Rapport d'information n° 73 (2018-2019) de Mme Jacky DEROMEDI et M. Yves DÉTRAIGNE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 octobre 2018
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LISTE DES PROPOSITIONS
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AVANT-PROPOS
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I. FAIRE DAVANTAGE CONFIANCE AUX COMMUNES QUI
SOUHAITENT UTILISER DES MACHINES À VOTER
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A. LE MORATOIRE DE 2008 : LA MORT
PROGRAMMÉE DES MACHINES À VOTER ?
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1. Des communes peu nombreuses à utiliser
des machines à voter, mais totalement satisfaites
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a) Le fonctionnement des machines à
voter
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b) De nombreuses règles pour
sécuriser les machines à voter
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c) Des communes utilisatrices pleinement
satisfaites
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(1) Des gains de temps indéniables
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(2) La suppression des bulletins nuls
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(3) Des efforts de pédagogie auprès
des électeurs
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(4) Aucun impact sur le taux de participation ou
sur les résultats
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a) Le fonctionnement des machines à
voter
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2. Le statu quo, ou la mort programmée des
machines à voter
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1. Des communes peu nombreuses à utiliser
des machines à voter, mais totalement satisfaites
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B. REDONNER LA LIBERTÉ AUX COMMUNES POUR
UTILISER DES MACHINES À VOTER
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A. LE MORATOIRE DE 2008 : LA MORT
PROGRAMMÉE DES MACHINES À VOTER ?
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II. SÉCURISER LE VOTE PAR INTERNET POUR LES
FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
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A. LE VOTE PAR INTERNET, UN DISPOSITIF ESSENTIEL
POUR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
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B. L'ABANDON DU VOTE PAR INTERNET POUR LES
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE 2017
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C. LA SÉCURISATION DU VOTE PAR INTERNET, UN
IMPÉRATIF DÉMOCRATIQUE
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A. LE VOTE PAR INTERNET, UN DISPOSITIF ESSENTIEL
POUR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
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I. FAIRE DAVANTAGE CONFIANCE AUX COMMUNES QUI
SOUHAITENT UTILISER DES MACHINES À VOTER
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES,
DÉPLACEMENTS ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
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ANNEXE N° 1 -
HISTORIQUE DE L'UTILISATION DES MACHINES À VOTER EN FRANCE
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ANNEXE N° 2 -
LISTE DES 66 COMMUNES UTILISANT DES MACHINES À VOTER
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ANNEXE N° 3 -
LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
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ANNEXE N° 4 -
ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE SUR LE VOTE ÉLECTRONIQUE
N° 73
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 octobre 2018 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le vote électronique ,
Par Mme Jacky DEROMEDI et M. Yves DÉTRAIGNE,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled . |
LISTE DES PROPOSITIONS
FAIRE DAVANTAGE CONFIANCE AUX COMMUNES
Proposition n° 1 : Mettre un terme au moratoire de 2008 pour : - sécuriser la situation des communes qui utilisent les machines à voter et agréer une nouvelle génération d'appareils ; - permettre à de nouvelles communes de s'équiper, sur la base du volontariat. Proposition n° 2 : Créer un groupe de travail tripartite pour améliorer la sécurisation des machines à voter, en réunissant le ministère de l'intérieur, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et les communes utilisatrices. Proposition n° 3 : Durcir les conditions d'agrément des nouvelles machines à voter, notamment en révisant le règlement technique de 2003, et sécuriser l'opération de paramétrage des appareils. Proposition n° 4 : Inciter les communes utilisatrices à renouveler leur parc de machines à voter, au besoin à l'aide d'une subvention de l'État.
SÉCURISER LE VOTE PAR INTERNET
Proposition n° 5 : Garantir l'organisation du vote par Internet pour les élections consulaires de 2020, notamment en : - augmentant le nombre de tests grandeur nature (TGN) et en les organisant avec suffisamment d'anticipation pour corriger les difficultés constatées ; - s'appuyant sur la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) pour renforcer le pilotage du projet. Proposition n° 6 : Préparer le vote par Internet pour les élections législatives de 2022 en : - renforçant les moyens alloués à sa sécurisation ; - rationalisant la procédure d'achat de la plateforme de vote, notamment en organisant un dialogue compétitif pour mieux définir les exigences d'ergonomie et de sécurité et en lançant la procédure de mise en concurrence plus en amont. Proposition n° 7 : Sécuriser l'identification des électeurs participant au vote par Internet en créant une véritable identité numérique, le cas échéant à partir d'outils biométriques. Proposition n° 8 : Prévoir l'obligation pour le Gouvernement de consulter l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) avant, le cas échéant, d'annuler le recours au vote par Internet. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Consacré par l'article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum », le droit de vote constitue la pierre angulaire de notre démocratie.
Universel, égal et secret, ce droit est exercé par « tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques », auxquels s'ajoutent les citoyens de l'Union européenne pour les élections municipales et européennes.
Le bulletin de vote, l'enveloppe, le passage dans l'isoloir et l'urne transparente garantissent la sincérité du scrutin mais font également partie d'un rituel républicain forgé depuis la fin du XIX e siècle.
Aussi le vote électronique fait-il débat : progrès technologique inéluctable pour les uns, source de risques inutiles pour les autres, son utilisation reste résiduelle.
En réalité, l'expression « vote électronique » recouvre deux dispositifs bien différents : les machines à voter , utilisées par soixante-six communes françaises pour l'ensemble des élections politiques, et le vote par Internet , ouvert à nos compatriotes établis hors de France pour les élections législatives et consulaires.
Évaluer les machines à voter et le vote par Internet suppose de répondre à au moins deux questions. Quels sont leurs apports pour la vie démocratique ? Respectent-ils les trois exigences d'un scrutin : sincérité, secret et sécurité ?
Votre commission a examiné ces questions dès 2014, avec la publication d'un rapport intitulé : « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs » 1 ( * ) .
Notre collègue Antoine Lefèvre et notre ancien collègue Alain Anzani, rapporteurs, recommandaient, en premier lieu, de maintenir le moratoire de 2008 sur les machines à voter et donc d'interdire à de nouvelles communes d'acquérir ce type d'appareils. Ils proposaient, en second lieu, de conserver le vote par Internet pour les seuls Français de l'étranger tout en renforçant les exigences de sécurité.
Quatre ans plus tard, la donne a changé, tant pour les machines à voter que pour le vote par Internet.
D'une part, les actuelles machines à voter sont proches de l'obsolescence, le moratoire de 2008 ayant ralenti - voire annihilé - les efforts de modernisation ; les communes utilisatrices craignent ainsi l'abandon d'appareils qui leur donne entière satisfaction.
D'autre part, le recours au vote par Internet a été abandonné pour les élections législatives de 2017, au détriment de nos compatriotes de l'étranger qui ont souvent dû parcourir de nombreux kilomètres pour se rendre dans un bureau de vote.
Dès lors, la mission d'information s'est interrogée sur l'opportunité de maintenir les dispositifs de vote électronique et, le cas échéant, sur les moyens à mettre en oeuvre pour les sécuriser. En dix mois, elle a organisé vingt-trois auditions, entendu quarante-quatre personnes et effectué quatre déplacements au Havre, à Mandelieu-la-Napoule (communes utilisant des machines à voter), en Suisse et en Estonie (pays recourant au vote par Internet).
Pour vos rapporteurs, il appartient à chaque commune de choisir d'utiliser, ou non, des machines à voter, au prix d'un encadrement technique accru. De même, sans modifier le périmètre du vote par Internet, sa réouverture pour les seuls Français de l'étranger constitue un impératif démocratique, l'État devant se donner les moyens de sécuriser sa plateforme de vote en ligne.
I. FAIRE DAVANTAGE CONFIANCE AUX COMMUNES QUI SOUHAITENT UTILISER DES MACHINES À VOTER
La France fêtera dans quelques mois les cinquante ans de l'introduction des machines à voter dans ses bureaux de vote 2 ( * ) . L'article L. 57-1 du code électoral dispose ainsi que « des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes ». Il s'agit d'une simple faculté pour les municipalités, non d'une obligation, qui est de surcroît subordonnée à l'accord du préfet.
Initialement réservée aux seules communes de plus de 30 000 habitants, cette faculté a été élargie en 1989 à toutes les communes de plus de 3 500 habitants 3 ( * ) .
Le recours aux machines à voter demeure toutefois marginal : au 1 er janvier 2018, seules soixante-six communes en utilisent 4 ( * ) .
Depuis 2008 , le périmètre de ces communes est gelé par un moratoire : les préfets n'autorisent plus de nouvelles communes à s'équiper de machines à voter .
A. LE MORATOIRE DE 2008 : LA MORT PROGRAMMÉE DES MACHINES À VOTER ?
1. Des communes peu nombreuses à utiliser des machines à voter, mais totalement satisfaites
Sans pouvoir dresser une typologie des soixante-six communes utilisant des machines à voter, vos rapporteurs tirent trois constats :
- les deux tiers de ces communes sont situées dans huit départements : les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, le Morbihan, la Seine-et-Marne, la Loire-Atlantique, l'Hérault, le Nord et le Val-de-Marne. On constate également une forte concentration des machines à voter en Île-de-France , avec vingt-trois communes utilisatrices ;
- pour l'essentiel, il s'agit de communes de moyenne ou de petite taille : Villenoy en Seine-et-Marne, Thiez en Haute-Savoie, Meylan en Isère, Valbonne dans les Alpes-Maritimes, etc . ;
- aucune commune d'outre-mer n'y a recours.
Au total, les machines à voter concernent 1 421 bureaux de vote et 1,39 million d'électeurs (soit 3 % du corps électoral) 5 ( * ) .
Répartition régionale des communes utilisant des machines à voter (au 1 er janvier 2018)
Source : commission des lois du Sénat
a) Le fonctionnement des machines à voter
Lorsque l'électeur se présente au bureau de vote, les opérations électorales débutent de la même manière que pour le vote papier . Le président du bureau de vote et ses assesseurs procèdent au contrôle de l'identité du votant, vérifient qu'il est inscrit sur la liste électorale de la commune et qu'il se présente dans le bon bureau de vote.
La suite des opérations diffère : aucune enveloppe ni aucun bulletin de vote papier n'est remis à l'électeur. Prenant son tour dans une éventuelle file d'attente, l'électeur se présente devant la machine à voter, avec l'autorisation du président du bureau de vote .
Seul le votant fait face à la machine, afin de garantir le secret du vote , même en l'absence d'isoloir au sens strict du terme.
Configuration d'un bureau de vote équipé d'une machine à voter
Source : mairie de Mulhouse
Le président du bureau de vote autorise l'électeur à voter, après avoir ouvert l'urne électronique 6 ( * ) .
Des boutons de vote sont situés immédiatement en dessous des bulletins physiques de la « planche de vote ». Une fois l'urne ouverte, l'électeur presse le « bouton de vote » de son choix.
Le choix de l'électeur s'affiche sur un écran à cristaux liquides, que lui seul peut voir. L'électeur peut, au choix, corriger ou valider définitivement son vote.
Exemple d'une machine à voter (commune de Mandelieu-la-Napoule)
Source : commission des lois du Sénat
Une fois le vote validé, le président du bureau de vote annonce que l'électeur « a voté » et referme l'urne électronique.
Le nombre de votants est consultable à tout moment. À la clôture du bureau de vote, l'urne est définitivement fermée et les résultats sont imprimés sur un « ticket de dépouillement » 7 ( * ) .
D'après les informations recueillies par vos rapporteurs, une machine à voter coûte en moyenne 5 500 euros, somme à laquelle il faut ajouter un coût annuel de maintenance d'environ 200 euros .
b) De nombreuses règles pour sécuriser les machines à voter
Pour garantir la sincérité du vote , l'article L. 57-1 du code électoral fixe huit critères préalables à l'utilisation d'une machine à voter.
Les critères de sécurisation des machines à voter Conformément à l'article L. 57-1 du code électoral, les machines à voter doivent : - comporter un dispositif qui soustrait l'électeur aux regards pendant le vote ; - permettre aux électeurs handicapés de voter de façon autonome ; - autoriser le déroulement de plusieurs élections de type différent le même jour (« double scrutin ») ; - permettre l'enregistrement d'un vote blanc ; - interdire l'enregistrement de plus d'un seul suffrage par électeur et par scrutin ; - totaliser le nombre des votants sur un compteur , qui peut être lu pendant les opérations de vote ; - comptabiliser les suffrages obtenus par les candidats ainsi que les votes blancs, sur des compteurs qui ne peuvent être lus qu'après la clôture du scrutin ; - n'autoriser l'accès aux résultats qu'à l'aide de deux clefs différentes , l'une étant remise au président du bureau de vote, l'autre à un assesseur tiré au sort. |
En outre, les machines à voter doivent être agréées par arrêté du ministère de l'intérieur, après un contrôle effectué par le Bureau Veritas , bureau accrédité par le comité français d'accréditation (COFRAC).
Les critères à respecter sont fixés par le règlement technique de 2003 8 ( * ) , qui définit 114 exigences : « les machines à voter doivent pouvoir être bloquées à la déclaration de clôture du scrutin par le président du bureau de vote » (exigence 16), « les résultats et les informations nécessaires à l'édition du procès-verbal, dont les heures d'ouverture et de clôture du scrutin, doivent pouvoir être visualisés et imprimés » (exigence 19), etc .
Depuis 2003, seuls trois modèles de machines à voter ont été agréés 9 ( * ) :
- le modèle « ESF1 », fabriqué par la société néerlandaise NEDAP et commercialisé par France Élection. Ce modèle est aujourd'hui le plus répandu : soixante-et-une communes l'utilisent, pour un total d'environ 1,3 million d'électeurs inscrits sur les listes électorales ;
- le modèle « iVotronic » de la société américaine Election Systems & Software (ES & S), distribué par l'entreprise Berger Levrault (trois communes pour environ 65 000 inscrits) ;
- le modèle « Point et Vote » de la société espagnole Indra Sistemas (deux communes pour environ 35 000 inscrits).
Des précautions sont également prises au cours du processus électoral .
Ainsi, les machines à voter fonctionnent en autonomie complète. Elles ne sont pas reliées entre elles par un réseau ( wifi ou bluetooth ) et ne font pas appel à Internet, ce qui constitue une première protection . Cette garantie permet de se prémunir contre toute cyberattaque, même si des risques perdurent au moment de la programmation de l'équipement (voir infra ).
De même, des appareils comme les clefs USB ou les cartes mémoires ne peuvent pas être branchés aux machines à voter, qui ne possèdent pas de ports dédiés.
L'intégrité des machines est garantie par des règles de protection physique . Conformément à la circulaire du 14 février 2017 du ministre de l'intérieur 10 ( * ) , elles sont stockées dans un local sécurisé . Seules les personnes habilitées peuvent y accéder, leur présence étant consignée dans un registre d'accès.
De même, les opérations de programmation des machines à voter sont réalisées en présence des candidats à l'élection ou de leurs délégués . Concrètement, il s'agit de vérifier la bonne coordination entre le bouton de vote (« je vote pour le candidat Y ») et le décompte des voix (« le candidat Y obtient, en conséquence, une voix supplémentaire »).
Une fois que la machine à voter est paramétrée, les agents de la commune apposent des scellés numérotés sur l'appareil, dont les règles de fonctionnement ne peuvent plus être modifiées d'ici le scrutin . La référence de chaque machine et de chaque scellé est enregistrée puis notifiée à la préfecture.
En outre, la circulaire du 14 février 2017 rappelle certains principes d'organisation : un bureau de vote ne peut comporter qu'une seule machine à voter ; l'appareil doit n'être visible que de l'électeur qui se prononce, etc .
Enfin, toutes les communes utilisatrices possèdent des machines à voter de secours , mises en service en cas de défaillance de l'un de leurs appareils 11 ( * ) . À titre d'exemple, la ville de Rosny-sous-Bois (23 000 électeurs inscrits) possède trois machines de secours qu'elle peut mobiliser à tout moment dans l'un de ses vingt-sept bureaux de vote.
D'après le ministère de l'intérieur, l'application de cette circulaire n'a causé aucune difficulté particulière lors de l'élection présidentielle et des élections législatives de 2017 12 ( * ) .
Un seul incident a été identifié à Issy-les-Moulineaux lors du second tour de l'élection présidentielle de 2017 : un bureau de vote équipé d'une machine à voter a ouvert avec quelques minutes retard. Si ce retard a fait l'objet d'une large couverture médiatique, il n'était pas imputable au dispositif en lui-même, mais à une erreur humaine.
c) Des communes utilisatrices pleinement satisfaites
Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont largement recueilli l'avis des communes qui utilisent les machines à voter .
Ils ont entendu en audition l'Association des villes pour le vote électronique (AVVE) 13 ( * ) ainsi que des représentants des communes d'Issy-les-Moulineaux, de Rosny-sous-Bois et de Villeneuve-le-Roi. Ils se sont également rendus au Havre et à Mandelieu-la-Napoule pour tester ces appareils et mieux comprendre leur mode de fonctionnement.
Les représentants de toutes les communes entendus se déclarent pleinement satisfaits par les machines à voter et défendent leur maintien .
D'après un sondage commandé par l'AVVE, 85 % des habitants des communes utilisatrices seraient favorables aux machines à voter 14 ( * ) .
L'exemple de la commune de Mandelieu-la-Napoule 15 ( * ) Depuis 2005, Mandelieu-la-Napoule (18 506 électeurs inscrits) a équipé l'ensemble de ses 20 bureaux de vote d'une machine à voter. Elle a recours aux appareils « ESF1 » fabriqués par la société néerlandaise NEDAP. La commune suit l'ensemble des préconisations de la circulaire du 14 février 2017. À titre d'exemple, « les machines à voter sont maintenues dans un local sécurisé [de l'Hôtel de ville], fermé à clé et accessible uniquement par le personnel du service des élections. Toutes les entrées et sorties du local sont consignées dans un registre ». En treize ans, les machines à voter de Mandelieu-la-Napoule n'ont provoqué aucun incident notable . D'après la commune, « des différences entre les émargements et le nombre de votants ont été constatées mais cela reste minime (une personne oublie de signer) et c'est le genre d'erreurs classiques aussi en vote papier ». La commune s'estime totalement satisfaite par ses machines à voter et a exprimé son souhait de les conserver. |
(1) Des gains de temps indéniables
Lors de son audition, l'Association des villes pour le vote électronique (AVVE) a particulièrement insisté sur l'un des avantages des machines à voter : elles génèrent un gain de temps non négligeable .
Les besoins de manutention sont moins nombreux et moins chronophages : aucun isoloir n'est nécessaire ; toutes les problématiques liées à l'approvisionnement des bulletins de vote papier disparaissent et des économies de papier sont réalisées.
La « planche de vote » des machines à voter comprend d'ailleurs le nom de tous les candidats, alors que les plus modestes d'entre eux n'ont parfois pas les moyens de distribuer leurs bulletins de vote dans l'ensemble des bureaux de vote de la circonscription.
Le recours aux machines à voter permet, en outre, d'accélérer le décompte et la centralisation des résultats .
À la clôture du bureau de vote, il n'est pas nécessaire de faire appel à des scrutateurs pour compter les enveloppes, les répartir entre les tables de dépouillement, comptabiliser les résultats par candidat, etc .
Grâce aux machines à voter, toutes ces opérations sont réalisées en quelques minutes : le président du bureau de vote et un assesseur tiré au sort insèrent leur clé électronique dans la machine ; un « ticket de dépouillement » indique les résultats du scrutin , qui sont ensuite transmis à la préfecture.
(2) La suppression des bulletins nuls
Alors que la gestion des bulletins nuls représente l'un des aspects les plus chronophages du dépouillement papier, les machines à voter empêchent de rendre nul un bulletin.
En effet, il est impossible d'ajouter des inscriptions sur le bulletin, de rayer un élément, d'insérer plusieurs bulletins dans une même enveloppe, etc 16 ( * ) .
La gestion des bulletins nuls (vote papier) Aux termes de l'article L. 66 du code électoral, sont nuls : « les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers ». Au total, il existe quatorze cas de nullité pour un bulletin de vote papier. Chaque bulletin nul doit être annexé au procès-verbal du bureau de vote , qui précise également les éventuels désaccords entre les scrutateurs concernant la nullité d'un bulletin. |
Durant leurs auditions, vos rapporteurs se sont d'ailleurs vus rappeler les manoeuvres frauduleuses utilisées pour rendre nul un bulletin de vote papier. À titre d'exemple, des scrutateurs peuvent utiliser une mine de crayon cachée pour faire apparaître un signe distinctif sur le bulletin ou déchirer ce dernier.
(3) Des efforts de pédagogie auprès des électeurs
Les communes font preuve de pédagogie pour faciliter l'appropriation des machines à voter par les électeurs, y compris pour les personnes peu habituées aux nouvelles technologies.
Les électeurs sont, dans la quasi-totalité des communes, destinataires d'un courrier leur présentant le fonctionnement des machines à voter . Certaines communes organisent même des ateliers de formation pour les personnes qui le souhaitent.
Le jour du scrutin, des affiches apposées à l'entrée du bureau de vote rappellent la marche à suivre. En cas de difficulté, le président du bureau de vote rappelle à chacun le mode de fonctionnement des machines à voter.
Enfin, un bouton de vote est spécifiquement destiné aux personnes à mobilité réduite ainsi qu'aux non-voyants.
(4) Aucun impact sur le taux de participation ou sur les résultats
L'utilisation de machines à voter ne semble pas avoir d'influence sur le taux de participation . En d'autres mots, le mode de comptabilisation des votes n'a pas d'impact significatif sur le comportement des électeurs.
Lors de l'élection présidentielle de 2017, l'écart entre le taux de participation des communes équipées en machines à voter et le taux moyen de participation dans leur département n'était pas significatif : sur les soixante-six communes utilisatrices, l'écart à la moyenne départementale était de - 1,37 % au premier tour et de - 1,31 % au second tour 17 ( * ) .
L'exemple de la commune d'Antibes est particulièrement éclairant en la matière.
L'exemple de la commune d'Antibes La commune d'Antibes laisse coexister les machines à voter dans certains bureaux de vote et le vote papier dans d'autres . Ce choix a été opéré pour démontrer que les machines à voter n'influaient pas sur la participation électorale et qu'elles pouvaient être étendues, à terme, à de nouveaux bureaux de vote. Scrutin après scrutin, la commune augmente le nombre de bureaux de vote équipés d'une machine à voter : en 2005, elle comptait 10 appareils, puis 15 lors des élections européennes de 2009 et des élections régionales de 2010, 12 lors des élections cantonales de 2011 et 20 lors de l'élection présidentielle et des élections législatives de 2012. À Antibes, les machines à voter concernent 15 848 électeurs inscrits, sur un total de 52 598. Aucun différentiel de participation n'est constaté entre les bureaux de vote « traditionnels » et ceux qui comptent une machine à voter . |
2. Le statu quo, ou la mort programmée des machines à voter
a) Le moratoire de 2008 : geler l'utilisation des machines à voter
Dès leur introduction, les machines à voter ont suscité certaines réticences , notamment parce que les voix des électeurs sont décomptées de manière électronique et non manuelle. Comme l'indique le ministère de l'intérieur, « il est extrêmement facile pour n'importe quel citoyen mal intentionné de jeter le discrédit sur des opérations de vote effectuées sur machine compte tenu de l'impossibilité de recompter manuellement les bulletins de vote » 18 ( * ) .
De même, les machines à voter remettraient en cause le « rituel républicain », comme l'ont souligné deux spécialistes du vote auditionnés par vos rapporteurs, MM. Gilles Guglielmi et Gilles Toulemonde. Le président du bureau de vote prononce, certes, le traditionnel « a voté » mais l'électeur ne passe pas par l'isoloir et ne peut plus contribuer au dépouillement en tant que scrutateur.
Des exemples étrangers ont également alerté les autorités françaises : à Schaerbeek (Belgique), une erreur dans le paramétrage d'une machine à voter a faussé le scrutin en 2003, un candidat recueillant plus de voix que le nombre de suffrages exprimés. De même, les Pays-Bas n'utilisent plus de machines à voter depuis 2006, l'Irlande depuis 2009 19 ( * ) .
