B. UN RÉSEAU DE SIRÈNES DEVENU TOTALEMENT OBSOLÈTE
Le système d'alerte et d'information des populations succède au réseau national d'alerte (RNA), dont l'obsolescence a été mise en évidence par le rapport « Hirel », remis en novembre 2002 3 ( * ) .
La RNA a été institué après la seconde guerre mondiale par le service de la protection civile pour répondre à des risques de nature militaire. L'arrêté du 9 février 1954, qui porte création de ce réseau, n'envisageait que les bombardements comme motif de déclenchement. L'arrêté du 8 mai 1973 a, par la suite, élargi les hypothèses d'utilisation aux risques nucléaires, bactériologiques et chimiques (NBC).
Il était, dans les années 2000, constitué d'environ 4 500 sirènes et 48 sites de déclenchement, interconnectés par des liaisons filaires, situés sur 6 bureaux généraux de l'alerte (centres de détection et de commandement de l'armée de l'air) et 42 bureaux de diffusion et de l'alerte (implantés dans les locaux des préfectures).
La technologie de ce réseau était analogique, et les équipements (armoires de commande et meubles de déclenchement des sirènes) répondaient aux normes électriques de l'époque. Votre rapporteur spécial a constaté par lui-même la vétusté de ces armoires de commande, ainsi que les éventuels risques d'incendie qu'ils impliquaient.
Le rapport « Hirel » relevait que, n'ayant été que maintenu à niveau, le RNA avait incontestablement vieilli, tandis que le risque auquel avait répondu son institution s'était fortement atténué suite à l'effondrement du bloc soviétique. Par ailleurs, les évolutions de la démographie et de la nature des risques ont également rendu la localisation des sirènes obsolète.
En outre, plusieurs limites à son maintien demeuraient :
- sa doctrine d'emploi restait imprécise car le décret 4 ( * ) qui en dressait les contours demeurait largement inappliqué ;
- faute de granularité suffisante, le RNA ne pouvait être utilisé à l'occasion d'une menace ou de la réalisation d'un risque affectant une zone géographique bien précise (logique du « tout ou rien ») ;
- malgré les efforts indéniables de remise en état des sirènes, leur état de fonctionnement variait sensiblement d'un département à l'autre (impossibilité de déclencher les sirènes à distance lors des essais des premiers mercredis du mois, déclenchements intempestifs, usage en mode dégradé ou réseau inutilisable laissé à l'abandon...). En Corse, par exemple, les essais du premier mercredi du mois n'avaient même plus lieu faute d'installations satisfaisantes. Par ailleurs, à la suite de sa transformation en société privée, France Telecom, qui avait initialement la responsabilité de l'entretien du réseau, a interrompu toute prestation sur le RNA en 2011, faute d'indemnisation de la part du ministère de l'intérieur.
Au total, le RNA devenait coûteux 5 ( * ) à maintenir en état de fonctionnement, sans que son intérêt opérationnel ne soit établi. Le rapport « Hirel » relève d'ailleurs qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une utilisation en un demi-siècle, en dehors des essais des premiers mercredis du mois. Par ailleurs, s'agissant des catastrophes naturelles les plus récentes, des sirènes existaient (comme lors de la tempête Xynthia 6 ( * ) ou des inondations dans les Alpes-Maritimes en octobre 2015), mais en nombre insuffisant et n'ont pas été déclenchées.
Partant de ces observations, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 a fixé comme objectif la mise en place d'un « nouveau système d'alerte des populations, conçu sur le plan national et sur la base d'une approche centrée sur les bassins de risques ». Ce dernier devait faire partie des six grands chantiers identifiés pour la sécurité civile 7 ( * ) . Il prévoit notamment que le nouveau réseau « doit être entièrement modernisé, pour utiliser au mieux la diversité des supports aujourd'hui possibles : sirènes, SMS, courriels, panneaux d'affichage public dans les villes, gares, aéroports, réseaux routier et autoroutier. Les potentialités du réseau Internet doivent également être exploitées » 8 ( * ) .
Observation : le choix de remplacer le RNA, vieillissant, par un nouveau système d'alerte était pleinement justifié. |
* 3 Rapport sur le réseau national d'alerte de l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale des finances, le conseil général des technologies de l'information, le contrôle général des armées et l'inspection générale de l'environnement, novembre 2002.
* 4 Décret n° 90-394 du 11 mai 1994 relatif au code national de l'alerte.
* 5 Le rapport « Hirel » évoque un coût annuel d'environ 70 millions de francs en 2000 et 2001.
* 6 Cour des comptes, Tempête Xynthia : retour d'expérience, évaluation et propositions d'action, 2010.
* 7 Livre blanc pour la défense et la sécurité civile, p. 232.
* 8 Ibid. p. 188-189.