E. IL EST ENCORE TEMPS D'AGIR
1. Un accord confirmé récemment par les directions d'Alstom et de Siemens qui reste soumis à des conditions suspensives
Le 23 mars 2018, les directions d'Alstom et de Siemens ont confirmé leur protocole d'accord signé le 27 septembre 2017, en concluant un accord de rapprochement ( Business Combination Agreement - « BCA »). Ce BCA énonce les termes et conditions convenus par les deux entreprises.
Dans le même temps, les deux sociétés ont pré-désigné certains membres du conseil d'administration de la future entité :
- celle de Roland Busch, membre du directoire de Siemens AG, au poste de président du conseil d'administration ;
- et celle de Yann Delabrière, actuellement administrateur référent au sein du conseil d'Alstom, comme vice-président du conseil d'administration de l'entité, en tant qu'administrateur indépendant.
Ces décisions s'ajoutent à celle, annoncée le 26 septembre 2017, de faire d'Henri Poupart-Lafarge le directeur général, par ailleurs membre du conseil d'administration, de la future entité.
Il découle de cet accord que le rapprochement entre les deux sociétés et ses modalités sont désormais pleinement actés , Alstom ne bénéficiant plus désormais d'une faculté de dédit. Sa mise en oeuvre reste néanmoins soumise à trois conditions cumulatives :
- d'une part, l'approbation de l'accord par les organes délibérants des deux sociétés , et notamment l'assemblée générale des actionnaires d'Alstom, qui devrait se réunir en juillet 2018. Il est néanmoins plus que probable que l'assemblée donnera son accord à l'opération, les actionnaires - et notamment l'actionnaire de référence Bouygues - ayant un intérêt financier certain à sa réalisation, compte tenu des primes et dividendes annoncés, tandis que l'État a marqué son approbation du projet ;
- d'autre part, l'obtention de l'autorisation de l'État au titre du contrôle des investissements étrangers . Là encore, compte tenu des garanties prises par les deux sociétés dans le cadre du rapprochement, que l'État considère comme suffisantes, il est très vraisemblable que l'autorisation sera accordée ;
- enfin, l'autorisation de la Commission européenne dans le cadre du contrôle des concentrations. Il résulte des échanges que la délégation de la mission a pu avoir à Bruxelles avec les représentants de la Commission européenne et de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne qu'il est très peu vraisemblable que l'opération soit jugée totalement contraire au droit européen. En revanche, il ne peut être exclu que la Commission demande aux deux acteurs des compensations afin que la concurrence sur les marchés concernés soit préservée. C'est donc vraisemblablement une décision d'autorisation qui sera délivrée par l'autorité européenne, sous réserve de mesures compensatoires.
Dans ces conditions, votre mission ne peut que prendre acte du rapprochement annoncé, mais considère qu'il est encore possible de mieux en accompagner les conséquences.
2. Prendre acte de l'accord conclu mais mieux en accompagner les conséquences
a) Utiliser la commande publique pour maintenir l'activité des sites français
Compte tenu des achats publics massifs attendus en France dans les années à venir en matière d'équipements, de services et d'infrastructures ferroviaires, les pouvoirs publics doivent utiliser la commande publique comme un levier de pression pour favoriser la localisation en France de la production des équipements ferroviaires, des centres de recherche et d'ingénierie. Si l'Allemagne est le premier marché européen et devrait se stabiliser autour de 9,7 Md€ par an, le marché français se situe autour de 5 Md€ par an 66 ( * ) et devrait croître grâce au renouvellement du train à très grande vitesse et au programme du Grand Paris. Il faut exploiter tous les leviers permis par le droit de la commande publique pour faire en sorte que ces investissements publics permettent de créer de l'emploi en France.
On peut rappeler à cet égard que les sites français d'Alstom réalisent plus de 60 % de leur chiffre d'affaires en France et le maintien du débouché français sera l'une des clés du maintien d'une activité industrielle ferroviaire en France . Or, Alstom doit faire face à une très forte concurrence qui exerce une pression à la baisse sur les prix à l'occasion des appels d'offre lancés par les collectivités publiques : plusieurs contrats majeurs lui ont ainsi échappé ces dernières années, notamment au profit du groupe Bombardier. Les appels d'offre à venir revêtiront donc une très grande importance pour l'avenir de l'industrie ferroviaire en France .
