Rapport d'information n° 627 (2016-2017) de Mme Élisabeth LAMURE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 12 juillet 2017

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N° 627

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur l' impact de la normalisation ,

Par Mme Élisabeth LAMURE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Pierre Cuypers, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, M. Yves Rome, Mme Laurence Rossignol, M. Henri Tandonnet .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Qui n'a pas déjà été confronté, même sans en avoir conscience, à des normes volontaires ? Elles sont partout, jusque dans la vie quotidienne, sans même pourtant que l'on y prête attention.

Ainsi en est-il, par exemple, du format du papier à lettres (formats A4, A3, etc.), des prises de chargeurs de téléphones portables, du format de compression audio et vidéo « mpeg », de la performance des extincteurs de feux ou, depuis une date plus récente, de la sécurité des trottinettes électriques et gyropodes ainsi que des cigarettes électroniques... De même, pour tout un ensemble de services fournis quotidiennement par les entreprises, la norme « ISO 9001 » dite de « management de la qualité » s'est vite imposée comme un référentiel permettant de certifier l'excellence des démarches internes destinées à assurer un haut niveau de prestations à la clientèle.

On compte aujourd'hui en France plus de 35 000 normes publiées - reconnaissables aux indicatifs sous lesquels elles sont enregistrées : NF, EN, ISO - destinées à fournir des règles de conduites ou des bonnes pratiques dans des domaines extrêmement variés de l'activité des entreprises auxquelles elles s'adressent essentiellement. Et ces normes ne sont pas nouvelles : les premières organisations de normalisation - au niveau national comme international - ont en effet vu le jour au début du XX e siècle, tandis que le texte fondateur de l'activité de normalisation en France date de 1941.

Pourquoi, alors, sont-elles à ce point méconnues, à l'inverse des normes juridiques définies par les pouvoirs publics, qu'il s'agisse du Parlement, du Gouvernement, des collectivités territoriales ou, le cas échéant, des autorités administratives indépendantes ?

La raison en est sans doute, d'une part, qu'elles sont élaborées dans un cadre purement technique, par un réseau d'organismes de droit privé aux niveaux national, européen et international, composés d'acteurs de la société civile (entreprises pour l'essentiel, mais aussi organisations de consommateurs, organisations non gouvernementales), sans lien nécessairement direct avec les politiques publiques définies par les États ou les organisations intergouvernementales, même si des représentants de l'administration ou des collectivités territoriales participent - inter pares - au processus. Vue de l'extérieur, la normalisation a tout d'un labyrinthe... En outre, cette élaboration se fait essentiellement sur la base d'un consensus feutré des parties intéressées, ce qui réduit d'autant l'exposition médiatique.

D'autre part, à la différence des normes de portée juridique obligatoire - les conventions internationales, les lois ou les règlements - ces normes sont d'application purement volontaire . Les acteurs de l'économie choisissent de s'appliquer ou non les règles prévues par ces normes. Elles ne sont donc contraignantes que pour ceux qui voient un intérêt à suivre, dans leur activité de recherche, de production ou de fourniture de services, « des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations ». 1 ( * )

*

Cette activité « para-normative » particulièrement dense, qui forme une partie de ce qui est communément appelé le « droit souple » auquel le Conseil d'État a consacré son étude annuelle pour 2013, est souvent présentée comme une activité « privée », dans la mesure où elle découle de demandes formulées par les acteurs économiques et menée par eux-mêmes. Cette nature fait sa force et sa plus-value essentielle par rapport aux activités réglementaires ou régulatrices des États ou des organisations internationales intergouvernementales. Pour autant, les pouvoirs publics ne sauraient s'en désintéresser, compte tenu de l'importance économique et stratégique majeure de la normalisation qui n'a fait que croître avec la mondialisation de l'économie.

La réforme du « système français de normalisation », c'est-à-dire le mode d'organisation et d'élaboration de la normalisation volontaire en France, opérée en 2009, a pris en compte cette dimension, en s'efforçant de développer des instances de pilotage stratégique de la normalisation et une présence plus active des pouvoirs publics. Huit ans après, avec un recul désormais suffisant sur son fonctionnement, votre commission des affaires économiques a souhaité porter son attention sur le système de normalisation et les enjeux qu'il présente pour la France, compte tenu de la place que prennent les normes volontaires dans la vie économique mais aussi dans l'existence des particuliers.

Car la normalisation présente des enjeux essentiels en matière d'efficience économique. Diffusant des standards susceptibles d'être repris par de nombreux acteurs économiques, le cas échéant à travers le monde, elle contribue fortement à ouvrir des marchés. Elle peut donc être utilement mise à profit pour développer certains secteurs économiques nationaux et projeter à l'international leur activité.

En outre, dans la mesure où elle a vocation à déterminer les caractéristiques techniques d'activités en pleine croissance et mutation - comme le numérique ou l'énergie - ayant des implications dans plusieurs secteurs, la normalisation constitue également un enjeu considérable en termes de compétitivité et de souveraineté . Si, comme l'a souligné lors de son audition Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, la normalisation constitue un « système émancipé de la tutelle étatique », elle peut servir ou, à l'inverse, desservir l'action des pouvoirs publics . Des solutions techniques reconnues comme des normes au niveau international ou européen peuvent ainsi entraver le développement de certains secteurs de notre économie ou les mettre sous la dépendance d'acteurs étrangers qui peuvent ignorer ou, à tout le moins, ne pas prendre pleinement en compte, les besoins de la Nation.

Enfin, la normalisation volontaire constitue un enjeu de simplification du droit . L'on n'a en effet de cesse de dénoncer, à juste titre, l'inflation normative, la profusion de règles qui viennent s'appliquer aux entreprises et qui, dans bien des cas, entravent sinon rendent plus complexe leur développement. Il y a quelques semaines, le Conseil national d'évaluation des normes chiffrait ainsi le poids économique des obligations juridiques mises à la charge des collectivités territoriales par la loi ou le règlement en 2016 à quelque 6,9 milliards d'euros, résultant pour l'essentiel d'un unique décret relatif aux obligations de travaux d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire en application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte...

On évoque ainsi la « maladie de la norme », mais c'est davantage une maladie de la réglementation qu'il faut évoquer : celle qui oblige juridiquement les acteurs. Or, l'on doit s'interroger sur la question de savoir si l'un des remèdes à ce mal ne pourrait pas être, dans des hypothèses précises mais potentiellement nombreuses, de substituer aux normes « juridiques et obligatoires » des normes « volontaires et souples » issues de l'activité de la normalisation.

*

Pour aborder ces problématiques, votre rapporteur a souhaité recueillir les positions des différents acteurs de la normalisation en France. Plusieurs auditions ont été menées au Sénat, de fin février à mi-juin 2017, avec la déléguée interministérielle aux normes, des représentants de l'Association française de normalisation (AFNOR), du comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN), des bureaux de normalisation sectoriels (BNS), de la direction générale des entreprises et du service à l'information stratégique et à la sécurité économique au ministère de l'économie, des entreprises et des consommateurs, ainsi que de l'université.

Il s'est également appuyé sur des études approfondies menées au cours des cinq dernières années sur la question, qui ont pu suggérer des pistes d'évolution, mais souvent restées insuffisamment prises en considération. 2 ( * )

Il ressort des informations recueillies auprès des parties prenantes du système de normalisation, qui en sont les premiers bénéficiaires, une appréciation globalement positive de la normalisation, tant dans son fonctionnement que dans les bénéfices que ces normes peuvent fournir au quotidien.

Mais la normalisation volontaire, par sa complexité, reste encore trop méconnue des acteurs économiques eux-mêmes, notamment les petites et moyennes entreprises. Elle doit donc gagner en « visibilité » , y compris dans l'administration. L'un des premiers objectifs de ce rapport est donc de mieux identifier le fonctionnement de ce système.

La normalisation est une activité stratégique qu'il faut pleinement investir. La prise de conscience des potentialités qu'elle recèle est réelle, tant en termes de compétitivité et de souveraineté mais trop peu traduite dans les faits. Son rôle dans une optique de simplification doit en revanche être plus affirmé. Dès lors, certains ajustements au système de normalisation actuels doivent être envisagés et certains points de vigilance doivent être mis en exergue.

Tel est l'objet des 28 recommandations formulées par votre rapporteur et votre commission des affaires économiques dans son ensemble qui visent :

- à assurer la performance du système de normalisation tout en veillant qu'il réponde à des préoccupations d'intérêt général ;

- à tirer pleinement parti des atouts de la normalisation en favorisant l'émergence d'une stratégie qui serve efficacement les intérêts de la Nation dans un monde de la normalisation transnational et fortement concurrentiel.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

1) Clarifier l'intérêt de la norme volontaire

- Renforcer l'information, dans l'enseignement supérieur et la recherche, puis chez les professionnels sur le bénéfice de la normalisation et de la participation aux travaux de normalisation ( recommandation n° 14 ).

- Mieux informer les acteurs économiques, notamment les PME et TPE, que les normes sont, avant tout, d'application volontaire et qu'ils peuvent en outre choisir, parmi plusieurs normes, celles qu'ils considèrent les mieux à même d'assurer la bonne exécution de leur prestation ( recommandation n° 9 ).

- Inciter les organisations professionnelles à davantage informer les acteurs économiques de leur secteur des contraintes ou des risques liés à l'application de certaines normes pour la conduite de leur activité ( recommandation n° 10 ).

2) Mieux encadrer la faculté de rendre une norme volontaire d'application obligatoire

- Mener à son terme, dans les meilleurs délais, un travail de recensement des normes rendues d'application obligatoire dans un souci de sécurité juridique des opérateurs économiques ( recommandation n° 1 ).

- Réserver à des situations exceptionnelles, lorsque des impératifs de sécurité ou de santé publique l'imposent véritablement, la possibilité de rendre une norme d'application obligatoire ( recommandation n° 7 ).

- Lorsqu'une norme a été rendue d'application obligatoire, réévaluer périodiquement l'intérêt de ce choix, à l'aune notamment d'une révision de la norme concernée ( recommandation n° 8 ).

- Garantir un accès gratuit aux normes rendues d'application obligatoire par une publication et une mise à disposition permanente, sur le site Légifrance , en même temps que les textes réglementaires qui les rendent obligatoires, le cas échéant après mise en place d'un système de licence avec les organismes de normalisation titulaires des droits de propriété intellectuelle sur ces normes ( recommandation n° 15 ).

3) Utiliser le processus de normalisation de manière plus stratégique

- Mieux affirmer le principe de la complémentarité de la réglementation et de la normalisation, en laissant à la norme le soin de définir les modalités techniques pour atteindre les objectifs de sécurité et de qualité fixés par le législateur ou le pouvoir réglementaire ( recommandation n° 6 ).

- Définir les orientations stratégiques de la normalisation française en pleine concertation avec l'État et les collectivités territoriales, en prenant mieux en considération les travaux en cours ou projetés au niveau européen ou international ( recommandation n° 2 ).

- Favoriser le rôle de l'État et des collectivités territoriales comme « stratèges » en orientant l'activité de normalisation afin qu'elle investisse les domaines jugés prioritaires pour les politiques publiques ( recommandation n° 3 ).

- Envisager l'introduction d'un mécanisme de « mandat », établi après concertation avec les acteurs économiques intéressés, confié par le Gouvernement au système français de normalisation ( recommandation n° 4 ).

- Investir fortement les domaines les plus stratégiques de la normalisation, et en particulier : les services, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'agriculture et l'alimentation ( recommandation n° 5 ).

- Développer une stratégie plus active de positionnement des acteurs français en vue d'occuper des postes de responsabilité dans les instances des organisations européennes et internationales de normalisation ( recommandation n° 27 ).

4) Mieux asseoir la dimension d'intérêt général des normes volontaires

- Renforcer l'intégration des travaux d'ateliers pour favoriser, dès que possible, la mise en place de travaux de normalisation sur la base de ces standards, tout en veillant à éviter toute confusion sur leur statut ( recommandation n° 12 ).

- Conserver un financement public suffisant de l'activité de normalisation pour préserver son caractère d'intérêt général ( recommandation n° 13 ).

- Prendre réellement en considération, pour déterminer le niveau du financement public de l'activité de normalisation, les frais et contraintes matérielles découlant de la traduction en langue française des normes européennes ou internationales afin d'assurer l'accès aux normes par tous les acteurs et leur complète intelligibilité ( recommandation n° 28 ).

5) Favoriser la participation au processus d'élaboration des normes

- Faire bénéficier tout nouveau projet de travail de normalisation d'une publicité adéquate et suffisante en favorisant une meilleure connaissance par l'AFNOR des entreprises potentiellement intéressées, grâce aux bureaux de normalisation sectoriels, aux organisations ou syndicats professionnels et, le cas échéant, aux réseaux consulaires ( recommandation n° 11 ).

- Veiller à assurer la présence de représentants des administrations concernées pour l'élaboration ou la révision des normes qui mettent en cause des intérêts publics stratégiques ou majeurs ( recommandation n° 16 ).

- Favoriser la participation des représentants des collectivités territoriales, notamment par le biais de leurs associations représentatives, à l'élaboration ou la révision des normes qui concernent leurs domaines de compétences ( recommandation n° 17 ).

- Renforcer l'intérêt des acteurs associatifs, notamment dans le domaine de la consommation et de l'environnement, pour les travaux de normalisation ( recommandation n° 18 ).

- Développer le recours aux moyens de communication audiovisuelle instantanée pour la participation aux réunions des instances de normalisation ( recommandation n° 19 ).

- Mieux informer les entreprises, notamment les PME, sur l'éligibilité des dépenses de normalisation, en tant que telles, au crédit impôt recherche, et examiner l'élargissement du dispositif à la totalité des dépenses liées aux travaux de normalisation, y compris celles engendrées par le recours à des consultants extérieurs ( recommandation n° 20 ).

- Donner davantage de publicité et renforcer le système d'aide à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les PME et TPE ( recommandation n° 21 ).

- Assurer la pérennité des aides à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les associations agréées, notamment celles représentant les consommateurs ( recommandation n° 22 ).

6) Améliorer la gouvernance du système français de normalisation

- Confier les fonctions de délégué interministériel aux normes à un chef de service ou directeur d'administration centrale et celles de responsables ministériels aux normes à des fonctionnaires d'un niveau hiérarchique suffisant ( recommandation n° 23 ).

- Poursuivre, selon les modalités déterminées par les acteurs des secteurs concernés, le regroupement des bureaux de normalisation sectoriels afin d'atteindre une taille critique les mettant à même d'assurer de manière optimale leurs missions ( recommandation n° 24 ).

- Réexaminer périodiquement les périmètres des Comités stratégiques (CoS) et créer, le cas échéant, des groupes de coordination dans les CoS à périmètres étendus ( recommandation n° 25 ).

- Autonomiser le comité d'audit et d'évaluation par rapport à l'AFNOR, en prévoyant notamment la nomination de ses membres et de son président par le ministre ( recommandation n° 26 ).

I. LA NORMALISATION VOLONTAIRE : UN ÉCOSYSTÈME COMPLEXE

L'une des raisons de la méconnaissance par le grand public de l'activité de normalisation est qu'elle résulte de l'interaction complexe de plusieurs mécanismes d'élaboration aux niveaux national (les États disposant souvent de leur propre système de normalisation), européen et international tout en étant le fait, pour l'essentiel, d'organismes de droit privé reconnus par les États mais largement autonomes dans leur fonctionnement et dans leurs prérogatives.

A. UN SYSTÈME DE PRODUCTION À PLUSIEURS NIVEAUX

Le processus de création de normes volontaires intervient à plusieurs niveaux qui relèvent de règles différentes mais interagissent fortement. C'est aujourd'hui, pour l'essentiel, aux niveaux européen et international que se créent les nouvelles normes : 90 % des nouvelles normes disponibles en France ont en effet pour origine des textes issus des organisations européennes ou internationales de normalisation . Ces normes constituent, au total, 70 % des normes disponibles dans notre pays.

1. Une production « nationale » issue du « système français de normalisation »

L'activité de normalisation a été prise en compte par le droit public français dès 1941.

La loi n° 41-1987 du 24 mai 1941 relative à la normalisation , maintenue en vigueur à la Libération, est le premier acte juridique à reconnaître son existence en droit français et à tenter d'organiser son système d'élaboration, fixant ainsi les fondements de ce que l'on appelle couramment le « système français de normalisation ». Ce texte, toujours en vigueur, renvoie néanmoins au pouvoir réglementaire le soin de définir ce système, en précisant qu'un décret, d'une part, « fixera le statut réglementaire de la normalisation » et, d'autre part, édictera « toutes les mesures reconnues nécessaires à l'établissement et à l'application de la normalisation (...), nonobstant toutes dispositions législatives ou réglementaires contraires. »

C'est aujourd'hui le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation 3 ( * ) qui fixe, pour l'essentiel, le cadre juridique du système et de l'activité de normalisation en la définissant comme « une activité d'intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations ».

Ce système est néanmoins également régi par d'autres règles, notamment le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, les statuts et le règlement intérieur de l'Association française de normalisation (AFNOR), ainsi que la norme homologuée NF X 50-088 « Normalisation et activités connexes --Activité des bureaux de normalisation --Principes, exigences et indicateurs ». Il a vocation à la fois à produire lui-même des normes volontaires françaises (normes NF) mais également à participer à l'élaboration des normes volontaires au niveau européen (normes CEN) ou international (norme ISO). Mais, de fait, la production française de normes volontaires est désormais très réduite. En flux, les normes françaises représentent aujourd'hui moins de 10 % des nouvelles normes produites . Toutefois, il faut noter le dynamisme des normes françaises dans le domaine du bâtiment , qui forment à eux seuls environ un tiers des nouvelles normes françaises produites.

Le système repose sur deux catégories d'opérateurs, l'AFNOR et les bureaux de normalisation sectoriels (BNS), autour desquels s'ordonnent de multiples instances.

a) L'AFNOR, animateur et principal opérateur du système

Depuis 1926, c'est une association régie par la loi de 1901 qui assure le rôle d'animation du système français de normalisation.

Reconnue d'utilité publique, l'Association française de normalisation (AFNOR) s'est vue confier deux missions principales par le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation :

- d'une part, l'animation de l'activité de normalisation française et la représentation de la France dans les organes de normalisation européens et internationaux. À ce titre, l'AFNOR exerce une mission de service public et est dotée de prérogatives de puissance publique illustrées notamment par le pouvoir reconnu à son directeur général d' homologuer les normes 4 ( * ) afin qu'elles puissent rentrer dans le « catalogue » des normes françaises.

Dans ce cadre, elle s'efforce d'assurer la participation au système français de normalisation de l'ensemble des acteurs, qui ne sauraient se limiter aux seules entreprises. À cette fin, l'AFNOR a créé en son sein des comités destinés à mieux prendre en considération la position d'acteurs n'émanant pas du monde de l'entreprise et, plus particulièrement de l'industrie, historiquement concernée au premier chef par l'activité de normalisation ;

LES COMITÉS D'AFNOR DESTINÉS À MIEUX PRENDRE EN CONSIDÉRATION LA POSITION DE CERTAINES CATÉGORIES D'ACTEURS

Trois comités spécifiques peuvent être évoqués :

- le comité « Consommation », qui a notamment pour objet de rassembler les demandes et besoins des consommateurs, de présenter les priorités et contribuer à l'élaboration du programme de normalisation, d'assurer une bonne représentation des consommateurs dans les commissions de normalisation, de préparer les positions françaises au comité pour la politique en matière de consommation (COPOLCO) au sein de l'ISO ( International Standardization Organisation ) et, par le biais du Conseil national de la consommation, d'assurer une information et une participation de l'ensemble des organisations ;

- le comité de concertation « Normalisation et artisanat », qui ambitionne de recenser les besoins des partenaires socio-économiques concernés, de définir leur position sur les stratégies et programmes de normalisation en préparation et d'assurer l'information sur les programmes et travaux de la normalisation susceptibles d'avoir un impact sur leurs activités ;

- le comité de concertation « Normalisation et collectivités territoriales », dont l'objet est de s'assurer de la représentation des collectivités dans le processus normatif français, européen et international ; d'établir les priorités normatives des collectivités territoriales ; de participer à la mobilisation des collectivités territoriales, de faciliter la veille et d'anticiper les travaux ; et d'orienter les programmes de sensibilisation en région à l'utilisation des informations sur les travaux de normalisation.

- d'autre part, le conseil et l'accompagnement des stratégies de normalisation des partenaires. En fonction des sujets et des secteurs d'activité, l'AFNOR est ainsi amenée à animer directement certaines commissions de normalisation. Il en est ainsi, aux termes du décret du 16 juin 2009, dans les « domaines communs à un grand nombre de secteurs » et dans les secteurs pour lesquels il n'existe pas de bureau de normalisation sectoriel agréé. Elle exerce alors un rôle analogue à celui d'un bureau de normalisation sectoriel .

À ce jour, pour assurer cette mission, l'AFNOR s'est dotée de six départements qui assurent les fonctions « supports » pour les commissions de normalisation constituées dans les domaines suivants :

- agroalimentaire, santé et action sociale ;

- construction et cycle de l'eau ;

- électrotechnologies ;

- génie industriel, environnement, santé, et sécurité au travail ;

- services, management, consommation, sports et loisirs ;

- transport, énergie, technologies de l'information et de la communication.

Depuis 2014, l'activité de normalisation dans le domaine électrotechnique - initialement exercée par l'Union technique de l'électricité (UTE) fondée en 1907 pour représenter les acteurs français à la Commission électrotechnique internationale (IEC), puis au Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) - a rejoint l'AFNOR.

Une convention de transfert a été conclue entre les deux associations à cette fin, qui viendra à échéance à la fin de l'année 2017 et devrait être tacitement reconduite pour quatre ans. La filière électrotechnique, bien que rattachée à l'AFNOR, jouit en vertu de cette convention d'une certaine autonomie dans son fonctionnement comme dans son financement. Les acteurs du secteur ont exprimé leur souhait que cette filière structurée et efficace, directement présente dans les travaux de normalisation, notamment dans les organisations européennes et internationales spécialisées, puisse être préservée.

Dans le cadre de l'accomplissement de ses missions d'intérêt général, l'AFNOR conclut avec l'État des conventions d'objectifs .

LES CONVENTIONS D'OBJECTIFS ENTRE L'ÉTAT ET L'AFNOR

Le contrat d'objectifs conclu entre l'État et l'AFNOR pour la période 2011-2015 était organisé selon cinq axes : améliorer l'efficacité et la transparence de la normalisation ; mieux prendre en compte les besoins des entreprises et associer plus étroitement les PME aux travaux de normalisation ; développer l'influence française à l'international pour faire valoir les intérêts des acteurs économiques français ; donner plus de visibilité à la normalisation ; améliorer la gouvernance d'AFNOR. Ces axes regroupaient 31 actions.

Le nouveau contrat , établi pour une période plus courte, 2016-2018 , est centré trois objectifs :

- renforcer l'utilisation de la normalisation volontaire comme levier de compétitivité et de croissance, en sensibilisant davantage les acteurs (économiques, industriels, de recherche et institutionnels) à l'intérêt d'une participation aux travaux de normalisation ;

- accroître la performance du système français de normalisation pour mieux défendre les intérêts français sur les scènes européenne et internationale, en améliorant l'outil dans toutes ses composantes : processus d'élaboration des normes, mise en oeuvre d'une revue des processus et d'indicateurs pertinents ; renforcement de l'influence française dans les organisations internationales de normalisation ;

- conforter la gouvernance de l'AFNOR au bénéfice de sa mission d'intérêt général, en élaborant une stratégie permettant d'assurer sa pérennité et d'améliorer la maîtrise de ses coûts, tout en maintenant en son sein un climat social attractif.

Depuis quelques années, l'AFNOR, dont l'objet était initialement restreint à la seule activité de normalisation, a diversifié ses activités en adjoignant à sa mission d'intérêt général des activités à caractère commercial dans le domaine de la formation, de l'accompagnement de la performance des organisations et de l'évaluation de conformité - c'est-à-dire la certification - qu'elle exerce par le biais de filiales qu'elle contrôle totalement.

LE GROUPE AFNOR

L'association AFNOR dispose d'un budget de 82,3 millions d'euros pour 2017. Les ressources globales du groupe AFNOR (comprenant l'association et ses filiales) s'élèvent quant à elles à 166 millions d'euros. Selon les comptes consolidés du groupe AFNOR pour l'année 2015, l'association AFNOR a dégagé un résultat net de 500 000 euros, tandis que ses filiales ont enregistré un résultat net de 2,3 millions d'euros.

BUDGET DE L'ASSOCIATION AFNOR POUR 2017 (EN MILLIONS D'EUROS)

Ressources

Montant

%

Activités d'édition

32,2

39,3 %

Contrats de normalisation et de coopération technique internationale

20,4

24,9 %

Produits accessoires intra-groupe et autres

13,8

16,7 %

Produits de l'adhésion

2,2

2,7 %

Total chiffre d'affaires

68,7

83,5 %

Subvention de fonctionnement (État)

6,9

8,4 %

Production immobilisée

4

4,9 %

Redevances intra-groupe et autres

1,8

2,1 %

Produits financiers

0,9

1,1 %

TOTAL PRODUITS

82,3

100 %

Source : AFNOR.

Des flux financiers existent entre les différentes entités du groupe. En particulier, les filiales versent à l'association des dividendes ainsi que des redevances pour utilisation de la marque « AFNOR », contribuant ainsi à la marge bénéficiaire de l'association.

b) Les autres opérateurs : les bureaux de normalisation sectoriels

Les bureaux de normalisation sectoriels (BNS) sont des organismes, agréés par le ministre chargé de l'industrie, ayant pour objet d' organiser et de participer à l'élaboration des normes françaises, européennes ou internationales.

Juridiquement, aux termes de l'article 12 du décret du 16 juin 2009, ils agissent par délégation de l'AFNOR , dans le cadre de conventions conclues avec cette dernière et approuvées par le délégué interministériel aux normes. Chaque convention prévoit la délégation de la conduite et de l'animation des travaux d'élaboration tant des normes françaises que des normes européennes ou internationales. Elle détermine également les conditions de rémunération du bureau par l'AFNOR au titre de sa participation à l'élaboration de normes.

En pratique, les bureaux de normalisation sectoriels sont chargés d'animer plusieurs voire plusieurs dizaines de commissions de normalisation composées des experts mandatés par les divers acteurs socio-économiques, en charge d'élaborer ou de contribuer à élaborer les documents de normalisation. À ce jour, on compte 22 bureaux de normalisation sectoriels agréés 5 ( * ) .

La taille et l'activité des différents bureaux de normalisation sectoriels sont très variables . Trois bureaux assurent en effet à eux seuls 80 % de l'activité de normalisation.

Certains ont un portefeuille de normes limité et regroupent quelques dizaines d'experts seulement. Ainsi, M. Xavier Mendiboure, secrétaire général du Comité français d'organisation et de normalisation bancaires (CFONB), a indiqué à votre rapporteur que ce bureau assure le suivi d'environ 50 normes et regroupe seulement une cinquantaine d'experts.

D'autres ont une activité normative plus importante. Le Bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction du bâtiment (BNTEC) gère par exemple 3 900 normes, dont 60 % sont d'origine européenne et 2 000 sont en travaux, c'est-à-dire essentiellement en révision. L'Union de normalisation de la mécanique (UNM), quant à elle, gère environ 4 000 normes françaises et élabore de 250 à 300 normes par an représentant environ 15 % de la production annuelle française publiée par l'AFNOR.

LES 22 BUREAUX DE NORMALISATION SECTORIELS

BNA - Bureau de Normalisation de l'Automobile

BNAAH - Bureau de Normalisation des Activités Aquatiques et Hyperbares

BN Acier - Bureau de Normalisation de l'Acier 6 ( * )

BNAE - Bureau de Normalisation de l'Aéronautique et de l'Espace

BNBA - Bureau de Normalisation du Bois et de l'Ameublement

BNC - Bureau de Normalisation de la Céramique

BNCM - Bureau de Normalisation de la Construction Métallique

BNEN - Bureau de Normalisation d'Équipements Nucléaires

BNF - Bureau de Normalisation Ferroviaire

BN FERTI - Bureau de Normalisation Fertilisation

BNG - Bureau de Normalisation du Gaz

BNHBJO - Bureau de Normalisation de l'Horlogerie, Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie

BNIB - Bureau de Normalisation de l'Industrie du Béton

BNIF - Bureau de Normalisation des Industries de la Fonderie

BNITH - Bureau de Normalisation de l'Industrie Textile et de l'Habillement

BNLH - Bureau de Normalisation des Liants Hydraulique

BN Pétrole - Bureau de Normalisation du Pétrole

BNPP - Bureau de Normalisation des Plastiques et de la Plasturgie

BNTEC - Bureau de Normalisation des Techniques et des Équipements de la Construction
du Bâtiment

BNTRA - Bureau de Normalisation des Transports, des Routes et de leurs Aménagements

CFONB - Comité Français d'Organisation et de Normalisation Bancaires

UNM - Union de Normalisation de la Mécanique

Les « petits et moyens » bureaux de normalisation - c'est-à-dire 20 des 22 bureaux de normalisation, à l'exception du bureau de normalisation de l'aéronautique et de l'espace (BNAE) et de l'UNM - se sont regroupés depuis 2010 dans une structure informelle, « CoopBN », afin de faire mieux entendre leurs voix face aux bureaux sectoriels les plus importants et à l'AFNOR dans son activité analogue à un bureau de normalisation. Coop BN représente ainsi une production annuelle globale, aux niveaux français, européen ou international, de 500 textes normatifs, soit 20 % de la production française.

La proximité des bureaux de normalisation avec les acteurs du milieu économique fait leur force . Abrités par des fédérations professionnelles 7 ( * ) des associations à vocation professionnelle, 8 ( * ) des centres techniques industriels (CTI) 9 ( * ) ou des comités professionnels de développement économique (CPDE) 10 ( * ) , les BNS sont en contact direct avec les entreprises. Leur rôle semble d'ailleurs fortement apprécié des professionnels, même si d'autres parties prenantes du système français de normalisation ont pu estimer, devant votre rapporteur, que certains pouvaient avoir tendance à se comporter comme des « citadelles ou baronnies » insuffisamment ouvertes aux apports des membres n'émanant pas des entreprises ou des fédérations professionnelles.

c) Les garants du bon fonctionnement du système : le comité d'audit et d'évaluation et le délégué interministériel aux normes
(1) Le comité d'audit et d'évaluation

Le décret du 16 juin 2009 a créé, en son article 8, un comité d'audit et d'évaluation auprès de l'AFNOR, chargé d'organiser l'évaluation de l'activité des bureaux de normalisation et de contrôler la conformité et l'efficacité de l'activité de l'AFNOR.

Il lui appartient en particulier de vérifier la bonne association de toutes les parties intéressées dans les travaux des bureaux de normalisation, notamment les associations de consommateurs, les syndicats représentatifs de salariés et les petites et moyennes entreprises. Composé de huit membres au plus nommés par le conseil d'administration d'AFNOR sur des critères de compétence et d'indépendance pour trois ans renouvelables une fois, le comité est présidé par une personne nommée pour un mandat de cinq ans non renouvelable par le conseil d'administration.

Lors de son audition, Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, a regretté que l'évaluation du système relève ainsi d'un organisme quasi-interne à AFNOR . Ce constat avait été également formulé par Mme Lydie Évrard, alors déléguée interministérielle aux normes, dans son rapport remis au ministre de l'économie qui relevait : « La mission du comité d'audit et d'évaluation (CAE) définie par les statuts d'AFNOR n'est pas conforme à celle qui lui est confiée par le décret du 16 juin 2009. Les statuts étendent en effet son rôle fixé par le décret, qui consiste à organiser l'évaluation de l'activité des bureaux de normalisation et à contrôler la conformité et l'efficacité de l'activité d'AFNOR, à celui d'audit et d'évaluation des entités composant l'ensemble du système français de normalisation (SFN), qui s'étend donc bien au-delà des bureaux de normalisation, en couvrant les comités stratégiques, le comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN), les pouvoirs publics, etc., ce qui ne peut relever d'un comité placé auprès d'AFNOR mais devrait relever du niveau ministériel . » 11 ( * )

(2) Le délégué interministériel aux normes

Prévu dès le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation, le délégué interministériel aux normes est une spécificité française, les autres systèmes nationaux ne connaissant pas cette fonction.

Aux termes du décret du 16 juin 2009, le délégué se voit confier trois missions :

- d'une part, assurer, sous l'autorité du ministre chargé de l'industrie, la définition et la mise en oeuvre de la politique française des normes. Il peut ainsi signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'État, par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs à la définition et à la mise en oeuvre de la politique française des normes (article 3 du décret) ;

- d'autre part, exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès de l'AFNOR. À ce titre, il peut exiger l'inscription d'un point à l'ordre du jour du conseil d'administration, s'opposer aux délibérations du conseil d'administration contraires à des dispositions législatives ou réglementaires, aux orientations de la politique française des normes ou de nature à compromettre l'exercice de la mission d'intérêt général qui lui est confiée (article 10) ;

- enfin, le cas échéant, s'opposer à l'homologation par l'AFNOR de normes contraires à des dispositions législatives ou réglementaires, contrevenant aux orientations de la politique française des normes, de nature à compromettre l'exercice de la mission d'intérêt général de l'AFNOR ou non disponibles en langue française (article 16).

Interlocuteur privilégié des entreprises pour les questions de normalisation, il est fonctionnellement l'animateur d'un réseau de responsables aux normes dans les ministères techniques , regroupés au sein du groupe interministériel aux normes (GIN) qu'il préside. Prévu par l'article 4 du décret du 16 juin 2009, le GIN est chargé de proposer au ministre les orientations de la politique française des normes et, sur saisine de ce dernier, de rendre des avis sur toute question relative aux normes et à la normalisation. Ainsi que le relève néanmoins Mme Lydie Évrard, dans son rapport au ministre de l'économie, « [l]e GIN s'efforce de favoriser un bon usage des normes dans la réglementation et une meilleure prise en compte des politiques publiques dans l'élaboration des normes. Il prend des positions communes mais ne propose pas formellement au Ministre d'orientations pour la politique de normalisation. » 12 ( * )

2. Une production « européenne »

De création récente, le système de normalisation européen est aujourd'hui l'un des producteurs majeurs de normes, compte tenu de l'accent mis par la Communauté européenne, dès les années 1960, sur la suppression des entraves techniques aux échanges . La politique de normalisation européenne est ainsi, de longue date, un instrument de création et d'affermissement du marché intérieur européen.

Selon la Commission européenne, 60 000 experts participent aux travaux du système européen de normalisation.

a) Les organismes européens de normalisation

Le système de normalisation européen, actuellement fondé sur le règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, repose sur trois organismes de normalisation ayant le statut d'organisations non gouvernementales, spécialisés par domaines d'activité.

Membre de ces trois organismes, l' AFNOR y siège et y défend la position des acteurs français définie dans le cadre du système français de normalisation.

(1) Le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électronique (Cenelec)

Le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électronique (Cenelec) travaillent en coopération et disposent de structures administratives similaires.

Le CEN , fondé en 1961 et siégeant à Bruxelles, est chargé d'élaborer la normalisation « générale » et est compétent à ce titre pour la normalisation des produits, matériaux, services ou procédés qui ne relèvent pas des organismes plus spécialisés que sont le Cenelec et l'ETSI.

Il compte 34 organismes membres, parmi lesquels ceux des 28 membres de l'Union européenne ainsi que de la Suisse, de l'Islande et de la Norvège, et trois États candidats à l'adhésion à l'Union européenne (la Turquie, la Macédoine et la Serbie). Ces membres ont droit de vote dans l'ensemble des procédures du CEN.

Les organismes des pays entretenant des relations étroites avec l'Union européenne peuvent également se voir reconnaitre le statut de membre affilié, qui leur donne le droit de contribuer aux travaux du CEN. Au nombre de onze aujourd'hui, ils participent aux travaux en tant qu'observateurs.

Enfin, le statut de Companion Standardization Body (CSB) est ouvert aux organismes de normalisation nationaux de pays souhaitant construire une harmonisation technique avec les membres du CEN. Actuellement au nombre de neuf, ces CSB peuvent adopter les normes du CEN comme normes nationales.

Fin 2016, 14 739 normes élaborées par le CEN étaient disponibles .

Le Cenelec , dont le siège est à Bruxelles, est chargé des activités de normalisation européenne dans le domaine de l'industrie électrotechnique . Il compte 34 organismes d'États membres européens, dont les 28 États membres de l'Union européenne, et 12 membres affiliés issus de l'Europe de l'Est, de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui ont un simple rôle d'observateur.

Fin 2016, 6 857 normes élaborées par le Cenelec étaient publiées.

LE FONCTIONNEMENT DU CEN ET DU CENELEC

Les structures administratives des deux organismes sont similaires et coordonnées entre elles par un comité présidentiel commun .

Le CEN et le Cenelec disposent chacun :

- d'une assemblée générale, organe suprême rassemblant les délégations de l'ensemble des pays membres et chargée d'établir les orientations de l'organisation ;

- d'un bureau administratif, chargé d'exécuter les décisions de l'assemblée générale ;

- d'un bureau technique, qui supervise le travail des comités techniques où sont effectivement élaborées les normes.

Les comités techniques du CEN et du Cenelec sont composés de délégués choisis par les pays membres de chaque organisation, ainsi qu'éventuellement d'observateurs des pays affiliés. Ils sont chargés de l'élaboration des projets de normes, qui sont ensuite soumis pour vote à l'ensemble des pays membres du CEN ou du Cenelec, selon le principe d'un vote pondéré en fonction de la population de chaque pays .

Des règles spécifiques s'appliquent pour l'adoption des normes harmonisées européennes - élaborées sous mandat de la Commission européenne - pour lesquelles la répartition des votes entre les États de l'Union européenne est celle fixée par le traité de Lisbonne pour le Conseil de l'Union européenne.

(2) L'European Telecommunications Standards Institute (ETSI)

L' European Telecommunications Standards Institute (ETSI), créé en 1988 et implanté à Sophia-Antipolis, est compétent dans le domaine des technologies de l'information et de la communication .

Issus de 68 pays différents et incluant des administrations, des organismes nationaux de normalisation, des constructeurs, des opérateurs, des fournisseurs de services, des centres de recherche et des utilisateurs, les 800 membres de l'ETSI se répartissent entre :

- membres de plein droit, qui sont les organismes de normalisation des pays d'Europe continentale (49 pays), qui participent et votent au cours des procédures d'adoption des normes de l'ETSI ;

- membres associés, qui regroupent les organisations issues de pays hors Europe continentale. Ils peuvent participer aux travaux des comités techniques de l'ETSI et ont droit de vote sur les sujets qui ne concernent pas exclusivement la règlementation européenne ;

- membres observateurs, rassemblant les organisations ayant choisi ce statut qui implique des frais d'adhésion moindres. Ces membres n'ont pas de droit de vote mais peuvent assister à l'assemblée générale et accéder à l'ensemble des normes de l'ETSI.

L'assemblée générale de l'ETSI comprend tous les membres de l'organisation et en détermine les orientations. Elle désigne les membres du Bureau administratif, qui est chargé d'exécuter ses décisions. L'OCG ( Operational coordination group ) supervise le travail de l'ensemble des comités techniques, qui conçoivent les normes, et des autres comités spéciaux.

Les comités techniques sont composés d'experts délégués par les membres de l'ETSI.

Les normes de l'ETSI, hors normes strictement européennes, sont adoptées après consultation des membres si les votes positifs représentent 71 % des suffrages , les votes étant pondérés en fonction de leur contribution financière à l'ETSI .

Les normes européennes, qui sont commandées par la Commission européenne, sont adoptées après un vote des organisations nationales de standardisation des pays concernés, qui doivent également approuver le projet de norme à une majorité de 71 % des suffrages.

Depuis sa création en 1988, l'ETSI a publié près de 6 000 normes .

b) La politique de normalisation de l'Union européenne

Instrument de l'harmonisation du marché intérieur , la normalisation européenne est fortement liée aux orientations de l'Union européenne et, en particulier, aux travaux de la Commission européenne. Celle-ci peut en effet, en vertu d'accords conclus avec les trois organismes européens de normalisation, solliciter ces derniers - dans le cadre de « mandats » - afin qu'ils développent des normes dans des secteurs et sur des questions jugées prioritaires pour le développement des politiques de l'Union européenne.

