EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 15 février 2017, sous la présidence de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, la commission a entendu une communication de M. Hervé Marseille, rapporteur spécial, sur la réforme de l'administration sous-préfectorale et les modalités de maintien de la présence de l'État dans les territoires .
M. Hervé Marseille , rapporteur spécial . - Je vais vous présenter brièvement ce gros rapport consacré à l'échelon le plus infime de l'administration générale de l'État que j'ai un peu élargi pour des raisons évidentes à l'organisation territoriale de l'État et, en particulier, bien sûr aux préfectures.
Je souhaite d'abord résumer l'analyse de l'ensemble très fourni des travaux réalisés ces dernières années sur cette thématique, moins pour dresser le bilan de leurs prolongements, qui est très contrasté, que pour en dégager quelques enseignements. Je me réfère notamment aux directives nationales d'orientation des préfectures et sous-préfectures successives.
La multiplication des propositions, des orientations, des annonces me semble trahir un certain désarroi quant au sens même de l'action territoriale de l'État et confirme quelques constantes dans la façon dont la réforme administrative aborde la place du local dans cet édifice.
Je m'en tiendrai à ce dernier point pour faire ressortir que le local, ce qui inclut tout particulièrement les sous-préfectures, est généralement traité comme un résidu, supposé suivre, en plus petit, les modes d'organisation des échelons supérieurs, dans le cadre d'organisations uniformes sur tout le territoire, et dans un contexte d'autonomie limitée au maximum.
Échelon d'exécution des priorités nationales, le local n'est pas traité comme un possible lieu d'invention de ces priorités.
Les travaux que j'ai analysés en détail comporte quelques orientations, souvent vagues, et, à ce titre, sujettes à des allers et retours, d'où se dégagent une propension à abandonner les missions traditionnelles de l'administration générale de l'État au profit de l'ambition de promouvoir un modèle d'administration de mission.
Je crois qu'il faut souscrire à cette tendance tout en veillant à ce qu'elle ne débouche pas sur des abandons de missions régaliennes essentielles et à ce qu'elle soit accompagnée des moyens nécessaires à son expression concrète.
De ce point de vue, j'indiquerai avec plus de détails pourquoi le parcours réalisé jusqu'à présent n'est pas à la hauteur des ambitions. Je rappelle seulement à ce stade les constats que je vous ai présentés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 sur le « Plan préfectures nouvelle génération », le PPNG. Ils faisaient valoir que ce plan poursuivait la trajectoire d'abandon des missions traditionnelles des préfectures, notamment de guichet, sans offrir de vraies perspectives sur le modèle à venir des préfectures de nouvelle génération.
En ce qui concerne le local, il aurait été utile d'inventer des sous-préfectures nouvelle génération mais il faut constater que ce niveau d'administration demeure largement dépourvu de doctrine d'emploi, malgré le foisonnement des travaux consacrés à l'administration territoriale de l'État.
Nous sommes donc face à une crise de conception, mais aussi de statut, du local qui, à l'évidence, exerce des effets particulièrement déstabilisants sur les sous-préfectures. Notre présidente, Michèle André, la mettait déjà en évidence lorsqu'elle avait la responsabilité de ce secteur.
Celles-ci doivent faire face aux hésitations portant sur le sens même de l'État territorial et, du coup, sur les variables clefs de sa gouvernance c'est à dire l'intensité de son engagement, la répartition des ressources entre les missions et le choix du cadre géographique de son expression.
Or, cette crise, qui est aussi une crise des moyens, comme je l'indiquerai, me paraît susceptible de sortir renforcée des réformes intervenues ces dernières années.
Le Sénat connaît bien la RéATE ainsi que la tendance à renforcer l'échelon régional. Ces évolutions peuvent être de nature à éloigner l'État du local. Le possible affaiblissement de l'autorité du préfet de département dont le sous-préfet, faut-il le rappeler, est le délégué n'irait pas dans le sens de la préservation des moyens d'action du sous-préfet et de la faisabilité même des missions exercées par les sous-préfectures.