Lors de son audition par la mission d'information, la Fédération des industries ferroviaires a d'ailleurs appelé l'État à « pousser les entreprises publiques à favoriser les fournisseurs français ou au moins européens. C'est bien ce qui se passe en Allemagne, en Italie ou en Espagne où les fournisseurs nationaux sont avant tout privilégiés. La mise en place de politiques RSE (achats responsables...) ne doit pas rester qu'un simple affichage, mais s'appliquer sur le terrain. C'est une question d'exemplarité à l'égard de l'ensemble des acteurs du secteur ».
L'État , qui contrôle de grandes entreprises publiques clientes d'Alstom, doit peser sur les décisions d'achat de ces dernières afin d'offrir des débouchés à la production réalisée en France .
On peut donc se réjouir de l'annonce faite par l'État, le 22 mars 2018, de commander à Alstom 100 « TGV du futur » 67 ( * ) - ce qui représente un marché de 2,5 Md€. La commande d'exemplaires de ce train, développé dans le cadre d'un partenariat d'innovation entre la SNCF et Alstom, permettra de mettre en service des rames de plus grande capacité, au coût unitaire réduit et à la consommation énergétique optimisée. Elle garantira également un niveau d'activité rassurant, au-delà de 2022, pour le site Alstom de Belfort et pour celui de La Rochelle. Toutefois, cette annonce doit encore être confirmée par l'adoption des actes juridiques correspondants par la SNCF. Votre mission insiste pour que cette commande soit finalisée au plus tôt compte tenu des délais inhérents à la mise en production d'un nouveau modèle de matériel roulant.
Dans l'attente, pour maintenir l'activité du site d'Aytré, il est par ailleurs essentiel que l'État passe commande de six nouvelles rames TGV dans le cadre de la fin d'exécution du contrat en cours.
Il faut également espérer que les matériels roulants et les équipements de signalisation produits par Alstom seront les plus adaptés aux marchés publics qui seront lancés par la Société du Grand Paris dans les prochains mois et jusqu'en 2020 pour la réalisation du Grand Paris Express.
Le marché ferroviaire lié au Grand Paris Express Le projet du Grand Paris Express impliquera la construction de 200 km de lignes automatiques, soit autant que le métro parisien actuel, 68 gares et 7 centres techniques d'ici à 2030. Les quatre nouvelles lignes du Grand Paris Express (15, 16, 17 et 18) et les lignes 11 et 14 actuelles qui seront prolongées, seront connectées au réseau de transport existant. L'acquisition du matériel roulant des lignes 15, 16, 17 et 18 est portée par la Société du Grand Paris, en relation avec Île-de-France mobilités qui en sera propriétaire au moment de la mise en service. Assistée par les bureaux d'études Systra et Egis Rail, la Société du Grand Paris a défini les principales caractéristiques des véhicules qui circuleront sur le réseau au sein d'un cahier des charges. • Pour répondre aux besoins du réseau de transport public du Grand Paris Express, trois familles de trains voyageurs seront présentes et font l'objet de marchés distincts : - les matériels roulants des lignes 15, 16 et 17 . Ce sont des rames de métro automatique, à roulement ferré, composées de 3 ou 6 voitures. L'objectif de capacité est de l'ordre de 500 ou 1000 voyageurs par trains. Ces métros peuvent rouler jusqu'à 110 km/h et sont alimenté en 1 500 V en courant continu avec une captation par pantographe. Pour les besoins du Grand Paris, le nombre de voitures évoluera progressivement avec les mises en service successives des tronçons de lignes pour atteindre potentiellement jusqu'à environ 800 voitures pour la ligne 15 et 150 pour les lignes 16 et 17. La consultation est en cours et la signature du marché est prévue mi-2018 ; - l es matériels roulants de la ligne 14 . Les trains voyageurs de la ligne 14 sont des rames de métro automatique composées de 8 voitures. L'objectif de capacité est de l'ordre de 936 voyageurs par trains. Ces métros peuvent rouler jusqu'à 80 Km/h et sont alimenté en 750 V en courant continu avec une captation par 3ème rail. Pour les besoins du Grand Paris, le nombre de voitures est de 296 (37 trains) pour les besoins des prolongements au Nord (Saint-Denis Pleyel) et au Sud (Aéroport d'Orly). Ces rames sont acquises au sein d'un groupement de commande avec le RATP dans un marché de renouvellement des métros pneu. Le marché a été signé avec Alstom en 2015 ; |
