d'un soutien consolidé à l'industrie spatiale. On constate aujourd'hui les conséquences d'une telle orientation. Certes les entreprises européennes développent les technologies les plus performantes et gagnent des marchés, mais le spatial européen dans son ensemble perd du terrain face aux États-Unis et à la Chine , qui ont adopté une stratégie toute différente.
Ces pays ont effectué les deux tiers des 114 lancements dans le monde en 2018 . La Chine en a effectué 39 et les États-Unis 34, contre seulement 11 pour l'Europe. Surtout, les deux grandes puissances ont apporté un soutien institutionnel important à ces lancements, leur assurant un débouché commercial certain : 95 % des lancements en Chine et 56 % des lancements aux États-Unis ont été des lancements institutionnels. Une telle commande n'existe pas en Europe : le budget des lancements institutionnels aux États-Unis est de 5 milliards de dollars par an, soit environ 4,4 Mds€. Le soutien européen est, en comparaison, très faible : en moyenne 0,3 à 0,5 Mds€ par an. Ce que déplore, le PDG d'ArianeEspace, Stéphane Israël.
Le soutien américain va même encore plus loin. Les vols institutionnels effectués par Space°X sont payés plus chers par le gouvernement américain que les lancements que l'entreprise propose sur le marché. Cela lui permet évidemment de pratiquer des prix de marché très bas tout en étant assurée de ne pas perdre d'argent. En comparaison, Ariane doit être intégralement fabriquée en Europe, où les coûts de fabrication sont plus élevés qu'ailleurs. On évoque un coût supérieur de 25°% par rapport à Space°X.
L'Union européenne ne doit pas rester naïve. Si elle veut conserver son industrie aéronautique et spatiale, elle doit la soutenir. Pour vos rapporteurs, une préférence européenne dans le choix des lanceurs doit être mise en place .