De la même manière, s'il faut se réjouir des étapes franchies par la décentralisation, il faut admettre qu'elles représentent un défi pour l'administration préfectorale dans son ensemble mais plus particulièrement pour les sous-préfectures. Ce défi est celui d'un double débordement. Un débordement fonctionnel d'abord, compte tenu de la constitution d'échelons décentralisés puissants et en demande d'une expertise que les réseaux d'administration générale de l'État ne recèlent pas toujours, loin de là. Débordement géographique ensuite, du fait d'une série de décalages ponctuels entre les nouvelles aires communales et la carte des arrondissements.
Dans ce contexte, force est de constater un processus continu d'attrition des moyens des différentes composantes du réseau préfectoral.
Il a particulièrement touché les sous-préfectures.
Par ailleurs, les réductions massives d'effectifs n'ont pas reflété le reprofilage des missions du réseau dans sa définition générale et dans ses aboutissements pratiques.
Quelques indications à ce propos.
Entre 2007 et 2016, le plafond d'emplois du programme 307 « Administration territoriale de l'État » qui recouvre les effectifs des préfectures et des sous-préfectures a été amputé de près de 4 000 unités ce qui correspond à une baisse des moyens de 13 %. Même si les données de longue période relatives aux sous-préfectures ne sont pas disponibles avec précision, il apparaît clairement que celles-ci ont été plus particulièrement sollicitées. Elles ont perdu à peu près un cinquième de leurs effectifs et, ainsi, contribué à plus d'un quart des suppressions d'emplois du programme 307.
Je relève incidemment que ces baisses d'effectifs n'ont pas empêché l'augmentation des dépenses de personnel du programme. Elles ont progressé de près de 16 % depuis 2007. Cependant, ces ajustements d'effectifs ont permis de réaliser des économies substantielles de l'ordre de 120 millions d'euros par rapport à une gestion des personnels au fil de l'eau.
S'agissant de la répartition fonctionnelle des suppressions d'emplois, j'indiquerai seulement qu'à son terme, la structure d'emplois des préfectures et celle des sous-préfectures ne reflètent pas les priorités affichées ni les réorganisations intervenues dans les conditions d'exercice de missions traditionnelles du réseau.
Le poids des emplois consacrés à la délivrance des titres demeure très élevé alors que cette mission du réseau est en phase d'extinction. Il est vrai qu'il faut compter avec la charge de traitement des titres étrangers, laquelle suppose une amélioration des moyens. Mais des sur-effectifs importants demeurent au titre des missions de délivrance des titres dont la charge a été externalisée ou reportée, sur les communes notamment.
Quant aux emplois consacrés aux relations avec les collectivités territoriales, il est tout de même remarquable que les sous-préfectures ne consacrent que moins de 10 % de leurs emplois à cette fonction. Compte tenu du nombre de sous-préfectures, cela représente moins de 1,6 ETPT par sous-préfecture. Rapporté au nombre des communes, c'est autour d'un centième d'ETPT par commune.
Malgré une très nette réduction des emplois liés au contrôle de légalité, la centralisation de cette dernière mission, qui a fait l'objet d'une valse-hésitation, est inaboutie. Des effectifs occupés à des tâches peu utiles demeurent en nombre dans les sous-préfectures.
Dans le même temps, les missions de coordination de la sécurité des personnes et des biens ont été privées de beaucoup de leurs moyens tandis que les fonctions correspondant à l'animation des politiques publiques ont un peu renforcé leur poids relatif mais dans un contexte de réductions nettes des emplois correspondants.