Quelque 4 400 normes européennes harmonisées ont été élaborées par le CEN-Cenelec, adoptées en moyenne à plus de 95 % des voix des membres de ces organisations, et près de 500 par l'ETSI. Notre collègue Jean Bizet et plusieurs membres de la commission des affaires européennes ont toutefois récemment mis en doute la réalité du consensus obtenu , insistant sur l'attitude de certains représentants d'États qui, par principe, votent en faveur de nouvelles normes harmonisées à l'élaboration desquels ils n'ont pourtant pas participé et, en conséquence, ont suggéré « que seules les voix des pays ayant procédé à un suivi national de la négociation d'une norme puissent être prises en compte ». 13 ( * )

La Commission européenne définit ainsi chaque année un programme annuel de travail en matière de normalisation européenne. Les programmes pour 2016 et 2017 ciblent deux secteurs de développement de la normalisation européenne :

- le domaine des technologies de l'information et de la communication, et notamment les communications 5G, le cloud computing , l'Internet des objets, la technologie de données et la cybersécurité ;

- ainsi que celui des services .

Si la normalisation est, de longue date, partie intégrante de la stratégie de l'Union européenne, cette dernière a récemment souhaité relancer sa politique en la matière, dans le cadre d'une communication de la Commission européenne de juin 2016, intitulée « Normes européennes pour le XXe siècle ».

« NORMES EUROPÉENNES POUR LE XXIE SIÈCLE »

L'initiative commune sur la normalisation repose sur 15 actions destinées à :

- mieux sensibiliser et former pour assurer une meilleure compréhension du système européen de normalisation ;

- favoriser la coordination, la coopération, la transparence, et l'inclusivité ;

- développer la compétitivité et la dimension internationale.

3. Une production « internationale »

Trois organismes de normalisation coexistent au niveau international. Un organisme à compétence générale, l' International Organization for Standardization (ISO), et deux organismes spécialisés, l'un dans la filière électrotechnique (l' International Electrotechnical Commission - IEC), l'autre dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (l'Union Internationale des Télécommunications - UIT). Les normes produites dans ce cadre sont en constante progression, en phase avec la mondialisation des échanges .

L'AFNOR siège et défend, à l'ISO et à l'IEC, la position des acteurs français, définie dans le cadre du système français de normalisation.

a) L'International Organization for Standardization (ISO)

Prenant la suite de la Fédération internationale des associations nationales de normalisation (ISA) créée en 1926, l'International Organization for Standardization (ISO) est une organisation non-gouvernementale, établie en 1947 et siégeant à Genève.

Elle est composée des représentants des organismes nationaux de normalisation de 163 États membres, répartis en trois catégories :

- 119 membres à part entière, qui ont plein droit de vote dans l'ensemble des réunions de l'ISO et sont habilités à vendre les normes internationales ISO et à les adopter comme normes nationales ;

- 40 membres correspondants, assistant en tant qu'observateurs aux réunions de l'ISO et pouvant également vendre ou adopter les normes ISO au niveau national ;

- 4 membres abonnés, tenus informés des activités de l'ISO sans pouvoir y participer.

Les orientations de l'ISO sont définies annuellement par son assemblée générale, qui rassemble l'ensemble de ses membres. Les questions de gouvernance sont quant à elles déterminées par le Conseil de l'ISO. Enfin, le Bureau de gestion technique (TMB) est responsable de la gestion des comités techniques au sein desquels sont élaborées les normes.

Tous les membres à part entière de l'ISO ont droit de participer à tout comité technique de l'ISO. Ils y nomment des experts, issus des comités nationaux, et ont droit de vote à toutes les étapes du processus d'élaboration des normes. Les membres correspondants de l'ISO peuvent également participer aux travaux des comités techniques en tant qu'observateurs, sans droit de vote. Il existe aujourd'hui plus de 250 comités techniques de l'ISO.

Le projet de norme élaboré par un comité technique est soumis à l'ensemble des membres à part entière de l'ISO, qui disposent chacun d'une voix. Il est considéré comme adopté si deux tiers des votes exprimés sont positifs et que les votes négatifs ne représentent pas plus d'un quart du total.

Les intérêts des consommateurs sont représentés au sein de l'ISO, notamment au sein du COPOLCO (Comité pour la politique en matière de consommation), auquel peuvent participer les comités membres intéressés en qualité de membres participants ou de membres observateurs. Des associations de consommateurs, telles que l'ANEC ( European Association for the co-ordination of consumer representation in standardization ) et CI ( Consumers international ) travaillent en liaison avec le comité, et peuvent à ce titre soumettre des commentaires sur ses travaux.

De façon générale, les consommateurs, les associations et les ONG peuvent contribuer à l'élaboration des normes ISO lors de la phase de consultation, au travers de contributions auprès de l'organisme de normalisation national concerné.

Plus de 21 632 normes internationales et publications associées ont été créées par l'ISO depuis sa création .

b) L'International Electrotechnical Commission (IEC)

L' International Electrotechnical Commission (IEC) est une organisation non gouvernementale, créée en 1906, consacrée aux technologies électriques et électroniques. Située à Genève, elle compte 84 pays-membres, dont :

- 61 membres de plein droit, qui peuvent participer à toutes les activités de l'IEC et aux comités d'études de leur choix et ont droit de vote sur tous les sujets ;

- 23 membres associés, qui peuvent participer activement à certains comités d'études et à certaines activités de l'IEC, et voter sur un nombre défini de documents.

Enfin, 85 pays bénéficient du statut de membres affiliés qui permet aux pays dont les infrastructures et les industries sont en cours de développement de participer aux travaux de l'IEC et leur donne la possibilité d'adopter les normes internationales IEC sans avoir à en devenir membres.

Le Conseil de direction, présidé par le président de l'IEC et composé de 15 membres élus par le Conseil - organe suprême de l'IEC qui définit la politique, la stratégie à long terme et les objectifs financiers de l'IEC - assure la direction quotidienne des travaux de l'IEC. Il confie la gestion de l'activité de normalisation au SMB (Bureau de gestion de la normalisation), qui supervise le travail des 203 comités techniques et sous-comités , composés des représentants des comités nationaux des membres de plein droit et des membres associés, où sont élaborées les normes .

Le projet de norme élaboré par un comité technique est soumis à l'ensemble des membres de plein droit, qui disposent de deux mois pour voter, selon le principe « un membre = une voix ». Il est considéré comme adopté si deux tiers des votes exprimés sont positifs et que les votes négatifs ne représentent pas plus d'un quart du total .

Plus de 9 000 normes internationales figurent dans le catalogue de l'IEC.

c) L'Union internationale des télécommunications (UIT)

À la différence de l'ISO et de l'IEC, l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) n'est pas une organisation non-gouvernementale mais constitue l'institution spécialisée des Nations Unies pour les technologies de l'information et de la communication.

Siégeant à Genève, elle compte 193 États membres et près de 800 entités privées ou universitaires, qui représentent un large éventail du secteur mondial des technologies de l'information et de la communication.

La conférence des plénipotentiaires est l'organe suprême de l'UIT. Convoquée tous les quatre ans, elle rassemble l'ensemble des États membres de l'UIT qui décident des orientations de l'Union pour les années à venir. Dans l'intervalle, la gestion de l'Union est déléguée au Conseil administratif, chargé d'assurer le bon fonctionnement de l'organisation, de coordonner les programmes de travail, d'approuver les budgets et de contrôler les finances et les dépenses.

L'UIT est organisée en trois grands secteurs, dont le secteur de la normalisation des télécommunications (UIT-T), qui a la responsabilité d'élaborer des normes internationales (appelées « recommandations ») dans le domaine des technologies de l'information et de la communication . L'UIT-T supervise le travail des commissions d'étude de l'UIT.

L'Assemblée mondiale de normalisation des télécommunications (AMNT) se réunit tous les quatre ans et détermine les thèmes d'étude des commissions d'étude, qui sont chargées de l'élaboration des normes internationales. L'ensemble des membres de l'UIT, tant les États que les représentants du secteur privé, peuvent participer aux travaux des commissions d'étude. Les experts représentants les différents membres de l'UIT soumettent des recommandations à la commission d'étude, dans l'objectif d'élaborer les recommandations. Les commissions d'étude sont formées pour quatre ans par la conférence de plénipotentiaires. Pour la période 2017-2020, 11 commissions d'études ont été instituées.

Les résolutions élaborées par les commissions d'étude sont de deux types :

- celles qui ne nécessitent pas l'approbation des États-membres, qui sont considérées comme adoptées dès lors que la commission a élaboré un texte définitif ;

- celles qui requièrent une telle approbation, c'est-à-dire les recommandations concernant l'ensemble de l'UIT-T, celles pour lesquelles la commission d'étude estime que des points délicats doivent être résolus par l'AMNT, et celles pour lesquelles la commission d'étude n'a pu aboutir à un consensus pour des raisons autres que techniques, par exemple en raison de divergences politiques. Ces résolutions sont donc soumises à l'approbation des États membres, qui doivent s'exprimer, à 70 % des suffrages, en faveur de la poursuite de la procédure d'approbation. Chaque État dispose d'une voix .

Il existe aujourd'hui plus de 4 000 recommandations de l'UIT .

B. DES NORMES CRÉÉES PAR LES ACTEURS DE L'ÉCONOMIE POUR LEUR PROPRE USAGE

1. Les acteurs de l'économie : prescripteurs de normes
a) Une production normative fruit des demandes des acteurs

La normalisation repose sur la participation des acteurs de l'économie à sa définition. Il s'agit, d'abord et avant tout, des acteurs économiques - entreprises elles-mêmes ou organisations professionnelles de salariés et d'employeurs. Mais y sont également associés les représentants des consommateurs, des organisations environnementales ou autres ONG.

Au niveau français , l'activité de normalisation est exercée par la réunion des parties prenantes dans deux catégories d'instances : celles, d'une part, qui ont une mission « stratégique » et celles, d'autre part, qui ont pour objet de définir effectivement le contenu de la norme ou la position à défendre dans les instances européennes ou internationales de normalisation.

(1) La définition stratégique : le comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN) et les comités stratégiques (CoS)

Prévu par le décret du 16 juin 2009, le comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN) , voit sa composition définie par les statuts d'AFNOR. Les représentants des entreprises et des bureaux de normalisation doivent y représenter conjointement 50 % des membres. Les autres sont constitués des présidents de comités stratégiques - membres de droit - ainsi que des représentants des administrations, des collectivités locales, des consommateurs, des syndicats de salariés ainsi que d'organisations non gouvernementales agréées, de manière à assurer, ainsi que l'exigent les statuts, « une représentation équilibrée des parties prenantes ».

Agissant par délégation du conseil d'administration d'AFNOR, le CCPN est chargé de préparer la stratégie française de normalisation , de définir les objectifs et les priorités générales des programmes de normalisation et de s'assurer de leur cohérence par rapport aux politiques nationales, européennes et internationales. Ceci inclut notamment les politiques publiques et celles des filières exprimées dans le cadre de comités stratégiques (CoS) dont il nomme les présidents et dont la composition doit assurer une représentation équilibrée des acteurs significatifs intervenant dans son périmètre, mandatés par ces derniers.

La définition sectorielle de la stratégie de normalisation relève des quinze CoS actuels, qui couvrent chacun un champ d'intervention sectoriel ou transversal précis, de telle sorte qu'il existe toujours un comité « pilote » pour une question spécifique, quitte à ce qu'un nouveau comité soit institué.

LES COMITÉS STRATÉGIQUES (COS) EN 2017

Agroalimentaire

Biens de consommation, sports et loisirs

Construction et urbanisme

Électrotechnologies

Environnement et responsabilité sociétale

Gaz

Grand cycle de l'eau

Information et communication numérique

Ingénierie industrielle, biens d'équipement et matériaux

Management et services

Pétrole

Santé et action sociale

Santé et sécurité au travail

Transport et logistique

Utilisation rationnelle de l'énergie

Dans leur domaine de compétences, les CoS ont pour mission de :

- conduire une réflexion sur les évolutions et les thèmes émergents. Ainsi, chaque CoS adopte une stratégie annuelle concernant sa filière ;

- coordonner et positionner l'action de la normalisation par rapport à la réglementation ;

- contribuer à préparer les positions françaises sur les sujets stratégiques présentés aux bureaux techniques du CEN et du Cenelec, ainsi qu'au bureau de gestion technique de l'ISO et de l'IEC, notamment lors de l'ouverture de nouveaux domaines de normalisation ;

- s'assurer des priorités des travaux de normalisation et proposer au CCPN des orientations stratégiques ;

- favoriser une meilleure cohérence entre les travaux, assurer la continuité normative produits/services/système, faciliter la remontée des besoins des clients finaux vers les secteurs amonts et assurer la cohérence avec les travaux des autres secteurs;

- répartir et coordonner l'action des commissions de normalisation qui lui sont rattachées, dont il peut décider la création, la suppression ou le changement de périmètre. À ce titre, il décide de la mise en place de « commissions miroirs » dont le champ d'intervention est calqué sur celui des comités techniques du CEN ou de l'ISO, notamment, et qui assurent le suivi des projets européens ou internationaux pour décider de la position qui devra être exprimée par la délégation française dans ces institutions.

Pour traiter de certaines problématiques intéressant plusieurs CoS, peuvent être constitués des groupes de coordination qui visent à assurer une approche commune et transversale. À titre d'exemple, des groupes de coordination ont été mis en place pour la définition des normes liées aux smart grids , c'est-à-dire aux réseaux de distribution d'électricité dit « intelligents », utilisant des technologies informatiques pour optimiser l'efficacité de la production, de la distribution et de la consommation, et éventuellement du stockage de l'énergie. Selon M. Stéphane Dupré La Tour, président du CCPN, ces groupes sont aujourd'hui au nombre de trente .

(2) L'élaboration des normes : les commissions de normalisation (CN)

Animées par les bureaux de normalisation, les commissions de normalisation ont pour mission, dans un domaine d'activité déterminé, d'élaborer des documents de normalisation qui seront rendus disponibles sous forme de norme, de norme expérimentale, de fascicule de documentation, puis de procéder à leur révision périodique.

Selon les informations communiquées par l'AFNOR, on comptait, en 2017, environ 1 200 commissions de normalisation, pour l'essentiel émanant des bureaux de normalisation sectoriels.

Ces commissions travaillent dans un cadre ouvert - puisque toute personne ou organisation peut décider d'y prendre part - de nature à permettre la participation des principaux acteurs intéressés. À titre d'exemple, le Bureau de normalisation de l'horlogerie et de la bijouterie a indiqué à votre rapporteur que, dans ces secteurs, ces acteurs sont : les fournisseurs de matière première, les fabricants de composants et de produits finis, les distributeurs et les détaillants, les artisans réparateurs, les laboratoires de contrôle agréés (y compris le laboratoire commun de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - DGCCRF - et de la direction générale des douanes et des droits indirects - DGDDI) et les consommateurs.

Dans le domaine des fertilisants et des engrais, ces acteurs sont, comme l'a indiqué le Bureau de normalisation des fertilisants : des fabricants de fertilisants et de supports de cultures, des distributeurs, des agriculteurs, des représentants de l'administration (ministère de l'agriculture, ministère de l'environnement, DGCCRF), des laboratoires d'analyses ainsi que des organisations non gouvernementales intéressées.

Ces commissions sont au coeur de la production des normes. C'est en leur sein, ou le cas échéant, au sein de groupes de travail qu'elles constituent sur des questions plus spécifiques, que les normes sont véritablement élaborées. Elles sont le lieu d'échange et de discussion entre les parties sur les propositions de nouvelle norme - d'origine nationale, européenne ou internationale - ou sur leur révision.

L'élaboration des normes par les commissions se veut transparente . Aussi, l'ensemble des travaux conduits au sein d'une commission sur une norme est-il retracé par son secrétariat dans des documents qui reprennent, notamment, l'identité des participants, les suggestions de modification apportées par les uns ou les autres, les versions transitoires, les positions adoptées et les conditions d'établissement du consensus.

Ces informations ne sont pas publiques à ce jour. Toutefois, selon plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, les dispositions du code des relations du public avec l'administration, telles qu'elles résultent de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, pourraient conduire à une ouverture publique de ces données.

En outre, Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, a relevé au cours de son audition que la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), avait très récemment :

- d'une part, considéré que les projets de normes de l'AFNOR qui font l'objet de l'enquête publique préalable prévue par l'article 15 du décret du 16 juin 2009, 14 ( * ) sont des documents achevés et donc communicables dans le respect de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration 15 ( * ) ;

- d'autre part, étendu l'accès aux documents préparatoires à ces normes, à la double condition que le projet de norme soit achevé et que soient respectés les secrets commerciaux ou industriels. 16 ( * ) La CADA a précisé à cet égard que « que la liste des participants aux travaux d'élaboration d'un projet de norme n'est pas couverte par ce secret ». 17 ( * )

b) Une participation volontaire de tout intéressé, moyennant rémunération

Également fondé sur un principe d'ouverture , le processus de normalisation repose sur la libre participation de toute personne intéressée aux travaux de normalisation.

Cette participation relève d'une démarche volontaire, engagée par la personne ou l'entité qui l'estime pertinent. Il n'y a, à cet égard, pas de conditions « statutaires » à respecter : tout type d'organisme (entreprise, structure associative, émanation de l'administration), qu'il relève du droit privé ou public, du droit français ou d'un droit étranger - voire, tout particulier - est susceptible de participer à des travaux de normalisation, pourvu qu'il respecte les règles de fonctionnement et de décision des commissions. Selon l'AFNOR , en France, près de 19 000 personnes physiques participent ainsi aux travaux de normalisation en tant que membres de commissions de normalisation existantes.

L'écosystème de la normalisation repose cependant sur un principe de participation financière pour rejoindre le processus d'élaboration.

Chaque année, pour pouvoir intégrer une commission de normalisation ou bénéficier des services de l'AFNOR, un organisme doit verser une participation financière dont le montant dépend de sa nature (syndicat ou organisation professionnels, entreprise, collectivité) et de son importance économique dans le domaine d'activité considéré (grande entreprise, ETI ou PME ; producteur, prestataire ou utilisateur). Selon le barème actuel, et en fonction de l'existence éventuelle d'une adhésion parallèle à l'AFNOR, les droits à acquitter pour participer à une commission de normalisation varient, selon le profil du participant, selon une échelle de 1 730 euros à 6 200 euros par an. 18 ( * )

Toutefois, afin de favoriser la participation la plus large au processus d'élaboration, le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 prévoit une exonération totale de droits à l'égard :

- des associations de consommateurs ou de protection de l'environnement agréées ;

- des PME de moins de 250 salariés ne dépendant pas à plus de 25 % d'un groupe de plus de 250 salariés ;

- des établissements publics d'enseignement et établissements publics à caractère scientifique et technologique.

En tout état de cause, chaque participant prend en charge l'ensemble des frais qu'occasionne sa participation aux travaux, aucune forme de rémunération ou de dédommagement n'étant versée au titre de cette participation.

2. Les modalités : le consensus des pairs
a) La réalisation du consensus au sein des commissions

Paradoxalement, une norme - la norme NF X50-088 « Normalisation et activités connexes--Activité des bureaux de normalisation --Principes, exigences et indicateurs », établie par les acteurs du système français de normalisation et complétée par les Règles pour la normalisation française 19 ( * ) , définissent les conditions et modalités de l'élaboration des normes qui reposent sur le consensus . Selon la norme NF X50-088, celui-ci s'entend comme « un accord général , caractérisé par l'absence d'opposition ferme à l'encontre de l'essentiel du sujet émanant d'une partie importante des intérêts en jeu , et par un processus de recherche de prise en considération de toutes les vues exprimées et de rapprochement des positions divergentes. La recherche du consensus est l'objectif de la concertation entre les parties prenantes. Le consensus n'implique pas nécessairement l'unanimité ».

Le système décisionnel de la normalisation s'écarte donc dans son principe de celui qui peut s'appliquer dans la sphère des pouvoirs publics, dans laquelle prévaut la règle de majorité, le cas échéant renforcée ou qualifiée. Pour autant, le caractère extrêmement souple de la notion de consensus ainsi définie fait naître chez certaines personnes entendues des interrogations sur le degré d'acceptation réel de la norme adoptée. Tant M. Etienne Defrance que Mme Ludivine Coly-Dufourt, représentant respectivement l'Association Force ouvrière consommateurs (AFOC) et l'Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), ont d'ailleurs souligné la position structurellement minoritaire de ces associations dans des instances qui restent composées, pour leur écrasante majorité, de représentants des entreprises des secteurs concernés.

Pour autant, par ses modes d'organisation, la normalisation assure une concertation effective et institutionnalisée des points de vue des acteurs qui se sentent les plus concernés par l'adoption d'une norme. Les commissions apparaissent ainsi comme des forums de concertation « entre techniciens » qui, le cas échéant, comblent le vide parfois créé par une insuffisance, voire une perte, de compétences techniques dans certains ministères chargés de politiques sectorielles à fort impact technique.

Ce consensus doit s'exprimer à deux étapes de l'élaboration de la norme 20 ( * ) :

- d'abord, sur la mise en place d'un travail d'élaboration d'une nouvelle norme ou de révision d'une norme existante .

Toute demande de nouvelle norme française ou de révision d'une norme française existante - qui peut émaner de la commission de normalisation compétente, d'une autre commission de normalisation ou d'une partie intéressée - doit faire l'objet d'une consultation formalisée de la commission de normalisation qui, pour l'examiner, doit prendre en compte :

- l'utilité de la norme envisagée ;

- l'avis exprimé par les parties intéressées consultées ;

- la cohérence avec les priorités et orientations de la commission de normalisation et du CoS référent ;

- le programme de travail des autres commissions de normalisation ;

- le programme de normalisation européen. En effet, en application de l'article 3 du règlement (UE) n° 1025/2012 du 25 octobre 2012, les organismes nationaux de normalisation, d'une part, ne doivent pas s'opposer à ce qu'un sujet figurant à leur programme de travail soit traité au niveau européen et ne doivent entreprendre aucune action qui puisse préjuger d'une décision à cet égard, d'autre part, ne peuvent prendre, pendant la préparation d'une norme harmonisée européenne ou après son adoption, de mesure qui pourrait porter atteinte à l'harmonisation recherchée (règle dite du statu quo ) ;

- les liens éventuels avec la réglementation (mise en application obligatoire, conséquences possibles pour les collectivités territoriales, etc.) ;

- l'existence de brevets ;

- les ressources disponibles en termes d'expertise et de financement ;

- la définition de dates cibles d'enquête publique et de publication.

C'est par consensus que la commission décidera d'accepter, de refuser ou de différer l'ouverture des travaux et définira le statut envisagé du document à produire : une norme, une norme « expérimentale » ou un simple « fascicule de documentation ».

S'agissant des projets de normalisation portés par les organisations européennes ou internationales de normalisation , une consultation formalisée de la commission de normalisation « miroir » intervient dans des conditions similaires , de manière à définir la position française dans les délais fixés par les travaux européens ou internationaux. Pour les propositions de nouveau sujet international, la commission devra nécessairement prendre en compte le programme de normalisation européen (règle du statu quo ).

L'EXPRESSION DES POSITIONS FRANÇAISES DANS LES INSTANCES INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES DE NORMALISATION

Source : commission des affaires économiques.

Ce sont en effet les commissions de normalisation des organismes nationaux de normalisation qui définissent la position qui sera ensuite défendue dans les organes de travail du CEN/Cenelec ou de l'ISO et de l'IEC par des délégations munies d'un mandat précis. Selon l'AFNOR, plus de 5 000 personnes participent, chaque année, à ce titre à des travaux européens ou internationaux de normalisation ;

- ensuite, au stade du travail sur le projet de norme ou de révision lui-même.

La commission de normalisation doit en effet se prononcer par consensus sur le contenu du projet, la confirmation du statut décidé lors de son inscription ou sa modification éventuelle ainsi que sur les conditions particulières de l'enquête publique, notamment en ce qui concerne la durée et les parties intéressées à consulter en dehors de la commission de normalisation. Le consensus de la commission sur ces différents éléments doit être formalisé dans un document mis à disposition de l'ensemble des membres de la commission, au plus tard quatre semaines après la réunion ou la consultation.

Le cas échéant, un mécanisme d'« appel » existe, afin de faire valider par le CoS dont relève la commission de normalisation, voire par le CCPN ou, en dernière extrémité, le conseil d'administration de l'AFNOR, l'existence d'un consensus suffisant pour publier une norme.

b) La validation du consensus à l'issue d'une enquête publique

L'article 15 du décret du 16 juin 2009 impose, préalablement à l'homologation d'une norme, la réalisation d'une enquête publique ayant pour finalité de permettre à toutes les parties intéressées de faire valoir leurs observations, au-delà des personnes ou organisations présentes dans la commission de normalisation concernée.

Selon cette disposition, cette enquête consiste en « la mise à disposition gratuite du projet de norme, comprenant au moins une version française, sur le site internet de l'Association française de normalisation pendant la durée de celle-ci, qui ne peut être inférieure à quinze jours » et doit être précédée d'une publicité suffisante. En pratique, le projet de norme est mis à disposition du public sur le site dédié « norminfo.afnor.org », où il est possible de prendre connaissance de son contenu et d'y apporter les commentaires ou les modifications souhaitées.

L'AFNOR procède en France à environ 2 000 enquêtes publiques chaque année. En moyenne, ces enquêtes ne donnent lieu qu'à deux commentaires, quoique les résultats soient très variables selon l'objet de la norme mise à l'enquête. Ainsi, l'enquête ayant précédé l'adoption de la version révisée de la norme ISO 9001 « Management de la qualité », en 2015, a donné lieu à plus de 1 000 commentaires.

Selon l'AFNOR, si la durée de 15 jours est une durée minimale impérative, la durée moyenne de l'enquête publique est de deux mois . Toutefois, l'association reconnaît que cette durée moyenne peut être réduite dans deux hypothèses :

- d'une part, lorsque la nature de la norme, portant sur une question intéressant peu d'acteurs ou sur un sujet peu complexe, permet d'envisager une durée d'enquête inférieure à deux mois ;

- d'autre part, dans l'hypothèse où la norme est d'origine européenne ou internationale, afin de respecter les délais spécifiques d'élaboration prévus par les organismes européens ou internationaux de normalisation. Ainsi, lorsque le projet de norme discuté en commission de normalisation provient de l'ISO, le délai d'enquête est fixé à huit semaines, et au CEN, à douze semaines, ce qui implique que la commission doit faire connaître les résultats de l'enquête dans ce délai. Or, l'enquête publique conduite en France devant nécessairement se faire, en application du décret, dans une version en langue française, il y a lieu de prendre en considération les délais incompressibles de traduction. Cette exigence peut ainsi, en pratique, venir réduire la durée de l'enquête publique en France.

Au terme de l'enquête publique, les positions et demandes de modification exprimées sont examinées par la commission de normalisation. 21 ( * ) Les personnes ayant participé à l'enquête sont invitées à la réunion de la commission réunie à cet effet et qui, le cas échéant, toujours dans le cadre du consensus, pourra décider de modifier le projet ou la position qu'elle avait prise.

L'adoption d'une norme internationale comme norme française n'a pas de caractère obligatoire et résulte d'une démarche volontaire du système français de normalisation. Il revient donc à la commission de normalisation compétente d'évaluer, selon un critère de coût/bénéfice, la pertinence d'une reprise au sein de la collection française des normes internationales. En revanche, en application des règles constitutives du CEN et du Cenelec, ainsi que de l'article 3 du règlement (UE) n° 1025/2012 du 25 octobre 2012, les normes européennes doivent être reprises sans modification comme normes françaises .

c) L'homologation et la publication de la norme

Une fois l'élaboration de la norme ou la révision d'une norme existante menée à bien, celle-ci doit être homologuée pour pouvoir être inscrite et publiée dans la « collection française » de normes .

Cette homologation est effectuée par le directeur général de l'AFNOR, après s'être assuré de la traçabilité et de la transparence des travaux de la commission de normalisation compétente et de la bonne réalisation de l'enquête publique. Elle ne peut toutefois intervenir en cas d'opposition du délégué interministériel aux normes qui, pour ce faire, sollicite le cas échéant les services ministériels concernés.

À ce jour, le délégué interministériel n'a jamais fait usage exprès de son droit d'opposition à l'homologation d'une norme , quoique l'homologation de certaines normes reste, semble-t-il, bloquée parfois pendant plusieurs mois en raison de l'absence de réponse des administrations consultées par le délégué.

3. Un processus d'élaboration long, assorti d'un système de révision périodique
a) La longue maturation de la norme

Compte tenu des différentes étapes d'élaboration, destinées à assurer la transparence et le consensus du processus d'adoption, la « maturation » de la norme est longue . Son délai d'élaboration est compris dans une fourchette de deux à trois ans, en fonction de l'étendue de la norme et de la difficulté technique du sujet traité.

Selon les indications de l'AFNOR, le délai moyen d'élaboration des normes à l'ISO est de 33 mois mais masque des réalités très diverses. Ainsi, il a fallu sept ans pour élaborer la norme NF ISO 26000 :2010 « Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale » lancée en 2011. À l'inverse, il a fallu moins d'un an pour élaborer les normes XP D90-300 « Cigarettes électroniques et e-liquides », qui, il est vrai, revêtent le caractère de normes expérimentales.

Selon certains représentants d'entreprises entendus par votre rapporteur, ce délai est particulièrement long dans des secteurs où les innovations techniques progressent à un rythme très soutenu. Tel est le cas, en particulier, dans le domaine du numérique. Cette situation présente le risque de voir les grands acteurs du marché s'affranchir des procédures classiques de normalisation pour développer leurs propres spécifications. Aussi les organismes européens et internationaux de normalisation souhaitent-ils réduire les délais d'élaboration. L'ISO a ainsi mis en place une « filière accélérée » d'adoption des normes, fixée à 24 mois, en favorisant son recours.

M. Alain Costes, directeur de la normalisation de l'AFNOR, a souligné que cette volonté de réduction des délais à l'ISO et au CEN avait tendance à porter sur les dernières étapes de l'élaboration de la norme , notamment sur la phase d'enquête publique et de traduction des normes. Or, bien qu'elles interviennent en fin de cycle, ces étapes sont particulièrement importantes à la validation du consensus auquel aboutissent les commissions de normalisation.

Votre rapporteur estime, à l'instar de plusieurs acteurs du système entendus, que des gains de « productivité » peuvent sans doute être obtenus dans l'élaboration des normes aux niveaux international ou européen, ce qui ne pourrait qu'avantager le système de normalisation dans son entier. Pour autant, ces efforts ne sauraient compromettre la bonne réalisation de l'étape clef que constitue la phase d'enquête publique qui implique, par nature, un délai suffisant pour permettre aux parties intéressées d'intervenir.

b) Une forte flexibilité grâce à un mécanisme de révision périodique

Le système de normalisation repose sur un principe de révision périodique de la norme. Cette règle est censée garantir la pertinence de la norme publiée , afin qu'elle reste pleinement adaptée aux évolutions éventuelles du secteur d'activité qu'elles concernent, et que, le cas échéant, certaines erreurs de conception de la norme puissent être rapidement corrigées.

Pour ce qui est du système français de normalisation, l'AFNOR est chargée de veiller à la conduite de ce réexamen périodique, qui doit intervenir en principe tous les cinq ans 23 ( * ) . Ses modalités sont définies dans les Règles pour la normalisation française . Cette même durée de cinq ans est retenue par l'ISO. 24 ( * )

LE RÉEXAMEN PÉRIODIQUE DES NORMES FRANÇAISES (EXTRAIT DES RÈGLES POUR LA NORMALISATION FRANÇAISE - MAI 2016)

L'examen systématique des documents de normalisation français d'origine française est conduit chaque année entre début avril et fin novembre.

Chaque année, AFNOR communique aux bureaux de normalisation la liste triée par commission de normalisation relevant de leur compétence des documents visés par l'examen systématique. Cette liste comprend les normes homologuées et les fascicules de documentation publiés ou confirmés 5 ans auparavant et les normes expérimentales dont la période de validité arrive à échéance au cours de l'année suivante.

Dans le cas où la norme soumise à l'examen systématique a fait l'objet d'amendements, le bureau de normalisation doit inclure ces amendements à l'examen systématique.

Dans le cadre de cet examen systématique, le bureau de normalisation doit effectuer une consultation formalisée de la commission de normalisation en réunion ou par correspondance.

Sur demande, les experts doivent pouvoir consulter le contenu du document français de normalisation via les comités électroniques des commissions de normalisation françaises, en réunion ou sur place dans les bureaux de normalisation ou les délégations d'AFNOR.

Sans être exhaustif, les éléments de réflexion suivants sont à prendre en compte par les membres de la commission lors de l'examen systématique :

a) Évolution du marché, des pratiques et de la technique

La commission de normalisation s'appuie sur la compétence de ses experts pour évaluer les documents français de normalisation relevant de son domaine par rapport à l'évolution du marché, des pratiques et de la technique.

b) Environnement réglementaire

Il convient que la commission de normalisation assure une veille de l'évolution de la réglementation française qui se réfère directement ou indirectement à des documents français de normalisation relevant de son secteur d'activités. Elle s'assure de l'absence de contradictions possibles entre normalisation et réglementation.

c) Difficultés d'application

Toute difficulté d'application des documents français de normalisation, signalée par tout utilisateur et connue de la commission de normalisation, doit faire l'objet, après une première instruction par le bureau de normalisation, d'un examen par la commission de normalisation.

d) Évolution de la collection

L'évaluation doit prendre en compte l'évolution des collections des normes européennes et internationales et l'évolution des références normatives et leur impact.

e) Ressources disponibles

Lorsque des documents français de normalisation ne relèvent d'aucune commission de normalisation active, le bureau de normalisation doit procéder à une évaluation auprès des parties intéressées, complétée éventuellement par la procédure d'annulation gérée par AFNOR.

Cette révision peut, du reste, intervenir plus rapidement. M. Alain Costes, directeur de la normalisation d'AFNOR, a ainsi indiqué que certaines normes pouvaient être mises en révision presque immédiatement après leur publication, si un certain nombre d'acteurs de la normalisation mettaient en avant une telle nécessité.

Ce système permet aux acteurs de la normalisation de décider de maintenir inchangée la norme, de la supprimer purement et simplement ou, le cas échéant, d'y apporter des modifications en suivant le processus classique d'élaboration. De l'avis des personnes entendues, il fonctionne de façon efficace et permet d'accompagner l'innovation technique à mesure qu'elle se développe. Mme Isabelle Rimbert, directrice adjointe de la normalisation d'AFNOR, a ainsi indiqué à votre rapporteur que 60 % des normes publiées chaque année étaient en réalité des révisions de normes, tandis qu'en moyenne, pour une norme nouvellement créée, une norme était supprimée dans le cadre du processus de révision .

C. UN STATUT PARADOXAL : DES NORMES PAYANTES NON OBLIGATOIRES MAIS LARGEMENT APPLIQUÉES

1. Des normes d'application volontaire...
a) Des normes « privées »

L'absence de caractère par principe juridiquement obligatoire des normes provient de leur caractère « privé ».

Si leur processus d'élaboration est encadré par des normes étatiques - en France, le décret du 16 juin 2009 - ou internationales - le règlement (UE) n° 11025/2012 du 25 octobre 2012 ou les stipulations de l'accord relatif aux obstacles tarifaires au commerce de l'Organisation mondiale du commerce -, elles restent le fait d'organismes de droit privé, à caractère associatif ou non gouvernemental. Dès lors, elles ne peuvent, formellement, être à l'origine de la création d'une règle de droit « dur » , qui est l'apanage d'un système juridique étatique - que ce dernier accepte l'application sur son territoire de règles définies par des organisations intergouvernementales ou qu'il délègue sa production à des acteurs infra-étatiques comme des collectivités territoriales.

Aussi ne peuvent-elles être mises en application que sur une base volontaire , soit à la suite d'un engagement unilatéral des acteurs, soit dans le cadre d'engagements réciproques, par le biais de contrats.

b) Des normes « payantes »

Au surplus, l'accès aux normes est payant. Cette caractéristique, qui éloigne intrinsèquement les normes des dispositions législatives ou réglementaires dont l'accès est libre et gratuit, est souvent présentée comme le pendant du caractère privé de l'activité de normalisation.

Les organismes de normalisation - qu'il s'agisse du niveau national, européen ou international, bénéficient en effet d'un droit de propriété intellectuelle , assimilable à un droit d'auteur, sur les normes qu'elles élaborent et les autorisent à en contrôler la diffusion . Les documents sont protégés, en France, par le code de la propriété intellectuelle et les différentes conventions internationales en la matière. Cette protection s'exerce tant sur les propres productions de l'AFNOR que sur celles des organismes de normalisation européens ou internationaux que l'AFNOR, en tant que membre français, est habilitée à commercialiser.

Les normes volontaires doivent donc être achetées par les acteurs de l'économie qui souhaitent les appliquer . Et, en conséquence, toute reproduction, diffusion ou communication par quelque moyen que ce soit sans l'autorisation écrite préalable de l'organisme de normalisation (l'AFNOR ou l'ISO, par exemple) ou de ses ayants droit est constitutive de contrefaçon et passible des sanctions qui s'y rattachent.

Or, le modèle économique des organismes de normalisation repose pour une partie importante sur la vente de leurs propres normes .

Pour la plupart des organismes nationaux de normalisation, la vente de norme constitue même l'une des principales ressources. Quant à l'ISO, la vente des normes représente près de 35 % de ses recettes.

L'AFNOR ne fait pas exception en la matière, cette dimension étant néanmoins devenue plus prégnante à mesure que le financement public de l'activité de normalisation a décru dans les dernières années pour ne représenter désormais que 10 % du budget de l'association. Aujourd'hui, la vente des normes assure 38,3 % des recettes de l'association .

LE PRIX DE VENTE DES NORMES DE LA COLLECTION FRANÇAISE

Pour ce qui concerne l'AFNOR, le prix de vente des normes varie de quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros.

Selon les informations communiquées par l'AFNOR, le prix des normes de la collection française est fixé selon un barème en fonction du nombre de pages. Il s'agit du modèle retenu par l'ISO et, semble-t-il, par l'ensemble des membres de l'ISO. Le prix de vente intègre une rémunération du droit d'auteur.

Quand l'AFNOR intègre dans la collection des normes françaises des normes européennes ou internationales, elle ne reverse pas directement une partie des recettes tirées des ventes de ces normes. En revanche, en sa qualité de membre des organismes européens et internationaux de normalisation, elle participe directement au financement de ces organismes notamment par le biais des cotisations qu'elle leur verse.

Et, dans ce domaine comme ailleurs, les organismes de normalisation nationaux, de même que certains éditeurs spécialisés, se livrent à une forte concurrence pour la diffusion des normes adoptées. Ainsi, si AFNOR a une activité d'édition incontournable, notamment en France, d'autres acteurs contestent sa position de marché, qu'il s'agisse d'organismes de normalisation nationaux - comme le Deutsches Institute für Normung (DIN) ou la Bristish Standards Institution (BSI) - ou de simples éditeurs, tels que la société IHS Markit qui détiendrait à elle seule environ 40 % du marché mondial de la diffusion des normes.

MM. Jacques Levet et Franck Gambelli, intervenant respectivement au titre du MEDEF et de la CPME, tout comme M. Alan Schmitt, chef du service de la compétitivité, du développement et de l'innovation des entreprises, ont néanmoins évoqué devant votre rapporteur les risques de remise en cause de ce modèle économique, tout au moins au niveau européen.

Dans un arrêt récent, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet jugé qu'une norme harmonisée, adoptée sur le fondement d'une directive et dont les références ont fait l'objet d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne , « fait partie du droit de l'Union , dès lors que c'est par référence aux dispositions d'une telle norme qu'il est déterminé si la présomption établie [par la directive] s'applique, ou non, à un produit déterminé . » 25 ( * ) Certains commentateurs et les services juridiques de certaines institutions estiment que la conséquence logique de cette intégration au droit de l'Union devrait être l'accessibilité libre et gratuite du public aux normes harmonisées, au même titre que le reste de la législation européenne.

Néanmoins, votre rapporteur relève que la Cour ne s'est prononcée sur l'appartenance de ces normes au droit de l'Union que pour asseoir sa compétence pour en interpréter les dispositions et n'a pas pris expressément parti sur la gratuité d'accès. Si, toutefois, une telle conséquence devait être tirée à l'avenir de cette prise de position, elle se limiterait vraisemblablement, en tout état de cause, aux normes harmonisées européennes et n'aurait dès lors pas d'effet sur les normes - européennes ou d'autre origine - qui ne sont pas élaborées sous mandat.