En France, un moratoire sur l'implantation des machines à voter est mis en oeuvre depuis l'élection présidentielle et les élections législatives de 2007.
Certes, les machines à voter n'ont subi aucun incident technique.
Le ministère de l'intérieur a toutefois constaté des difficultés d'usage , avec des files d'attente parfois longues devant les machines à voter 20 ( * ) et des problèmes d'organisation des bureaux de vote.
Quatre communes ont ainsi renoncé à utiliser des machines à voter entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2007 (Ifs, le Perreux-sur-Marne, Noisy-le-Sec et Saint-Malo).
Pour ce même scrutin, le Conseil constitutionnel a souligné que « l'usage des machines à voter a posé des problèmes, plus particulièrement au premier tour. Il a pu contribuer à la formation de files d'attente excessives . Leur utilisation [...] se heurte aussi à une résistance psychologique qu'il convient de prendre en compte. Ces difficultés ont cependant été moins importantes au second tour qu'au premier, ce qui montre qu'un apprentissage est possible et que les bureaux de vote gagnent à s'organiser » 21 ( * ) .
En conséquence, le ministère de l'intérieur a créé un groupe de travail en septembre 2007 pour s'interroger sur l'avenir des machines à voter. Cette expertise associait notamment des représentants du Conseil d'État, du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, des collectivités territoriales et de la société civile.
Selon le groupe de travail, les logiciels de configuration constituent la principale faiblesse des machines à voter .
L'État agrée, en effet, les machines à voter au moment de leur fabrication. À l'inverse, il ne contrôle pas les logiciels de programmation, qui sont développés par des sociétés privées et implantés dans les appareils avant chaque scrutin. Dès lors, ces logiciels peuvent être piratés en amont du scrutin et fausser les résultats.
b) Le moratoire de 2008, un compromis aujourd'hui daté
Prenant acte des conclusions du groupe de travail, le Gouvernement a mis en place un moratoire en 2008 : les préfets n'autorisent plus de nouvelles communes à s'équiper de machines à voter, dans l'attente de l'élaboration d'un nouveau cadre juridique et technique .
À l'inverse, les communes déjà équipées peuvent continuer à utiliser leurs machines . Juridiquement, elles sont également autorisées à en acheter de nouvelles, soit pour remplacer d'anciennes machines, soit pour équiper d'autres bureaux de vote.
Le ministère de l'intérieur concède toutefois que le « moratoire n'est pas particulièrement précis sur ce point » . En pratique, les communes ne renouvellent pas leur parc, craignant que le Gouvernement n'interdise les machines à voter à moyen terme.
Comme l'ont constaté notre collègue Antoine Lefèvre et notre ancien collègue Alain Anzani, la mise en oeuvre de ce moratoire se justifiait totalement en 2008 22 ( * ) . Il constituait un compromis entre les inquiétudes soulevées par la nouvelle génération de machines à voter et la volonté des communes utilisatrices d'amortir leurs investissements.
Appliqué depuis 2008 par tous les gouvernements successifs, le moratoire produit néanmoins des effets pernicieux .
L'État n'ayant pas agréé de nouveaux modèles de machines à voter depuis plus de dix ans, les appareils utilisés sont proches de l'obsolescence . À titre d'exemple, ils fonctionnent toujours sous windows 95 , alors que ce logiciel n'est plus mis à jour depuis de nombreuses années.
D'après France Élection 23 ( * ) , la maintenance des actuelles machines à voter pourrait devenir beaucoup plus difficile d'ici quatre à cinq ans, certains composants (comme les écrans à cristaux liquides par exemple) n'étant plus produits.
Paradoxalement, le moratoire de 2008 a conduit à ralentir - voire à annihiler - le processus de fiabilisation et de sécurisation des machines à voter . Comme le souligne l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), « le maintien à long terme du moratoire est sans doute la pire des solutions : les machines acquises avant 2008 continuent à être utilisées, sans jamais être mises à jour ».
Certes, les industriels ont poursuivi leurs efforts de recherche et développement en fabriquant des machines à voter de nouvelle génération , que vos rapporteurs ont pu tester lors de leur déplacement au Havre le 5 février 2018. Les améliorations apportées sont d'ailleurs nombreuses, notamment sur le plan ergonomique : des touches de vote digitalisées offrent davantage de visibilité aux électeurs.
En l'état du droit, l'utilisation de ces nouvelles machines est toutefois interdite, l'État ne souhaitant pas agréer de nouveaux modèles pendant le moratoire.
Machines à voter de nouvelle génération (non agréées par l'État)
Source : France Élection
Il semble donc urgent d'opérer un choix politique clair : interdire définitivement les machines à voter ou, au contraire, assurer leur maintien et donc leur modernisation.
B. REDONNER LA LIBERTÉ AUX COMMUNES POUR UTILISER DES MACHINES À VOTER
1. L'avenir incertain des machines à voter
À ce stade, l'avenir des machines à voter reste incertain.
En septembre 2017, le ministère de l'intérieur a fait part de sa volonté de les interdire 24 ( * ) . Interrogée par vos rapporteurs, sa direction de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) a toutefois rappelé qu'il ne s'agissait que d'une proposition.
Parallèlement, Mme Jacqueline Gourault, alors ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, a déclaré devant le Sénat que « le Gouvernement réexaminera le cadre applicable aux machines à voter , y compris pour ce qui concerne l'homologation et l'autorisation de nouveaux modèles » 25 ( * ) .
Lors des auditions de vos rapporteurs, les communes utilisatrices ont regretté ce manque de clarté mais également une absence de dialogue : le Gouvernement n'a engagé aucune concertation sur le maintien, ou non, des machines à voter, malgré les nombreuses demandes des communes.
2. S'affranchir du moratoire de 2008
Après avoir entendu l'ensemble des parties prenantes, vos rapporteurs proposent de mettre fin au moratoire de 2008 pour permettre aux communes qui le souhaitent d'acquérir des machines à voter .
Il s'agit ainsi de :
- sécuriser la situation des communes qui utilisent, avec satisfaction, les machines à voter et de les inciter à moderniser leurs appareils ;
- permettre à de nouvelles communes de s'équiper, sur la base du volontariat.
L'État aurait la charge d'agréer de nouveaux modèles de machines à voter pour conforter la sécurité et l'ergonomie du dispositif.
Certes, notre collègue Antoine Lefèvre et notre ancien collègue Alain Anziani soulignaient « une forte défiance de la grande majorité de la communauté scientifique sur la fiabilité [des machines à voter]. En l'état, rien ne permet de satisfaire à cette condition fondamentale de confiance dans l'utilisation des machines à voter » 26 ( * ) . Ils préconisaient, en conséquence, de maintenir le moratoire jusqu'à nouvel ordre.
Plus de quatre ans après la publication de ce rapport, il paraît nécessaire de passer outre ce climat de suspicion et de s'en remettre aux faits. Au cours des travaux de la mission d'information, aucun acteur institutionnel ni aucun informaticien n'a pu démontrer le manque de fiabilité des résultats électoraux dans les communes qui utilisent des machines à voter. Seuls des risques potentiels ont été mis en avant, sans preuve matérielle.
Malgré la demande de vos rapporteurs 27 ( * ) , l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le ministère de l'intérieur ont refusé d'organiser une simulation de piratage contre une machine à voter . Un tel test aurait pourtant permis à vos rapporteurs d'évaluer plus concrètement les risques évoqués par le Gouvernement.
En outre, des tentatives de fraude sont toujours envisageables, quel que soit le mode de décompte des voix (bulletins papiers ou machines à voter). À titre d'exemple, le président d'un bureau de vote de Perpignan a été condamné pour avoir dissimulé des bulletins de vote dans ses chaussettes lors du second tour des élections municipales de 2008.
Si le « risque zéro » n'existe pas, l'essentiel est de prévenir les tentatives de piratage en rehaussant, le cas échéant, les exigences de sécurité . Or, le moratoire de 2008 présente l'effet inverse : il empêche tout débat sur les moyens à mettre en oeuvre pour moderniser les machines à voter et mieux lutter contre la fraude.
Proposition n° 1 : Mettre un terme au moratoire de 2008 pour : - sécuriser la situation des communes qui utilisent les machines à voter et agréer une nouvelle génération d'appareils ; - permettre à de nouvelles communes de s'équiper, sur la base du volontariat. |
3. Relancer les efforts de sécurisation des machines à voter
Pour vos rapporteurs, la sécurisation des machines à voter implique d'instaurer un dialogue entre trois parties prenantes :
- le ministère de l'intérieur, qui organise les scrutins ;
- l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui expertise les risques de piratage informatique et les procédures à mettre en oeuvre pour les éviter ;
- et les communes, qui utilisent des machines à voter depuis plusieurs dizaines d'années.
Une telle méthode de concertation avait d'ailleurs été mise en oeuvre en 2007 et avait permis d'engager un dialogue à la fois efficace et apaisé (voir supra ).
Proposition n° 2 : Créer un groupe de travail tripartite pour améliorer la sécurisation des machines à voter, en réunissant le ministère de l'intérieur, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et les communes utilisatrices. |
Ce groupe de travail pourrait notamment participer à l'actualisation du règlement technique de 2003 , compte tenu des évolutions technologiques constatées depuis quinze ans.
Le ministère de l'intérieur a d'ailleurs souligné dès 2007 que ce règlement était « largement insuffisant sur certains points en ce qui concerne la sécurité informatique des machines, ce qui explique également que les trois modèles agréés présentent des niveaux de sécurité relativement différents ».
En outre, des procédures supplémentaires pourraient être envisagées pour sécuriser l'opération de paramétrage des machines à voter .
Une fois l'appareil paramétré 28 ( * ) , un tiers (agent de la préfecture ou d'un organisme agréé) pourrait apposer les scellés de sécurité puis s'assurer de leur intégrité jusqu'à l'ouverture du bureau de vote (alors que cette opération relève aujourd'hui des agents de la commune). Vos rapporteurs constatent d'ailleurs que certaines communes se sont déjà engagées dans cette voie, en faisant appel à un huissier de justice pour attester de l'intégrité des scellés.
En cas d'introduction d'une « dose de proportionnelle » pour les élections législatives de 2022, il conviendrait également de sécuriser le mode « double-scrutin » des machines à voter pour permettre à un même électeur de s'exprimer sur plusieurs scrutins. Qu'il vote à l'urne ou par machine à voter, l'électeur disposerait, en effet, de deux votes pour élire le député de sa circonscription, d'une part, et 61 députés sur une liste nationale, d'autre part 29 ( * ) .
Proposition n° 3 : Durcir les conditions d'agrément des nouvelles machines à voter, notamment en révisant le règlement technique de 2003, et sécuriser l'opération de paramétrage des appareils. |
Enfin, la levée du moratoire de 2008 doit s'accompagner d'une réflexion sur les règles de financement des machines à voter , notamment pour inciter les communes à moderniser leurs appareils.
Initialement, l'État prenait en charge l'ensemble des coûts d'acquisition et d'entretien des machines à voter. D'ailleurs, l'actuel article L. 69 du code électoral dispose encore que « les dépenses résultant de l'acquisition, de la location et de l'entretien des machines à voter sont à la charge de l'État ».
Dans les années 2000, l'État s'est toutefois contenté de verser une subvention forfaitaire de 400 euros par machine (sur un coût total estimé à 5 500 euros), conformément à la circulaire du 27 février 2006 30 ( * ) .
Cette subvention n'existe plus depuis la mise en place du moratoire de 2008, l'État ne finançant plus aucune machine à voter .
Or, il apparaît essentiel d' inciter les communes à renouveler leurs appareils 31 ( * ) , proches de l'obsolescence . Vos rapporteurs seraient donc favorables à la création d'une subvention de l'État, dont le montant reste à déterminer.
Estimation du coût d'une subvention de
l'État
pour le renouvellement des machines à
voter
Montant de la subvention de l'État (hypothèses) |
Part prise en charge par l'État dans le renouvellement des machines 32 ( * ) |
Coût total de la mesure pour l'État 33 ( * ) |
200 euros |
3,64 % |
284 200 euros |
400 euros |
7,27 % |
568 400 euros |
800 euros |
14,55 % |
1 136 800 euros |
1 000 euros |
18,18 % |
1 421 000 euros |
1 500 euros |
27,27 % |
2 131 500 euros |
Source : commission des lois du Sénat
Proposition n° 4 : Inciter les communes utilisatrices à renouveler leur parc de machines à voter, au besoin à l'aide d'une subvention de l'État. |
II. SÉCURISER LE VOTE PAR INTERNET POUR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
A. LE VOTE PAR INTERNET, UN DISPOSITIF ESSENTIEL POUR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
1. Une modalité de vote circonscrite aux élections législatives et consulaires
1,8 million de Français vivent à l'étranger, dont 1,3 million sont inscrits sur la liste électorale consulaire 34 ( * ) .
Les Français de l'étranger prennent part aux élections nationales (élection présidentielle, élections législatives et sénatoriales) et européennes mais également à l'élection des conseillers consulaires chargés de les représenter auprès des ambassades et des consulats 35 ( * ) .
Comme l'a souligné M. Jacques Chirac, alors Président de la République, en septembre 2001, les Français de l'étranger « sont souvent privés de l'effectivité de leur droit de vote [...] en raison de leur éloignement d'un consulat ». L'abstention des expatriés constitue d'ailleurs un « mal endémique » 36 ( * ) : au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, 55,72 % des électeurs inscrits à l'étranger n'ont pas voté, un chiffre largement supérieur à la moyenne nationale (22,23 %).
Selon les scrutins, les Français établis hors de France sont autorisés à voter de plusieurs manières 37 ( * ) :
- à l'urne, dans un bureau de vote « physique » prévu à cet effet par l'ambassade ou le poste consulaire ;
- par correspondance papier, en transmettant leur bulletin de vote par courrier postal ;
- par la remise d'un pli à l'administration, en remettant leur enveloppe à un fonctionnaire consulaire chargé de l'acheminer jusqu'au bureau de vote (uniquement pour les élections sénatoriales) 38 ( * ) ;
- par Internet, en se connectant sur une plateforme de vote en ligne .
Les modalités de vote prévues pour les Français de l'étranger
Scrutin concerné |
Vote
|
Vote par Internet |
Vote
|
Vote par remise
|
Élection du Président
|
Oui |
Non |
Non |
Non |
Référendum national |
||||
Élection des députés |
Oui |
Oui |
||
Élection des sénateurs |
Non |
Non |
Oui |
|
Élection des représentants au Parlement européen |
Non |
|||
Élection des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) 39 ( * ) |
Non |
Oui |
||
Élection des conseillers consulaires |
Oui |
Non |
Source : « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », op. cit. , p. 39.
Concrètement, le vote par Internet est autorisé pour deux scrutins : l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et l'élection des conseillers consulaires 40 ( * ) . Son introduction résulte d'une initiative de notre collègue Robert del Picchia en 2003 pour l'élection de l'ancien Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) 41 ( * ) .
Pour éviter les « doubles votes », le vote par Internet se déroule de manière anticipée . Les électeurs peuvent s'exprimer en ligne pendant six jours, entre le deuxième vendredi et le mercredi précédant le scrutin 42 ( * ) , ce vote électronique leur interdisant de voter à l'urne le jour du scrutin.
À ce jour, l'extension du vote par Internet à d'autres scrutins n'a pas été envisagée :
- soit parce que le nombre de votants paraît trop faible pour amortir ses coûts (environ 445 votants pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger et 535 pour les élections sénatoriales) ;
- soit parce que le scrutin concerne l'ensemble des Français et pas uniquement ceux établis hors de France (élection présidentielle, élections européennes et référendums nationaux).
2. Une procédure strictement encadrée : concilier sécurité et ergonomie
Tout l'enjeu du vote par Internet est de concilier sa sécurisation (prévenir les tentatives de piratage) et son ergonomie (faciliter l'accès des Français de l'étranger à la plateforme de vote en ligne).
a) La sécurisation du vote par Internet
En premier lieu, un bureau de vote par voie électronique (BVE) , distinct des bureaux de vote physiques, veille au bon déroulement des opérations électorales.
Composé de membres de l'administration et de représentants des Français de l'étranger, le BVE peut ordonner l'arrêt temporaire des opérations de vote s'il constate une tentative de piratage ; il consigne l'ensemble de ses observations dans un procès-verbal.
La composition du bureau de vote par voie électronique 43 ( * ) Le bureau de vote par voie électronique (BVE) comprend huit membres désignés pour cinq ans : - un membre du Conseil d'État, qui exerce les fonctions de président ; - deux représentants du ministère des affaires étrangères (directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire et directeur des systèmes d'information) et un représentant du ministère de l'intérieur (directeur de la modernisation et de l'action territoriale) ; - le directeur de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) ; - le président et les deux vice-présidents de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Les représentants des candidats sont informés des réunions du bureau de vote par voie électronique et peuvent y assister avec voix consultative . Ils consignent leurs observations dans le procès-verbal du BVE. |
En deuxième lieu, le vote par Internet nécessite la création d'un fichier des citoyens inscrits sur la liste électorale consulaire. À ce titre, il est soumis au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) , qui a formulé plusieurs exigences dans sa délibération n° 2010-371 du 21 octobre 2010 44 ( * ) .
Les principales exigences de la CNIL Pour garantir la sécurité des données personnelles des électeurs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés préconise à la fois des mesures « physiques » (contrôle de l'accès au serveur, habilitation des agents autorisés à intervenir) et « logiques » (pare-feu de protection pour éviter les piratages extérieurs). En outre, les bulletins de vote doivent être chiffrés afin d'assurer leur confidentialité tout au long de la procédure (« chiffrage de bout en bout ») . De même, l'électeur doit recevoir ses codes d'identification par deux canaux distincts (courriel et sms par exemple) pour confirmer son identité. Enfin, des audits externes doivent être réalisés, notamment pour vérifier le scellement et l'intégrité de l'urne électronique. |
En troisième lieu, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est consultée sur les moyens de sécurisation du vote par Internet. Si le secret et la sincérité du scrutin sont menacés, le ministre des affaires étrangères peut abandonner le recours au vote par Internet 45 ( * ) .
Enfin, le vote par Internet est soumis au même contrôle juridictionnel que les autres scrutins : le juge annule les élections en présence d'irrégularités ayant altéré leur sincérité 46 ( * ) .
b) L'ergonomie du dispositif
Afin de garantir sa réussite, la plateforme de vote en ligne doit être facilement accessible . En pratique, cette procédure reste complexe , notamment parce que deux canaux de transmission (courriels et sms) sont nécessaires pour envoyer leurs codes d'identification aux électeurs.
La procédure de vote par Internet
Source : commission des lois du Sénat
Lors des élections consulaires de 2014, 6 % des votants par Internet (soit environ 4 630 personnes) ont contacté la cellule d'assistance technique car ils rencontraient des difficultés de connexion .
De même, l'administration peine à fiabiliser les coordonnées des électeurs : pour ces mêmes élections de 2014, environ 25 % des personnes inscrites n'avaient pas indiqué d'adresse électronique sur la liste électorale consulaire. L'acheminement des sms reste également difficile dans certains États comme la Chine.
Enfin, l'augmentation du nombre de connexions quelques heures avant la clôture du scrutin consulaire de 2014 a saturé la plateforme de vote et l'a rendue inaccessible pendant près de deux heures.
3. Un dispositif essentiel pour les Français établis hors de France
a) L'influence du vote par Internet sur le taux de participation : un débat récurrent
Le vote par Internet ne présente pas d'influence décisive sur le taux de participation des électeurs établis hors de France , qui dépend principalement de facteurs sociologiques (enjeux du scrutin, offre politique, etc .).
Pour prendre l'exemple de l'année 2012, 39,07 % des Français de l'étranger ont participé au premier tour de l'élection présidentielle (pour lequel seul le vote à l'urne était autorisé) et seulement 20,71 % d'entre eux ont voté au premier tour des élections législatives (pour lequel le vote par Internet était ouvert, en complément du vote à l'urne et du vote par correspondance papier).
Certes, le taux de participation des Français établis hors de France a baissé entre les élections législatives de 2012 (20,71 % au premier tour, avec vote électronique) et celles de 2017 (19,11 %, sans vote électronique). Cette tendance reflète toutefois une réduction globale du taux de participation entre ces deux scrutins 47 ( * ) .
En outre, le recours au vote électronique varie selon les régions du monde : au premier tour des élections législatives de 2012, 78,71 % des votants se sont exprimés par Internet en Europe du Nord, contre 33,93 % au Proche-Orient et en Afrique.
Le recours aux différentes modalités de vote (premier tour des élections législatives de 2012)
Circonscriptions (Français
|
Nombre d'inscrits |
Votants |
Part du vote par Internet |
|||
Urne |
Vote par
|
Vote électronique |
Total
|
|||
Amérique du Nord |
156 683 |
9 507 |
363 |
22 088 |
31 958 |
69,12 % |
Amérique du Sud |
73 237 |
6 509 |
17 |
5 154 |
11 680 |
44,13 % |
Europe du Nord |
88 513 |
3 259 |
658 |
14 485 |
18 402 |
78,71 % |
Benelux |
96 959 |
8 482 |
492 |
14 358 |
23 332 |
61,54 % |
Péninsule ibérique |
79 386 |
6 622 |
324 |
9 299 |
16 245 |
57,24 % |
Suisse
|
106 695 |
8 710 |
656 |
14 024 |
23 390 |
59,96 % |
Europe centrale |
89 033 |
6 501 |
1 293 |
13 278 |
21 072 |
63,01 % |
Pays méditerranéens |
109 411 |
6 590 |
315 |
7 721 |
14 626 |
52,79 % |
Maghreb
|
96 769 |
10 736 |
47 |
6 367 |
17 150 |
37,13 % |
Proche-Orient
|
91 600 |
14 059 |
30 |
7 236 |
21 325 |
33,93 % |
Europe de l'Est, Asie et Océanie |
79 171 |
9 021 |
99 |
12 997 |
22 117 |
58,76 % |
TOTAL |
1 067 457 |
89 996 |
4 294 |
127 007 |
221 297 |
57,39 % |
Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère de l'intérieur
Ce constat sur l'influence du vote par Internet sur le taux de participation peut toutefois être nuancé au regard du déroulement des scrutins de mai 2014 .
À cette date, les Français de l'étranger étaient appelés à se prononcer sur deux scrutins :
- les élections européennes, pour lesquelles ils pouvaient voter à l'urne le 25 mai 48 ( * ) ;
- les élections consulaires, pour lesquelles ils pouvaient voter à l'urne ce même jour mais également par Internet entre le 14 et 20 mai.
Or, le taux de participation des élections consulaires (16,50 %) a été largement supérieur à celui des élections européennes (11,80 %), notamment parce que les électeurs ont pu s'exprimer par Internet sans avoir à se déplacer jusqu'à un bureau de vote 49 ( * ) . Pour les seules élections consulaires, près de la moitié des participants (43,26 %) ont voté par Internet.
b) Une garantie essentielle pour le droit de vote des Français de l'étranger
Il existe principalement un effet de substitution du vote électronique par rapport aux autres modalités de vote : lorsqu'il est autorisé, les Français établis hors de France recourent massivement au vote par Internet, souvent plus accessible que le vote à l'urne et plus commode que le vote par correspondance papier.
Au premier tour des élections législatives partielles de 2013 50 ( * ) , 65,10 % des votants se sont exprimés en ligne, seuls 34 % d'entre eux s'étant rendus aux urnes et 0,90 % ayant choisi le vote par correspondance papier.
La part du vote par Internet par rapport aux autres modalités de vote
Scrutins correspondants |
|
2006 |
Assemblée des Français de l'étranger (AFE) 51 ( * ) (Asie-Europe) |
2009 |
AFE (Afrique - États-Unis) |
2010 |
AFE (élection partielle, côte Est
|
2012 (T1) |
Élections législatives (premier tour) |
2012 (T2) |
Élections législatives (second tour) |
2013 (T1) |
Élections législatives partielles (premier tour) |
2013 (T2) |
Élections législatives partielles (second tour) |
2014* |
Élections consulaires |
Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère des affaires étrangères
NB : la réduction de la part du vote par Internet lors des élections consulaires de 2014 s'explique par la nécessité, pour les électeurs, de se rendre aux urnes pour participer aux élections européennes (voir supra )
Le vote par Internet constitue ainsi une garantie essentielle pour nos compatriotes expatriés .