Ces évolutions aboutissent à une détérioration de la qualité de la présence de l'État dans le local. J'en donnerai deux illustrations. Supposées contribuer à l'ingénierie territoriale, les sous-préfectures ont dû enregistrer le désengagement de l'État de cette mission avec, vous vous en souvenez, la suppression de l'ATESAT. Par ailleurs, les indicateurs de performance du réseau des sous-préfectures, qui m'ont été communiqués, montrent que pour tous les objectifs celles-ci sont en deçà de la cible, le contingent des sous-préfectures hors cible étant d'autant plus considérable que la mission atteint un certain degré de complexité.
À ces constats préoccupants, il faut ajouter une série d'observations sur l'ancrage des sous-préfectures dans les territoires.
Là aussi les constats ne sont pas très encourageants. De nombreuses sous-préfectures n'ont manifestement pas les moyens d'être des sous-préfectures de plein exercice. Plus de soixante sous-préfectures sur 234 comptent moins de dix ETPT. Selon un rapport rendu à la demande du Premier ministre en juillet 2013, elles n'étaient alors qu'au nombre de 40. Pour un contingent de sous-préfectures représentant plus de la moitié du réseau le nombre d'emplois moyen ne dépasse pas 16. Le quart supérieur des sous-préfectures totalise plus de la moitié des effectifs. On pourrait imaginer que ceci reflète la répartition des communes ou des habitants qui sont deux variables d'importance évidente pour l'administration placée au plus près des territoires. Ce n'est pas le cas. Le nombre des communes par sous-préfecture est très hétérogène. Il en va de même pour le nombre des habitants. Il n'y a pas davantage de correspondances stables entre les effectifs des différents niveaux d'administration générale de l'État, préfectures et sous-préfectures, et les effectifs des différents services de l'État. Dans ce contexte, le niveau des budgets des sous-préfectures appréciés dans le cadre des différentes régions est très inégalitaire tout comme l'effort par habitant que ces budgets extériorisent.
J'évoque d'un mot un problème non mineur qui est celui de la rationalité des emprises immobilières du réseau. Il faut craindre que les bâtiments surdimensionnés et qui appartiennent souvent aux conseils départementaux ne soient mal traités.
Dans ce contexte que faire ?
Je crois qu'il faut réserver un certain intérêt aux formules en développement des Maisons d'accès aux services publics et des Maisons de l'État, mais sans y voir des alternatives crédibles aux sous-préfectures.
Par ailleurs, deux scénarios me semblent à exclure, celui du désengagement du niveau infradépartemental ou, au contraire, celui de l'uniformisation vers le standard le plus élevé des sous-préfectures, dont, d'ailleurs, la définition est peut-être introuvable.
En revanche, je recommande de lier le remodelage nécessaire de la carte des arrondissements avec la reconfiguration des sous-préfectures en direction de véritables administrations de mission.
Cette transformation suppose des moyens.
En ce sens, il pourrait être utile de redessiner la carte des arrondissements en laissant ouverte la possibilité que plus d'une sous-préfecture soit déployée dans des arrondissements élargis.
On a parfois nommé un même sous-préfet à la tête de deux arrondissements dans le cadre d'une formule dénommée « jumelage », ce qui revenait à mutualiser les sous-préfets.
Je pense que la mutualisation des moyens des sous-préfectures, qui, en l'état de la carte des arrondissements, se heurte au principe de l'affectation résidentielle des agents et aux limites de l'arrondissement, serait plus justifiée.
La constitution d'arrondissements élargis la rendrait possible dans le respect des conditions d'affectation des agents.
On a aussi fusionné des arrondissements en supprimant les sous-préfectures, ce qui a pu avoir pour effet d'accentuer la déterritorialisation des services de l'État.
Je préfère des arrondissements élargis conservant leurs sous-préfectures, qui offriraient des possibilités de mutualisation des services et de conciliation entre l'État généraliste et l'État spécialiste.
En effet, ce cadre territorial élargi pourrait s'accompagner d'une diversification des missions confiées aux sous-préfectures de l'arrondissement en respectant un socle de base de représentation locale de l'État auprès des forces vives de proximité.
Cette opération serait l'occasion d'un meilleur appariement de la carte des arrondissements avec celle des regroupements de communes, qui devient urgente.