2. ...qui font l'objet d'une large application par les professionnels
a) Les normes, porteuses d'un « standard » perçu comme obligatoire

Ainsi que l'a souligné Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, lors de son audition, les normes , bien que dépourvues d'effet juridiquement contraignant, disposent d'une autorité de fait . De même, selon le professeur Claude Berr, « d'un point de vue pratique, le prétendu caractère facultatif des normes demeure très largement illusoire, tant son fréquentes les situations dans lesquelles l'un des contractants, privé ou public, impose à son partenaire de se conformer à telle ou telle norme, sous peine d'engager sa responsabilité ». 26 ( * ) De fait, dans la vie des affaires, l'obligation de respecter des normes volontaires ne cesse de gagner du terrain.

Ainsi, les contrats d'assurance ou les contrats de sous-traitance font de plus en plus souvent référence à des spécifications contenues dans des normes volontaires , qui sont autant d'éléments pris en considération pour la couverture du risque lié aux activités des entreprises. Le poids de l'audit dans l'organisation des groupes de sociétés, qui s'appuie également largement sur des normes volontaires, renforce le caractère impératif de certaines d'entre elles.

Mais l'un des ressorts les plus puissants de l'autorité de fait attachée aux normes volontaires repose sans doute sur l'activité de certification . Pendant de l'activité de normalisation, la certification, qui consiste à attester du suivi de prescriptions - souvent issues d'une norme volontaire -, permet en effet de valoriser, dans une démarche marketing, les entreprises qui acceptent de se soumettre à des normes de « qualité » ou de « compétence » professionnelle. Dans ces conditions, attester du respect d'une norme censée démontrer l'excellence de l'entreprise dans une activité ou un secteur d'activité déterminé est un avantage commercial susceptible d'être mis en avant. Ce « bonus commercial », auquel les consommateurs sont de plus en plus sensibles, conduit donc nombre d'entreprises à s'imposer de respecter des normes - dont le contenu même n'est pas forcément l'essentiel - dans le seul but d'afficher, à l'instar de leurs concurrentes, la qualité des produits ou des services qu'elles fournissent au public.

LA CERTIFICATION DES BIENS ET SERVICES

Selon l'article L. 433-3 du code de la consommation, constitue une certification de produit ou de service « l'activité par laquelle un organisme, distinct du fabricant, de l'importateur, du vendeur, du prestataire ou du client, atteste qu'un produit, un service ou une combinaison de produits et de services est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel de certification.

« Le référentiel de certification est un document technique définissant les caractéristiques que doit présenter un produit, un service ou une combinaison de produits et de services, et les modalités de contrôle de la conformité à ces caractéristiques.

« L'élaboration du référentiel de certification incombe à l'organisme certificateur qui recueille le point de vue des parties intéressées. »

La certification peut donc s'attacher à la vérification du suivi des normes élaborées par les organismes de normalisation. Mais elle ne s'y résume pas . Du reste, la marque « NF », que seule AFNOR Certification est habilitée à délivrer, n'atteste pas seulement du respect d'une norme homologuée ; elle peut aussi être appliquée pour valider le respect d'autres référentiels non issus du processus de normalisation stricto sensu .

Devenu un véritable marché en elle-même, la certification - qui peut parfois être exercée par les mêmes entités que celles chargées de la normalisation, l'AFNOR en étant l'exemple le plus flagrant puisqu'elle dispose d'une filiale dédiée à cette activité - est donc largement responsable de l'engouement pour l'application de la norme volontaire, considérée par de nombreux professionnels comme quasi-obligatoire.

Enfin, sans leur conférer un caractère juridiquement obligatoire, certaines normes voient leur valeur juridique renforcée dans la mesure où leur application par les opérateurs économiques garantit juridiquement le respect de certaines obligations légales essentielles . Tel est le cas des « normes harmonisées » qui sont produites par les organismes européens de normalisation (CEN, Cenelec, ETSI) sous mandat de la Commission européenne. 27 ( * )

Si l'application de la norme harmonisée n'est pas obligatoire en tant que telle, les entreprises sont fortement incitées à l'appliquer car elles sont alors présumées respecter les exigences posées par la directive. Si elles sont libres de ne pas appliquer cette norme et de choisir d'autres voies techniques pour respecter les exigences règlementaires, la charge de la preuve leur incombe alors.

b) Des normes pouvant être rendues obligatoires par les pouvoirs publics

En France, certaines normes peuvent être rendues d'application obligatoire par décision des pouvoirs publics . Cette faculté est ouverte par l'article 17 du décret du 16 juin 2009 qui dispose que « les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés ».

Ainsi, la législation ou la réglementation peuvent venir imposer le respect - et la mise en application - d'une norme : elle devient alors une règle juridiquement contraignante dont la méconnaissance peut justifier une sanction administrative ou pénale ou mettre en jeu la responsabilité civile ou pénale de celui qui ne la respecte pas.

À ce jour, on compte environ 400 normes rendues obligatoires en France, ce qui représente environ 1 % de la collection française de normes. Leur connaissance exacte cependant est malaisée.

Deux sources principales d'information permettent en principe de savoir si une norme a été rendue obligatoire :

- le recensement des normes d'origine française d'application obligatoire accompagné du texte réglementaire correspondant, effectué sur le site Légifrance 28 ( * ) ;

- le recensement effectué par l'AFNOR établissant les normes rendues d'application obligatoire par un texte réglementaire français, que ces normes soient d'origine, française, européenne et internationale.

Néanmoins, de l'aveu de la déléguée interministérielle aux normes et de la direction générale des entreprises, ces sources ne sont pas complètes et les références réglementaires ne sont pas toutes pertinentes, de sorte que l'identification de ces normes et de la version effectivement rendue d'application obligatoire restent difficile . Aussi la déléguée interministérielle aux normes et la mission « simplification » du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) ont-elles mis en place en janvier 2016 un atelier participatif visant à « Simplifier et sécuriser le processus de la normalisation ». Sa première recommandation consiste, d'une part, à compléter le recensement des normes d'application obligatoire et à mettre à jour la liste des références des textes réglementaires et, d'autre part, à s'interroger sur la nécessité de conserver en l'état les textes réglementaires qui rendent des normes d'application obligatoire.

Votre rapporteur insiste pour que ce travail de recensement exhaustif soit mené à son terme au plus vite car il est essentiel, dans un souci de sécurité juridique, que les opérateurs économiques soient complètement informés du caractère obligatoire ou non de certaines normes, compte tenu des conséquences en termes de responsabilité juridique.

Recommandation n° 1 : Mener à son terme, dans les meilleurs délais, un travail de recensement des normes rendues d'application obligatoire dans un souci de sécurité juridique des opérateurs économiques.

II. LA NORMALISATION VOLONTAIRE : ENJEU DE COMPÉTITIVITÉ, DE SOUVERAINETÉ ET DE SIMPLIFICATION

A. UN FACTEUR D'EFFICIENCE ÉCONOMIQUE RECONNU

La mesure de l'impact économique réel de la normalisation est un exercice difficile. De fait, il n'existe pas, à ce jour, d'estimations économétriques faisant véritablement référence.

Toutefois, selon une étude publiée par l'AFNOR en janvier 2016, le recours à la normalisation serait bénéfique en termes économiques, en améliorant de 20 % la croissance du chiffre d'affaires des entreprises qui y participent 29 ( * ) et de 19 % le chiffre d'affaires des entreprises à l'export. 30 ( * ) Au total, selon cette étude, la normalisation volontaire apporterait chaque année 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel pour les entreprises françaises. L'incidence des normes sur la croissance du PIB est ainsi estimée à 0,8 %.

Ces chiffres sont en rapport avec ceux évoqués dans d'autres États. Des études réalisées en Allemagne et au Royaume-Uni confirment la contribution de la normalisation à l'accroissement de la richesse nationale. Elle est ainsi évaluée à 0,3 % pour le Royaume-Uni et à 0,9 % pour l'Allemagne. L'organisme de normalisation allemand (DIN) estime ainsi qu'en Allemagne les normes génèrent jusqu'à 17 milliards d'euros par an, tandis que l'organisme britannique de normalisation, la British Standards Institution (BSI), estime que les normes ont apporté 11 milliards d'euros de croissance du PIB en 2013 et ont contribué pour environ 8,5 milliards aux exportations du Royaume-Uni. 31 ( * )

Au regard de la théorie économique, l'activité de normalisation présente trois types d'avantages.

1. Une meilleure diffusion du progrès technique

Le premier avantage de la normalisation est qu'elle assure une forte diffusion du progrès technique . Ainsi que l'a souligné devant votre rapporteur M. Frédéric Laurent, directeur du Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement (BNBA), la normalisation permet aux entreprises de profiter des connaissances de leurs concurrents intervenant sur le même marché, et de découvrir des pratiques qui pourront acquérir le statut de bonnes pratiques.

Les réunions de normalisation - avant même l'adoption d'une norme - sont donc, d'abord, un moyen de mieux connaître l'état des évolutions techniques ou technologiques d'un secteur économique et, le cas échéant, de valider, grâce à des échanges entre pairs, les états de l'art dans des domaines spécifiques. Cela peut s'avérer particulièrement favorable aux PME, qui bénéficient de ce fait d'une large diffusion des nouvelles connaissances techniques sans avoir à exercer d'activité de recherche et de développement.

Pour reprendre le vocabulaire économique, la normalisation produit donc, pour le système économique, des « externalités positives » dans la mesure où elle diffuse des connaissances sans transactions financières ou commerciales. En ce sens, elle constitue un vecteur d'innovation publique favorisant la naissance d'innovations venant prendre appui sur les connaissances techniques partagées dans le cadre du processus de normalisation.

Compte tenu des aspects bénéfiques de ce partage de connaissances, reconnus par tous les acteurs entendus par votre rapporteur, certains ont exprimé leur crainte que les échanges conduits au sein des instances de normalisation puissent constituer des transferts de technologie prohibés par certains textes nationaux (notamment ceux adoptés par les États-Unis) ou européens 32 ( * ) dans des domaines jugés sensibles, notamment celui des technologies dites « contrôlées » qui inclut des sources d'énergie comme le gaz, le pétrole ou le nucléaire. Le Bureau de normalisation du pétrole a fait valoir qu'une telle interprétation ouvrirait des sanctions à l'égard des participants aux instances de travail constituées dans ces domaines, dès lors que des représentants de pays faisant l'objet de ces mesures restrictives y sont présents. Par mesure de prévention, des acteurs français du secteur du pétrole s'abstiennent même aujourd'hui de participer à certains travaux, ce qui ne peut que nuire à leur propre stratégie mais également à la diffusion des bonnes pratiques au niveau mondial.

Votre rapporteur estime cette interprétation infondée sur le fond comme sur la forme, car elle reviendrait purement et simplement à remettre en cause le principe même de la normalisation internationale. Elle invite néanmoins à une clarification des textes en la matière , notamment ceux de l'Union européenne, afin de dissiper les craintes des acteurs .

2. Un instrument favorisant les échanges de biens et services
a) Un caractère pro-concurrentiel affirmé...

La normalisation est également un instrument puissant pour faciliter les échanges de biens et de services. En ce sens, son caractère pro-concurrentiel est reconnu de longue date. L'Autorité de la concurrence l'a à nouveau rappelé dans son avis n° 15-A-16 du 16 novembre 2015 portant sur l'examen, au regard des règles de concurrence, des activités de normalisation et de certification.

AVIS N° 15-A-16 DU 16 NOVEMBRE 2015 DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE (extraits)

« 5. La normalisation est (...) un processus d'élaboration de standards communs sur lesquels s'accordent les différents acteurs économiques afin de faciliter les échanges commerciaux, tant nationaux qu'internationaux. L'existence de normes consensuelles permet d' abaisser les barrières à l'entrée que constituent les particularismes nationaux et d' ouvrir l'accès à de nouveaux marchés en établissant des règles du jeu claires et équitables pour toutes les entreprises concernées. En facilitant la compatibilité et l'interopérabilité des différents produits et services, l'adoption de normes a un effet pro concurrentiel car elle favorise la diversité de l'offre et permet aux acheteurs de comparer plus aisément les différents biens, ce qui va au soutien d'une concurrence par les mérites .

« 6. De manière générale, la norme permet de réduire un certain nombre d'asymétries d'information entre producteurs et acheteurs, qu'ils soient entreprises ou consommateurs, et contribue ainsi à créer ou à maintenir une forme de confiance entre les opérateurs sans laquelle le marché perd en efficacité . »

La normalisation permet en effet de réduire les coûts liés à l'information et à la coordination des opérateurs économiques, et promeut la concurrence sur le marché.

Ainsi, dans sa contribution écrite, le Bureau de normalisation de la construction métallique indiquait que « dans le domaine de la construction métallique, la norme permet de simplifier les échanges d'informations entre les donneurs d'ordre et les entreprises de travaux. Elle sert généralement de cahier des charges type, ce qui doit générer une optimisation des coûts de construction, en permettant aux entreprises d'établir une estimation précise de leurs travaux et aux donneurs d'ordre de réaliser une comparaison efficace des offres et un suivi approprié des travaux. » Pour sa part, le Bureau de normalisation de l'industrie du béton a fait valoir que « cette démarche confère aux acteurs un avantage économique contribuant entre autres à la réduction des coûts globaux de la construction ».

À cet égard, le recours à certaines normes peut faciliter l'accès à certains marchés . Au cours des auditions, l'exemple a notamment été donné d'une PME qui s'était investie dans l'élaboration d'une norme relative aux échelles à crinoline (norme NF E85-016 juillet 2011 « Éléments d'installations industrielles - Moyens d'accès permanents - Échelles fixes »), en partie fondée sur ses propres solutions techniques et savoir-faire, qui lui a permis, par la suite, d'être sélectionnée dans de nombreux marchés publics en France qui faisaient référence à cette nouvelle norme dans leurs cahiers des charges.

Ainsi que l'ont souligné MM. Jacques Levet et Franck Gambelli, respectivement représentants du MEDEF et de la CPME, la normalisation, portée au niveau européen ou international, est notamment un instrument de pénétration des marchés des pays tiers . Pour certains pays, cette force de pénétration est cependant plus relative, car il n'existe pas de forte intégration du processus de normalisation. C'est en particulier le cas aux États-Unis, où l'on dénombre plusieurs centaines d'organismes habilités à élaborer des normes qui, de fait, revêtent la même valeur que les normes ISO « réceptionnées » dans ce pays. La norme ISO cohabite alors, sur le même plan, avec des normes « locales ».

Quoi qu'il en soit, l'un des exemples les plus flagrants - et les plus connus - du bénéfice de la normalisation est sans doute donné par les conteneurs de marchandises . La normalisation des dimensions et des schémas de construction des conteneurs a été déterminante pour l'essor du trafic maritime mondial de marchandises , en permettant d'assurer une multimodalité qui n'existait pas jusqu'alors.

L'ESSOR DU COMMERCE INTERNATIONAL MARITIME DE MARCHANDISES GRÂCE À LA NORMALISATION DES DIMENSIONS DES CONTENEURS

Pendant plusieurs siècles, le transport maritime des marchandises s'est effectué en vrac, générant ainsi des opérations de transbordement dans les ports relativement longues limitant par là même la rotation des navires.

En 1956, le principe du conteneur sous sa forme actuelle est inventé par Malcom McLean qui, lors de l'acheminement par camions de marchandises au port, décide de désolidariser « la caisse » contenant les marchandises du châssis de la remorque. Confiné pendant plusieurs années aux États-Unis, l'acheminement de marchandises par conteneurs ne prendra véritablement son envol qu'avec la normalisation de leur taille qui assura une interopérabilité dans tous les ports et sur tous les navires de marchandises à travers le monde.

Les premières normes furent fixées par l'American national standards institute (ANSI). L'ISO fixa ensuite des normes au niveau international qui sont aujourd'hui celles utilisées pour le transport maritime et ferroviaire mondial de marchandises (normes ISO 668 « Conteneurs de la série 1 - Classification, dimensions et masses brutes maximales » et ISO 1496 « Conteneurs de la série 1 - Spécifications et essais »).

La normalisation est donc un facilitateur d'échanges de biens, mais également de services . Dans le domaine des services financiers, M. Xavier Mendiboure, secrétaire général du Comité français d'organisation et de normalisation bancaires (CFONB), a notamment indiqué que la normalisation facilitait fortement les transactions internationales, en uniformisant le format des cartes de crédit (avec, notamment, la norme ISO/IEC 7810) ou en instituant des techniques d'échanges de données informatisés entre les institutions financières (norme ISO 20022).

b) ...sous réserve du respect de certains principes

Il n'en reste pas moins qu'en elle-même, l'activité de normalisation est de nature à avantager, au moins dans un premier temps, certains acteurs du marché qui auront su convaincre les autres parties prenantes de la pertinence de leur solution ou, à tout le moins, auront su éviter qu'elle suscite une opposition frontale de leur part. Dans l'absolu, l'accès à certains marchés peut être « verrouillé » par le recours à des normes volontaires qui peuvent obliger certains producteurs ou prestataires à une « montée en gamme » pour y pénétrer.

La question de l'accès aux marchés va d'ailleurs de pair avec celle de l'articulation de la normalisation avec les droits de propriété industrielle , et notamment les brevets. Elle est cruciale dans les nouvelles technologies, où les normes reposent souvent sur des technologies protégées par des brevets - qualifiés d'« essentiels » à ces normes - qui confèrent à leurs titulaires le droit de s'opposer à leur mise en oeuvre. Par exemple, on estime que les standards de la norme 3G, en matière de téléphonie mobile, mobilisent près de 8 000 brevets essentiels.

La normalisation ne peut dès lors poursuivre un objectif pro-concurrentiel que si les détenteurs des brevets incorporés dans la norme n'exigent pas une redevance exorbitante pour la mise en oeuvre des techniques protégées. C'est au sein des instances de normalisation que s'effectue cette conciliation, conditionnée par le respect du principe dit « FRAND - Fair, Reasonnable and Non Discriminatory » , selon lequel une norme comportant des brevets essentiels ne peut être élaborée que si les titulaires de droit acceptent de fournir des licences pour l'utilisation de leurs brevets à des conditions raisonnables et non discriminatoires . Lorsqu'un accord sur les conditions d'exploitation des brevets essentiels est trouvé, la norme volontaire permet alors de briser les monopoles de certains fabricants, notamment dans le domaine de l'électricité et des télécoms. Lors de son audition, M. Alain Costes, directeur de la normalisation d'AFNOR, a indiqué que la mise en oeuvre de ce principe faisait l'objet de négociations entre les parties prenantes aux travaux de normalisation et qu'il n'existait pas de règles pour déterminer, in abstracto , ce qui relevait de ce principe.

C'est dans la mesure où l'existence même d'une activité de normalisation internationale est de nature à faciliter l'ouverture de marchés internationaux que l'Organisation mondiale du commerce la regarde favorablement, sous réserve que son mode d'élaboration respecte certains principes essentiels . Elle constitue en effet un instrument permettant de lever les obstacles techniques au commerce.

LA PROMOTION PAR L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE DE LA NORMALISATION COMME MOYEN DE LEVER LES OBSTACLES TECHNIQUES AU COMMERCE

Selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : « Lorsque les prescriptions techniques varient d'un marché à l'autre, les négociants doivent faire face à des coûts à la fois pour l'adaptation (reformulation) du produit et l'évaluation de la conformité pour chaque marché auquel ils souhaitent accéder. Cela comporte des risques de segmentation du marché, d'entrave à la concurrence et de diminution des échanges internationaux .

« Les normes internationales peuvent aider les pays à résoudre ces problèmes : en assurant la comparabilité entre pays et en renseignant les consommateurs sur les marchandises produites à l'étranger ou sur les processus effectués dans d'autres pays, elles peuvent permettre en effet d'obtenir des économies d'échelle et des gains d'efficacité, de réduire le coût des transactions et de faciliter le commerce international . Elles constituent un moyen important de promouvoir la convergence réglementaire . En outre, étant donné que ces normes codifient les connaissances scientifiques et techniques acquises au niveau mondial, leur élaboration et leur utilisation sont importantes pour diffuser ces connaissances et favoriser l'innovation . »

L'Accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les obstacles techniques au commerce - dit « Accord OTC » figurant à l'Annexe 1A de l'accord instituant l'OMC -, entré en vigueur le 1 er janvier 1995, a renforcé et précisé les dispositions de l'accord plurilatéral initial du Tokyo Round sur les obstacles techniques au commerce, datant de 1979. Il comporte un « Code de pratique pour l'élaboration, l'adoption et l'application des normes » , reproduit en son annexe 3.

Distinct de l'accord lui-même, ce code est ouvert à l'acceptation de tout organisme de normalisation ; il donne des indications sur le processus de normalisation (par exemple, les normes doivent être transparentes et les organismes compétents doivent accepter les observations et éviter toute duplication). L'article 4 de l'Accord OTC oblige les États membres à faire en sorte que les organismes à activité normative de leur gouvernement central acceptent et respectent le Code. À ce jour , 164 organismes de normalisation de tous types ont notifié leur acceptation du Code.

Pour les organismes de normalisation non gouvernementaux, l'Accord OTC exige que les pouvoirs publics prennent « toutes mesures raisonnables en leur pouvoir pour faire en sorte que les institutions publiques locales et organismes non gouvernementaux à activité normative de leur ressort territorial (...) acceptent et respectent ce code de pratique ». L'Accord attribue donc aux pouvoirs publics une certaine responsabilité pour ce qui est de faire en sorte que les entités non gouvernementales sur leur territoire se conforment aux règles qui sont énoncées dans le Code et qui, dans une large mesure, reflètent les principes de l'Accord OTC.

L'Accord OTC encourage fortement les membres à utiliser les normes, guides ou recommandations internationaux « pertinents » « comme base » de leur réglementation (articles 2.4 et 5.4 et Annexe 3, paragraphe F, de l'Accord OTC). Ce d'autant qu'il établit la présomption qu'un règlement technique ne crée pas d'obstacle non nécessaire au commerce international s'il est élaboré conformément aux normes internationales « pertinentes » (article 2.5).

L'Accord OTC prévoit la possibilité qu'un membre peut décider de ne pas utiliser une norme s'il estime qu'elle serait inefficace ou (inappropriée par exemple en raison de facteurs climatiques, géographiques ou technologiques) pour réaliser l'objectif de politique générale publique recherché. L'Accord reconnaît aussi que l'on ne saurait attendre des pays en développement qu'ils utilisent des normes internationales qui ne sont pas appropriées aux besoins de leur développement, de leurs finances et de leur commerce (article 12.4).

Source : « Obstacles techniques au commerce - Série des accords de l'OMC », 2014.

3. Un enjeu de qualité

La normalisation permet également d'instituer des standards de qualité et de sécurité qui pourront, le cas échéant, être attestés par le biais d'une activité de certification.

Le Bureau de normalisation de l'industrie du béton a ainsi indiqué à votre rapporteur que, depuis la création des premiers textes dès l'après-guerre, le secteur du béton s'est impliqué continuellement dans l'élaboration de normes volontaires au bénéfice de ses parties intéressées et de la qualité de la construction. De même, pour le Bureau de normalisation de la construction métallique, « dans le domaine de la construction, la norme est également un document de référence qui définit un niveau approprié en termes de sécurité des personnes et des biens et d'aptitude à l'emploi, dans un objectif de limitation des désordres éventuels et donc du coût de la sinistralité associée. »

Au cours des auditions, M. Valéry Laurent, directeur du Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement (BNBA), a illustré plus précisément ce rôle de promotion de la qualité en prenant l'exemple de la sécurité des tables à repasser.

LA SÉCURITÉ ET LA QUALITÉ DES PRODUITS DE CONSOMMATION : L'EXEMPLE DES TABLES À REPASSER

Saisie à la suite de plusieurs accidents ménagers liés à l'utilisation de tables à repasser, la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) a mis en lumière en 2012 les nombreux risques de basculement, d'affaissement (repliement inopiné avec ou sans manoeuvre de la commande du mécanisme), de coupures ainsi que de cisaillements liés à la conception de ces produits.

Or, à l'époque, la sécurité et la qualité de ces produits ne faisaient l'objet d'aucune réglementation précise, permettant de mettre sur le marché des produits peu fiables pour les consommateurs. En conséquence, la CSC a recommandé la mise en place de travaux de normalisation sur la stabilité, la résistance à l'usage, la conception et les finitions ainsi que les systèmes de réglage en hauteur et de verrouillage/déverrouillage de ces produits.

Les travaux conduits ont abouti à la publication en novembre 2016 de la norme NF D80-010 « Tables à repasser à usage domestique - Exigences générales de sécurité et méthode d'essais ». Cette norme propose des spécifications techniques de nature à réduire les risques d'accidents liés à ces produits. Une norme européenne est désormais en préparation, prenant comme base la normalisation française.

C'est en ce sens que M. Etienne Defrance, représentant de l'Association Force-ouvrière consommateurs, a estimé que la normalisation était bénéfique aux consommateurs , en leur permettant de disposer d'une qualité de produits ou de services authentifiée, beaucoup plus objective et sûre que les auto-déclarations ou les labels créés et apposés par les fabricants eux-mêmes. C'est ce qui explique que les associations de consommateurs entendues par votre rapporteur ne critiquent pas le principe même de la normalisation.

B. DES ENJEUX DE COMPÉTITIVITÉ ET DE SOUVERAINETÉ

1. Un instrument d'influence dans un environnement fortement concurrentiel
a) Une forte concurrence des systèmes nationaux de normalisation

Chaque État dispose de son propre modèle de normalisation qui produit ses propres normes ou peut susciter, au niveau international ou européen, l'ouverture de travaux sur la mise en place de nouvelles normes, en mettant en avant ses propres solutions techniques .

DE NOMBREUX ORGANISMES NATIONAUX DE NORMALISATION

De nombreux États ont opté pour des systèmes de normalisation nationaux centralisés , avec un organisme unique en charge d'assurer l'élaboration des normes au niveau national ainsi que la participation aux travaux européens ou internationaux de normalisation. Tel est le cas notamment de l'Allemagne et du Royaume-Uni, et plus récemment, de la Chine.

Créée en 1901, la British Standards Institution (BSI) est reconnue comme l'organisme national de normalisation du Royaume-Uni et, à ce titre, représente son pays dans les organisations internationales et européennes de normalisation. La BSI est une organisation sans but lucratif ne distribuant pas de profit et offrant des services au plan mondial dans les domaines afférents à la normalisation, l'évaluation des systèmes, la certification des produits, la formation et les services de conseils.

Le Deutsches Institut für Normung (DIN) est l'organisme national de normalisation pour l'Allemagne. Organisme privé ayant le statut d'organisation à but non lucratif, il rassemble des membres issus de l'industrie, des organisations professionnelles, des autorités publiques et des organismes de recherche. Il est financé principalement par la vente de ses normes, et plus marginalement par des financements privés et publics, ainsi que par les droits d'entrée de ses membres. Le DIN élabore des normes au niveau national, et représente les intérêts allemands dans les organismes internationaux et européens de normalisation (ISO et CEN).

Créée par le Conseil d'État chinois en 2001, la Standardization Administration of China (SAC) est chargée de la supervision et la coordination d'ensemble des activités de normalisation en Chine. Au niveau national, elle élabore et procède à la révision et à la modernisation des normes appliquées en Chine. Au niveau international, elle représente le pays au sein de l'ISO, de l'IEC et d'autres organisations internationales et régionales de normalisation, où elle organise la coopération internationale et l'échange de projets sur la normalisation.

D'autres pays ont opté pour un système plus décentralisé de normalisation , comme c'est le cas aux États-Unis. Ceux-ci disposent en effet de grands instituts de normalisation et certification privés qui font autorité dans certains secteurs d'activité : l' American Society for Testing and Materials (ASTM), l' American Petroleum Institute (API), l' American Society of Mechanical Engineers (ASME) ou l' Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), sur lesquels l'American National Standards Institute (ANSI) assure une coordination relative.

Ces différents acteurs nationaux se livrent à une véritable course pour être à même de proposer avant d'autres l'ouverture de travaux dans les organismes européens ou internationaux de normalisation dans certains domaines.

Lors de son audition, Mme Ludivine Coly-Dufourt, directrice de l'Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), a notamment mis en exergue la concurrence entre l'Australie et le Canada pour la mise en place de travaux de normalisation portant sur l'économie collaborative.

L'activisme des acteurs allemands a par ailleurs souvent été évoqué devant votre rapporteur. Ainsi, le Bureau de normalisation du gaz a mis en exergue, dans sa contribution écrite, l'initiative récente et très structurée de l'Allemagne pour normaliser tous les domaines du stockage d'énergie. En outre, il a été indiqué que les acteurs allemands avaient lancé plusieurs initiatives afin de définir des normes d'assurance pour les véhicules autonomes. Ce faisant, ils se mettent en mesure d'influencer les conditions de mise en jeu de la responsabilité en cas d'accident, alors même qu'il n'existe à ce jour aucune législation ou réglementation harmonisée sur ce point au plan européen ou mondial. Or, les normes qui seront par la suite adoptées pourront, le cas échéant, fournir une base à de prochaines réglementations au plan européen ou international, qui pourraient conforter les choix allemands.

De même, dans sa contribution écrite, le Bureau de normalisation du pétrole a mis en avant la problématique de la normalisation des matériels d'exploration ou de production du pétrole et de la place majeure occupée par l'American Petroleum Institute (API), instance de normalisation américaine, dont les membres sont en grande majorité des compagnies américaines . Or, en France, le monde parapétrolier et gazier regroupe des centaines d'entreprises qui n'ont pas toutes les moyens de suivre les travaux de l'API. Il existait jusqu'en 2012 une coopération entre l'API et l'ISO assurant la reprise sous normes EN/ISO des normes API. Toutefois, ce mécanisme n'a aujourd'hui plus cours, de telle sorte que les normes ne sont aujourd'hui plus alignées et que les entreprises intéressées par ces normes sont poussées à envoyer leurs experts dans les groupes de travail API. La contrainte pour les entreprises non américaines et en particulier les PME et TPE devient importante.

Cette situation fournit un exemple de concurrence directe d'un système privé américain avec l'ISO qui montre l'importance pour tous les acteurs du monde économique mais aussi pour les autorités de prendre pleinement conscience des enjeux et de promouvoir la reconnaissance de la normalisation internationale ISO et la participation à ses travaux.

Un système d'influences nationales multiples détermine donc, in fine , la norme volontaire qui sera définie au niveau européen ou international.

b) La stratégie « hégémonique » des organismes européens et internationaux de normalisation

L'influence des acteurs nationaux au sein des instances européennes ou internationales de normalisation est d'autant plus cruciale compte tenu de l'essor de l'activité de normalisation supranationale .

Lors de son audition, Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, a ainsi indiqué que l'ISO avait lancé une « stratégie hégémonique » visant à investir tous les domaines du normatif . La communication de la Commission européenne en la matière du 1 er juin 2011 33 ( * ) , conforte cette orientation au niveau européen. Cette stratégie est d'ailleurs renforcée par l'absence de concurrence entre les organismes supranationaux de normalisation. Un accord conclu à Vienne en 1991 entre l'ISO et le CEN est venu limiter les risques de concurrence entre les normes supranationales en prévoyant un mécanisme de dessaisissement d'un des deux organismes lorsque ceux-ci travaillent sur de mêmes sujets.

L'ACCORD DE VIENNE ENTRE L'ISO ET LE CEN

Cet accord reconnaît la primauté des normes ISO sur les normes issues du CEN, conformément aux règles fixées par l'Organisation mondiale du commerce, tout en reconnaissant les besoins de normalisation au niveau européen, notamment dans la réalisation du marché unique au sein de l'Union européenne. À cette fin, il met en place un système d'information et de notification réciproques ouvrant, notamment, la possibilité d'une approbation réciproque de documents établis dans l'un ou l'autre organisme .

Pour ses concepteurs, ce système permet d'accroître la transparence globale des travaux de normalisation, en permettant aux acteurs des différents organismes, le cas échéant, d'exercer une influence sur l'élaboration des normes concernées, d'éviter des normes concurrentes et des travaux de réflexion parallèles inutiles et, enfin, de réduire les délais d'élaboration des normes.

Son poids dans la normalisation est d'autant plus important que les normes développées au niveau supranational peuvent ensuite être reprises dans les législations nationales ou européennes . C'est même, d'ailleurs, une obligation s'agissant des normes élaborées par le CEN et le Cenelec.

En effet, selon le Guide CEN/Cenelec n° 1 relatif au statut des normes européennes :

- l'adoption d'une norme européenne impose aux membres nationaux du CEN ou du Cenelec de reprendre celle-ci dans leur collection nationale et de supprimer toute norme nationale contraire dans un délai déterminé ;

- les membres nationaux du CEN ou du Cenelec ne peuvent publier de nouvelles normes nationales ou des normes nationales révisées qui méconnaitraient une norme européenne publiée ou en cours d'élaboration. Toutefois, certaines dérogations à cette obligation peuvent être accordées à titre exceptionnel par le CEN ou le Cenelec. Cette règle est, en application de l'article 3 du règlement (UE) n° 1025/2012 du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, une obligation juridique s'agissant des normes harmonisées définies par les organismes européens de normalisation à la demande de l'Union européenne.

Or, compte tenu des modalités d'adoption des normes à l'ISO comme au CEN, 34 ( * ) Coop BN a indiqué à votre rapporteur qu' il est quasiment impossible d'empêcher un projet de norme d'arriver jusqu'au bout du processus. Ainsi, le rapport de la mission d'évaluation du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique estime qu'au niveau du CEN, près de 99 % des normes relevant du secteur du bâtiment sont adoptés, en partie en raison du comportement de certains États membres qui acceptent ou s'abstiennent systématiquement lors des votes sur les normes. 35 ( * )

C'est donc dès l'inscription d'un nouveau sujet de normalisation que les membres nationaux des organismes européens ou internationaux de normalisation doivent se positionner pour éviter la création d'une norme inutile, voire dangereuse, pour les acteurs économiques de certains pays. Et cette mobilisation doit être efficace.

Pour ce faire, il faut, d'une part, fédérer les acteurs au sein de chaque système national de normalisation pour arrêter une position commune claire, seule susceptible de peser dans les travaux d'élaboration de ces normes. De l'avis de la plupart de personnes entendues, les acteurs français sont souvent moins soudés à cet égard que d'autres, à commencer par les Allemands, ce qui est regrettable.

D'autre part, isolément, chaque acteur national n'est pas en état de peser suffisamment sur les travaux de normalisation à l'international, sauf dans un secteur où il est historiquement fort, comme c'est le cas des États-Unis, par exemple, en matière de technologies liées à Internet. Le système de vote retenu à l'ISO - avec une seule voix attribuée à l'organisme représentant un pays quel que soit son poids économique ou démographique - rend les stratégies purement individuelles vouées à l'échec.

Cette situation explique en partie le fait que l'ISO poursuive ses travaux d'élaboration de normes alors même que ceux-ci sont contestés dans leur principe par un certain nombre de pays. Tel est le cas, en particulier, de l'élaboration de la norme ISO 45001 relative à la santé et la sécurité au travail. La France, aux côtés d'autres pays et de l'Organisation internationale du travail (OIT), a manifesté son opposition à ce projet, engagé en 2013. Or, malgré deux rejets successifs en 2014 et 2016 par les États participants, il a été décidé, lors d'une réunion de l'ISO à Toronto en juin 2016, que cette norme serait à nouveau présentée en vue d'une publication au second semestre 2017.

À cette difficulté structurelle majeure s'ajoute également la réduction des délais d'élaboration des normes dans les organes européens et internationaux. Le Bureau de normalisation de la construction métallique a ainsi souligné auprès de votre rapporteur que « les évolutions récentes au niveau européen et international, en termes de réduction des délais de traduction et de vote, posent des difficultés nouvelles pour consulter les parties prenantes ou intéressées dans un délai suffisant et organiser la recherche du consensus au niveau national. »

c) Un instrument d'influence à développer

L'État ne peut se désintéresser de la normalisation dans certains secteurs jugés stratégiques, car les travaux de normalisation peuvent conduire à favoriser ou à entraver certains choix économiques nationaux, voire des politiques publiques nationales.

Dans son rapport à la ministre du commerce extérieur, alors notre collègue Nicole Bricq, Mme Claude Revel résumait ainsi, en décembre 2012, les enjeux géopolitiques de la normalisation : « La norme/règle internationale est un des points d'application majeurs de l'intelligence économique et stratégique. Il est de plus en plus difficile de séparer le `technique' du politique, les choix techniques étant non seulement souvent issus de la volonté d'ouvrir des marchés ou d'en fermer aux concurrents, mais aussi reflétant des choix politiques voire idéologiques, en tout cas de société de ceux qui les promeuvent . » 36 ( * ) Lors de son audition par votre rapporteur, M. Stéphane Dupré La Tour, président du Comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN), a quant à lui évoqué une « diplomatie technique » entre experts de plusieurs pays qui représentent autant d'intérêts stratégiques.

Le « marché » de la normalisation est en effet un enjeu d'influence considérable, les choix techniques opérés pouvant avoir des retombées économiques majeures pour certains secteurs, de nature à valoriser durablement ou, au contraire, condamner à court terme certaines options techniques adoptées par les entreprises françaises .

L'exemple récent le plus emblématique est celui de la normalisation des prises de recharge pour véhicules électriques qui a vu la technologie allemande préférée au niveau européen au détriment de la technologie française, alors même que cette technologie avait été utilisée depuis plusieurs années pour équiper les bornes dans l'hexagone.

L'ENJEU DE LA NORME NF EN 62196-2/A12 OCTOBRE 2014

« Fiches, socles de prise de courant, prises mobiles et socles de connecteurs de véhicule électriques - Charge conductive des véhicules électriques - Partie 2 : exigences dimensionnelles de compatibilité et d'interchangeabilité pour les appareils à broches et alvéoles pour courant alternatif »

Au milieu des années 2000, les industriels français, allemands et japonais ont, chacun de leur côté, développé leur propre technologie pour les prises des bornes de recharge de véhicules électriques.

Cependant, dans le but d'assurer l'interopérabilité des systèmes de recharge sur l'ensemble du territoire européen, la Commission européenne a donné mandat, en 2010, aux organismes européens de normalisation (CEN-Cenelec et ETSI) pour élaborer une norme européenne. Le plan retenu par la Commission européenne était d'équiper, à l'horizon 2020, jusqu'à 8 millions de bornes de recharge dans les États membres de l'Union européenne, dont 969 000 en France (dont 10 % accessibles au public), avec comme exigence la possibilité pour tout véhicule électrique de pouvoir se brancher, dans les mêmes conditions d'utilisation, sur les bornes de tout pays européen.

Les tenants du modèle allemand dit de « type 2 » et ceux du modèle français dit de « type 3 » se sont donc affrontés au sein des organismes européens de normalisation pour faire chacun reconnaître la pertinence de leur propre technologie. Il semble cependant que les acteurs français se soient montrés moins efficaces dans les négociations pour que leur modèle soit retenu dans le cadre de l'élaboration de la norme unique européenne, en concentrant notamment leur approche technique sur la présence d'un obturateur destiné à prévenir les contacts accidentels avec les utilisateurs.

Au final, la norme allemande de « type 2 » a, sous réserve d'ajustements mineurs, été consacrée au niveau européen par le renvoi, dans la directive 2014/94/UE du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs à la norme EN 62196-2. Ce choix a donc réduit à néant les investissements consacrés par les acteurs français (Schneider Electric, Legrand et Renault) au développement et à la production de leurs prises et impliquant par ailleurs le changement des prises déjà installées sur les bornes en France, pour un montant de plusieurs dizaines de millions d'euros.

De l'aveu des acteurs concernés, cette situation illustre un manque de stratégie collective des industriels français, qui ne se sont pas donné les moyens de convaincre les instances de normalisation européenne de l'avantage technologique de leur démarche.

La mobilisation des acteurs peut pourtant être à même de modifier l'orientation de certains projets dans un sens qui n'handicape pas les intérêts économiques de notre pays .

M. Frédéric Henry, directeur du Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement (BNBA), a par exemple évoqué au cours des auditions l'élaboration de la norme sur les panneaux à base de bois destinés à la construction - devenue la norme NF EN 13986+A1 de mai 2015 - dont le projet initial imposait des caractéristiques techniques qui favorisaient les essences allemandes et avaient un effet d'éviction sur les bois français. La réaction des représentants français a permis d'élargir les critères et d'éviter une normalisation défavorable à ce secteur d'activités national.

2. Assurer la synergie de la stratégie française de normalisation avec son environnement

Les acteurs du système de normalisation définissent depuis quelques années des stratégies pluriannuelles. La première, définie pour la période 2011-2015, était essentiellement orientée sur l'efficacité du système français de normalisation. Elle était nécessaire, afin notamment d'assurer la bonne mise en place des instances prévues par le décret du 16 juin 2009.