Si 80 % d'entre eux habitent à moins de 15 kilomètres d'un bureau de vote 52 ( * ) , certains doivent longuement voyager pour s'y rendre. Lors des élections législatives de 2017, un seul bureau de vote était ouvert en République centrafricaine, deux en Colombie (à Bogota uniquement) et trois en Russie 53 ( * ) .
Comme l'ont souligné notre collègue Antoine Lefèvre et notre ancien collègue Alain Anziani, « un expatrié vivant à Irkoutsk [Russie] doit parcourir 2 812 kilomètres pour voter à Ekaterinbourg, ce qui représente un trajet de 3 heures 20 en avion. Le prix du billet avoisine 470 euros pour un aller-retour » 54 ( * ) . Selon l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), la suppression du vote par Internet aggraverait « la fracture démocratique entre les électeurs du fait de leur éloignement géographique » 55 ( * ) .
En outre, le vote par Internet répond à des difficultés plus spécifiques comme les risques en matière de sécurité dans certaines régions du monde ou le fait que le dimanche n'est pas un jour chômé dans la plupart des pays d'Asie.
Il présente ainsi de nombreux avantages pour les Français établis hors de France, qu'il convient d'apprécier au regard des inconvénients soulevés, à savoir :
- la difficulté d'assurer le caractère personnel et secret du vote . En effet, comme le vote par Internet « est réalisé à partir de son domicile ou d'un autre endroit , le risque existe de voir le droit de vote s'exercer sous la contrainte d'un tiers, faute de la garantie qu'apporte l'isoloir du bureau de vote » 56 ( * ) ;
- la perte de solennité du vote . Selon M. Gilles Toulemonde, maître de conférences à l'université de Lille, « on peut voter [par Internet] comme l'on fait ses courses, y compris en faisant ses courses justement par une autre fenêtre ouverte sur l'ordinateur [...]. Le vote électronique ne permet plus de participer à la communion nationale qu'est le processus électoral » 57 ( * ) ;
- l'impossibilité pour l'électeur de contrôler, de visu , l'urne et le décompte des bulletins de vote ;
- les risques de piratage informatique , qui ont conduit à abandonner le vote par Internet pour les élections législatives de 2017.
Les risques de piratage du vote par Internet Les risques de piratage portent sur la plateforme de vote par Internet, d'une part, et sur les ordinateurs des électeurs, d'autre part. Les cyberattaques contre la plateforme de vote par Internet peuvent remettre en cause l'ensemble du scrutin, par exemple en : - générant des requêtes artificielles pour saturer totalement ou partiellement la plateforme, créer un « déni de service » et empêcher les électeurs de s'exprimer ; - « défigurant » la plateforme pour y afficher des messages extérieurs, comme en avril 2015 lorsque des messages de soutien à une organisation terroriste ont été publiés sur les réseaux sociaux de TV5 Monde ; - s'introduisant dans le système (« cheval de Troie ») pour y exfiltrer des informations confidentielles ou modifier les résultats. Dans cette hypothèse, une simple rumeur d'attaque peut décrédibiliser les résultats du scrutin. Les risques de piratage portent également sur les ordinateurs des électeurs eux-mêmes . Comme l'a souligné l'Observatoire du vote, le vote est « effectué sur des ordinateurs ou des smartphones connectés d'un bout à l'autre par Internet. Or, ceux-ci sont soumis à de nombreuses failles informatiques qui peuvent mettre en danger l'anonymat ou la sincérité de ce vote » 58 ( * ) . De même, certains appareils ne sont pas suffisamment mis à jour, ce qui laisse perdurer des failles informatiques pourtant connues des fabricants. Entendue par vos rapporteurs, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) considère d'ailleurs que les attaques contre les ordinateurs personnels sont les plus difficiles à maîtriser , chaque électeur choisissant librement son terminal de vote. |
B. L'ABANDON DU VOTE PAR INTERNET POUR LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE 2017
Pour la première fois, le recours au vote par Internet a été abandonné pour les élections législatives de juin 2017 , le Gouvernement autorisant uniquement les Français établis hors de France à voter à l'urne ou par correspondance papier 59 ( * ) .
Cette décision a été d'autant plus mal vécue par nos compatriotes que le Gouvernement avait promis, moins d'un an plus tôt, de concevoir « une nouvelle solution de vote électronique [offrant] aux électeurs une solution à la fois ergonomique et sûre » 60 ( * ) .
Certes, le niveau de menace était particulièrement élevé au regard du contexte géopolitique et le Gouvernement a mis en oeuvre des « mesures compensatoires » pour faciliter l'exercice du droit de vote des Français de l'étranger.
Les mesures compensatoires mises à oeuvre Après l'abandon du vote par Internet pour les élections législatives de 2017, le Gouvernement a annoncé trois mesures compensatoires : - l'ouverture de 152 bureaux de vote supplémentaires , pour un coût de 224 000 euros. Au total, 717 bureaux de vote ont été ouverts, un nombre qui reste toutefois inférieur aux 775 bureaux de vote des élections législatives de 2012 et aux 866 bureaux de vote de l'élection présidentielle de 2017 ; - l'allongement d'un mois et demi du délai pendant lequel les Français de l'étranger ont pu s'inscrire pour participer au vote par correspondance papier ; - l'organisation de nouvelles « tournées consulaires » , au cours desquelles un agent public recueille les procurations des électeurs les plus éloignés des bureaux de vote. |
La plateforme de vote par Internet a toutefois présenté des imperfections structurelles qui auraient pu être corrigées de manière plus méthodique tout en réduisant les risques de piratage.
1. Le contexte géopolitique : un niveau élevé de menace
Comme l'ont confirmé les auditions de vos rapporteurs, l'annulation du vote par Internet pour les élections législatives de 2017 ne résulte pas d'une menace précise ou d'un risque clairement ciblé mais d'un contexte géopolitique plus global : attaques contre les sites Internet de TV5 monde (2015) et du Bundestag allemand (2015) 61 ( * ) , interrogations sur le déroulement de la campagne présidentielle américaine (2016) 62 ( * ) , etc .
En mars 2017, M. Guillaume Poupard, directeur de l'ANSSI, a d'ailleurs comparé son analyse à celle d'un vulcanologue : « Écoutez, ce volcan, je ne le sens pas, à mon avis, il y a de grandes chances que cela pète ; mais il n'y a aucune garantie ». De même, l'ancien président du bureau de vote par voie électronique (BVE) a invoqué le « principe de précaution » 63 ( * ) .
2. Les imperfections structurelles de la plateforme de vote par Internet
Outre ces difficultés géopolitiques, le projet comportait des imperfections structurelles , qui expliquent, pour partie, l'abandon du vote par Internet pour les élections législatives de 2017 : un calendrier trop serré, des exigences de sécurité évolutives et des tests grandeur nature peu concluants.
a) Un marché ambitieux mais un calendrier trop serré
Fin 2015, le ministère des affaires étrangères a lancé un marché public pour concevoir et exploiter une nouvelle plateforme de vote par Internet.
La mise en oeuvre de cette plateforme représente un projet d'envergure, dont le montant global s'élève à 6,72 millions d'euros sur quatre ans.
Outre le module de vote par Internet, la plateforme comporte plusieurs « services périphériques » permettant de dématérialiser l'ensemble du processus électoral pour les Français établis hors de France (gestion des déclarations de candidature, centralisation des résultats - y compris pour les bureaux de vote physiques -, portail d'information des électeurs, etc .).
Les différents modules de la nouvelle plateforme de vote par Internet
Source : ministère des affaires étrangères
Seuls deux prestataires ont répondu à l'appel d'offres du ministère des affaires étrangères (contre neuf en 2009).
En mai 2016, le marché a été attribué à la société SCYTL pour une durée de quatre ans et un montant de 3,73 millions d'euros, somme à laquelle il faut ajouter 2,99 millions d'euros de prestations annexes , confiées à d'autres entreprises. SCYTL présentait de solides références, notamment parce qu'elle était intervenue comme sous-traitant de l'entreprise ATOS Origin pour concevoir la précédente plateforme de vote en ligne.
Coût de l'actuelle plateforme de vote par Internet (en euros)
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
Total |
||
SCYTL |
Vote par Internet |
1 508 513 |
556 930 |
406 425 |
273 344 |
785 278 |
3 530 490 |
Services périphériques |
97 774 |
50 000 |
50 000 |
197 774 |
|||
Sous-total
|
1 508 513 |
654 703 |
406 425 |
323 344 |
835 278 |
3 728 264 |
|
Autres prestataires |
Audits de sécurité |
87 930 |
40 000 |
18 400 |
146 330 |
||
Homologation et supervision |
144 336 |
44 000 |
20 000 |
39 000 |
247 336 |
||
Expertise indépendante |
180 455 |
18 800 |
88 800 |
45 000 |
333 055 |
||
Conseils en sécurité |
254 571 |
229 533 |
240 612 |
240 612 |
965 328 |
||
Assistance au maître
|
300 000 |
300 000 |
300 000 |
200 000 |
200 000 |
1 300 000 |
|
Sous-total pour les autres prestataires |
300 000 |
967 293 |
632 333 |
567 812 |
524 612 |
2 992 050 |
|
TOTAL |
1 808 513 |
1 621 996 |
1 038 758 |
891 156 |
1 359 890 |
6 720 314 |
Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère des affaires étrangères
Dès 2016, la Cour des comptes a alerté le Gouvernement sur les problèmes structurels de ce nouveau marché, notamment parce que le calendrier de l'opération lui semblait trop optimiste : « l'appel d'offres n'a été lancé qu'à la fin de l'année 2015 [pour une attribution en mai 2016] alors même que le marché [était] ambitieux et le temps restant avant les [élections législatives de juin 2017] restreint » 64 ( * ) .
En conséquence, le prestataire et l'administration n'ont pas eu suffisamment de temps pour concevoir et tester la nouvelle plateforme de vote en amont du scrutin.
b) Un renforcement des exigences de sécurité en cours d'exécution
Certes, le ministère des affaires étrangères a renforcé ses exigences en matière de sécurité par rapport à la précédente plateforme de vote en ligne : rédigé en collaboration avec l'ANSSI, le marché public attribué en 2016 comprend une « matrice de sécurité » de 73 pages détaillant 419 recommandations ou exigences .
Exemples de recommandations ou d'exigences du marché public lancé fin 2015 Recommandation n° 3 : « l'enjeu principal de la solution de vote par correspondance électronique relève [...] de la cible qu'elle constitue pour différentes populations d'attaquants potentiels. Le système lui-même, la maîtrise de sa mise en oeuvre [...] ont donc une très haute priorité » ; Exigence n° 5 : l'administration « est responsable de faire réexaminer régulièrement le présent document [de sécurité], notamment [...] à chaque fois qu'il est prévu de mettre en oeuvre le système de vote par correspondance Internet » ; Exigence n° 207 : « le titulaire décrit et fait valider les mesures de détection de lutte contre les codes malveillants qu'il prévoit pour protéger la plateforme de vote et les stations pour l'administrer » ; Exigence n° 266 : « le titulaire met en place un dispositif de chiffrement permettant de protéger l'ensemble des transactions réalisées par les utilisateurs des services d'application du système ». |
Néanmoins, le besoin initial en matière de sécurité a été sous-estimé et le Gouvernement a été contraint de renforcer ses exigences entre l'attribution du marché public (2016) et la préparation des élections législatives (2017) 65 ( * ) .
Entendu par vos rapporteurs, le prestataire, la société SCYTL, estime que le Gouvernement a multiplié par deux ses exigences de sécurité. Sur le plan contractuel, cette évolution du besoin n'a pas fait l'objet d'un avenant ; le coût global du marché est resté inchangé.
c) Des tests grandeur nature peu concluants, tant du point de vue de l'ergonomie que de la sécurité
Les deux tests grandeur nature (TGN) organisés en décembre 2016 et en février 2017 n'ont pas donné satisfaction, tant du point de vue de l'ergonomie que de la sécurité de la plateforme de vote en ligne .
Certes, les échecs de connexion ont été progressivement réduits. Ils concernaient toutefois 14 % des utilisateurs au second tour du test de février 2017, contre environ 5 % lors des élections législatives de 2012.
Résultats des tests grandeur nature (échecs de connexion au portail de vote)
Premier TGN (décembre 2016) |
Second TGN (février 2017) |
|||
Tours de scrutin |
Nombre
|
Taux d'échec
|
Nombre
|
Taux d'échec
|
Premier tour |
2 144 |
50 % |
2 448 |
11 % |
Second tour |
3 039 |
20 % |
2 804 |
14 % |
Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère des affaires étrangères
Plusieurs facteurs expliquent ces difficultés de connexion : courriels d'identification non reçus ou classés dans les spams , erreurs concernant le numéro de téléphone portable de l'électeur, etc .
L es utilisateurs ont dû attendre plus d'une heure trente après leur connexion au portail de vote pour recevoir leur second mot de passe . De même, lors du TGN de février, la saturation du serveur a conduit à interrompre les opérations de vote pratiquement tout un après-midi.
Ces difficultés ergonomiques ont retardé le développement des nouveaux services périphériques de la plateforme (comme la centralisation des résultats par exemple).
Plus grave, elles ont altéré la sécurité du dispositif . D'après l'ANSSI, le second test grandeur nature (février 2017) a « mis en évidence des nouvelles failles de sécurité introduites par le prestataire dans son empressement à mener à bien des évolutions ergonomiques » 66 ( * ) .
d) Un partage des responsabilités entre l'administration et le prestataire
En fin de projet, les ressources mises en oeuvre pour organiser les élections législatives de 2017 n'ont pas été suffisantes pour face au risque de cyberattaques, tant du côté de l'administration que du prestataire.
L'ANSSI évoque ainsi la « surchauffe » d'un projet « fondamentalement ambitieux quoique pas irréaliste » . Elle insiste notamment sur :
« - [les] ressources faibles du côté de l'administration, en particulier [le] manque de personnel informaticien , lié en partie à un portage du marché par une administration [du ministère des affaires étrangères] disposant de peu de compétences en la matière ;
- [la] taille relativement faible du prestataire , et [son] incapacité à mobiliser des ressources complémentaires en fin de projet pour faire face à une charge accrue (bugs fonctionnels à corriger, exigences de sécurité non satisfaites) » 67 ( * ) .
Au final, les responsabilités semblent partagées entre le prestataire - qui n'a pas apporté les garanties nécessaires pour démontrer la fiabilité de son dispositif - et l'administration - qui a connu des difficultés pour piloter le projet.
Vos rapporteurs s'étonnent qu'aucune pénalité n'ait été prononcée à l'encontre de la société SCYTL , alors même que la plateforme de vote présentait de graves imperfections fonctionnelles. Le marché public n'a pas été résilié et reste encore en vigueur aujourd'hui.
C. LA SÉCURISATION DU VOTE PAR INTERNET, UN IMPÉRATIF DÉMOCRATIQUE
Le maintien du vote par Internet pour les élections législatives et consulaires est indispensable pour garantir un droit de vote effectif à nos compatriotes établis hors de France . Comme pour les machines à voter, si le « risque zéro » n'existe pas, l'enjeu est de sécuriser le dispositif pour réduire les craintes de cyberattaques .
Cette exigence répond d'ailleurs à un engagement du Président de la République , qui a déclaré en octobre 2017 devant l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) : « si nous ne sommes pas en capacité pour les prochaines élections de nous organiser pour avoir un système de vote [par Internet] étanche à toute attaque, ça ne s'appelle plus la France, notre pays ! [...] Nous nous en donnerons les moyens parce que c'est un intérêt d'abord démocratique mais c'est une question aussi de crédibilité et de souveraineté qui est la nôtre » 68 ( * ) .
1. La sécurisation du vote par Internet, une question de moyens
a) À court terme : veiller à la sécurisation de la plateforme de vote, en lien avec l'actuel prestataire
Son marché public n'ayant pas été résilié, la société SCYTL est toujours chargée de mettre en oeuvre le vote par Internet pour les élections consulaires de 2020 . Il faudra attendre la préparation des élections législatives de 2022 pour lancer une nouvelle procédure de mise en concurrence.
Entendus par vos rapporteurs, les représentants du ministère des affaires étrangères ont affirmé leur volonté de travailler avec le prestataire d'ici 2020 pour sécuriser la plateforme de vote et tirer les conséquences des difficultés rencontrées en 2017 . Les risques de piratage paraissent au demeurant moins élevés pour des élections consulaires (dont les enjeux sont principalement locaux) que pour des élections législatives (dont les enjeux sont nationaux).
Aujourd'hui, il est toutefois impossible d'assurer que le dispositif de vote par Internet sera bien opérationnel en 2020, tant les efforts à fournir sont nombreux à un an et demi du scrutin .
Pour atteindre cet objectif, l'État doit se donner les moyens de piloter ce projet d'envergure et de veiller à son bon avancement .
À titre de comparaison, le canton de Genève (Suisse) développe depuis 2003 sa propre solution de vote électronique, sans recourir à des prestataires extérieurs 69 ( * ) . À l'inverse, l'ANSSI a déploré « la relative faiblesse du pilotage technique du marché, en raison du manque de compétence [du ministère français des affaires étrangères] en matière de pilotage de grands projets informatiques ».
Il pourrait notamment être fait appel aux informaticiens de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État ( DINSIC ) pour renforcer les compétences techniques du maître d'ouvrage.
La DINSIC : un appui potentiel pour la sécurisation du vote par Internet C réée en 2011, la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) « anime et coordonne » les actions de l'État visant « à améliorer la qualité, l'efficacité, l'efficience et la fiabilité du service rendu par le système d'information et de communication de l'État » 70 ( * ) . La DINSIC est dotée d'un budget d'environ 32 millions d'euros 71 ( * ) et de 140 informaticiens . Aujourd'hui, elle n'est pas consultée par le ministère des affaires étrangères concernant le déploiement du vote par Internet, le coût de ce projet (6,72 millions d'euros) étant inférieur à son seuil de saisine (9 millions d'euros). |
Dans la même logique, au moins trois tests grandeur nature (TGN) pourraient être organisés avant chaque utilisation de la plateforme de vote 72 ( * ) (contre un seul TGN pour les élections consulaires de 2014 et deux TGN pour les élections législatives de 2017).
Proposition n° 5 : Garantir l'organisation du vote par Internet pour les élections consulaires de 2020, notamment en : - augmentant le nombre de tests grandeur nature (TGN) et en les organisant avec suffisamment d'anticipation pour corriger les difficultés constatées ; - s'appuyant sur la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) pour renforcer le pilotage du projet. |
b) À moyen terme : préparer les élections législatives de 2022
Certes, l'actuelle plateforme de vote par Internet représente un coût non négligeable de 6,72 millions d'euros sur quatre ans. Les sommes déjà investies semblent d'ailleurs suffisantes pour sécuriser le vote par Internet pour les élections consulaires de 2020.
Toutefois, ce budget pourrait être augmenté en prévision du nouveau marché qui sera lancé pour les élections législatives de 2022 et, éventuellement, les élections consulaires de 2026. Face à l'aggravation du risque de cyberattaques, un tel investissement permettrait notamment de renforcer les exigences de sécurité et d'intéresser de nouveaux prestataires 73 ( * ) .
Pour financer cette dépense, vos rapporteurs proposent d' envisager la dématérialisation de la propagande électorale des élections législatives pour les seuls Français de l'étranger disposant d'une adresse électronique , comme cela est déjà le cas pour les élections consulaires 74 ( * ) .
Lors des élections législatives de 2017, l'envoi aux Français de l'étranger de la propagande électorale sous format papier a par exemple représenté un coût de 3,27 millions d'euros 75 ( * ) .
En outre, les travaux en cours pour refondre la liste électorale consulaire , notamment grâce au nouveau répertoire électoral unique, doivent permettre de fiabiliser les coordonnées des Français de l'étranger et de réduire les échecs de connexion à la plateforme de vote en ligne 76 ( * ) .
Enfin, la procédure de passation du marché public doit être revue afin de renforcer l'efficacité et la sécurité de la plateforme de vote par Internet .
En termes de calendrier, le marché doit être attribué au moins dix-huit mois avant le scrutin (contre douze mois pour les élections législatives de 2017) afin d'être en mesure de corriger les imperfections constatées lors des tests grandeur nature.
La Cour des comptes propose d'exiger des candidats qu'ils réalisent des tests fictifs pendant la procédure d'attribution du marché pour « permettre l'évaluation de la qualité technique de leur offre » 77 ( * ) .
De même, le Gouvernement pourrait recourir à un dialogue compétitif, procédure qui permet, contrairement aux appels d'offres, d'échanger avec les candidats sur la meilleure manière de répondre aux besoins de l'administration 78 ( * ) . Une telle procédure avait d'ailleurs été retenue en 2009 pour la conception de la première plateforme de vote par Internet, avant d'être écartée en 2015 au profit d'un appel d'offres.
À titre complémentaire, le droit de la commande publique autorise explicitement le ministère des affaires étrangères à mener une « consultation préalable de marché » (ou « sourçage ») en consultant les entreprises compétentes en amont de la mise en concurrence 79 ( * ) . Ce « sourçage » permettrait notamment de mieux connaître les solutions de vote électronique mises sur le marché et de mieux définir les besoins en matière d'ergonomie et de sécurité.
Proposition n° 6 : Préparer le vote par Internet pour les élections législatives de 2022 en : - renforçant les moyens alloués à sa sécurisation ; - rationalisant la procédure d'achat de la plateforme de vote, notamment en organisant un dialogue compétitif pour mieux définir les exigences d'ergonomie et de sécurité et en lançant la procédure de mise en concurrence plus en amont. |
Vos rapporteurs appellent également à la mise en oeuvre des propositions de bon sens formulées en 2014 par notre collègue Antoine Lefèvre et notre ancien collègue Alain Anziani, qu'il s'agisse du renforcement de l'information des électeurs sur le mode de fonctionnement du vote par Internet, de l'adaptation des infractions pénales à cette modalité de vote 80 ( * ) et de la possibilité pour les électeurs d'adresser des observations écrites au bureau de vote par voie électronique (BVE).
c) À long terme : développer une véritable identité numérique
L'identification des électeurs représente l'une des principales difficultés du vote par Internet : l'identité de la personne qui se connecte sur la plateforme est difficilement vérifiable, en particulier lorsque plusieurs membres d'une famille votent sur le même ordinateur.
Dès lors, il paraît nécessaire de sécuriser l'identification des électeurs, notamment en ayant recours à des techniques biométriques . Cette identité numérique pourrait aussi ouvrir l'accès à d'autres services administratifs, sous réserve de la nécessaire protection des données à caractère personnel.
En cours de développement par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), le prototype ALICEM pourrait constituer une première réponse : il permet d'identifier un individu à distance, en comparant la photographie prise de son téléphone portable et celle de son passeport biométrique (reconnaissance faciale) 81 ( * ) .
ALICEM n'est toutefois pas directement transposable au vote par Internet des Français de l'étranger, plus de 20 % d'entre eux ne disposant d'aucun passeport 82 ( * ) .
De manière alternative, il pourrait être envisagé de sécuriser la « carte consulaire » , que les ambassades et consulats remettent aux expatriés, et d'y insérer des éléments biométriques .
Ce projet pourrait être financé par la dématérialisation de la propagande électorale des Français de l'étranger. Entendu par vos rapporteurs, un industriel évalue son coût initial à environ 960 000 euros 83 ( * ) , somme à laquelle s'ajouterait un coût de maintenance de 50 000 euros par an.
Un tel dispositif permettrait également de simplifier la procédure de connexion à la plateforme de vote , en supprimant l'envoi des codes d'identification par courriel et sms.
Proposition n° 7 : Sécuriser l'identification des électeurs participant au vote par Internet en créant une véritable identité numérique, le cas échéant à partir d'outils biométriques. |
L'exemple estonien illustre les possibilités offertes par l'identité numérique, notamment en termes de simplification des démarches administratives. Ce modèle n'est toutefois pas directement transposable en France car il nécessite de centraliser de nombreuses données à caractère personnel au sein d'un même dispositif informatique.
