B. LE DÉFI DE L'ÉQUIPEMENT DES INFRASTRUCTURES
1. Informer les véhicules connectés
Le souci premier de la Commission paraît être d'assurer un passage techniquement fluide des frontières intérieures, ce qui suppose une parfaite harmonisation technique de la communication entre véhicules, ainsi que de la communication entre véhicules et infrastructure.
La signalisation routière devrait évoluer pour s'adapter aux équipements d'acquisition des données, embarqués sur les véhicules autonomes. Idéalement, le panneau visible devrait être partout accompagné d'une émission radio communiquant l'information à tous les véhicules connectés, en toute circonstance (quels que soient la météo, l'éclairage ou l'encombrement dû à un poids lourd par exemple).
Pour ces deux aspects de la connexion, l'élaboration des protocoles de communication, ainsi que les spécifications des équipements de communication fixes ou embarqués jouera un rôle économique déterminant. Telle est la véritable problématique industrielle de la conduite sans chauffeur !
La connexion entre véhicules est aujourd'hui limitée principalement à la visualisation, éventuellement complétée grâce à la détection radar opérée par une régulation de vitesse adaptative, qui évite la collision avec l'usager de la route qui précède. Pourtant, une connectivité bien plus poussée pourrait précéder la conduite par intelligence artificielle. Ainsi, une caméra placée à l'avant des véhicules encombrants (comme les fourgons, poids lourds ou bus) rendrait un grand service à la sécurité routière si elle transmettait aux conducteurs qui suivent une représentation exacte de ce qu'ils ne peuvent pas voir directement. La connexion avec l'infrastructure peut également précéder l'apparition de robots-conducteurs : la présence d'un chantier pourrait être signalée à distance par un signal radio limitant la vitesse maximale des véhicules, même si leurs conducteurs n'entendent pas ralentir. Ces deux exemples simples illustrent la dimension imminente des enjeux initialement associés à la conduite sans chauffeur.
Réunis les 21 et 22 juin 2017 à Cagliari (en Sardaigne) sur le thème « Redécouvrir la valeur sociale des infrastructures », les ministres des transports du G7 ont mis l'accent sur l'essor des « solutions numériques pour la mobilité », ainsi que sur « l'opportunité extraordinaire que les nouvelles technologies offrent » en termes de sécurité routière et d'accessibilité pour le plus grand nombre. La déclaration finale a plaidé pour la collaboration entre tous les acteurs concernés, afin de que le potentiel offert par les véhicules connectés puisse être pleinement utilisé.
Adapter l'infrastructure aux nouveautés du numérique est en effet le grand préalable à la prise en charge de véhicules asservis à l'infrastructure.
2. Diriger les véhicules asservis
Outre le vraisemblable contingentement du nombre de véhicules autorisés à circuler, l'étape ultime de la conduite sans chauffeur dans une zone urbaine donnée consiste à coordonner l'ensemble des flux, afin d'éviter les congestions. Tel est le sens de l'expression « diriger les véhicules asservis ». Le cas reste très particulier, puisque nombre de déplacements sont interurbains, mais il est déterminant pour que la conduite sans chauffeur puisse apporter une contribution maximale à la qualité de vie.
Le principe est le suivant :
- chaque véhicule communique à l'infrastructure le lieu de départ et celui d'arrivée ;
- un dispositif informatique centralise l'ensemble des informations relatives aux trajets engagés, ainsi qu'à ceux immédiatement souhaités, pour en déduire les itinéraires affectés aux demandes reçues ;
- - chaque véhicule effectue le trajet indiqué par le système informatique central, sous réserve d'éventuelles corrections apportées par ce même système central.
Bien que ce degré d'automatisation présente un niveau de perfectionnement technique supérieur à la conduite simplement autonome ou collaborative, il n'y a pas véritablement de nouvel enjeu industriel ayant une dimension stratégique, puisque la principale nouveauté concerne le système informatique central. Il y a là un double défi - matériel et logiciel - mais l'industriel qui propose la meilleure offre à un moment donné peut, au moins théoriquement, être supplanté plus tard par un concurrent. La centralisation de la « réflexion » ne devrait donc pas procurer de rente de situation industrielle comparable à celle inhérente aux protocoles de communication.
Nous ne disposons d'aucun chiffrage des investissements nécessaires pour adapter les infrastructures routières à la conduite sans chauffeur , mais l'unité de compte ne peut être inférieure au milliard d'euros. Il reste donc à traiter un sérieux sujet de financement ! Une piste envisageable consisterait à introduire un péage généralisé acquitté à l'occasion des déplacements en véhicule connecté, avec prise en compte très précise de l'infrastructure effectivement utilisée pour chaque trajet. Couramment soulevée dans les colloques, cette idée est habituellement accompagnée par une observation portant sur les conséquences fiscales de la motorisation électrique, puisque celle-ci tend à priver les finances publiques des ressources considérables procurées par les taxes assises sur la consommation de produits pétroliers. Cela pose la question d'une ressource fiscale de remplacement, a fortiori lorsque des investissements gigantesques sont requis pour moderniser les voies de circulation.