Mais il faut aussi très concrètement remédier à l'isolement des sous-préfets.
Cela implique de remédier à son isolement dans sa sous-préfecture ce que devrait permettre la transformation qu'il faut effectuer vers des sous-préfectures de mission, des sous-préfectures nouvelle génération.
Un effort très important de repyramidage des effectifs est nécessaire et, avec lui, de formation afin de corriger la situation d'emploi extrêmement atypique de sous-préfectures qui comptent plus de 60 % d'emplois de catégorie C.
Mais cela implique aussi de remédier à l'isolement des sous-préfets dans l'appareil territorial de l'État. En ce sens les liens entre le sous-préfet d'arrondissement et un préfet de département, dont l'autorité, menacée, doit être défendue, doivent être resserrés. Les délégations de missions et de moyens de l'un vers l'autre doivent être plus systématiquement formalisées. Le sous-préfet tant pour l'accomplissement de sa fonction de médiateur que d'animateur du développement local doit pouvoir recevoir un appui constant des services ministériels. Enfin, il me paraît important que la gestion du corps préfectoral assure davantage de continuité d'action au niveau départemental et que la noria permanente des préfets n'oblige pas à redéfinir à haute fréquence les relations du sous-préfet avec celui dont il est le délégué dans le local.
M. Dominique de Legge . - Le constat de notre rapporteur n'est guère réjouissant, mais je le partage. Le rapport porte sur la présence de l'État dans les territoires, mais je suis également de plus en plus préoccupé par la question de son efficacité et de sa parole. Aujourd'hui, le préfet n'a pas, de fait, autorité sur la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dréal). Il n'a pas autorité sur l'Éducation nationale. Il n'a pas autorité sur les services fiscaux. Il n'a pas non plus autorité en matière de santé, puisque cette problématique relève de l'Agence régionale de santé (ARS). On assiste ainsi à un démembrement de l'État, qui s'exprime parfois de façon contradictoire. Or, selon moi, une parole de l'État unique sur les territoires et un préfet doté d'une véritable autorité sur ses services déconcentrés seraient indispensables.
Deuxième élément de réflexion, la question des ressources humaines et de leur gestion. Le préfet n'a pas autorité sur les personnels des services déconcentrés de l'État. S'il veut muter un agent d'un service vers un autre, cette mutation doit être décidée par l'administration centrale : ce système manque singulièrement de souplesse.
Permettez-moi de vous faire part d'une anecdote qui, à mon sens, est très révélatrice des dysfonctionnements de l'action des services déconcentrés de l'État. Je suis en train de réviser le plan local d'urbanisme de ma commune. Soucieux de respecter les procédures, j'ai averti le sous-préfet de mon arrondissement de cette démarche. J'ai reçu au bout de quinze jours une lettre du préfet m'avertissant que la procédure que j'avais engagée était potentiellement nulle parce que je n'avais pas saisi l'État. Je lui ai fait observer que je m'étais adressé au sous-préfet et lui en ai apporté la preuve. Il m'a répondu que c'était lui que j'aurais dû saisir, que je devrai lui adresser l'ensemble du dossier à la fin de la procédure et que je pourrai, si je le jugeais utile, en informer le sous-préfet ! Il y a urgence à ce que l'État soit présent sur nos territoires mais avec une véritable autorité sur l'ensemble des services et une parole unique.
M. Marc Laménie . - Ce rapport pose très précisément la question du devenir des petites sous-préfectures et du périmètre des arrondissements. Alors que les relations avec les collectivités territoriales étaient au coeur des missions des sous-préfets, les élus locaux constatent de plus en plus que c'est à la préfecture qu'il faut désormais s'adresser pour faire avancer les dossiers, ce qui s'explique sans doute également par la dématérialisation de nombreux actes administratifs. Du coup, il convient probablement de s'interroger sur le seuil, en nombre de communes ou en nombres d'habitants, à partir duquel la présence d'un sous-préfet permet véritablement d'assurer la présence de l'État sur les territoires, pour les élus et leurs collaborateurs, mais également pour les particuliers.