L'identité numérique estonienne L'Estonie s'est dotée d'une carte d'identité numérique en 2004. Ce dispositif est aujourd'hui utilisé par 98 % de la population estonienne, soit environ 1,27 million de personnes. En dehors des mariages, des divorces et des achats immobiliers, qui nécessitent la présence physique des individus, toutes les démarches administratives peuvent être effectuées en ligne , à partir de la carte d'identité numérique. Concrètement, cette carte d'identité permet de voter, de payer ses impôts, d'accéder aux transports en commun, d'être informé des résultats scolaires de ses enfants, d'effectuer une demande de subvention et même de se voir délivrer une ordonnance médicale . Les autorités estiment économiser environ 2 % du PIB estonien grâce aux économies et aux gains de temps générés. L'Estonie a également créé un statut de « e-résident » pour les étrangers, détenu par environ 35 000 personnes : il permet à toute personne (ressortissants étrangers inclus) de créer et de gérer son entreprise à distance, sans être installé sur le territoire estonien. L'Estonie a aussi développé une plateforme dénommée « X-Road » qui permet à toutes les administrations de stocker et d'échanger des données à caractère personnel. Une fois l'information transmise à l'État, elle devient accessible à toute autre administration habilitée. Des mesures de protection sont indispensables pour sécuriser cette identité numérique : en 2007, un piratage de grande ampleur a perturbé pendant plus de deux semaines le fonctionnement de sites institutionnels estoniens, de banques mais aussi de médias. Depuis, l'Estonie stocke chaque type de données sur des serveurs différents. De même, elle a ouvert un relai numérique au Luxembourg (« data embassy ») pour diversifier les lieux de stockage de ses données. |
2. Le vote par Internet, un enjeu des réformes institutionnelles
En mai dernier, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale trois textes pour réformer les institutions . Ils prévoient notamment de réduire le nombre de parlementaires et d'introduire une « dose de proportionnelle » pour l'élection des députés.
Débuté en juillet 2018 à l'Assemblée nationale, l'examen du projet de loi constitutionnelle a été interrompu ; sa reprise est annoncée pour le début de l'année 2019, de même que l'examen du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique 84 ( * ) .
a) Supprimer le vote par correspondance papier, au profit du vote par Internet
Lorsqu'ils participent aux élections législatives, les Français de l'étranger peuvent se rendre à l'urne, voter par correspondance papier ou, sauf décision contraire du ministre des affaires étrangères, par Internet.
Sans remettre en cause le vote à l'urne, le Gouvernement souhaite supprimer le vote par correspondance papier « dès lors que le système d'information mettant en oeuvre le vote électronique est homologué par le ministre des affaires étrangères et permet de garantir le secret du vote et la sincérité du scrutin » 85 ( * ) . Il s'agit, concrètement, de supprimer le vote par correspondance papier lorsque les Français de l'étranger sont autorisés à voter par Internet .
Les problèmes soulevés par le vote par correspondance papier Prévu pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, le vote par correspondance papier soulève au moins deux problèmes . En premier lieu, il reste peu utilisé par les électeurs établis hors de France : - au premier tour des élections législatives de 2012, seuls 1,94 % des votants ont envoyé un bulletin de vote par courrier, alors que 57,39 % d'entre eux ont voté par Internet et 40,67 % se sont déplacés à l'urne. À titre d'exemple, 76 électeurs se sont pré-inscrits pour voter par correspondance à Bogota (Colombie) mais aucun n'a finalement eu recours à cette modalité de vote ; - au premier tour des élections législatives de 2017, seuls 7,26 % des électeurs ont eu recours au vote par correspondance papier, alors même que le recours au vote par Internet avait été abandonné 86 ( * ) . En second lieu, l'organisation du vote par correspondance papier est particulièrement complexe et se heurte aux défaillances des systèmes postaux étrangers . Comme le précise le Gouvernement, « il est arrivé que des palettes contenant des plis de vote par correspondance restent stationnées plusieurs jours dans un aéroport en attente d'être prises en charge par un vol suivant » 87 ( * ) . En 2017, cette difficulté logistique a provoqué l'annulation des élections législatives dans la cinquième circonscription des Français établis hors de France : la sincérité du scrutin a été remise en cause car certains électeurs n'ont pas reçu à temps leur matériel de vote par correspondance 88 ( * ) . |
Vos rapporteurs ne sont pas opposés à cette proposition du Gouvernement, dès lors que la plateforme de vote par Internet sera suffisamment sécurisée pour lutter contre les tentatives de piratage. Ils préconisent toutefois que le Gouvernement consulte l'Assemblée des Français de l'étranger (avis simple) avant de choisir entre le vote par correspondance papier et le vote par Internet .
En effet, la suppression du vote par Internet pour les élections législatives de 2017 a été d'autant plus mal vécue que les représentants des Français de l'étranger n'ont pas été consultés en amont ni informés des difficultés rencontrées.
Proposition n° 8 : Prévoir l'obligation pour le Gouvernement de consulter l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) avant, le cas échéant, d'annuler le recours au vote par Internet. |
b) Le périmètre du vote par Internet pour les élections législatives
Aujourd'hui, les Français de l'étranger élisent onze députés au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans des circonscriptions prévues à cet effet (Amérique du Nord, Benelux, péninsule ibérique, etc .).
Outre la réduction du nombre de parlementaires 89 ( * ) , le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit de modifier le mode de scrutin des élections législatives. Concrètement, les Français de l'étranger disposeraient de deux votes pour :
- l'élection au scrutin proportionnel de députés dans leur circonscription , qui deviendrait une circonscription unique (scrutin A) ;
- l'élection, également au scrutin proportionnel, de 61 députés sur une liste nationale (« dose de proportionnelle », scrutin B) .
Organisation des élections législatives : projet du Gouvernement
Source : commission des lois du Sénat, à partir du projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 mai 2018)
Vos rapporteurs constatent avec satisfaction que le vote par Internet des Français de l'étranger 90 ( * ) serait ouvert pour les scrutins A (élection des députés représentant les Français établis hors de France) et B (« dose de proportionnelle »).
Cette mesure constituerait une innovation par rapport au droit en vigueur. Elle présenterait l'avantage de la cohérence , ces deux scrutins étant difficilement dissociables. Un Français de l'étranger pourrait voter par Internet pour les scrutins A et B, ce qui lui éviterait de se rendre à l'urne 91 ( * ) .
Sur le plan juridique, le principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage ne semblerait pas remis en cause .
Certes, les électeurs d'une même circonscription électorale seraient soumis à des règles différentes pour le scrutin B (« dose de proportionnelle ») : les électeurs établis hors de France pourraient voter par Internet, à l'inverse des électeurs inscrits sur le territoire national .
Le Conseil constitutionnel considère toutefois que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » 92 ( * ) .
En l'espèce, il existe clairement une différence de situation entre les Français établis hors de France - qui doivent souvent parcourir de nombreux kilomètres pour se rendre dans un bureau de vote (voir supra ) - et les Français inscrits sur le territoire national - dont la commune comprend au moins un bureau de vote.
Le Conseil d'État l'a d'ailleurs relevé dans son rapport public de 2010 : « eu égard à l'extrême difficulté, voire à l'impossibilité pratique, auxquelles peuvent se heurter les Français établis hors de France non seulement pour se rendre dans les bureaux de vote, mais encore pour donner procuration à un compatriote de confiance [...], le vote par voie électronique [peut] apparaître [...] comme le seul moyen pour les Français résidant hors de France d'exercer effectivement un droit qu'ils tiennent désormais de la Constitution » 93 ( * ) .
En cas d'adoption des réformes institutionnelles, la sécurisation du vote par Internet représenterait un enjeu encore plus sensible : le piratage de la plateforme de vote pourrait remettre en cause l'élection des députés représentant les Français de l'étranger mais également celle des 61 députés de la « dose de proportionnelle » 94 ( * ) . Dans cette hypothèse, l'ensemble des Français seraient rappelés aux urnes, qu'ils soient inscrits sur le territoire national ou à l'étranger.
EXAMEN EN COMMISSION
_______
MERCREDI 24 OCTOBRE 2018
M. Philippe Bas, président . - La décision du Gouvernement d'abandonner, pour les élections législatives de 2017, le vote par Internet pour les Français de l'étranger, pourtant prévu par les textes et déjà utilisé en 2012, constitue le point de départ des travaux de nos deux rapporteurs, Mme Jacky Deromedi et M. Yves Détraigne. Le risque que la plateforme de vote soit piratée était alors présenté comme la raison de cet abandon. Il nous avait paru regrettable de devoir accepter, sur des arguments informatiques, une telle régression de l'expression démocratique de nos compatriotes expatriés !
Hélas, le Gouvernement ne semble pas avoir recherché depuis une issue à cette difficulté : il n'a présenté, lors de la dernière réunion de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), ni calendrier, si solution technique. Il s'agit pourtant d'une question d'égalité des citoyens devant le suffrage ! Je souhaite que le rapport d'information constitue le point de départ d'une démarche affirmée du Sénat en faveur de ce principe démocratique incontournable.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur . - Le vote électronique recouvre deux dispositifs distincts : les machines à voter, utilisées par une minorité de communes pour l'ensemble des élections politiques, et le vote par Internet, ouvert à nos compatriotes établis hors de France pour les élections législatives et consulaires. Notre commission a déjà a examiné ces dispositifs en 2014, sur le rapport de notre collègue Antoine Lefèvre et de notre ancien collègue Alain Anziani.
Les actuelles machines à voter sont proches de l'obsolescence, le moratoire de 2008 ayant ralenti les efforts de modernisation. Les communes utilisatrices craignent désormais l'abandon d'appareils qui leur donnent entière satisfaction. Par ailleurs, le recours au vote par Internet a été supprimé pour les dernières élections législatives, au détriment de nos compatriotes de l'étranger qui ont souvent dû parcourir de nombreux kilomètres pour se rendre dans un bureau de vote. À l'issue de nos travaux, nous avons acquis la conviction qu'il convient de conforter et de sécuriser ces deux dispositifs.
M. Yves Détraigne, rapporteur . - La France fêtera prochainement les cinquante ans de l'introduction des machines à voter dans son droit électoral. Le recours à ces appareils est une faculté pour les communes de plus de 3 500 habitants, sous réserve de l'accord du préfet. Il demeure toutefois résiduel : au 1 er janvier 2018, seules soixante-six communes utilisent des machines à voter pour tout ou partie de leurs bureaux de vote, ce qui représente 1 421 bureaux de vote et 1,39 million d'électeurs, soit 3 % du corps électoral.
Pour comprendre le fonctionnement des machines à voter, nous avons reçu les représentants des communes utilisatrices et effectué deux déplacements au Havre et à Mandelieu-la-Napoule. Dans un bureau de vote équipé d'une machine à voter, aucune enveloppe ni aucun bulletin de vote papier n'est remis à l'électeur. Prenant son tour dans une éventuelle file d'attente, il se présente devant l'appareil, avec l'autorisation du président du bureau de vote. Seul le votant fait face à la machine afin de garantir le secret du vote, même en l'absence d'isoloir. Une fois le vote validé, le président du bureau annonce que l'électeur a voté et referme l'urne électronique. À la clôture du bureau de vote, l'urne est définitivement fermée et les résultats sont imprimés par la machine sur un ticket de dépouillement.
Les exigences de sécurité à l'égard des machines à voter sont nombreuses. Les appareils sont agréés par arrêté du ministère de l'intérieur, après vérification du bureau de contrôle Veritas. Les critères de l'agrément sont fixés par le règlement technique de 2003, qui définit pas moins de 114 exigences.
Des précautions sont également prises au cours du processus électoral. Ainsi, les machines à voter fonctionnent en autonomie : elles ne sont pas reliées par un réseau et ne font pas appel à Internet. Leur intégrité est également garantie par des règles de protection physique. Conformément à une circulaire de 2017, les machines sont stockées dans un local sécurisé : seules les personnes habilitées peuvent y accéder et leur présence est consignée dans un registre d'accès. De même, les opérations de programmation des appareils sont réalisées en présence des candidats à l'élection ou de leurs délégués. Une fois la machine paramétrée, les agents de la commune y apposent des scellés numérotés et ses modalités de fonctionnement ne peuvent plus être modifiées jusqu'au scrutin. Enfin, les communes utilisatrices possèdent des appareils de secours, mis en service en cas de défaillance. D'après le ministère de l'intérieur, l'application de ces règles n'a causé aucune difficulté particulière lors de l'élection présidentielle et des élections législatives de 2017, hormis un incident identifié à Issy les Moulineaux lors du second tour de l'élection présidentielle. Cet incident résultait d'une erreur humaine, non d'un dysfonctionnement de la machine.
Lors de leur audition, les représentants des communes utilisatrices se sont déclarés pleinement satisfaits des machines à voter. Grâce au ticket de dépouillement, ces appareils génèrent des gains de temps importants en accélérant le dépouillement : à la clôture du bureau de vote, il n'est pas nécessaire de faire appel à des scrutateurs pour compter les enveloppes, les répartir entre les tables de dépouillement et comptabiliser les résultats par candidat. Les machines à voter empêchent également la nullité d'un bulletin, puisqu'il est impossible d'ajouter des inscriptions, de rayer un élément ou d'insérer plusieurs bulletins dans une même enveloppe. Les machines sont, en outre, facilement accessibles pour les personnes en situation de handicap. Elles n'ont, en revanche, pas d'influence sur le taux de participation, ainsi que nous l'avons constaté à Antibes, où seuls certains bureaux de vote en sont équipés.
Depuis 2008, le Gouvernement a mis en place un moratoire : les préfets n'autorisent plus de nouvelles communes à s'équiper de machines à voter et l'État n'agrée plus d'autres modèles. Les communes déjà équipées peuvent continuer à utiliser leurs appareils mais, en pratique, elles ne renouvellent pas leur parc, craignant que l'État n'interdise les machines à voter.
Initialement, ce moratoire représentait un compromis entre les inquiétudes générées par cette technologie et la volonté des communes utilisatrices d'amortir l'achat de ces appareils. Il est désormais daté ; il ralentit le processus de fiabilisation et de sécurisation des machines à voter. Les appareils sont vieillissants et ne pourront plus être maintenus en état d'ici quelques années. Comme le souligne l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), « le maintien à long terme du moratoire représente sans doute la pire des solutions : les machines acquises avant 2008 continuent à être utilisées, sans jamais être mises à jour ». Nous nous trouvons donc face à un choix politique : interdire les machines à voter ou, au contraire, assurer leur maintien et leur modernisation.
Lors de nos travaux, aucun acteur institutionnel ni aucun informaticien n'a pu démontrer le manque de fiabilité des résultats électoraux dans les communes qui utilisent des machines à voter. Seuls des risques potentiels ont été mis en avant, sans preuve matérielle de l'existence de fraudes passées sur le territoire français. L'ANSSI et le ministère de l'intérieur ont d'ailleurs refusé d'organiser une simulation de piratage contre une machine à voter comme nous le leur proposions. Or, seul un tel test aurait pu démontrer l'éventuelle vulnérabilité des machines !
Dans ces conditions, notre première proposition vise à lever le moratoire de 2008. Nous souhaitons ainsi sécuriser la situation des communes qui utilisent, avec satisfaction, les machines à voter et permettre à de nouvelles communes de s'équiper, sur la base du volontariat.
Parallèlement, nous devons relancer les efforts de sécurisation des machines à voter, même si aucune fraude n'a été constatée sur le territoire français. Avec notre deuxième proposition, nous recommandons de créer les conditions d'un dialogue tripartite entre le ministère de l'intérieur, l'ANSSI et les communes utilisatrices. Une telle méthode avait été mise en oeuvre en 2007 et avait permis d'engager un dialogue efficace et apaisé.
Dans la même logique, notre troisième proposition vise à durcir les conditions d'agrément des nouvelles machines à voter. En effet, quinze ans après leur entrée en vigueur, les critères du règlement technique de 2003 doivent être actualisés. L'opération de paramétrage des appareils pourrait également être sécurisée, un tiers indépendant s'assurant de l'intégrité des scellés apposés jusqu'à l'ouverture du bureau de vote.
Enfin, la levée du moratoire de 2008 doit s'accompagner d'une réflexion sur les règles de financement des machines à voter, notamment pour inciter les communes à moderniser leurs appareils. Initialement, l'État prenait en charge l'ensemble des coûts d'acquisition et d'entretien des machines à voter. Cette règle figure d'ailleurs à l'article L. 69 du code électoral. Dans les années 2000, l'État s'est toutefois contenté de verser une subvention forfaitaire de 400 euros par machine pour un coût unitaire estimé à 5 500 euros. Depuis 2008, il ne donne plus rien. Notre quatrième proposition incite donc les communes utilisatrices à renouveler leur parc de machines à voter, au besoin à l'aide d'une subvention de l'État.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur . - Il nous est également apparu indispensable de sécuriser le vote par Internet, qui constitue une garantie essentielle pour les 1,8 million de Français de l'étranger.
Le vote par Internet est le fruit d'une initiative de notre collègue Robert del Picchia en 2003. Il est circonscrit à l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et aux élections consulaires. Son extension à d'autres scrutins n'a pas été envisagée, soit parce que le nombre de votants est trop faible pour amortir le coût du dispositif - ce serait le cas des élections sénatoriales - soit parce que le scrutin concerne l'ensemble des Français.
Le vote par Internet doit concilier deux impératifs : sa sécurité et son ergonomie.
S'agissant de la sécurité, il fait l'objet de contrôles de la part du bureau de vote par voie électronique (BVE), de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de l'ANSSI et du juge électoral.
Pour ce qui concerne son ergonomie, le vote par Internet demeure une procédure complexe, notamment parce que les codes d'identification des électeurs doivent être envoyés a minima par deux canaux de transmission comme les courriels et les SMS. Lors des élections consulaires de 2014, au moins 6 % des votants par Internet, soit environ 4 630 personnes, ont rencontré des difficultés de connexion et dû contacter la cellule d'assistance technique.
Sur le plan sociologique, le vote par Internet ne semble pas avoir d'influence décisive sur le taux de participation des électeurs établis hors de France, qui dépend principalement des enjeux du scrutin. À titre d'illustration, en 2012, 39,07 % des Français de l'étranger ont participé au premier tour de l'élection présidentielle (pour lequel seul le vote à l'urne était autorisé) et seulement 20,71 % d'entre eux ont voté au premier tour des élections législatives (pour lequel le vote par Internet était ouvert, en complément du vote à l'urne et du vote par correspondance). Le recours au vote électronique varie en outre selon les régions du monde : au premier tour des élections législatives de 2012, 78,71 % des votants se sont exprimés par Internet en Europe du Nord, contre 33,93 % au Proche-Orient et en Afrique.
Le vote par Internet constitue toutefois une garantie essentielle pour les Français de l'étranger. Si 80 % d'entre eux habitent à moins de quinze kilomètres d'un bureau de vote, certains doivent effectuer un long trajet pour se rendre aux urnes. Lors des dernières élections législatives, un seul bureau de vote était ouvert en République centrafricaine, deux en Colombie et trois en Russie. Un expatrié vivant à Irkoutsk doit, par exemple, parcourir 2 812 kilomètres pour voter à Ekaterinbourg, ce qui représente un trajet de plus de trois heures en avion et un budget d'environ 470 euros. Le vote par Internet permet également de répondre à des difficultés très concrètes, notamment lorsqu'un risque existe en matière de sécurité. En pratique, les Français de l'étranger l'utilisent massivement : plus de la moitié d'entre eux ont voté en ligne lors des élections législatives de 2012.
Le vote par Internet comporte donc de nombreux avantages qui plaident pour son maintien. Il rencontre cependant de sérieuses difficultés qui ont conduit le précédent Gouvernement à l'abandonner pour les élections législatives de 2017.
Cette décision s'explique notamment par le contexte géopolitique. Elle ne résultait pas d'une menace précise ou d'un risque clairement identifié mais d'un environnement plus global, avec les attaques contre le site Internet de TV5 Monde en 2015 et les interrogations sur le déroulement de la campagne présidentielle américaine en 2016. Le Gouvernement a donc fait usage du principe de précaution, comme l'a reconnu l'ancien président du bureau de vote par voie électronique.
Outre ces difficultés géopolitiques, la plateforme de vote en ligne présente des imperfections structurelles, qui ont également contribué à l'abandon du vote par Internet pour les élections législatives de 2017.
Conçue à partir de mai 2016, cette plateforme représente un projet d'envergure. Outre le système de vote, elle comporte plusieurs services périphériques comme la centralisation des résultats du scrutin, y compris depuis les bureaux de vote physiques. Le marché a été attribué à la société espagnole SCYTL, pour une durée de quatre ans. Son montant total s'élève à 3,73 millions d'euros, somme à laquelle il faut ajouter 2,99 millions d'euros de prestations annexes confiées à d'autres entreprises.
Dès l'origine, le calendrier de l'opération était trop resserré, comme l'a démontré la Cour des comptes. Le prestataire et l'administration n'ont pas eu suffisamment de temps pour concevoir et tester la nouvelle plateforme.
En outre, le besoin initial en matière de sécurité a été sous-estimé : le Gouvernement a multiplié par deux ses exigences pendant l'exécution du marché, sans revoir le contrat du prestataire.
Enfin, les deux tests grandeur nature (TGN) organisés en décembre 2016 et en février 2017 n'ont pas donné satisfaction. Lors du second TGN, 14 % des utilisateurs n'ont pas réussi à accéder à la plateforme, contre environ 5 % lors des élections législatives de 2012. Ces difficultés ergonomiques ont retardé la sécurisation du dispositif, comme l'a confirmé l'ANSSI au cours de son audition. Si les responsabilités semblent partagées entre l'administration et le prestataire, il semble étonnant que ce dernier n'ait subi aucune pénalité, alors que sa plateforme présentait de graves imperfections fonctionnelles. Son marché public n'a pas été résilié ; il est encore en vigueur.
Dans ce contexte, l'enjeu est de maintenir le vote par Internet pour les Français de l'étranger tout en sécurisant le dispositif. Cette exigence reprend l'engagement pris par le Président de la République devant l'Assemblée des Français de l'étranger.
À court terme, il faut garantir l'organisation du vote par Internet pour les élections consulaires de 2020, en travaillant avec le même prestataire, la société SCYTL. Avec notre cinquième proposition, nous souhaitons que l'État renforce ses capacités de pilotage technique et organise au moins trois tests grandeur nature en amont du scrutin.
À moyen terme, une nouvelle procédure de mise en concurrence sera lancée pour préparer les élections législatives de 2022. Il faudra éviter de reproduire les erreurs constatées en 2017 ! Avec notre sixième proposition, nous préconisons que l'État renforce les moyens alloués à la sécurisation du vote par Internet. À titre d'exemple, la dématérialisation de la propagande électorale pour les seuls Français de l'étranger permettrait d'économiser plus de 3 millions d'euros, qui pourraient être réinvestis dans la plateforme de vote.
De même, il convient de rationaliser la procédure de passation du marché public pour s'assurer de l'adéquation entre les besoins de l'administration et les offres des candidats. Le marché doit être attribué au moins dix-mois mois avant le scrutin - contre douze mois en 2017 - pour pouvoir corriger les imperfections constatées lors des tests grandeur nature.
À long terme, notre septième proposition vise à s'assurer de l'identité des électeurs qui se connectent sur la plateforme de vote, en recourant par exemple à des techniques biométriques. Un tel dispositif simplifierait également la procédure de connexion, en supprimant l'envoi des codes d'identification par courriel et par SMS ; il nécessiterait de nombreuses garanties en matière de protection des données personnelles.
Enfin, nous devons porter une attention particulière aux conséquences, pour les Français de l'étranger, de la prochaine réforme institutionnelle s'agissant des élections législatives.
Les projets de loi déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale proposent notamment de supprimer le vote par correspondance lorsque les Français de l'étranger sont autorisés à voter par Internet. Nous n'y sommes pas hostiles mais souhaitons, avec notre huitième proposition, que l'Assemblée des Français de l'étranger soit consultée en amont sur ce choix fondamental entre les deux modalités de vote.
Nos compatriotes établis hors de France disposeraient, après la réforme, de deux votes : un vote pour l'élection au scrutin proportionnel de députés dans la circonscription « Français de l'étranger » (qui deviendrait une circonscription unique), et un vote pour l'élection, également à la proportionnelle, de 61 députés sur une liste nationale. Nous avons constaté avec satisfaction que le vote par Internet serait ouvert pour ces deux scrutins, ce qui présente l'avantage de la cohérence et de la simplicité. Il faut que ce principe soit maintenu au cours de la navette parlementaire.
