PRINCIPALES CRITIQUES FORMULÉES ET PROPOSITIONS D'ÉVOLUTION

Le régime social des élus locaux est particulièrement diversifié, complexe et dense. La cohabitation presque aporétique d'un tropisme vers le régime général et de la conservation de dispositions spécifiques exposée précédemment n'aide pas à sa lisibilité.

Les réponses à la consultation « Être élu local en 2018 » menée par votre délégation illustrent singulièrement l'opacité de ce régime. 67,30% des répondants ont admis ne pas connaître leurs droits à la retraite acquis en leur qualité d'élu local. Les élus locaux sont uniquement 12,55% à trouver le régime de retraite suffisamment lisible. Le flou entourant les dispositions du régime social ne se limite pas à la retraite. 73,81% des élus consultés ont estimé que la protection contre le licenciement des salariés titulaires d'un mandat local méritait d'être clarifiée. Les dispositifs existants sont par conséquent très peu utilisés par les élus locaux. Ainsi on observe que
68,26% des élus interrogés n'ont pas eu recours aux autorisations d'absence, 81,86% aux crédits d'heures et 95,65% à la suspension du contrat de travail !

Le régime social des élus locaux est également perçu comme encore incomplet. Ainsi seulement 7,54% des élus locaux consultés jugent le régime de retraite suffisamment protecteur. « La protection sociale d'un mandat d'élu local est tellement insuffisante (droits à retraite) qu'il est indispensable de concilier ces responsabilités avec une vie professionnelle poursuivie. Là débutent les difficultés... » constate un des élus. 60,51% des élus consultés sont favorables à un accroissement du volume des autorisations d'absence ou des crédits d'heures (contre 5,9% à y être opposés) ou de leur champ (contre 5,82% d'opinions défavorables). Ils sont par ailleurs 47,85% à souhaiter une extension du bénéfice du droit à la suspension du contrat de travail, là où 7,33% d'entre eux rejettent cette proposition.

Le régime social est donc vu, tels d'autres aspects des conditions d'exercice du mandat, comme mal adapté à l'exercice d'une activité professionnelle. Dans les difficultés rencontrées, qu'ont partagées plusieurs des élus consultés, certains déplorent « une protection sociale empêchant toute conciliation avec l'employeur ». Cette problématique est critique car, si
12,52% des élus consultés étaient à la retraite ou en préretraite au moment de leur première élection, près de 81% d'entre eux exerçaient une activité professionnelle, et 50,53% exercent encore une activité professionnelle en parallèle à leur mandat. La conciliation trop difficile avec la vie professionnelle a d'ailleurs été perçue par 86,64% des élus comme une raison importante ou très importante de la crise des vocations, soit la principale cause identifiée, et constitue le deuxième champ d'action prioritaire selon les élus consultés. L'articulation avec la vie personnelle apparaît également comme bien délicate : 78,15% des élus répondants la caractérisent comme également à l'origine de la crise des vocations. Le motif le plus cité pour justifier la décision d'arrêter la politique est donc logiquement « le travail politique prend trop de temps au détriment de ma famille ou de mon travail ».

Ces trois critiques majeures sont la source de plusieurs écueils empiriques qui contribuent à rendre le régime social des élus locaux aussi abscons qu'impraticable, de l'avis des principaux intéressés. Si un régime social spécial dédié aux élus locaux semble en l'état inenvisageable, il convient d'expliciter, d'accroître et de réinventer le régime actuel.

La technicité du régime social détaillé ci-avant et les nombreuses difficultés concrètes, sur lesquelles les associations d'élus locaux ont alerté vos rapporteurs, explique par ailleurs le caractère principalement pratique des propositions formulées.

I. LES DIFFICULTÉS LIÉES À LA COMPLEXITÉ DU RÉGIME SOCIAL : UNE COUVERTURE SOCIALE À CLARIFIER ET À SIMPLIFIER

A. UN RÉGIME SOCIAL TROP MÉCONNU PAR SES UTILISATEURS

Selon la situation des différents élus locaux, il peut être très difficile pour eux d'identifier le régime qui prend en charge leurs prestations. Le formulaire d'affiliation au régime général est également perçu comme très peu pratique d'utilisation. Comme souligné par l'AMF lors de l'audition menée par vos rapporteurs, le très généraliste formulaire Demande de mutation semble s'adresser au régime de protection sociale de l'élu au titre de sa propre situation et non au titre du mandat électif. Ce formulaire ne semble donc pas adapté à la situation particulière des élus locaux et les associations d'élus ont eu connaissance de plusieurs cas de radiations. Elles ont en outre été contactées par des élus locaux qui ne versaient pas de cotisations sur les indemnités de fonction mais ne se sont cependant pas affiliés au régime général. Ces élus redoutent en effet une radiation de leur régime social lié à leur vie hors du mandat. La représentante de la Caisse nationale d'assurance maladie, auditionnée par vos rapporteurs, a toutefois indiqué ne pas avoir de retour par les caisses primaires de situations de radiations mais déjà disposer d'un système permettant d'identifier les cas des élus locaux. Devant les difficultés exprimées, elle s'est toutefois prononcée en faveur de l'ajout sur le site de référence Ameli d'un point spécifique à l'intention des élus.

Recommandation n° 1 : Mettre en place un formulaire d'affiliation au régime général spécifique aux élus locaux.

Recommandation n° 2 : Afficher sur le site Ameli une rubrique dédiée aux élus locaux.

La méconnaissance et la complexité du régime social des élus locaux sont également illustrées par le cas de l'exercice du mandat électif durant le congé de maladie. Les élus locaux doivent respecter les dispositions prévues à l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, qui précise que le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire de « s'abstenir de toute activité non autorisée ». Il est aussi spécifié que « si l'activité a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière ». Un salarié élu local peut donc exercer son mandat électif dès lors que cet exercice a été préalablement autorisé par son médecin. Or des élus ont dû rembourser à la sécurité sociale toutes les indemnités journalières perçues pendant l'arrêt du travail car ils ignoraient la nécessité de cet accord antérieur. La Cour de cassation, dans sa décision
n° 16-17.567 du 15 juin 2017, a d'ailleurs confirmé que « le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour l'assuré de s'abstenir de toute activité non expressément et préalablement autorisée ». Les élus locaux, qui seraient en capacité d'exercer des tâches de leur mandat sur place mais surtout à distance durant leur congé de maladie, doivent donc veiller à l'indiquer à leur médecin pour que celui-ci le mentionne explicitement.

Recommandation n° 3 : Informer les élus locaux de la nécessaire mention par le médecin de l'autorisation d'exercer leur mandat durant leur congé de maladie .

Les collectivités locales doivent également être aidées dans leurs relations avec les URSSAF notamment en cas de contrôles et d'éventuels différends. La technicité que suppose la maîtrise du régime social, doit pouvoir être facilitée pour les collectivités par le développement d'un droit à l'erreur.

Recommandation n° 4 : Instaurer un « droit à l'erreur » pour les collectivités locales dans leurs relations avec les URSSAF.

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