- l es matériels roulants de la ligne 18 . Les trains voyageurs sont des rames de métro automatique, à roulement ferré, composées de 3 voitures. L'objectif de capacité est de l'ordre de 350 voyageurs par trains. Ces métros peuvent rouler jusqu'à 100 Km/h et sont alimenté en 750 V en courant continu avec une captation par 3ieme rail. Pour les besoins du GPE le nombre de voitures évoluera jusqu'à environ 90 voitures pour assurer la liaison Orly-Versailles. Le lancement de la consultation est prévu courant 2019. • Par ailleurs, la maintenance des infrastructures nécessite des trains spéciaux dits « VMI » (Véhicule de Maintenance des Infrastructures). Le nombre de VMI nécessaire au Grand Paris Express représente plus d'une centaine de wagons ou locotracteurs. Le lancement des premiers marchés est prévu courant 2019. • Enfin, la commande publique doit aussi répondre aux besoins en termes de signalisation liée aux infrastructures . Le système de transport des lignes du Grand Paris est de type métro automatique sans conducteur. La supervision de l'exploitation est assurée essentiellement depuis 3 Postes de Commandes Centralisées (PCC) multifonctions (1 PCC Ligne 15 ; 1 PCC Ligne 16/17 et 1 PCC L18). Un marché « Automatismes de conduite et commande centralisée » pour les lignes 15, 16 et 17 est en cours de passation. Son attribution est planifiée fin juillet 2018. Un marché « Automatismes de conduite et commande centralisée » pour la ligne 18 est planifié courant 2019. Pour le domaine de la signalisation (automatismes de conduite et commande centralisée), les livraisons sont étalées dans le temps et coïncident avec le calendrier des mises en services de sections de lignes. L'ensemble de ces investissements représente globalement plus de 2 Md€. |
b) Accompagner l'ensemble de la filière
Alstom est un débouché-clé de la filière de l'industrie ferroviaire française, puisque 1,138 Md€ de produits et services lui sont livrés chaque année par des fournisseurs situés en France. Ces livraisons sont essentiellement (à 90 %) destinées aux usines françaises d'Alstom, les 10 % restant étant vendu à des usines d'Alstom hors de France. Par ailleurs, environ 75 % des biens et services achetés par les usines françaises d'Alstom sont fournis par des fournisseurs installés en France. C'est dire à quel point le sourcing des sites français d'Alstom est centré sur le territoire français.
Le rapprochement de Siemens Mobility et d'Alstom va selon toute vraisemblance modifier les réseaux d'approvisionnement .
Le lien des sous-traitants avec Alstom tient non seulement à l'activité des sites en France, mais aussi aux process de production mis en oeuvre. Or, l'uniformisation de ces derniers qui, à terme, pourrait intervenir au sein du groupe dans le cadre d'une recherche de rationalisation de son outil industriel, risque de les remettre en cause. Ainsi, lors de son audition par la mission, M. Jean-Camille Uring, dirigeant du groupe Fives et vice-président de la Fédération des industries mécaniques, a indiqué que les sous-traitants du secteur de la mécanique travaillant en France avec Alstom pourraient craindre une diminution de leur position, en raison notamment de l'adoption possible, pour l'ensemble du nouveau groupe, de modules de commande aux normes allemandes.
Mais cette modification des réseaux d'approvisionnement pourrait, dans le même temps, offrir des opportunités de développement importantes pour les fournisseurs français d'Alstom qui seront capables de fournir Siemens-Alstom .
Toutefois, le benchmark Allemagne-France, à l'intérieur du futur groupe, risque d'être très difficile pour un très grand nombre des fournisseurs français actuels. Si le nombre des fournisseurs hexagonaux d'Alstom est en effet considérable (4 500 selon les chiffres publiés sur le site d'Alstom), les achats d'Alstom sont en réalité extrêmement concentrés sur un petit nombre d'ETI et de grosses PME. L'insuffisante concentration de la filière ferroviaire française est un facteur limitant leur potentiel dans les domaines de l'innovation, de l'exportation et de l'investissement dans l'outil et les procédés. La trop faible digitalisation de l'outil productif est aussi un obstacle.
La mission d'information préconise donc de mettre en place un plan d'accompagnement des PME/ETI équipementiers d'Alstom pour les mettre en capacité de répondre aux besoins en sourcing de la future entité Siemens-Alstom. Il faut accélérer fortement le rapprochement des fournisseurs pour leur faire atteindre une taille critique ou développer des synergies collectives dans des logiques de clusters lorsque cela est possible. En tout état de cause, elle insiste pour que ce sourcing s'inscrive dans le réseau historique des sous-traitants d'Alstom.
c) Donner au nouveau groupe les moyens financiers de se développer
Comme on l'a souligné, la cession des titres détenus par Alstom dans ses coentreprises avec GE va générer une importante entrée de liquidité.