M. Philippe Bas, président . - Je vous remercie pour votre exposé fort concret qui soulève des questions essentielles pour le fonctionnement de notre démocratie.
Mme Agnès Canayer . - La ville du Havre utilise des machines à voter depuis 2004. Il s'agit d'un engagement démocratique important à l'endroit de nos électeurs.
La ville se trouve désormais au pied du mur : comment expliquer que le système ne fonctionne pas, alors qu'il s'est montré efficace pendant presque quinze ans et qu'aucun problème n'a été déploré ?
L'enjeu est également financier : Le Havre a investi un million d'euros pour l'achat de 150 machines et aimerait pouvoir échelonner le renouvellement indispensable de son parc. Je remercie les rapporteurs pour leur travail, dont l'apport au débat sera essentiel.
M. François Bonhomme . - Votre rapport d'information a le grand mérite de réaliser une analyse exhaustive du sujet. Certes, la sécurité et la fiabilité des dispositifs doivent être améliorées. Pour autant, j'avoue être moins convaincu par l'argument que je qualifierais de « totem moderniste ».
L'acte de vote est sacré dans une démocratie ! Les urnes et le caractère secret du vote, qui n'existaient pas sous la Révolution française, représentent dans ce cadre un immense progrès. Je crains une désacralisation de l'acte de vote s'il venait à être dématérialisé. Nous rappelons souvent que le geste doit être tremblant pour modifier la loi ; changer les modalités du vote ne peut non plus être anodin.
M. François Pillet . - J'apprécie toujours lorsqu'un exposé pédagogique permet un débat éclairé ; je vous remercie donc pour la grande qualité de votre présentation.
Je partage les interrogations de François Bonhomme, en distinguant toutefois l'usage de la machine à voter, qui nécessite toujours l'acte civique et symbolique de se déplacer dans un bureau de vote, du vote par Internet. La nécessité de cette seconde modalité peut néanmoins se comprendre pour nos compatriotes vivant à l'étranger, compte tenu de la distance qui parfois les sépare d'un bureau de vote.
Lors des auditions que vous avez menées ou des déplacements que vous avez effectués, a-t-il été envisagé par certains de vos interlocuteurs que l'expérimentation du vote par Internet puisse être étendue à l'ensemble des électeurs français, y compris lorsqu'ils résident sur le territoire national ? Personnellement, je serais très préoccupé par une telle expérimentation...
M. Henri Leroy . - J'aimerais apporter mon témoignage d'élu municipal de Mandelieu-la-Napoule, qui utilise le vote électronique depuis 2005. Je puis vous assurer que le caractère cérémonieux de l'acte de vote ne s'en trouve aucunement amoindri.
Selon les sondages que nous avons réalisés, les jeunes apprécient la modernité du procédé, tandis que les plus âgés y semblent accoutumés. À Antibes par exemple, où certains bureaux de vote sont équipés de machines à voter et d'autres non, les électeurs qui dépendent de bureaux de vote traditionnels réclament l'installation de machines à voter !
Croyez-moi : l'acte de vote demeure symbolique ; la sensation est intacte. La fraude, en outre, s'avère impossible compte tenu de l'installation de scellés préalablement au vote, au besoin par huissier de justice. D'ailleurs, nous utilisons des machines à voter au Congrès des maires ! Enfin, les mal voyants peuvent, grâce à ce système, voter sans l'aide d'un tiers.
À mon sens, le sujet n'est en réalité préoccupant qu'à cause du moratoire de 2008 qu'il convient de lever, afin de moderniser le parc des machines à voter.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je joins mes félicitations à celles de mes collègues concernant la clarté de ce rapport. Il convient de distinguer les machines à voter du vote par Internet, surtout s'il était envisagé une généralisation de ce dernier.
Je n'ai guère d'expérience s'agissant de l'utilisation des machines à voter et la question m'apparaît mineure. Du reste, la fraude, phénomène néanmoins en recul, ne constitue pas un sujet propre aux machines à voter : dans ma région, d'aucuns parlent de « sucrage des urnes »...
Le vote doit, à mon sens, rester un acte sacré qui soude la Nation dans un geste symbolique qu'il ne faut pas perdre.
Le vote par Internet pose, en conséquence, un problème différent. Si son usage paraît, pour des raisons pratiques, logique et de bon sens pour les Français résidant à l'étranger, je ne suis pas favorable à son élargissement à l'ensemble des électeurs. Prenons garde aux dérives modernistes qui remettraient en cause le caractère cérémoniel du vote.
M. Jérôme Durain . - Je ne partage par la crainte exprimée par certains de nos collègues de voir désacralisé le geste électoral. J'ai parfois trouvé les bureaux de vote tristes et austères... Je suis favorable à l'utilisation des machines à voter dès lors que la sécurité et la fiabilité sont garanties.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur . - Il me semble effectivement important, comme le mentionnait notre collègue François Pillet, que les électeurs se déplacent physiquement pour voter. J'ai toujours plaisir à le constater, pour les Français de l'étranger, dans nos ambassades et consulats.
Lorsqu'il est mis en oeuvre, le vote par Internet n'est qu'une une possibilité : les urnes existeront ! Dans certains pays où les distances sont considérables, le vote par Internet est toutefois indispensable pour permettre à nos compatriotes expatriés de conserver un lien avec la France, même si les conséquences sur le taux de participation ne paraissent pas évidentes.
En revanche, notre rapport d'information ne préconise nullement la généralisation du vote par Internet à l'ensemble des électeurs résidant sur le territoire français ; le coût en serait trop élevé et le risque de piratage important.
M. Yves Détraigne . - De même, nous ne proposons pas de rendre obligatoire l'usage des machines à voter mais de permettre aux communes utilisatrices de moderniser leurs équipements. Parce qu'il n'est pas relié à Internet, ce dispositif ne pose pas de difficulté en matière de sécurité. Il préserve, en outre, le rituel du vote. Pourquoi, dès lors, bloquer le renouvellement du parc de machines à voter? Une décision de bon sens doit être prise.
M. Philippe Bas, président . - Chers rapporteurs, recevez à nouveau mes remerciements pour votre étude approfondie. Je vous propose d'envoyer le présent rapport d'information, accompagné d'un courrier au Président de la République, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, afin d'insister sur l'urgence de la problématique du vote par Internet pour les Français de l'étranger.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, DÉPLACEMENTS ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Ministère de l'intérieur, direction de la modernisation et de l'action territoriale
M. François Pesneau, adjoint au directeur de la modernisation et de l'action territoriale
M. Cyriaque Bayle, adjoint au chef de bureau des élections et études politiques
Mme Parvine Lacombe, adjointe au chef de bureau des élections et études politiques
Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire
M. Nicolas Warnery, ministre plénipotentiaire, directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire
M. Sylvain Riquier, conseiller des affaires étrangères, sous-directeur de l'administration des Français
Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC)
M. Xavier Albouy, ingénieur général des mines, chef du service performance des services numériques
Secrétariat d'État chargé du numérique
M. Côme Berbain, conseiller en charge de la transformation numérique de l'État et de la sécurité numérique
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
M. Paul Hébert, directeur-adjoint de la direction de la conformité
M. Christophe Vivent, ingénieur expert en technologie de l'information, à la direction des technologies et de l'innovation
Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires
Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI)
M. Guillaume Poupard, directeur général
M. Vincent Strubel, sous-directeur Expertise
M. Christian Daviot, chargé de la stratégie
L'observatoire du vote
M. Hervé Suaudeau, expert informatique
Cour des comptes
M. Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre
M. Roch-Olivier Maistre, président de section
Mme Catherine Démier, conseiller maître
Association démocratique des Français à l'étranger (ADFE)
Mme Claudine Lepage, sénatrice, présidente de l'ADFE
Assemblée des Français de l'étranger (AFE)
Mme Martine Schoeppner, vice-présidente
Union des Français de l'étranger
M. François Barry Delongchamps, président délégué
Association des villes pour le vote électronique
M. Claude Capillon, président, maire de Rosny-sous-Bois
M. Gabriel Lapeyre, directeur de cabinet
Mme Lucile Bunelle, responsable du service élections / état-civil
M. Franck Columeau, responsable DSI
Commune d'Issy-les-Moulineaux
M. Gérard Martin, adjoint au maire en charge du logement, de l'état-civil et des élections
M. Sébastien Bizot, directeur général adjoint des services
Commune de Villeneuve-le-Roi
M. Didier Gonzales , maire
Mme Manuela Legendre , responsable des affaires générales
France Élection
M. Hervé Palisson , directeur
M. Grégoire Reyns , responsable ingénierie et solutions
Scytl
M. Jean Souto, Executive VP
Surys
Mme Corinne Murcia Giudicelli , directrice des affaires stratégiques et des relations institutionnelles
M. Marc Pic , directeur technique adjoint, solutions digitales
M. Amaury Chasseux , chef de produit, solutions identités et véhicules
Personnalités qualifiées
M. Sylvain Bouveret, maître de conférences en informatique
Me Pierre Ciric, avocat au barreau de New-York
Mme Chantal Enguehard, enseignante-chercheuse en informatique, membre du laboratoire des sciences du numérique de Nantes
Me Caroline Gaffodio, avocat au barreau de Paris
M. Gilles Guglielmi, professeur agrégé de droit public et docteur en droit
M. Antoine Lefèvre, sénateur de l'Aisne
M. François Pellegrini, informaticien et professeur des universités
M. Gilles Toulemonde, maître de conférences en droit public
DÉPLACEMENTS EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER
LE HAVRE
5 février 2018
Mairie du Havre
M. Luc Lemonnier, maire
Mme Agnès Canayer, sénateur de la Seine-Maritime, conseiller municipal délégué
M. Florent Saint Martin, adjoint au maire
M. Augustin Boeuf, conseiller municipal délégué
M. Marc Charpentier, directeur de cabinet
M. François Cavard, directeur général des services
M. Vincent Depczynskin, directeur de l'administration générale et de la coordination
Mme Fanny Lemercier, chef du service élections
M. Gilles Lemaire, service informatique
Mme Véronique Mauger, président de bureau de vote
M. Benoît Naous, président de bureau de vote
MANDELIEU-LA NAPOULE
14 mai 2018
Mairie de Mandelieu-La Napoule
M. Sébastien Leroy, maire
M. Henri Leroy, sénateur, maire honoraire
Mme Christine Lequilliec, première adjointe au maire
M. Georges Lorenzelli, adjoint au maire
Mme Valérie Allegre, directrice générale des services
GENÈVE (SUISSE)
4 et 5 juin 2018
Canton de Genève
Mme Michèle Righetti, chancelière d'État
M. Christophe Genoud , vice-chancelier d'État
M. Jan-Philyp Nyffenegger , directeur du support et des opérations de vote
Consulat général de France à Genève
M. Olivier Mauvisseau , consul général
M. Jean-Charles Bou, consul général adjoint
M. Ernest Charon, consul adjoint
Mme Marine Lugagne Delpon, attachée de presse et de communication
Personnalité qualifiée
M. Pascal Sciarini, professeur à l'université de Genève (Unige)
TALLINN (ESTONIE)
13 et 14 septembre 2018
Essti Riigikogu (parlement estonien)
M. Marko Pomerants, président de la commission constitutionnelle
M. Priit Vinkel, chef du bureau des élections
Autorité des systèmes d'information d'Estonie
M. Hannes Krause, directeur du service de la politique et d'analyse
Showroom e-Estonia (administration électronique en Estonie)
M. Karli Suvisild, conférencier
Ambassade de France en Estonie
Mme Claudia Delmas-Scherer, ambassadrice
M. Hélène Sabaton, vice-consul, chef de chancellerie consulaire
Mme Anne Chounet-Cambas, directrice du service de coopération et d'action culturelle de l'Institut français d'Estonie, conseillère de coopération et d'action culturelle
M. Hector de Rivoire, chargé d'études économiques
Personnalité qualifiée
Mme Claude Anttila, conseiller consulaire
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
M. Stéphane Pintre, directeur général des services de la commune d'Antibes
M. Vassili Le Moigne , conseiller consulaire
ANNEXE N° 1 -
HISTORIQUE DE L'UTILISATION
DES MACHINES À VOTER EN FRANCE
Depuis 1969 95 ( * ) , l'article L. 57-1 du code électoral autorise les communes à utiliser des machines à voter.
Initialement réservée aux seules communes de plus de 30 000 habitants, cette faculté a été élargie en 1988 , à toutes les communes de plus de 3 500 habitants 96 ( * ) .
Utilisées pour la première fois lors des élections législatives de 1973 , les machines à voter mécaniques ont subi de nombreuses pannes et défaillances, qui ont conduit à leur abandon progressif dans les années 80.
Le recours aux machines à voter a toutefois été relancé dans les années 2000 , les industriels ayant développé des machines électroniques (et non mécaniques) plus performantes.
Des efforts ont également été consentis pour sécuriser les appareils : un arrêté du 17 novembre 2003 approuva le règlement fixant leurs conditions d'agrément 97 ( * ) .
Parallèlement, la procédure d'autorisation fut simplifiée en 2004, à l'initiative de notre ancien collègue Patrice Gélard 98 ( * ) : le soin de fixer la liste des communes pouvant utiliser des machines à voter a été délégué au préfet. De même, le recours à ces appareils a été étendu à l'élection des sénateurs dans les départements où elle a lieu à la représentation proportionnelle 99 ( * ) .
Lors des élections régionales et cantonales de mars 2004, la commune de Brest fut la première à recourir à ces machines à voter de nouvelle génération , imitée par dix-sept autres communes lors des élections européennes de juin 2004. Le référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe vit cinquante-six communes utiliser des machines à voter.
Le point culminant fut atteint lors de l'élection présidentielle de 2007 : quatre-vingt-deux communes ont utilisé des machines à voter, ce qui représente 1,5 million d'électeurs et 3 % du corps électoral .
Plusieurs difficultés, d'ordres technique, juridique et financier ont toutefois été relevées, conduisant le Gouvernement à mettre en place un groupe de travail sur le sujet, lequel recommanda « de geler le périmètre des communes utilisatrices » à compter de 2008 (moratoire) .
Depuis lors, tous les Gouvernements successifs ont suivi ce moratoire et seize communes ont abandonné les machines à voter.
ANNEXE N° 2 -
LISTE
DES 66 COMMUNES UTILISANT DES MACHINES À VOTER
Région |
Département |
Commune |
Auvergne-Rhône-Alpes |
Haute-Savoie |
Thyez |
Isère |
Meylan |
|
Voiron |
||
Loire |
Saint-Chamond |
|
Rhône |
Chazay-d'Azergues |
|
Bourgogne-Franche-Comté |
Doubs |
Montbéliard |
Nièvre |
Nevers |
|
Bretagne |
Côtes-d'Armor |
Trégueux |
Finistère |
Brest |
|
Morbihan |
Ploemeur |
|
Ploërmel |
||
Questembert |
||
Theix-Noyalo |
||
Centre-Val de Loire |
Cher |
Bourges |
Saint-Amand-Montrond |
||
Grand Est |
Haut-Rhin |
Mulhouse |
Riedisheim |
||
Marne |
Épernay |
|
Hauts-de-France |
Nord |
Annoeullin |
Condé-sur-Escaut |
||
Saint-Pol-sur-Mer |
||
Oise |
Noyon |
|
Île-de-France |
Hauts-de-Seine |
Antony |
Bois-Colombes |
||
Boulogne-Billancourt |
||
Chatenay-Malabry |
||
Colombes |
||
Courbevoie |
||
Garches |
||
Issy-les-Moulineaux |
||
Sèvres |
||
Suresnes |
||
Vaucresson |
||
Ville-d'Avray |
||
Seine-et-Marne |
Moissy-Cramayel |
|
Montereau-Fault-Yonne |
||
Savigny-le-Temple |
||
Villenoy |
Région |
Département |
Commune |
Île-de-France
|
Seine-Saint-Denis |
Bagnolet |
Rosny-sous-Bois |
||
Stains |
||
Val-de-Marne |
Arcueil |
|
Bry-sur-Marne |
||
Villeneuve-le-Roi |
||
Val-d'Oise |
Vauréal |
|
Normandie |
Seine-Maritime |
Le Havre |
Nouvelle-Aquitaine |
Landes |
Mimizan |
Occitanie |
Haute-Garonne |
Castanet-Tolosan |
Hérault |
Palavas-les-Flots |
|
Valras-Plage |
||
Villeneuve-lès-Béziers |
||
Pays de la Loire |
Loire-Atlantique |
Blain |
Couëron |
||
Orvault |
||
Pornichet |
||
Sarthe |
Le Mans |
|
Vendée |
Les Herbiers |
|
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
Alpes-Maritimes |
Antibes |
Mandelieu-La Napoule |
||
Mougins |
||
Saint Laurent-du-Var |
||
Valbonne |
||
Vence |
||
Villeneuve-Loubet |
||
Bouches-du-Rhône |
Marignane |
|
Vaucluse |
Orange |
ANNEXE N° 3 -
LA
REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS
ÉTABLIS HORS DE FRANCE
Les Français établis hors de France sont représentés :
- à l'Assemblée nationale et au Sénat (article 24 de la Constitution) ;
- par des instances représentatives spécifiques (article 34 de la Constitution) : les conseils consulaires et l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).
La représentation des Français de l'étranger
Source : commission des lois du Sénat
1. Les députés représentant les Français établis hors de France
Initialement, l'article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 disposait que « les Français établis hors de France [étaient] représentés au Sénat », excluant ainsi une représentation à l'Assemblée nationale. Il a fallu attendre la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour soient créées des circonscriptions électorales à l'étranger en vue des élections législatives 100 ( * ) .
En l'état du droit, les Français établis hors de France élisent onze députés au scrutin majoritaire à deux tours, dans onze circonscriptions électorales prévues à cet effet 101 ( * ) (suffrage universel direct) .
Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 mai 2018, le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit de :
- réduire le nombre de députés de 30 % (députés représentant les Français de l'étranger inclus) et d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour procéder à une nouvelle répartition des sièges ;
- modifier le mode d'élection des députés représentant les Français de l'étranger, en instaurant un scrutin proportionnel de liste , organisé dans le cadre d'une circonscription électorale unique ;
- permettre aux Français de l'étranger de participer à l'élection de soixante-et-un députés sur une liste nationale (« dose de proportionnelle »).
2. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France
Douze sénateurs représentent les Français établis hors de France.
Élus dans une circonscription électorale unique et selon un scrutin proportionnel de liste , ils sont répartis entre les deux séries : les six sénateurs de la série 2 ont été élus en 2014, ceux de la série 1 l'ont été en 2017.
Le corps électoral est composé des onze députés et des douze sénateurs représentant les Français de l'étranger, des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) et de délégués consulaires 102 ( * ) (suffrage universel indirect) .
Le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit de réduire le nombre de sénateurs de 30 % (sénateurs représentant les Français de l'étranger inclus), sans modifier le mode de scrutin.
3. Les conseils consulaires
Créés en 2013 103 ( * ) , les conseils consulaires sont des instances consultatives de proximité , chargées de représenter les Français de l'étranger auprès de chaque ambassade pourvue d'une circonscription consulaire et de chaque poste consulaire.
Il existe aujourd'hui 130 conseils consulaires , répartis à travers le monde.
Chaque conseil consulaire comprend :
- l'ambassadeur ou le consul, qui exerce les fonctions de président ;
- des conseillers consulaires , élus au suffrage universel direct à l'occasion des élections consulaires (suffrage universel direct) 104 ( * ) . Au total, 443 conseillers consulaires sont élus tous les six ans.
4. L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE)
L'Assemblée des Français de l'étranger a succédé en 2004 au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) 105 ( * ) . Elle se réunit au moins deux fois par an à Paris.
Le Gouvernement consulte l'AFE sur « toute question consulaire ou d'intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social ». Chaque année, il lui présente un rapport sur la situation des Français établis hors de France.
Initialement, l'Assemblée des Français de l'étranger était composée de 190 membres, dont 155 membres élus au suffrage universel direct par les Français établis hors de France, 11 députés, 12 sénateurs et 12 personnalités qualifiées.
Depuis 2013 106 ( * ) , l'AFE comprend 90 conseillers consulaires , désignés par leurs pairs dans quinze circonscriptions prévues à cet effet 107 ( * ) (suffrage universel indirect) . Les députés, les sénateurs et les personnalités qualifiées n'y siègent plus.
ANNEXE N° 4 -
ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE
SUR LE VOTE ÉLECTRONIQUE
La division de la législation comparée du Sénat a mis à jour son étude de 2007 sur le vote électronique en reprenant comme base le même échantillon (Allemagne, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suisse) 108 ( * ) .
Il a été toutefois jugé utile d'élargir le champ des recherches à l'Europe du Nord (Estonie, Finlande, Suède) et d'offrir en contrepoint une présentation de la situation au Brésil, qui utilise depuis longtemps le vote électronique à grande échelle et dont l'exemple n'est pas sans attraction dans le reste de l'Amérique latine.
I - Un net reflux du vote électronique en Europe pour des raisons de coût et de sécurité
Force est de constater que le vote électronique demeure l'exception en Europe. Depuis 2007, sa situation s'est même dégradée. Certains pays l'ont privé de base légale, comme les Pays-Bas. La décision de la Cour constitutionnelle allemande en 2009 condamnant les modalités de mise en oeuvre du vote électronique a également fait grand bruit. Plusieurs pays ont renoncé à l'employer après les premiers tests et réflexions. Le plus souvent, l'attentisme prévaut donc aussi bien en Europe du Sud, qu'en Scandinavie, au Royaume-Uni et en Irlande.
Il faut trouver l'origine de cette évolution dans la conjugaison de contraintes financières, de craintes pour la sécurité des opérations et la sincérité du scrutin, de l'obligation juridique d'assurer à la fois le secret du vote et la transparence du processus électoral. Les expérimentations menées dans la plupart des pays depuis les années 2000 ont été soit de trop petite ampleur pour être significatives, soit marquées par de nombreux dysfonctionnements.
Cela ne signifie pas que les débats soient définitivement clos. Des commissions sont installées pour examiner à nouveau le sujet et émettre des prescriptions techniques satisfaisantes. Des propositions de loi sont déposées pour étendre le vote électronique et des expérimentations circonscrites à une zone donnée pour un scrutin déterminé continuent à se tenir. Les évolutions technologiques laissent entrevoir une possibilité de satisfaire aux différentes exigences constitutionnelles, dont le respect n'était pas suffisamment garanti par la première génération des dispositifs de vote électronique, qui ne prévoyait pas de possibilité de vérification et de contrôle du vote, ni d'émission d'une preuve papier, mais stockait toutes les données personnelles du vote.
Des revendications régionalistes (Catalogne, Lombardie) sont souvent associées aux demandes d'extension du vote électronique. Paradoxalement, selon les États, parmi les partis politiques qui y sont favorables, on trouve soit des formations libérales au nom de la modernité et de la révolution digitale, soit des mouvements populistes pour favoriser des formes de démocratie directe.
Il n'en demeure pas moins que la Belgique, hormis la Wallonie, certains cantons suisses et l'Estonie font désormais figure de postes avancés ou de camps retranchés des partisans du vote électronique, selon l'optique que l'on retiendra. C'est une différence marquante entre l'Europe et les espaces démocratiques extraeuropéens où de grands États, comme le Brésil, l'Inde ou les Philippines, sans évoquer les États-Unis, utilisent le vote électronique pour limiter la fraude électorale et les pressions dans les bureaux de vote et faciliter l'expression des suffrages de populations défavorisées, parfois illettrées.
Même dans les pays qui recourent largement au vote électronique, on constate une préoccupation croissante pour la sécurité et la sincérité du vote, qui conduit à modifier les types de machines et de procédure employées. La tendance est à l'utilisation de machines permettant un contrôle du vote par l'électeur et l'émission d'une trace sur papier, par exemple via l'impression des bulletins sous un format standard qui permet ensuite leur décompte automatisé.
L'Estonie et certains cantons suisses se distinguent en faisant le choix radical du vote par Internet, dont la sécurisation constitue un enjeu majeur.