M. Francis Delattre . - J'aimerais parler d'un problème de plus en plus criant dans mon département : celui de la saleté des autoroutes non concédées, dont l'entretien est une mission assurée par l'État. Lorsque cette saleté devient insupportable près de ma commune, je fais placer un panneau « appeler la préfecture », ce qui provoque immanquablement l'apparition de camions de la direction des routes d'Île-de-France (DiRIF) qui commencent par enlever la signalétique ! La saleté des autoroutes est dangereuse parce que lorsqu'il y a des orages, l'eau s'évacue mal, ce qui provoque « aquaplannings » et embouteillages.
D'où vient le problème ? Il n'y a plus assez d'ingénieurs dans les directions départementales des territoires, qui sont désormais peuplées de « contrôleurs » chargés de vérifier le respect de la réglementation, par exemple en matière de logements sociaux. Nous aurions besoin des ingénieurs de l'État dans nos territoires au lieu de les concentrer au ministère à la Défense où, nous dit-on, ils sont trop nombreux !
Il est très difficile aujourd'hui de trouver à la préfecture le bon interlocuteur pour travailler sur les dossiers. En outre, une autre ségrégation est en train d'apparaître : les dossiers importants sont traités par la région, très loin du terrain !
M. Antoine Lefèvre . - La réorganisation des sous-préfectures vise essentiellement à maintenir des symboles, ce qui est important en milieu urbain, mais surtout en milieu rural. Mais, lorsque l'on constate que les sous-préfectures ne comptent plus parfois que quelques agents alors qu'elles représentent un important patrimoine immobilier à entretenir, il paraît évident qu'il convient de procéder à une rationalisation de notre réseau.
La réduction du nombre d'agents opérée ces dernières années peut poser des difficultés en termes d'astreintes la nuit et le week-end, prenons garde de ne pas oublier cette contrainte.
M. Michel Bouvard . - Thierry Carcenac et moi-même, qui sommes rapporteurs spéciaux du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », allons regarder avec attention les conclusions de notre collègue relatives au patrimoine immobilier des sous-préfectures.
Je souhaite tout d'abord aborder un sujet que j'évoque systématiquement lors des réunions avec le préfet évaluateur dans mon département, lorsqu'il vient évaluer le sous-préfet : celui du classement des sous-préfectures en première et deuxième catégorie. Ce classement repose uniquement sur des bases démographiques et ne reflète pas, dans bien des territoires, l'activité réelle de la sous-préfecture. Dans un arrondissement qui compte 42 000 habitants mais 160 000 lits touristiques, une vingtaine de stations de sport d'hiver avec les problèmes de sécurité qui relèvent de l'État, proche d'une zone frontière, avec une quinzaine d'établissements classés Seveso, la situation n'est pas la même que dans un arrondissement comptant le même nombre d'habitants mais situé dans une zone exclusivement rurale. Le classement actuel des sous-préfectures pose clairement problème et pourtant, personne ne le modifie.
Hervé Marseille relève à juste titre la disparition de l'ingénierie publique, qui est liée à la problématique de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) qui a été mise en oeuvre sous le précédent quinquennat. Elle a provoqué un éloignement des territoires de ceux qui ont la capacité de définir la position de l'État sur les sujets sur lesquels celui-ci doit exercer son contrôle. Le sujet de la relation avec la Dréal est bien connu dans les territoires de montagne, puisqu'on nous oppose parfois sur des dossiers des impossibilités matérielles qui n'existent pas sur le terrain. Il faut une stabilité des personnels et une spécialisation qui n'existe plus parce que les regroupements d'administrations ont provoqué des pertes de compétences.