S'il est d'ores-et-déjà prévu qu'une partie de cette somme soit reversée aux actionnaires, le solde devrait servir à consolider la trésorerie de Siemens-Alstom et être mis au service du développement de l'entreprise. Dans ce cadre, votre mission insiste pour que la stratégie d'investissement de la nouvelle entité permette de renforcer les complémentarités industrielles des sites , tant en France qu'en Allemagne, et qu'en outre, les sommes disponibles continuent d'appuyer les activités de recherches et de développement déjà en cours, et pour partie aidées par la puissance publique, mais également les centres d'excellence situés sur le territoire français.
Il est en effet essentiel que les sites français restent des sites d'innovation technologique . Les investissements du nouveau groupe doivent ainsi favoriser le développement des activités de recherche et de développement qui visent à développer les mobilités du futur et assurer une montée en gamme de la production actuelle . Il s'agit d'un enjeu stratégique majeur au niveau du groupe dans son entier, mais il doit être décliné dans les territoires, et en partie sur les sites français. À défaut d'un investissement suffisant, orienté en priorité sur ces objectifs, le risque serait grand de voir les sites d'excellence du groupe en France relégués au simple statut de sites d'assemblage. L'avenir d'Alstom ne s'écrirait alors plus en France, quand bien même son centre de décision demeurerait en Ile-de-France...
d) Garantir l'intégrité du périmètre industriel d'Alstom
Compte tenu de la dimension européenne des deux groupes, la Commission européenne sera amenée à rendre une décision dans les mois à venir, au titre du contrôle des concentrations, sur le projet de rapprochement entre Alstom et Siemens Mobility.
Or, si cette décision peut aboutir à autoriser ou pas l'opération dans son ensemble, elle peut aussi prendre la forme d'une autorisation sous conditions. Afin d'assurer une concurrence effective, la Commission européenne peut en effet contraindre le nouvel ensemble à céder certains pans de son activité à un concurrent. Ainsi que l'on rappelé les conseillers de Mme Marghrete Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence, rencontrés à Bruxelles lors du déplacement d'une délégation de la mission, c'est ce qui s'est produit notamment en 2015 lorsque l'autorité européenne de concurrence a conditionné la cession à GE de la branche « Power » d'Alstom à la vente à Ansaldo des activités de turbines à gaz de très grande puissance.
La mission d'information estime que la décision de la Commission européenne ne doit pas remettre en cause l'intégrité du périmètre industriel d'Alstom, qui nuirait nécessairement à la capacité de la nouvelle entité Siemens-Alstom de disposer d'une taille critique lui permettant de faire face aux concurrents mondiaux.
À cet égard, le marché pertinent pour le matériel roulant apparait clairement de taille mondiale, et une appréciation dynamique des forces et des positions de marchés des acteurs mondiaux devrait être favorisée. En effet, les ambitions du groupe chinois CRRC et son potentiel de puissance industriel et commerciale sont tels qu'il est indispensable que la Commission européenne les prenne pleinement en considération pour évaluer les incidences de l'opération Siemens-Alstom sur la concurrence.
En outre, un démembrement de l'actuel outil industriel d'Alstom risquerait de fragiliser les sites retirés du périmètre du nouvel ensemble .
Certes, les représentants de la Commission européenne ont indiqué à la délégation de la mission que, lorsque des obligations de cessions d'activités étaient imposées aux entreprises dans le cadre du contrôle des concentrations, la capacité de ces sites à poursuivre une activité économique viable était toujours prise en considération. Néanmoins, compte tenu de la forte spécialisation des douze sites Alstom présents sur le territoire, il est évident que la cession de certains d'entre eux aurait pour effet de mettre à mal des synergies et des chaines logistiques qui font aujourd'hui la force du groupe et qui garantissent l'activité de chacun des sites.
Si les mesures de compensation exigées devaient conduire à diminuer fortement le périmètre industriel de la nouvelle entité, la mission appelle solennellement les deux groupes ainsi que l'État à renoncer à ce rapprochement qui ne revêtirait alors plus qu'une nature capitalistique et serait dépourvue de contenu industriel.
e) Assurer la transparence des conséquences du rapprochement par la mise en place d'un groupe de suivi parlementaire
Pour garantir une évaluation impartiale des impacts de la prise de contrôle d'Alstom par Siemens, la mission d'information demande la mise en place d'un groupe de suivi parlementaire associant le Sénat et l'Assemblée nationale .