II - Un attentisme persistant et des expériences non concluantes en Europe du Sud, dans les Îles britanniques et en Scandinavie
Le Portugal n'a pas fait évoluer sa législation, ni ses pratiques depuis les expériences de vote électronique menées en 1997, 2001, 2004 et 2005, que décrivait l'étude de législation comparée LC 176 de septembre 2007 109 ( * ) . La dernière expérience lors des élections législatives de 2005 eut la particularité de prévoir un vote électronique en mode présentiel dans cinq paroisses ( freguesia ) et en mode non présentiel par Internet pour les Portugais résidents à l'étranger. L'attentisme prévaut depuis en raison des coûts et des difficultés logistiques, des incertitudes sur la sécurité et des exemples étrangers de pays qui ont renoncé au vote électronique.
De même, la situation n'a pas évolué en Espagne depuis l'étude de 2007 110 ( * ) . Le vote électronique n'est pas autorisé par la législation espagnole, bien que la Commission électorale ( Junta Electoral Central ) l'ait conseillé en 2010. Aucune mention n'en est faite dans la loi organique portant régime électoral, dont l'article 86 garantit le secret du vote et décrit la procédure de vote traditionnelle par bulletin placé dans l'urne physique du bureau de vote 111 ( * ) . En juin 2017, le gouvernement espagnol a réaffirmé qu'il n'envisageait pas d'introduire le vote électronique en raison de failles de sécurité qui le rendait vulnérable à la cybercriminalité aujourd'hui en pleine expansion.
Le Pays basque demeure la seule communauté autonome à recourir au vote électronique pour les élections de son parlement 112 ( * ) . Le système utilisé correspond à la première génération de machines à voter sans preuve papier, utilisée dans les années 1990-2000 en Belgique et aux Pays-Bas (cf. infra). Toutefois, une modification de la législation basque en 2015 habilite le gouvernement basque à réaliser toutes les expérimentations pilotes qu'il estime nécessaire en employant des technologies nouvelles qui s'adaptent mieux au processus électoral aux fins d'évaluer leur possible mise en oeuvre. Les systèmes de vote qui peuvent être testés doivent, toutefois, garantir le secret du vote et la transparence du scrutin.
Malgré des tests conduits au moins en Andalousie (2004), en Catalogne (1995, 2003, 2010), dans la Communauté valencienne (1999) et en Galice (1997, 2005), le vote électronique n'y est pas devenu un mode de votation alternatif ni pour les élections régionales, ni pour les municipales. Un projet de loi déposé par le gouvernement indépendantiste catalan devait permettre aux catalans résidant à l'étranger de voter électroniquement au référendum convoqué le 1 er octobre 2017 et aux élections régionales, mais il n'a pu être adopté à la majorité qualifiée des 2/3 requise du parlement catalan 113 ( * ) .
Le cas de l' Italie offre de grandes similarités avec ceux de l'Espagne et du Portugal. Les tests effectués dans les années 2000 n'ont pas été prolongés après les graves dysfonctionnements constatés au moment du décompte des suffrages lors des élections législatives d'avril 2006. Le gouvernement italien a alors renoncé à la mise en oeuvre du vote électronique, comme le relevait l'étude de 2007 114 ( * ) .
Toutefois, les mouvements régionalistes et populistes italiens continuent d'alimenter la demande de révision des modes de votation. C'est ainsi que la Lombardie a adopté une loi régionale spéciale 115 ( * ) pour prévoir le recours au vote sur machines électroniques pour son référendum consultatif sur l'élargissement de son autonomie du 22 octobre 2017. Cette consultation était le résultat de l'alliance entre la Ligue du Nord, qui dirige le gouvernement régional, et le Mouvement Cinq étoiles. Le dispositif technique retenu prévoyait que dans un certain nombre de bureaux de vote, représentant au moins 25 % des électeurs potentiels, les machines à voter permettraient l'impression sur papier du vote exprimé électroniquement à des fins de contrôle de régularité du processus.
Pour l'équipement de l'ensemble des bureaux de vote, 24 000 machines ont été achetées par la région à la société Smartmatic, également active en Flandre, pour une somme de 23 millions d'euros environ, comprenant également les logiciels, les systèmes de sécurité, l'assistance technique et la formation du personnel 116 ( * ) . De l'aveu général, la consultation s'est techniquement mal passée, le décompte des voix électroniques et la collation des résultats des différents bureaux ayant rencontré des problèmes. Il a fallu bloquer les assesseurs sur place et attendre le lendemain pour obtenir la participation et les résultats. Il convient de noter que la Vénétie qui organisait le même jour un semblable référendum n'avait pas ouvert la possibilité de voter électroniquement et les résultats définitifs ont été disponibles bien avant ceux de Lombardie, dans des délais normaux.
On ne peut cependant distinguer un particularisme de l'Europe du Sud, puisque l'attentisme prévaut aussi dans les systèmes politiques scandinaves et dans les pays de Common Law. Les coûts d'opportunité et les risques paraissent démesurés pour l'instant aussi bien en Irlande qu'en Suède.
L' Irlande a expérimenté le vote électronique en 2002 à l'occasion des élections législatives dans 3 circonscriptions sur 42 et du référendum sur le traité de Nice dans 7 circonscriptions. Pour autant, l'expérience a été suspendue, car la commission sur le vote électronique mise en place par l' Electoral (Amendment) Act de 2004 (dissoute depuis) avait conclu dans son rapport que, « compte tenu des problèmes de secret, d'exactitude et d'analyse [...], elle n'est pas en mesure de recommander l'utilisation du système proposé aux élections locales et européennes. La Commission insiste sur le fait que cette conclusion n'est pas fondée sur le constat que le système ne fonctionnera pas, mais sur le constat qu'il n'a pas été prouvé à l'heure actuelle de façon satisfaisante à la Commission qu'il fonctionnera » 117 ( * ) .
En 2009, l'idée du vote électronique a été complètement abandonnée. Les machines à voter commandées auprès d'une société néerlandaise et utilisées en 2002, puis remisées après l'abandon du projet par le gouvernement, à la suite des conclusions de la Commission, ont finalement été destinées au recyclage. Des enchères ont été ouvertes, lesquelles ont finalement conduit le gouvernement à les céder à l'entreprise même qui leur avait vendu les machines. Selon les journaux de l'époque, les machines auraient au total coûté plus de 55 millions d'euros à l'État irlandais (compte tenu de l'acquisition, de l'entretien, de l'entreposage ...) et elles auraient été revendues en 2009 pour 70 267 euros 118 ( * ) .
En Suède , une commission sur la loi électorale comprenant des représentants de tous les partis a proposé en 2015 de faire un essai de vote électronique via Internet dans quelques communes lors des élections de 2018. Cette idée a été rejetée par le gouvernement, qui l'a jugée inopportune au regard du secret du vote et de la garantie que le vote ne soit pas influencé. Le ministre de la justice a également émis des réserves sur la mise en place du vote électronique comme alternative au système manuel, même dans un isoloir, estimant que cela engendrerait des coûts importants. L'intérêt d'une telle transformation serait minime, le système actuel fonctionnant plutôt bien. Il a aussi indiqué que si jamais le vote électronique finissait par être envisagé, alors ce serait selon la méthode présentielle dans un bureau de vote.
La réflexion se poursuit toujours, notamment au Royaume-Uni et en Finlande, malgré les positions fermement défavorables des différents gouvernements quelle que soit leur sensibilité. Les rapports se succèdent, des estimations des coûts et des évaluations des méthodes sont produites. La perspective du vote par Internet est prise au sérieux notamment pour accroître la participation des jeunes aux scrutins.
Au Royaume-Uni , le vote électronique ne fait pas partie des moyens à la disposition des citoyens pour exercer leur droit de vote. Ceux-ci peuvent voter en personne dans un bureau de vote, par voie postale ou par procuration. Pourtant, entre 2000 et 2007, le gouvernement britannique a encouragé les autorités locales anglaises à entreprendre des projets pilotes électoraux pour tester de nouvelles méthodes de vote, incluant le vote électronique (e-voting) et le décompte électronique (e-counting) 119 ( * ) . Font partie des formes testées de vote électronique :
- le vote électronique à distance, utilisant Internet, téléphones mobiles, messagerie texte ou télévision numérique, que ce soit le jour de l'élection ou par anticipation ;
- le vote en ligne dans des endroits supervisés, incluant l'utilisation de kiosques dans les bureaux de vote traditionnels ou dans d'autres endroits publics (bibliothèques, supermarchés, mairies), que ce soit le jour de l'élection ou par anticipation ;
- des bureaux de vote électroniques, permettant aux électeurs de voter dans n'importe quel bureau de vote dans la zone de l'autorité locale le jour du scrutin, grâce à des ordinateurs portables en réseau.
Tous les projets pilotes ont été évalués par la commission électorale depuis 2002. Elle a conclu que l' e-counting avait le potentiel d'améliorer à la fois l'efficacité et la précision du processus de décompte et que le vote électronique améliorait la commodité pour l'électeur. Toutefois, ces conclusions étaient assorties de recommandations :
- tout projet futur d' e-voting ou d' e-counting devra être basé sur des tests plus approfondis de sécurité, de fiabilité et de transparence des solutions proposées, soit par un processus d'accréditation et de certification, soit par un processus d'approvisionnement plus détaillé et approfondi ;
- un temps suffisant doit être alloué à la planification des projets d' e-voting et d' e-counting ;
- aucune nouveau projet pilote d' e-voting ou d' e-counting ne doit être entrepris tant que le Gouvernement n'a pas mis en place une stratégie globale de modernisation électorale précisant comment l'utilisation plus large de la technologie dans les élections garantira la transparence, la confiance du public et la rentabilité.
Dans les faits, aucun nouveau projet pilote n'a été entrepris depuis 2007. En mars 2010, des conclusions du Gouvernement sur l' e-voting ont reconnu que les citoyens étaient préoccupés par la sécurité, la transparence et la rentabilité du vote à distance.
En 2014, la commission sur la démocratie numérique de la Chambre des Communes 120 ( * ) a conduit une série d'auditions sur la démocratie numérique, incluant le vote électronique. Dans son rapport final, la commission estime que « le vote en ligne a le potentiel d'augmenter considérablement la commodité et l'accessibilité du vote (...). La commission est convaincue qu'il existe un intérêt considérable pour le vote en ligne au Royaume-Uni, en particulier parmi les jeunes. Il deviendra de plus en plus difficile de persuader les jeunes électeurs de voter selon les méthodes traditionnelles. Ce n'est qu'une question de temps avant que le vote en ligne ne devienne une réalité, mais il faut d'abord surmonter les problèmes de sécurité. Une fois cela atteint, il y aura un besoin urgent de fournir aux citoyens un accès au vote en ligne, et le Royaume-Uni doit s'y préparer. La commission électorale a appelé le Gouvernement à introduire une "stratégie globale de modernisation électorale [...] précisant comment l'utilisation plus large de la technologie dans les élections garantira la transparence, la confiance du public et la rentabilité". Le nouveau système d'enregistrement en ligne pourrait être la pierre angulaire d'un futur système de vote en ligne, bien que cela ne résolve pas le problème de la vérification de l'identité des personnes lorsqu'elles votent en ligne » .
La commission conclut en soutenant la proposition d'introduire le vote en ligne au Royaume-Uni à partir de 2020, tout en soulignant qu'il faudra au préalable répondre aux préoccupations concernant la fraude électorale et le secret du vote 121 ( * ) .
La Finlande a procédé, via la loi n°13.10.2006/880 122 ( * ) , à une expérimentation du vote électronique dans 3 communes (Grankulla, Högfors et Vichtis) lors des élections municipales de 2008. Cette loi, entrée en vigueur le 1 er janvier 2007 et applicable jusqu'au 31 décembre 2008, permettait aux électeurs des communes précitées de voter par voie électronique, soit en avance dans des lieux de vote préalables, soit le jour du scrutin dans des lieux de vote. Les électeurs pouvaient toutefois opter pour un vote « traditionnel » avec un bulletin de vote. La possibilité de vote par Internet n'était pas ouverte par cette expérimentation. Le gouvernement a décidé le 13 janvier 2010 que le développement du vote électronique comme moyen de vote ne serait pas poursuivi pour le moment en Finlande, et que jusqu'à nouvel ordre, le système de vote actuel devait être appliqué 123 ( * ) .
Depuis, d'autres organes de réflexion créés par le ministère de la justice ont travaillé sur cette question, en se focalisant en particulier sur le vote sur Internet.
En décembre 2017, un groupe de travail du ministère de la justice sur les conditions de mise en place du vote sur Internet en Finlande a conclu qu'il y avait à l'heure actuelle plus de risques que d'avantages au vote sur Internet 124 ( * ) . D'après le groupe de travail, s'il est du point de vue technique possible de construire un système pour le vote par Internet, ces techniques ne sont cependant pas suffisamment avancées dans la mesure où il existe des défauts. Le groupe de travail a souligné les risques inhérents au vote sur Internet. Pour le rendre viable, il faut pouvoir s'assurer que le vote arrive sur la plateforme de comptage des voix de façon non modifiée, préserver le secret du vote, éviter les pressions et la vente de voix qui pourraient être générées par l'émission d'un certificat de vote, éviter la manipulation des résultats et la perturbation du scrutin par une saturation volontaire du site de vote, éviter la perte de confiance dans le système qui peut être affaibli par des rumeurs ou des fausses informations. Enfin, le groupe de travail finlandais a souligné que le développement d'un vote sur Internet n'aurait qu'un petit impact sur la participation au scrutin. Les estimations financières du groupe de travail pour la mise en place d'un système de vote sur Internet s'élèvent à 32 millions d'euros s'il est utilisé 15 ans.
Le groupe de travail indique également que la dématérialisation peut être utilisée pour créer une nouvelle façon de participer. Le développement et la dématérialisation des systèmes de vote et des façons de participer comprennent également d'autres modes que le vote sur Internet : l'implication du citoyen peut être renforcée par exemple par la création de nouveaux types d'outils numériques, qui pourraient rendre les processus de prise de décision plus transparents et offrir aux citoyens de nouvelles possibilités de participer au débat public.
III - Des coups d'arrêts nets et durables enregistrés aux Pays-Bas et en Allemagne
Le coup d'arrêt porté au vote électronique aux Pays-Bas en 2008 est d'autant plus spectaculaire que le législateur autorisa dès 1965 le recours à d'autres modes d'expression du vote que le bulletin papier. Le premier test eut lieu lors des élections provinciales de 1966 sous l'autorité des communes. L'informatisation ayant ouvert des possibilités de développement nouvelles, la loi électorale ( Kieswet ) et le décret électoral ( Kiesbesluit ) furent modifiés en 1989 et un règlement pour l'agrément des machines à voter fut publié 125 ( * ) . À partir de là, le vote électronique sur machines ( stemcomputers ) se généralisa rapidement, au point de concerner 90 % des suffrages dans les années 1990 et au début des années 2000 tant dans les scrutins nationaux que locaux. D'après les statistiques du ministère de l'intérieur, 448 des 458 communes néerlandaises avaient alors installé des machines de vote dans leurs bureaux.
Les élections législatives de novembre 2006, suivies des élections provinciales de mars 2007 constituèrent un tournant majeur. Une enquête des services de renseignement néerlandais 126 ( * ) établit que les machines de la marque Sdu, représentant environ 9 % du stock et utilisées dans 35 communes dont Amsterdam, n'apportait pas de garanties de sécurité suffisantes. Le secret du vote, protégé par l'article 53 de la Constitution néerlandaise, ne pouvait en effet être assuré car elles émettaient un signal susceptible d'être capté jusqu'à 40 m de distance. Le ministre de l'intérieur leur retira l'agrément. Dans certaines communes, les machines de l'autre fournisseur, Nedap, purent être déployées mais dans 24 d'entre elles dont Amsterdam, il fut fait recours aux moyens traditionnels.
Un groupe d'activistes «Nous ne faisons pas confiance aux machines à voter» 127 ( * ) intensifia sa campagne contre le vote électronique tel qu'il était organisé. Les problèmes majeurs venaient de l'impossibilité, en l'absence de trace papier, pour l'électeur de vérifier que son vote avait été correctement pris en compte et pour les scrutateurs ou les observateurs de contrôler le décompte, entièrement automatisés et intégrés au logiciel. Les alternatives évoquées dès cette époque étaient l'impression soit d'un reçu valant preuve après l'enregistrement du vote dans l'ordinateur, soit du bulletin lui-même qui est ensuite déposé dans une urne et éventuellement scanné par un deuxième dispositif électronique pour le décompte. À défaut, il était impossible de procéder à un recompte manuel. Les observateurs électoraux de l'OSCE lors des élections législatives de 2006 parvenaient aux mêmes conclusions.
Saisie d'un recours, la chambre administrative du tribunal d'Amsterdam déclara illégaux et annula les arrêtés ministériels d'homologation des machines à voter Nedap utilisées lors des élections législatives de 2006 et provinciales de 2007 128 ( * ) . En particulier, l'homologation n'avait été décernée que sur la base de prototypes sans vérification que les machines installées dans les bureaux de vote correspondaient bien au prototype.
Tout en écartant la responsabilité personnelle du ministre de l'intérieur en poste dans les dysfonctionnements constatés, le rapport de la commission Hermans-van Twist concluait au printemps 2007 que le vote électronique, bien que devenu central dans la vie démocratique du pays, constituait un sujet laissé pour compte ( verweesd ). Il pointait l'inadéquation du cadre normatif qui ne prévoyait aucune prescription en matière de mise sous scellés, de stockage et de transport des machines à voter. Les trois textes - loi électorale, décret électoral et règlement d'agrément des machines - en restaient à un niveau d'abstraction inefficace. Il relevait que certains logiciels utilisés lors des élections n'avaient pas été soumis à des tests et à une homologation. Non seulement les codes sources des logiciels n'étaient pas publics, mais ils n'étaient pas non plus connus du ministère de l'intérieur, qui par ailleurs disposait de trop peu d'expérience et à peine des connaissances nécessaires pour juger de la pertinence des normes de contrôle et d'agrément des machines. Enfin, outre la refonte des textes normatifs, la commission demandait à son tour une évolution technologique pour assurer la possibilité de contrôler les opérations de vote, en permettant, d'une part, de vérifier que le vote de l'électeur était bien enregistré, sauvegardé et compté correctement, d'autre part, de procéder à un recompte des voix 129 ( * ) .
Une seconde commission, sous la direction de Korthals Altes, ancien ministre de la justice, fut mise sur pied dans la foulée, non plus pour juger les dysfonctionnements et l'adéquation des actions des différents responsables en charge lors des élections de 2006 et 2007, mais pour proposer des réformes susceptibles de restaurer la confiance des citoyens dans la sécurité, la sincérité et le secret du scrutin. Elle recommanda de ne plus recourir aux anciennes machines à voter et d'installer dans les bureaux de vote des imprimantes électroniques à bulletins ( stemprinter ) et des compteurs de bulletins ( stemmenteller ) 130 ( * ) . Le gouvernement néerlandais accueillit favorablement cette proposition mais le groupe d'experts mis en place pour évaluer leur faisabilité pratique se montra sceptique.
Juridiquement, la situation ne pouvait rester en l'état, les recours menaçant de se multiplier. L'ensemble des dispositions autorisant et encadrant le vote par le moyen de machines électroniques au sein du décret électoral du 19 octobre 1989 ont été abrogées à compter du 6 février 2008. Lors des élections européennes de 2009, il n'a pu être voté que par le moyen de bulletins traditionnels. Par cohérence, dans l'incapacité à la fois de définir des normes adéquates et de trouver des solutions techniques praticables à grande échelle, toutes les dispositions introduites pour autoriser et encadrer le vote par des moyens autres que les bulletins au sein de la loi électorale du 28 septembre 1989 ont été abrogées à compter du 1 er janvier 2010. Le vote électronique est ainsi privé de toute base légale aux Pays-Bas. Sa réintroduction nécessitera donc l'adoption d'un projet ou d'une proposition de loi.
Le débat n'est toutefois pas définitivement clos. Une nouvelle commission Van Beek, chargée d'enquêter sur le vote électronique dans les bureaux de vote, a rendu un rapport en décembre 2013. Elle reprend et approfondit les travaux de la commission Korthals Altes. Sur la base d'une analyse de risques de différentes méthodes de votation, elle défend à nouveau l'installation d'imprimantes électroniques de bulletins, dotés chacun d'un code barre qui en permet le décompte électronique. Elle défend ce choix contre le bulletin traditionnel au nom de l'accessibilité du vote aux personnes présentant des limitations ( beperking ), de la capacité pour l'électeur de corriger son choix, de la fiabilité et de la rapidité du décompte électronique par rapport à la méthode manuelle. La commission insiste sur la nécessité de ne pas procéder à un stockage du vote sur la machine, mais uniquement à un enregistrement pour impression avant son effacement. Elle formule des prescriptions fonctionnelles, techniques et de sécurité pour la production des imprimantes et des compteurs électroniques en prenant en compte la problématique des émissions d'ondes et en pénalisant l'interception des signaux émis par les machines utilisées dans les opérations de vote 131 ( * ) .
Devant l'attentisme des gouvernements de coalition qui se succèdent, des propositions de loi sont déposées pour réintroduire à titre expérimental le vote électronique en s'inspirant des rapports des commissions. Ce fut encore le cas en avril 2016 132 ( * ) . Elles ont été repoussées par la chambre basse. Bien qu'elles soient soutenues par le parti libéral VVD du Premier ministre Rutte, le parti protestant ChristenUnie et les Verts, elles rencontrent la méfiance voire l'hostilité des sociaux-démocrates du PvdA, des chrétiens démocrates du CDA et des libéraux de gauche de D66.
Le débat se déplace progressivement des questions de principe aux questions de viabilité technique et de coût. En mai 2016, un groupe d'experts ( deskundigengroep ) a rendu au ministre de l'intérieur néerlandais un avis prudent sur la faisabilité de la réforme suggérée par la commission Van Beek en mettant en avant la complexité des opérations, les exigences de sécurité et le coût global. Il s'est prononcé en faveur de l'introduction de compteurs électroniques de bulletins mais était davantage réservé à l'égard des imprimantes électroniques de bulletins 133 ( * ) .
Le ministère de l'intérieur a souhaité prolonger cette étude en s'adressant aux opérateurs de marché par l'intermédiaire de la société de conseil Atos afin de préciser si et comment les spécifications techniques proposées par le groupe d'experts étaient réalisables, à quel coût et dans quel délai. Les résultats en furent communiqués au Parlement fin août 2017 134 ( * ) . Il en ressort que la faisabilité technique en respectant toutes les normes de sécurité souhaitées demeurait incertaine. L'accès transparent à tous les codes sources pourtant indispensable ne paraissait pas garanti. Les coûts directs de production des machines (imprimantes et compteurs électroniques) par les fournisseurs seraient compris entre 260 et 365 millions d'euros sans compter les coûts annexes (appel d'offres, pilotage du marché, phase de tests, construction d'expertise interne, contrôles, évaluations, maintenance et développements ultérieurs). Enfin, Atos estimait sur la base des réponses des entreprises qu'il faudrait compter au moins deux ans pour le développement des nouvelles machines.
Au regard des incertitudes et des coûts, il est peu probable que les Pays-Bas retournent au vote électronique à court terme.
Le cas du droit électoral allemand fait souvent l'objet de mauvaises interprétations. Il est souvent indiqué que le vote électronique serait privé de base légale en Allemagne depuis 2009 du fait d'une décision de la Cour constitutionnelle. C'est une erreur, puisque les dispositions légales autorisant le vote électronique demeurent en vigueur. La Cour de Karlsruhe n'a pas prononcé l'inconstitutionnalité de principe du vote électronique, quelles qu'en soient les modalités. Sans invalider le résultat des élections législatives au cours desquelles 25 % environ des votants s'étaient exprimés par la voie électronique, elle a dégagé un principe de transparence du vote directement lié à la confiance légitime et nécessaire que le citoyen devait avoir en la régularité du processus électoral par lequel s'exprime la souveraineté du peuple. La première génération des machines électroniques, utilisées en Allemagne à l'époque 135 ( * ) , quoique respectant les dispositions réglementaires et disposant d'un agrément, n'était pas conforme à ce principe.