Enfin, je souhaitais évoquer le problème de l'application homogène de la loi sur l'ensemble du territoire, en prenant un exemple bien connu de l'ensemble des élus de la région Auvergne-Rhône-Alpes, celui de l'instruction dans les sous-préfectures des dossiers relatifs à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et au Fonds de soutien à l'investissement local (FSIL).
Notre préfet de région a décidé qu'on ne pouvait pas cumuler les soutiens du FSIL et la DETR, alors que le Gouvernement avait pris l'engagement contraire en séance publique et qu'une circulaire du Premier ministre l'avait confirmé. Pour que les sous-préfets et les préfets de la région cessent de nous répondre que ce cumul était impossible, il a fallu que nous remontions au plus haut niveau de l'État pour avoir une instruction précise du ministre chargé des collectivités territoriales, qui a dû menacer de procéder à des inscriptions d'office. Ces distorsions en fonction des territoires dans l'application d'un même texte ne sont pas acceptables. Cette situation résulte de l'éloignement des centres de décision et de la concentration des pouvoirs au sein des préfectures de région.
M. François Marc . - Je remercie le rapporteur spécial pour les précisions apportées, qui sont cohérentes avec ce que nous disait déjà Michèle André lorsqu'elle avait suivi ce dossier. Je pense que nous aurons un point d'accord général dans cette commission sur le fait que les services des préfectures et sous-préfectures ne peuvent plus être amoindris, compte tenu des services qu'il leur est demandé de rendre. Il importe de préserver les capacités de service et de dialogue de proximité.
Mais comment faire, sachant qu'il y a une raréfaction des moyens budgétaires et humains ? Des propos du rapporteur, j'ai compris qu'en dépit d'une baisse des effectifs des préfectures et sous-préfectures, les moyens budgétaires de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » avaient progressé de 16 % au cours de ces dix dernières années. Comment optimiser les moyens humains de l'État ? Existe-t-il un diagnostic des moyens humains disponibles à redistribuer ? La commission des finances peut-elle faire des propositions précises à partir du constat établi afin d'améliorer le sort des territoires ?
M. Jacques Genest . - Tout d'abord, je partage tout à fait les propos du rapporteur spécial et de mes collègues. Le rôle de l'État dans les territoires est de plus en plus difficile à appréhender. En tant que défenseur de la ruralité, je défends bien sûr les sous-préfectures. Mais aujourd'hui certaines n'ont que quelques agents et si le personnel qualifié partant à la retraite n'est pas remplacé, cela ne servira plus de les maintenir, à moins que le sous-préfet ou la sous-préfète ne se limite à des visites protocolaires
Il faut redéfinir le rôle exact des sous-préfectures. Je suis élu rural depuis plus de trente ans, j'ai vu changer leur rôle. Il faut conserver ces sous-préfectures mais nous n'échapperons pas à une rationalisation : elles doivent être maintenues dans les territoires ruraux, peu denses démographiquement pour enrayer ce sentiment réel d'abandon par l'État éprouvé par ces territoires.
Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec Michel Bouvard à propos de la DETR et du FSIL mais le préfet de la région Auvergne-Rhône Alpes va être promu.
M. Bernard Delcros . - Je souhaite insister sur le rôle que peuvent jouer les sous-préfectures en milieu rural. Il est beaucoup question du maintien des services publics en milieu rural. Certes, les services ne peuvent pas être identiques à ce qui existait hier et nous ne pouvons pas nous arcbouter sur des schémas du passé. Il y a de nombreux transferts vers les collectivités territoriales, notamment à travers les maisons de service au public et les maisons de santé. Je continue de penser que les sous-préfectures ont un rôle majeur à jouer auprès des élus ruraux, qui sont souvent démunis devant la complexité des réglementations, même si l'on doit, sans doute, les réorganiser et les faire évoluer.