Certes, l'accord de rapprochement prévoit déjà la mise en place d'un comité de suivi, qui associe le Gouvernement, les directions d'Alstom et de Siemens, ainsi que les syndicats. Mais le Parlement doit pleinement être associé à ce travail d'évaluation compte tenu de l'importance stratégique de la filière ferroviaire pour notre pays. Par ailleurs, dans la mesure où les inquiétudes ne portent pas seulement sur la période de quatre ans suivant le closing , mais concernent aussi et surtout la période postérieure, il est nécessaire que le suivi des effets du rapprochement ne s'achève pas en 2022 mais se prolonge au-delà.
Ce groupe de suivi pourra se faire assister, en tant que de besoin, par des experts dans les domaines industriels, financiers et juridiques, afin d'examiner l'état d'exécution des obligations à la charge du nouveau groupe ainsi que les effets concrets, sur les territoires , de son fonctionnement, non seulement sur les douze sites du groupe Alstom en France, mais également sur la chaîne de leurs nombreux sous-traitants.
Mais, avant même la mise en place de cette instance, la mission demande aux directions de Siemens et d'Alstom que soit conduite, avant le closing de l'opération de rapprochement, une expertise indépendante pour analyser le niveau de chargement des différents sites d'Alstom et de Siemens Mobility et pour en identifier les éventuelles surcapacités . Il n'est pas acceptable, du point de vue de l'intérêt national, de l'intérêt des salariés et de celui des territoires d'implantation des sites, qu'aucune analyse industrielle sérieuse des effets du rapprochement n'ait été conduite ou rendue publique, et que cette étude de l'impact industriel soit renvoyée après le closing .
f) Veiller à l'avenir des co-entreprises entre GE et Alstom
Comme indiqué précédemment, Alstom a fait part de son intention de se retirer du capital des co-entreprises créées en 2015 avec GE, ce qui devrait obliger GE à racheter la part du capital actuellement détenue par Alstom en application de l'option de vente contenue dans l'accord cession de 2014.
Cela conduit à se poser diverses questions. Quelles sont les intentions de GE concernant ces co-entreprises ? GE fera-t-il entrer d'autres actionnaires dans le capital pour remplacer Alstom ? Cédera-t-il une partie des actifs concernés ? Quel contrôle l'État français exercera-t-il sur ces opérations, avec quelle stratégie et quels moyens ?
La situation est différente pour chacune des trois co-entreprises.
En ce qui concerne les énergies renouvelables et les réseaux (Grid), la sortie d'Alstom du capital est prévue et ne pose pas de difficulté.
Les prix de cession sont prévus contractuellement, une option de vente peut être exercée par Alstom entre le 1 er et le 30 septembre 2018. GE aura la possibilité de céder ultérieurement sa participation dans ces entreprises. Toutefois, compte tenu notamment de l'impact futur de la coentreprise sur les énergies renouvelables en termes d'approvisionnement électrique, de telles opérations de cession devraient alors être soumises à une autorisation au titre du contrôle des investissements en France si l'acheteur pressenti était étranger.
Le cas est différent pour la co-entreprise nucléaire (GEAST), qui contient des actifs stratégiques tels que les turbines Arabelle.
Actuellement, le capital est détenu par Alstom à hauteur de 20 % moins une action, 80 % pour GE et une action de préférence pour l'État français avec des droits de votes de 50 % moins 2 voix pour Alstom, 50 % plus 2 voix pour GE et une action de préférence conférant certains droits de gouvernance pour l'État. Alstom a également vocation à se désengager de cette co-entreprise, sans que la date soit connue à ce jour, et suivant des modalités qui restent à déterminer, mais l'enjeu financier pour Alstom est bien moindre que sur les deux autres co-entreprises.
Néanmoins, l'hypothèse d'une possible revente ultérieure de ses parts par GE a été anticipée au moment de la signature de l'accord entre Alstom, GE et l'État : dans cette hypothèse, comme dans tous les scénarios, l'État conserverait en tout état de cause son action de préférence lui conférant des droits de gouvernance spécifiques. En outre, une procédure d'autorisation au titre des investissements étrangers en France serait requise si le repreneur n'était pas français.
Il faut rester vigilant face aux intentions de General Electric et sur le contrôle que l'État exercera sur ces opérations . En tout état de cause, il est indispensable que GE respecte l'ensemble des engagements qu'il a contractés en 2014 lors de l'acquisition de la branche « Énergie » d'Alstom.
* 66 Document de référence d'Alstom, 2016/2017.
* 67 Représentant une commande ferme de 50 rames, assortie d'une option « automatique » de 50 rames supplémentaires.