CHAPITRE 2 : LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
En quelques années, l'énergie est devenue un domaine-clé de la ville du futur, se situant au carrefour des enjeux d'édification de territoires intelligents mais aussi en termes de protection de l'environnement. Participant pour plus de 60 % aux émissions de gaz à effet de serre, l'énergie représente en effet une dimension essentielle de la lutte contre le réchauffement climatique, que ce soit par la diminution du recours aux énergies fossiles ou par le développement des énergies renouvelables.
Si aujourd'hui, les nouvelles technologies accompagnent de façon privilégiée le mouvement complexe de transition énergétique vers un modèle plus décentralisé de production et de distribution de l'énergie, elles contribuent surtout à donner davantage de pouvoir aux consommateurs et aux collectivités territoriales. Désormais, celles-ci peuvent, par exemple, s'appuyer sur des systèmes énergétiques dits intelligents ou « smart » qui permettent, grâce à des capteurs collectant des milliers de données (géolocalisation, température, prix de l'énergie) d'offrir un pilotage plus fin et plus économe de la production et de la consommation.
Depuis une vingtaine d'années, c'était principalement en matière de production d'énergie que les collectivités territoriales faisaient preuve d'innovation. Sans surprise, ce sont les énergies renouvelables qui ont offert aux élus locaux les techniques les plus innovantes (panneaux solaires, géothermie, éolien, biomasse, hydroélectricité, cogénération) et une vaste gamme de solutions pertinentes adaptées aux réalités locales. Mais, plus récemment, c'est davantage à travers les technologies connectées que les collectivités territoriales ont entendu innover. Que ce soit pour chauffer les bâtiments, éclairer les rues, ou encore utiliser une borne de recharge de véhicule, c'est l'énergie électrique qui est aujourd'hui particulièrement sollicitée.
Au coeur de cette révolution, les réseaux sont donc devenus essentiels. Véritables systèmes nerveux de la gestion de l'énergie, les réseaux intelligents ou « smart grid » se tournent vers la gestion (« monitoring ») en temps réel, rendue possible par les outils numériques (capteurs, compteurs communicants). Ces réseaux intelligents confortent ainsi un triple objectif : favoriser les énergies renouvelables, répondre à la croissance de la demande, et offrir davantage d'efficacité énergétique. Pour les déployer, les opérateurs peuvent d'ailleurs compter sur un tissu d'entreprises innovantes et souvent françaises. Concrètement, grâce à des milliers de capteurs faisant remonter les informations sur le fonctionnement des réseaux (outils de « Big Data »), ces technologies de dernière génération offrent un pilotage bien plus précis. Les collectivités peuvent donc proposer un meilleur service aux usagers et optimiser leur gestion de l'énergie au moment où elles doivent atteindre un des objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique : réduire de 60 % la consommation énergétique des bâtiments tertiaires d'ici 2050.
C'est dans cette perspective que vos rapporteurs ont choisi de mettre en lumière l'initiative de la ville d'Issy-les-Moulineaux , qui utilise la domotique au service de l'ajustement des consommations énergétiques dans certains de ses logements depuis 2013. Des écrans tactiles, installés dans 1 620 appartements concernés par cette innovation, délivrent des informations qui permettent aux usagers de suivre leur consommation d'énergie et d'ajuster numériquement, en temps réel, l'utilisation de la lumière, des volets ou encore du chauffage.
Vos rapporteurs se sont également intéressés à la métropole de Rennes qui a lancé, en 2015, un programme expérimental baptisé « RennesGrid », qui doit prochainement entrer dans sa phase de réalisation. Il s'agit d'un réseau intelligent destiné à garantir l'autoconsommation mutualisée à l'échelle d'un quartier par la collecte de données et l'ajustement en temps réel de la production et de la consommation d'électricité photovoltaïque. Concrètement, les compteurs intelligents déployés doivent permettre d'anticiper les variations de consommation d'électricité et donc d'optimiser la production d'énergie nécessaire.