Mme Marie-France Beaufils . - Je partage très largement le constat du rapporteur spécial Hervé Marseille à propos de l'organisation préfectorale et des sous-préfectures. Nous avons, en effet, atteint la limite de la réduction des moyens, sinon les sous-préfectures ne pourront plus accompagner les élus locaux dans leurs démarches. Il faut aussi que les préfets et sous-préfets puissent avoir à leur disposition les services de l'administration centrale. Lors des inondations du printemps dernier, il y a eu une forte mobilisation des services de l'État mais les moyens des directions départementales des territoires ont été tellement affaiblis qu'il existe aujourd'hui des fragilités dans leur accompagnement des collectivités. Je rejoins tout à fait Michel Bouvard : nous avons constaté, dans certains cas, des insuffisances de connaissance de la réalité du terrain. Je souhaiterais d'autant plus alerter que, sur ces questions de prévention des risques d'inondation, les conseils départementaux sont en train de se désengager car ils n'ont plus la compétence générale. Les communes risquent donc de se retrouver très vite seules pour gérer ces questions.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le rapporteur spécial a-t-il pu chiffrer les économies sur le réseau préfectoral résultant de la réforme de la carte des régions ? Le regroupement des services préfectoraux conduit-il à des économies ou bien y a-t-il création de doublons ?
M. Hervé Marseille , rapporteur spécial. - Je remercie tous les collègues qui se sont exprimés et je partage largement leurs conclusions, fondées sur le vécu. Il y a eu des réformes territoriales importantes ces dernières années - la loi MAPTAM, la loi NOTRe - et de vastes mouvements de compétences entre les régions, les départements, les métropoles, les communautés d'agglomération etc. Il est vrai qu'il n'y a eu, à ce jour, quasiment pas d'économies réalisées en dépit de ces transferts. On le voit bien s'agissant des personnels : comme François Marc l'a rappelé tout à l'heure, il y a eu une baisse sensible des effectifs mais les budgets ont augmenté en raison des promotions et de l'alourdissement du coût des pensions de retraite.
Il y a eu des mouvements pyramidaux vers la préfecture de région ; les sous-préfets sont en quelque sorte à la croisée des chemins. Parfois les territoires résistent aussi ; ainsi, le mouvement a été jusqu'ici difficile et assez limité.
On doit pouvoir améliorer l'efficience du réseau par l'approfondissement des mutualisations, en s'adaptant à la nouvelle carte territoriale. Il existe de nouveaux périmètres qui ne correspondent pas nécessairement à la carte des arrondissements. Il est vrai que de nombreuses sous-préfectures sont aujourd'hui complètement démunies, squelettiques et n'ont plus que l'apparence d'une sous-préfecture. C'est l'objet de ma proposition de créer des arrondissements élargis. Cette adaptation aux territoires prendra sans doute du temps ; d'ailleurs le mouvement territorial n'est pas terminé. Mais il faut maintenant redimensionner la présence de l'État dans les territoires.
La qualité de la parole de l'État est primordiale ; lorsque les personnels n'ont pas les compétences pour répondre cela est dommageable. Même dans mon département, pourtant francilien, le préfet peut s'inquiéter de certaines disparitions de compétences.
J'appelle l'attention sur la nécessité d'être souple. Dans une zone urbaine métropolitaine, la présence de l'État n'a pas la même signification qu'en Ardèche ou dans le Cantal. En région parisienne, c'est la préfecture de région qui a tendance à tout polariser - les préfets de département faisant presque office de sous-préfets - tandis que dans les secteurs ruraux, il y a encore besoin de cette proximité. Tout cela doit aussi permettre de réaliser des économies en matière d'immobilier.
Mme Fabienne Keller , présidente . - Nous vivons des regroupements de sous-préfectures en Alsace, ce qui n'est pas forcément négatif car on y a est jamais loin d'une grande ville. Ne pourrions-nous pas imaginer une nouvelle organisation de l'État du XXI e siècle, où celui-ci serait plus fort dans les territoires peu denses et moins présent dans les territoires plus densément peuplés ?
La commission a donné acte de sa communication à M. Hervé Marseille, rapporteur spécial et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.