La loi électorale fédérale du 23 juillet 1993 indique que pour faciliter la transmission et le comptage des voix, des machines à voter peuvent être utilisées à la place des bulletins de vote et des urnes 136 ( * ) . Les machines à voter doivent garantir le secret du vote. Leur conception doit officiellement être approuvée au Bundestag pour leur utilisation lors des élections uniques ou générales. Le ministère de l'intérieur fédéral décide de l'admission sur demande du fabricant de la machine à voter, et donne son approbation à l'utilisation d'une machine officiellement approuvée.
Le ministère de l'intérieur fédéral est autorisé à publier des dispositions plus détaillées par règlement (Bundeswahlgeräteverordnung) concernant notamment les conditions encadrant l'approbation officielle de la conception des machines à voter, le retrait et la révocation de la licence, la procédure d'approbation et d'essai d'une machine à voter.
Lorsqu'en 2009, la Cour constitutionnelle allemande s'est prononcée sur la licéité du vote électronique à l'occasion de deux recours portant sur le décompte des votes (Wahlprüfungsbeschwerde) des élections législatives de 2005 137 ( * ) , elle a estimé que si les dispositions de la loi fédérale sur les élections relatives au vote électronique étaient conformes à la Loi fondamentale, il n'en était pas de même du règlement fédéral sur les machines à voter.
En effet, il découle du principe de souveraineté populaire de l'article 20 § 1 de la Loi fondamentale allemande et de la garantie d'un suffrage universel, direct, libre égal et secret offerte par l'article 38, un principe de transparence ( Öffentlichkeit ) 138 ( * ) du vote selon lequel toutes les étapes essentielles du vote doivent être publiquement vérifiables. Le contrôle des opérations électorales et l'agrégation des résultats font l'objet d'une attention particulière. La motivation est intéressante puisqu'elle ne s'appuie pas sur le secret du vote, qui était au centre des débats dans les autres pays, notamment aux Pays-Bas, mais bien au contraire sur la nécessaire publicité de la procédure électorale 139 ( * ) . Le fait que certaines machines à voter fonctionnent comme des boîtes noires sans possibilité de vérification individuelle et personnelle de chaque acte de vote pose problème.
Les machines à voter ne remplissent l'obligation de transparence posée par la Constitution allemande que si, et seulement si, elles permettent le contrôle des opérations électorales et l'agrégation des résultats de manière fiable et sans nécessiter de compétences techniques particulières. Le citoyen votant par voie électronique doit être en mesure de déterminer si son choix est, sans erreur ou modification, pris en compte dans le décompte des voix à l'instant où il vote ou sera pris en compte lors du décompte postérieur, et cela sans qu'il doive faire appel à des connaissances techniques particulières. La simple délivrance d'un reçu écrit ou d'un message électronique s'affichant sur l'écran pour attester qu'un vote a été pris en compte par la machine ne suffit pas à satisfaire cette condition.
La Cour estime que le règlement fédéral sur les machines à voter, en ce qu'il ne comporte pas de dispositions permettant au citoyen de vérifier facilement que le vote pris en compte est bien conforme à celui émis ou de contrôler a posteriori les résultats de façon fiable, méconnait le principe de transparence des opérations électorales. Ainsi, l'utilisation en l'espèce des machines à voter viole également ce même principe.
De façon instructive, la Cour considère comme secondaire la question mise en avant devant les tribunaux néerlandais des procédures d'agrément et du contrôle de la conformité au prototype des dispositifs de vote utilisés concrètement. La vérification par des autorités publiques des modèles agréés n'est pas suffisante pour satisfaire le principe de transparence du vote. La vérification par des autorités publiques des machines à voter effectivement utilisées lors de l'élection n'est pas non plus suffisante, pas plus que des mesures de sécurité organisationnelles ou techniques.
Ni les erreurs de décompte du vote manuel, ni une meilleure prise en compte des votes blancs, ni le principe du secret du vote, ni l'accélération du décompte et de la formation du Parlement ne justifient pour la Cour de faire une exception au principe de transparence au bénéfice des modalités de vote électronique en vigueur jusque-là. Il convient de noter que la Cor n'envisage pas comme justification d'intérêt général l'augmentation de la participation électorale, notamment auprès de certains publics (jeunes, handicapés, illettrés), qui est mise en avant par les avocats du vote électronique et qui n'était pas étrangère à la validation de la procédure du vote par correspondance par la même Cour constitutionnelle 140 ( * ) . Encore faudrait-il pouvoir disposer d'éléments quantitatifs pour apprécier la réalité de cet argument.
La jurisprudence de la Cour constitutionnelle dessine en creux, sans les spécifier, certains critères que devraient remplir de nouveaux matériels de vote électronique pour pouvoir être employés en Allemagne. La confusion dans l'esprit de certains commentateurs, passant trop vite sur les subtilités de la décision de 2009, vient de ce que, dans les faits, le gouvernement allemand n'a jamais souhaité élaborer un nouveau dispositif réglementaire et a abandonné concrètement le vote électronique. Il s'agit d'une décision politique qui n'enlève rien à la licéité de principe du vote électronique.
IV - La transition vers la deuxième génération de machines à voter avec impression d'une preuve papier en Belgique (Flandre) et au Brésil.
La structure fédérale de la Belgique et les divergences politiques entre la Flandre et la Wallonie se reflètent dans l'organisation des opérations de vote. On distinguera les règles applicables aux élections européennes, législatives et des parlements de communauté et de région, fixées nationalement, et aux élections provinciales et communales, de la compétence des régions.
Lors des élections européennes, législatives et des parlements de communauté et de région, deux types de vote électronique peuvent être employés : le vote automatisé et le vote par impression des suffrages émis sur support papier.
Le vote automatisé a été introduit le premier par la loi fédérale du 11 avril 1994. Un système de vote automatisé comprend par bureau de vote une urne électronique et des « machines à voter équipées d'un écran de visualisation, d'un lecteur enregistreur de cartes magnétiques et d'un crayon optique » (art. 2 § 1 er ). Chaque bureau principal dispose d'un système électronique de totalisation des votes émis dans les bureaux de vote qui en dépendent. Les systèmes de vote et de décompte doivent être conformes aux conditions générales d'agrément déterminées par décret royal, qui garantissent la fiabilité et la sécurité des systèmes ainsi que la sécurité du vote. Le ministre de l'intérieur constate la conformité sur avis d'un organisme d'expertise agréé (art. 2 § 2).
Ces systèmes électroniques sont la propriété des communes et si le matériel a été acquis par la commune, l'État assume 20 % des coûts d'investissement. Les frais d'entretien et de stockage sont à la charge de la commune, qui est tenue de faire réparer ou remplacer le matériel hors d'usage. Les logiciels électoraux, les codes de sécurité, les cartes magnétiques et les supports de mémoire sont fournis par l'État à chaque élection (art. 3).
Le jour du scrutin, dans le bureau de vote, chaque isoloir est doté d'une machine à voter. L'électeur reçoit du président du bureau une carte magnétique, qu'il introduit dans le lecteur de la machine pour exprimer son vote. L'écran de visualisation affiche alors toutes les listes et le crayon optique permet à l'électeur de choisir. Il peut également voter blanc. Il confirme ensuite son choix ou l'annule et fait un autre choix. Une fois le vote pour les candidats de son choix définitivement confirmé, l'électeur récupère sa carte magnétique. Il peut, s'il le souhaite, vérifier son vote en réintroduisant sa carte, sans pour autant pouvoir le modifier. Enfin, l'électeur reprend sa carte et l'introduit dans l'urne électronique sous la surveillance du président du bureau de vote. À l'issue du scrutin, le président rend l'urne inopérante et transmet au bureau principal les supports de mémoire (original et copie) sur lesquels sont enregistrés les votes afin de procéder au décompte des suffrages 141 ( * ) . Il convient de noter que la machine à voter ne stocke pas les votes émis.
Le vote électronique avec preuve sur papier a d'abord été expérimenté en 2003, après l'adoption de dispositions législatives spéciales uniquement pour les élections de cette année. Sa généralisation a été recommandée par un consortium d'experts des universités belges en 2007. Enfin, la loi fédérale du 7 février 2014 a autorisé et organisé le vote électronique avec preuve papier. Aux termes de son art. 4, « un système de vote électronique avec preuve papier comprend, par bureau de vote :
1° une urne électronique avec un scanner ;
2° plusieurs ordinateurs de vote équipés chacun d'un écran de visualisation tactile, d'une imprimante de bulletins de vote et d'un lecteur de cartes à puces ;
3° un ordinateur pour le président avec une unité pour initialiser les cartes à puces et une imprimante ;
4° un lecteur de code-barres pour la visualisation du contenu du code-barres par l'électeur ;
5° des cartes à puces. »
Les dispositions sur l'agrément des systèmes, sur les droits de propriété et les obligations de maintenance et de réparation des communes, ainsi que sur le soutien financier de l'État et la fourniture des logiciels et autres matériels par l'État sont identiques à celles qui régissent les anciens systèmes automatisés.
Les opérations de vote ressemblent à celles du vote automatisé. Le jour du scrutin, l'électeur reçoit du président du bureau de vote une carte à puce préalablement initialisée et permettant de voter une seule fois pour l'élection à laquelle l'électeur est convoqué. L'électeur introduit la carte à puce dans ordinateur de vote placé dans l'isoloir. L'écran de visualisation tactile affiche alors toutes les listes. L'électeur indique la liste de son choix par « effleurement tactile », puis choisit les candidats et exprime son vote de la même manière. Tant que le vote n'est pas confirmé, l'électeur peut recommencer l'opération de vote. La confirmation clôt le vote de l'électeur. Lorsque le vote est clos, un bulletin de vote est imprimé et mis à la disposition de celui-ci. Le bulletin de vote imprimé est divisé en deux parties : l'une présentant un code-barres, l'autre indiquant le vote sous forme dactylographiée à des fins de contrôle et d'audit. Le bulletin de vote doit ensuite être plié face imprimée à l'intérieur pour préserver le secret du vote. Si l'électeur déplie son bulletin au sortir de l'isoloir, son vote est annulé. L'électeur retire ensuite la carte à puce, sachant que ni l'ordinateur de vote, ni la carte ne sauvegardent la moindre donnée sur le vote émis. En scannant le code-barre dans l'isoloir, l'électeur peut visualiser son vote sans pouvoir le modifier. Ensuite, l'électeur remet sa carte à puce au président du bureau ou à l'assesseur, scanne le code-barre de son bulletin à l'aide du lecteur placé sur l'urne, puis insère sa preuve papier dans l'urne. À l'issue du scrutin, le bureau est clôturé par le président. L'urne est ouverte et les bulletins papiers placés dans une enveloppe scellée. Les supports de mémoire électroniques, ainsi que l'enveloppe scellée, sont transmis au bureau principal pour totalisation des suffrages 142 ( * ) .
Le 25 mai 2014 se sont déroulées simultanément les élections européennes, législatives et des parlements de région et de communauté. Les deux systèmes de vote électronique ainsi que le vote papier traditionnel ont cohabité, mais la divergence entre les régions était très nette. En Flandre, 151 communes sur 308 étaient équipées de système électronique avec preuve papier, dont Anvers, Bruges, Courtrai, Ostende, Hasselt et Louvain. Les autres communes flamandes ont recouru aux bulletins et enveloppes traditionnels mais pas aux anciennes machines de vote automatisé. En Wallonie, 39 communes sur 262 étaient équipées de systèmes automatisés, dont Liège et Eupen. Les autres communes wallonnes ont recouru aux bulletins et enveloppes traditionnels mais pas aux nouveaux ordinateurs de vote avec impression d'une preuve papier. Dans la Région Bruxelles-Capitale, deux communes (Saint-Gilles et Woluwe-Saint-Pierre) ont essayé les nouveaux ordinateurs de vote, les autres sont restées aux anciens systèmes automatisés.
Les difficultés rencontrées lors des élections simultanées de 2014 ont mis en évidence les défauts du système de vote automatisé (modèle Jites/Digivote). Toutes les communes qui l'ont utilisé ont été affectées avec des lectures de carte très lente, des urnes électroniques illisibles, une validation en bloc sans possibilité de calculer pour chaque candidat le nombre de voix de préférence 143 ( * ) . À l'inverse, le nouveau système avec impression d'une preuve papier (modèle Smartmatic) s'est avéré robuste. Le collège des experts chargé du contrôle des opérations de vote électronique a recommandé l'abandon du système Jites, en raison de sa vétusté, tant au niveau du matériel que de la qualité du code source du logiciel, et son remplacement par un système uniforme pour toutes les élections en Belgique, quel que soit le pouvoir organisateur 144 ( * ) .
La divergence entre les régions demeure cependant manifeste, notamment dans l'organisation des élections provinciales et communales, qui relèvent de leur compétence. La région flamande a abrogé en 2012 pour les élections locales les dispositions applicables de la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé. Le décret flamand du 25 mai 2012 ( Digitaal Kiesdecreet ) a imposé en cas de vote numérique le recours au système avec impression d'une preuve papier (art. 4 et 10). Les dispositions retenues sont identiques à celles de la loi fédérale de 2014, à ceci près que le gouvernement flamand se substitue au gouvernement fédéral belge. Un décret du gouvernement flamand du 30 juin 2017 a modifié à la marge le régime de 2012 pour prévoir la possibilité de recourir à des modules audio permettant à l'électeur d'écouter la présentation des listes dans l'isoloir (art. 74 et s.).
En Wallonie, le gouvernement a fait le choix radicalement inverse en revenant au scrutin traditionnel avec bulletins et enveloppes. L'article 45 du décret wallon du 9 mars 2017 a abrogé les articles du Code de la démocratie locale et de la décentralisation qui reprenaient les dispositions de la loi de 1994 et prévoyaient un système de vote automatisé pour les élections locales. Toutefois, la communauté germanophone a refusé cette évolution, si bien que le vote numérique avec système automatisé reste applicable pour les élections locales dans les cantons d'Eupen et Saint-Vith. De même, le vote électronique demeure en place dans la région Bruxelles-Capitale.
Le parti socialiste (PS), les chrétiens-démocrates (cdH) et les écologistes (Ecolo) réclamaient la suppression du vote électronique en raison de son coût estimé près de trois fois supérieur par électeur au vote papier (4,3 euros contre 1,5) et de difficultés pour respecter le secret du vote. Les libéraux du MR contestent ces arguments et regrettent que la Wallonie s'isole du reste du pays.
Alors que le vote électronique fait l'objet d'une méfiance grandissante en Europe, il s'agit d'une procédure désormais courante et d'un choix irréversible dans les grandes démocraties émergentes comme le Brésil, l'Inde ou les Philippines.
À une toute autre échelle que la Belgique, le Brésil recourt au vote électronique depuis les élections municipales de 1996 où il fut expérimenté par 200 000 électeurs environ dans 57 villes du pays. Le vote électronique a été dans la foulée généralisé par la loi électorale de 1997 145 ( * ) pour être utilisé sur l'intégralité du territoire dès 2000.
Le premier modèle de collecteur de vote électronique ( coletor eletrônico de voto, urna eletrônica) utilisé au Brésil correspond aux machines à voter néerlandaises et aux systèmes de vote automatisé belge : il s'agit de dispositifs d'enregistrement électronique direct du vote ( Direct Recording Elecronic - DRE voting machine ) présentant les défauts déjà décrits. Sont utilisées aujourd'hui 600 000 de ces urnes électroniques pour un coût de 600 dollars pièce, d'après le Tribunal supérieur électoral.
Lors des prochaines élections générales de 2018 seront utilisées des machines de deuxième génération plus fiables et plus sûres avec impression de preuve papier ( Voter Verifiable Paper Audit Trail - VVPAT ). On constate donc au Brésil le même mouvement technologique qu'en Belgique et aux Pays-Bas, mais sans la tentation de revenir aux modes de vote traditionnels après le constat des lacunes des machines de première génération.
Toutefois, la modification de la législation nécessaire pour autoriser le nouveau dispositif technique a donné lieu à un conflit entre le Congrès brésilien et la présidente Rousseff en 2015. Le veto présidentiel initial, motivé par le coût et l'étroitesse des délais à tenir pour assurer le remplacement des systèmes de vote, a été finalement surmonté par le Congrès à la majorité qualifiée requise 146 ( * ) . La loi électorale de 1997 est ainsi dotée d'un nouvel article 147 ( * ) prévoyant qu'au cours du processus de vote électronique, soit imprimé un reçu ( registro ) de chaque vote qui sera déposé dans une urne physique préalablement scellée. Le vote ne sera pas achevé tant que l'électeur n'aura pu confirmer la correspondance entre la teneur de son vote et le reçu imprimé par la machine électronique.
D'après les estimations du Tribunal supérieur électoral du Brésil, le déploiement du nouveau système de vote électronique coûtera 1,8 milliard de réaux, soit environ 450 millions d'euros, de coûts directs de fourniture des machines. Pour les élections d'octobre 2018, seulement 30 000 nouveaux systèmes avec impression de preuve papier seront disponibles. Il faudra encore quelques années pour remplacer le stock des 600 000 machines anciennes.
Des tests de sécurité furent réalisés sur les nouveaux dispositifs de vote électronique en novembre 2017 sous l'égide du Tribunal supérieur électoral. Trois failles furent détectées par le groupe de hackers mobilisé qui disposait du code source du logiciel. Aucune de ces failles ne représente un danger en termes d'altération des résultats du vote d'après le président du Tribunal 148 ( * ) .
V - L'essor du vote en ligne dans les cantons suisses et en Estonie
Comme l'indiquaient les derniers rapports officiels anglais et finlandais sur le vote électronique, les enjeux ne portent déjà plus tant sur le perfectionnement de nouvelles machines de vote que sur le recours sécurisé au vote par Internet. Si des solutions techniques fiables étaient trouvées, le recours au vote en ligne permettrait de lever l'obstacle dirimant du coût des équipements tout en favorisant la participation de couches de la population moins enclines à voter, en particulier les jeunes. C'est pourquoi les expériences pionnières de certains cantons suisses et de l'Estonie méritent d'être observées de près.
L' Estonie se veut en pointe du vote électronique en faisant le choix du vote en ligne à l'exclusion du recours à toute machine à voter ou ordinateur de vote installé physiquement dans les bureaux de vote. C'est un choix politique fort conformément au souhait du pays de se présenter comme un pôle d'excellence en hautes technologies et une démocratie moderne 149 ( * ) . Les bulletins et enveloppes en papier traditionnels peuvent encore être utilisés et forment la seule alternative demeurant au citoyen estonien qui refuserait le vote par Internet. Grâce à une application spéciale, le vote par téléphone mobile constitue une variante possible du vote en ligne.
Le vote par Internet est autorisé et encadré par la loi estonienne depuis 2005. Les dispositions applicables aux élections législatives 150 ( * ) et aux élections locales 151 ( * ) sont symétriques. Le vote électronique a sur cette base été utilisé dans quatre élections municipales, (2005, 2009, 2013 et 2017), trois élections législatives (2007, 2011 et 2015) et deux élections européennes (2009 et 2014). Les statistiques publiées font état d'une croissance nette de la part des votes par Internet parmi les suffrages exprimés 152 ( * ) . Pour les élections locales, ils représentaient 31,7 % des votants en 2017 contre 21,2 % en 2013, 15,8 % en 2009 et 1,9 % en 2005. Pour les élections législatives, ils représentaient 30,5 % des votants en 2015 contre 24,3 % en 2011 et 5,5 % en 2007 153 ( * ) . Parmi les votants par Internet, on peut noter également une multiplication de ceux qui utilisent l'application de téléphone mobile : ils approchent désormais le quart des votants électroniques, ce qui toutefois étant donné la taille du pays ne représente qu'environ 45 000 votants.
La procédure retenue pour le vote par Internet est très particulière. Il est possible de voter pendant 7 jours en anticipation de la date fixée pour le scrutin, entre le 10 ème et le 4 ème jour précédant le scrutin précisément. Pendant cette période, l'électeur peut toujours modifier son vote électronique. Il peut également se déplacer dans un bureau de vote ouvert dans cette phase de scrutin anticipé ( advanced polls ) et déposer un bulletin physique dans l'urne électorale. Dans ce cas, seul le suffrage exprimé par papier est compté et les éventuels votes électroniques précédents sont annulés. Le jour du scrutin lui-même, il n'est plus possible de modifier le vote électronique exprimé au cours de la phase anticipée.
Techniquement, l'application de vote par Internet utilisée par l'électeur lui permet d'exprimer son suffrage et de le crypter. Après avoir fait son choix, l'électeur le confirme et le scelle électroniquement à l'aide d'une signature numérique qui lui est propre. Cette signature digitale peut être donnée soit avec la carte d'identité qui peut être lue par un lecteur numérique et un logiciel téléchargeable auprès des sites officiels estoniens, soit avec un certificat d'identité numérique ( Digi-ID ), délivré par les autorités, utilisable uniquement sur Internet et permettant à une personne de s'identifier dans un environnement électronique et de donner une signature numérique. Le troisième mode de signature numérique pour confirmer et sceller le vote requiert uniquement l'utilisation d'un smartphone ( Mobile-ID ) d'un PIN-code spécifique et de codes de sécurité envoyés par SMS. La Mobile-ID doit toutefois avoir été préalablement activée avec la carte d'identité qui contient les données personnelles numérisées 154 ( * ) .
Enfin, depuis 2015, dans le souci d'améliorer la sécurité et la transparence du vote, tout en détectant en amont d'éventuelles failles, une application de vérification permet à l'électeur de vérifier après coup que son suffrage a bien été pris en compte et que l'intégrité de la procédure n'a pas été compromise par un virus ou un bug. Pour cela, il utilise un appareil (smartphone ou tablette) différent de celui au moyen duquel il a voté. Seulement 4 % des votes sont vérifiés par les électeurs.
La Suisse s'est engagée, suivant les recommandations d'un rapport du Conseil fédéral de 2002 sur la faisabilité, les chances et les risques du vote électronique, dans un projet de vote électronique, dans un premier temps à l'échelle de 3 cantons (Zürich, Neuchâtel et Genève). Aux termes de l'article 8a 155 ( * ) de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 modifiée le 21 juin 2002, « le Conseil fédéral peut, en accord avec les cantons et les communes intéressés, autoriser l'expérimentation du vote électronique en la limitant à une partie du territoire, à certaines dates et à certains objets. Le contrôle de la qualité d'électeur, le secret du vote et le dépouillement de la totalité des suffrages doivent être garantis. Tout risque d'abus doit être écarté (...) » .
Dans un deuxième rapport de 2006, les essais pilotes menés en 2004 et 2005 ont été jugés positivement. Le Conseil fédéral et le Parlement ont souhaité étendre progressivement et de façon contrôlée le canal du vote électronique.
D'après le site de la Chancellerie fédérale, « en 2013, le Conseil fédéral a formulé dans son troisième rapport relatif au vote électronique la stratégie pour son extension et a défini de nouvelles exigences de sécurité. L'ordonnance sur les droits politiques a été révisée en même temps que l'adoption de l'ordonnance de la Chancellerie fédérale du 13 décembre 2013 sur le vote électronique (OVotE). Les principales exigences concernent la mise en oeuvre de la vérifiabilité et la certification des systèmes. Avec l'introduction de la vérifiabilité individuelle en 2014, une étape intermédiaire vers la vérifiabilité complète a pu être atteinte. Cependant, la mise en oeuvre de la vérifiabilité complète ainsi que la certification des systèmes restent à régler. Les fournisseurs de systèmes prévoient de réaliser ces objectifs d'ici à 2018 » 156 ( * ) .
Deux systèmes sont actuellement en place dans les huit cantons disposant d'une autorisation générale du Conseil fédéral pour mener des essais de vote électronique lors de votations fédérales :
- celui du canton de Genève, utilisé à Berne, Lucerne, Bâle-Ville (jusqu'en 2017), Argovie, Saint-Gall et Genève ;
- et celui de la Poste suisse utilisé à Fribourg et Neuchâtel, ainsi que dans le canton de Bâle-Ville au terme d'un appel d'offres public début 2017. Le canton de Thurgovie reprendra ses essais de vote électronique en 2018 en utilisant le système de la Poste.