Stratégie française de normalisation 2016-2018

Thématiques transversales

Thématiques spécifiques

Transition énergétique

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Économie circulaire

Économie numérique

Économie collaborative & économie du partage

Villes durables et intelligentes

Usine du Futur

Services

Nanotechnologies

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Drones

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matériaux intelligents

Médecine du futur

Pour la période 2016-2018, l'optique retenue a été de dégager des thématiques de travail à favoriser, en identifiant des domaines d'exercice prioritaires de la normalisation. La stratégie française de normalisation décline ainsi huit thématiques transversales et cinq thèmes spécifiques sur lesquels doit porter l'effort de normalisation.

De leur côté, chacun des CoS élabore une stratégie annuelle qui décline et approfondit, dans son secteur de compétence, les axes stratégiques nationaux.

Lors des auditions, certains intervenants ont regretté que certaines stratégies restent encore trop imprécises pour être suffisamment opérationnelles. Toutefois, ainsi que l'a fait remarquer M. Stéphane Dupré La Tour, la définition d'orientations trop précises peut se heurter au besoin des entreprises participantes au processus de normalisation de conserver une certaine discrétion sur leurs propres stratégies industrielles et commerciales. Aussi, les orientations arrêtées s'efforcent-elles de favoriser certains domaines d'intervention de manière suffisamment précise pour fédérer les acteurs de la normalisation, tout en préservant d'éventuels secrets des affaires.

Sur ce point, votre rapporteur estime que les orientations retenues qui, à l'inverse de celles dégagées par la Commission européenne ou l'ISO 37 ( * ) , portent davantage sur la substance des travaux que sur le système de normalisation lui-même, permettent effectivement de lancer des chantiers de normalisation à court terme.

Cependant, afin que les choix stratégiques opérés puissent assurer une promotion efficace des travaux de normalisation français, votre rapporteur souligne l'importance que ces orientations soient définies :

- en pleine concertation avec l'État et les collectivités territoriales afin qu'elles soient effectivement coordonnées avec les choix de politique publique opérés . De ce point de vue, il importe donc que les représentants de l'État au CCPN indiquent clairement les chantiers qui apparaissent prioritaires pour les pouvoirs publics. Et, dans l'hypothèse où serait institué un mécanisme de mandats, les objets de ces mandats devraient être pleinement intégrés à cette stratégie 38 ( * ) ;

- en prenant en considération les travaux en cours ou projetés au niveau européen ou international . Ainsi, la stratégie française pourra d'autant mieux influer sur les futures normes élaborées au niveau du CEN/Cenelec ou de l'ISO, que les acteurs français auront pu anticiper certaines problématiques ou divers choix technologiques au cours de leurs travaux sous l'égide des bureaux de normalisation et d'AFNOR.

Recommandation n° 2 : Définir les orientations stratégiques de la normalisation française en pleine concertation avec l'État et les collectivités territoriales, en prenant mieux en considération les travaux en cours ou projetés au niveau européen ou international.

3. Favoriser la conduite des politiques publiques par des actions de normalisation à la demande de l'État ou des collectivités territoriales

L'une des critiques majeures qui peut être formulée à l'égard du fonctionnement actuel du système de normalisation tient à ce que les orientations définies par ses acteurs sont parfois décorrélées des politiques publiques définies par l'État ou les collectivités territoriales. Les processus de normalisation et de réglementation cheminent alors parallèlement, sans interactions suffisantes, dans des domaines où leur action conjuguée favoriserait pourtant une meilleure conduite des politiques publiques.

Il est donc essentiel que l'État se comporte en véritable stratège pour orienter l'activité de normalisation afin qu'elle assure une complémentarité efficace avec l'activité juridique de la puissance publique - l'édiction de lois ou règlements - et son action opérationnelle, notamment financière . Or, sur ce point, votre rapporteur regrette que l'État n'ait pas toujours suffisamment conscience du fait que le système de normalisation peut être un outil efficace de mise en oeuvre ou de consolidation de certaines politiques publiques. Deux voies peuvent être retenues pour assurer la mise en oeuvre de cette stratégie.

a) Développer les incitations à travailler sur des domaines spécifiques faisant l'objet de politiques publiques

La première voie serait que le Gouvernement sollicite directement, plus qu'aujourd'hui, le système français de normalisation en l'incitant à réfléchir à des actions de normalisation dans les domaines jugés stratégiques pour les pouvoirs publics.

Ce type de démarche a certes déjà été entrepris. Ainsi, lors de son audition, M. Stéphane Dupré La Tour a rappelé l'initiative du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, alors M. Emmanuel Macron, d'inciter les acteurs du système français de normalisation à orienter leurs travaux vers des domaines de normalisation en lien avec le projet « Industrie du futur ».

Le projet « Industrie du futur »

Lancé le 14 avril 2015 par le président de la République, alors M. François Hollande, le projet « Industrie du Futur » a pour objectif d'amener les entreprises à moderniser leur outil industriel et à transformer leur modèle économique - et plus particulièrement, leurs modèles d'affaires, leurs organisations, leurs modes de conception et de commercialisation - en prenant en compte les perspectives offertes par le numérique.

Il s'organise autour de cinq axes :

- le développement de l'offre technologique , en accompagnant les projets structurants des entreprises sur les marchés où la France peut acquérir d'ici trois à cinq ans un leadership européen, voire mondial : fabrication additive comme les imprimantes 3D, les objets connectés ou la réalité augmentée ;

- un accompagnement des entreprises sous la forme de diagnostics au profit des PME et ETI industrielles par les régions avec l'appui de l'Alliance pour l'Industrie du Futur ainsi que d'un accompagnement financier comportant des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises qui investiront dans la modernisation de leurs capacités de production : 2,5 milliards d'euros d'avantage fiscal pour les entreprises investissant dans leur outil productif sur douze mois et 2,1 milliards d'euros de prêts de développement supplémentaires distribués par Bpifrance aux PME et ETI sur deux ans ;

- la formation des salariés , afin d'assurer leur montée en compétence compte tenu du recours accru du numérique et de la robotisation dans l'usine, qui implique une transformation de certains emplois industriels ;

- le renforcement de la coopération européenne et internationale , eu égard aux autres projets de même nature conduits par d'autres pays, à commencer par l'Allemagne qui a développé la plateforme « Industrie 4.0 » ;

- la promotion de l'Industrie du futur afin de mobiliser les acteurs et faire connaître les savoir-faire français.

Le ministre de l'économie a en effet expressément confié, en juillet 2016, au directeur général de l'AFNOR « une mission de coordination des travaux de normalisation en matière d'Industrie du futur pour renforcer la position de la France dans les instances internationales et pour promouvoir des solutions françaises et européennes, notamment sur le numérique, sur les systèmes robotisés à usage collaboratif et sur la fabrication additive ». Pour ce faire, il a demandé la mise en place d'une structure de coordination spécifique avec l'ensemble des acteurs du système français de normalisation et le développement des échanges avec les organismes de normalisation des autres pays européens, notamment le Deutsches Institut für Normung (DIN). C'est sur cette base que l'AFNOR a engagé des travaux, en lien avec la direction générale des entreprises et l'Alliance pour l'industrie du futur, association régie par la loi de 1901 qui rassemble des organisations professionnelles, des acteurs scientifiques et académiques, des entreprises et de collectivités territoriales, notamment les régions, pour assurer, en particulier, le déploiement du projet Industrie du Futur.

Votre rapporteur estime que la normalisation a toute sa place dans le projet « Industrie du futur », notamment dans son volet visant au développement de l'offre technologique, puisque, par sa nature même, la normalisation assure la diffusion des dernières technologies ou des savoir-faire jugés les plus pertinents par les parties prenantes de l'économie .

Il regrette cependant que cette initiative gouvernementale reste exceptionnelle, alors que l'application des politiques publiques et des stratégies décidées par les autorités publiques ne peut que s'enrichir d'un volet « normalisation » de nature à en favoriser la mise en oeuvre opérationnelle. Dans ces conditions, il estime que l'État devrait plus souvent fournir des orientations à l'activité de normalisation afin qu'elle soit le complément utile des grands chantiers économiques lancés par les autorités politiques. C'est notamment le cas en ce qui concerne la transition écologique, dont la mise en oeuvre pourrait être facilitée par la normalisation en définissant, par exemple, des solutions en termes de métrologie ou des solutions de production moins génératrices de gaz à effets de serre.

Dans son rapport, Mme Lydie Évrard, alors déléguée interministérielle aux normes, préconisait la création d'un Conseil d'orientation de la politique de normalisation, instance de concertation présidée par le ministre chargé de l'industrie et dont le vice-président serait un représentant des acteurs économiques, afin de définir les orientations de la politique nationale. 39 ( * ) La création d'un nouvel organe n'est sans doute pas la seule solution mais il est important, en tout état de cause, que l'État exerce son rôle de stratège en pleine concertation avec les acteurs de l'économie .

La même recommandation, du reste, s'applique aux collectivités territoriales elles-mêmes , en particulier par le biais de leurs organisations représentatives (association des régions de France, association des départements de France, association des maires de France...), pour ce qui concerne l'exercice de leurs propres compétences. Pour ce faire, ces organisations devraient davantage tirer parti du comité de concertation « Normalisation et collectivités territoriales », créé par l'AFNOR en son sein, pour formaliser des demandes d'engagement de chantiers de normalisation dans les domaines qu'elles jugent prioritaires.

Recommandation n° 3 : Favoriser le rôle de l'État et des collectivités territoriales comme « stratèges » en orientant l'activité de normalisation afin qu'elle investisse les domaines jugés prioritaires pour les politiques publiques.

b) Envisager l'introduction d'un mécanisme de « mandat » inspiré de celui prévu par le droit de l'Union européenne

Les orientations susceptibles d'être données par le Gouvernement à l'AFNOR, pour utiles qu'elles soient, ne reposent à ce jour sur aucun mécanisme juridique exprès. Elles restent, en outre, d'une grande généralité, laissant aux acteurs du système de normalisation une très forte autonomie dans les techniques à explorer.

La question peut donc se poser de savoir, lorsque l'État perçoit la nécessité du développement d'une norme technique spécifique à l'appui de la réglementation qu'il a édicté, s'il peut être pertinent de lui donner la faculté de solliciter expressément la définition d'une norme par le système français de normalisation .

Cela se rapprocherait ainsi de la technique des « mandats » utilisée par la Commission européenne .

LES « MANDATS » DONNÉS PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE AUX ORGANISMES EUROPÉENS DE NORMALISATION

En application de l'article 10 du règlement (UE) n° 1025/2012 du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, la Commission européenne, dans les limites des compétences fixées par les traités européens, peut demander à une ou plusieurs organisations européennes de normalisation (c'est-à-dire le CEN, le Cenelec et l'ETSI) d'élaborer une norme européenne ou une publication en matière de normalisation européenne dans un délai déterminé, le cas échéant avec un financement spécifique de l'Union européenne. L'organisation européenne de normalisation concernée reste toutefois libre de ne pas accepter la demande qui lui est faite . 40 ( * )

Les normes établies dans ce cadre doivent être axées sur le marché, tenir compte de l'intérêt général et des objectifs de politique énoncés dans la demande de la Commission et reposer sur un consensus. La Commission détermine les critères de fond que le document demandé doit respecter et fixe une échéance en vue de son adoption. En coopération avec les organisations européennes de normalisation, elle évalue ensuite la conformité des documents élaborés par les organisations européennes de normalisation avec sa demande initiale. Lorsqu'elle estime que la norme harmonisée répond aux exigences qu'elle vise à couvrir et qui sont définies dans la législation correspondante, elle publie une référence à cette norme harmonisée au Journal officiel de l'Union européenne .

Sur ce fondement, la Commission européenne a par exemple récemment « commandé » des normes pour la mise en oeuvre :

- de la directive 2014/30/UE du 26 février 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la compatibilité électromagnétique , qui établit une présomption de conformité aux exigences essentielles qu'elle énonce pour les équipements conformes à des normes harmonisées ou à des parties de normes harmonisées dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne. La Commission a donc sollicité en novembre 2016 (mandat n° 552) du CEN, du Cenelec et de l'ETSI, l'élaboration des normes de référence en matière de compatibilité électromagnétique pour les mettre à disposition du public en avril 2017 ;

- de la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 relative à l'accessibilité des sites Internet et des applications mobiles des organismes du secteur public . La Commission a demandé en avril 2017 (mandat n° 554) au CEN, au Cenelec, et à l'ETSI d'élaborer, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de cette directive, une norme devant servir à établir la présomption de conformité du contenu des sites Internet du secteur public en l'absence de normes harmonisées, et du contenu des applications mobiles du secteur public en l'absence de normes harmonisées et de spécifications techniques. Ce mandat fait suite au mandat n° 376, par lequel la Commission avait confié aux mêmes organismes la tâche d'élaborer une norme européenne définissant les exigences fonctionnelles en matière d'accessibilité applicables aux produits et services relevant des technologies de l'information et de la communication, qui pourraient être utilisées dans les marchés publics ainsi qu'à d'autres fins, telles que la passation de marchés dans le secteur privé, ou pour étayer d'autres politiques et législations, et qui a donné lieu à l'adoption de la norme EN 301 549 en février 2014, révisée en 2015.

Selon votre rapporteur, il conviendrait donc d'envisager une modification du décret du 16 juin 2009 afin d'ouvrir une telle possibilité en déterminant notamment la qualité du mandant (Premier ministre, par décret, ou tel ou tel ministre, en fonction de ses compétences, par voie d'arrêté) qui solliciterait l'AFNOR, en sa qualité de « chef opérateur » du système français de normalisation et, le cas échéant, les modalités de participation financière de l'État pour l'exécution de tels mandats.

Il insiste néanmoins pour que la définition du mandat intervienne en concertation avec les acteurs économiques intéressés, afin d'éviter qu'il ne soit établi que par des juristes sans considération suffisante des contraintes techniques qui peuvent s'imposer. Cela serait de nature à prévenir un travers, relevé lors des auditions par M. Valéry Laurent, directeur du BNTEC, rencontré dans les travaux de la Commission européenne.

Recommandation n° 4 : Envisager l'introduction d'un mécanisme de « mandat », établi après concertation avec les acteurs économiques intéressés, confié par le Gouvernement au système français de normalisation.

4. Investir fortement les domaines « stratégiques » de la normalisation

Depuis une vingtaine d'années, le champ de la normalisation s'est ouvert à de nouveaux secteurs de l'économie liés en particulier au développement du secteur des services et à celui du numérique. Or, ces domaines ont la particularité d'avoir un caractère « transversal » remettant en cause le schéma traditionnel de la normalisation, défini par secteurs d'activité - relevant pour l'essentiel de l'industrie - relativement cloisonnés.

Afin de favoriser la compétitivité de notre économie, il est essentiel que les travaux de normalisation français investissent fortement ces domaines , que l'initiative résulte des acteurs eux-mêmes ou soit suscitée par les pouvoirs publics. Trois ont été souvent évoqués au cours des auditions.

a) Les services

Les normes applicables aux activités de service se sont considérablement développées au cours des vingt dernières années. Elles se répartissent entre normes de « management de la qualité » et normes de « service ».

La norme de management de la qualité porte sur la performance de l'organisation, et non sur le service produit. La plus connue, parce qu'elle est adoptée par un nombre grandissant d'entreprises ou d'organisations, est sans doute la norme ISO 9001 « Management de la qualité ». La norme de services porte, elle, sur le service produit sans s'intéresser à l'organisation. Pour autant, l'objectif poursuivi dans les deux approches reste identique : la confiance et la satisfaction du client. Et, à ce titre, elles entretiennent un rapport de complémentarité pour la pleine réalisation de cet objectif, qui ne peut être atteint que par une maîtrise des processus et des organisations ainsi qu'une maîtrise du service fourni.

À l'évidence, le développement des normes dans le domaine des services résulte de la volonté de nombreuses parties intéressées.

En France, le comité stratégique « Management et services » a élaboré en février 2015 un « livre blanc » qui fait du développement de la normalisation en matière de services un objectif stratégique pour les prochaines années . Constatant qu'« à ce jour, dans les secteurs des services, la normalisation a répondu principalement à des enjeux de structuration de marchés, de commercialisation de prestations et de performance des organisations », il souligne que « l'internationalisation et l'industrialisation des services, les impacts croissants des technologies et du numérique ainsi que les attentes nouvelles des consommateurs et leurs nouveaux modes de consommation sont des tendances identifiées qui créent de nouveaux enjeux pour la normalisation ». Il propose ainsi d'initier ou d'accompagner, selon le cas, le développement de la normalisation dans ce domaine.

Cette « demande » de normes en matière de services a été relayée au cours des auditions par M. Etienne Defrance, représentant de l'Association Force-ouvrière consommateurs (AFOC), qui a relevé que les services restaient le « parent pauvre de la normalisation » et qu'afin de renforcer la qualité de ceux-ci pour les consommateurs, l'activité de normalisation devait se développer davantage en ce domaine.

Au niveau européen et international, le développement de la normalisation dans le secteur des services est également un objectif poursuivi tant par le CEN - notamment sous l'impulsion de la Commission européenne - que par l'ISO.

Cependant, ainsi que l'ont relevé plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, les normes développées dans les services sont de plus en plus de véritables normes « sociétales ».

En particulier, l'activité de normalisation a investi depuis une vingtaine d'années le domaine des ressources humaines . Tel est le cas, par exemple, des normes de management des ressources humaines 41 ( * ) ou de celles qui interviennent sur les questions de sécurité ou de santé au travail. Est notamment en préparation une norme ISO 45 001 relative aux systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail dont l'objet est d'établir « un cadre de référence pour l'amélioration de la sécurité des travailleurs, la réduction des risques sur le lieu de travail et la création de conditions de travail meilleures et plus sûres dans le monde entier ».

Ces normes posent question dans leur principe dans la mesure, notamment, où elles viennent préempter certains domaines qui relèvent en principe du jeu d'autres acteurs plus légitimes à les traiter. L'exemple en a été donné par la norme NF X50 juin 1993 (annulée en 2009) « Excellence commerciale - Emplois commerciaux - Méthode et identification » définissant, en réalité, une classification par niveaux, grades et échelons qui relève au premier chef de la convention collective, comme l'a rappelé à votre rapporteur M. Gambelli, intervenant au titre de la CPME.

De plus, lorsque ces normes sont adoptées dans le cadre international de l'ISO, elles peuvent donner naissance à des standards minimum, parfois éloignés de ceux exigés par la réglementation.

Certes, le principe de primauté de la réglementation sur la normalisation implique que ces standards ne pourront être appliqués tels quels et pour eux-mêmes, dans certains États. Néanmoins, ils pourront alors donner lieu à une activité de certification - ou pour les normes qui prévoient exceptionnellement l'absence de certification 42 ( * ) , à des mesures d'évaluation proches d'une certification - censée garantir le respect de prescription d'un niveau de « protection » ou d'exigences inférieur aux prescriptions légales , réglementaires ou conventionnelles.

Ainsi que l'a souligné lors de son audition Mme Anne Penneau, professeur de droit privé à l'Université de Paris 13, les référentiels relatifs à l'organisation des entreprises sont en effet très laconiques et mentionnent des lignes directrices plus que des prescriptions, la dernière version du projet de norme ISO 45 001, rendue publique le 19 mai 2017, en fournissant l'illustration la plus récente. À l'instar des normes ISO 9001 et 26 000, la fonction prescriptive de la norme en est, en réalité, absente.

C'est ce qui explique l'opposition exprimée par le groupe permanent du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) 43 ( * ) au développement de la normalisation dans les domaines transversaux. Dans un avis du 3 novembre 2016, ce dernier estimait que, dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, la normalisation constituait un facteur de complexité supplémentaire quant aux règles applicables et un phénomène qui soulève un « important problème démocratique ». Il relevait en particulier que « la certification induite par certaines normes ne saurait emporter d'assurance quant au respect du droit sur le fond. Il existe peu de garanties de mise en oeuvre effective des principes prévus par la norme, et évidemment moins que dans le cas d'une réglementation soumise au contrôle de l'administration et du juge . »

Votre rapporteur ne peut que partager ces critiques , tout en constatant que l'essor, au niveau international, de ce type de normes peut difficilement être arrêté . C'est pourquoi les acteurs français doivent prendre toute leur place dans le processus d'élaboration de ces normes - quel qu'en soit le niveau - afin de peser suffisamment pour, le cas échéant, faire écarter les solutions qui seraient contraires à nos lois et règlements ou aux engagements pris par les partenaires sociaux investis par l'État du pouvoir d'édicter certaines règles, voire qui méconnaîtraient les valeurs de notre République.

b) Les nouvelles technologies de l'information et de la communication

À mesure que se développent les technologies de l'information et de la communication (TIC), l'activité de normalisation dans ces domaines revêt un rôle de plus en plus fondamental. Au cours des cinq dernières années, des normes internationales sur des questions fondamentales des TIC ont ainsi vu le jour.

La normalisation dans le domaine du numérique

De nombreuses normes ont d'ores et déjà été adoptées, dans les domaines de :

- la terminologie et des principes : norme ISO/IEC 29100 « Privacy framework » de 2011 ;

- les lignes directrices pour mener des études d'impact sur la vie privée : norme (ISO/IEC 29134) « Privacy Impact Assessment » de 2017 ;

- la maturité dans les processus : norme ISO/IEC 29190 « Privacy capability assessment model » de 2015 ;

- les bonnes pratiques génériques pour la protection de la vie privée : norme ISO/IEC 29151 « Code of practice for personally identifiable information protection » de 2017 ;

- les bonnes pratiques de protection de la vie privée spécifiques au « cloud computing » : norme ISO/IEC 27018 « Code of practice for protection of personally identifiable information (PII) in public clouds » de 2014 ;

- les techniques de cryptographie : norme ISO/IEC 29191 « Requirements for partially anonymous, partially unlinkable authentication » de 2012 ; et norme ISO/IEC 18370 « Blind digital signatures » de 2016 ;

- les techniques d'anonymisation : norme ISO/IEC 20889 « Privacy enhancing data de-identification techniques » de 2017.

D'autres normes sont en cours d'élaboration pour définir les méthodologies et les bonnes pratiques de protection des données personnelles, outils essentiels pour accompagner les évolutions technologiques dans des domaines parfois sensibles comme l'Internet des objets, l'exploitation des données massives, ou le cloud computing .

De nouveaux sujets de normes sont également à l'étude pour établir des guides en matière d'information et de consentement des personnes concernées par un traitement de données à caractère personnel, de prise en compte du respect de la vie privée dans le développement des applications mobiles ou des cités intelligentes ( smart cities ). Pour l'avenir, l'une des priorités des autorités de contrôle européennes serait d'établir une norme d'exigences afin de réaliser des certifications de systèmes de management intégrant la protection de la vie privée.

De fait, il existe des enjeux technologiques majeurs dans les prochaines années.

C'est le cas des normes relatives aux technologies embarquées dans les véhicules autonomes, auxquelles commencent à réfléchir les organismes de normalisation. Ces mêmes enjeux se retrouvent également, de façon connexe, dans le développement des voitures électriques . Ainsi que l'a souligné M. Stéphane Dupré La Tour, le raccordement des voitures électriques aux bornes de recharge peut aussi permettre des échanges de données et d'informations entre les éléments électroniques embarqués dans les véhicules et le réseau qui alimente les bornes de rechargement ; ces nouvelles potentialités donnent actuellement lieu à des batailles technologiques entre plusieurs acteurs de la normalisation, des projets de normes ayant été présentés par plusieurs pays (France, Pays-Bas, Allemagne, Chine, États-Unis).

L'enjeu du numérique est d'autant plus stratégique qu'il a des ramifications dans des domaines essentiels de la souveraineté des États et des libertés publiques . Il met notamment en cause les capacités de surveillance et de contrôle des autorités civiles et militaires ou, plus généralement, la protection des données numériques des individus.

Ainsi, lors de son audition, M. Jean-Baptiste Carpentier, commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques, a mis en exergue les enjeux de souveraineté essentiels s'attachant à l'activité de normalisation internationale, conduite sous l'égide de l'ISO, dans le domaine numérique, notamment en ce qui concerne la protection des données numériques, le chiffrement ou les techniques d'interception.

c) L'agriculture et l'alimentation

Les questions alimentaires et agricoles prennent une place majeure à l'international. Traditionnellement forte dans la production agricole et l'industrie alimentaire, la France doit saisir pleinement l'opportunité que fournit la normalisation au niveau européen et international.

À l'heure où les pays émergents (à commencer par le Brésil et la Chine), forts de leur puissance démographique et de leurs vastes surfaces agricoles, sont des acteurs de plus en plus incontournables, il est essentiel que la France investisse fortement - dans le cadre de son propre système de normalisation comme à l'international ou au niveau européen - les questions du développement de la production agricole , de la qualité et de la sécurité de l'alimentation , et de la meilleure prise en compte des enjeux environnementaux et de développement durable . En outre, la normalisation est un enjeu en soi face à la croissance exponentielle des normes totalement privées mentionnées notamment par les distributeurs d'envergure nationale, européenne voire internationale dans les cahiers des charges qu'ils imposent à leurs fournisseurs.

Certes, la France est très active au sein de l'ISO (où elle a la responsabilité notamment du comité technique TC 34 « Produits alimentaires ») et du CEN (elle y assure en particulier le secrétariat du comité technique TC 194 « Ustensiles en contact avec les denrées alimentaires »). Elle a aussi développé ses propres normes, notamment, très récemment, la norme NF V 01-015 « Traçabilité et sécurité des aliments - Management et hygiène - Évaluation du niveau d'hygiène en restauration commerciale », publiée en 2016.

Les chantiers restent néanmoins immenses , qu'il s'agisse de développer des normes de management des entreprises agricoles ainsi que des chartes de productions agricoles, de dégager des pratiques dans le domaine émergent et prometteur des biostimulants, de la valorisation de la biomasse d'origine agricole ou forestière, des spécifications de qualité pour plusieurs catégories d'aliments ou de la mise en place de normes de responsabilité sociale et environnementale spécifiques pour le secteur agricole et agroalimentaire.

Or, dans son rapport au ministre du commerce extérieur, Mme Claude Revel regrettait que tant la France que l'Union européenne ne soient pas assez « présentes et actives pour faire face aux menées concurrentielles importantes de certains États, au premier rang desquels les États-Unis et leurs alliés, et certains BRICS . » 44 ( * ) Notre pays, en s'appuyant sur ses alliés européens, ne doit donc pas se laisser imposer des normes mais doit au contraire davantage encore être une force d'impulsion pour mener une politique de normalisation favorable à notre culture de pays agricole et à l'excellence de notre production agroalimentaire.

Cette normalisation menée à l'ISO et au CEN doit en outre intervenir en concertation avec les autres initiatives qui concourent à définir des recommandations internationales en la matière. Il en va ainsi, notamment, du Codex Alimentarius 45 ( * ) et de l'Office international de la santé animale (OIE). 46 ( * )

Ces trois domaines de normalisation apparaissent stratégiques, mais d'autres, comme la transition énergétique notamment, doivent être également fortement investis par les acteurs français.

Recommandation n° 5 : Investir fortement les domaines les plus stratégiques de la normalisation, notamment les services, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'agriculture et l'alimentation.

C. UN MOYEN DE RÉDUIRE LA COMPLEXITÉ LÉGISLATIVE OU RÉGLEMENTAIRE

1. Des normes qui permettent à la législation ou la réglementation de se borner à prescrire des objectifs à atteindre
a) Mieux jouer de la complémentarité entre normalisation et réglementation

Comme l'avait souligné le Conseil d'État dans son étude sur le « droit souple » en 2013, la normalisation peut participer au recentrage et à l'allégement de la norme juridique - c'est-à-dire le « droit dur » -, qu'il s'agisse de la loi ou du règlement.

La norme volontaire peut en effet entretenir avec la réglementation une relation de complémentarité reposant sur une différenciation conceptuelle de leur rôle :

- la loi ou le règlement , prescriptifs et juridiquement obligatoires pour les acteurs, peut fixer des objectifs à atteindre , en termes par exemple de sécurité des produits ou de qualité essentielle attendue d'un service ou d'un bien. La réalisation et le respect de ces objectifs sont alors juridiquement sanctionnés ;

- la norme volontaire , elle, peut venir à l'appui de la réglementation pour proposer un ou plusieurs moyens techniques reconnus par les pairs comme les mieux à même de réaliser ces objectifs.

Dans cette conception, norme et réglementation ont chacune leur légitimité en assurant une fonction différente l'une de l'autre. Cette relation a été illustrée par le Bureau de normalisation de la construction métallique : dans le domaine de la construction, afin de répondre aux exigences de protection des personnes et des biens, vis-à-vis du risque incendie ou du risque sismique, posés par la réglementation, les normes volontaires fournissent des méthodes d'analyse et des solutions techniques, élaborées de manière consensuelle par les groupes d'experts, sur la base de leurs connaissances techniques et de leur retour d'expériences.

Pour les acteurs du système de normalisation, cette complémentarité présente de nombreux avantages .

Mme Lydie Évrard, alors déléguée interministérielle aux normes, a souligné devant votre rapporteur combien ce rapport de complémentarité permettait de préserver l'innovation : la norme, compte tenu de son mode d'élaboration et de son processus de révision périodique, permet en effet d'épouser au plus près les évolutions de l'état de l'art et, ainsi, d'incorporer dans le corpus de la normalisation les modifications les plus récentes validées par les pairs.

Le Bureau de normalisation des fertilisants a, quant à lui, mis en exergue le fait que les normes volontaires, dans la mesure où elles sont rédigées par les acteurs, peuvent s'appliquer à des situations plus spécifiques et plus précises qu'un texte réglementaire, qui cible un périmètre souvent plus large. En outre, selon le Bureau de normalisation de la céramique, la réglementation peut avoir tendance à s'imposer aux marchés en remettant en cause un environnement établi, alors que les normes volontaires modèlent l'environnement par la concertation des différentes parties prenantes.

Votre rapporteur souligne qu'il ne faut pas, pour autant, tomber dans une vision manichéenne qui conduirait à nier l'importante concertation préalable à l'adoption de la loi ou du règlement, mais il est évident que le fait que les normes soient élaborées par les acteurs eux-mêmes - souvent les ingénieurs des entreprises - et non par les organisations représentatives comme c'est le cas pour la réglementation, confère une proximité « opérationnelle » plus importante à la normalisation. Il partage donc l'appréciation formulée au cours des auditions selon laquelle les conséquences induites par la normalisation volontaire sont souvent plus prévisibles du fait du travail effectué conjointement avec les parties prenantes en amont, permettant une meilleure anticipation des évolutions du marché.

C'est d'ailleurs sur cette complémentarité que s'appuie la « nouvelle approche », retenue - depuis plus de trente ans - par l'Union européenne.

LA « NOUVELLE APPROCHE » DE L'UNION EUROPÉENNE

Dans sa résolution du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d'harmonisation technique et de normalisation , le Conseil, reconnaissant la contribution de la normalisation à la libre circulation des produits industriels, à la création d'un environnement technique commun à toutes les entreprises, à la compétitivité industrielle tant sur le marché communautaire que sur les marchés extérieurs, a adopté quatre principes fondamentaux pour l'élaboration des directives :

- une harmonisation législative limitée à des exigences essentielles de sécurité (ou d'autres exigences d'intérêt collectif) auxquelles doivent correspondre les produits mis sur le marché et qui, de ce fait, bénéficient de la libre circulation dans l'Union européenne ;

- l'élaboration des spécifications techniques de fabrication confiée aux organes compétents en matière de normalisation industrielle , qui le font en tenant compte de l'état de la technologie ;

- l'absence de caractère obligatoire des spécifications techniques qui conservent leur statut de normes volontaires;

- l'obligation pour les administrations nationales de reconnaître aux produits fabriqués conformément aux normes harmonisées une présomption de conformité aux exigences essentielles établies par la directive. Dans les cas où le producteur ne fabrique pas selon ces normes, la charge de la conformité de ses produits avec les exigences essentielles lui incombe.

Environ quarante textes de l'Union européenne - essentiellement des directives relatives à la sécurité des produits - fondés sur cette nouvelle approche, sont aujourd'hui en vigueur. Environ 4 400 normes harmonisées du CEN-Cenelec et 500 normes harmonisées de l'ETSI en assurent la mise en oeuvre.

Dans leur récent rapport d'information, M. Jean Bizet et plusieurs de nos collègues de votre commission des affaires européennes jugeaient, comme du reste la plupart des personnes entendues lors des auditions conduites par votre rapporteur, la méthode retenue par cette « nouvelle approche » particulièrement pertinente, notamment en ce qu'elle évite la multiplication de textes européens trop précis ou difficiles à faire évoluer. 47 ( * ) De fait, le caractère facilement et périodiquement « révisable » des normes volontaires assure leur actualisation au regard des nouveaux procédés techniques disponibles, pour poursuivre dans de meilleures conditions l'objectif défini par la réglementation européenne.

Le recours à cette approche n'est pourtant pas systématique au sein de l'Union européenne, une partie de la réglementation européenne continuant de fixer des solutions techniques. Tel est le cas du règlement (UE) n° 305/2011 du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation des produits de construction, qui rend certaines normes en toute ou partie obligatoires et fixe des solutions techniques (en termes de seuils et de classes) par crainte des entraves potentielles aux échanges. Le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction des bâtiments (BNTEC) estime que, de ce fait, plus de 100 normes du secteur de la construction ne peuvent faire l'objet d'une évolution, ce qui porterait préjudice tant à l'industrie de la construction qu'aux utilisateurs.

En outre, lors de son audition, M. Stéphane Dupré La Tour, président du CCPN, a souligné que l'adoption de directives « nouvelle approche » était entravée ces derniers mois par les craintes soulevées par les services juridiques de la Commission européenne de voir la responsabilité de l'Union européenne engagée à raison du contenu des normes auxquelles font référence les directives, alors pourtant qu'elles sont le fait d'organismes qui ne font pas partie du système institutionnel européen.

Votre rapporteur estime que ces considérations juridiques ne doivent pas conduire à abandonner un système qui a fait ses preuves depuis trente ans. Il estime au contraire que la France doit elle-même davantage recourir, pour sa propre législation ou réglementation, à cette approche basée sur la complémentarité.

b) Favoriser davantage le recours à la « nouvelle approche » en France

Dans leurs contributions écrites, le Bureau de normalisation du pétrole comme l'Union de normalisation de la mécanique indiquaient que la normalisation volontaire était de nature à réduire la complexité administrative à condition que l'administration intègre en contrepartie une réduction ou , à tout le moins, une simplification des réglementations qui se superposent au corpus de la normalisation . Votre rapporteur partage pleinement ce constat.

C'est pourquoi elle regrette qu'en ce qui concerne sa propre législation ou réglementation, la France n'ait pas formalisé le recours à la « nouvelle approche ».

Certes, en termes de légistique, c'est bien l'une des voies retenues par le pouvoir réglementaire. Ainsi, la direction générale des entreprises, au sein du ministère de l'économie et des finances, publie désormais un Guide relatif au bon usage de la normalisation dans la réglementation qui promeut en partie une telle approche. On peut d'ailleurs citer un exemple récent d'une telle approche, relevé par plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur : l'arrêté du 19 septembre 2016 relatif aux caractéristiques des gants portés par les conducteurs et les passagers de motocyclette, de tricycle à moteur, de quadricycle à moteur ou de cyclomoteur. Afin de mettre en oeuvre l'obligation, désormais prévue par l'article R. 431-1-2 du code de la route, pour tout conducteur ou passager d'un de ces véhicules de porter des gants conformes à la réglementation relative aux équipements de protection individuelle, cet arrêté renvoie au « marquage CE », lequel ne peut être apposé que si ces équipements répondent à la norme NF EN 13594 juillet 2003 « Gants de protection pour motocyclistes professionnels - Exigences et méthodes d'essai ».

Cependant, il semble exister encore des réticences, dans certains ministères techniques , à faire évoluer la réglementation vers une plus grande place laissée aux activités de normalisation. Selon les représentants des entreprises entendus, cette situation provient en partie d'un manque d'horizontalité dans l'approche légistique, chaque ministère technique adoptant l'approche qu'il estime être la plus légitime.

Votre rapporteur estime donc qu'une plus grande formalisation d'une telle approche devrait être opérée, qu'il s'agisse du domaine de la loi ou du domaine du règlement. Elle traduirait ainsi un principe de subsidiarité et de complémentarité : la législation et la réglementation devraient limiter leur champ aux objectifs à atteindre en matière de qualité et de sécurité, laissant à la normalisation le soin de définir les moyens techniques les plus efficients pour y parvenir.

Recommandation n° 6 : Mieux affirmer le principe de la complémentarité de la réglementation et de la normalisation, en laissant à la norme le soin de définir les modalités techniques pour atteindre les objectifs de sécurité et de qualité fixés par le législateur ou le pouvoir réglementaire.

2. Tirer réellement parti du caractère volontaire des normes

Dans certains secteurs où la sécurité et la protection des personnes et des biens sont moins en cause, un processus de déréglementation peut également être envisagé au profit des normes volontaires. Ce phénomène doit d'abord passer par une réduction du nombre des normes d'application obligatoire.

a) Ne conférer un caractère d'application obligatoire aux normes qu'à titre très exceptionnel

La faculté offerte par l'article 17 du décret du 16 juin 2009 de rendre d'application obligatoire une norme volontaire est une facilité à laquelle le Gouvernement devrait ne recourir qu'à titre très exceptionnel .

Elle est certes utilisée, le plus souvent, dans des domaines où les pouvoirs publics ont jugé indispensable, pour des motifs de sécurité des personnes ou des biens, de retenir des spécifications techniques particulières, à l'exclusion de toute autre. Ainsi, selon M. Stéphane Dupré La Tour, président du CCPN, plus de la moitié des normes rendues d'application obligatoire relèvent du secteur de l'énergie. Tel est le cas, notamment, dans le domaine des installations électriques, de la norme NF C 15-100 « Installations électriques à basse tension ». Néanmoins, si cette dernière norme comporte, à l'évidence, des prescriptions destinées à assurer la sécurité des installations, il faut relever que d'autres peuvent être vues comme relevant davantage d'une volonté d'assurer un confort optimum de l'usager, ce qui est différent.

En revanche, il est très surprenant de rencontrer des normes d'application obligatoire pour des produits qui, manifestement, ne présentent aucun risque technique avéré. Un des exemples les plus contestables de l'utilisation de cette faculté est sans doute donné par la norme NF D27-405 Mars 2010 « Boîtes aux lettres à ouverture totale recommandées pour toutes habitations », qui prévoit divers procédés de fabrication et d'installation des boîtes aux lettres...

Votre rapporteur estime donc que seuls des impératifs de sécurité ou de santé publiques devraient conduire à rendre certaines normes d'application obligatoire. Et encore convient-il de n'y recourir qu'avec la plus grande parcimonie, dans la mesure où cette faculté soulève des inconvénients majeurs.

D'une part, elle méconnaît l'objet même de la normalisation - on peut même parler de son « avantage comparatif » par rapport à la réglementation - qui est de suggérer une voie technique à la réalisation d'objectifs de sécurité ou de qualité.

D'autre part, ainsi que l'a souligné M. Valéry Laurent, directeur du BNTEC, le fait de rendre des normes volontaires d'application obligatoire présente le risque de « cadenasser » le marché en bloquant la possibilité de voir d'autres solutions plus performantes se développer pour le plus grand profit des consommateurs. À l'extrême, ce mécanisme peut même créer des « parts de marché » non souhaitables privilégiant telle ou telle solution au regard des règles de la concurrence.

L'exemple en serait donné, en particulier, par les normes « NF DTU ». Rendues d'application obligatoire, ces normes décrivent des clauses types de marchés de travaux. Selon le rapport du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) sur la normalisation dans le secteur du Bâtiment 48 ( * ) , cette situation freine l'optimisation des contrats et le pouvoir de négociation des parties, tenues de respecter un contrat-type figé par la réglementation, et confèrerait par ailleurs un aspect réglementaire à des normes volontaires utilisées parfois à charge contre les acteurs.

Enfin, surtout, il pose des problèmes juridiques d'accès à la norme , dès lors que les normes volontaires sont couvertes par des droits de propriété intellectuelle dont sont titulaires les organismes de normalisation qui exigent, en contrepartie de leur diffusion, une rémunération. 49 ( * )

Dans ces conditions, les dispositions du décret du 16 juin 2009 devraient être modifiées afin d'affirmer plus encore le caractère exceptionnel de la faculté posée par son article 17 et de réserver expressément son utilisation à des situations dans lesquelles l'impératif de sécurité ou de santé publique impose nécessairement le recours à une norme spécifique.

Recommandation n° 7 : Réserver à des situations exceptionnelles, lorsque l'impératif de sécurité ou de santé publique l'impose véritablement, la possibilité de rendre une norme d'application obligatoire.