Aujourd'hui, un nombre croissant de collectivités se tournent vers la collecte de données de consommation énergétique de leurs bâtiments publics pour envisager des leviers d'économie. C'est par exemple le choix de la municipalité du Chesnay, dans les Yvelines, qui a lancé en 2016 une application destinée à rationaliser la consommation énergétique de ses bâtiments. En exploitant les données collectées, croisées avec des paramètres extérieurs, telle la météo, la ville a identifié des actions concrètes d'économies d'énergie à mettre en oeuvre et des actions de rénovation à conduire pour optimiser sa consommation.
Pour une gestion plus économe des ressources, les collectivités investissent aussi de plus en plus le terrain de l'éclairage public. Les élus locaux savent qu'en agissant sur ce type d'équipements publics, ils peuvent aisément réaliser d'importantes économies d'énergie et contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les opérations de rénovation du parc d'éclairage public représentent une formidable opportunité pour moderniser les territoires. Vos rapporteurs ont voulu l'illustrer à travers l'exemple de la ville de Chartres , qui a développé en 2015 une solution d'éclairage public intelligent (« Smart-Lighting ») qui repose sur un bouquet de technologies innovantes (luminaires LED, détecteurs de présence, télégestion) et a permis une réduction des consommations énergétiques.
Vos rapporteurs se sont également intéressés à des initiatives innovantes conduites à l'étranger. La ville de Los Angeles , en Californie, a massivement déployé sur son territoire des éclairages LED plus économes. Elle a fait le choix d'un système d'éclairage public connecté et centralisé à travers le contrôle à distance de chaque lampadaire. En pratique, le gestionnaire peut réguler à distance l'intensité des 100 000 points lumineux télé-gérés, et donc contrôler en continu l'état de fonctionnement du réseau. Ce suivi en temps réel offre une plus grande flexibilité et une sécurité améliorée puisque les coupures ou les défaillances entrainent une notification immédiate qui déclenche l'intervention du personnel municipal, désormais dispensé des traditionnelles rondes de surveillance.
C'est enfin la ville d'Amsterdam qui a suscité l'intérêt de vos rapporteurs, pour sa construction d'un bâtiment durable au service de l'optimisation des consommations énergétiques. Dans ce bâtiment, tout a été conçu pour réduire au maximum l'empreinte écologique, et de nombreuses technologies ont été mobilisées à cette fin : parking doté de prises électriques pour rechercher les véhicules, toit et façades équipés de panneaux solaires, plafonds munis de capteurs à détection de présence pour réguler l'éclairage intelligent et la température, objets connectés par exemple pour commander des repas, etc. Outre le fait que cet édifice est présenté aujourd'hui comme le bâtiment le plus écologique au monde, l'intégration des nouvelles technologies représente aussi une opportunité pour améliorer les conditions de travail des salariés.
I. LA VILLE D'ISSY-LES-MOULINEAUX : LA DOMOTIQUE AU SERVICE DE L'AJUSTEMENT DES CONSOMMATIONS D'ÉNERGIE DANS LES LOGEMENTS
A. LES OBJECTIFS
Considérée comme un modèle de « smart city » en France et en Europe, la ville d'Issy-les-Moulineaux 12 ( * ) a très tôt fait le choix d'utiliser les nouvelles technologies numériques dans de nombreux domaines : déchets, e-administration, mobilité durable, etc. En favorisant le développement des services numériques, la ville entendait consolider l'attractivité du territoire. Les investissements consentis dans ce secteur ont permis, en moins de vingt ans, de développer une économie performante et génératrice d'emplois.
Cette orientation en faveur du numérique a également été motivée par une volonté de répondre plus efficacement aux attentes des habitants en matière de services. Dans le domaine de l'énergie, par exemple, la collectivité a déployé un système innovant de domotique dans les habitations. Concrètement, il s'agit de mettre à disposition des usagers un système d'ajustement des consommations énergétiques tenant compte d'éléments externes (météo) ou internes (habitudes de consommation du foyer), afin de réduire le gaspillage énergétique.
* 12 La Ville d'Issy-les-Moulineaux comprend deux quartiers de référence en matière de « smart city » : le Fort d'Issy et l'éco-quartier des bords de Seine.