II. LES ÉCUEILS DE L'ACTUEL CADRE FINANCIER PLURIANNUEL SONT PARTIELLEMENT PRIS EN CONSIDÉRATION
A. UN CALENDRIER D'ADOPTION VISANT UN DÉMARRAGE PLUS RAPIDE DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS, MAIS QUI EST DÉMOCRATIQUEMENT CRITIQUABLE
L'objectif de la Commission européenne est de parvenir à un accord politique sur les orientations du prochain cadre financier pluriannuel avant les prochaines élections européennes de mai 2019. Comme votre rapporteur spécial l'avait souligné dans sa contribution à la loi de règlement pour l'exercice 2017, ce calendrier contraint est justifié par la nécessité d'éviter le retard pris au début de la programmation 2014-2020 en raison des élections européennes qui avait perturbé l'avancée des négociations. Cet argument peut sembler légitime afin de ne pas pénaliser les porteurs de projets locaux dans la mise en oeuvre des fonds européens. Toutefois, votre rapporteur spécial souligne qu'il aura pour conséquence de priver les prochains parlementaires européens d'un pouvoir d'appréciation sur le futur budget de l'Union européenne jusqu'en 2027, c'est-à-dire pendant toute la durée de leur mandat, alors même que le pouvoir d'appréciation budgétaire du Parlement européenne n'a cessé de se renforcer au fil de l'histoire de la construction européenne. À ce titre, votre rapporteur spécial se réjouit que la ministre en charge des affaires européennes, Nathalie Loiseau, ait reconnu que ce calendrier était « peu souhaitable d'un point de vue démocratique » à l'occasion du débat préalable au Conseil européen qui s'est tenu le 26 juin 2018 au Sénat.
Par conséquent, l'introduction d'une révision à mi-parcours du prochain cadre financier pluriannuel apparaît comme indispensable pour pallier le manque de légitimité démocratique d'un accord politique conclu avant les élections européennes. Si un accord politique sur les orientations du prochain cadre financier pluriannuel était conclu avant les prochaines élections européennes, il serait nécessaire de permettre aux députés européens nouvellement élus de se prononcer à nouveau sur les dispositions de cet accord.
En tout état de cause, votre rapporteur spécial relève qu'il faudra attendre les conclusions du Conseil européen de décembre 2018 pour établir si un accord politique, même a minima , est atteignable avant les élections européennes de mai 2019.
B. LES NOUVELLES CONDITIONNALITÉS D'ACCÈS AUX FONDS EUROPÉENS : UNE AVANCÉE POSITIVE DEVANT ENCORE ÊTRE PRÉCISÉE
La Commission européenne a retenu l'idée, soutenue par la France, de conditionner l'attribution des fonds de la politique de cohésion au respect de l'État de droit . Cette disposition pourrait notamment entraîner une réduction des crédits attribués à la Pologne, dont la récente réforme d'organisation de la justice reste critiquée par la Commission européenne, ainsi qu'à la Hongrie. Pour rappel, en décembre dernier, la Commission européenne a eu recours à l'article 7 du traité sur l'Union européenne (TUE) afin de constater un risque clair de violation de l'État de droit en Pologne. La procédure prévue par l'article 7 permet in fine une suspension des droits de vote d'un État membre au sein du Conseil de l'UE, mais son aboutissement semble peu probable car il nécessite l'unanimité des États membres.
Votre rapporteur spécial estime que l'introduction de cette nouvelle conditionnalité est positive car elle permet de lier l'accessibilité aux ressources budgétaires de l'Union européenne au respect de ses valeurs. Cependant, votre rapporteur spécial a pu constater au cours des auditions menées que les contours de cette disposition restaient à définir. En effet, comment établir des critères objectifs pour apprécier la qualité de l'État de droit ? Les défaillances constatées donneront-elles lieu à des sanctions financières graduées ? Votre rapporteur spécial a notamment relevé des voix dissonantes entre les directions de la Commission européenne , et il encourage les services compétents de la Commission européen à détailler cette proposition afin d'en renforcer la crédibilité.