En outre, M. Stéphane Dupré La Tour a souligné que certaines des normes rendues obligatoires par la réglementation française étaient particulièrement anciennes, ayant parfois trait à des technologies pratiquement disparues, comme celles relatives aux cuisinières à charbon ou au papier carbone utilisé en son temps pour les machines à écrire...

Par ailleurs, d'autres normes visées par la réglementation ont été révisées, sans pour autant que la réglementation elle-même ait pris en considération ces modifications, de sorte que celle-ci renvoie aujourd'hui à des versions de normes annulées par les organismes de normalisation et qui, d'un point de vue technologique, sont dépassées. Un exemple, parmi d'autres, est donné par l'arrêté du 4 mars 1996, toujours en vigueur, portant codification des règles de conformité des matériels à gaz aux normes les concernant lorsqu'ils sont situés à l'intérieur des bâtiments d'habitation et de leurs dépendances ainsi que dans les caravanes, autocaravanes et fourgons aménagés, qui rend notamment d'application obligatoire la norme NF E29-190-2 Mai 2011 « Appareils de régulation de pression de gaz (régulateurs) pour réseaux de distribution et branchements - Partie 2 : régulateurs de type B », pourtant annulée le 15 novembre 2014 à l'issue de sa révision périodique par les instances de normalisation...

Or, une telle situation est d'autant plus condamnable lorsque des impératifs de sécurité sont en cause, puisque cela interdit aux acteurs de suivre des spécifications techniques plus récemment développées, le cas échéant mieux à même de protéger les personnes et les biens contre la survenue de certains risques.

Votre rapporteur estime donc que, lorsque le choix a été fait de rendre une norme d'application obligatoire, il est indispensable que les services ministériels réévaluent périodiquement l'intérêt de ce choix, à l'aune notamment d'une révision de la norme concernée. Et, si ce choix est maintenu, il convient alors que l'acte réglementaire vise précisément cette norme dans sa version révisée.

Recommandation n° 8 : Lorsqu'une norme a été rendue d'application obligatoire, réévaluer périodiquement l'intérêt de ce choix, à l'aune notamment d'une révision de la norme concernée.

b) Tirer pleinement avantage du caractère volontaire des normes

Le « standard » issu de l'activité de normalisation est souvent imposé dans les relations contractuelles ou quasi-contractuelles afin de déterminer des exigences de qualité et, dans le même temps, de disposer d'un référentiel pratique pertinent pour définir les conditions techniques dans lesquelles une prestation devra être exercée et, le moment venu, pour déterminer que la prestation a effectivement respecté les préconisations mentionnées dans ce référentiel. C'est, du reste, l'une des raisons pour lesquelles on trouve souvent, dans les contrats privés ou les contrats de marchés publics, des renvois aux « normes en vigueur » pour leur exécution.

Cependant, ainsi que le relève le rapport de la mission d'évaluation du CSCEE, « [C]e qui pouvait encore être vrai au début du vingtième siècle, ne l'est plus du tout aujourd'hui : un professionnel ne peut plus se vanter de connaître toutes les règles de l'art potentiellement rattachées à ses activités. Les maîtres d'ouvrage (sachant ou non, publics ou privés) ou les acteurs de la maîtrise d'oeuvre sont dans la même situation. Par habitude, les pièces de marché qu'ils rédigent renvoient « aux normes en vigueur » dans le contrat, en oubliant souvent la part de travail préalable à faire vis-à-vis de ces « normes » pour que le marché soit un contrat bien construit et équilibré. Cette situation n'est pas acceptable et est source systématique de litiges. » 50 ( * )

Pourtant, l'un des avantages de la normalisation par rapport à la réglementation est bien que les intéressés ne sont pas tenus d'appliquer les normes volontaires nouvelles ou les versions éventuellement révisées de ces normes. Il en va ainsi, en particulier, lorsque les normes imposent des nouvelles exigences qui, dans le cadre d'un bilan coût/avantage, peuvent apparaître inutiles. Il n'est pas nécessaire de rechercher toujours la meilleure qualité technique abstraite d'un produit ou d'une prestation : il faut l'adapter aux besoins réels, ce qui n'impose pas nécessairement le recours à la dernière norme publiée ...

S'exprimant au titre du Bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction des bâtiments, M. Valéry Laurent a ainsi évoqué devant votre rapporteur quelques exemples dans le domaine de la construction : d'une part, l'utilisation des « Eurocodes » (normes de calcul) qui peut nécessiter l'achat de nouveaux logiciels et une formation spécifique qui ne sont pas toujours à la portée de l'ensemble des acteurs ; d'autre part, l'application de normes industrielles de produits de construction, notamment en menuiserie ou en sécurité incendie, qui imposent certains modes de preuves parfois coûteux alors que des modélisations ou des partages d'expériences pourraient tout autant être utilisés.

Il convient donc que les acteurs d'un secteur économique (qu'il s'agisse des donneurs d'ordres - notamment les collectivités territoriales pour leurs marchés publics - comme des prestataires ou fournisseurs) soient conscients du fait :

- qu'ils peuvent ne décider d'appliquer les normes que si cette application leur paraît techniquement ou économiquement judicieuse, et en rapport avec l'attente de leur donneur d'ordre ;

- qu'ils peuvent sélectionner, entre les différentes normes disponibles, celles qui conviennent le mieux à leur stratégie et leur activité.

Recommandation n° 9 : Mieux informer les acteurs économiques, notamment les PME et TPE, que les normes sont, avant tout, d'application volontaire et qu'ils peuvent en outre choisir, parmi plusieurs normes, celles qu'ils considèrent les mieux à même assurer la bonne exécution de leur prestation.

Pour ce faire, néanmoins, il faut que se développent véritablement une évaluation de la qualité de la norme et une information sur celle-ci.

c) La nécessité de développer une évaluation de la « qualité » des normes

Une fois une norme adoptée et publiée, est-elle pour autant adaptée à tous les acteurs d'un secteur économique ? La question est réelle et reste sans réponse efficace à ce jour.

Actuellement, ce n'est qu'au bout de quelques années que l'on peut juger qu'une norme est ou non adaptée aux besoins réels des acteurs. Ainsi que l'a souligné M. Alain Costes, directeur de la normalisation d'AFNOR, la qualité d'une norme se juge in fine par son application concrète ou non par les acteurs économiques. Seul son échec ou son succès commercial atteste donc de sa qualité.

Il n'existe en revanche pas d'analyse véritablement critique de la qualité de la norme lorsque celle-ci est publiée, qui mettrait en exergue ses apports et ses contraintes. Le postulat est que, dès lors qu'elle émane du consensus des acteurs, une norme est censée être pertinente. Pourtant, tel n'est pas toujours le cas pour tous les opérateurs économiques d'un secteur déterminé. Ainsi, une norme facilement applicable dans une grande entreprise, ou dans un secteur d'activité spécifique, ne le sera pas nécessairement dans une ETI, une PME ou une TPE sous-traitante... En particulier, les normes « transversales » qui se développent en matière d'énergie, de santé, de rémunération, de gestion du risque ou de gestion RH peuvent, par la rigidité d'organisation qu'elles promeuvent, conduire à ajouter des contraintes particulièrement lourdes pour les plus petites entreprises.

Certes, pour bénéficier d'une information « qualité » de la part des utilisateurs des normes, l'AFNOR a mis en place depuis février 2017, pour chaque nouvelle norme qu'elle publie, un « QR code » permettant aux utilisateurs de la norme d'adresser directement à l'AFNOR leurs commentaires ou observations. Ce dispositif technique est de nature à faciliter le « retour » des acteurs économiques sur les défauts ou malfaçons qu'ils y auraient décelé, mais il est trop récent pour déterminer s'il remplit efficacement un rôle d'information sur la qualité de la norme.

Aussi, pour que les acteurs économiques puissent être véritablement informés sur l'intérêt d'une norme, le rapport de la mission d'évaluation du CSCEE préconise-t-il de rendre publique « l'évaluation » opérée par l'AFNOR, en liaison avec la direction générale des entreprises, dans le cadre de la procédure d'homologation des normes européennes ou internationales.

En effet, de façon systématique, l'AFNOR recense les éléments saillants de la procédure d'élaboration des normes avant leur homologation. Établi sous la forme d'une « grille à points », ce travail reprend notamment les éléments suivants :

- la position de la commission française au moment de l'inscription au programme - les normes franco-françaises étant jugées utiles a priori ;

- le degré de priorité donné au sujet par la commission ;

- l'utilisation de la norme pour la certification ; son positionnement par rapport à la réglementation ; son caractère de norme fondamentale ou de norme horizontale d'intérêt général ;

- la position de la commission française au moment de l'approbation formelle du document ;

- l'évaluation globale.

Lors de son audition, M. Valéry Laurent, directeur du BNTEC, a indiqué que la diffusion des résultats de ce recensement pourrait faciliter la détermination par les acteurs de la norme la plus pertinente en cas de normes dissemblables susceptibles de s'appliquer à une même opération. Cependant, M. Alain Costes, directeur de la normalisation d'AFNOR, a insisté sur le fait que ce travail était avant tout un « quality check », c'est-à-dire portait sur le respect des étapes du dispositif d'élaboration sans véritablement apporter d'appréciation qualitative sur la norme adoptée. Du reste, cette grille d'analyse devrait faire l'objet d'une refonte dans le cadre du contrat d'objectifs 2016-2018 conclu entre l'État et AFNOR.

La mise à disposition au public d'un résumé factuel et objectif de la position des acteurs du processus d'élaboration d'une norme pourrait sans doute permettre de mieux appréhender la réalité du consensus qui l'a fait naître. Elle ne pourrait toutefois guère aller au-delà et fournir une véritable évaluation de la « qualité » de la norme.

Votre rapporteur estime d'ailleurs qu'il ne serait pas envisageable de demander à l'AFNOR qu'elle procède à une véritable évaluation des avantages ou des contraintes contenus dans telle ou telle norme. Sa légitimité à prendre parti sur la qualité d'une norme qu'elle contribue à produire et dont elle tire profit financier serait en effet assurément discutable. Elle l'est d'autant plus s'agissant des normes CEN/Cenelec, dans la mesure où les règles de la normalisation européenne imposent d'homologuer et de publier en France toute norme européenne, indépendamment de sa pertinence sur le marché français.

En revanche, en ce domaine de la normalisation comme dans d'autres, le rôle des organisations professionnelles peut s'avérer déterminant pour informer les entreprises qui leur sont affiliées des inconvénients, voire des difficultés, que peuvent poser certaines normes pour l'exercice de leur activité.

Par exemple, dans le domaine du bâtiment, la Fédération française du bâtiment (FFB) ou la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), compte tenu de leur participation aux travaux de normalisation, devraient mener encore davantage d' actions « pédagogiques » et, le cas échéant, mettre en garde contre les effets induits de l'utilisation de certaines normes , fussent-elles homologuées, de façon générale ou à l'égard de certains acteurs du marché seulement, notamment les PME et TPE.

Recommandation n° 10 : Inciter les organisations professionnelles à davantage informer les acteurs économiques de leur secteur des contraintes ou des risques liés à l'application de certaines normes pour la conduite de leur activité.

En outre, lorsque des normes adoptées notamment au niveau international ou européen peuvent mettre en cause certaines politiques publiques ou s'avérer contraire aux intérêts stratégiques de la France, il appartient à l'administration d'attirer l'attention des acteurs économiques sur l'effet induit potentiellement néfastes de celles-ci.

III. DONNER À LA FRANCE LES MOYENS DE MIEUX PESER DANS UN PROCESSUS DE NORMALISATION QUI DOIT RESTER GUIDÉ PAR L'INTÉRÊT GÉNÉRAL

La normalisation, bien qu'émanation des acteurs privés, doit s'efforcer de poursuivre la réalisation d'un intérêt commun, c'est-à-dire refléter un consensus réel de la société, sans favoriser outrageusement certains acteurs ou certaines catégories d'entre eux. Or, des points de vigilance doivent être mis en exergue afin que certaines pratiques ne viennent pas remettre en cause le cercle vertueux assuré par la normalisation .

Les rapports précités de Mme Claude Revel puis de Mme Lydie Évrard ont mis en évidence une prise de conscience générale des besoins d'investir davantage le champ de la normalisation. Le système d'élaboration résultant du décret du 15 juin 2009 a montré ses potentialités. Néanmoins, plus de huit ans après sa mise en place, il doit faire l'objet d'aménagements destinés à renforcer son efficacité et à favoriser son rôle d'intérêt général, ce qui implique de mieux impliquer les acteurs, de renforcer son pilotage et d'investir encore davantage les instances européennes et internationales de normalisation.

A. LES POINTS DE VIGILANCE DU PROCESSUS DE NORMALISATION

1. Mieux s'interroger sur la légitimité à normaliser certaines activités

Ainsi que l'avait noté Mme Claude Revel dans son rapport de décembre 2012 au ministre du commerce extérieur, alors notre collègue Nicole Bricq, se développe un « marché et des professionnels de la norme privée » . Dans ce contexte, il importe que l'activité de normalisation conserve comme objectif premier la réalisation d'un intérêt commun .

À cet égard, le premier écueil à éviter est que la normalisation soit une activité qui « s'auto-alimente », sans répondre aux besoins de la majorité des acteurs de l'économie. C'est ce que plusieurs interlocuteurs ont mentionné, lors des auditions, en utilisant le concept de « sur-normalisation ».

En effet, selon plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, certaines normes ou projets de normes ne répondent pas aux besoins du marché ou ont au contraire pour seul objet de créer de nouveaux marchés de services. Ainsi, le « marché appelant la norme » , certaines normes élaborées ne le seraient pas nécessairement en faveur du plus grand nombre des acteurs de l'économie, mais bien plutôt pour ouvrir un nouveau « marché » pour une petite minorité d'entre eux.

Des normes adoptées peuvent ainsi avantager notoirement certains acteurs économiques au détriment d'autres opérateurs, en alourdissant fortement les obligations pesant sur les entreprises. De façon générale, l'activisme à l'ISO de certains acteurs économiques, notamment anglo-saxons, dans le domaine de l'audit, de la comptabilité et de la finance pour faire adopter des normes très favorables au développement de leur propre activité a été unanimement dénoncée au cours des auditions. M. Frank Gambelli, représentant de la CPME, a en particulier évoqué la norme FD X30-024 de juillet 2014 « Guide pour la conduite des missions de vérification telles que prévues à l'art L. 225-102-1 du code de commerce ». Élaborée à la demande notamment des sociétés d'audit et de commissariat aux comptes, cette norme, annulée en novembre 2016, a été fortement contestée par les entreprises, dans la mesure où elle induisait des contraintes particulièrement lourdes en matière de reporting des entreprises, allant au-delà de ce qu'exigent les textes législatifs ou réglementaires.

Dans d'autres cas, la norme est présentée comme tournée presque exclusivement vers la potentialité de voir se développer une activité de certification qui lui serait liée.

La « sanction » d'une norme qui ne serait pas adaptée au marché peut certes être immédiate : elle se caractérise par le fait que peu d'acteurs économiques décident de se l'appliquer, ce qui peut conduire à terme à sa suppression pure et simple au cours du processus de révision. Toutefois, habilement présentées comme nécessaires aux entreprises et valorisées auprès de leurs clients potentiels comme garantes d'une qualité indispensable, ces normes peuvent rapidement prospérer et s'imposer de facto - au moins pendant un certain temps - au plus grand nombre, qui n'aura alors, compte tenu de la pression commerciale associée au respect de la norme, qu'à accepter d'en supporter les coûts immédiats .

De l'avis de la grande majorité des personnes entendues, et notamment de M. Valéry Laurent, directeur du BNTEC, ainsi que de MM. Franck Gambelli et Jacques Levet, représentant respectivement la CPME et le MEDEF, c'est bien la question de la maîtrise du flux des normes qui est posée.

Il est donc essentiel, dès la proposition tendant à engager un travail sur un nouveau projet de norme - qu'elle intervienne dans un cadre national, européen ou international - de pouvoir évaluer ses incidences économiques ou sociales potentielles sur l'ensemble des acteurs du marché concerné, c'est-à-dire de disposer d'une évaluation préalable suffisante de la légitimité d'une nouvelle norme. Ce constat, déjà formulé par l'Autorité de la concurrence dans son avis du 16 novembre 2015, implique de prêter une attention particulière au lancement d'une procédure d'élaboration d'une nouvelle norme, en imposant notamment :

- une explicitation par les promoteurs d'un projet de norme de son bilan coût/avantage pour le secteur économique concerné ;

- une diffusion préalable la plus large possible, ab initio , de toute proposition d'ouverture de travaux sur une nouvelle norme dans le secteur économique concerné afin de favoriser, dès cette étape, de premières réactions des professionnels susceptibles d'être concernés.

Sur ce point, M. Alain Costes, directeur de la normalisation de l'AFNOR, a rappelé que la procédure d'instruction mise en place à l'AFNOR, 51 ( * ) notamment pour les nouveaux domaines de normalisation, avait bien pour objectif d'assurer une évaluation préalable de la mise en travaux d'une nouvelle norme en constituant un dossier précisant l'objet de la norme, indiquant les entreprises susceptibles d'être intéressées et auxquelles l'information sur la demande de travaux doit être adressée. En pratique, l'instruction de la demande est confiée au CoS référent en fonction du secteur d'activités et du thème stratégique concernés. Il s'agit ainsi de recueillir l'avis des parties intéressées sur la proposition de création d'une nouvelle activité de normalisation et de valider la création ou non d'une commission de normalisation. Pour assurer une représentation équilibrée, le CoS détermine les catégories d'acteurs propres à son périmètre qui sont ensuite validées par le CCPN.

M. Alain Costes a néanmoins souligné la difficulté d'une évaluation qualitative poussée des propositions de nouveaux travaux , relevant qu'elle induit un risque d'« effet retard » préjudiciable à l'élaboration de normes portant sur des produits ou services totalement nouveaux. Peuvent être cités, à cet égard, les exemples des normes sur les conteneurs ou sur le format informatique « mpeg » qui n'auraient peut-être pas été développées à l'époque dans la mesure où elles visaient des process ou des technologies alors totalement innovantes et qu'il n'existait pas de marché pertinent pour analyser leur bien-fondé économique.

S'il reconnaît qu'une évaluation technique préalable peut s'avérer délicate , votre rapporteur estime en revanche que la publicité de tout nouveau projet de travail de normalisation doit bénéficier d'une publicité adéquate et suffisante . Il convient en effet que l'ensemble des acteurs potentiellement intéressés par la norme puisse, le cas échéant, prendre position ab initio sur la légitimité pour la normalisation d'investir un nouveau domaine. Cette publicité ne sera adéquate que si elle permet à des acteurs seulement indirectement concernés par un projet de norme, notamment transversale - ce qui est le cas, par exemple, des entreprises au regard des normes comptables ou d'audit - de prendre position sur la pertinence à normaliser.

Si l'AFNOR est, compte tenu du rôle qui lui est confié par le décret du 16 juin 2009, responsable de la diffusion de cette information préalable, il est important que sa connaissance des entreprises « cibles » soit aussi fine que possible. Pour ce faire, les bureaux de normalisation sectoriels, mais aussi les organisations professionnelles et, le cas échéant, les réseaux consulaires - chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat, voire les chambres d'agriculture - doivent également apporter une aide efficace pour mieux cibler les entreprises intéressées.

La direction générale des entreprises a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que l'amélioration tant du processus d'identification des parties susceptibles d'être intéressées par un sujet que des modalités selon lesquelles elles peuvent être associées figurait dans le contrat d'objectifs conclu entre l'AFNOR et l'État pour la période 2016-2018.

Recommandation n° 11 : Faire bénéficier tout nouveau projet de travail de normalisation d'une publicité adéquate et suffisante en favorisant une meilleure connaissance par l'AFNOR des entreprises potentiellement intéressées, grâce aux bureaux de normalisation sectoriels, aux organisations ou syndicats professionnels et, le cas échéant, aux réseaux consulaires.

2. La place des « accords d'ateliers » dans le système de normalisation

La légitimité du processus d'élaboration des normes est d'autant plus incontestable que ce dernier est ouvert . C'est là la garantie que les normes adoptées n'auront pas été imposées par des intérêts extérieurs aux acteurs qu'elles vont effectivement régir.

Or, à cet égard, se pose la question des « accords d'atelier » ou workshops ou consortiums entre grands acteurs économiques, notamment américains, chinois et coréens, qui développent des instruments de « para-normalisation » hors des procédures officielles de normalisation. Ce développement d'une sorte de « normalisation purement privée » , est notamment présent dans le secteur du numérique, par exemple avec le World wide web consortium (W3C) ou l' Advancing Open Standards for the Information Society (Oasis), qui se donnent pour objet de définir des standards pour Internet.

Ces démarches de normalisation privée créent des inquiétudes de la part d'un certain nombre d'acteurs économiques, notamment industriels, en raison de leur caractère moins ouvert et transparent que la normalisation « institutionnelle » menée dans le cadre des organismes de normalisation traditionnels. Souvent constitués par de grands groupes, ces consortia exigent souvent un « ticket d'entrée » très important, de nature à en rendre l'accès difficile pour beaucoup d'acteurs, en particulier les PME.

En outre, ces regroupements sont, le plus souvent, uniquement le fait d'acteurs de l'industrie, sans participation effective d'autres acteurs tels que les organisations non gouvernementales de protection de l'environnement ou de protection des consommateurs, ou de représentants de la puissance publique. Les différents intérêts de la normalisation traditionnelle n'y sont donc pas représentés dans les mêmes conditions. Dès lors, ces « ateliers » peuvent par nature imposer des standards qui avantagent notoirement certains acteurs au détriment d'autres.

Cette crainte est d'autant plus forte aux yeux de plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur que certaines réglementations y renvoient parfois expressément. Tel est le cas, en particulier, de la réglementation relative aux marchés publics. Tant la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics que son décret d'application en France 52 ( * ) prévoient ainsi que les spécifications techniques peuvent, le cas échéant, être formulées non pas seulement par des normes stricto sensu , mais aussi par « d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation », ce qui renvoie purement et simplement, selon le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction, aux accords d'ateliers « abrités » par les organismes européens de normalisation.

Aussi certaines personnes entendues par votre rapporteur ont-elles exprimé le souhait de voir l'activité de ces ateliers encadrée, voire limitée.

Afin que l'activité de normalisation menée dans le cadre des organes de normalisation « traditionnels » puisse conserver sa place prééminente dans l'élaboration de la soft law applicable aux entreprises à travers le monde, il convient effectivement d'éviter que se développent de façon trop importante, et a fortiori concurrente, les initiatives purement privées des entreprises.

Pour autant, votre rapporteur estime qu'il n'est guère envisageable d'interdire à des entreprises de se regrouper pour réfléchir à l'élaboration de standards. Cela pourrait d'ailleurs s'avérer très contre-productif pour l'innovation elle-même. En revanche, il convient, autant que possible, d'assurer des liens fonctionnels entre cette normalisation « privée » et la normalisation « institutionnelle » .

Ces liens existent d'ores et déjà. Ils s'illustrent, par exemple, par des collaborations entre Oasis et l'ISO ainsi que l'IEC, Oasis apportant une contribution effective aux travaux de comités techniques ou sous-comités relevant de ses domaines d'intervention (par exemple, les sous-comités ISO/IEC JTC 1/SC 34 « Description des documents et langages de traitement » ou ISO/IEC JTC 1/SC 37 « Biométrie »).

Parfois même, les organismes de normalisation « hébergent » des ateliers, voire suscitent des accords d'ateliers élaborés dans le cadre de travaux qui ne sont pas conduits par les organes de normalisation eux-mêmes mais seront ensuite publiés par ces derniers.

Ainsi, le CEN et le Cenelec ont défini une procédure de constitution de workshops , avec la mise en place d'instances de travail totalement séparées des commissions ou groupes de travail de ces organisations. Par ailleurs, la Commission européenne donne parfois mandat à ces organismes européens pour élaborer des accords d'ateliers faisant intervenir un groupe plus restreint et moins ouvert de participants aux travaux. Un exemple en est donné par l'accord d'atelier CEN (AACEN) sur les niveaux de compétence en matière de qualification EOD (NEDEX) dans l'action humanitaire contre les mines, d'octobre 2005.

Les difficultés suscitées par ces méthodes de travail , notamment au CEN, et leurs conséquences ont été parfaitement mises en lumière par la Commission pour la sécurité et santé au travail et la normalisation allemande (KAN - Kommission Arbeitsschutz und Normung ).

LES CRITIQUES DE LA KAN SUR LES ACCORDS D'ATELIERS SOUS L'ÉGIDE DU CEN/CENELEC

« Par principe, tout expert est invité à participer à l'élaboration d'un CWA [accord d'atelier]. Il n'existe toutefois aucune possibilité d'être informé régulièrement sur les nouveaux ateliers (par exemple par le biais du DIN [organisme allemand de normalisation]) ; il faut pour cela se renseigner soi-même constamment en consultant les pages adéquates du site web du CEN.

« Cet état de fait pose d'autres problèmes : « tout » signifie que la participation est également ouverte aux préventeurs originaires de pays non européens, les règles ne prévoyant en effet aucune restriction quant à la composition du cercle des participants .

« C'est ainsi par exemple que l'atelier 53 "Biosafety Professional Competence (BSP)" comptait plusieurs participants originaires des USA, qui se sont employés activement à faire valoir l'aspect de la biosécurité qui, aux États-Unis, constitue un enjeu beaucoup plus important .

« Un autre problème réside dans le fait que la participation entraîne souvent des frais de déplacement élevés. Étant donné que les participants aux séminaires peuvent être originaires de pays non européens, il est possible que des réunions se tiennent en dehors de l'Europe. Dans le cas du WS 55, deux des réunions plénières se sont déroulées à Séoul et à Atlanta, ce qui, de fait, rend une participation européenne plus difficile. Jusqu'à présent, le Guide du CEN/CENELEC concernant les CWA stipule uniquement que la réunion de démarrage doit, dans la mesure du possible, se tenir dans un pays membre du CEN/CENELEC ; il n'existe toutefois aucune règle contraignante à ce sujet.

« S'il est prévu qu'un CWA fasse l'objet d'une phase de commentaires publics, une prise de position peut être émise par les préventeurs. Les participants à l'atelier doivent en prendre connaissance, mais peuvent la rejeter en justifiant leur décision.

« Or, la KAN a constaté que certains des arguments ne relevaient pas d'un raisonnement logique, ou encore que des modifications, bien que convenues, n'étaient pas mises en oeuvre. La personne assurant la présidence de l'atelier décide du moment où le consensus est réalisé parmi ses participants. À ce stade de la procédure, il n'est alors plus possible d'influer sur le document ni d'empêcher sa publication.

« En cas de publication d'un CWA, seuls sont listées dans la préface les organisations (les pays, dans l'ancienne version du guide) qui en ont approuvé la publication. Les organisations qui, bien qu'ayant participé à l'élaboration du document, se sont prononcées contre sa publication ne sont pas mentionnées. Les noms des participants de l'atelier sont enregistrés au secrétariat des ateliers auprès du CEN/CENELEC Management Center (CCMC), mais ils ne sont pas publiés dans le CWA.

« Un autre problème réside dans le fait que, lors de l'examen d'un CWA, il est demandé uniquement aux anciens participants à l'atelier du CEN si le document doit être prolongé de trois ans, s'il doit être transformé en une norme, ou s'il convient de le retirer. Les autres parties prenantes ne peuvent donc influer que difficilement sur cette décision. »

Extraits du Document de position de la KAN sur la manière dont sont traités les aspects relatifs à la sécurité dans les spécifications (octobre 2013).

En outre, des oppositions se font jour parmi les acteurs nationaux de la normalisation à ce que les accords d'ateliers se développent dans certains domaines, compte tenu de la méthode d'élaboration qui y est retenue. C'est le cas, notamment, de la santé et de la sécurité au travail.

Votre rapporteur considère cependant que les accords d'ateliers peuvent être un moyen de faire avancer certaines réflexions techniques et qu' il est de l'intérêt du système de normalisation de ménager un lien avec eux de façon à pouvoir, le moment venu, intégrer les travaux d'élaboration de standards privés dans le cadre plus transparent et ouvert de la normalisation publique.

Le CEN/CENELEC a ainsi mis en place une procédure d'information par les ateliers qu'il abrite au profit des commissions ou groupes de travail qui relèvent des mêmes domaines de compétence afin, le cas échéant, d'être en mesure de prévenir des contrariétés dans leurs travaux.

CEN/CENELEC GUIDE 209 - WORKSHOP AGREEMENTS (NOVEMBRE 2014) (extraits)

« CEN/CENELEC Workshops are designed to meet a market need where an innovative technology has not reached a sufficient degree of stability for the development of a European Standard to be practicable.

« Workshops operate entirely separate from CEN/CENELEC technical bodies responsible for the development of European Standards, but this does not mean there cannot be an interface between them (...). Workshops have short-term tasks which are defined in their project plans. If the project plan envisages the need for long-term activity, it might be more appropriate to refer the task to a CEN/CENELEC technical body and this possibility should be explored before embarking on the task.

(...)

« Workshops can sometimes operate in the same domains as CEN/CENELEC technical bodies, especially if they are linked to research projects. In these cases, the following provisions shall apply :

«
• The Workshop shall report regularly to the relevant CEN/CENELEC technical body, either in person or by correspondence, highlighting the most important issues and any possible conflicts that arise.

«
• The CEN/CENELEC technical body may also request the Workshop Secretariat to provide any specific information it might require and has the right to send one representative to Workshop meetings as an observer, free of charge.

«
• On publication, the CWA shall be submitted to the relevant CEN/CENELEC technical bodies for assessment, with a view to possible transformation into a European Standard or other CEN/CENELEC deliverable.
»

Néanmoins, les organismes de normalisation ne doivent pas entretenir de confusion sur la nature des documents émanant de ces travaux qui, par leur mode d'élaboration, ne revêtent pas le caractère de transparence et de consensus des normes établies dans le cadre du processus « classique » de normalisation. Or, ainsi que l'a relevé M. Franck Gambelli, représentant la CPME, certaines pratiques d'organismes de normalisation peuvent entretenir cette confusion.

Recommandation n° 12 : Renforcer l'intégration des travaux d'ateliers pour favoriser, dès que possible, la mise en place de travaux de normalisation sur la base de ces standards, tout en veillant à éviter toute confusion sur leur statut.

3. Garantir un financement public suffisant de l'activité de normalisation

La question du mode de financement du système de normalisation et des effets pervers qu'il peut occasionner, doit être posée. Dans son rapport, la mission d'évaluation du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a d'ailleurs estimé qu'il devenait « manifeste que le modèle économique de la normalisation doit être revisité, sous l'égide des pouvoirs publics qui lui ont donné une légitimité institutionnelle ». 53 ( * )

En effet, le mode de financement de la normalisation ne doit pas être, par lui-même, une incitation à développer des normes en amont , avec l'objectif sinon principal du moins déterminant, de créer, en aval, une activité lucrative susceptible de financer l'activité de normalisation . Dès lors, c'est avant tout la part adéquate du financement public de la normalisation qui peut garantir toute dérive « commerciale ».

Or, en France, le financement public de la normalisation , qui intervient essentiellement par le biais des subventions budgétaires versées à l'AFNOR à partir du programme 134 du budget de l'Etat, est en diminution drastique et continue depuis 10 ans . De l'ordre de 16,5 millions d'euros en 2009, cette subvention a atteint seulement 8,16 millions d'euros en 2017 .

SUBVENTION ANNUELLE DE L'ÉTAT VERSÉE À L'AFNOR

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Subvention TTC effectivement perçue par AFNOR (après MER) (en millions €)

16,53

16,48

13,34

10,92

10,35

9,74

8,90

8,17

8,16

Subvention (HT)

(en millions €)

14,3

14,3

11,5

9,6

9,1

8,6

7,8

7,1

7,1

Source : Direction générale des entreprises.

Lors de son audition, M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité, de l'innovation et du développement des entreprises à la direction générale des entreprises, a expliqué que cette diminution était liée à l'état dégradé des finances publiques et à la réduction globale des lignes budgétaires inscrites au programme 134. Il a souligné que le contrat d'objectifs conclu, pour la période 2016-2018, entre l'État et l'AFNOR au titre de sa mission d'intérêt général tirait les conséquences de cette rigueur en fixant des actions visant à assurer une plus grande maîtrise des coûts.

Pour autant, votre rapporteur insiste pour que le financement public de l'activité de normalisation, qui se concrétise notamment par cette subvention, reste à un niveau suffisant.

D'une part, un financement suffisant de la mission d'intérêt général d'AFNOR permettra d'autant mieux à l'État d'asseoir la légitimité de son intervention dans le fonctionnement du système français de normalisation. D'autre part, il est également nécessaire pour prévenir des financements « substitutifs » qui reposeraient sur une « course à la norme » ou une « sur-normalisation » dont le but serait de produire de la norme pour en obtenir la rémunération par la voie de l'activité d'édition puis, dans un second temps, de la certification.

À cet égard, le niveau actuel de la subvention de l'État apparaît comme un plancher à ne pas dépasser. À défaut, le risque est grand de voir le système de normalisation français s'autonomiser de manière complète par rapport aux politiques publiques et à l'intérêt général et s'orienter dans une démarche proprement commerciale.

Recommandation n° 13 : Conserver un financement public suffisant de l'activité de normalisation pour préserver son caractère d'intérêt général.

B. MIEUX ASSURER L'IMPLICATION DES ACTEURS POUR DÉVELOPPER UNE « CULTURE DE LA NORMALISATION »

La normalisation ne doit pas être l'affaire de quelques spécialistes, aguerris au complexe système d'élaboration français, européen ou international. Elle doit fédérer davantage d'acteurs du monde économique mais aussi du monde associatif et de l'administration. Il est important de développer une vraie « culture de la normalisation » , comme il en existe dans des pays comme l'Allemagne.

En France, la prise de conscience de cet enjeu stratégique est réelle, mais elle demeure encore à parfaire, notamment à l'égard des PME et hors du domaine de l'industrie.

1. Favoriser l'appréhension des enjeux et avantages potentiels de la normalisation
a) Améliorer la connaissance des normes
(1) Former davantage sur le rôle et l'intérêt des normes

Connaître les normes, c'est d'abord décrypter un système d'élaboration très complexe et percevoir l'utilité de ce mode de régulation des activités économiques.

Or, comme l'a souligné lors de son audition Mme Lydie Évrard, alors déléguée interministérielle aux normes, la méconnaissance de la norme est d'abord liée à un déficit de formation . Les programmes des écoles d'ingénieurs ou de commerce font une place trop ténue au phénomène et aux mécanismes de la normalisation. En outre, parce que la normalisation ne relève pas du « droit dur », elle n'est pas un sujet d'étude en soi dans le cursus universitaire juridique.

C'est donc souvent « sur le tas » que les personnels nouvellement recrutés par les entreprises se confrontent à la normalisation, à la condition néanmoins que la culture de la normalisation y soit développée. Si, historiquement tel est bien le cas dans l'industrie, il n'en va cependant pas nécessairement de même dans les autres secteurs.

En outre, cette présence de la norme est plus prégnante dans les grandes entreprises que dans les PME. Or, comme le rappelait à votre rapporteur M. Valéry Laurent, représentant le BNTEC, certains secteurs de l'économie sont essentiellement constitués de PME et TPE : le bâtiment représente ainsi 500 000 entreprises dont 87 % sont des PME comportant moins de 20 salariés. Face à ces chiffres, le besoin de diffuser une culture de la normalisation dans les secteurs où les PME assurent l'essentiel du tissu économique apparaît particulièrement marqué.

Cette méconnaissance de la norme se révèle également dans le monde de la recherche française . De l'avis de plusieurs personnes entendues, le continuum entre la recherche appliquée et la normalisation n'existe pas - ou très peu - dans notre pays , alors qu'il est l'une des pierres angulaires du processus de normalisation ailleurs. M. Franck Gambelli, s'exprimant au titre de la CPME, a ainsi souligné que les sociétés savantes allemandes étaient très directement impliquées dans les travaux de normalisation. Or, ce lien fort entre recherche et normalisation permet de valoriser fortement les résultats de la recherche, en particulier dans un rapport de complémentarité avec la protection au titre de la propriété intellectuelle, qui s'opère essentiellement par le dépôt des brevets. Il est donc indispensable de renforcer ces liens.

Mais c'est aussi le système de normalisation lui-même que les entreprises doivent mieux cerner . Car dans le « labyrinthe » qui découle de la profusion des organes intervenant aux différents niveaux du processus d'élaboration des normes, les entreprises doivent, comme l'a souligné la déléguée interministérielle aux normes, Mme Lydie Évrard, lors de son audition, être à même d'identifier l'instance stratégique dans laquelle elles pourront intervenir pour faire valoir leurs solutions techniques ou simplement s'informer des évolutions qui intéressent leur secteur d'activité.

Dans ces conditions, le rôle des fédérations et organisations professionnelles est essentiel, compte tenu de la place spécifique qu'elles occupent indirectement dans le système de normalisation par le biais des bureaux de normalisation, et dans la mesure où leur fonction première est l'information de leurs membres sur l'environnement juridique et économique de leur secteur.

Elles doivent dès lors renforcer l'information de leurs adhérents sur le bénéfice de la normalisation et de la participation aux travaux de normalisation.

Recommandation n° 14 : Renforcer l'information, dans l'enseignement supérieur et la recherche, puis chez les professionnels, sur le bénéfice de la normalisation et de la participation aux travaux de normalisation.

(2) Mieux assurer l'accès aux normes

Plus généralement, l'accès aux normes reste difficile. Selon la CPME, les PME n'y ont pas toujours un accès effectif. De fait, des améliorations sont indispensables pour que, dans leur ensemble, les entreprises, et notamment les plus petites, aient une connaissance de la norme qui les concerne, à tout stade du processus d'élaboration.

Face au nombre des normes adoptées et à la multiplicité des stades d'élaboration des documents de normalisation, les entreprises qui ne participent pas directement aux travaux de normalisation d'un secteur déterminé peuvent avoir les plus grandes difficultés à assurer une simple veille . Or, c'est cette veille qui peut leur permettre, le moment venu, de s'intéresser au contenu d'une norme qu'elles pourront, le cas échéant, appliquer à leur activité, voire de participer au processus d'élaboration si elles l'estiment stratégique.

Mais la production normative est une véritable jungle : selon l'AFNOR, au 15 juin 2017, on dénombrait ainsi dans la collection française 54 ( * ) :

- 8 452 normes en conception ;

- 1 401 normes en réexamen ;

- 35 706 normes publiées .

Par ailleurs, à la fin mai 2017, 868 enquêtes publiques avaient été réalisées, sachant qu'en moyenne, l'AFNOR gère 2 000 enquêtes chaque année.

Dans ces conditions, on comprend la difficulté, pour des entreprises peu familiarisées avec le système de normalisation, de suivre régulièrement les travaux susceptibles d'intéresser leur activité.

L'AFNOR a néanmoins renforcé les moyens d'information du public en offrant depuis la fin de l'année 2015, par le biais de son site « norminfo.afnor.org », la possibilité de mettre en place des alertes pour l'ouverture d'enquêtes publiques ainsi qu'un mécanisme de suivi des étapes du processus d'élaboration de normes dans certains domaines ou secteurs d'activité. Il s'agit d'une grande avancée pour une meilleure diffusion de la normalisation auprès des entreprises.

Toutefois, l'existence même de ces potentialités devrait sans doute faire l'objet d'une meilleure information. Ainsi, en un an d'activité, le site n'a donné lieu qu'à la création de 6 843 comptes publics, et à seulement 459 alertes programmées. C'est encore fort peu, eu égard au nombre potentiel de personnes intéressées. Si l'AFNOR doit certainement trouver les moyens de mieux faire connaître ce nouveau système, le relais des organisations professionnelles ainsi que des organismes consulaires auprès de leurs ressortissants apparaît aussi essentiel.

(3) Garantir l'accès gratuit aux normes rendues obligatoires

L'article 17 du décret du 16 juin 2009 dispose que les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'AFNOR. Toutefois, les représentants des entreprises entendus ont souligné que l'accès gratuit à ces normes restait malgré tout encore malaisé et parfois impossible en pratique.

De fait, le site Légifrance comporte bien une liste des normes rendues obligatoires mais renvoie au site de l'AFNOR qui donne accès à l'ensemble du catalogue de normes françaises. Or, si l'accès gratuit aux normes d'origine française rendues obligatoires est possible, le bénéfice de cet accès nécessite un enregistrement préalable dans la base de données d'AFNOR, ce qui est perçu comme une contrainte inutile par certains utilisateurs ayant besoin très ponctuellement de prendre connaissance de telle ou telle de ces normes.