Le site Internet de la chancellerie fédérale présente le procédé du vote électronique ainsi que les deux systèmes en vigueur en Suisse : « pour voter ou élire par voie électronique, il faut disposer de plusieurs codes, comme il est d'usage pour de nombreuses prestations proposées sur Internet. Les codes figurent sur la carte de légitimation que vous recevez si vous avez le droit de voter ou d'élire par voie électronique. Le premier code permet de se connecter au système d'élection ou de vote à partir d'Internet. Vous pouvez alors voter » . Le bulletin peut être contrôlé après avoir voté et plusieurs codes permettent à l'électeur de vérifier que son vote a été correctement transmis au système.
S'agissant du système dit du canton de Genève 157 ( * ) , toute personne souhaitant voter par voie électronique doit se munir de sa carte de vote (avec indication vote électronique, possédant un numéro de carte de vote), de sa date de naissance et d'un équipement disposant d'un accès Internet stable. La personne se rend sur le site du vote ( https://www.evote-ch.ch/ge ) et insère son numéro de carte de vote dans le champ à cet effet de la page d'accueil. Une nouvelle page demandera à l'électeur de confirmer qu'il a pris connaissance des sanctions pénales pour fraude.
L'électeur peut ensuite faire son choix de vote en cochant les cases correspondant à ses souhaits pour chaque question posée. Il vérifie que son bulletin est conforme à ses choix puis indique sa date de naissance.
Le contrôle se fait à l'étape suivante : l'électeur compare les codes de vérification fournis par le système à ceux reçus avec sa carte de vote, ils doivent correspondre. Lorsque c'est bien le cas, le votant introduit son code de confirmation, qui donne l'ordre au système d'introduire le vote dans l'urne électronique. Le système envoie alors un code de finalisation qui doit lui aussi correspondre à celui indiqué sur la carte de vote et qui finalise le processus de vote.
S'agissant du système dit de la Poste, on retiendra ici l'exemple du canton de Neuchâtel. Pour pouvoir participer en ligne aux scrutins, il convient d'abord de signer un contrat d'utilisation. Les électeurs conservent la possibilité de voter par les moyens traditionnels que sont le vote par correspondance ou au bureau électoral.
Le Service informatique de l'Entité neuchâteloise (SIEN) et la chancellerie d'État collaborent avec la société SCYTL, partenaire de la Poste, pour introduire le principe de la vérifiabilité individuelle lors d'une votation fédérale tenue le 8 mars 2015. Ce système est en cours d'évolution vers un autre plus performant qui devrait intégrer, en plus de la vérifiabilité individuelle, la vérifiabilité universelle et des certifications de haut niveau.
Toutefois, toujours d'après le site, « si l'introduction de la vérifiabilité individuelle améliore sensiblement la sécurité du vote électronique, cette évolution ne permet pas pour l'instant d'augmenter au-delà de 30 % la limite des électrices et électeurs pouvant participer au vote électronique » .
Du point de vue de la procédure, elle reste similaire à celle de la méthode dite du canton de Genève, le votant doit se munir de sa carte de vote et se rendre sur la page du scrutin, accepter les conditions d'utilisation et choisir le scrutin auquel il souhaite participer. Il peut ensuite voter par oui ou non, sans réponse son vote est considéré comme non, vérifier son vote, puis le valider en saisissant le code de validation présent sur sa carte. Il n'est plus possible de revenir sur son vote une fois qu'il est validé, mais les votes ne sont pour autant pas encore « déposés » dans l'urne. Pour cela, il faut au préalable comparer les codes de vérification figurant sur la carte de vote à ceux inscrits sur la page du scrutin. S'ils correspondent, l'électeur entre son code de confirmation et reçoit ensuite son code de finalisation, lequel doit également correspondre à celui inscrit sur sa carte de vote 158 ( * ) .
Ainsi, le principe de vérifiabilité individuelle, corollaire soit de la transparence de la procédure électorale mise en avant par la Cour constitutionnelle allemande, soit de la sécurité et de la fiabilité du scrutin dans les rapports officiels belges et néerlandais, a également trouvé son chemin dans les doctrines suisse et estonienne sur le vote en ligne.
* 1 Rapport n° 445 (2013-2014) fait au nom de la commission des lois du Sénat. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r13-445/r13-4451.pdf .
* 2 Loi n° 69-419 du 10 mai 1969 modifiant certaines dispositions du code électoral.
* 3 Voir l'annexe n° 1 pour un historique plus complet concernant l'implantation en France des machines à voter.
* 4 Voir l'annexe n° 2 pour consulter la liste des communes utilisant des machines à voter.
* 5 Source : ministère de l'intérieur. À noter qu'une commune peut recourir aux machines à voter dans une partie seulement de ses bureaux de ses votes, comme à Antibes par exemple.
* 6 Pour ouvrir et fermer l'urne, le président du bureau de vote et ses assesseurs disposent d'un seul boîtier électronique. Ce boîtier fonctionne uniquement lorsque les deux clefs de sécurité de la machine sont en place (l'une étant détenue par le président du bureau de vote, l'autre par un assesseur tiré au sort).
* 7 Ce ticket doit être signé par le président du bureau de vote et chacun de ses assesseurs.
* 8 Arrêté du 17 novembre 2003 portant approbation du règlement technique fixant les conditions d'agrément des machines à voter.
* 9 Ces agréments ont été respectivement délivrés par les arrêtés du ministre de l'intérieur du 12 avril 2007, du 15 février 2008 et du 7 mai 2004.
* 10 Circulaire du ministre de l'intérieur NOR : INT A1702464C relative à l'utilisation des machines à voter à l'occasion de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 2017 et des élections législatives des 11 et 18 juin 2017.
* 11 Les machines à voter de secours sont configurées et sécurisées selon la même procédure que les autres appareils.
* 12 Contribution écrite transmise à la mission d'information par les représentants du ministère de l'intérieur après leur audition du 18 janvier 2018 .
* 13 Créée en 2014, cette association regroupe vingt-huit communes ayant recours aux machines à voter.
* 14 Sondage OpinionWay , réalisé en avril 2018 sur un échantillon de 506 personnes représentatives des habitants des communes équipées en machines à voter.
* 15 Commune dans laquelle vos rapporteurs se sont rendus le 14 mai 2018.
* 16 En revanche, les bulletins blancs figurent sur la planche de vote de la machine à voter et restent possibles.
* 17 Source : ministère de l'intérieur.
* 18 Contribution écrite transmise à la mission d'information par les représentants du ministère de l'intérieur, op. cit.
* 19 Voir l'annexe n° 4 pour plus de précisions sur ces comparaisons internationales.
* 20 Des files d'attente comparables ont toutefois existé pour les bureaux de vote « traditionnels », le taux de participation ayant été particulièrement élevé lors des scrutins de 2017.
* 21 Conseil constitutionnel, 7 juin 2007, Observations sur l'élection présidentielle des 22 avril et 6 mai 2007 , décision n° 2007-142 PDR du 7 juin 2007.
* 22 « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », rapport n° 445 (2013-2014), op. cit, p. 30 à 31.
* 23 L'entreprise France Élection commercialise les machines à voter de type NEDAP (voir supra ).
* 24 « Protéger, garantir et servir. Feuille de route du ministère de l'intérieur », septembre 2017.
* 25 Réponse à la question orale n° 0107S de notre collègue Agnès Canayer, compte rendu intégral de la séance du 6 décembre 2017.
* 26 « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », rapport n° 445 (2013-2014), op. cit., p. 31.
* 27 Courrier en date du 8 mars 2018 à l'attention de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et du ministère de l'intérieur.
* 28 Ce paramétrage étant effectué en présence des candidats ou de leurs délégués (voir supra pour plus de précisions).
* 29 Voir la seconde partie du rapport pour plus de précisions sur ce projet de réforme institutionnelle.
* 30 Circulaire NOR INTA0600028C du ministre de l'intérieur relative à la subvention pour l'achat des machines à voter.
* 31 Sous réserve que l'État agrée de nouveaux modèles de machines à voter (voir supra ).
* 32 La part de prise en charge par l'État est obtenue en divisant le montant de la subvention (hypothèses) par le coût d'acquisition d'une machine à voter (coût estimé à 5 500 euros).
* 33 Ce coût total est obtenu en multipliant le montant de la subvention (hypothèses) par le nombre total de machines à voter (1 421 machines actuellement).
* 34 Source : ministère des affaires étrangères.
* 35 Voir l'annexe n° 3 pour plus de précisions sur le régime de représentation des Français établis hors de France.
* 36 Expression retenue par notre collègue Robert del Picchia dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi n° 48 (2013-2014) tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l'élection des représentants au Parlement européen.
* 37 Un Français de l'étranger peut également détenir trois procurations pour un même scrutin, contre une seule procuration sur le territoire national (article L. 330-13 du code électoral).
* 38 Article 51 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.
* 39 Composée depuis 2013 de quatre-vingt-dix membres désignés par les conseillers consulaires (suffrage indirect), l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) se réunit au moins deux fois par an à Paris. Le Gouvernement la consulte sur « toute question consulaire ou d'intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social » concernant les Français établis hors de France (article 12 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée).
* 40 Article L. 330-13 du code électoral (élections législatives) et article 22 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée (élections consulaires).
* 41 Le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) ayant été remplacé par l'Assemblée des Français de l'étranger en 2004, elle-même complétée par les conseils consulaires en 2013.
* 42 Articles R. 176-3-8 et R. 176-3-10 du code électoral.
* 43 Article R. 176-3-1 du code électoral.
* 44 Délibération portant adoption d'une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique.
* 45 Une telle décision a été prise pour les élections législatives de 2017 (voir infra ).
* 46 Conseil constitutionnel, 15 février 2013 , Élection législative dans la quatrième circonscription des Français établis hors de France , décision n° 2012-4597/4626 AN. En l'espèce, le juge rejette la requête en annulation de l'élection, considérant notamment « qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un nombre significatif d'électeurs [...] ne sont pas parvenus à exprimer leur suffrage par correspondance électronique ».
* 47 Le taux global de participation (territoire national et Français établis hors de France) pour le premier tour des élections législatives étant passé de 57,22 % en 2012 à 48,70 % en 2017.
* 48 Ou le 24 mai 2014 pour les bureaux de vote situés sur le continent américain.
* 49 Sur le plan sociologique, cet écart de participation peut également s'expliquer par la difficulté, pour les Français établis hors de l'Union européenne, de percevoir les enjeux des élections européennes.
* 50 Ces élections législatives partielles ont concerné la première (Amérique du Nord) et la huitième (pays méditerranéens) circonscriptions des Français établis hors de France.
* 51 Avant la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013, qui a prévu l'élection au suffrage universel indirect de l'Assemblée des Français de l'étranger (voir l'annexe n° 3 pour plus de précisions).
* 52 Source : ministère des affaires étrangères.
* 53 Arrêté du 18 mai 2017 fixant la liste des bureaux de vote ouverts pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale.
* 54 « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », op. cit. , p. 53.
* 55 Résolution de la commission des lois, des règlements et des affaires consulaires de l'Assemblée des Français de l'étranger, mars 2018.
* 56 Contribution écrite transmise à la mission d'information par les représentants du ministère de l'intérieur, op. cit .
* 57 Contribution écrite transmise à la mission d'information par M. Gilles Toulemonde après son audition du 18 janvier 2018.
* 58 Contribution écrite transmise à la mission d'information par le représentant de l'Observatoire du vote après son audition du 25 janvier 2018.
* 59 Arrêté du 17 mars 2017 relatif au vote par correspondance électronique pour l'élection de députés par les Français établis hors de France.
* 60 Avant-propos du secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, du développement du tourisme et des Français de l'étranger au rapport du Gouvernement sur la situation des Français établis hors de France (2016, p. 5). Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.assemblee-afe.fr/ .
* 61 En mai 2015, cinq ordinateurs du Bundestag ont subi une attaque de type « cheval de Troie », qui a nécessité le remplacement d'une large partie du parc informatique de l'assemblée afin de prévenir toute propagation des risques.
* 62 Voir les investigations américaines en cours concernant la possible ingérence russe dans le piratage des courriels de Mme Hilarry Clinton ou la propagande étrangère en faveur de M. Donald Trump sur les réseaux sociaux.
* 63 Compte rendu de la vingt-sixième session plénière de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), mars 2017.
* 64 Cour des comptes, « Le coût et l'organisation des élections à l'étranger et de la représentation des Français de l'étranger. Exercices 2010-2015. Observations définitives », 2016, p. 61.
* 65 L'ANSSI a notamment exigé la création de nouveaux pare-feux pour « cloisonner » les différentes applications de la plateforme de vote (espace public, espace candidats, espace électeurs, etc. ), ce qui n'était pas prévu dans le marché initial de la société SCYTL.
* 66 Contribution écrite transmise à la mission d'information par l'ANSSI après l'audition de son directeur le 18 janvier 2018.
* 67 Contribution écrite transmise à la mission d'information par l'ANSSI, op.cit .
* 68 Discours du Président de la République prononcé à l'occasion de la vingt-septième session plénière de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), octobre 2017.
* 69 Voir l'annexe n° 4 pour plus de précisions sur le vote par Internet dans le canton de Genève.
* 70 Décret n° 2015-1165 du 21 septembre 2015 relatif à la direction interministérielle de la transformation publique et à la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État.
* 71 Source : « L'informatique publique : quels moyens pour l'administration de demain ? », rapport n° 76 (2016-2017) fait par notre collègue Michel Canevet au nom de la commission des finances du Sénat, p. 19. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r16-076/r16-0761.pdf .
* 72 D'après les informations recueillies par votre rapporteur, l'organisation de ce troisième test grandeur nature n'impliquerait pas de modifier le marché de la société SCYTL.
* 73 Seuls deux candidats ayant déposé une offre lors de la passation de l'actuel marché public (voir supra ).
* 74 Article 21 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.
* 75 Source : ministère des affaires étrangères.
* 76 Loi organique n° 2016-1047 du 1 er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France. Voir, pour plus de précisions, le rapport n° 687 (2015-2016) fait au nom de votre commission par notre collègue Pierre-Yves Collombat.
* 77 « Le coût et l'organisation des élections à l'étranger et de la représentation des Français de l'étranger. Exercices 2010-2015. Observations définitives », op.cit.
* 78 L'acheteur public sélectionne ensuite l'offre la plus adaptée à ses besoins. Les candidats qui ne sont pas retenus peuvent bénéficier d'une prime pour leur participation au dialogue compétitif (article 76 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics).
* 79 Article 4 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 précité.
* 80 À titre d'exemple, l'article L. 103 du code électoral punit de cinq ans d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'enlèvement d'une « urne », sans qu'il soit certain que cette disposition soit transposable aux urnes électroniques. Voir, pour plus de précisions, le rapport n° 445 (2013-2014), « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », op. cit .
* 81 Pour plus de précisions sur le projet ALICEM, voir le rapport d'information n° 788 (2015-2016) fait au nom de votre commission par nos collègues François Bonhomme et Jean-Yves Leconte (« Biométrie : mettre la technologie au service des citoyens »), p. 35-36.
* 82 Le passeport s'avère notamment peu utile pour les Français établis dans un État de l'Union européenne, le droit de circulation étant ouvert à tout détenteur d'une carte nationale d'identité.
* 83 Coût estimatif pour la production de 1,3 million de cartes consulaires sécurisées (soit le nombre d'électeurs inscrits sur la liste électorale consulaire) et l'insertion des informations biométriques correspondantes.
* 84 Un projet de loi réformant les instances représentatives des Français établis hors de France (Assemblée des Français de l'étranger et conseils consulaires) est également annoncé pour 2019. À ce stade, le Gouvernement n'a pas encore précisé son contenu.
* 85 Article 4 du projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
* 86 92,74 % des électeurs établis hors de France s'étant rendus aux urnes pour le premier tour des élections législatives de 2017.
* 87 Rapport du Gouvernement sur la situation des Français établis hors de France, 2017, p. 127-128.
* 88 Conseil constitutionnel, 2 février 2018, Cinquième circonscription des Français établis hors de France , décision n° 2017-5052 AN.
* 89 Le nombre total de parlementaires serait réduit de 30 %, pour un total de 404 députés (contre 577 aujourd'hui) et de 244 sénateurs (contre 348 aujourd'hui).
* 90 Ou le vote par correspondance papier dans l'hypothèse où la plateforme de vote par Internet ne serait pas homologuée par le ministre des affaires étrangères.
* 91 Alors, qu'en 2014, les Français de l'étranger qui ont voté par Internet pour les élections consulaires ont été contraints de se déplacer à l'urne pour voter aux élections européennes (voir supra ).
* 92 Conseil constitutionnel, 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole , décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988.
* 93 Conseil d'État, « Rapport public 2010. Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives », p. 149.
* 94 Seul le scrutin C (députés élus au scrutin majoritaire sur le territoire national) ne serait pas remis en cause par un piratage de la plateforme de vote par Internet.
* 95 Loi n° 69-419 du 10 mai 1969 modifiant certaines dispositions du code électoral.
* 96 Loi n°88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant certaines dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux.
* 97 Arrêté du ministre de l'intérieur portant approbation du règlement technique fixant les conditions d'agrément des machines à voter.
* 98 Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
* 99 Loi n° 2004-404 du 10 mai 2004 actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs.
* 100 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.
* 101 Amérique du Nord /Amérique du Sud / Europe du Nord / Benelux / Péninsule ibérique / Suisse et Liechtenstein / Europe centrale / Pays méditerranéens / Maghreb et Afrique de l'Ouest / Proche-Orient et Afrique / Europe de l'Est, Asie et Océanie.
* 102 Les soixante-huit délégués consulaires sont élus au suffrage universel direct (en même temps que les conseillers consulaires) afin de corriger les écarts démographiques constatés pour les élections sénatoriales. Leur rôle se limite à participer aux élections sénatoriales.
* 103 Loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.
* 104 Dans les circonscriptions électorales où un seul siège est à pourvoir, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à un tour. Si plusieurs sièges sont à pourvoir, l'élection a lieu au scrutin proportionnel de liste.
* 105 Loi n° 2004-805 du 9 août 2004 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
* 106 Loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée.
* 107 Canada / États-Unis / Amérique latine et Caraïbes / Europe du Nord / Benelux / Allemagne, Autriche, Slovaquie, Slovénie, Suisse / Europe centrale et orientale / Europe du Sud / Péninsule ibérique / Afrique du Nord / Afrique occidentale / Afrique centrale, australe et orientale / Asie centrale et Moyen-Orient / Israël et Territoires palestiniens / Asie et Océanie.
* 108 L'étude de 2007 est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/lc/lc176/lc176.pdf .
* 109 http://www.senat.fr/lc/lc176/lc176_mono.html#toc22 .
* 110 http://www.senat.fr/lc/lc176/lc176_mono.html#toc10 .
* 111 Ley Orgánica del Régimen Electoral General (LOREG) 5/1985 de 19 de junio.
* 112 Ley 5/1990, de 15 de junio, de Elecciones al Parlamento Vasco.
* 113 Le blocage politique en Catalogne empêche cette communauté autonome depuis de nombreuses années de se doter d'une loi électorale propre.
* 114 http://www.senat.fr/lc/lc176/lc176_mono.html#toc16
* 115 Legge regionale n. 3 - Introduzione del voto elettronico per il referendum consultivo, 23 febbraio 2015.
* 116 Ansa, « La Lombardia al voto con il sistema elettronico », 9 ottobre 2017.
* 117 https://www.irishtimes.com/news/commission-on-electronic-voting-summary-and-conclusions-1.1138596 .
* 118 https://www.irishtimes.com/news/e-voting-machines-to-be-scrapped-1.722896 .
* 119 http://www.parliament.uk/documents/speaker/digital-democracy/electoralcommission.pdf .
* 120 https://www.parliament.uk/business/commons/the-speaker/speakers-commission-on-digital-democracy/electronic-voting .
* 121 http://www.digitaldemocracy.parliament.uk/documents/Open-Up-Digital-Democracy-Report.pdf .
* 122 Dispositions électorales spéciales, annexées à la loi électorale 2.10.1998/714.
* 123 http://www.vaalit.fi/sv/index/valinformation/utvecklingsprojekt/elektroniskrostning.html .
* 124 http://oikeusministerio.fi/sv/artikkeli/-/asset_publisher/tyoryhma-nettiaanestyksen-riskit-suuremmat-kuin-hyodyt .
* 125 Regeling goedkeuring stemmachines du 23 octobre 1989, modifié ensuite en 1997.
* 126 Algemene Inlichtingen- en Veiligheidsdienst (AIVD).
* 127 « Wij vertrouwen stemcomputers niet ».
* 128 RB Amsterdam, 1 er octobre 2007 (2007 : BB4541).
* 129 Hermans & van Twist, Commissie Besluitvorming Stemmachines, Stemmachines: een verweesd dossier, april 2007.
* 130 K. Altes, Adviesrapport, Stemmen met vertrouwen, september 2007.
* 131 Commissie onderzoek elektronisch stemmen in het stemlokaal, Elke stem telt, december 2013.
* 132 Voorstel van wet van het lid Taverne houdende een tijdelijke experimentenregeling voor het gebruik van elektronische voorzieningen bij verkiezingen, 2015-2016, 33 354 , Nr 8, Verslag vastgesteld 8 april 2016.
* 133 Cf. site de la Commission électorale : www.kiesraad.nl
* 134 Minister van Binnenlandse Zaken en Koninkrijksrelaties aan de Vorzitter van de Tweede Kamer, betreft uitkomsten marktuitvraag stemprinter en stemmenteller, 25 augustus 2017.
* 135 Des machines néerlandaises NEDAP avec enregistrement direct du vote sur la machine sans preuve papier.
* 136 Bundeswahlgesetz - Bwahl G, § 35.
* 137 2 BvC 3/07, 2 BvC 4/07 du 3 mars 2009.
* 138 Littéralement, il s'agit d'un principe de publicité du vote mais le terme de transparence paraît plus adéquat pour éviter une tension avec le caractère secret du vote.
* 139 Il convient de noter que la Cour constitutionnelle allemande considère que le secret électoral n'est qu'une levée temporaire, une interruption pour l'acte de vote stricto sensu du principe de transparence/publicité qui gouverne la totalité de la procédure électorale.
* 140 BVerfGE 21, 200 du 15 février 1967.
* 141 Art. 6 à 13, chapitre II, loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé.
* 142 Art. 7 à 14, chapitre 3, loi du 7 février 2014 organisant le vote électronique avec preuve papier.
* 143 Pour mémoire, les élections belges suivent le principe de la représentation proportionnelle avec vote préférentiel.
* 144 Collège d'experts chargés du contrôle du système de vote et de dépouillement automatisés, Rapport sur les élections simultanées du 25 mai 2014, Chambre des représentants de Belgique, 19 juin 2014, p. 75.
* 145 Le i das Eleições n° 9.504 de 30 de setembro de 1997, art. 59.
* 146 Lei n° 13.165 de 29 de setembro de 2015, art. 2° e 12.
* 147 Lei das Eleições, art. 59-A.
* 148 Agência Brasil, « TSE encontra três falhas no sistema da urna electrônica em teste de segurança », 1 er décembre 2017
* 149 Pour la même raison, l'Estonie fait traduire et met à disposition toute sa législation en anglais.
* 150 Riigikogu Election Act du 12 juin 2002.
* 151 Municipal Council Election Act du 27 mars 2002.
* 152 Sur un corps électoral de 900 000 personnes environ, 575 000 expriment leur suffrage, soit environ 65 % de participation aux élections législatives. Les votants par Internet sont au nombre d'environ 175 000.
* 153 https://www.valimised.ee/en/archive/statistics-about-internet-voting-estonia .
* 154 State Electoral Office of Estonia, General Framework of Electronic Voting and Implementation thereof at National Elections in Estonia, 20 juin 2017.
* 155 Entré en vigueur le 1 er janvier 2003.
* 156 https://www.bk.admin.ch/bk/fr/home/droits-politiques/groupe-experts-vote-electronique/vue-d-ensemble.html .
* 157 http://ge.ch/vote-electronique/votations-mode-demploi .
* 158 http://www.ne.ch/autorites/CHAN/CHAN/elections-votations/Pages/vote-electronique.aspx .