Surtout, le site de l'AFNOR n'autorise pas l'accès gratuit aux normes d'origine internationale ou européenne. En effet, à la demande de l'ISO, du CEN et du Cenelec, l'AFNOR n'assure plus la consultation gratuite des normes ISO, NF ISO, NF EN ISO et NF EN, ces organismes opposant les droits de propriété intellectuelle qu'ils détiennent sur ces normes et qui les mettent à même d'en interdire la diffusion à des conditions auxquelles ils n'auraient pas consenti.

Il en va ainsi, par exemple, de la norme NF EN ISO 15502 « Appareils de réfrigération à usage ménager - Caractéristiques et méthodes d'essai », rendue obligatoire par arrêté du 23 juillet 1987, modifié par arrêté du 16 juillet 1996, ou de la norme NF EN 28839 « C aractéristiques mécaniques des éléments de fixation - Vis, goujons et écrous en métaux non ferreux », rendue obligatoire par arrêté du 2 janvier 1995, modifié par arrêté du 13 octobre 1997.

Votre rapporteur juge cette situation inacceptable tant au regard de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 que de l'objectif constitutionnel d'accessibilité au droit. Dans la mesure où ces normes font l'objet d'une incorporation dans la réglementation, elles doivent, comme l'ensemble des autres règles législatives ou réglementaires, pouvoir être disponibles à tout moment de manière gratuite à l'ensemble des citoyens . Dès lors que les pouvoirs publics imposent aux citoyens - en ce compris les entreprises - d'appliquer ces normes, ils ont la responsabilité d'en garantir l'accès gratuit.

Cette exigence a d'ailleurs conduit le Conseil d'État à annuler le 10 février 2016 un arrêté ministériel imposant le respect par les entreprises du secteur de l'électricité d'un recueil établi par l'Union technique de l'électricité, élaboré à partir de la norme NF C 18-510 « Opérations sur les ouvrages et installations électriques, et dans un environnement électrique - Prévention du risque électrique », en considérant que ce recueil comme la norme elle-même, n'avait fait « l'objet d'aucune mesure de publicité et n'était accessible que par acquisition, à titre onéreux, auprès de l'Association française de normalisation ; qu'en rendant ainsi obligatoire une norme dont l'accessibilité libre et gratuite n'était pas garantie, l'arrêté (...) a méconnu les dispositions du troisième alinéa de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 ». 55 ( * )

Dès lors, afin de garantir cette pleine accessibilité et disponibilité, il est indispensable que la norme rendue d'application obligatoire fasse l'objet d'une disponibilité permanente et gratuite. Votre rapporteur estime qu'en même temps que le texte réglementaire qui la rend d'application obligatoire, la norme devrait faire l'objet d'une mise à disposition permanente sur le site Légifrance .

Toutefois, dans la mesure où les normes en cause sont des normes « privées » couvertes par des droits de propriété intellectuelle, il conviendrait que l'État négocie avec les organismes de normalisation titulaires de ces droits les conditions d'une juste indemnisation, le cas échéant par un système de licence, pour compenser la mise à disposition gratuite des normes .

Recommandation n° 15 : Garantir un accès gratuit aux normes rendues d'application obligatoire par une publication et une mise à disposition permanente, sur le site Légifrance , en même temps que les textes réglementaires qui les rendent obligatoires, le cas échéant après mise en place d'un système de licence avec les organismes de normalisation titulaires des droits de propriété intellectuelle sur ces normes.

b) Favoriser la participation au processus de normalisation
(1) Mieux faire prendre conscience des enjeux de la participation aux travaux de normalisation

Mieux informées, les entreprises doivent ensuite être conscientes des enjeux pour elles-mêmes de la participation aux travaux de normalisation. Or, comme le relevait M. Valéry Laurent, directeur du Bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction du bâtiment (BNTEC), elles s'en désintéressent souvent faute d'y trouver un intérêt immédiat pour leur activité.

Pourtant, plusieurs exemples de PME ont été cités au cours des auditions qui, à un moment de leur développement, ont su tirer avantage de la normalisation pour favoriser leurs productions ou prestations.

DES EXEMPLES D'UTILISATION RÉUSSIE DE LA NORMALISATION PAR DES PME FRANÇAISES

Au cours des auditions, deux exemples de recours réussis de PME à la normalisation ont été particulièrement évoqués :

- L'entreprise MG International, qui contrôle Poséidon, opérant depuis son établissement de Boulogne-Billancourt pour ses activités de recherche et développement et d'études, a fortement participé à l'élaboration d'une nouvelle norme en matière d' alarmes pour piscine .

Cette PME a développé au cours des dernières années des technologies de vision par ordinateur permettant de détecter, dès les premières secondes, de possibles accidents de noyade, notamment dans les piscines publiques. En août 2014, a été publiée la norme NF S52-010 Août 2014 « Piscines publiques - Systèmes de vision par ordinateur pour la détection de noyades en piscines - Exigences de sécurité et méthodes d'essai - Systèmes de vision par ordinateur pour la détection de noyades en piscines - Exigences de sécurité et méthodes d'essai » qui « valide » ces technologies et en font une bonne pratique susceptible d'être reprise dans de nouveaux marchés.

Les documents sociaux publiés par la société à l'occasion de son assemblée générale mixte pour 2015 énoncent ainsi : « en faisant référence à certains brevets détenus par Poséidon, cette norme crée de facto une opportunité d'augmentation de parts de marché. Elle constitue également un outil de présentation des technologies propriétaires en donnant la possibilité aux forces de vente de valoriser les résultats des travaux de recherche et de développement. Enfin, la norme permet de stimuler les équipes d'Ingénieurs avec un objectif clair en matière de performances minimales à atteindre. » Une norme ISO, inspirée de la norme française, est en cours d'élaboration.

- Spécialisée dans la fabrication de portes motorisées , la PME Doitrand , établie dans le département de la Loire, s'est fortement investie dans le processus de normalisation européen en participant notamment à l'élaboration de la norme NF EN-13241-1 (juin 2011) « Portes et portails industriels, commerciaux et de garage » qui concerne directement son activité. Elle tire ainsi profit de la normalisation qui s'est opérée sur ce segment de marché, pleinement compatible avec les savoir-faire industriels et les exigences de sécurité qu'elle s'imposait déjà sur son site de fabrication et d'assemblage.

Il faut donc un changement de mentalités, et susciter la conviction dans les entreprises, très prégnante outre-Rhin, que la normalisation est la suite logique et indispensable de l'innovation et présente des opportunités majeures en termes d'efficience économique et de compétitivité.

L'importance de la participation vaut aussi pour les représentants de l'administration.

Comme l'ont souligné au cours des auditions M. Alain Costes et Mme Isabelle Rimbert, respectivement directeur et directrice adjointe de la normalisation d'AFNOR, la présence de représentants de l'administration dans les travaux des commissions contribue à assurer une veille sur l'activité de normalisation, mais également à mieux y faire connaître les impératifs législatifs ou réglementaires qui peuvent empêcher l'application en France de certains aspects d'une norme en cours d'élaboration. Or, cet aspect peut être déterminant pour orienter les travaux de normalisation internationale afin que ceux-ci complètent les lois et règlements français plutôt qu'ils ne les heurtent frontalement .

Il convient donc de sensibiliser les administrations à l'importance de leur présence dans les instances de normalisation. Tel ne semble pourtant pas toujours le cas aujourd'hui. Ainsi, selon le BNTEC, les représentants de l'administration représentent moins de 2 % des 1 400 personnes participant régulièrement chaque année aux travaux de normalisation qu'il abrite.

Dans d'autres secteurs, cette participation apparaît plus importante ou systématique. Par exemple, le Bureau de normalisation Fertilisation a indiqué à votre rapporteur que les représentants de l'administration étaient systématiquement inscrits et sollicités dans les commissions de normalisation chargées de l'élaboration ou de la révision des normes de dénomination, de spécification et de marquage (DSM) qui, il est vrai, sont rendues systématiquement obligatoires. Mais, même lorsque l'administration participe aux travaux de normalisation, ses délais de réponse sont jugés souvent trop lents, engendrant parfois des retards importants dans l'homologation de la norme.

De même, la sous-direction du tourisme du ministère de l'économie est très impliquée, au sein de l'ISO, dans les travaux du comité TC 228 relatif aux services touristiques et s'efforce de mobiliser les acteurs français (bureaux d'information touristique, espaces naturels protégés, tourisme d'aventure, etc...).

Si leur présence systématique dans l'ensemble des instances n'apparaît pas raisonnablement envisageable compte tenu de leur nombre, il est essentiel que des représentants des administrations concernées au premier chef par l'objet de la norme en cours d'élaboration ou de révision soient présents s'agissant des normes qui mettent en cause des intérêts publics stratégiques ou majeurs.

Recommandation n° 16 : Veiller à assurer la présence de représentants des administrations concernées pour l'élaboration ou la révision des normes qui mettent en cause des intérêts publics stratégiques ou majeurs.

De même, lors des auditions, l'absence de représentants des collectivités territoriales aux travaux de normalisation a été soulignée par plusieurs interlocuteurs.

Pourtant, dans certains domaines de la normalisation, cette présence s'est développée récemment. Il en va ainsi, en particulier, en matière de normes sportives.

Selon l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), il existe 370 normes volontaires dans le domaine du sport, s'enrichissant de 30 nouvelles mesures chaque année, qui s'ajoutent aux autres normes issues des fédérations sportives ou de la règlementation, comme l'a rappelé la table-ronde organisée au Sénat, le 16 mars 2017, par la commission de la culture et la délégation aux collectivités territoriales. 56 ( * ) On mesure donc la nécessité d'une forte participation aux travaux de normalisation, qui s'est déjà illustrée, par exemple, par la participation de l'Association des maires de France (AMF), de l'Andes et de l'Andiiss (Association nationale des directeurs d'installations et des services des sports) à l'élaboration d'une norme sur le contrôle des buts dans les terrains de football. Plus récemment, les départements de l'Isère, de la Savoie, de l'Ardèche et de la Haute-Savoie, ainsi que la commune de Besançon, ont effectué auprès de l'AFNOR des démarches afin d'initier une norme volontaire en matière de trail (course à pied en milieu naturel) à laquelle ils participent désormais activement.

Cette participation doit cependant aller bien au-delà des normes en matière sportive. Compte tenu de leurs compétences aujourd'hui très étendues, les collectivités territoriales exercent, en direct ou par délégation, des activités qui, le cas échéant, peuvent être concernées par des normes volontaires. Du reste, de nombreux marchés publics font aujourd'hui appel, dans leurs cahiers des charges, à des définitions de produits ou de prestations par référence à des normes existantes.

En tant qu'utilisateurs de ces normes, les collectivités territoriales devraient donc, encore davantage qu'aujourd'hui, être parties prenantes aux processus d'élaboration ou de révision des normes qui peuvent les concerner directement : par exemple, en matière d'équipements et de sols d'aires de jeux, de piscines ou de parcs aquatiques, de structures et équipements sportifs, de restauration scolaire, d'équipements et services de crèches, mais également dans le domaine devenu stratégique des smart cities , les villes « connectées » du futur... Cette démarche est d'autant plus importante que la normalisation internationale investit depuis peu directement le champ de l'organisation matérielle des services des collectivités territoriales . Ainsi, l'ISO a publié en 2014 la norme ISO 18091 « Systèmes de management de la qualité -- Lignes directrices pour l'application de l'ISO 9001:2008 à la collectivité locale ».

Il est certes difficile d'imaginer en pratique que des collectivités dotées de faibles moyens humains et matériels - les communes notamment - participent directement elles-mêmes à la normalisation. Aussi les associations d'élus locaux doivent-elles prendre toute leur place dans le processus d'élaboration des normes volontaires qui trouvent à s'appliquer dans leurs domaines de compétence pour y représenter les différents niveaux de collectivités.

L'AFNOR a créé un organe spécifique de concertation placé sous la responsabilité de son conseil d'administration, rassemblant des représentants des collectivités territoriales, afin de débattre de certaines thématiques clé dans leurs domaines de compétences. De même, localement, les délégations d'AFNOR travaillent parfois avec certaines collectivités. Ces initiatives sont à développer pour mieux sensibiliser les collectivités territoriales et les inciter à participer davantage à certains travaux dont les résultats peuvent avoir de lourdes conséquences pour la gestion quotidienne de certaines de leurs compétences.

Recommandation n° 17 : Favoriser la participation des représentants des collectivités territoriales, notamment par le biais de leurs associations représentatives, à d'élaboration ou la révision des normes qui concernent leurs domaines de compétences.

Enfin, votre rapporteur a pu constater que si les associations de consommateurs considéraient positivement le principe même de la normalisation, seules certaines d'entre elles s'investissaient réellement dans les travaux d'élaboration ou de révision .

Cette situation semble s'expliquer soit par une méconnaissance ou une difficulté d'appréhension des mécanismes de la normalisation par certaines associations, soit par un manque de financement qui ne leur permet pas d'assurer une présence effective dans les travaux. Elle résulte également, pour certaines, d'un positionnement stratégique différent, qui les conduit à porter davantage leur action sur la réglementation que sur la normalisation.

Ainsi que l'a souligné Mme Ludivine Coly-Dufourt, directrice de l'Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), les moyens financiers et humains dont disposent les associations leur imposent des choix drastiques dans la participation aux travaux de normalisation, en particulier lorsqu'ils se déroulent dans les instances européennes ou internationales de normalisation, en raison des coûts exposés et de la nécessité de trouver des représentants suffisamment compétents en langue anglaise, notamment sur des questions techniques.

Pourtant, la présence des associations de consommateurs, sur certains sujets, peut s'avérer déterminante afin que soient aussi pris en considération d'autres intérêts que ceux des producteurs ou prestataires de service. La prise en considération de ces intérêts permet, le cas échéant, de valoriser certains choix techniques qui répondent à des demandes sociales plus affirmées . La question de la durabilité des produits et la possibilité de favoriser l'utilisation de pièces de rechange entre produits, en sont une illustration parmi d'autres.

Certes, comme l'a relevé M. Etienne Defrance, représentant de l'Association Force-ouvrière consommateurs (AFOC), dans le cadre des commissions de normalisation, les représentants des consommateurs restent structurellement minoritaires par rapport aux autres parties intéressées. Néanmoins, une présence plus forte dans les organes de normalisation ou, à tout le moins, sur des sujets jugés essentiels par le monde de la consommation, serait de nature à favoriser la prise en considération de la position des consommateurs. Cela a pu être le cas, notamment, dans le cadre de l'élaboration des normes XP D90-300-1 (cigarettes électroniques) et XP D90-300-2 (e-liquides) d'avril 2017, où le seuil minimal des valeurs exigées a ainsi pu être relevé à l'instigation des associations de consommateurs.

Ces constats s'appliquent de manière similaire aux associations de défense de l'environnement , qui doivent également pouvoir exprimer leurs positions dans les travaux de normalisation ayant un impact sur l'environnement, ainsi qu'aux organisations syndicales de travailleurs, pour les travaux portant sur les relations du travail, afin de garantir un véritable consensus des normes.

Recommandation n° 18 : Renforcer l'intérêt des acteurs associatifs, notamment dans le domaine de la consommation et de l'environnement, pour les travaux de normalisation.

(2) Des modalités de participation à moderniser

Pour certains intervenants au processus de normalisation, les conditions actuelles de participation aux travaux des différentes instances créent, dans les faits, pour reprendre les termes d'un récent rapport diligenté par le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique 57 ( * ) (CSCEE), « les conditions d'un déficit démocratique dans le fonctionnement des systèmes de normalisation ».

L'exigence d'une participation physique aux réunions des commissions de normalisation est ainsi vue comme un obstacle pratique majeur à la participation des acteurs. Cela a été particulièrement souligné devant votre rapporteur par les représentants du Bureau de normalisation des techniques de construction du bâtiment (BNTEC) et du Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement (BNBA) qui représentent des secteurs économiques où prédominent les PME et TPE. Or, ces entreprises n'ont souvent pas les moyens de faire participer leurs personnels à des réunions qui peuvent durer plusieurs jours, a fortiori lorsqu'elles se déroulent à l'étranger.

Et si, ainsi que l'ont souligné le Bureau de normalisation de l'horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie ainsi que le BNTEC, l'implication des bureaux de normalisation et des organisations professionnelles permet de relayer les attentes et besoins des PME, leurs moyens restent également limités.

Il conviendrait donc de développer davantage la participation aux réunions par le biais de moyens de communication audiovisuels instantanés.

Votre rapporteur est néanmoins conscient que la téléconférence ou la visioconférence et, plus généralement, les moyens de communication à distance ne sauraient remplacer totalement la présence physique des délégués au sein des instances de normalisation. Comme dans toute négociation, la recherche du consensus est aussi le fruit d'entretiens tenus entre plusieurs délégations, en marge des réunions formelles.

Néanmoins, un recours plus important aux échanges dématérialisés peut présenter un intérêt certain dans le cadre des groupes de travail préalables aux délibérations plus solennelles des commissions de normalisation. Ces échanges se développent d'ailleurs dans le cadre de l'ISO et l'AFNOR, quant à elle, entend accroître les moyens techniques dont elle dispose actuellement pour ce faire. Pour les opérateurs du système de normalisation, qu'il s'agisse des bureaux de normalisation, de l'AFNOR ou des organismes européens ou internationaux, le recours à ces moyens représente néanmoins un investissement important.

Recommandation n° 19 : Développer le recours aux moyens de communication audiovisuelle instantanée pour la participation aux réunions des instances de normalisation.

En revanche, votre rapporteur souligne l'efficacité du système d'enquête publique dématérialisée mis en place par l'AFNOR sur le site « norminfo.afnor.org ». Il est en effet possible pour toute personne, en ligne, outre de prendre connaissance du projet de norme mis à l'enquête, de soumettre les observations et les demandes de modification qu'il suscite. Cette modalité technique ne peut que favoriser une meilleure participation des personnes susceptibles d'être intéressées à cette étape importante de validation du consensus trouvé au sein des commissions de normalisation.

(3) Des incitations financières à renforcer

Selon l'Union de normalisation de la mécanique et le Bureau de normalisation du gaz, la gratuité de l'accès aux travaux de normalisation pour les PME ou les consommateurs n'a pas entraîné d'affluence significative de leurs représentants dans les instances de normalisation. Votre rapporteur estime donc nécessaire d'actionner d'autres leviers plus efficaces. En particulier, certaines incitations financières existantes devraient être renforcées afin de favoriser la participation d'acteurs dont la modicité des moyens empêche de concourir plus activement à l'élaboration de la norme.

Il existe, depuis la loi de finances pour 1990, une incitation fiscale à la participation des entreprises aux travaux de normalisation.

Le crédit d'impôt recherche (CIR) permet en effet de prendre en compte l'effort financier que constitue, pour les entreprises, la participation aux instances de normalisation. Toutefois, contrairement aux dépenses de recherche et de développement au sens strict, seule la moitié des dépenses exposées est prise en compte pour l'obtention de ce crédit d'impôt. Il en résulte, comme l'avait souligné Mme Claude Revel dans son rapport au ministre du commerce extérieur, qu'en définitive le taux applicable aux dépenses de normalisation est plafonné à 15 %, alors qu'il est de 30 % pour les dépenses de recherche et d'innovation.

Les dépenses de normalisation couvertes par le crédit d'impôt recherche

Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, les entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de la moitié du montant des dépenses de normalisation , relevant des catégories suivantes et afférentes aux produits de l'entreprise, qu'elles ont exposées au cours de l'année :

- les salaires et charges sociales afférents aux périodes pendant lesquelles les salariés participent aux réunions officielles de normalisation ;

- les autres dépenses exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses étant fixées forfaitairement à 30 % des salaires susmentionnés ;

- dans des conditions fixées par décret, les dépenses exposées par le chef d'une entreprise individuelle, les personnes mentionnées au I de l'article 151 nonies et les mandataires sociaux pour leur participation aux réunions officielles de normalisation, à concurrence d'un forfait journalier de 450 € par jour de présence auxdites réunions.

Selon les informations recueillies auprès du ministère de l'économie et de l'industrie, le montant total du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses de normalisation pour 2013 (derniers chiffres disponibles) a été de 2,5 millions d'euros, dont la moitié a bénéficié à des entreprises de plus de 5 000 salariés. Ces données montrent le recours très limité des entreprises à cette faveur fiscale et sa concentration sur les grands groupes.

Plusieurs personnes entendues ont d'ailleurs estimé que cette intégration du « crédit d'impôt normalisation » au sein du CIR conduit souvent les entreprises à considérer que les dépenses de normalisation qu'elles exposent doivent nécessairement être liées à des opérations de recherche et de développement qu'elles effectuent. Or, il convient de rappeler que les dépenses de normalisation entrent dans la base de calcul du CIR qu'elles soient consécutives ou non à des opérations de recherche et développement et qu'ainsi, une entreprise peut bénéficier du CIR au titre des seules dépenses de normalisation . Afin d'assurer la pleine efficacité de ce dispositif d'incitation fiscale, il conviendrait d'en assurer la pleine information, notamment au profit des PME.

En outre, il peut sembler souhaitable d' élargir les dépenses de normalisation éligibles au CIR.

Dans son rapport, Mme Claude Revel critiquait la différence de traitement des dépenses de normalisation par rapport aux autres dépenses couvertes par le CIR et demandait un alignement des deux régimes . Votre rapporteur soutient cette position et estime, par ailleurs, qu'il serait pertinent d'étendre les dépenses éligibles aux dépenses liées à des consultants extérieurs, notamment parce que les PME ou ETI innovantes n'ont pas nécessairement les moyens financiers ou humains de mobiliser leurs propres salariés sur de longues périodes.

Recommandation n° 20 : Mieux informer les entreprises, notamment les PME, sur l'éligibilité, en tant que telles, des dépenses de normalisation au crédit impôt recherche, et examiner l'élargissement du dispositif à la totalité des dépenses liées aux travaux de normalisation, y compris celles engendrées par le recours à des consultants extérieurs.

La direction générale des entreprises, au ministère de l'économie, fournit également des aides financières ponctuelles pour couvrir une partie des frais liés à la participation aux réunions des organes européens ou internationaux de normalisation.

Seules des organisations professionnelles (fédération ou syndicat professionnels, association, pôle de compétitivité) représentant des PME sont éligibles à ce dispositif, sous réserve :

- qu'elles représentent des PME totalisant un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions d'euros ;

- que les effectifs en France et à l'étranger des entreprises représentées soient supérieurs à 1 000 personnes ;

- et qu'il existe une connexion forte avec la politique industrielle (par exemple, avec les projets « Industrie du Futur » ou de transition numérique).

Ces aides, prennent en charge, sous réserve d'un plafond, 50 % des frais de déplacement des experts mandatés, 50 % des frais d'hébergement sur place et 300 euros de rémunération de l'expert par jour de réunion, ainsi que des frais de transport et de préparation et restitution des informations.

La direction générale des entreprises instruit les demandes qui doivent décrire les thématiques de normalisation et les innovations technologiques associées, la politique publique éventuelle à laquelle se rattachent les travaux, le positionnement de l'organisme par rapport à sa participation à la normalisation (description de l'enjeu pour le secteur français), ainsi que les avantages compétitifs escomptés pour la France.

Les crédits alloués à ce dispositif se sont élevés à 200 000 euros par an en 2016 et 2017, en baisse de 20 % par rapport à 2015. Il résulte des données transmises par la direction générale des entreprises que le taux d'emploi de ces crédits est fort (98 % en 2016).

Ce dispositif, inspiré de celui mis en place en Suède, permet très utilement d'apporter une aide ponctuelle de nature à favoriser la participation de PME aux travaux de normalisation. La modicité du dispositif - qui n'offre un financement qu'à quelques initiatives chaque année 58 ( * ) - et son centrage sur la seule politique industrielle alors que le domaine des services est un secteur stratégique de la normalisation au sein duquel les PME peuvent également peiner à trouver leur place, paraissent cependant regrettables.

Votre rapporteur invite donc le Gouvernement à envisager un renforcement de ce système d'aides afin qu'il puisse favoriser encore davantage l'implication des PME dans le processus de normalisation.

Recommandation n° 21 : Donner davantage de publicité et renforcer le système d'aide à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les PME et TPE.

Enfin, lors des auditions, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur les conditions difficiles de participation des associations de consommateurs aux réunions de normalisation au niveau européen ou international , compte tenu de leurs budgets limités.

Désireuse d'aider cette catégorie d'acteurs à participer aux travaux de normalisation internationaux, la direction générale des entreprises avait consenti à leur apporter une aide financière sur la même base que celle allouée aux groupements professionnels dans le cadre du dispositif évoqué ci-dessus. Une convention a ainsi été conclue pour la période 2012-2015 avec l'Institut national de la consommation, mobilisant 49 350 euros. Cette dotation a permis de prendre en charge une partie des dépenses occasionnées par leur participation aux travaux internationaux ou européens de normalisation, notamment au sein du comité de l'ISO pour la politique en matière de consommation (COPOLCO) sur des sujets tels que les séjours linguistiques et le tourisme.

Toutefois, selon les informations communiquées à votre rapporteur, seuls 18 242 euros ont été consommés et, faute de demande de prorogation de la part de l'INC, cette convention a pris fin en décembre 2015, privant les associations d'une source de financement plus que modique mais essentielle.

Ainsi, Mme Ludivide Coly-Dufourt, directrice de l'Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), a indiqué que son association avait dû recourir à une plateforme de crowfunding afin de recueillir la somme de 1 500 euros nécessaire pour assurer le transport et la présence sur plusieurs jours d'un de ses représentants lors d'une réunion de l'ISO à Genève... À lui seul, cet exemple met en lumière les difficultés de participation du monde associatif à la normalisation en l'absence d'un système d'aide publique.

Votre rapporteur se félicite que, compte tenu de la situation, la direction générale des entreprises ait accepté en 2017 de mobiliser 12 500 euros sur 18 mois au profit de l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC), afin de l'aider à poursuivre des travaux jugés prioritaires, ce qu'elle n'aurait pu faire en l'absence de ce financement.

Sans rentrer dans la question de savoir si un tel dispositif doit relever davantage de la direction générale de la concurrence, de la consommation ou de la répression des fraudes, interlocuteur privilégié du monde de la consommation, ou de la direction générale des entreprises, votre rapporteur souhaite que puisse être assurée la pérennité des aides à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les associations agréées, notamment représentant les consommateurs.

Recommandation n° 22 : Assurer la pérennité des aides à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les associations agréées, notamment celles représentant les consommateurs.

C. RENFORCER LE PILOTAGE DU SYSTÈME FRANÇAIS DE NORMALISATION

1. Conforter la place du délégué interministériel aux normes et du réseau des correspondants ministériels

L'institution, dès 1984, d'un délégué interministériel aux normes a été très bénéfique en donnant plus de visibilité, dans la structure administrative, à l'activité de normalisation, tout en permettant à son titulaire de l'appréhender plus largement, au-delà de la traditionnelle segmentation ministérielle.

Un positionnement interministériel permet notamment d'éviter des « angles morts » dans le suivi des processus de normalisation , lorsqu'aucun des ministères n'estime qu'un sujet relève de sa pleine compétence et constitue un enjeu de son action. M. Jean-Baptiste Carpentier, commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques, a indiqué lors de son audition que le cas s'était par exemple récemment rencontré au cours de l'élaboration de la norme ISO 37000 :2016 « Systèmes de management anti-corruption - Exigences et recommandations de mise en oeuvre », pour laquelle ni les services du ministère de la justice, ni ceux du ministère de l'économie ne se sentaient concernés au premier chef par ce sujet à caractère transversal.

La question à poser est néanmoins celle du positionnement institutionnel du délégué interministériel aux normes et de sa capacité d'animation réelle du réseau des responsables ministériels aux normes.

Le fait que le délégué n'ait aujourd'hui que rang de sous-directeur au sein d'un service du ministère de l'économie et des finances - le service de la compétitivité, de l'innovation et du développement des entreprises de la direction générale des entreprises - a été présenté, lors des auditions, comme un élément de faiblesse, qui rendait difficile une coordination effective et efficace du réseau des responsables ministériels et le dépassement des approches cloisonnées, réduites aux périmètres des ministères, souvent de mise en matière de normalisation.

Une solution envisagée pourrait donc être de confier la fonction de délégué interministériel aux normes à un chef de service ou un directeur d'administration centrale afin d'asseoir davantage son autorité.

De la même manière, il semble nécessaire que les responsables ministériels aux normes disposent, dans l'organigramme de leur ministère, d'un positionnement suffisant pour animer, de manière transversale, le travail des services sur les sujets faisant l'objet d'une normalisation .

En effet, le suivi des travaux de normalisation peut ne pas toujours être la priorité de certains services ministériels, au point de bloquer le processus d'homologation des normes. Ainsi, lors de son audition, M. Stéphane Dupré La Tour, président du CCPN, a relevé qu'une vingtaine de normes restaient à ce jour en attente d'homologation, parfois depuis plus de dix ans, à raison pour certaines d'une absence de réponse des administrations concernées aux sollicitations du délégué interministériel aux normes pour déterminer s'il convenait de s'opposer à cette homologation.

Cette situation, pour exceptionnelle qu'elle soit, démontre un réel dysfonctionnement dans le suivi des travaux de normalisation, d'autant plus dommageable lorsque sont en cause des normes d'origine européenne qui doivent être obligatoirement reprises dans la collection française.

Recommandation n° 23 : Confier les fonctions de délégué interministériel aux normes à un chef de service ou directeur d'administration centrale et celles de responsables ministériels aux normes à des fonctionnaires d'un niveau hiérarchique suffisant.

2. Poursuivre la rationalisation du système français de normalisation
a) Développer les synergies voire les regroupements entre bureaux de normalisation sectoriels

Il ressort des auditions conduites par votre rapporteur et des documents remis à cette occasion que l'apport des bureaux de normalisation sectoriels aux travaux de normalisation est essentiel et apprécié des entreprises, notamment des PME, en raison de leur proximité du « terrain » qui leur confère des contacts directs et efficaces avec les acteurs économiques. En outre, ainsi que l'a souligné notamment le BNTEC, l'approche sectorielle, organisée au moyen d'un lien organique ou fonctionnel fort avec les organismes professionnels correspondants, est également retenue dans d'autres pays.

QUELQUES EXEMPLES D'APPROCHES PAR BUREAUX SECTORIELS À L'ÉTRANGER

Aux États-Unis , l'organisme national, l'ANSI ( American National Standards Institute ), s'appuie sur un réseau de plus de 400 organismes de normalisation sectoriels parfois concurrents, souvent complémentaires, organisé sur la base des sociétés scientifiques.

En Suisse , l'Association suisse de normalisation (SNV) s'appuie sur six bureaux de normalisation sectoriels. Par exemple, dans le secteur du Bâtiment, un bureau sectoriel existe piloté par la Société suisse des architectes (SIA).

En Australie , l'organisme de normalisation Standards Australia (SA), s'appuie sur cinq bureaux sectoriels (SDO) en dehors de sa propre activité.

En Italie , l'UNI ( Ente Italiano di Normazione ) s'appuie aussi sur sept organismes fédérés ( Enti Federati ) sectoriels.

Il n'y a donc nullement lieu de remettre en cause l'existence des bureaux de normalisation sectoriels et leur participation au processus de normalisation. Il n'y aurait d'ailleurs pas d'obstacle de principe à ce que, le cas échéant, certains domaines de la normalisation relevant aujourd'hui de l'AFNOR dans le cadre de son activité analogue à un bureau de normalisation soient à l'avenir confiés à des bureaux de normalisation sectoriels existants ou à créer si un secteur économique ou une filière le trouvait plus pertinent et efficace.

Toutefois , à l'instar de l'Autorité de la concurrence dans son avis du 16 décembre 2015, la pertinence du nombre - important - et de la grande disparité d'activités et de champ de compétence des bureaux de normalisation sectoriels peut être questionnée. En effet, on peut s'interroger sur l'efficacité d'un système aussi fragmenté, alors que la normalisation concerne de plus en plus des thématiques « transversales » qui touchent plusieurs secteurs industriels dont les bureaux de normalisation sectoriels sont l'émanation.

La création de « CoopBN » permet certes de disposer d'une « plate-forme » efficace de mutualisation de leurs moyens qui permet à plusieurs bureaux de normalisation de se concerter, et le cas échéant, d'adopter des positions communes.

LES ACTIONS COMMUNES MENÉES PAR « COOPBN »

Depuis sa naissance en 2010, les travaux de CoopBN ont permis, par exemple :

- de préparer les réunions du CCPN/GTP ;

- de collecter les besoins d'amélioration des outils informatiques opérationnels du système français de normalisation et de traiter ces points avec l'AFNOR ;

- de mutualiser les démarches qualité dans le cadre de la mise en place de la norme NF X 50-088 (décembre 2009) « Activité des bureaux de normalisation » et de construire des outils et procédures communes (ex. : recherche des parties intéressées) ;

- de susciter et de préparer la codification en cours des règles applicables dans les Règles de normalisation française ;

- d'organiser un partage des salles de réunions disponibles dans le réseau CoopBN ;

- d'élaborer des propositions collectives pour les avenants aux conventions AFNOR-BNS ;

- d'établir un retour d'expérience unique des audits du système français de normalisation, partagé avec le Comité d'audit et d'évaluation et le Comité consultatif de la politique de normalisation (CCPN).

En outre, en pratique, les bureaux de normalisation sectoriels assurent une coordination volontaire de leurs travaux. Ainsi, le Bureau de normalisation de l'industrie du béton a mis en exergue auprès de votre rapporteur la coordination existant entre les bureaux de normalisation intervenant dans le secteur du bâtiment (le BNBA -Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement, le BNCM - Bureau de normalisation de la construction métallique, le BNIB - Bureau de normalisation de l'industrie du béton ainsi que le BNTEC - Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment) afin de ne pas complexifier le corpus normatif volontaire pour l'ensemble des acteurs, et notamment la grande majorité de TPE et PME oeuvrant dans le domaine de construction.

Ces coordinations fonctionnelles, dans leur forme actuelle, peuvent toutefois sembler insuffisantes pour assurer la pleine efficacité du système de normalisation .

Certains regroupements ont eu lieu dans les dernières années. Ainsi, la fusion des Bureaux de normalisation de la sidérurgie (BNS) et des tubes d'acier (BNTA), créés en 1940, a donné naissance en 2003 au Bureau de normalisation de l'acier (BN Acier). Et, le 21 mars 2017, le conseil d'administration d'AFNOR a validé le transfert des activités du BN Acier vers l'Union de la normalisation de la mécanique (UNM). Intervenant à l'initiative de la Fédération française de l'acier, ce regroupement est motivé par la forte proximité entre la fabrication des aciers, leur première transformation et leur utilisation dans de nombreuses applications du domaine de la mécanique, ainsi que par les synergies possibles entre les deux bureaux de normalisation.

Corrélativement, le champ de compétences de certains bureaux s'est étendu . Il en va ainsi, au premier chef, de l'Union de normalisation de la mécanique, qui a connu au cours des quinze dernières années un accroissement de son champ d'activité. Outre la mécanique, il exerce également depuis 2002 son activité dans le domaine du caoutchouc et, depuis 2006, dans celui de la soudure par disparition du comité de normalisation du soudage (CNS).

Dans un souci d'efficacité de l'action de normalisation, ce mouvement de regroupement pourrait se poursuive, selon les modalités déterminées par les acteurs des secteurs concernés, afin que les bureaux de normalisation puissent atteindre une taille critique à même d'assurer de manière optimale leurs missions.

Recommandation n° 24 : Poursuivre, selon les modalités déterminées par les acteurs des secteurs concernés, le regroupement des bureaux de normalisation afin d'atteindre une taille critique les mettant à même d'assurer de manière optimale leurs missions.

b) Réexaminer périodiquement les périmètres des comités stratégiques et favoriser la constitution de groupes de coordination

La question du périmètre des comités stratégiques (CoS) actuels a été également soulevée au cours des auditions. Certaines personnes entendues ont estimé que l'existence de CoS avec des périmètres très étendus pouvait aller à l'encontre d'un pilotage stratégique suffisamment étroit des activités des commissions de normalisation.

En ce sens, le rapport de la mission de réflexion du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) propose une généralisation des « groupes de coordination » au sein de certains CoS aux compétences étendues, sur le modèle du groupe de coordination des normes du bâtiment (GCNorBât-DTU), dans le cadre du CoS « Construction et urbanisme ».

L'adoption de ce type de structure dans certains CoS pourrait en effet faciliter la définition d'une démarche stratégique au plus près des travaux de commission. Pour autant, votre rapporteur estime qu'il convient, en la matière, de ne pas figer les structures, et qu'il doit revenir à chacun des CoS de déterminer la pertinence de leur instauration .

À l'inverse, certains CoS disposent d'un champ de compétence relativement étroit et parfois connexe à celui d'autres comités. Tel est le cas, notamment, des CoS « Gaz » et « Pétrole » qui pourraient vraisemblablement trouver des synergies au sein d'un ensemble élargi. Toutefois, votre rapporteur estime que la question est moins celle du nombre ou du périmètre des CoS que celle de l'aptitude du système à offrir un cadre d'échanges et de réflexion pour toute activité de normalisation . De ce point de vue, une segmentation plus importante des périmètres des CoS actuels peut donc tout autant être envisagée.

En tout état de cause, il est important que la question du périmètre des différents CoS fasse l'objet d'un réexamen périodique destiné à évaluer s'ils correspondent aux besoins du système de normalisation afin, le cas échéant, de le modifier.

Recommandation n° 25 : Réexaminer périodiquement les périmètres des CoS et créer, le cas échéant, des groupes de coordination dans les CoS à périmètres étendus.

c) Renforcer la légitimité du comité d'audit et d'évaluation

La création, par le décret du 16 juin 2009, d'un comité d'audit et d'évaluation (CAE) a procédé d'une intention louable de disposer d'un organe indépendant destiné à s'assurer du bon fonctionnement du système français de normalisation dans son ensemble . Néanmoins, à l'instar de Mme Lydie Évrard et du Professeur Anne Penneau, votre rapporteur juge que le positionnement institutionnel actuel du comité est insatisfaisant.

Perçu comme une simple émanation de l'AFNOR plutôt que comme un organe véritablement indépendant « veillant » sur le système, le CAE peut voir sa légitimité discutée lorsqu'il lui revient d'évaluer le fonctionnement d'instances qui sont fonctionnellement très autonomes d'AFNOR, quand bien même elles agissent par délégation de celle-ci.

Certes, les indicateurs du contrat d'objectifs conclu entre l'AFNOR et l'État permettent également à l'administration d'évaluer le bon fonctionnement du système, complétant, le cas échéant, les missions du CAE. Mais il apparaît souhaitable que l'instance d'audit de l'ensemble du système ne soit pas l'émanation directe de l'une de ses parties prenantes, fût-elle essentielle.

Votre rapporteur estime donc nécessaire que la légitimité du CAE soit mieux établie , en prévoyant, sans en modifier la composition ni les critères de désignation, une plus forte autonomisation de cette instance par rapport à l'AFNOR. Celle-ci pourrait notamment passer par la nomination de ses membres et de son président par le ministre chargé de l'industrie , sur la proposition du conseil d'administration d'AFNOR.

Recommandation n° 26 : Autonomiser le comité d'audit et d'évaluation par rapport à l'AFNOR, notamment en prévoyant la nomination de ses membres et de son président par le ministre.

D. INVESTIR ENCORE DAVANTAGE LES INSTANCES EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES DE NORMALISATION

Alors que, depuis quelques années, 90 % des nouvelles normes publiées dans la collection française ont une origine européenne ou internationale, le bon positionnement des acteurs français de la normalisation dans ces instances de normalisation est un enjeu essentiel. L'Union de normalisation de la mécanique (UNM) a fait valoir à votre rapporteur que les acteurs français avaient développé une « tactique » à l'international à deux niveaux, dont le fonctionnement a fait ses preuves :

- une participation active du comité membre français aux instances de gouvernance des organismes européen (CEN/Cenelec) et international (ISO/IEC) ;

- l'existence de délégations françaises désignées spécifiquement pour les réunions des comités techniques européens et internationaux, qui ont préparé avant les réunions les positions françaises découlant de la stratégie établie par les commissions de normalisation nationale.

Grâce à elle, la position actuelle de la France dans les instances européennes et internationales de normalisation est forte, mais notre pays doit rester vigilant car elle est susceptible d'être remise en cause par l'irruption de nouveaux acteurs.

1. Une position importante dans les instances européennes et internationales de normalisation

L'AFNOR, membre français des organisations européennes et internationales de normalisation, publie chaque année depuis 2006 un baromètre de la position française dans la normalisation internationale. Il en ressort que la France occupe une position importante dans diverses instances internationales.

a) Une présence française dans des fonctions clé

Selon les acteurs de la normalisation, l'influence d'un pays au sein des organisations internationales (comme l'ISO et l'IEC) ou européennes (comme le CEN et le Cenelec) se mesure essentiellement aux places occupées par des experts représentant les intérêts français dans les instances de travail propres à chaque organisation.

(1) Les organisations internationales

À L'ISO, la France - via l'AFNOR - se place troisième ou quatrième - selon les méthodes de calcul retenues - en termes de détention de secrétariats de comités techniques ou de sous-comités, ainsi que d'animation de groupes de travail. Avec 68 secrétariats et 258 groupes de travail, elle détient 10 % des comités et sous-comités de l'organisation .

Si elle fait jeu à peu près égal avec le Royaume-Uni, elle est néanmoins largement distancée par les États-Unis et l'Allemagne.

Source : AFNOR (NB : - TC : comités techniques - SC : sous-comités).

À l'IEC , où un même membre ne peut cumuler la présidence et le secrétariat d'un même comité ou sous-comité, la position de la France est encore plus favorable. Elle y détient en effet 14 % des secrétariats (en deuxième position derrière l'Allemagne) et 12 % des présidences (derrière l'Allemagne et les États-Unis).

Source : AFNOR (NB : - TC : comités techniques - SC : sous-comités).

(2) Les organisations européennes

Au CEN , la présence de la France est forte, puisqu'elle détient 21 % des secrétariats des comités et sous-comités ainsi que 19 % des responsabilités des groupes de travail .

Toutefois, elle est notoirement moindre que l'Allemagne, pour laquelle les chiffres atteignent respectivement 30 % et 35 %.

Sources : AFNOR. (NB : - TC : comités techniques - SC : sous-comités).

Cette présence est néanmoins renforcée depuis qu'en juin 2015, la présidence du CEN a été confiée à M. Vincent Laflèche, président du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et jusqu'alors président d'un des CoS français.

Au Cenelec , la France se place en troisième position, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni, avec 18 % des secrétariats des comités et task forces .

b) Les initiatives françaises

C'est également en proposant des initiatives de normalisation nouvelles que la France peut exercer son influence dans la sphère européenne ou internationale.

La France soumet ainsi régulièrement de nouvelles propositions de travaux, qui peuvent aboutir à la constitution de sous-comités ou de groupes de travail dont elle peut alors légitimement solliciter la présidence ou le secrétariat. Ainsi, en 2015, la France a proposé la création et obtenu la présidence de deux nouveaux sous-comités à l'ISO : l'un sur les équipements et installations sur le gaz naturel liquéfié (GNL) (ISO/TC 67 SC 9), l'autre sur la vape - c'est-à-dire la cigarette électronique - et les produits de la vape (ISO/TC 126 SC 3) au sein du comité technique sur le tabac.

Cet aspect est important, car, dans le même temps, des comités ou sous-comités ainsi que des groupes de travail sont dissous, ou mis en sommeil du fait de l'absence de nécessité de poursuivre des travaux de normalisation dans leurs domaines d'intervention. Ce sont donc, potentiellement, autant de facteurs d'influence qui peuvent être perdus.

S'agissant spécifiquement de l'activité de normalisation européenne en lien avec des normes européennes harmonisées, votre rapporteur partage la position exprimée par nos collègues membres de la commission des affaires européennes, auteurs du rapport d'information sur la simplification du droit européen, sur la nécessité d'une implication forte des représentants de l'administration française au moment de la définition des mandats donnés par la Commission européenne aux organes européens de normalisation. 59 ( * )

Il convient donc notamment d'assurer une présence efficace au sein de l'Administrative Cooperation Group (AdCO) créé auprès de la Commission européenne.

2. Une position à défendre face au poids grandissant de certains pays
a) Résister à la poussée de certains pays

L'AFNOR, bien que relevant un certain tassement des positions françaises au cours des dernières années, semble se satisfaire de cette situation en relevant, dans son dernier Baromètre , que « le léger repli de sa position et la place croissante du Japon et de la Chine ne doivent pas faire oublier que l'influence française à l'ISO dépasse celle qui serait attendue au regard de son PIB . » Votre rapporteur estime néanmoins que, si la position de la France dans les instances de normalisation est incontestablement bonne, les stratégies de certains acteurs risquent de mettre à mal ce satisfecit .

La France doit en effet faire face à des acteurs nationaux qui ont pris les moyens de peser encore davantage sur les processus d'élaboration .

À cet égard, en Europe, l'Allemagne domine de longue date les processus de normalisation. Les personnes entendues par votre rapporteur estiment que cela résulte en partie d'une réelle appropriation par les acteurs économiques et les fédérations professionnelles des ressorts de la normalisation. Cette situation découlerait d'une tradition bien ancrée depuis Bismark avec, notamment, d'une part, une réglementation peu développée au profit de règles professionnelles établies par des corps intermédiaires bien plus importants qu'en France et, d'autre part, des sociétés savantes très proches de l'industrie et dont les découvertes font l'objet de mises en application.

Les stratégies nationales qui font de la normalisation un instrument de politique commerciale se sont en outre fortement développées au cours des dernières décennies . Celle de la Chine est sans doute la plus exemplaire, mais d'autres États européens sont en pointe sur le sujet.

En Chine, la politique de normalisation est largement aux mains de l'État, qui la gère directement et en définit les orientations. De fait, la normalisation figurait dans le 12 ème plan quinquennal chinois (2011-2016) comme un instrument essentiel de sa politique industrielle. Dans son rapport au ministre du commerce extérieur, Mme Claude Revel, relevait ainsi que sur les 1,2 million de normes existant dans le monde, 200 000 étaient en Chine. Or, celle-ci a construit une stratégie de montée en puissance dans les organismes internationaux de normalisation. En 2016, elle assurait ainsi déjà 72 secrétariats de commission, alors qu'elle n'en avait aucun en 2004, ce qui la place désormais au même niveau que des acteurs historiques comme la France et le Royaume-Uni, avec 9,2 % des secrétariats des comités techniques et des sous-comités de l'ISO.

Ce dernier, quant à lui, développe une politique d'influence moins centrée sur la détention de présidences ou de secrétariats de comités. Il assure une présence opérationnelle importante dans les groupes de travail (responsabilités britanniques dans 12 % des groupes de travail à l'ISO et 16 % de ceux du CEN), en se concentrant sur les secrétariats de comités techniques responsables de l'élaboration de normes à fortes retombées médiatiques et commerciales , tel le comité responsable de l'élaboration de la norme ISO 9001 (comité technique sur le management de la qualité - ISO/TC 176 SC 2).

Source : AFNOR. (NB : - TC : comités techniques - SC : sous-comités).

À ce jour, la forte poussée de la Chine - de même que l'intérêt renouvelé du Japon pour les travaux de normalisation - n'a pas eu d'impact trop important sur la position de la France. Mais l'on ne saurait être certain qu'il en aille toujours de même dans les prochaines années.

Comme le relève très justement le Baromètre international 2016 de l'AFNOR, trois leviers doivent être utilisés pour maintenir, voire améliorer, l'influence française dans les organisations internationales et européennes de normalisation :

- amener de nouveaux sujets et domaines d'activité ;

- reprendre des comités et des sous-comités dont le secrétariat est vacant ;

- et ne pas renoncer à des responsabilités occupées dans les comités ou sous-comités.

Ces leviers ne peuvent être réellement actionnés que par une forte mobilisation des acteurs de la normalisation et une vision stratégique. Elles existent.

Le cas de la normalisation des poussettes pour enfants a ainsi notamment été évoqué lors des auditions. Les acteurs Chinois ont en effet demandé la mise en place de normes internationales en ce domaine, qui pouvaient être moins favorables que les solutions techniques développées par certaines entreprises françaises. Les participants français ont ainsi pu militer en faveur de la création d'un comité technique spécifique, dont ils ont pris la présidence.

Ce type d'action doit néanmoins encore se développer. Ainsi, face à la récente initiative allemande relative à la normalisation dans les domaines du stockage d'énergie, le Bureau de normalisation du gaz a appelé au plus grand développement, en France, de plans d'action similaires, sous-tendus par une véritable vision stratégique.

En outre, votre rapporteur ne peut que saluer la volonté, qui s'est dégagée en 2013 au CCPN, de présenter un membre français à la présidence du CEN , couronnée de succès avec l'accession à ce poste de M. Vincent Laflèche.

Recommandation n° 27 : Développer une stratégie plus active de positionnement des acteurs français en vue d'occuper des postes de responsabilité dans les instances des organisations européennes et internationales de normalisation.

b) La nécessaire défense de la langue française dans le processus de normalisation

Dans les processus de normalisation comme ailleurs, la langue française est un indéniable vecteur d'influence . Depuis ses débuts, la normalisation internationale comme européenne reconnaissent le français comme l'une de leurs langues officielles 60 ( * ) . Outre une certaine tradition, l'existence du français comme langue officielle - bien que la langue de travail y soit exclusivement l'anglais - est souvent appréciée d'autres pays, non seulement francophones, mais également en Asie ou en Amérique du sud, car elle permet de mieux préciser la formulation des normes, y compris en langue anglaise.

Pour autant, le multilinguisme - voire la nécessité même, posée par le décret de 2009, de disposer d'une version française de la norme avant son homologation - a dans les faits peu de soutien tant l'exigence de traduction des normes qu'il implique est perçue par beaucoup d'acteurs comme un frein à l'adoption rapide des documents de normalisation et nécessite l'intervention d'experts linguistes dont l'existence même peut faire défaut . Selon M. Stéphane Dupré La Tour, président du CCPN, la France serait d'ailleurs aujourd'hui l'un des très rares États à chercher à préserver le multilinguisme au sein des organismes internationaux de normalisation.

Outre la question incontournable de la nécessité de préserver le statut du Français comme langue officielle de la normalisation technique, la pleine disponibilité en langue française d'une norme susceptible d'être appliquée en France est aussi un enjeu pour les entreprises que celles-ci apprécient différemment au regard de leur activité, de leur taille et de leurs marchés.

Les entreprises importantes ou habituées aux marchés internationaux semblent pouvoir se satisfaire d'une absence de traduction française dans certaines hypothèses. La position du Bureau de normalisation du pétrole sur cette question en est une illustration. Celui-ci estime en effet que ni lui ni les commissions de normalisation qu'il anime ne peuvent garantir la validité de la traduction de certaines normes touchant le matériel utilisé en particulier dans les opérations offshore . Il sollicite donc un assouplissement de l'obligation de traduction en introduisant une dérogation bien encadrée qui contribuerait, selon lui, à améliorer l'efficacité du système de production de normes volontaires.

En revanche, d'autres entreprises, plus petites ou seulement tournées vers le marché intérieur français, voient dans l'exigence de traduction française de la norme un élément essentiel pour leur complet accès à l'information. Le BNTEC estime ainsi que la traduction des normes en langue française est essentielle, notamment dans des secteurs économiques où prédominent les petites et moyennes entreprises. Il en va ainsi, en particulier, du secteur du bâtiment.

L'AFNOR a, sur ce point, tenté de rapprocher les positions, son conseil d'administration adoptant, le 20 mars 2017, une délibération prévoyant la possibilité de faire figurer - de manière transitoire - dans la collection française de normes volontaires des normes en langue anglaise dépourvues de traduction en langue française, en introduisant dans les règles de fonctionnement de la normalisation française les concepts de « consultation ouverte publiquement » et de « prépublication ». Ainsi, une prépublication en langue anglaise serait désormais possible, une traduction française devant toujours être établie pour le bon déroulement de l'enquête publique, préalable indispensable à l'homologation. Le délégué interministériel aux normes ne s'est pas opposé à cette décision de l'AFNOR, alors que certains acteurs ont fait valoir auprès de votre rapporteur qu'elle est de nature à remettre gravement en cause la mission assignée au délégué par le décret du 16 juin 2009 de veiller « à l'emploi de la langue française ».

Votre rapporteur estime que la rapidité de la mise à disposition des normes d'origine européenne dans la collection française est effectivement importante, car elle permet une meilleure réactivité des entreprises notamment sur des marchés étrangers soumis à ces normes. Cependant, le principe d'une traduction préalable en langue française doit rester incontournable au regard des exigences d'accès et d'intelligibilité à des textes qui, s'ils ne sont que d'application volontaire, ont néanmoins en pratique pour effet de conditionner fortement l'action des entreprises françaises.

La solution médiane retenue par le conseil d'administration de l'AFNOR a le mérite de tenter d'opérer une conciliation des différents intérêts en présence, sans remettre en cause in fine l'exigence d'une traduction en langue française des normes européennes ou internationales. Elle présente toutefois l'inconvénient d'être assez peu lisible en pratique et est ressentie comme une source d'inégalités entre acteurs économiques.

Le coeur du problème semble résider, en réalité, dans les délais de traduction des normes de langue anglaise en Français qui, en tenant compte de la phase de validation des projets de traduction, peut s'étendre sur une durée d'un à trois mois.

Votre rapporteur juge cette situation regrettable, car de tels délais apparaissent particulièrement longs dans la vie des affaires. Il estime néanmoins qu'elle pourrait être réglée selon d'autres modalités qu'une atteinte aussi importante au principe de traduction en langue française, car ce sont, en définitive, d'abord les moyens matériels et financiers de la traduction des normes qui sont en jeu et qui, à ce stade, semblent insuffisants .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les coûts de traduction ont représenté en 2016, pour la seule AFNOR, 2,3 millions d'euros, dont 51 % pour assurer le paiement de prestataires sous-traitants. Cette somme n'inclut cependant pas les coûts « cachés » de relecture et de validation des traductions par les personnes référentes dans les commissions de normalisation concernées, ces activités étant menées bénévolement, sans rémunération ni défraiement, en plus de leur activité professionnelle.

Cette question renvoie donc, à nouveau, à celle du financement de l'activité de normalisation, dans toutes ses dimensions, et plus particulièrement de son financement public. 61 ( * ) Celui-ci doit être suffisant pour que la traduction des normes d'origine européenne ou internationale soit faite de manière efficace et la plus rapide possible.

Il n'en demeure pas moins qu'une réflexion doit être engagée sur le bilan coût/bénéfice d'une traduction intégrale en langue française de normes qui présentent une technicité très importante (par exemple, dans le domaine informatique, des lignes de codes) ou qui s'inscrive dans un domaine dans lequel le langage technique utilisé est uniquement anglophone.

Recommandation n° 28 : Prendre réellement en considération, pour déterminer le niveau du financement public de l'activité de normalisation, les frais et contraintes matérielles découlant de la traduction en langue française des normes européennes ou internationales afin d'assurer l'accès aux normes par tous les acteurs et leur complète intelligibilité.

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EXAMEN EN COMMISSION

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Le premier point de notre ordre du jour appelle la présentation par notre collègue Élisabeth Lamure de son rapport d'information sur l'impact économique et juridique de la normalisation volontaire. Je lui laisse donc la parole.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur . - Monsieur le Président, mes chers collègues, la thématique de l'impact économique et juridique de la normalisation a été mise au programme de travail de notre commission il y a plusieurs mois. Son origine provient de l'intérêt suscité par une démarche du directeur général de l'Association française de normalisation (AFNOR) auprès de notre président Jean Claude Lenoir, venu mettre en avant les mérites de la normalisation, notamment en termes de compétitivité économique de nos entreprises. Selon une étude conduite en 2016 à la demande de l'AFNOR, la normalisation contribuerait en effet pour 20 % à la croissance du chiffre d'affaires des entreprises et pour 19 % au chiffre d'affaires des entreprises à l'export. Elle génèrerait 15 milliards d'euros de PIB.

Aussi a-t-il semblé important de mieux appréhender les ressorts de la normalisation et son impact sur nos entreprises : l'activité de normalisation semble très favorable à l'activité économique mais il faut convenir qu'elle reste souvent très méconnue. J'ai donc mis à profit la période de suspension des travaux parlementaires en séance publique pour conduire ce travail d'information et mené plusieurs auditions au Sénat, de fin février à mi-juin 2017. Celles-ci ont permis de lever le voile sur un monde de « spécialistes » et sur des problématiques qui évoluent parallèlement à la législation et à la réglementation, sans que le législateur y prête suffisamment intérêt.

Pourtant, les normes sont partout, jusque dans la vie quotidienne. Ainsi en est-il, par exemple, du format du papier à lettres (formats A4, A3, etc.), des prises de chargeurs de téléphones portables, du format de compression audio et vidéo « mpeg », de la performance des extincteurs de feux ou, depuis une date plus récente, de la sécurité des trottinettes électriques et des cigarettes électroniques... De même, pour tout un ensemble de services fournis quotidiennement par les entreprises, la norme « ISO 9001 » dite de « management de la qualité » s'est vite imposée comme un référentiel de base qui permet de certifier l'excellence de l'organisation des prestations fournies à la clientèle.

On compte aujourd'hui en France environ 35 000 normes publiées - reconnaissables aux indicatifs sous lesquels elles sont enregistrées : NF, EN, ISO - destinées à fournir des règles de conduites, des bonnes pratiques, dans des domaines extrêmement variés de l'activité des entreprises auxquelles elles s'adressent essentiellement.

Ces normes ne sont pas nouvelles. Lors d'un récent colloque auquel je participais, il a par exemple été rappelé que la taille des papyrus, puis le diamètre des boulets de canon avaient, dans des temps fort anciens, déjà fait l'objet d'une standardisation. Quant à elles, les premières organisations de normalisation - au niveau national comme international - ont vu le jour, sous leur forme actuelle, au début du XX ème siècle, tandis que le texte fondateur de l'activité de normalisation en France date de 1941. Pourquoi, alors, sont-elles à ce point méconnues ?

La raison en est sans doute, d'une part, qu'elles sont élaborées dans un cadre purement technique, par un réseau d'organismes de droit privé aux niveaux national, européen et international, composés d'acteurs de la société civile (entreprises pour l'essentiel, mais aussi organisations de consommateurs, organisations non gouvernementales), sans lien nécessairement direct avec les grandes politiques publiques définies par les États ou les organisations intergouvernementales, même si des représentants de l'administration ou des collectivités territoriales participent - inter pares - au processus. Vue de l'extérieur, la normalisation a tout d'un labyrinthe... En outre, cette élaboration se fait essentiellement sur la base d'un consensus feutré des parties intéressées, ce qui réduit d'autant l'exposition médiatique.

D'autre part, à la différence des normes de portée juridique obligatoire - que sont les conventions internationales, les lois ou les règlements - ces normes sont d'application purement volontaire. Les acteurs de l'économie choisissent de s'appliquer ou non les règles prévues par ces normes. Elles ne sont donc contraignantes que pour ceux qui voient un intérêt à suivre, dans leur activité de recherche, de production ou de fourniture de services, « des règles, des caractéristiques, des recommandations », définis par leurs pairs.

Cette activité « para-normative » est souvent présentée comme une activité « privée », dans la mesure où elle découle de demandes formulées par les acteurs économiques et menée par eux-mêmes. Cette nature fait sa force et sa plus-value essentielle par rapport aux activités réglementaires ou régulatrices des États ou des organisations internationales intergouvernementales. Pour autant, les pouvoirs publics ne sauraient s'en désintéresser, compte tenu de l'importance économique et stratégique majeure de la normalisation qui n'a fait que croître avec la mondialisation de l'économie.

La réforme du « système français de normalisation », c'est-à-dire le mode d'organisation et d'élaboration de la normalisation volontaire en France, opérée sur la base d'un décret en 2009, a pris en compte cette dimension, en s'efforçant de développer des instances de pilotage stratégique et de favoriser une présence plus active des pouvoirs publics. Huit ans après, et compte tenu du recul suffisant désormais sur son fonctionnement, il convenait de porter attention au système de normalisation et aux enjeux qu'il présente pour la France.

Car la normalisation présente des enjeux essentiels en matière d'efficience économique. Diffusant des standards susceptibles d'être repris par de nombreux acteurs économiques, le cas échéant à travers le monde, elle contribue fortement à ouvrir des marchés. Elle peut donc être utilement mise à profit pour développer certains secteurs économiques nationaux et projeter leur activité à l'international. Elle est aussi un facteur d'innovation car elle permet la diffusion et la confrontation, entre pairs, des derniers états de l'art. Enfin, elle est un instrument de sécurisation de la qualité des produits, de récents exemples étant donnés par la normalisation des tables à repasser ou en matière d'hygiène des produits alimentaires servis en restauration commerciale.

En outre, dans la mesure où elle a vocation à déterminer les caractéristiques techniques d'activités en pleine croissance et mutation - comme le numérique ou l'énergie - ayant des implications dans plusieurs secteurs, la normalisation constitue également un enjeu considérable en termes de compétitivité et de souveraineté nationale. Lors des auditions, il a ainsi été souligné que la normalisation constituait un « système émancipé de la tutelle étatique ». Dans cette mesure, il peut donc servir ou, à l'inverse, desservir l'action des pouvoirs publics. Des solutions techniques reconnues comme des normes au niveau international ou européen peuvent ainsi entraver le développement de certains secteurs de notre économie ou les mettre sous la dépendance d'acteurs étrangers.

Enfin, la normalisation volontaire constitue un enjeu de simplification du droit. L'on n'a en effet de cesse de dénoncer, à juste titre et notamment au Sénat, l'inflation normative, la profusion de règles qui viennent s'appliquer aux entreprises. On évoque ainsi la « maladie de la norme », mais c'est davantage une maladie de la réglementation qu'il faut évoquer : celle qui oblige juridiquement les acteurs. Or, l'on doit s'interroger sur la question de savoir si l'un des remèdes à ce mal ne pourrait pas être, dans des hypothèses précises mais potentiellement nombreuses, de substituer aux normes « juridiques et obligatoires » des normes « volontaires et souples » issues de l'activité de la normalisation.

C'est donc sous ces trois axes que j'ai mené mes travaux. Il en résulte une appréciation globalement positive de la normalisation, tant dans son fonctionnement que dans les bénéfices que ces normes peuvent fournir au quotidien. Toutefois, la normalisation doit gagner en « visibilité » chez les acteurs économiques - notamment auprès des PME - ainsi que dans l'administration elle-même.

L'un des premiers objectifs de ce rapport est donc de mieux identifier le fonctionnement de ce système qui fait intervenir :

- des acteurs au niveau national, d'abord, que sont, au niveau français, l'AFNOR mais aussi les bureaux de normalisation, qui administrent près de 1 200 instances de normalisation auxquelles participent des experts venus pour l'essentiel du monde de l'entreprise, mais aussi du monde associatif (consommateurs, environnement) et dans une certaine mesure de l'administration. Des organes de pilotage stratégique s'ajoutent à ces différents opérateurs et instances, façonnant une structure complexe faite de multiples interactions. Il faut d'ailleurs souligner que chaque pays dispose de ses propres organes de normalisation et de son propre « système », lui-même en interaction - sinon en concurrence - avec ceux des autres États ;

- des acteurs au niveau européen, ensuite, (il y en a trois, le plus important étant le Comité européen de normalisation - CEN), qui sont des organisations de droit privé qui entretiennent des liens étroits avec la Commission européenne, car la normalisation est de longue date perçue par les institutions de l'Union européenne comme un instrument favorisant la constitution du marché unique européen ;

- des acteurs au niveau mondial, enfin, également au nombre de trois - le plus important étant l'ISO ( International Organization for Standardization ) - qui font intervenir jusqu'à 163 pays, représentés par leur propre organe de normalisation.

Avec la mondialisation des échanges et des économies, la dimension supranationale de la normalisation est devenue écrasante : 90 % des nouvelles normes publiées en France sont en effet d'origine européenne ou internationale, alors que les proportions étaient inverses en 1984. De telle sorte qu'aujourd'hui, il y a une situation de concurrence majeure entre les économies et les pays pour élaborer des normes qui, en reprenant des spécifications techniques ou de services qui sont en pointe dans certains pays, peut favoriser leur projection à l'international.

Il faut donc que la France tire le meilleur parti de cette mécanique complexe. Il y a incontestablement une prise de conscience à cet égard, mise d'ailleurs en lumière par des rapports commandés par le Gouvernement en 2012 et 2014, mais qui n'ont, à ce jour, pas été suffisamment suivis d'effets. Aussi, certains ajustements du système de normalisation actuels doivent être envisagés et certains points de vigilance doivent être mis en exergue.

Tel est l'objet des 28 recommandations que je vous soumets et qui visent à assurer la performance du système de normalisation tout en veillant qu'il réponde à des préoccupations d'intérêt général et à tirer pleinement parti des atouts de la normalisation en favorisant l'émergence d'une stratégie qui serve efficacement les intérêts de la Nation dans un monde de la normalisation transnational et fortement concurrentiel. J'ai regroupé ces différentes propositions sous six thèmes.

Les premières visent à « clarifier » l'intérêt de la norme volontaire. La valeur et l'intérêt des normes volontaires sont largement méconnus. Contrairement à des pays comme l'Allemagne, nous n'avons pas, en France, de « culture de la normalisation ». La matière est quasi-absente des programmes d'enseignement supérieur, et c'est souvent à l'entrée dans la vie professionnelle que l'on découvre la normalisation. Encore faut-il que la culture de l'entreprise elle-même fasse place à la normalisation : c'est bien le cas dans les grandes entreprises et dans l'industrie ; c'est en revanche souvent encore peu développé, dans les PME et le secteur des services. Cette méconnaissance de la norme se révèle également dans le monde de la recherche française. De l'avis de plusieurs personnes entendues, le continuum entre la recherche appliquée et la normalisation n'existe pas - ou très peu - dans notre pays, alors qu'il est l'une des pierres angulaires du processus de normalisation dans d'autres pays et un moteur de l'innovation.

En conséquence, il est essentiel de renforcer l'information, dans l'enseignement supérieur et la recherche, puis chez les professionnels, sur le bénéfice de la normalisation et de la participation aux travaux de normalisation.

En outre, alors qu'elles sont volontaires, les normes sont largement perçues, dans les faits, comme obligatoires par les acteurs économiques. L'un des ressorts les plus puissants de l'autorité de fait attachée aux normes volontaires repose sans doute sur l'activité de certification. Celle-ci consiste à attester du suivi d'un référentiel - c'est-à-dire, souvent, mais pas nécessairement, les prescriptions d'une norme volontaire. Elle permet donc de valoriser, dans une démarche marketing, les entreprises qui acceptent de se soumettre à des normes de « qualité » ou de « compétence » professionnelle. Dans ces conditions, attester du respect d'une norme est un avantage commercial susceptible d'être mis en avant. Les entreprises doivent procéder à un bilan coût/avantage avant d'appliquer une norme ou non, voire à une étude comparative de plusieurs normes existantes dans un même domaine. Les organisations professionnelles ont un rôle à jouer en ce domaine.

Il faut donc, d'abord, mieux informer les acteurs économiques, notamment les PME, que les normes sont, avant tout, d'application volontaire et qu'ils peuvent en outre choisir, parmi plusieurs normes, celles qu'ils considèrent les mieux à même d'assurer la bonne exécution de leur prestation. Ensuite, il faut inciter les organisations professionnelles à davantage informer les acteurs économiques de leur secteur des contraintes ou des risques liés à l'application de certaines normes pour la conduite de leur activité.

Une seconde série de recommandations vise à mieux encadrer la faculté de rendre une norme volontaire d'application obligatoire. Les normes sont certes volontaires, mais les textes réglementaires actuels permettent à l'État de les rendre d'application juridiquement obligatoire. L'utilité même de cette faculté est discutable, mais ce qui est inacceptable, c'est qu'il est difficile de savoir véritablement quelles normes ou quelle version de celles-ci ont été rendues obligatoires. Il  n'y en a qu'une estimation : entre 350 et 400 normes, soit 1 % au plus des normes publiées. C'est pourtant une question de sécurité juridique pour les entreprises que de savoir quelles sont ces normes, car une fois devenue d'application obligatoire, la norme qui n'est pas respectée engage la responsabilité, le cas échéant, pénale des entreprises !

Il faut donc mener à son terme, dans les meilleurs délais, un travail de recensement des normes rendues d'application obligatoire dans un souci de sécurité juridique des opérateurs économiques.

Ensuite, rendre une norme volontaire d'application obligatoire suscite des critiques. Ce faisant, en effet, on méconnaît l'objet même de la normalisation qui est de suggérer une voie technique à la réalisation d'objectifs de sécurité ou de qualité. En outre, cela risque de « cadenasser » le marché en bloquant la possibilité de voir d'autres solutions, le cas échéant plus performantes en termes de sécurité, se développer pour le plus grand profit des consommateurs. Enfin, surtout, ce choix pose des problèmes juridiques d'accès à la norme, dès lors que les normes volontaires sont couvertes par des droits de propriété intellectuelle dont sont titulaires les organismes de normalisation et qui exigent, en contrepartie de leur diffusion, une rémunération.

Les normes volontaires doivent donc rester d'application volontaire, sauf quand des impératifs de sécurité ou de santé publiques l'exigent absolument. On perçoit sans difficulté l'impératif de sécurité des personnes et des biens qui s'attache à rendre d'application obligatoire de normes dans le domaine des installations électriques. En revanche, on ne le voit guère s'agissant procédés de fabrication et d'installation des boîtes aux lettres ; or une telle norme a été rendue obligatoire...

En outre, lorsque le choix a été fait de rendre une norme d'application obligatoire, il est indispensable que les services ministériels réévaluent périodiquement l'intérêt de ce choix, à l'aune notamment d'une révision de la norme concernée. Et, si ce choix est maintenu, il convient alors que l'acte réglementaire vise précisément cette norme dans sa version révisée. D'où deux recommandations étroitement liées :

- d'une part, réserver à des situations exceptionnelles, lorsque des impératifs de sécurité ou de santé publique l'imposent véritablement, la possibilité de rendre une norme d'application obligatoire ;

- d'autre part, lorsqu'une norme a été rendue d'application obligatoire, réévaluer périodiquement l'intérêt de ce choix, à l'aune notamment d'une révision de la norme concernée.

Enfin, lorsque des normes volontaires sont rendues d'application obligatoire, il n'est pas concevable qu'elles restent d'accès payant. Cela contrevient tant au décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation qu'à l'objectif constitutionnel d'accessibilité au droit. Dès lors que les pouvoirs publics imposent aux citoyens - en ce compris les entreprises - de suivre les prescriptions définies par ces normes, ils ont la responsabilité de garantir l'accès gratuit à ces normes. Le cas échéant, un système de licence doit être négocié par l'État avec les organisations qui détiennent les droits de propriété intellectuelle sur ces normes.

Je préconise donc de garantir un accès gratuit aux normes rendues d'application obligatoire par une publication et une mise à disposition permanente, sur le site Légifrance , en même temps que les textes réglementaires qui les rendent obligatoires, le cas échéant après mise en place d'un système de licence avec les organismes de normalisation titulaires des droits de propriété intellectuelle sur ces normes.

Un troisième axe de préconisations vise à utiliser le processus de normalisation de manière plus stratégique.

D'abord, la norme peut contribuer à la simplification du « droit dur », si dans le domaine technique notamment, le législateur et le pouvoir réglementaire se bornent à fixer des critères et des objectifs de sécurité et de qualité, en laissant la normalisation définir les modalités techniques les plus pertinentes pour les atteindre. L'Union européenne s'est engagée de longue date dans cette voie, avec la « nouvelle approche »... qui date de 1985 ! Il existe des exemples d'une telle approche en France, mais il semble encore exister des réticences dans certains ministères techniques à y recourir. Une meilleure formalisation de cette approche pour notre propre législation et réglementation doit donc être recherchée.

D'où la proposition de mieux affirmer le principe de la complémentarité de la réglementation et de la normalisation, en laissant à la norme le soin de définir les modalités techniques pour atteindre les objectifs de sécurité et de qualité fixés par le législateur ou le pouvoir réglementaire.

Ensuite, le système de normalisation est très autonome par rapport à l'État. Il ne saurait néanmoins s'écarter de considérations d'intérêt général et de certains objectifs de politique publique. Or, aujourd'hui, le système de normalisation définit lui-même sa propre stratégie par des orientations pluriannuelles. C'est une bonne chose en soi : la normalisation doit servir des objectifs clairs, qui sont d'abord et avant tout des objectifs de dynamisme et d'expansion économiques. Mais il est important que les orientations arrêtées par les acteurs de la normalisation trouvent des synergies avec l'action des pouvoirs publics ainsi, d'ailleurs, qu'avec les orientations définies aux niveaux international et européen.

Il faut donc définir les orientations stratégiques de la normalisation française en pleine concertation avec l'État et les collectivités territoriales, en prenant mieux en considération les travaux en cours ou projetés au niveau européen ou international.

Néanmoins, il faut aller plus loin. Il est essentiel que l'État - mais aussi les collectivités territoriales - se comportent, en certains domaines, en véritables stratèges pour orienter l'activité de normalisation afin qu'elle puisse assurer une complémentarité efficace avec l'activité juridique de la puissance publique - l'édiction de lois ou règlements - et son action opérationnelle, notamment financière. Cela doit passer, plus qu'aujourd'hui, par des sollicitations directes du système français de normalisation en l'incitant à réfléchir à des actions de normalisation dans les domaines jugés stratégiques pour les pouvoirs publics. On en a un exemple avec le projet « Industrie du futur », où le ministre de l'économie d'alors, aujourd'hui le président de la République, avait demandé que le système de normalisation travaille sur des questions en lien avec ce projet.

Cela pourrait même passer, à condition de modifier le décret sur la normalisation, par l'introduction d'un mécanisme de « mandat », inspiré de celui utilisé par la Commission européenne dans le cadre de la lutte contre les obstacles techniques aux échanges. Dans le système européen, la Commission « commande » en effet des normes aux organismes européens de normalisation qui viennent compléter les dispositions des directives européennes. Il faudrait, dans le cas français, bien s'assurer que ces mandats soient établis en concertation avec les acteurs économiques intéressés. Sur ce point, je formule donc deux recommandations :

- d'une part, favoriser le rôle de l'État et des collectivités territoriales comme « stratèges » en orientant l'activité de normalisation afin qu'elle investisse les domaines jugés prioritaires pour les politiques publiques ;

- d'autre part, envisager l'introduction d'un mécanisme de « mandat », établi après concertation avec les acteurs économiques intéressés, confié par le Gouvernement au système français de normalisation.

En tout état de cause, quelle que soit l'origine de l'initiative, certains champs stratégiques doivent être investis en priorité par la normalisation française. Outil d'influence économique, la normalisation est d'autant plus essentielle aujourd'hui que, depuis une vingtaine d'années, le champ de la normalisation s'est ouvert à des nouveaux secteurs de l'économie, liés en particulier au développement des services et au numérique. Or, ces domaines ont la particularité d'avoir un caractère « transversal » remettant en cause un schéma traditionnel de la normalisation défini par secteurs d'activité relativement cloisonnés.

Il est crucial que les travaux de normalisation français investissent fortement ces domaines. J'en ai identifié trois, qui me paraissent les plus importants au regard des avis que j'ai recueillis au cours de mes auditions.

Les services, d'abord : les normes de management de la qualité (la fameuse ISO 9001) et de service sont en très fort développement. Elles ont la particularité, de plus en plus, de devenir des normes « sociétales », à mesure qu'elles investissent notamment le secteur des ressources humaines. Est notamment en préparation la norme ISO 45 001 relative aux systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail dont l'objet est d'établir « un cadre de référence pour l'amélioration de la sécurité des travailleurs, la réduction des risques sur le lieu de travail et la création de conditions de travail meilleures et plus sûres dans le monde entier ».

On peut sans doute y voir une dérive, parce que la normalisation prend la place d'autres acteurs investis d'une légitimité plus grande - les partenaires sociaux, notamment. Mais c'est un fait que ces normes prospèrent. C'est pourquoi les acteurs français doivent prendre toute leur place dans le processus d'élaboration de ces normes - quel qu'en soit le niveau - afin de peser suffisamment pour, le cas échéant, faire écarter les solutions qui seraient contraires à nos lois, règlements ou engagements pris par les partenaires sociaux investis par l'État du pouvoir d'édicter certaines règles, voire qui méconnaîtraient les valeurs de notre République.

L'autre domaine à pleinement investir, c'est évidemment celui des nouvelles technologies de l'information. Il y a des enjeux technologiques majeurs dans les prochaines années, en lien avec les technologies embarquées dans les automobiles, notamment. L'enjeu du numérique est d'autant plus stratégique qu'il a des ramifications dans des domaines essentiels de la souveraineté des États et des libertés publiques, puisqu'il met par exemple en cause les capacités de surveillance et de contrôle des autorités civiles et militaires ou, plus généralement, la protection des données numériques des individus.

Enfin, les questions alimentaires et agricoles prennent une place majeure à l'international. Traditionnellement forte dans la production agricole et l'industrie alimentaire, la France doit saisir l'opportunité que fournit la normalisation et, ainsi, traiter pleinement les questions du développement de la production agricole, de qualité et de la sécurité de l'alimentation, et de la meilleure prise en compte des enjeux environnementaux et de développement durable.

Il est donc impératif d'investir fortement les domaines les plus stratégiques de la normalisation, notamment les services, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'agriculture et l'alimentation.

Pour peser véritablement dans ces domaines, compte tenu du poids des nouvelles normes d'origine européenne ou internationale, nous devons poursuivre une politique résolue d'influence dans les organismes européens et internationaux de normalisation. La France, qui y est représentée par l'AFNOR, y tient une place de choix si l'on prend en considération le critère de la détention de la présidence ou de secrétariats des instances de normalisation du CEN, du CENELEC, de l'ISO et de l'IEC.

Mais nous devons faire face à des stratégies d'influences d'autres pays qui tentent d'orienter les systèmes de normalisation au profit de leurs propres acteurs. On constate ainsi, depuis 2010, une montée en puissance très forte de la Chine. Il faut donc persévérer sur nos positions, porter de nouveaux sujets de normalisation aux plans international et européen, nouer des alliances stratégiques avec d'autres membres afin de faire modifier des projets de normes qui seraient trop défavorables à notre économie. D'où ma recommandation générale tendant à développer une stratégie plus active de positionnement des acteurs français en vue d'occuper des postes de responsabilité dans les instances des organisations européennes et internationales de normalisation.

Une autre série de préconisations a pour objet de mieux asseoir la dimension d'intérêt général des normes volontaires.

La légitimité des normes volontaires est fondée sur le consensus des parties intéressées, c'est leur force. Mais encore faut-il que le processus d'édiction des normes soit transparent et le plus ouvert possible, afin que tous les points de vue puissent s'y exprimer. Or, on peut craindre que certains acteurs tentent de tirer profit de la normalisation en « imposant » des solutions techniques qui les favoriseraient sans que cela profite réellement au plus grand nombre. Il y a, par exemple, de véritables stratégies d'acteurs anglo-saxons du monde de l'audit ou de la finance qui cherchent à consacrer des solutions favorables aux métiers de l'audit mais qui s'avèrent particulièrement lourdes à mettre en oeuvre, sur le plan humain et financier, par les entreprises sans que cela leur soit directement profitable.

Dans le même ordre d'idées, on voit se développer, notamment dans les domaines des nouvelles technologies, des regroupements des plus grands acteurs afin de définir - entre eux - des standards privés. Ce sont de petits cénacles, peu ouverts car le coût d'entrée y est souvent financièrement très lourd. C'est une pratique qui, au cours des auditions, a suscité beaucoup de critiques, car elle est peu transparente, peu ouverte et donne lieu à l'élaboration de référentiels - dits « accords d'ateliers » - avec lesquels une confusion est plus ou moins entretenue avec les normes stricto sensu, d'autant plus de ces travaux peuvent être « abrités » par les organismes officiels de normalisation. Ces critiques sont justes, mais les accords d'ateliers peuvent être un moyen de faire avancer certaines réflexions et de dynamiser l'innovation. Il est donc de l'intérêt du système de normalisation d'assurer un lien avec eux.

Je préconise donc de renforcer l'intégration des travaux d'ateliers pour favoriser, dès que possible, la mise en place de travaux de normalisation sur la base de ces standards, tout en veillant à éviter toute confusion sur le statut de ces travaux.

Des inquiétudes ont également été exprimées au cours des auditions sur le fait que la normalisation s'auto-alimenterait, « produisant des normes pour produire des normes », car cette production génère un profit direct pour les organes de normalisation - le prix de vente des normes - et un profit indirect, via l'activité de certification souvent exercée par des filiales des organismes de normalisation - c'est le cas de l'AFNOR. Or, effectivement, l'équilibre économique des organismes de normalisation nationaux comme internationaux repose pour une bonne part sur cette activité commerciale. La vente de normes procure ainsi à AFNOR 40 % de son budget ; pour l'ISO, c'est 35 % de ses recettes.

Pour que la normalisation reste bien une activité d'intérêt général, il est donc important que la stratégie commerciale ne soit pas le paramètre fondamental de l'activité normative. La solution passe par le maintien d'un financement public suffisant de l'activité de normalisation d'AFNOR. Or, en huit ans, le montant de la subvention de l'État a été divisé par deux, et ne contribue plus aujourd'hui qu'à 10 % de son budget. Il faut donc se garder de réduire encore ce financement public.

En outre, il faut rappeler que le français reste une langue officielle de la normalisation aux niveaux international et européen, et qu'il revient au système français de normalisation d'assurer la traduction des textes de normalisation d'origine supranationale - qui sont tous négociés en langue anglaise - pour un coût qui dépasse 2 millions d'euros par an pour la seule AFNOR. Or, ce statut est contesté, en partie compte tenu des délais de traduction qui retardent l'adoption définitive des normes. Pour maintenir la position de la langue française, qui doit être partie intégrante de notre stratégie d'influence, il faut définir des moyens suffisants pour réaliser des traductions fiables et rapides. D'où deux recommandations :

- d'une part, conserver un financement public suffisant de l'activité de normalisation pour préserver son caractère d'intérêt général ;

- d'autre part, prendre réellement en considération, pour déterminer le niveau du financement public de l'activité de normalisation, les frais et contraintes matérielles découlant de la traduction en langue française des normes européennes ou internationales afin d'assurer l'accès aux normes par tous les acteurs et leur complète intelligibilité.

Pour que la normalisation serve le mieux possible les intérêts de tous les acteurs, il importe également qu'elle soit la plus ouverte possible. Plusieurs des recommandations proposées visent ainsi à favoriser la participation au processus d'élaboration des normes.

Il faut d'abord, lorsqu'un nouveau projet de norme est proposé, que tous les acteurs susceptibles d'être intéressés en aient connaissance, pour pouvoir le cas échéant intervenir dans son élaboration. Cette tâche de publicité incombe à l'AFNOR, qui développe des moyens d'alerte et d'information. Mais elle doit être renforcée, en conjonction avec d'autres acteurs. D'où une préconisation tendant à faire bénéficier tout nouveau projet de travail de normalisation d'une publicité adéquate et suffisante en favorisant une meilleure connaissance par l'AFNOR des entreprises potentiellement intéressées, grâce aux bureaux de normalisation sectoriels, aux organisations ou syndicats professionnels et, le cas échéant, aux réseaux consulaires.

L'activité de normalisation intéresse d'abord et avant tout les entreprises, mais le processus de normalisation est ouvert à la participation d'autres acteurs de la société. C'est de l'expression d'opinions tant par des entreprises que des administrations, des collectivités territoriales et des associations de consommateurs et de défense de l'environnement, par exemple, que pourra naître un consensus large assurant la légitimité de la norme. Il est donc essentiel de :

- veiller à assurer la présence de représentants des administrations concernées pour l'élaboration ou la révision des normes qui mettent en cause des intérêts publics stratégiques ou majeurs ;

- favoriser la participation des représentants des collectivités territoriales, notamment par le biais de leurs associations, à l'élaboration ou la révision des normes qui concernent leurs domaines de compétences ;

- et renforcer l'intérêt des acteurs associatifs, notamment dans le domaine de la consommation et de l'environnement, pour les travaux de normalisation.

Favoriser la plus grande diversité des participations, notamment celle des PME et des associations, nécessite également des moyens techniques et financiers suffisants. D'où quatre propositions tendant à :

- développer le recours aux moyens de communication audiovisuelle instantanée pour la participation aux réunions des instances de normalisation ;

- mieux informer les entreprises, notamment les PME, sur l'éligibilité, en tant que telles, des dépenses de normalisation au crédit impôt recherche, et examiner l'élargissement du dispositif à la totalité des dépenses liées aux travaux de normalisation, y compris celles engendrées par le recours à des consultants extérieurs ;

- donner davantage de publicité aux systèmes d'aide à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les PME ;

- assurer la pérennité des aides à la participation aux travaux de normalisation dont peuvent bénéficier les associations agréées, notamment représentant les consommateurs ;

Enfin, globalement, le système français de normalisation, tel qu'imaginé en 2009, fonctionne de manière efficace, mais certains ajustements peuvent être suggérés qui permettraient d'en améliorer la gouvernance. Quatre recommandations en ce sens figurent dans le rapport :

- confier les fonctions de délégué interministériel aux normes à un chef de service ou directeur d'administration centrale et celles de responsables ministériels aux normes à des fonctionnaires d'un niveau hiérarchique suffisant ;

- poursuive, selon les modalités déterminées par les acteurs des secteurs concernés, le regroupement des bureaux de normalisation sectoriels afin d'atteindre une taille critique les mettant à même d'assurer de manière optimale leurs missions ;

- réexaminer périodiquement les périmètres des comités stratégiques (CoS) et créer, le cas échéant, des groupes de coordination dans les CoS à périmètres étendus ;

- autonomiser le comité d'audit et d'évaluation par rapport à l'AFNOR, notamment en prévoyant la nomination de ses membres et de son président par le ministre.

Voilà, chers collègues, ce que vous trouverez de façon plus développée dans mon rapport que je vous propose d'intituler : « Où va la normalisation ? En quête d'une stratégie de compétitivité respectueuse de l'intérêt général ».

M. Jean-Claude Lenoir . - Je vous remercie, Madame le rapporteur, pour ce rapport très complet, aboutissement d'un long travail, qui présente sans fard et sans détours les aspects positifs de la normalisation autant que les alertes qu'elle suscite. Je suis convaincu que ce rapport fera autorité.

M. Franck Montaugé . - Je tiens à remercier également notre rapporteur pour ce rapport exhaustif et de grande qualité. Je suis particulièrement sensible à la distinction que vous avez opérée entre les termes de norme et de règlement : ils sont souvent confondus, et cet écart de langage me semble préjudiciable à la clarté des propos et aux enjeux.

Il y a quelques mois, le groupe de travail sur la simplification des normes en agriculture, dont je faisais partie, a présenté son rapport. Nous y mettions en évidence la nécessité d'utiliser des normes volontaires, relevant du droit souple, pour permettre aux agriculteurs d'appliquer les règlements de manière acceptable plutôt que de les subir. Dans ce cadre, les labels de qualité, comme l'appellation d'origine protégée (AOP), l'appellation d'origine contrôlée (AOC) ou l'indication géographique protégée (IGP), qui reposent sur le suivi volontaire de certaines prescriptions, permettent de se distinguer sur les marchés et de renforcer la compétitivité.

Je souscris par ailleurs à l'enjeu national que notre rapporteur a souligné : je souhaite élargir le propos à un domaine peu évoqué, et pourtant lié à celui des normes : l'intelligence économique. Peut-être notre commission devrait-elle un jour prochain entendre un expert sur ce sujet. En comparaison avec le reste du monde, la France manque d'ambition et de vision stratégique dans ce domaine.

La compétitivité est bien entendu l'un des enjeux majeurs de la normalisation. Une dimension peut-être moins abordée, que j'ai bien connue, est celle du management : le triptyque de normes ISO 9 001 - ISO 18 000 - ISO 14 000, auquel s'ajoute la norme sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE), est un moyen efficace de mobilisation, qui donne du sens aux actions des entreprises.

Lors de nos travaux sur la simplification des normes en agriculture, un professeur de l'université de l'Arkansas, nous a exposé la démarche de certification dans laquelle les exploitations américaines se sont lancées. Nous devons être très vigilants : ces normes initialement volontaires, les États-Unis vont probablement chercher à nous les imposer, par exemple par le biais des accords de type TAFTA...

M. Gérard César . - C'est vrai !

M. Marc Daunis . - Tout à fait !

M. Franck Montaugé . - Cela n'exclut pas de faire comprendre à nos agriculteurs l'intérêt qu'ils pourraient avoir à se lancer dans ces démarches de certification.

Je ne suis pas sûr d'avoir saisi le lien établi entre les normes et les collectivités territoriales. En tant que maire, je me suis lancé dans une démarche de certification ISO 9 001 il y a déjà 15 ans. Force est de constater que peu de normes sont spécifiques aux problématiques des collectivités territoriales, mais peut-être faudrait-il les adapter.

Enfin, le financement public de l'AFNOR représente un enjeu ; mais nous devons également inciter et aider les entreprises à s'engager dans des démarches de certification, notamment ISO.

M. Daniel Gremillet . - Je tiens tout d'abord à féliciter notre rapporteur pour la qualité de son travail et de sa présentation.

La normalisation est un véritable business : la certification, gage d'un meilleur accès au marché, est bien souvent un enjeu de vie ou de mort pour les entreprises. J'ai donc beaucoup apprécié que soient pointés les risques de dérive de la commercialisation des normes. J'ai rencontré la semaine dernière une entreprise pour laquelle la certification était certes volontaire, mais déterminante. L'équipe dirigeante a été stupéfaite de découvrir que la personne chargée de l'audit de certification n'a jamais mis les pieds dans l'entreprise... Aujourd'hui, cet audit se limite bien souvent à l'examen de papiers ; les personnes qui en sont chargées sont de moins en moins issues du monde de l'entreprise. La connaissance de ce milieu est pourtant absolument nécessaire !

Je souhaite revenir sur le projet d'industrie du futur. Aujourd'hui, les régions ont une capacité économique et chacune édicte ses propres normes pour développer l'usine du futur. Cela peut être source de difficultés. Franck Montaugé a évoqué les normes en agriculture, j'ajouterai l'exemple des circuits courts et des marchés de proximité, soumis à des conditions normatives différentes.

Madame le rapporteur, vous avez évoqué la norme 45 001 : les normes ne sont jamais qu'une nouvelle forme de barrière douanière pour l'accès au marché, il est donc important que la France participe aux instances internationales qui les édictent.

Monsieur le président, ce rapport est excellent, mais n'en restons pas là ! L'accès au marché est un enjeu stratégique majeur. Je souhaite que notre commission assure un suivi régulier des évolutions concernant la normalisation, et que nous ne perdions pas de vue, comme c'est souvent le cas, l'obligation de résultats.

M. Michel Magras . - Je souhaite féliciter Élisabeth Lamure, qui a eu le courage d'attaquer un sujet complexe.

Les normes pénalisent énormément les outre-mer. Ce constat a été mis en évidence au cours des dernières années dans deux rapports d'information de notre délégation à l'outre-mer traitant respectivement des normes en matière agricole et dans le bâtiment et les travaux publics.

Je rappelle qu'il existe trois types de normes : les normes européennes, qui s'appliquent sur notre territoire, les normes nationales, et les normes professionnelles. Ces normes peuvent présenter un caractère législatif, réglementaire, ou volontaire - bien que ce volontariat devienne généralement rapidement une obligation...

L'Europe oublie toujours qu'elle n'est pas que continentale et qu'elle est aussi ultramarine ; la France oublie souvent qu'elle n'est pas uniquement hexagonale mais également ultramarine. Les normes sont bien souvent inadaptées aux réalités locales des territoires des outre-mer. Les normes en matière de produits phytosanitaires en sont un bon exemple : prévues pour un climat tempéré, elles ne sont pas pertinentes pour les climats ultramarins tropicaux. La tendance actuelle pour pallier ce problème consiste à ajouter des couches spécialement pour les outre-mer dans les textes, bien souvent pour faire plaisir... Mais cela ne fait qu'alourdir les processus.

Les normes à caractère professionnel, et donc volontaire, ont des conséquences économiques importantes : les organismes nationaux qui les établissent, les défendent donc naturellement. Je milite depuis toujours pour assurer une différenciation territoriale dans l'application des normes. Il faudrait qu'elles soient conçues non pas au niveau national, mais sur la base d'un cahier des charges établi localement, ce qui permettrait de les adapter aux réalités locales tout en assurant leur intégration dans le système normatif national et le respect des engagements internationaux.

Les normes génèrent des surcoûts. Elles sont volontaires mais deviennent très rapidement obligatoires, souvent sous la pression des associations. Les normes ISO peuvent engendrer des coûts démesurés, qui rendent inopérant le système. Rappelez-vous notre débat sur l'obligation pour les petits laboratoires d'obtenir les certifications imposées par le comité français d'accréditation (COFRAC) !

Je lirai avec beaucoup d'attention les préconisations de notre rapporteur. J'ajoute qu'il faudrait développer des moyens de suivi des recommandations que nous émettons dans les rapports, jusqu'à leur mise en oeuvre dans la vie quotidienne.

M. Gérard César . - Félicitations, Madame le rapporteur, pour la qualité de votre rapport ! Daniel Gremillet l'a dit : il ne faut pas en rester là, et il faudrait que ces travaux débouchent sur une proposition de loi, voire un projet de loi porté par le Gouvernement.

Je m'interroge sur un chiffre que vous avez mentionné : 8 452 normes actuellement en cours de conception. Pouvez-vous nous indiquer les secteurs visés, et les délais d'élaboration envisagés ?

À l'association des maires de France (AMF), je siège au sein d'un groupe de travail s'intéressant aux normes en matière de collectivités territoriales : quid de la relation entre les entreprises et les collectivités locales ?

Enfin, j'apprécie beaucoup le titre proposé : « Où va la normalisation ? En quête d'une stratégie de compétitivité respectueuse de l'intérêt général ». Tout y est !

M. Marc Daunis . - Je m'associe à mes collègues pour saluer le remarquable travail de Madame le rapporteur, dans un domaine généralement sous-estimé dans l'impact qu'il peut avoir sur la compétitivité des entreprises et de la France. Je partage les conclusions de Daniel Gremillet, mais je ne suis pas persuadé, contrairement à Gérard César, de la nécessité de légiférer dans ce domaine. Par contre, il y a une évidente nécessité de suivi des préconisations de ce rapport : c'est un domaine qui connaît des évolutions permanentes, lesquelles créent un risque de fonctionnement en vase clos ou de fossilisation, qui ont pour conséquence une perte totale de la richesse de la normalisation.

Je veux aussi soulever l'impact de la normalisation sur l'organisation des entreprises : cette question nécessite un travail spécifique, il faut examiner comment le développement des entreprises d'innovation technologique ou sociale peut être favorisé par la normalisation. Il faut prendre garde que celle-ci ne freine pas la créativité et les nouvelles formes d'organisation des entreprises, notamment celles des start-ups ou des entreprises de la nouvelle économie.

D'où mes trois questions : d'abord, j'étais surpris que le rapport ne mentionne pas la transition énergétique dans les trois secteurs prioritaires qu'il préconise. Je partage le diagnostic quant au domaine du numérique et de l'industrie du futur, mais il ne faut pas passer à côté du secteur de la transition énergétique.

Deuxième chose, il faut certes associer les collectivités territoriales au processus de normalisation mais il faut être vigilant à ne pas créer de dispositifs qui détournent des enjeux. Je préfèrerais qu'on se concentre sur l'échelon régional, d'autant plus que la notion d'État « stratège » à laquelle fait appel le rapport vaut tout autant au niveau régional. Je vois mal comment les échelons territoriaux inférieurs - communes, communautés d'agglomérations, départements - peuvent être associés à ce processus.

Troisième point, informer pleinement les entreprises est nécessaire et stratégique. Je me demande s'il ne serait pas pertinent de cibler davantage les TPE que les PME. Il y a une forte difficulté en France à faire croitre les TPE en PME et les PME en ETI, mais souvent le problème se retrouve dans de petites entreprises qui travaillent en sous-traitance et qui se voient imposer des normes par les donneurs d'ordres. Il me paraît donc plus pertinent de cibler le tissu des TPE, ce qui leur permet de pouvoir acquérir des savoir-faire.

M. Yannick Vaugrenard . - Merci à Madame le rapporteur pour son travail considérable et les conclusions qu'elle nous propose.

Il y a un paradoxe lorsque l'on parle de normes : elles sont censées être facilitatrices pour l'usager ou l'entreprise, mais elles peuvent parfois apparaître au contraire comme une source de complexité. Je veux également souligner l'utilisation qui est parfois faite par certains pays, comme les États-Unis et la Chine, des normes à fins de protectionnisme, voire de concurrence déloyale. Face à ce phénomène, la France ne peut agir seule, il faudra mettre en place une défense au niveau de l'ensemble du continent européen.

Deuxième remarque, relative à l'implication des collectivités territoriales : Mme Lamure recommande de favoriser la participation au processus d'élaboration des normes. Je pense qu'il faut être plus offensif : s'agissant des normes sportives, qui peuvent avoir un coût important pour les collectivités, ou des normes de sécurité, il est essentiel que les collectivités territoriales soient impliquées en amont de l'élaboration de ces normes afin d'en mesurer les conséquences avant leur mise en application. La participation des collectivités territoriales doit s'imposer, et non pas être seulement favorisée.

Enfin, s'agissant des PME, TPE et artisans, c'est une vraie difficulté d'obtenir une information « descendante ». Les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat n'ont pas les moyens financiers de faire descendre cette information auprès de ces entreprises. Je me demande donc s'il ne revient pas davantage à l'État décentralisé, au niveau des différents départements et en fonction des activités économiques du territoire, de faire descendre ces informations de manière à ce que les entreprises soient pleinement informées.

M. Gérard Bailly . - Je veux dire moi aussi combien ce travail est important et féliciter Madame le rapporteur pour ce rapport qui fera date.

Je voudrais évoquer les normes agricoles. Un travail important a été fait l'an dernier par notre rapporteur Daniel Dubois sur ce sujet. Nous ne voulons pas que ce travail reste lettre morte, et c'est pourquoi avant-hier, nous avons adressé une lettre au ministre en charge de l'agriculture afin d'obtenir un rendez-vous pour suivre la mise en oeuvre des recommandations qui avaient été faites.

J'ai effectué récemment de nombreuses visites dans des PME pour mieux connaître leurs difficultés, et la problématique des normes - il est vrai souvent contraignantes - a été régulièrement abordée dans les discussions. Dans mon département, il y a beaucoup de tabletteries, de tourneries et d'entreprises qui travaillent le bois : les normes représentent pour ces PME une pression importante qui, couplée à la concurrence des pays asiatiques, menace l'activité économique. Il faut trouver des solutions, et c'est pourquoi je pense qu'il faudrait opérer une différenciation des normes en fonction de la taille des entreprises auxquelles elles s'appliquent.

Par ailleurs, à chaque fois que j'assiste à l'assemblée générale de la chambre des métiers de mon département, la question de l'apprentissage revient : du fait des normes de plus en plus contraignantes, les maîtres d'apprentissage confient de moins en moins de tâches à leurs apprentis. Si ceux-ci ne peuvent pas mettre la main à la pâte, comment peuvent-ils apprendre leur métier ? Il faut là aussi une adaptation des normes.

M. Henri Tandonnet . - Avec mes collègues de l'Union centriste, nous tenons à remercier Madame Lamure pour ce rapport, qui va être un ouvrage de référence qui nous servira pour travailler pendant de longues années.

J'ai apprécié l'insistance du rapport sur l'apport positif de la normalisation volontaire et de la participation de la France aux organismes de normalisation internationaux, qui permet de servir les intérêts économiques du pays. Pour autant, il ne faut pas non plus occulter les limites de ces organismes. Lorsque j'avais un cabinet juridique, certaines normes s'appliquaient à nous, et je m'étais rendu compte que ces normes ne concernaient pas des choses essentielles, telles que l'assurance de responsabilité professionnelle, ou les délais de transmission des fonds des clients. Les normes portaient sur des choses artificielles et ne traitaient pas du fond.

Cela étant, dans l'intitulé de votre rapport, vous parlez de l'intérêt général : tout est là, il s'agit de dégager le bon équilibre entre intérêt général, intérêt économique, et groupes d'intérêt : ces derniers, notamment les groupes dans la grande distribution et les grandes compagnies d'assurance, utilisent ce système de normes pour mettre à genoux les producteurs et les petites entreprises. Toute la difficulté est là, il faut distinguer l'intérêt général de l'intérêt de ces groupes, d'où ma question : comment normaliser la normalisation ?

M. Ladislas Poniatowski . - Les normes - et c'est d'ailleurs ce que montre bien ce rapport, pour lequel je félicite Madame le rapporteur - on peut en mourir, mais elles peuvent aussi nous sauver. Je dis cela parce que je veux intervenir sur un point du rapport, concernant la gouvernance du système français.

Monsieur le Président, il y a bien des années de cela, nous avions fait un déplacement très intéressant aux États-Unis, au moment de l'ouverture à la concurrence des télécoms et de l'électricité, et nous avions rencontré un juge américain, grand spécialiste en la matière. Ce qui m'avait frappé à l'époque, c'est la place du juridique dans ces domaines : arrivaient devant ce juge les représentants des différentes compagnies de télécoms et d'électricité, accompagnés d'une dizaine d'avocats, et les audiences duraient des heures.

Je mentionne ce déplacement parce que, dans la gouvernance du système français, Mme Lamure recommande de réserver certaines fonctions à des fonctionnaires d'un niveau hiérarchique suffisant ; mais ce qu'il nous faut en réalité, ce sont de grands juristes. La meilleure manière de défendre tant le consommateur que les entreprises, c'est d'avoir de grands juristes qui puissent défendre les intérêts de la France partout, à Bruxelles mais aussi dans le monde entier. Le commerce international, c'est une guerre, et si l'on n'est pas bien armé, on ne gagnera pas. Ma suggestion est donc d'être plus ambitieux et de mettre beaucoup plus de moyens en matière de gouvernance, soit dans le but de protéger, soit, quand c'est nécessaire, d'empêcher qu'on nous tue - je parle bien sûr de nos entreprises.

M. Jean-Claude Lenoir . - Pour être tout-à-fait précis, le déplacement que vous évoquez s'est déroulé en septembre 1990...

M. Alain Chatillon . - Comme nous tous, je veux féliciter Madame le rapporteur pour ce grand projet qui pourrait par la suite donner lieu à un examen plus détaillé, secteur par secteur.

Je veux donner quatre exemples concrets. D'abord, sur l'agro-alimentaire, lors des réunions à Bruxelles, j'ai eu l'occasion de constater moi-même, en tant que président d'un groupe agro-alimentaire, qu'on ne voyait pas les Français. Il y avait des fonctionnaires anglais, allemands, espagnols, mais rarement des Français. Personnellement c'était mes filiales qui m'indiquaient quels étaient les axes sur lesquels il fallait porter notre attention, mais nous n'étions pas informés par les fonctionnaires français. Chaque fois qu'on téléphonait au responsable en charge d'un sujet spécifique, il refusait de nous donner les informations du fait de la séparation des pouvoirs, alors que c'est l'inverse dans les autres pays. Là aussi, il y a quelque chose de concret à faire pour rapprocher le monde de l'entreprise de ceux qui sont en charge de la défendre.

Deuxièmement, la distribution commerciale a connu une formidable concentration en l'espace de 30 ans, avec quatre distributeurs qui représentent 85 % de la distribution en France. Au Japon, il y a 3 000 distributeurs, il est donc bien plus difficile d'aller à la conquête du Japon qu'à la conquête de la France, où les produits français peuvent être très vite concurrencés. Lorsque l'on voit la balance commerciale de la France dans ce domaine sur les dix dernières années, nous avons beaucoup perdu, puisque nous sommes désormais le troisième pays européen, après l'Allemagne et l'Italie.

J'ajoute qu'il faut donner, tout particulièrement dans ce secteur de la distribution, les moyens à la DGCCRF d'intervenir pour repérer les produits non conformes qui, bien souvent, sont importés.

Ma troisième remarque concerne l'immobilier : dans un certain nombre de pays européens, on s'efforce de positionner prioritairement les handicapés au premier niveau des bâtiments. Ce n'est pas le cas en France où les normes nous imposent des aménagements à tous les niveaux. Je me souviens d'une réunion que j'avais organisée localement avec les bailleurs sociaux et à laquelle participait Mme Cécile Duflot, alors ministre du logement : il en était ressorti qu'une telle orientation, conforme aux préconisations des services d'urgence et de secours, permettrait d'abaisser de 10 % les coûts de construction.

J'en termine en signalant, en matière d'affichage des prix, la disparité de traitement entre les petits commerces ruraux et certaines boutiques de luxe parisiennes. Constatant que des amendes avaient été infligées à des petits commerçants de mon département, faute d'étiquettes de prix, j'avais fait prendre en photo certaines devantures de prestigieuses maisons proches des Champs Élysées et notre préfet avait alors décidé de faire machine arrière. Au-delà des généralités, on peut donc agir de façon très concrète.

M. Marc Daunis . - Je complète rapidement mon intervention précédente en précisant, au titre du suivi de nos préconisations, qu'il faut être simultanément attentif à la standardisation et à la normalisation qui sont liées l'une à l'autre, et qui toutes deux peuvent être utilisées par des opérateurs pour élargir leurs parts de marché.

Mme Élisabeth Lamure . - Je remercie les nombreux intervenants et je vais m'efforcer de vous répondre brièvement.

En matière agricole, mon rapport répond aux préoccupations qui ont été exprimées puisqu'il préconise de nous orienter vers un droit souple, fondé sur des grandes orientations définies par le législateur et le pouvoir réglementaire, qui serait élaboré plus en détail par les acteurs économiques. Je le redis, l'essentiel est de ne pas entretenir la confusion entre les normes obligatoires et les normes volontaires : ces dernières peuvent ne pas être appliquées et j'ajoute que les entreprises ont aussi, bien souvent, toute une palette de choix dans les différentes normes disponibles.

Du point de vue managérial, la normalisation est effectivement très bien connue dans l'industrie et les grandes entreprises mais pas assez dans les petites. Je propose de mieux utiliser les réseaux des organisations professionnelles ou les réseaux consulaires pour diffuser l'information dans ce domaine.

Plusieurs interrogations portent sur les moyens d'accroitre la participation des collectivités territoriales : à mon sens cela doit s'opérer par le biais des associations d'élus, et non pas collectivité par collectivité. Dans le domaine du sport, par exemple, ces associations d'élus ont tout intérêt à être des partenaires de la normalisation encore plus assidus qu'aujourd'hui.

Par ailleurs, il faut faire la distinction - assez subtile d'ailleurs - entre la « qualification » et la norme volontaire qui donne une « certification » mais qui pour autant n'est pas obligatoire.

S'agissant de l'industrie du futur, c'est l'État qui doit donner l'impulsion pour que les entreprises, les collectivités territoriales et les consommateurs travaillent sur des points précis favorisant la réussite de ce projet.

Je précise également que les 8 450 normes volontaires en cours de conception concernent tous les domaines d'activité économique (qu'il s'agisse des biens ou des services) et que leur délai d'élaboration est de deux à trois ans en moyenne.

J'approuve pleinement l'idée de réaffirmer la nécessité de prendre en compte les caractéristiques climatiques des territoires ultramarins et de différencier les normes pour les adapter à nos outre-mer. Très concrètement, cela impose de mieux associer - à travers les organisations professionnelles et les réseaux consulaires - les entreprises ultramarines.

Je m'associe, bien entendu, aux propos de mes collègues sur l'impératif de suivi attentif de nos préconisations - nous l'avons d'ailleurs évoqué plusieurs fois en commission pour l'ensemble de nos travaux.

La dimension stratégique de la normalisation volontaire a été soulignée : elle est fondamentale, et la France doit prendre toute sa place dans les instances internationales pour pouvoir imposer, comme le font certains de nos partenaires dans leur propre intérêt, les normes industrielles ou environnementale de notre pays, ce qui donnera à l'évidence, à nos entreprises, un avantage dans la compétition internationale.

Je précise également que le secteur de l'énergie a bien été inclus dans nos investigations et nos propositions. La standardisation et la normalisation sont des notions assez proches mais la standardisation - par exemple, celle qui est influencée par les pratiques des très grandes entreprises - ne passe pas nécessairement par le processus bien défini de normalisation. Or précisément, l'intérêt de l'ensemble des acteurs est d'intégrer ces travaux de standardisation au sein du système de normalisation.

Comme cela a été indiqué, l'information des petites entreprises sur la normalisation représente un enjeu important et, de ce point de vue, la veille numérique me parait un des moyens les plus économes et efficace de pallier cette difficulté, tout en rappelant, en particulier aux entreprises du monde agricole, que la normalisation volontaire n'est pas, comme on le croit trop souvent, une contrainte obligatoire. Il faut cependant reconnaitre que l'application d'une norme volontaire apporte souvent un avantage concurrentiel aux entreprises qui choisissent de s'y soumettre.

Assurément, l'intérêt général et nos intérêts économiques doivent primer dans nos démarches de normalisation volontaire. Là aussi, il nous faut une vraie stratégie nationale, appliquée par l'AFNOR, pour faire entendre la voix de la France dans les instances internationales.

On recense 19 000 experts français autour de l'élaboration des normes, mais comme cela a été indiqué, on ne compte peut-être pas suffisamment de très grands juristes dans ce domaine.

Applaudissements

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Mes chers collègues, je m'associe à vos applaudissements et je vous demande formellement d'approuver la publication de ce rapport. L'intérêt que vous avez manifesté justifie une demande de débat en séance publique à l'automne sur ce sujet.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 21 février 2017 :

- Délégation interministérielle aux normes : Mme Lydie Évrard , déléguée interministérielle aux normes, et M. Bernard Samy , chef du bureau de la normalisation et de la qualité à la direction générale des entreprises.

Mardi 21 mars 2017 :

- Association française de normalisation (AFNOR) : MM. Alain Costes , directeur de la normalisation, et Vincent Schramm , responsable du département orientation et développement ;

- Bureau de normalisation du bois et de l'ameublement (BNBA) : M. Frédéric Henry , directeur ;

- Bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction du bâtiment (BNTEC) : M. Valéry Laurent , directeur ;

- Comité français d'organisation et de normalisation bancaires (CFONB) : M. Xavier Mendiboure , secrétaire général, et Mme Maria de Sousa , chargée de mission.

Mardi 25 avril 2017 :

- Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : MM. Jacques Levet , directeur des affaires techniques et normalisation de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), François Remoue , directeur adjoint à la direction Économie-Finances, et Jules Guillaud , chargé de mission à la direction des affaires publiques ;

- Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : MM. Franck Gambelli , mandataire CPME à l'AFNOR, Jérôme Normand , économiste à la CPME, et Mme Sabrina Benmouhoub , chargée de mission affaires publiques.

Mardi 9 mai 2017 :

- Direction générale des entreprises : MM. Alain Schmitt , chef du service de la compétitivité, du développement et de l'innovation des entreprises, et Bernard Samy , chef du bureau de la normalisation et de la qualité ;

- Commissariat à l'information stratégique et à la sécurité économiques (CISSE) : M. Jean-Baptiste Carpentier , commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques, et Mme Jeanne Marcucci-Demeure , du service à l'information stratégique et à la sécurité économiques ;

- Association Force ouvrière consommateurs (AFOC) : M. Etienne Defrance , délégué.

Mercredi 31 mai 2017 :

- Comité de coordination et de pilotage de la normalisation (CCPN) : M. Stéphane Dupré la Tour , président.

Mardi 6 juin 2017 :

- Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs : Mme Ludivine Coly-Dufourt , directrice ;

- Mme Anne Penneau , professeur de droit privé à l'Université de Paris 13.

Mardi 20 juin 2017 :

- Association française de normalisation (AFNOR) : M. Alain Costes , directeur de la normalisation, et Mme Isabelle Rimbert , directrice adjointe de la normalisation.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Coop BN ;

- Bureau de normalisation de la céramique (BNC) ;

- Bureau de normalisation de la construction métallique (BNCM) ;

- Bureau de normalisation Fertilisation (BN FERTI) ;

- Bureau de normalisation du gaz (BNG) ;

- Bureau de normalisation de l'horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie (BNHBJO) ;

- Bureau de normalisation de l'industrie du béton (BNIB) ;

- Bureau de normalisation de l'industrie textile et de l'habillement (BNITH) ;

- Bureau de normalisation du pétrole (BN Pétrole) ;

- Bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction du bâtiment (BNTEC) ;

- Bureau de normalisation des transports, des routes et de leurs aménagements (BNTRA) ;

- Union de normalisation de la mécanique (UNM).


* 1 Décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation.

* 2 Notamment de la déléguée interministérielle aux normes, à l'époque Mme Lydie Évrard, dans son rapport « Politique nationale de normalisation et stratégie pour la compétitivité de notre économie », remis au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en décembre 2014 ; de Mme Claude Revel, dans son rapport « Développer une influence normative internationale stratégique pour la France », remis au ministre du commerce extérieur en décembre 2012 ; et de l'Autorité de la concurrence, dans son avis n° 15-A-16 du 16 novembre 2015 portant sur l'examen, au regard des règles de concurrence, des activités de normalisation et de certification.

* 3 Abrogeant le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation.

* 4 Voir, en ce sens, la décision du Conseil d'État, 8 mars 2002, SARL Plettac Echaffaudages, n° 210043, aux tables du Recueil Lebon.

* 5 Auxquels il faut ajouter l'activité analogue à un bureau de normalisation exercée de manière directe au sein même de l'AFNOR.

* 6 En cours de fusion avec l'Union de normalisation de la mécanique (UNM).

* 7 Cas, par exemple, du bureau de normalisation de l'acier (BNA), abrité par la Fédération française de l'acier ; du bureau de normalisation du gaz (BNG), abrité par l'Association française du gaz, du bureau de normalisation du pétrole (BNP), liée à EVOLEN, l'association résultant de la fusion en 2011 du Groupement des entreprises parapétrolières et paragazières et de l'Association des techniciens et professionnels du pétrole ; et du bureau de normalisation des techniques et des équipements de la construction du bâtiment (BNTEC), créé sous l'égide de la Fédération française du bâtiment.

* 8 Cas, notamment, du bureau de normalisation des activités aquatiques et hyperbares (BNAAH), abrité par l'Institut national de plongée professionnelle.

* 9 Cas du bureau de normalisation des industries de la fonderie (BNIF), abrité par le Comité technique industriel de la fonderie et des matériaux et produits métalliques (CTIF), ou du bureau de normalisation du bois et de l'ameublement, logé au sein du comité technique industriel Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA).

* 10 Cas du bureau de normalisation de l'horlogerie, la bijouterie, la joaillerie et l'orfèvrerie (BNHBJO), abrité par le Comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie et des arts de la table (Comité Francéclat).

* 11 Rapport précité, p. 23.

* 12 Rapport précité, p. 27.

* 13 Simplification du droit : une nécessité pour l'Union européenne , rapport d'information n° 387 (2016-2017) de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes, p. 9.

* 14 Voir infra, p. 40 .

* 15 Premier à troisième alinéas de l'article L. 311-2 : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés.

« Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration. Cependant, les avis, prévus par les textes législatifs ou réglementaires, au vu desquels est prise une décision rendue sur une demande tendant à bénéficier d'une décision individuelle créatrice de droits, sont communicables à l'auteur de cette demande dès leur envoi à l'autorité compétente pour statuer sur la demande. Lorsque les motifs de l'avis n'y figurent pas, ceux-ci doivent être également communiqués au demandeur en cas d'avis défavorable.

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les avis qui se prononcent sur les mérites comparés de deux ou plusieurs demandes dont l'administration a été saisie ne sont pas communicables tant que la décision administrative qu'ils préparent n'a pas été prise. »

* 16 L'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration disposant que le secret en matière commerciale et industrielle « comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».

* 17 Conseil n° 20160861 du 3 mars 2016.

* 18 Dans le domaine des électrotechnologies, un barème différent s'applique, de manière dégressive, en fonction du nombre d'experts et de commissions. Ainsi, de 1 à 30 experts-commission, la cotisation est fixée à 2 1992 € par an par expert-commission ; au-delà de 241 experts-commissions, elle est fixée à 352 € par expert-commission.

* 19 Version mars 2016.

* 20 Des règles spécifiques étant applicables pour les sujets couverts par le Cenelec.

* 2122 Ou le comité technique concerné de l'ISO/IEC ou du CEN/Cenelec.

* 23 Ce délai est de trois ans pour les normes « expérimentales ».

* 24 Cf. les Directives ISO/IEC - Partie 1 - Procédures spécifiques à l'ISO , 2017.

* 25 Cour de justice de l'Union européenne (troisième chambre), arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction Limited contre Irish Asphalt Limited , affaire C-613/14, paragraphe 40.

* 26 V° Normalisation, Répertoire Dalloz de droit commercial , juin 2011, n° 40.

* 27 Voir infra, p. 69.

* 28 https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Normes-AFNOR-d-application-obligatoire.

* 29 Selon l'étude, le taux de croissance annuel du chiffre d'affaires des entreprises participant au processus de normalisation est de 4 % en moyenne, contre 3,3 % pour l'ensemble des entreprises.

* 30 Selon l'étude, les entreprises exportatrices acheteuses de normes ou participant au processus de normalisation ont un taux d'export de 18,2 % contre 15,3 % pour l'ensemble des entreprises.

* 31 Voir la communication de la Commission européenne « Normes européennes pour le XXIè siècle », 1 er juin 2016, COM (2016) 358 final, p. 5.

* 32 En particulier, les règlements adoptés par l'Union européenne à l'encontre de l'Iran ou de la Russie.

* 33 Intitulée : Une vision stratégique pour les normes européennes : aller de l'avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l'économie européenne à l'horizon 2020, COM(2011) 311 final.

* 34 Voir supra, pp. 25 et 29.

* 35 Rapport de la mission de réflexion sur la normalisation appliquée au secteur du bâtiment, CSCEE, 12 juillet 2016.

* 36 Développer une influence normative internationale stratégique pour la France , rapport remis le 28 décembre 2012.

* 37 Voir, en ce sens, la Stratégie de l'ISO 2016-2020 .

* 38 Voir infra, p. 68.

* 39 Rapport précité, p. 58.

* 40 Par exemple, en janvier 2015, la Commission a invité les trois organismes européens de normalisation à élaborer des normes européennes sur certains aspects de l'utilisation rationnelle des matériaux, à l'appui de la mise en oeuvre de la directive 2009/125/CE du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception applicables aux produits liés à l'énergie. Cette demande n'a pas abouti en raison des rejets exprimés par le CEN et le Cenelec et de l'abstention de l'ETSI.

* 41 Par exemple, les normes ISO/TC 206, notamment ISO 30407 :2016 « Management des ressources humaines - Coût par recrutement », ISO 30408 :2016 « Management des ressources humaines - Lignes directrices sur la gouvernance humaine », ISO 30409 :2016 « Management des ressources humaines - Gestion prévisionnelle de la main d'oeuvre ».

* 42 C'est le cas de la norme ISO 26000:2010 « Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale ».

* 43 Composé des organisations syndicales (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC) et patronales (MEDEF, CGPME, UPA, UNAPL, FNSEA) représentatives au niveau national interprofessionnel, de l'État (ministère chargé du travail - DGT- et ministère chargé de l'agriculture-SAFSL-) et de la CNAMTS (direction des risques professionnels).

* 44 Rapport précité, pp. 54-55.

* 45 Créé en 1963 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations-Unis pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), le Codex Alimentarius définit des normes alimentaires, des lignes directrices et des codes d'usages internationaux.

* 46 L'Office international des épizooties a été créée en 1924 afin de combattre les maladies animales au niveau mondial. En mai 2003, il est devenu l'Organisation mondiale de la santé animale, tout en conservant son acronyme historique OIE.

* 47 Simplification du droit : une nécessité pour l'Union européenne , rapport d'information n° 387 (2016-2017) précité, p. 9.

* 48 Rapport de la mission de réflexion sur la normalisation appliquée au secteur du bâtiment, CSCEE, 12 juillet 2016.

* 49 Voir infra, p. 99.

* 50 Rapport précité, 12 juillet 2016.

* 51 Voir supra, pp. 37 et suivantes.

* 52 Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

* 53 Rapport de la mission de réflexion sur la normalisation appliquée au secteur du bâtiment, CSCEE, 12 juillet 2016.

* 54 Selon les données de « Norm'info » publiées par l'AFNOR.

* 55 Conseil d'Etat, 10 février 2016, Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME- CGT), n° 383756.

* 56 Dans le cadre du groupe de travail sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du sport, ayant pour rapporteurs Mme Christine Prunaud et MM. Michel Savin, Christian Manable et Dominique de Legge.

* 57 Rapport précité, 12 juillet 2016, p. 4.

* 58 Pour 2017, la direction générale des entreprises fait ainsi état d'un projet mobilisant à lui seul la moitié des crédits annuels.

* 59 Rapport n° 387 (2016-2017), précité, p. 31.

* 60 Au même titre que l'anglais et le russe, s'agissant de l'ISO et de l'IEC ; avec l'anglais et l'allemand dans le cadre du CEN/Cenelec.

* 61 Voir supra, p. 93.

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